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Printemps-Eté 1460, Journal de voyage d'Azylys, de Toulouse à la Bretagne et inversement.

[RP] Chroniques d'une épopée : 70 jours en ballon

Azylys


Journal de voyage, jour 1 : Comté d’Armagnac et Comminges, Muret


La brune calle bien le parchemin contre elle, mordille la plume, elle cherche ses mots.
Que dire de cette journée ? Elle se perd un peu dans ses pensées, retrouve son chemin, le perd de nouveau.
Elle tourne la plume entre ses doigts, passe une main sur son ventre rond, espérant peut-être que le bébé lui souffle un bon début…
Enfin, elle sourit, elle a trouvé.




Toulouse me semble déjà loin, pourtant je viens seulement de la quitter.

Le voyage s’est passé sans heurts, sans incidents, j’étais perdue dans les étoiles qui brillaient comme jamais et je n’ai sûrement pas dû voir le temps passer.
J’ai pensé à ce que je laissais à Toulouse, à ce que cette ville représentait pour moi et à ce que j’y laissais.
Je n’ai pas vraiment eu le choix, mais il fut pourtant difficile. Je suis partie, je l’ai fait.
J’ai eu du mal à le croire au départ, tant le début de cette aventure avait tardé à venir, tant je croyais ne plus devoir espérer l’attendre encore.
Et pourtant Lam et Cleo m’ont menée à bon port, et je les en remercie.

Je suis arrivée à Muret juste à temps pour contempler le lever du soleil, que je n’avais pas eu l’occasion de voir comme ça depuis des mois. Ça sert les voyages finalement…
J’ai trouvé le groupe de mes amis sans peine et je les ai rejoints.
La matinée je l’ai passée à dormir, comme ça arrivera souvent durant mon épopée je le pense.
Ensuite j’ai visité un peu Muret, c’est joli, très animé le soir, j’ai compté cinq tavernes !

Que dire de plus sinon que je reprends la route ce soir, et que cette fois le vrai périple commence.
J’ai pensé à écrire aux Toulousains et j’espère que ceux qui ont reçu mes lettres donneront de mes nouvelles aux autres.
Je pars un peu à l’aventure, Thais et Gael seuls savent où nous allons et je les laisse mener la danse.

Que le vent me porte où me guideront les pas du destin, tant qu’il reste les étoiles au-dessus de moi, je suis partout chez moi.


La belle pose sa plume, relit, cherche ce qu’elle aurait pu rajouter.
Elle n’a pas parlé du bébé, c’est vrai. Tant pis, elle en parlera demain. Il est temps de lever le camp.
La brune ferme son carnet, se lève, attache son sac au harnachement de sa jument. Elle se hisse en selle et se serre dans sa cape.
Le vent se lève, la nuit sera peut-être fraiche. Azylys effleure le pendentif autour de son cou, l’onyx veille sur elle, elle est en sécurité.
Un claquement de langue et la jument part rejoindre le groupe, laissant derrière elle la forêt muretaine.
Tiens, ça y est, elle y pense, il faudra qu’elle fasse une liste des noms d’habitants les plus insolites, ça sert toujours…
Azylys


Journal de voyage, jour 2 : Comté d’Armagnac et Comminges, Auch


La brune hésite à poser la plume sur le papier.
Elle a pensé à quelque chose durant la route cette nuit, elle a déjà oublié quoi.
Qu’avait-elle dit qu’il fallait écrire déjà ?
Elle regarde autour d’elle, comme si le verger allait lui souffler la réponse.
Comme chaque fois qu’elle se perd dans ses pensées, elle passe doucement la main sur son ventre rond.
Illumination, il faut qu’elle mette la date cette fois.




Aujourd’hui 11 Mai 1460, je suis arrivée dans la ville Auscitaine au lever du jour.
Je crois que cette fois le nom des habitants entre vraiment dans le top des plus insolites. Peut-être tout de même derrière les Chauriens de Castelnaudary, les Licérois de St-Liziers et bien sûr les Fuxéens de Foix. Enfin, cette étude terminée reste le reste : six tavernes mais moins fréquentées le soir que celles de Muret, enfin, ce soir fait peut-être exception, c’est possible aussi.

Bref, toujours est-il que je suis bien arrivée à Auch, la route était calme, toujours pas de soucis, les étoiles sont toujours les mêmes et la nuit me parait toujours aussi belle. On a tous le même ciel après tout.
Le bébé va bien aussi, et nous tenons le coup tous les deux. Il faut croire que dormir toute la matinée nous va bien à tous les deux ! Deux nocturnes, ça promet…

J’ai pris le temps d’écrire aux toulousains, qui me manquent tout de même, bien sûr.
La soirée, je l’ai passée en taverne cette fois, j’ai eu le temps de retrouver Thais et Gael, si longtemps que je ne les avais pas vus !
J’ai aussi rencontré un chevalier de huit ans avec son épée en bois qui cherchait une princesse. Il voulait que l’enfant que je porte soit une petite fille pour qu’elle devienne une princesse. Il a passé la soirée avec nous et je lui ai appris à jouer aux osselets. Il me rappelle un peu Jehan… Du coup je les lui ai donnés ces osselets pour qu’il puisse jouer avec autant qu’il voudra, jusqu’à réussir ce jeu d’adresse et de rapidité.
Un jour j’apprendrai ce jeu à mes enfants, c’est promis !

Un peu de hasard, beaucoup d’aventures, de belles rencontres, il me plait déjà ce voyage !


Azylys essuie sa plume, la range avec précaution, ferme son carnet.
Doucement elle se relève, la nuit tombe déjà.
Elle siffle sa jument qui accourt, se hisse en selle, regarde les étoiles qui commencent à apparaitre avec un sourire. La nuit promet d’être belle.
Au pas, la brune et sa jument sortent du verger auscitain.
Demain est un autre jour, peut-être plus magique encore…
Azylys


Journal de voyage, jour 3 : Comté d’Armagnac et Comminges, Eauze


Azylys regarde le verger autour d’elle.
Elle a trouvé une position bien inconfortable pour écrire ce soir.
La nuit est déjà tombée depuis longtemps et elle observe les étoiles avec un léger sourire.
Elle sait qu’à des lieues de là, quelqu’un fait peut-être la même chose.
Se fiant seulement à la lumière lunaire, elle pose le carnet à côté d’elle pour continuer à écrire.
Allongée dans l’herbe avec son gros ventre rond, ce n’était peut-être pas la meilleure des solutions.
Elle passe doucement la main sur son ventre, cherchant ses mots sûrement.
Un sourire illumine alors son visage, le petit loup ne dort pas, il vient taper doucement au creux de sa paume.
Déjà attendrie, elle se replonge dans ses écrits quotidiens.




