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Début et fin d'une histoire.

[RP] Il médit, elle aussi. Enfin, c'est ce qu'on dit.*

Drahomir
* Je suis nul, en titre.

Tout avait commencé par une élection en Alençon. Un tchèque, plutôt montagneux, morphologiquement parlant, plutôt barbare aussi, avait été choisi pour devenir duc d'Alençon.
Mais las, un vilain roy, plutôt nabot, plutôt borgne, plutôt bête, en avait décidé autrement. Surement par rancœur, surement par jalousie aussi.

Enfin, voila qu'en plus, l'AAP, la feuille de choux à la botte de sa majesté se mettait à ébruiter l'affaire.
Enfin, ca apportait pas mal de réactions. Une en particulière fit tiquer le Vadikra.


Citation:
Au "Drôle".
De Moi.

Bonjour Drahomir.

Etes-vous surpris de trouver ma lettre chez vous ?
Allez, avouez que vous l'êtes.

Comment vous portez-vous ?
J'imagine que la colère vous ronge. Moi, c'est ce que cela me ferait si j'étais à votre place.
Oui, j'ai appris. J'ai appris que le roi Nicolas vous avait purement et simplement interdit de prétendre à la couronne aleçonnaise qui vous revenait de droit. Ce Nicolas est décidément idiot. Il accepte tacitement l'indépendance du Berry, refuse l'allégeance du duc de Bourgogne et puis, première en soi, il refuse l'hommage d'un de ces ducs !
Je suis navrée pour vous, sincèrement.
Je me souviens lorsque je vous ai rencontré la première fois, je vous trouvais "drôle". Pourtant, j'ai su tout de suite que derrière cette apparence rustre et sauvage, il y avait un homme de caractère, digne de respect.
Rassurez-vous, je ne suis pas venue vous flatter, juste vous dire que je suis de tout coeur avec vous, dans cette épreuve et que je trouve injuste l'attitude du roi.
Je ne changerai rien, j'en ai conscience, mais peut-être ma lettre vous aura-t-elle fait un peu sourire, alors, je serais ravie.

Puisse le Très Haut vous garder.

Della d'Amahir-Euphor.


Réponse ne s'était pas fait attendre.

Citation:


A Della d'Amahir Euphor,

Madame,

Je suis bel et bien surpris, comme vous le pensiez, et souriant aussi, suite à vos mots.
Ils me font plaisir et me confortent dans l'idée qu'en effet, j'ai été spolié par un petit bourgeois fait Roy. Mais las, non, je ne suis pas en colère. Je l'ai été, furieux à son paroxysme, mais c'est passé. Je ne pouvais conserver mon trône, ayant derrière moi un conseil divisé où siègent en grande partie des pleutres, mais voila, mon choix à tout de même été écouté, et c'est Heimdal qui a été placé à sa tête.

Enfin, heureusement que je vous sais mariée, sinon, j'aurais pu croire que vous inversiez la bienséance en me courtisant aussi éhontément.

Merci pour vos mots.

Puisse le Très Haut vous sublimer.

Drahomir Sergueï Vadikra.

PS: Il m'a été rapporté qu'un drôle du nom de Sabaude Renard été votre frère? Est-ce vrai? Je sais qu'on ne choisie pas sa famille, mais il me chagrine de voir votre sang entaché par ce godelureau de bas étages.


Et la salve suivante, Euphorienne, d'arriver prestement.

Citation:
A Vous.
De Moi.


Avez-vous rougi en pensant que peut-être, je vous courtisais ? Qu'en penseriez-vous si vous appreniez que cela était l'effet recherché ?
Allons, je plaisante !
Et surtout, n'allez pas colporter cette rumeur, mon beau-père me considère déjà comme une vilaine sorcière alors, s'il apprenait que je vous ai écrit, cela en serait fini de moi !

Laissons là la taquinerie.
Vous êtes la deuxième personne à me parler de Sabaude comme d'un faquin, Fred de Castelviray fut le premier. Sabaude est en effet mon frère, né d'une des nombreuses aventures de feu mon père. Je ne connais pas la raison qui vous le fait décrire de la sorte et j'aimerais la connaître puisque Fred n'a jamais voulu m'en dire plus. Je l'aime bien, pour ma part, je ne le connais pas encore très bien mais il me fait rire, j'aime à discuter avec lui, je me sens en confiance en sa présence. N'est-ce pas ça, le plus important, la confiance ? Ai-je tort ? Voyez, je vous apprécie aussi et pourtant bon nombre de personnes me déconseilleraient d'entretenir une relation avec vous, même épistolaire ? Je vous sais intrigant mais je sais aussi que votre honneur est sans doute ce que vous avez de plus précieux et pour cela, je vous fais confiance, comme je fais confiance à Sabaude.
Racontez-moi ce que vous savez de lui, je vous en prie.

Et vous ? Quels sont vos projets ? Détrôner le roi ? Envisager de le faire assassiner ? Etes-vous marié ? J'avais conseillé à une dame de vous écrire, il y a quelques mois, lorsque j'avais vu une annonce dans laquelle vous faisiez savoir que vous cherchiez épouse. Hélas, elle m'a écrit pour me dire que cela ne pourrait pas marcher entre vous. Au moins, j'ai essayé.

Que le Très Haut vous garde.

Della


C'était donc à son tour de répondre, et il remit la chose à plus tard, plusieurs jours de suite.
En effet, outre sa déchéance -drôle de royaume ou un jour l'on est Grand officier de la couronne et le lendemain presque ennemi d'icelle- l'Ogre avait moult problèmes à régler.
Une exploitation dans laquelle il s'investissait de nouveau et un voyage en Normandie à préparer.

C'est d'ailleurs dans cette contrée du Nord qu'il repense au courrier de la Seignelay.

Les abords d'Honfleur, un campement y est installé. Ici et là flottent les étendards Artésien d'un homme qu'il escorte et ceux, plus aguichants, d'une vicomtesse, Alençonnaise. Vicomtesse à côté de laquelle il repose, la main délicatement posé sur le satin de sa peau, le doigts tâtonnant la tessiture intéressante d'un bouton de rose surplombant un mont empreint de chair de poule. Il a découvert la Aunou endormie qui frissonne dans son sommeil. La tente est fraîche et dès que le derme ne repose plus sous les fourrures les frissons parcourent le corps, ainsi, il remonte les peaux jusqu'au menton de la jeune femme qu'il vient embrasser délicatement, sans la réveiller.

Il n'a pas de suite trouvé le sommeil après leur étreinte et ses pensées vagabondes ont fait leur chemin, égrainant dans son crâne ce qu'il devait faire. La lettre en était et il ne dormirait pas de suite, autant s'y mettre. La lourde carcasse de quitter le confort de la couche.
Nu, large d'épaule et de taille, l'homme a la carrure de l'ours et avance de sa démarche chaloupée, bien que silencieuse, jusqu'au siège de toile où repose sa longue chaisne de nuit. Il l'enfile, réanime le brasero et se saisit du matériel d'écriture.