En ce 12 Mai de l’an 1460, je me trouve désormais à Eauze, toujours en Armagnac et Comminges.
Toujours pas de mauvais temps en vue, il faut croire que nous avons bien choisi notre période pour voyager.
Après les pluies et avant les grosses chaleurs, je ne pouvais pas tomber mieux.

Eauze est je pense une petite ville, trois tavernes, un verger et je n’ai pas croisé d’Elusates.
Je crois que ces habitants-là rentrent aussi dans le classement des plus insolites.
Il faut dire que je ne les ai point cherchés non plus, je n’ai pas mis les pieds en taverne de la journée.
La matinée, j’ai dormi bien évidemment. Je commence à m’y faire : voyager la nuit, dormir le jour…
Cet après-midi j’ai préféré flâner un peu dans le verger et j’y suis encore ce soir.

Les étoiles sont si belles ce soir…
Est-ce parce que j’ai l’impression que quelqu’un les regarde du comté de Toulouse en pensant à moi ? Je ne sais.
Je tourne encore cette fleur entre mes doigts et je relis mille fois ces mots. Que dire de plus sinon que je les relirai encore et encore d’ici demain.

Il se fait tard et nous allons reprendre la route.
Le chemin est encore long, malgré que nous allions simplement au gré de nos envies et de nos folies.
C’est fou ce qu’une fois partis on a envie de tout voir, de tout découvrir, d’aller partout.
J’ai peut-être enfin trouvé cette folie du voyage que je ne comprenais pas, qui sait…

Que le ciel continue longtemps encore à guider mes pas, la route en vaut la peine.


La brune ferme son carnet, lève les yeux vers les étoiles et s’y perd encore avec un sourire.
Fermant les yeux, elle porte encore une fois la fleur à ses lèvres et en hume le parfum.
Allez, il est temps, la route est encore longue.
Elle se relève, siffle sa jument, se hisse en selle. Elle rabat sa cape sur ses épaules, attrape les rênes et rejoint le groupe.
La belle se plonge de nouveau dans le ciel en souriant et se fond dans le moiré de la nuit au rythme du pas des chevaux, elle n’est déjà plus qu’une silhouette à l’horizon.
Azylys


Journal de voyage, jour 4 : Duché de Gascogne, Mont-de-Marsan


La brune est encore dans un verger, celui de Mont-de-Marsan désormais.
On le lui a conseillé, alors elle est venue s’y promener, le temps de faire le tour, de choisir son arbre et de sortir son carnet.
Elle tourne les pages déjà écrites, cherche de nouvelles idées, sourit en repensant à tout ce chemin déjà parcouru.
Que Toulouse et son départ lui semblent loin déjà !
La plume est posée sur le papier, les premiers mots entrainent les autres, elle a tant à dire…




Aujourd’hui, 13 Mai 1460, j’ai bien cru que la journée allait être des plus ennuyantes.
Nous avons passé la frontière durant la nuit et nous sommes arrivés pour le lever du soleil en terre gasconne, dans la capitale : Mont-de-Marsan.
La mauvaise surprise de la journée n’a pas tardé, la sergente a pris le temps de nous écrire pour nous expliquer qu’en raison d’une alerte, nous ne pouvions rester en Gascogne plus de 24h.
Je n’ai vu la missive qu’à mon réveil, en début d’après-midi, et je me suis empressée de lui répondre pour essayer de trouver une solution au problème.
Du coup, j’ai passé l’après-midi entier en taverne en espérant la croiser, en vain.

Mais comme le hasard fais toujours bien les choses, il a placé sur ma route le tribun de la ville qui avec un grand sourire m’a dit de m’adresser au prévôt.
Ce que j’ai fait, bien entendu, et j’ai réussi à obtenir un laissez-passer pour une semaine !
Comme quoi il n’y a pas de problème, que des solutions…

Je crois que j’ai vraiment attrapé ce que j’appelais le ‘virus’ du voyage.
Moi qui pensais y être insensible, il a fini par me rattraper moi aussi… comme quoi tout est possible…
Finalement c’est peut-être ça le secret du voyage : partir et aller là où le hasard nous mène, fonctionner au coup de cœur, faire ce que l’on veut et vivre de folies.
Ça commence à me plaire vraiment…

Bref, pour conclure de Mont-de-Marsan, c’est une petite ville peu peuplée mais qui compte quand même cinq tavernes !
Pour voir les Montois et les Montoises, il faut arriver au bon moment, ils ne sortent qu’après le coucher du soleil !
A part cela, le hasard a encore placé sur mon chemin une belle rencontre, insolite aussi.

Je me demande parfois s’il n’y a pas plus de personnes qui parlent breton qu’occitan dans les provinces du sud…
Et pour cause ! Le tribun en question, qui est une montoise depuis très longtemps, était bretonne !
Décidément ils sont partout, j’en croise dans tous les comtés et duchés que je traverse !
J’ai parlé avec elle une bonne partie de l’après-midi, elle m’a appris une chanson en breton, qui est très belle mais tellement triste.
Enfin, j’ai beau l’avoir écrite, j’arrive pas à la lire à voix haute, c’est trop compliqué le breton.
Elle a confirmé les dires de Mizar aussi, pour bien parler breton il faut être ivre !
J’ai également appris aujourd’hui que Gael est breton aussi, quand je dis que je suis entourée de bretons ! Y’en a partout !

Sur ce je reprends la route, qui promet d’être semée de bretons.
Il faut être très prudente et toujours sur ses gardes, car ils sont partout…


La belle sourit en fermant le carnet, se lève et monte en selle, on l’attend.
Soudain un rapace, qu’elle ne connait que trop, lui apporte une missive.
Un sourire illumine son visage, elle la prend, la serre contre son cœur.
Vivement demain…
Azylys


Journal de voyage, jour 5 : Duché de Gascogne, Labrit


La brune trempe la plume dans l’encre avec un sourire, elle a retrouvé le calme de la forêt, ses ombres, ses silences, ses jeux de lumière et ses mystères.
Elle s’y sent à l’aise, plus que dans la taverne en tout cas.
Elle pose la plume sur la page du carnet, s’applique en souriant.
C’est toujours quand elle essaie de se concentrer que le petiot vient taper doucement dans son ventre.
Il aime peut-être pas quand maman réfléchit, qui sait…




En ce soir du 14 Mai 1460, la petite ville de Labrit m’offre le couvert de sa forêt pour quelques minutes encore.
Petite ville mais qui compte tout de même cinq tavernes, tavernes fréquentées qu’après le coucher du soleil, bien entendu.
J’ai trouvé les Labritois sympathiques, ils m’ont beaucoup rappelé mon comté natal.
A partir du moment où ils sont deux en taverne, ça discute politico-militaire et j’en passe, on dirait Toulouse !
Apparemment la défense est pas trop satisfaite du système, comme par chez moi et ils ont certains problèmes d’animation, comme lorsque j’étais à Foix.
De quoi me rappeler mon bon vieux comté toulousain !
En tout cas je n’ai pas compris grand-chose à leur discussion, et la forêt m’a semblée plus calme pour finir ma soirée.

Demain sera un grand jour, demain nous arrivons à la côte, demain je verrai la mer. Je n’ai jamais vu la mer.
J’ai grandi dans le comté de Toulouse, je viens à peine d’en sortir et la plus grande étendue d’eau que je connaisse c’est le lac toulousain.
Demain je verrai la mer, les vagues, tout ce qu’un jour on m’a raconté et qu’aujourd’hui je vais enfin pouvoir voir de mes propres yeux.
J’ai hâte d’être demain ! Et, qui sait, peut-être que demain je prendrais un bateau…


La brune regarde la forêt autour d’elle presque avec appréhension, si elle prend un bateau elle ne sera plus en forêt pendant un bon bout de temps…
Elle aurait aimé grimper aussi, mais elle ne peut pas.
La belle se résigne, le temps viendra où elle regrimpera en haut des cimes, il faut être patiente, chaque chose en son temps.
Et là il est temps de mettre les voiles, pour voir la mer…
Azylys


Journal de voyage, jour 6 : Duché de Gascogne, Mimizan


La brune ne parvient pas à détacher son regard de l’horizon.
Elle regarde les bleus se confondre, elle regarde la mer et le ciel ne former plus qu’une immensité d’azur sans limites.
Presque à regret, elle parvient à baisser les yeux sur son carnet.
Elle a tant appris durant cette journée…
Comment raconter ce qu’elle a vu, comment coucher sur le papier ce qu’elle n’a cessé de contempler toute la journée…
Azylys laisse sa plume dériver au gré de ses pensées, il faut bien essayer pourtant…




15 Mai 1460, Mimizan. Nous avons atteint le premier objectif de notre voyage.
Nous avons rejoint la mer, et Mimizan par la même occasion.
J’ai l’impression d’être dans un autre comté, un autre monde.
Je me suis promenée dans la ville en essayant de compter les tavernes comme je le fais toujours.
J’en ai compté douze, je me suis dit que c’était impossible et que j’avais dû faire deux fois le tour, j’ai recompté, une fois, deux fois, trois fois. Il y a réellement douze tavernes à Mimizan.
Les Mimizannais sont très nombreux, le marché est plein à craquer, on trouve de tout à Mimizan.
Des poissons en veux-tu en voilà, du pain à tous les coins de rue, des étoffes, des vêtements, objets, outils, produits de luxe et j’en passe.

J’ai fait un tour au port aussi, j’ai compté cinq bateaux à quai.
Certains sont immenses, d’autres en construction encore, il y en a partout, avec des noms fabuleux, de vraies merveilles.
Nous ne savons pas encore si nous prendrons un bateau, peut-être qui sait, nous aimerions tellement.
Outre le port, je suis passée voir le lac de Mimizan, car la ville a non seulement la mer mais aussi un lac.
Ce soir c’est quartier libre, alors je pêcherais peut-être…

Mais plus important que toutes les choses plus belles les unes que les autres que j’ai pu contempler ici, la plus belle des merveilles, la plus belle de mes découvertes, si nombreuses aujourd’hui pourtant, c’est la mer.
On m’en avait souvent parlé mais je ne l’avais jamais vue.
La réalité est mille fois plus magnifique, plus hypnotique peut-être, que tout ce que l’on pourrait rêver, imaginer ou même entendre raconter.
Quand je suis arrivée ce matin, il était très tôt et le jour allait se lever.
J’ai pressée Brume vers le port puis au-delà.
Je suis descendue de cheval presque précipitamment. Et j’ai attendu.
J’ai vu poindre à l’horizon des rayons d’ambre, j’ai vu de l’eau, de l’eau partout, aussi loin que portais mon regard, rien que de l’eau partout à l’horizon, si loin qu’on n’en voyait pas la fin.
J’ai vu cette eau se parer de reflets de feu, on aurait dit que tout l’horizon s’enflammait, que tout autour de moi n’était que de l’or. De l’or mouvant, de l’or liquide, si doré, si pur.
Et le soleil s’est élevé doucement sur cette mer d’or, il était rouge comme le sang, puis orange comme les fruits, puis ambré comme de l’or.
Il n’y a rien de plus beau au monde qu’un lever de soleil sur l’océan.
Je ne l’oublierai jamais.

Quand le soleil était levé, je me suis levée aussi et j’ai marché jusqu’à l’eau.
J’aurais aimé courir mais je ne pouvais pas.
J’ai regardé ce qu’on appelle les vagues rouler doucement comme quand le vent souffle sur le lac toulousain et venir s’échouer à mes pieds.
Elle était froide ! Si froide qu’elle m’a fait frissonner, mais si j’avais pu y plonger, je l’aurais fait sans hésiter.
Tout était liquide autour de moi tout était mouvant.
J’avais les pieds enfouis dans ce qu’on m’a dit être le sable et je regardais l’horizon.
Il était loin, si loin ! C’était une ligne bleue, qui semblait séparer le ciel et l’océan, la dernière limite entre deux bleus pas tout à fait identiques mais aussi beaux l’un que l’autre.
Et à l’heure où j’écris ces lignes, ces deux bleus se confondent.

Je suis restée sur la plage toute la journée.
On m’a dit qu’il y avait d’autres merveilles à découvrir mais chaque chose en son temps.
Elles attendront bien jusqu’à demain, aujourd’hui je n’ai d’yeux que pour la mer.
Ce soir je resterai encore là, allongée sur le sable.
Je veux voir les étoiles briller sur une mer d’ombres.
Elles sont mille fois plus belles ici que nulle part ailleurs.
Elles brillent plus fort, elles sont plus blanches, c’est de la lumière pure, comme si on avait dispersé dans le ciel de petites lucioles, des fragments de lune. Tout parait si magique ici…
Je sais qu’il me reste encore mille choses à découvrir demain, et que la journée sera longue.
Je me coucherai au milieu de la nuit, je me lèverai très tôt, et je reviendrai ici contempler encore le lever du soleil.
Après, c’est promis, j’explorerai ce nouveau monde.