Citation:
A Della D'Amahir-Euphor.
De Drahomir Sergueï Vadikra


    Madame,

    Mes excuses, d'abord, pour le temps de réponse. J'ai été fort occupé dernièrement et j'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.

    Alors, de prime abord, non, je n'ai pas rougi en pensant que vous me courtisiez. Je n'ai même pas pensé que cela fut possible. D'abord, je ne suis pas jeune puceau qui rougit dès qu'une donzelle un peu trop hardie pose les yeux sur lui, ensuite, je vous sais l'épouse d'un pair de France, le duc de Chartres si je ne m'abuse. Partant de cet état de fait, et de l'impression que vous m'avez faites lors de nos diverses rencontres, j'en déduis que vous êtes une femme d'honneur, donc une femme fidèle à votre mari et qui, dès lors, ne s'abaisserait pas à courtiser éhontément un barbare de mon acabit, aussi charmant soit-t-il.
    Sinon, qui est ce charmant beau père que je lui envois des fleurs pour sa clairvoyance?

    Très bien, baste des civilités, attaquons le nœud du problèmes et de vos questionnements, Sabaude Renard.
    Je suis bien aise d'apprendre que vous vous sentez bien en sa compagnie, c'est là le principal. Moi, je ne l'aime pas et je crois que la réciproque est vraie. Pour une fois, le Castelviray fait preuve de discernement et je ne pense pas trop m'avancer en disant que se qu'il reproche à votre frère et du même ordre que le mien.

    Sabaude, à mon arrivée en Alençon était quelqu'un de gentil, simple et cordial avec tout le monde. Soit, il avait sa couleur politique, déjà bien affichée, et pas si éloignée de la mienne, mais il restait un homme charmant et humble -j'insiste bien sur ce mot-.
    Il avait, en sus, une qualité que j’idolâtre réellement, celle d'être quelqu'un de vrai.
    Mais c'est terminé. D'ailleurs, ce changement concorde avec le retour de notre actuel roy en Alençon. Ils sont très amis, lui et votre frère.
    Bref, Sabaude, en acquérant la noblesse comme duc régnant, voir même un peu avant en usant avec son ami de méthode peu orthodoxes comme la diffamation, a perdu mon respect.
    Un changement brutal de caractère, un melon qui a triplé de volume, une grande tendance à la mauvaise foi. A la méchanceté et un dénigrement systématique de nombres de mes amis. Brefs, nombre de choses qui m'ont déçu.

    Voila pourquoi, en somme, je ne le respecte plus. A mon sens, c'est un pendard au verbe trop fleuri, un courtisan éhonté de notre mauvais roy qui aura su admirablement profiter de ses relations pour acquérir la place de juge général.
    Enfin, laissons là les sujets qui fâchent.

    Mes projets sont nombreux et envisageables. Attendre que le de Firenze passe l'arme à gauche, redevenir duc d'Alençon et aider un poulain à le devenir avant ca.
    Pour répondre à votre ultime question, non, je ne suis pas marié. D'ailleurs, qui était la femme à qui vous aviez conseillé de m'écrire?

    Et vous, alors, Della, parlez moi de vous. Vous êtes mariée donc, au Duc de Chartres, un certain Kéridil ou quelque chose du même effet, d'après ce que l'on m'a conté. Si mes souvenirs sont exacts, il serait infirme. Est-ce la vérité? Comment une femme de votre prestance, belle comme le jour, peut-t-elle supporter de partager la couche d'un moins qu'homme, handicapé? Détrompez moi si j'ai tort, mais n'est-ce pas faire preuve de pitié que de lui accorder le réconfort de vos draps?
    Je ne comprend pas.

    Enfin, je cesse là.

    Prenez soin de vous, Della.


Normandie, le 26 Novembre 1461.




Courrier qui arriverait avec un peu de retard. La faute au temps. Foutu froid qui gèle les routes.
_________________
Della
Il faisait froid et elle n'aimait pas le froid.
Le feu était continuellement rechargé, les fenêtres restaient closes derrière leurs lourdes tentures, même les murs avaient été tendus de tapisseries pour couper le froid des pierres.
Chaudement vêtue, une couverture sur les jambes, la Renarde s'était tassée dans son fauteuil à haut dossier, cherchant à exposer le moins de peau possible au froid.

Sur une table, juste à côté d'elle, une jatte de lait chaud et quelques châtaignes grillées tenaient compagnie au courrier devenu rare avec la mauvaise saison approchant. Celui du "Drôle" était entre les mains glacées de Della et lisant les mots s'étalent sur le parchemin, le regard glissa vers son grand lit. Et elle rit. C'était un rire désabusé, un rire malgré tout.
Elle ferma les yeux et chercha dans son souvenir les traits de son époux. Elle ne les distingua que vaguement, son regard d'abord ensuite, ses cheveux et ses lèvres...Ce visage fut chassé pour être remplacé par celui de Flavien, net et précis, sans la moindre hésitation, un frison la parcourant mais pas de froid. Sans le vouloir, Drahomir réveillait chez elle des envies de tendresse et de complicité. Pourtant, elle avait fait la promesse de ne plus s'écarter du droit chemin, de demeurer une bonne et fidèle épouse, de celle qu'on pourrait citer en modèle. Et elle tenait parole même si parfois, comme c'était le cas à ce moment précis, le feu jamais éteint de la passion faisait mine de se raviver.

Lors, elle se leva et souffla dans ses paumes pour les réchauffer.
Il ferait sans doute plus chaud aux cuisines puisque l'heure du repas arrivait.
Elle prit son écritoire et se rendit en bas où l'odeur d'un ragoût aurait fait frétiller les narines d'un mort.
Elle échangea quelques mots avec la cuisinière et s'installa au bout de la table, pour écrire.




Citation:
    A Drahomir Sergueï Vadikra
    De Della D'Amahir-Euphor.


    Le bonjour vous va, messire Drahomir !


    Lexhor d'Amahir est le père de mon époux. C'est à lui que vous pouvez faire envoyer des fleurs. Indiquez bien que vous posez le même jugement que lui sur sa bru, je suis certaine que vous serez dès lors très bien considéré par lui et son épouse.
    J'espère être tenue au courant lorsque Lexhor vous invitera à une partie de chasse sur ses terres.

    Votre description de Sabaude - homme gentil, simple, charmant et cordial - correspond en tous points à celle que j'aurais donnée moi-même. Humble également, je le trouve encore. Vrai, cela est correct également.
    Par contre, ce que vous décrivez ensuite, ce n'est pas lui. En tout cas, ne l'ai-je pas encore vu sous ces aspects et je vous avoue souhaiter ne jamais avoir à constater que vous aviez raison car cela voudrait dire que mon frère perdrait l'estime que je lui ai accordée sans retenue. J'en serais navrée et terriblement contrariée !
    Vous dites que Sabaude serait un courtisan contemplatif du roi ? Avec cela aussi, j'ai du mal. Comment peut-on espérer recevoir quelque chose de ce monarque ?

    Las !
    Je n'aime pas ce roi !
    A vrai dire depuis la mort de ma bien-aimée Béatrice, je trouve que les monarques se succédant sont tous plus dingues l'un que l'autre ! Rien ne se tient dans leur gouvernance, on avance d'un pas et on recule de deux. Ils annoncent et n'agissent pas ou trop tard ou mal ! Ha ! On ne s'improvise pas roi ! Celui-ci n'a pas à rougir dans la galerie.

    Me voilà rassurée, vous avez des projets !
    J'ai craint un moment que cet affront que vous fit Nicolas ne vous fasse baisser les bras ou ne vous vous fasse verser dans l'acédie. Mais non, j'aurais du être certaine de votre pugnacité et de votre envie de reprendre votre place. Les rois passent...les gens biens demeurent. Nous demeurons. Oui oui, je me considère comme étant quelqu'un de bien ! Pourquoi être hypocrite et jouer la fausse modestie alors que l'on a en soi ce qu'il faut pour tenir la tête haute ? Sachez que je veux suivre dorénavant chacune de vos avancées afin de pouvoir savourer chacune de vos victoires.

    Il s'agissait de Dame Gatimasse, de Touraine.
    Elle cherchait un époux.
    Vous aussi.
    J'ai tenté le coup et je lui avais fait promettre de m'inviter aux noces.

    Mon époux, Kéridil d'Amahir-Euphor, Pair de France - absolument - fut blessé, il y a de cela déjà un long moment. Sa jambe aurait du être coupée, j'en suis certaine aujourd'hui car jamais elle ne guérit. Il y a parfois un mieux, il souffre moins, la plaie semble se fermer et puis l'infection revient et ronge les chairs. Lors, il me faut bien avouer que cela est répugnant. Les médicastres se sont succédé mais aucun n'a trouvé le bon remède, semble-t-il.
    La pitié n'est pas le mot qui convient. Je n'ai pas pitié de mon époux, je suis compatissante, oui. Lorsque je le vois se déplacer avec douleur, s'appuyant sur cette canne que je lui ai offerte et que ses traits se figent pour ne pas laisser dévoiler combien il souffre, j'ai de l'empathie pour lui.
    Mon lit, hélas, est vide de toute présence depuis fort longtemps. Nous avons connu diverses querelles, fut un temps, pour nous retrouver ensuite. Mais le charme était rompu et la tendresse prit le pas sur la passion. L'état de Kéridil le fit plonger dans l'acédie et ce fut comme s'il n'avait plus aucune notion ni du temps ni de sa famille. Il ne géra plus ses terres et il fallut que je rembourse des dettes qu'il avait contractées. Ensuite, petit à petit, grâce à de bons Intendants, je pus renflouer les caisses et désormais, je suis la seule à tenir les diverses affaires de chacune de nos terres, les siennes et les miennes. Je ne me plains pas, je suis capable de faire cela et quelque part, j'en suis très fière. Hélas, je suis aussi souvent très seule.
    Aujourd'hui, mon époux est parti rejoindre l'armée de son père, quelque part entre Orléans et l'Artois. J'ignore où il est exactement ou s'il est encore debout. Que peut bien faire un invalide dans une armée ? Je ne m'inquiète pas pourtant car je sais que chacun de nous doit attendre son heure, celle que le Très Haut a choisie et je m'en remets à Lui, chaque jour.

    Comprenez-vous mieux, à présent ?

    Merci de m'écrire, j'ai plaisir à vous lire.

    Que le Très Haut vous garde.




Plusieurs fois, elle avait levé le nez du parchemin et sourit en fixant un point dont elle seule aurait pu dire l'importance.
Le repas fut servi, la lettre s'en irait le lendemain.

_________________
Drahomir
Bourse pleine qui pendouilles au côté -fort large- du Tchèque d'Alençon. Il est revenu d'une matinée de chasse fourbu, mais content. Et victorieux. Preuve en est, ce cuire bedonnant d'écus qui lui permettra de continuer sa route quelques temps. Ecus acquis auprès du boucher auquel l'Ogre d'Alençon vient de vendre le dividende de sa chasse. Soit un énorme sanglier, gras, mais pas trop. Imposant comme il faut. Un futur banquet en perspective.

Le Vadikra que de quitter l'échoppe de son pas lourd, sourire aux lèvres, et ce malgré la profonde entaille qui coure sur son bras, souvenir que lui a laissé le porc sauvage mort. Il profitera de son retour à l'Auberge dont le chemin traverse le marché pour acquérir un peu d'onguent et quelques menus fretins comme une nouvelle hache de chasse, la sienne fort endommagée par le choc répétitif de son tranchant contre le crâne d'un sanglier un peu trop zélé.

Sa chambre, ou flotte encore l'effluve entêtante de sa compagne de voyage. L'homme que d'y déposer tout son fourbis et de se laisser choir sur un siège en poussant un profond grognement. Claqué, le Drahomir, totalement finit pour la journée, tout du moins presque. Sur les draps, l'attend une lettre, d'une duchesse d'Orléans. Il la lit. Il sourit. Il répond.


Citation:
A Della d'Amahir Euphor
De Drahomir Sergueï Vadikra.


    Madame,

    Il est toujours aussi agréable de vous lire et sachez que votre verbe provoque sur ma trogne quelques sourires. Voyez, vous avez la plume légère, et ce genre de légèreté manque cruellement aux gens qui font le monde présentement. Aux gens que je côtoie en général, en fait.
    Alors c'est agréable. Mais bon, je cesse là de vous congratuler, vous le faite bien assez seule.

    Je suis bien aise que de constater que votre beau père est un homme que j'estime beaucoup. En effet, outre sa grande clairvoyance à votre égard, il aura su, bien mieux que nombre de Roys -lui qui ne le fut jamais- servir la couronne, et c'est là un honneur que je ne saurai ternir. Ainsi, si il voulait m'inviter à venir courir le lièvre sur ses terres, c'est avec un immense plaisir que j'accepterai son invitation. Nous pourrions alors, lui et moi, deviser sur la crétinerie patente de notre roy et sur la sorcellerie jacente de sa bru.