Azylys ferme son carnet, tourne de nouveau son regard vers l’horizon.
L’immensité s’offre à elle, l’infini la défie. Et Dieu sait qu’elle aime les défis…
La belle sourit, se perd dans ses rêves, une main posée sur son ventre rond.
Elle sait que le petit ressent ce qu’elle ressent, elle sait qu’il aura davantage voyagé avant de voir la lumière du soleil que tant d’autres ont pu voyager dans leur vie entière. Elle est fière de lui offrir ces moments.
La brune s’imprègne tant de la magie du lieu qu’elle en retrouve le goût des folies.
Si…si un jour…si un jour elle s’installe au bord de l’océan…c’est décidé…elle construira un bateau…le plus beau des bateaux, le plus solide, le plus mystérieux…elle le créera à son image et elle partira sur la mer d’or, vers l’infini…
Azylys


Journal de voyage, jour 7 : Duché de Gascogne, Mimizan


La brune approche un peu plus la lanterne de la page de son carnet.
Autour d’elle les voiles claquent au vent, le bois grince un peu, la coque tangue tout doucement dans un roulis continu.
Elle n’a pas été malade, elle ne le sera donc heureusement pas durant la traversée, c’est une bonne chose.
Par contre, écrire est tout de même plus difficile et l’équilibre qu’elle perd au fil des mois lui fait un peu défaut.
La belle se concentre, pose la plume sur le papier, trace rapidement les lettres.




Aujourd’hui, 16 Mai 1460, nous en sommes au septième jour de notre périple.
J’ai quitté Toulouse depuis à peine une semaine, et j’en ai tant vu, tant appris en ce laps de temps si court que j’ai l’impression d’être partie il y a déjà des mois.
J’ai ce sentiment bizarre de vivre plus vite, plus intensément peut-être depuis mon départ. Les jours se succèdent mais se ressemblent peu.
Il n’y a pas de routine, on ne croise jamais deux fois les mêmes visages, les mêmes lieux. Chaque aube est une nouvelle naissance.
Voilà que le virus du voyage s’est totalement emparé de moi, je vais finir par devenir accro si ça continue…

Ce matin je me suis levée très tôt et je suis retournée sur la plage.
J’ai attendu comme hier que le soleil se lève, et j’ai regardé encore ce soleil d’ambre ce lever sur cette mer de feu. Je ne m’en lasse pas.
J’ai exploré ce nouveau monde toute la matinée.
J’ai vu des petites bêtes pleines de pattes avec une grosse carapace et des pinces, ça s’appelle les crabes apparemment.
J’ai vu des coquillages, petits ou gros, ronds ou effilés, je n’en avais jamais vu des comme ça.
J’ai pêché un drôle de poisson qui ne ressemble en rien à ce que je harponne à Toulouse, on appelle ça un congre.
J’ai trouvé aussi des escargots de mer, avec une coquille plus pointue et effilée que leurs cousins terrestres.
Mais pour autant je n’ai pas eu le temps de tout voir, car une autre surprise m’attendait.

Juste le temps de voir un pigeon arriver et de saisir la missive qu’il m’apportait pour que le cours de la journée bascule.
C’était les instructions de Gael pour la suite du voyage, il fallait prendre un bateau.
J’ai rassemblé mes affaires et je suis partie vers le port.
J’ai croisé beaucoup de bateaux avant de trouver le bon : L’Etoile céleste. C’est un bon présage pour la suite de notre épopée je pense…
C’est un bateau énorme, presque un des plus gros.
Gael, qui a déjà été capitaine, m’a expliqué l’ordre, les plus petits sont les foncets, puis les cogues marchandes, puis les naves et enfin les naves de guerre pour les plus gros.
Il s’est avéré que L’Etoile était une nave, donc un bateau immense.
J’en ai exploré le pont et le mess tout l’après-midi.

Il s’est avéré aussi que ce bateau, en partance pour Vannes, comptait quasi-exclusivement des bretons.
Je me retrouve donc encerclée d’une demi-douzaine de bretons en partance pour leur terre natale.
Point positif : à l’arrivée j’aurais au moins enrichi mon vocabulaire breton.
Bref, j’ai envoyé une missive à Karadoc, qui n’est toujours pas arrivé à Vannes mais stagne à Bordeaux faute de bateau.
Finalement je serais peut-être arrivée en Bretagne avant lui…
Les bretons m’ont aussi posé un sacré cas de conscience qui mérite réflexion. Et si j’avais du sang breton ?
Gael soutient que j’ai un tempérament breton, que mon prénom vient peut-être du prénom breton ‘Azyliz’.
Il est vrai aussi qu’instinctivement j’ai choisi Kilian comme prénom si le bébé est un garçon, or c’est un prénom breton.
Moi qui ne sais rien de mes origines, ça m’a retournée quand même.
Ce n’est pas parce que je suis née en comté toulousain que mes parents venaient forcément de là.
On ne saura jamais, mais il se pourrait que sans que je le sache, le sang breton coule dans mes veines…


Azylys ferme son carnet et se hâte de le ranger.
Elle s’accoude au bastingage, perd son regard dans les étoiles.
Ce voyage la ramène au passé finalement…
Elle ne saura sûrement jamais d’où elle vient.
Il lui manquera toujours le début de l’histoire.
Mais est-ce le début, le plus important ? Non, sûrement pas…
Certains savent d’où ils viennent mais ne vont nulle part.
Elle ne sait pas d’où elle vient, mais elle au moins, elle va quelque part…
en Breizh…
Azylys


Journal de voyage, jour 8 : Quelque part au large des côtes...


La brune se planque avec son carnet, pour pas que le méchant capitaine vienne l’embêter, non mais oh.
Elle s’est habituée au roulis régulier de la nave, n’y prête plus attention.
Jetant un dernier coup d’œil autour d’elle, elle sort furtivement sa plume, la trempe dans l’encre, écrit vite avant que le cap’tain la trouve.