    En parlant de crétinerie du Roy, je constate qu'il vient de faire la première chose censée depuis le début de son règne: Trouver un compromis avec l'Artois qui met à feu et à sang le domaine royal depuis maintenant trop longtemps. Toutefois, et lisez bien, c'est là que la bêtise de notre souverain se révèle, il a négocié cette "trêve" en promettant à Smurf, comte d'Artois, le Rendu de l'argent volé par une impétrante Artésienne, au comté d'Artois, argent dont la couronne devait bénéficier pour moitié. Las, la France n'a jamais touché cet argent et a déclenché donc la guerre contre l'Artois par cet entremise. Enfin, il a donc conclut un accord avec le comte Artésien sans l'accord de l'impétrante jeune femme, dont je tairais le nom, jeune femme qui est en possession de l'argent et qui ne compte pas le rendre ni à l'Artois, ni à la couronne de France qui l'abandonne...
    Avouez que c'est hilarant, tout du moins ca pourrait l'être si ce n'était pas le Domaine Royal qui devra sans doutes payer les pots cassés, encore, pots cassés qui valent si mes renseignements sont exacts, 800000 écus... Sans compter l’ignorance de la quasi totalité de l'affaire par les feudataires de France, qui croyaient lutter contre l'agresseur Artésien alors qu'il n'en était rien.

    Enfin, je cesses là de m'épancher sur ces conflits militaro-politique qui ne sont que le commun des souverains qui se succèdent.
    Pour tout vous dire, je ne crois pas que votre Amie Béatrice fut une excellente reyne. Elle fut la première après Levan, nuance, à être reyne élue et cela a beaucoup joué en sa faveur. Les détracteurs à la couronne ont attendu de voir comment se dérouleraient les choses avant d'agir et ont pu commencer quand votre amie est Morte. La crétinerie de Nebisa aidant, puis la Fourberie de Louis Vonafred, tout est parti de travers.

    Pour moi, l'unique roy à servir correctement la France fut Eusaias. Pas par ce qu'il aura su m'élever, mais par ce qu'il était le genre d'homme que je sais apprécier. Droit dans ses bottes, fier et fort. Un guerrier sans peur si il en est, qui savait se montrer franc et efficace. Et il avait le soutien d'une consort toute aussi redoutable. Non, vraiment, il fut un bon roy, un excellent Roy, et je ne puis vous permettre dès lors d'entacher sa mémoire en le qualifiant de dingues ou autres sobriquets.

    Pour votre époux l'infirme, il me navre que vous deviez le supporter. Une femme de votre acabit mérite sans doute bien mieux qu'un boiteux purulent comme partenaire de chambrée ou même comme partenaire plus intime si vous suivez ma pensée.
    C'est folie que de l'envoyer au front comme il est sans doute folie que de le laisser en vie. De là où je viens, les infirmes, qui ne sont plus utiles physiquement, se voient reléguer en arrière plan, ou tués si ils sont sots et que leurs esprits ne servent à rien. Il s'agit de miséricorde et de sens pratique. En l'occurrence, votre Mari, conseiller au Roy, ne se sert pas de son esprit correctement, car les agissements de la couronne eux restent d'une navrante stupidité.
    Vous êtes capables, comme vous me l'écrivez, et une tendresse ne devrait vous empêcher de vivre sereinement, sans la charge d'un moins qu'homme. Débarrassez vous en. Vous lui rendrez service et vous vous rendrez service aussi.
    Donc non, je ne comprend toujours pas, même si je respecte les choix qui sont les votre.
    Il est navrant de constater que vous vous apportez charges supplémentaires de votre propre gré, mais n'est-ce pas là le lot des mortelles que nous sommes de nous compliquer la vie plus que de raison?

    Je vais tenter de démentir cet état de fait et de vivre libre de toutes quiétude. Le Vadikra ne ploiera plus.

    A bientôt, Della.


Normandie, le Premier Décembre 1461.


_________________
Della
L'hiver s'installait, amenant avec lui cette horrible obscurité qui s'entêtait à plonger les gens dans une pesante lassitude. Mais à Seignelay, on n'avait pas eu le temps de s'ennuyer. Entre l'organisation du départ pour la Guyenne et la vérification des dernières tâches à effectuer, Della n'avait pas eu un moment à elle.
La lettre de Drahomir était arrivée juste avant son départ, elle ne l'avait ouverte que le lendemain lors de l'étape dans une auberge quelque part en Auvergne.
Comme à chaque fois, sa lecture la fit sourire puis lui provoqua une ride contrariée avant de l'obliger à réfléchir à la véracité des mots du Drôle.
Tout à la fois elle se réjouissait de ces échanges épistolaires autant elle craignait de trop se dire...Cependant, elle faisait confiance à Drahomir, il ne semblait pas homme fourbe...

C'est de Guyenne qu'elle fit partir sa missive.


Citation:
    A Vous,
    De Moi.


    Le bonjour !


    Avez-vous été impatient de recevoir cette lettre ?
    Mes mots vous ont-ils manqué ?
    Les vôtres m'ont plu, j'aime lire votre présence à travers le parchemin.
    J'avoue aussi mon plaisir à savoir que votre trogne se pare de sourires de ma faute ! Cela est un vrai régal.

    L'affaire de l'Artois montre bien à quel point Nicolas n'avait pas ce qu'il fallait pour se retrouver porteur de la royale couronne. S'il est vrai que Béatrice bénéficia de la nouveauté pour son règne, au moins elle, elle connaissait la politique du Royaume avant de se porter candidate. Cette femme était de celles qui savent tout, toujours et pour tous. Certains de ces édits ont pu être discutables et discutés mais au moins avait-elle la sagesse d'écouter et d'entendre les avis de personnes avisées. Celui-ci ne semble s'amuser qu'à se regarder le nombril et à échafauder des plans qui ne sont qu'ondes sur l'eau.
    Eusaias...C'était mon ami, le saviez-vous ?
    Nous avons connu des moments particuliers lui et moi. Oh rien de mal, rassurez-vous, rien que de ces instants qui forgent une amitié solide et sincère. Hélas pour lui, dès le départ il a mal choisi ses conseilleurs. Sa première erreur fut de poser les fesses de ma mère adoptive - Angélyque de la Mirandole - sur un fauteuil de Pair, sans passer par la case "demander des avis éclairés". La suite a pu nous montrer que si l'intention de secouer Rome était bonne, les moyens pour y arriver étaient caduques et surtout, n'étaient pas suffisamment pensés, laissant la part belle à ses opposants. Je suis Aristotélicienne, je renie l'Eglise qu'Eusaias a tenté d'établir mais cela ne m'aurait pas empêchée de l'admirer s'il avait pu aller au bout de son projet. Le sang qu'il a fait verser en Bourgogne, ces querelles qui existent encore aujourd'hui dans ce duché qui fut si beau et si grand, montrent à quel point Eusaias a mal géré la religion. Il est mort en laissant un Royaume instable, en laissant toute latitude à notre petit roitelet pour faire tout et n'importe quoi ! Oh, il pensait que Agnès lui succéderait sans doute mais Nicolas avait déjà bien préparé la partie et ses pions étaient déjà bien en place, sa victoire ne faisait pas de doute. Il nous reste à attendre que le trône le tue comme il le fit pour ses prédécesseurs. Vous feriez un bon roi, Drahomir.

    Savez-vous que j'ai ri ?
    Me débarrasser de mon époux !
    Un époux n'est pas comme un vieux linge que l'on donne aux pauvres lorsqu'il n'est plus assez épais pour nous servir ! Je ne peux jeter Kéridil ni même le vendre en place publique ! Que dirait mon cher beau-père s'il savait que j'offre un époux à une vente aux enchères ?
    Je vous adore, Drahomir, pour ces moments de joie que vous venez de m'offrir !
    Non, je ne peux me débarrasser de mon époux. Seule la mort pourra nous séparer. C'est ainsi un mariage.

    Oui, restez libre, Vadikra, vivez sans chaînes et sans jamais plus ployer. Cette vie de liberté, nous en rêvons tous, n'est-ce pas ? Un jour ou l'autre, ce goût nous prend au fond de la gorge et aucune eau n'arrive à l'étancher parce que se sentir libre ne vaut que par ce qu'on se donne le droit de l'être. J'ai été libre, avant. J'ai aimé l'être. Puis le jour est arrivé où les devoirs m'ont rattrapée et alors, j'ai du payer ce droit d'avoir vécu libre. Je l'ai fait parce que l'honneur était plus important pour moi alors que la liberté. L'honneur de mon nom, de celui de mes aïeux, ce celui des Volvent. Je ne regrette pas le temps de la liberté, j'en ai encore un peu le goût, parfois, qui me revient. Alors, je ferme les yeux et je rêve de ce qu'aurait été ma vie si j'avais vécu libre. J'ai aimé, le saviez-vous ? J'ai aimé un homme à en perdre mon âme s'il l'avait fallu. D'ailleurs, je n'ai pas hésité à me brûler les ailes pour l'aimer. Ce fut un amour passionné qui nous emmena lui et moi sur des chemins dangereux que pourtant nous ne redoutions pas tant nous étions...ivres de liberté, plus rien n'existait alors, pour nous, nous n'avions peur de rien et nous aurions tout aussi bien pu braver n'importe quelle menace, nous aurions été vainqueurs ! La mort est venue et je suis restée veuve de cet amour.
    Oui, restez libre, Vadikra et vivez tout ce que la vie pourra vous offrir.

    Je me suis installée en Guyenne, pour y passer l'hiver, peut-être plus.
    J'ai emmené mes enfants au Prieuré Sainte Illinda où nous allons vivre au rythme des moines. J'ai besoin de ce ressourcement, de ce temps de quiétude et de prières. J'ai tellement de questions pour lesquelles je désire une réponse. Dieu pourra peut-être m'aider. J'ai la foi et je veux y croire. Je prierai pour vous, Drahomir, je vous le promets.
    Si vos pas vous menaient vers la Guyenne, passez donc me voir, je serais très heureuse de votre visite.

    Me débarrasser de mon époux...

    A bientôt, Drahomir.

    Que le Très Haut vous garde.

    Sainte Illinda, le 9 décembre 1461.


_________________
Della
Il n'y avait pas eu encore de réponse mais elle ne se formalisait pas, Drahomir n'avait aucun compte à lui rendre.

Elle ressentit le besoin et l'envie de lui écrire, elle voulait lui dire...


Citation:
    A Vous,
    De Moi.

    Mon époux se meurt.


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Drahomir
Le bois se fend et chute à même la neige. Bûche qui roule et qui termine sa course sous la botte fourrée d'un géant des steppes. Géant qui s'abaisse et la ramasse, se redresse et s'étire, fait rouler ses muscles endoloris par l'effort constant sous sa peau.
Le tissu de sa vieille chemise de jute épouse son derme trempé de sueur malgré le froid piquant, il a enfin terminé sa besogne, lui qui fend et coupe le bois depuis l'aube. En effet, Il a profité d'une accalmie lors de son voyage pour gagner quelques écus.
La hache avec laquelle il a œuvré toute la journée vient se poser sur son épaule alors qu'il rejoint la file des embauchés du jour pour toucher sa paie.


Le contremaître chipote un peu, mais le regard noir d'avertissement reçu par le tchèque a tôt fait de le remettre dans le droit chemin, et c'est la bourse pleine d'écus que le Vadikra repart en direction du bourg.
Sur place, il se rend à la poste récupérer courrier si il en a. Et il en a, un, de la duchesse de Chartres. Il est concis, il est bref et arrache à l'ogre un grognement.
Le papier rejoint les autres lettres de la renarde noire dans sa bourse, il lui répondra plus tard.

***

Plus tard, le soir, chambre d'auberge. L'homme croulant de fatigue suite à une journée d'honnête labeur prend la plume à la lueur d'une bougie. Il va répondre à la femme de Keridil. Il comptait le faire, plus tard, quand il aurait quelques trucs à lui conter, par ce qu'il n'est pas le genre à s'appesantir sur du vent, et par ce que le papier de qualité coûte cher, qu'il n'a plus accès aux fonds de la couronne, mais aux siens en propres, qu'il n'est plus riche non plus, et que du coup, une bonne partie de son argent part en cette dépense, enfin, il attendait une occasion, véritable, qui lui est donnée présentement.
Encre, plume, parchemin.


Citation:
A Della D'Amahir-Euphor
De Drahomir Sergueï Vadikra


    Madame,

    Il me navre, oui, il me navre, de vous savoir bientôt femme en deuil.
    Je n'irai pas jusqu'à m'appesantir sur la mort future de votre époux, car je ne le connais pas d'abord, par ce qu'il est amoindri, ensuite, mais bien sur la douleur qui risque d'être votre. En effet, je sais, madame, quel mal fait la perte d'un être que l'on estime, que l'on chérit, que l'on a aimé par le passé. Je sais l'épreuve que c'est, je sais les larmes qui risquent de naître du départ du père de vos enfants. Tout ca je le sais, car moi même, je suis veuf de ma première épouse.

    Elle était belle, elle était douce, elle était distinguée. Une femme faite pour un homme de langue, de plume et non pas pour un barbare mal dégrossi de mon acabit. Une femme que j'ai malheureusement négligé pour la guerre et la rapine. Pour la garde que je servais par le passé, celle du prince de Montmorency. Une femme que j'ai vu s'éteindre et que j'ai pleuré, car dieu seul sait à quel point je l'aimais. Oui, madame, je l'aimais.

    Mais cette douleur, bien qu'inévitable n'est pas insurmontable. Croyez moi sur ce point. Vous vous en remettrez, vos enfants aussi, et vous renaîtrez, pas amoindrie, mais plus forte. Je n'ai aucun doute. Il vous libère là de sa charge, de son handicape, tentez de voir le positif dans cette noire situation.