17 Mai 1460, au large des côtes et des ports, quelque part dans le golfe de Gascogne.
Je me planque dans un recoin du pont pour pouvoir écrire.
Le vilain cap’tain Gael est à mes trousses.
J’ai pas compris ce qu’il avait trafiqué pour devenir capitaine à mi-temps et moi membre de l’équipage à plein temps.
J’ai été réveillée ce matin par les hurlements d’une bête féroce. Dans le genre ours des montagnes.
Ben c’était pas un ours, c’était Gael qui m’appelait sur le pont.
Alors voilà comment je me suis retrouvée dans le staff…

J’ai eu de la chance encore, il donne les ordres en français et pas en breton…
Si jamais il arrive à rechiper mon carnet, je parie qu’il les donnera en breton.
Si toi cap’tain tu lis ces lignes, gare à ma vengeance, elle sera terrible…
Enfin, toujours est-il que ça occupera ma traversée, entre les manœuvres à faire sur le pont, les étoiles à regarder, les missives à envoyer, le carnet à planquer…

Bref, outre tout cela, il essaie de m’apprendre, enfin j’ai posé des questions en espérant apprendre, comment fonctionne un bateau.
Ben j’essaie toujours de comprendre…
Y’a des tours, des heures, des vents, des directions, des manips à en devenir fou.
Décision prise, si je construis un bateau, je le vendrai, c’est trop compliqué à manœuvrer…


Un craquement suspect sur le pont, la brune ferme le carnet précipitamment et le range. Déjà le cap’tain ?
Az se relève, se planque sous sa cape, file discrètement… Dommage, c’est pas très furtif un ballon...
Azylys


Journal de voyage, jour 9 : Quelque part au large des côtes...


Coup d’œil à droite… coup d’œil à gauche… pas de cap’tain en vue… La voie est libre !
La brune se calle contre le bastingage, pour ne pas avoir à surveiller ses arrières, serre son carnet contre elle. On ne lui chipera plus…
Elle sort la plume, tendant l’oreille pour percevoir le moindre bruit de pas, trempe sa plume, trace de jolies lettres, à défaut d’en écrire beaucoup, elle en écrira des belles…




En ce jour nouveau qui ressemble tant à hier et tant à demain, soit le 18 Mai 1460, je me trouve toujours quelque part entre la mer et le ciel, perchée sur un bout de bois céleste.
Il ne se passe…rien, il n’y a absolument…rien de nouveau, le ciel est toujours…bleu, la mer…aussi, Gael…aussi, ah non pas lui.
Toujours est-il que j’ai désormais bien défini l’angle d’attaque et de contamination du virus du voyage.
Il faut que tout change chaque jour, que chaque jour soit différent et de préférence, qu’il nous apporte quelque chose, genre connaissances par exemple.

Eh bien voilà pourquoi je me sens drôlement moins accro aujourd’hui.
En l’occurrence ce jour est le même qu’hier, depuis le pont je regarde alternativement le bleu de l’eau et le bleu du ciel et je m’endors accoudée au bastingage.
C’est décidé, je vais continuer à dormir une partie du jour et à rester éveillée la nuit, c’est plus passionnant de compter les étoiles que de compter les vagues.
Enfin, on ne peut pas tout avoir, certains ont une vie passionnante, d’autres moins. J’estime être pas trop mal lotie encore…

En somme, si cette journée a encore un quelconque intérêt c’est parce qu’elle m’a apporté des nouvelles de Toulouse et pas des meilleures.
C’est la foire aux brigands par là-bas, à croire qu’ils aient attendu que je file pour envahir le comté.
Je crains un peu pour ceux que j’ai laissé là-haut, pourtant je sais bien que je n’aurais pas été d’une grande aide si j’étais restée mais enfin, j’aurais tout de même veillé sur eux…
Il parait aussi qu’à la suite d’une mauvaise chute Ev ne verrait plus.
J’espère que c’est temporaire, j’aimerais tellement être là pour pouvoir la soigner moi-même, moi qui suis championne des infirmières de caserne.
Je m’inquiète beaucoup. Je vais essayer de lui écrire, Rosy lui lira…


La brune ferme son carnet, songeuse. Elle s’inquiète pour ses proches restés à Toulouse.
Ce n’est pas sa famille mais presque, car les liens les plus forts ne sont pas ceux du sang mais ceux du cœur, même si parfois, les deux s’entremêlent…
Azylys


Journal de voyage, jour 10 : Quelque part au large des côtes...


La brune soupire, sort sa plume, la tourne entre ses doigts.
Rien de passionnant à raconter ce soir, mais enfin, il faut bien écrire quelque chose tout de même…
Elle cherche de quoi écrire plus de dix mots, se dit qu’avec la date ça fera au moins quinze, hausse les épaules.
Et puis zut, y’a qu’à se lancer.




Soir de ce… magnifique dixième jour de voyage : 19 Mai 1460.
L’eau est bleue, le ciel blanc, le pont brun, la lune blonde, le soleil ambré comme une pierre précieuse et ma peau désormais hâlée. Joli mélange de couleurs, dommage c’est toujours le même.
Le vent de ce jour m’a apporté une nouvelle occupation, il a sûrement eu pitié de moi en me voyant regarder désespérément les vagues, j’ai passé le jour à regarder les nuages qu’il entrainait au loin.
Un nuage c’est plus ou moins quelque chose de magique. Il y a mille façons de le regarder et mille formes à lui donner. Ce qui est dommage c’est qu’en une journée on les ait déjà épuisées.
Bref, beaucoup de mots pour dire que je m’ennuie et qu’il ne suffit plus de quelques poissons, nuages ou vagues pour me distraire.

A part ce mortel ennui, nous sommes au large de La Rochelle d’après Gael, ce qui signifie que nous devrions arriver à Vannes d’ici demain soir ou après-demain dans la journée.
En somme, bientôt la terre ferme ! Je m’en réjouis d’avance.
C’est fou de se dire qu’en dix jours j’ai déjà traversé le royaume du Sud jusqu’à l’Ouest.
Finalement le monde n’est peut-être pas si grand que cela.
Je me suis bataillée avec notre cher cap’tain Gael sur le nombre de jours déjà passés en mer.
J’ai été navrée de devoir lui apprendre à compter, 17, 18 et 19 Mai ça fait trois jours et non deux.
Il m’a fait rire en tout cas, le pauvre il croyait accomplir un record en reliant Vannes en trois jours s’il arrivait demain, je lui ai un peu brisé son rêve je crois…
Pour sa défense il soutient que nous ne sommes partis que tard le 17.
Certes mais nous sommes partis tout de même le 17 donc, rien à fiche, j’ai raison, point c’est tout.

Mis à part cela, j’ai des nouvelles de Toulouse, plutôt bonnes d’ailleurs, Ev a retrouvé la vue !
Elle m’a fait bien peur tout de même mais enfin, tout va pour le mieux à présent.
Cette bonne nouvelle ne m’empêche pas pour autant de m’inquiéter pour ceux qui sont restés là-haut. Mais je suis un peu rassurée tout de même.
Ils me manquent tous et un en particulier.
Je lui ai écris ce soir, comme chaque soir depuis mon départ.
C’est étrange l’ambivalence de se voyage. Je m’éloigne de lui, certes c’est un fait qu’on ne peut pas nier, mais nous n’avons jamais été aussi proches depuis des mois, et je sais bien que si j’étais restée à Toulouse ce serait bien différent.
En somme, si ce voyage nous éloigne il nous rapproche d’autant, et en ce sens je me dis que c’est un mal pour un bien.
Finalement, ce voyage aura peut-être bien davantage de conséquences que ce que je pensais au départ en prenant des vacances…


La belle regarde sa page, étonnée.
Elle a écrit bien plus que ce qu’elle pensait pouvoir faire.
Il y a toujours quelque chose pour nous surprendre…
Azylys range son carnet, perd son regard dans les étoiles, elle n’a pas sommeil, pas encore.
Azylys


Journal de voyage, jour 11 : Quelque part au large des côtes...


Azylys fait les cent pas sur le pont, tourne en rond et tourne encore, s’accoude au bastingage, se retourne et s’y adosse, marche encore jusqu’à l’autre bord du pont, se laisse glisser à terre, adossée contre le bastingage et sors son carnet, tourne les pages, nerveuse.
Elle tourne et retourne encore et encore la plume entre ses doigts, s’apprête à écrire, y renonce, se ravise, laisse courir la plume sur le papier.




20 Mai 1460, au large de la Bretagne.
Ce soir, au coucher du soleil, le port de Vannes était en vue.
Enfin la terre ferme ! Il était temps !
Après avoir vu le bleu dans toutes ses nuances je vais enfin retrouver le vert de la forêt, le brun de la terre et les multiples couleurs des tavernes.
Notre voyage va pouvoir reprendre enfin un semblant de nouveauté et se renouveler un peu.
Demain nous serons sans doute arrivés en terre bretonne, la mythique Bretagne dont j’ai hâte de voir le visage ! Brocéliande me voilà !

A part cela la journée fut d’un ennui mortel et le soir apporta avec la nuit son lot d’inquiétudes.
J’ai reçu des nouvelles de Toulouse et des pires : Zach est blessé.
Si seulement je pouvais mettre la main sur ces crétins de brigands !
Je les égorgerai tous un par un de ma propre lame. Je les étriperais tous jusqu’au dernier.
Mais je suis là, sur l’océan, à des centaines de lieues de Toulouse, condamnée à tourner en rond comme un fauve en cage.
De tous ceux qui sont restés à Toulouse, n’y en avait-il pas un, pas un seul pour le protéger comme je l’aurais fait !?
Et dire qu’il doit se battre de nouveau bientôt, ça me rends malade.
Je ne suis même pas là pour panser ses blessures, moi l’infirmière de caserne, moi l’infirmière de guerre.
Je m’en veux oui je m’en veux, et c’est un mot bien faible. J’aurais dû être là et pas à l’autre bout du royaume.
En mon âme et conscience je sais que s’il lui arrivait quelque chose je ne me le pardonnerais jamais.
Il y a des fois des jours où être parti nous semble être une bonne idée et d’autres non, il faut croire qu’aujourd’hui est un jour non.


La toulousaine referme son carnet presque violemment.
Elle le range, se relève, s’accoude au bastingage en soupirant.
Trouver le sommeil lui semble impossible.
La belle perd son regard dans les étoiles.
La nuit promet d’être longue…
Azylys


Journal de voyage, jour 12 : Sur un bateau dans un port breton...


La brune a cessé de faire les cent pas sur le pont.
Elle est perdue dans ses pensées, un brin morose, davantage inquiète.
Frustrée aussi, frustrée d’avoir une épée à la ceinture et de pourtant être incapable de défendre ceux qu’elle voudrait protéger au péril de sa vie.
Frustrée de rester là à regarder sans pouvoir agir comme si elle avait les mains liées.
Furieuse contre elle-même, et pourtant partagée.
Elle se décide enfin à sortir son carnet, à lui confier ce qui lui pèse, à coucher sur le papier ce qu’elle ne peut dire, et ce qu’elle ne peut faire.




Aujourd’hui, 21 Mai 1460, nous sommes au port de Vannes.
Nous sommes arrivés en Bretagne donc, sains et saufs même si c’était Gael a la barre. Ça m’a surpris je l’avoue.
Enfin, tout est pour le mieux par ici, c’est le principal.
Demain retour à terre, puis découverte de la Bretagne, deux trois mots de breton en plus, des forêts, des menhirs et des légendes, un beau voyage en somme.

Par contre, je n’ai pas de nouvelles de Toulouse et je suis tentée de ne pas croire le proverbe ‘pas de nouvelles, bonne nouvelle’.
J’ai du mal à faire la part des choses je pense.
J’ai beaucoup réfléchi avant de me décider à faire ce voyage, j’y suis et honnêtement j’y gagne bien plus qu’en restant à Toulouse pendant deux mois ; mais pour autant je n’arrête pas de me remettre en question.
Et si j’avais mieux fait de rester, et si un des mes proches y restait, et si je perdais ma seule famille ?
D’abord Ev, puis Zach qui ont des problèmes.
Les brigands font la fête au comté en plus.
Ceci dit, même si je ne souhaite pas ce mal à Toulouse, cette invasion aura peut-être quelque chose d’un peu positif tout de même.
Pendant quelques temps, les toulousains vont arrêter de se diviser et de s’insulter les uns les autres pour combattre un ennemi commun.
Seront-ils assez stupides pour continuer leurs vaines querelles tout de même ? Je n’espère pas.
Enfin, ceci dit, il est possible aussi que ce moment de fraternité cède de nouveau la place au conflit incessant dès que l’ennemi sera reparti. Ainsi sont les hommes…

Et moi ce que je suis, je le cherche encore.
Une femme certes. D’où ? je l'ignore.
Un ballon, une femme enceinte.
Une guerrière aussi, qui tient son épée comme prolongement de son bras.
Une têtue, une éternelle obstinée.
Et après ? L’avenir me le dira peut-être…ou pas…