    Enfin, bien que pragmatique, je ne suis pas sans cœur, et si besoin s'en faisait sentir, je suis tout à fait prêt à vous soutenir, croyez moi. D'ailleurs, autant que je vous l'annonce par l'entremise de ce velin, je suis actuellement sur les routes à la recherche d'une nouvelle terre d'accueil et j'ai porté mon choix sur la Guyenne qui me semble une contrée prometteuse. Ainsi, nous serons certainement bientôt au même endroit, et je me fais une joie que de vous revoir. J'espère qu'il en est de même pour vous.

    Je crois ne plus rien avoir d'autre à vous écrire, pour l'heure. Sachez, simplement que c'est toujours un plaisir que de vous lire et de savoir que quelque part, en guyenne, une femme pense à moi. Nombrilisme tout à fait masculin, j'en conviens.

    Portez vous bien, continuez à m'écrire. Et à bientôt.


Orléannais, le 22 décembre 1461



Il a longuement hésité à l'envoyer. Le passage sur sa femme, bien que bref, en révèle déjà trop sur lui. Il croit bien n'avoir jamais parlé d'elle à quiconque, sauf à la hérauderie, pour l'enregistrement de sa Maison. M'enfin, la papier partira, le soir même, par l'entremise d'un courrier rapide ayant pour destination Bordeaux.
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Della
Les heures étaient longues auprès de son époux dont la conscience s'éteignait comme le feu d'une chandelle de bonne qualité, lentement, vacillant, reprenant un peu de force lorsqu'un souffle venait faire danser la flamme. Dans les couloirs de Seignelay, malgré le nombre de visiteurs venant présenter leur dernier adieu au Pair de France, le silence régnait en maître, chacun attendant l'heure où la Faucheuse passerait. Kéridil ne semblait plus souffrir, les drogues administrées par les médicastres l'endormaient, l'emmenaient dans des voyages au-delà du visible. Et Della restait là, des heures durant, estimant que sa place n'était nulle part ailleurs alors. La plupart du temps, elle lisait, parfois à voix haute. Elle écrivait aussi...La missive de Drahomir l'avait émue, il se livrait sans pudeur, laissait à voir un homme que sans doute très peu connaissaient. Elle appréciait le "Drôle"...

Citation:
    A Vous,
    De Moi.

    Le bonjour.

    Jamais je n'aurais imaginé vous eussiez été veuf. Vos mots font écho de l'amour que vous éprouviez pour votre épouse, elle devait en être heureuse. Aimer est un don du Ciel et chaque jour, je le remercie de m'avoir fait ce cadeau, il demeure précieusement au fond de mon être, il me donne la force de continuer mon chemin, sans regret. Le décès de mon époux ne sera qu'un obstacle de plus à franchir et je le ferai parce que c'est ainsi, mes enfants auront besoin de leur mère, de voir sur mon visage que la vie est plus forte que la mort et le chagrin. Je trouverai de nouveaux buts et un nouvel horizon où poser mon regard pour y trouver un nouvel avenir. J'apprendrai ce qu'est le veuvage et si Dieu le veut, je quitterai cet état pour en découvrir un autre. La vie, un chemin tortueux.

    Me voici ravie d'apprendre que nos chemins risquent de se croiser, en Guyenne. Pour moi aussi, ce sera une grande joie de vous revoir. Il m'est difficile d'écrire ce que je pense de vous, de trouver les mots pour expliquer le changement qui se produit en moi à votre encontre. Doucement, l'image du sauvageon s'en va et j'entrevois sous cette épaisse couche de peaux sous lesquelles vous m'êtes apparu la première fois, un homme agréable à connaître et à côtoyer peut-être. Est-ce sage pour une quasi-veuve de parler ainsi ? J'en doute. De grâce, gardez cela pour vous.

    Que le Ciel vous protège, Drahomir.


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Della
Citation:
    A Vous,
    De Moi.


    Bonjour.


    Le noir ne me va pas du tout. J'ai décidé de porter du rouge. Et du blanc quand je suis au Prieuré. Parce que le rouge, ici, ça serait déplacé.
    J'ai vécu dans une brume étrange pendant plusieurs jours, sans pouvoir distinguer la réalité des scènes imaginaires qui se jouaient dans ma tête. J'ai même vu Kéridil se lever et venir m'embrasser alors qu'il était raide et froid depuis des jours. Au bout de cette brume, je voulais des responsables, Lexhor était le candidat idéal, lui qui avait emmené mon époux dans son armée alors qu'il était impotent. J'ai honte d'avoir ainsi accablé cet homme qui venait de perdre un fils. Mais à présent, je suis en paix, je sais que le destin de mon époux était de donner sa vie pour tous les combats qu'il a pu mener, le combat des mots et celui des épées. Il est parti, je le sais en paix et je veux écrire une nouvelle page dorénavant, une page qui ne se verra ternir par aucun fantôme de ma vie d'avant ce deuil. Je ne retournerai pas vivre en Bourgogne, pas plus que je n'irai en Orléans. Je resterai au Prieuré ou ailleurs dans le Sud parce que j'aime la température qu'il y fait, même l'hiver.

    Etes-vous arrivé en Guyenne ? Vous ne m'avez plus écrit aussi viens-je aux nouvelles, j'espère qu'il ne vous est rien arrivé de fâcheux sur les routes. Peut-être êtes-vous finalement parti ailleurs ? Vous me trouvez sans doute curieuse, c'est que j'éprouve un besoin de savoir où vous êtes et ce que vous faites. La raison ? Aucune idée. Peut-être un sentiment d'amitié à votre égard, allez savoir !

    Parlant de la Guyenne, je tente un rapprochement du Prieuré vers le Duché. Il faut dire que la défaite de Sancte aux ducales m'aide beaucoup ! Je gage qu'il m'aurait fait enfermer dès que j'aurais eu posé le pied au palais ! J'exagère, je sais mais je crois qu'il ne m'aime vraiment pas. Je lui ai écrit, pour lui tendre une perche mais je n'ai pas eu de réponse. J'ai fait le voeu de ne plus médire sur lui, aussi n'ajouterai-je rien.

    Avez-vous lu les annonces émanant du Louvre, dernièrement ? Nous revoici avec Ingeburge à tous les coins de corridors ! On se croirait revenus au bon vieux temps de Lévan. Remarquez, j'apprécie Ingeburge qui par ailleurs est ma cousine puisqu'elle a épousé Actarius, cousin de Kéridil. Mais revoici à nouveau beaucoup de pouvoirs entre deux seules mains. Je suis étonnée qu'elle ne soit pas nommée Régente à la place de ce cher Julien qui est aussi mon cousin par alliance. Quelle famille, n'est-ce pas ? Cela me fait toujours beaucoup rire lorsque j'évoque les liens tortueux de mon immense famille ! Je vous ennuie avec mes histoires, j'en suis certaine. Pourtant, mon dessein n'est pas de vous ennuyer mais d'attirer un peu votre attention et vous inciter à prendre votre plume. Un mois sans lire vos mots, déjà. Peut-être n'avez-vous plus envie de ces échanges et peut-être aimeriez-vous que je vous laisse en paix ? Dans ce cas, il vous suffit de le le signifier et cette lettre sera la dernière si tel est votre souhait.

    Il sera bientôt l'heure de la messe. Il me faut cesser d'écrire.

    Je vous laisse sous la Bienveillance du Très Haut.




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Drahomir
Le courrier l'avait trouvé prestement. En effet, le Tchèque se trouvait près, très près, du prieuré où habitait la duchesse de Chartes.
Bazas, ville Guyennoise où il avait fait l'acquisition d'une nouvelle propriété, où les deux couples qui l'aidaient à faire prospérer ses terres en Alençon l'avaient rejoint.
Nouveau domaine agricole, donc, sous un climat plus clément, pour une vie plus douce, moins stressante. Et plus riche.

Il ne regrettait pas son départ d'Alençon, comme il ne regrettait pas d'avoir abandonné la Vicomtesse avec laquelle il avait voyagé.
Il ne gardait en souvenir de cette relation qu'un bouclier de bois et une épée, qu'il maniait fort mal, cette arme étant bien trop raffinée et trop légère pour son style à lui, bien plus percutant.
La lettre vint le trouver en pleine taille des vignes. Il se redresse et étire son dos endolori à force d'être courbé. Il remue légèrement les épaules et fait rouler ses muscles perclus sous sa peau avant de la parcourir.
Diverses émotions sur la trogne. Une légère tristesse, puis un sourire. Il remet le papier à Babette, l'épouse d'un de ses deux ouvriers, préposée au ménage et à l'entretien de la demeure du Vadikra.


Poses ca sur mon bureau, j'y répondrai ce soir.

Et le soir vint bien vite. Après un solide repas, à proximité d'un feu de bois crépitant, l'Ogre s'abime à jouer de la plume en réponse à la lettre de la Seigneulay.
Citation:

A Della d'Amahir Euphor.

    Madame,

    Retirez vous cette fausse idée de votre jolie petite tête. Non, vous ne m'ennuyez pas, bien au contraire, c'est toujours un ravissement que de parcourir vos mots, peu importe ce qu'ils disent, c'est bien agréable, et cet état de fait, en soit, justifie amplement que vous continuiez de m'écrire.

    Recevez mes condoléances pour la mort de votre époux. La France perd un homme de valeur qui n'avait à coeur que de la servir, et juste pour cela, c'est un regret que de le voir nous quitter. Les hommes qui la servent sans contrepartie, juste par ce qu'ils l'aiment, par ce que la France est France, royaume fort, malheureusement dirigé par un faible, ces hommes, donc, se font rares, et c'est toujours une infinie tristesse que de les voir partir.
    Je ne connaissais pas de visu votre époux, mais le savoir fils aimé de Lexhor suffit à l'estimer. D'ailleurs, ne l'accablez pas trop, Lexhor est un homme comme je les décrits plus haut, il ne mérite pas votre ire, j'en suis certain.

    Portez donc le Rouge et le blanc, ces deux couleurs sublimeront à souhait votre teint et évitez comme vous le faites déjà, le noir. C'est bien trop couteux, de prime abord, et les personnes qui le portent semblent souvent souffreteuses et peu amènes. J'ai d'ailleurs, chez les Grands Officiers, put côtoyer l'Aiglon Chambellan et la Reyne Froide d'Arme, qui ont fait, tous deux, du noir leur couleur, et ma foi, ce ne sont guère deux personnes avec qui l'on peut rire facilement, ni même plaisanter.
    Revenons en à Ingeburge, qui a été nommée, comme vous le soulignez, Grand Maistre de France.
    Pour ma part, je vous rejoins, je pense aussi qu'il n'est guère très profitable à notre royaume de voir le pouvoir ainsi centralisé, toutefois, c'est la première fois que Nicolas nomme quelqu'un de réellement compétent depuis le début de son règne, et juste pour cela je ne peux le blâmer. Ingeburge servira bien la France, et ma foi, je croise les doigts pour voir bientôt un nouveau souverain sur le trône.
    Moi, actuellement, je m'amuse à étudier les agissements de ma successeur. Elisabeth Stilton, et plus le temps passe, plus je la trouve sotte au possible. Elle conspuait un de mes arrêt, a tentée= par annonce de me discréditer, et voila que présentement, elle retranscrit un nouvel arrêt identique au miens, avec les mêmes effets. Non, c'est pathétique et il est navrant de voir la justice de notre royaume aussi mal servie...

    Enfin. Réjouissez vous, je suis en Guyenne, et tout près de votre monastère, à Bazas, où j'ai pénates. Bien sûr, ca ne vaut certainement pas le confort d'une de vos terres, mais mon petit domaine vaut le détour, et si jamais l'envie vous prenait de me rendre visite, vous seriez reçue avec tous les égards dus à votre rang. Je suis un butor, certes, mais un butor qui est au fait des us et coutumes de la noblesse.
    Continuez votre combat pour rapprocher votre prieuré du duché de Guyenne, c'est un combat saint, qui vous honore. Toutefois, gardez à l'esprit que nombre d'hommes d'églises desservent cette dernière plus qu'ils ne la servent, j'espère dés lors que ce genre de parasites ne profiteront pas de vos efforts pour leur avancement personnel.

    Voyons nous bientôt, je vous pries. Très bientôt. Ce serait un réel plaisir.

    En attendant, que la prière vous apporte la paix qui vous est chère.



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Della
Elle ouvrit la missive avec une espèce de nervosité qu'elle n'avait pas ressentie depuis des semaines, plutôt de l'impatience frappée de curiosité qui animaient un regard devenu un peu trop vide, un peu trop sombre.

Dès les premiers mots, elle sourit, ressentant une véritable joie à la lecture des phrases qui s'enchaînaient.
Ses yeux s'ouvrirent un peu plus grand lorsqu'elle lut : " je suis en Guyenne, et tout près de votre monastère, à Bazas, où j'ai pénates" !
On était à quelques jours de la fête de Sainte Illinda, si elle l'invitait...


Citation:
    A Vous,
    De Moi.

    Cher Drahomir,


    Merci, pour vos mots qui me remplissent d'une joie sincère. Cela fait un bien fou !

    Pas de noir alors, c'est dit !
    Vous avez raison, je ne voudrais pas que l'on me compare à Charlemagne ni même à Ingeburge et cela bien qu'elle soit une sacrée bonne femme, je suis d'accord avec vous pour reconnaître ses qualités.