Az ferme son carnet, soupire.
Elle ne saura peut-être jamais tout, toute la vérité, tout le passé.
Les choix qu’elle a fait, elle ne peut pas revenir dessus, elle le sait.
Le présent lui appartient, plus ou moins.
L’avenir reste un mystère incertain, mais elle espère y voir le meilleur, elle espère encore de belles surprises.
La brune perd son regard dans les étoiles.
Mais que ce soit dans le passé, le présent ou l’avenir, elle se l’est promis, jamais sans eux…
Doucement elle fait jouer l’anneau sur la chainette qui pend à son cou.
Trois saphirs, pour eux trois…
Un anneau unique, unis à jamais...
Azylys


Journal de voyage, jour 13 : Grand Duché de Bretagne, Vannes


La brune sourit en sentant le vent jouer dans ses boucles brunes, elle a retrouvé un équilibre, son équilibre.
Autour d’elle, la forêt bruisse, respire, bouge, vit, tout simplement.
L’éclat vert des feuilles traversées par les rayons solaires tachent les pages de son carnet d’auréoles couleur menthe.
C’est un nouveau jour, comme elle les aime, un vrai, vraiment nouveau.
La plume glisse sur le papier et trace des lettres apaisées, la brune assise sur un tronc a retrouvé la paix.




En ce magnifique jour du 22 Mai 1460, je me trouve en Bretagne, à Vannes.
En ce treizième jour de notre périple nous avons enfin atteint notre seconde destination, notre deuxième étape.
J’avais cru mettre un mois pour monter jusqu’ici, il nous a fallu seulement treize jours.
Je prends soudain conscience que j’aurais le temps de visiter bien plus d’endroits que je ne le pensais au départ en partant pour deux mois et demi.

Vannes est une ville superbe, à l’image de ce duché qui est le sien, et peut-être le mien, qui sait.
J’ai peut-être trouvé l’endroit qui s’oppose le plus à Toulouse.
Ici le duché a un immense prestige (cinq étoiles) alors que nous n’en avons aucun, Vannes est une ville très peuplée, contrairement à Toulouse, et on y trouve de tout.
J’ai compté douze tavernes, si si, douze, je le jure. Vannes égale ainsi le record de Mimizan et entre sur le podium.
En Bretagne, c’est une autre ambiance que par chez nous, les Vannetais, quand vient le soir, ne sortent pas par deux ou trois, non non, on en croise plus d’une trentaine.
Ça grouille de monde, partout, ça parle breton, ou français, ça rit, ça boit, du chouchen bien sûr, dans la bonne humeur, toujours.
C’est plaisant comme ambiance, et malgré que l’on soit étranger, on se sent intégré de suite quand même.
Epatant, une belle leçon de vie je crois.

C’est un soulagement de retrouver de nouveaux visages, de nouveaux paysages, de revenir un peu les pieds sur terre après cette courte traversée qui m’a pourtant semblée si longue.
Enfin une forêt et des arbres, enfin des arbres et du vert et du brun ! J’en rêvais.
J’ai l’impression de redécouvrir ce que je connais déjà et que même si tout est pareil, ici tout est différent.
C’est une forêt, comme tant d’autres peut-être mais il semblerait presque que celle-ci aie une âme.
Nous restons un peu à Vannes, je m’en réjoui d’avance, cette ville vaut le détour, et j’ai l’impression d’y renaître.

Toujours pas de nouvelles de Toulouse, mais je ne tourne plus en rond, il faut croire que cette forêt m’apaise, même si c’est le contraire pour le bébé.
Il a retrouvé ses habitudes, son énergie, et le roulis de la mer n’est désormais plus là pour le calmer !
Enfin, ici tout va pour le mieux.
Gael a dit que sa cousine nous ferait des laissez-passer d’un mois donc je devrais avoir largement le temps de visiter, et de m’imprégner de cette ambiance si particulière.
Sur ce, je retourne à mes ballades, mes étoiles, et ces tavernes si pleines.
Une remarque cependant, les bretons que je croise ici parlent moins souvent breton que ceux que j’ai rencontrés sur ma route dans d’autres comtés !
Enfin demain sera peut-être différent…


Azylys ferme son carnet, le sourire aux lèvres.
Cet endroit lui plait, ce n’est pas niable.
Ici sont peut-être ses racines, elle ne sait.
Mais elle s’y sent un peu…comme à la maison…

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Azylys


Journal de voyage, jour 14 : Grand Duché de Bretagne, Vannes


La paix est quelque chose d’éphémère il faut croire et il suffit souvent de peu, bien peu, pour remuer le passé, et les vieilles souffrances.
Le regard perdu dans le vague, la brune se souvient.
Elle ne frappera pas un arbre cette fois, ça ne sert plus à rien, la cicatrice est déjà là.
Elle a beaucoup appris ces derniers mois, à ses dépends souvent, ce que l’Homme a d’ambivalent.
Double jeu, ou simple jeu que celui des apparences qui cachent la réalité.
La belle sait désormais qu’un sourire, qu’il y a quelques mois encore était toujours sincère, peut devenir une façade.
Elle sait combien ce qu’on dit est parfois si loin de ce que l’on pense, combien ce qu’on écrit est parfois si loin de ce que l’on ressent.
Elle a appris aussi qu’après un jour si plein qu’il nous semblait un rêve, il peut exister un jour si vide qu’il nous semble néant.
La plume se lève, redescend vers la page vierge du carnet, elle est pourtant si lourde cette plume, si lourde à porter.




23 Mai 1460, même lieu, même heure et pourtant je ne vois plus rien pareil.
La forêt autour de moi est la même que celle qui m’entourait hier, la ville où je me trouve, la même que celle que je visitais hier, seul le temps a passé. Temps qui parfois suffit pour tout changer.
Un retour en arrière, suffisamment loin pour constater que tout ce que je fuis me poursuit, que tout ce que j’essaie d’oublier me revient toujours plus violemment à l’esprit.
Je suis la même qu’hier, j’aime toujours autant cette région, cette forêt me semble toujours aussi magique, le ciel est toujours le même. Seul le temps a passé.
Le bonheur est suffisamment fragile pour qu’on le perde de nouveau quand on croyait le trouver.
L’amour et la haine, la fierté et le dégoût, le calme et la colère, le bonheur et la douleur, il suffit finalement de peu pour faire basculer les choses.

Je m’y attendais certes, mais l’être humain est toujours rattrapé par cet espèce de fol espoir qui le tient aux tripes et y reste quoi que l’on fasse.
Et de cet espoir qu’on finit par croire avenir ne nait souvent que déception et souffrance.
On dit parfois qu’après une chute il faut se relever. Là où est le problème, c’est que lorsqu’on commence enfin à se relever, ce qui avait engendré notre chute resurgit, pour nous faire chuter plus bas encore.
Il y a pire encore. C’est que certains instants, qui pour nous resteront gravés à jamais au plus profond de nous, ceux qui les ont partagés tirent un trait dessus, l’effacent de leur mémoire et font passer ces instants auxquels on se raccroche pour des songes.
Ce qui est pire encore, c’est que lorsqu’on croit se relever, on ne fait en réalité que cacher une cicatrice encore nouvelle.
Et il en faut peu pour rouvrir la plaie, pour redescendre si vite ce qui nous avait pris tant de temps à grimper.
J’ai grimpé, grimpé, grimpé encore, presque respiré, commencé à sourire. Et je retombe pourtant.
Je me relèverai encore, je grimperai encore, je recoudrai encore point par point cette longue cicatrice vivante, en sachant que tôt ou tard elle me fera chuter de nouveau.


Azylys ferme le carnet, espérant diluer dans cette encre la douleur qu’elle ressent.
Tendre la main, pour qu’on la prenne un instant en provoquant un sourire, pour qu’on la torde ensuite en brisant ce qui est encore fragile.
Et même si on en avait assez, de tendre la main pour se la faire poignarder, Azylys sait qu’elle n’a pas le choix.
Elle la tendra encore, et encore, même si l’issue à jamais reste la même.
La brune se lève et rabat sa cape sur ses épaules.
Sans un regard pour le ciel, elle se glisse plus loin encore dans la forêt dense, les étoiles ne l’intéressent pas ce soir, à ses yeux elles ont cessé de briller.

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Azylys


Journal de voyage, jour 15 : Grand Duché de Bretagne, Vannes


La haine. La haine peut parfois prendre le pas sur le reste, bâtir un empire.
Mais il en va de la haine comme d’un subtil poison qui, justement dosé, fait parfois plus de bien que de mal.
Quand elle nous emporte parfois, elle nous fait souvent dire des mots que nous ne pensons pas.
Mais quand elle nous emporte, quelques fois, elle soude, elle recoud, plus vite que nul autre sentiment ne recoud, elle recoud, fragilement peut-être, mais avec rapidité.
On hait alors. J’aime et je hais, deux verbes mais un seul sentiment, ce qui les sépare n’est qu’une notion d’intensité.
Elle hait, elle se reconstruit. Paradoxal, mais efficace. Elle fait la liste de ce qu’elle hait, de ce qu’elle déteste, elle accuse, elle s’emporte, elle guérit.
Et soudain, quand on croit haïr assez pour se recoudre d’un fil suffisamment solide, un rapace arrive, une missive la surprend.
Elle l’ouvre, en reconnait l’écriture, même si elle avait deviné le destinataire rien qu’à la vue du rapace. Ça faisait longtemps.
De son regard glacé, elle parcourt les lignes, les dévore presque, boit ces paroles comme si elle entendait la voix les lui dire.
Ses yeux s’embuent, un sourire nait sur ses lèvres, la haine s’est envolée.
Suffisamment tard pour être déjà grossièrement recousue, suffisamment tôt pour ne pas qu’elle devienne un poison.
La brune prend sa plume, répond. Une missive repart, prend son envol, comme chaque jour.
Azylys ouvre son carnet, reprend sa plume, laisse glisser l’encre sur la page vierge et avec le liquide couleur de nuit, le trop-plein de son cœur.




En ce 24 Mai 1460, quinzième coucher de soleil de ce voyage, je suis toujours à Vannes.
La forêt m’entoure encore, protectrice cette fois.
Elle a mille visages, mille ombres et mille lumières, mille secrets.
Elle vit, peut-être même a-t-elle une âme, je ne sais.
Elle a étendu sur moi ses ombres, elle a fait de moi sa fille.
Je n’ai rien besoin de lui dire, elle sait, elle lit en moi comme dans un livre ouvert.
Seul le temps a passé, et tout change avec le temps. Je n’ai pas dormi la nuit dernière, je n’ai pas pu.
J’ai erré dans cette forêt immense, qui m’a guidée le matin à ses portes, qui m’a veillée.
Elle est la seule, la seule à avoir vu mes larmes, la seule à avoir entendu ma colère. J’ai encore bien des progrès à faire pour me maîtriser.
Le cœur moins lourd, je laisse le temps me recoudre, suturer cette cicatrice que la haine a figé.
Je grimpe de nouveau, encore, toujours. Persévérante ? Peut-être. Têtue ? Surtout.
J’ouvre les bras à la brise et au fond de moi je comprends que je ne peux rien y faire, qu’en remontant dans le passé je ne pourrais rien y changer, que je ne suis pas la cause.

Cette nuit je ne dormirai pas, il est trop tôt encore. Demain peut-être.
Pour une fois le bébé dort plus que moi, c’est si rare.
Je m’apaise petit à petit, demain sera meilleur jour qu’aujourd’hui, et cette perspective porte l’espoir.
Les étoiles brillent de nouveau pour moi, je passerai la nuit à les regarder.
J’ai besoin de rêver, de me laisser porter, mais j’ai trop peur qu’un mauvais rêve me fasse chuter de nouveau alors que je suis encore si fragile.
Une forêt, même si elle protège, ne remplace jamais des bras dans lesquels se blottir.
Je n’ai pas de famille de sang donc pas de bras dans lesquels me réfugier.
Un jour, j’offrirai ces bras à la chair de ma chair, au sang de mon sang, à ma seule famille de sang.
Je lui donnerai tout ce qui m’a manqué, tout et plus encore.
Je t’aime mon bébé, je veille sur toi pour l’éternité.


Azylys ferme le carnet, le range, s’allonge.
Elle passe doucement sa main sur son ventre rond, essuie du revers de la main la larme qui roule sur sa joue.
On ne pleure pas quand la douleur est trop forte, les larmes ne coulent que lorsque la souffrance se fait plus douce, presque soulagement, s’apaise.
La belle perd son regard dans les étoiles, il est encore trop tôt pour dormir, elle a si peur du risque qu’elle préfère ne pas le courir.
Demain peut-être…si elle en trouve le courage…

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