    Il m'est difficile de parler d'Elisabeth Stilton. Je l'aime bien, j'aimais surtout beaucoup sa défunte mère - paix à son âme - et par amitié pour elle, j'apprécie Elisabeth qui, par certains traits, lui ressemble.
    Je lui ai fait remarqué que cela était un peu paradoxal de supprimer un arrêt pour le remplacer par un autre, quasiment le même. Elle m'a répondu que celui-ci, le sien donc, était écrit en concertation avec Montjoie afin d'éviter le souci de votre arrêt où l'on annonçait qu'il n'y avait plus de lien de vassalité. Je vous avoue que ce genre de détails me passe un peu au-dessus de la tête, surtout en ce moment. J'espère que vous, vous y comprenez quelque chose et qu'ainsi vous pouvez juger de fondement ou non du remplacement. Il faut dire que nous avions insisté, dame Quiou et moi, pour avoir un certain poids à mettre dans nos courriers aux Feudataires. Car vous savez bien que certains répondent de suite et que d'autres n'en ont rien à faire !

    Vous êtes en Guyenne, mais quelle chance !
    Je vous invite à la fête de Sainte Illinda qui aura lieu le samedi 27 janvier, au Prieuré. La seule excuse valable à votre absence sera que vous êtes cloué au lit, à l'agonie.

    Je suis impatiente de vous revoir.

    Que le Très Haut vous garde.


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Drahomir
Et le temps avait fait son oeuvre. Voila que maintenant l'ogre escortait la belle sur les routes de France, la protégeait, la choyait et la chérissait plus que sa propre vie. Voila que maintenant, il partageait ses repas, sa couche, sa vie. Voila qu'il ne la quittait presque plus, si ce n'est quand dame nature se rappelait à eux. Ou quand après un tour de France éreintant, il devait, pendant que la première secrétaire d'état de France réglait quelques détails au prieuré qui l'avait accueillie, se rendre lui même en sa propriété, cette petite ferme sans prétention qu'il avait acquis et que ces deux fidèles hommes à tout faire avaient fait prospérer lors de son absence.
Le bétail allait bien, les récoltes seraient bonnes et ses quelques parcelles de vignes étaient prometteuses, un bon travail, un bon résultat qui arrachait au soldat/juriste devenu fermier un sourire de profonde satisfaction.


C'est bien.

Il s'adresse aux deux braves qui le servent depuis toujours et porte son regard sur une femme qui se tient légèrement à l'écart. De taille moyenne, elle a une corpulence plutôt forte, de matrone qui ne se laisse pas mâter facilement. Un peu grasse, mais musclée, elle est en somme ce que serait le Vadikra si il était une femme. Sa trogne n'est pas avenante, encore moins aimable et ses bajoues n'y ajoutent aucune douceur. Elle a le regard dur de ceux qui ont déjà tué pour se défendre. Une mercenaire. Engagée par ses hommes pour défendre les terres du tchèques lors de son absence. Pour finir son portrait, à l'instar de celui pour qui elle travaille, elle use mieux de la hache que de l'épée, ce qui n'est pas pour déplaire au boucher du Louvre qui compte bien la garder à son service.

Tu vas porter une lettre au prieuré à une demi journée de marche. Pour son Excellence Della de la Mirandole. Et... tu te mettras à son service jusqu'à mon arrivée.

Lettre qu'il irait écrire très vite, après avoir réglé avec ses intendants les derniers détails afin de mettre ses terres en ventes. Ils suivraient avec les meubles et tutti quanti.

Citation:
Ma douce amie.

    Si je prend la peine de t'écrire présentement, c'est pour te dire que je mettrais plus de temps que prévu à revenir auprès de toi. En effet, mon domaine se porte bien, mais il reste quelques petites choses à régler, lesquelles je souhaite me charger personnellement. C'est l'affaire d'une petite semaine.

    Néanmoins, comme je ne souhaite pas te laisser sans protection, j'attache à ton service la femme qui vient de te porter cette missive. Elle n'est pas bien belle, mais elle est forte. Mieux que cela encore, elle est aussi douée à la hache que je le suis certainement, elle aura d'ailleurs su me le prouver en tranchant d'un coup la tête d'une vieille génisse mourante. Non, très sincèrement, j'ai été admirablement surpris par les qualité de cette personne. Elle est peu disserte, mais ce n'est pas ce que je lui demande. Elle n'a pas de nom, tout du moins aucun qu'elle ait voulu me communiquer. Elle dit se faire appeler Chien de Heaume car à chaque bataille, c'est elle que l'on siffle*. Je la nomme donc Chien, et cela semble lui convenir, fais en de même.

    Pour le reste, j'espère que ta recherche de vassaux en Orléans s'avère fructueuse, pour ma peine je réfléchis à comment m'investir en Normandie. Il est temps que l'on s'établisse, et je suis certain que la côte Normande nous ira à merveille. Je suis bien entendu disposé à continuer de cacher notre relation si c'est plus commode pour toi, même si, je l'avoues sans honte, parfois, depuis que je suis avec toi, je rêve de crier à la face de ces crétins opportunistes qui me prennent pour un monstre comme je suis heureux et serein. Oui, serein, car c'est la sérénité que tu m'as apporté et que je chéris si fort. Depuis combien de temps n'ai-je pas laissé éclaté une de ses grosses colères qui me définissent? Depuis quand n'ai-je pas humilié ces vagabonds sans intellect tels la Stilton ou la surintendante, qui se croient si bons, si forts. Tu fais de moi un ourson sans griffes, inoffensif, et je suis incapable de dire si ca me déplait ou pas.

    Prend bien soin de toi, ma douce, jusqu'à mon retour. J'ai déjà hâte de nouveau pouvoir te serrer contre moi.


Tendrement.

D.



Le message serait porté par la dite Chien, qui en route fera bien mauvaise rencontre. Pour les malfrats qui tentèrent de la détrousser et qui se virent, de fait, molestés comme il se doit.

*Personnage largement emprunté à Justine Niogret.

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Della
Bien des mois étaient passés, bien des évènements aussi.
Si ses cheveux étaient restés aussi blonds, sur son visage désormais, des traits s'étaient marqués qui ne s'effaceraient jamais. Ce n'était même pas des rides, juste des ombres, celles que laissent la peine.
Quand il l'avait "plaquée", mot qui ne serait à la mode que bien plus tard, elle était passée par tous les états possibles et imaginables. Comme de bien entendu, elle avait imaginé l'assassiner de ses propres mains puis, de le faire tomber sous les mains de quelques malandrins qu'elle aurait payés grassement avant de les faire eux-mêmes disparaître et ainsi de suite. Mais la colère retombe, toujours. Et il ne reste alors que le désarroi et la tristesse, l'envie de se terrer au plus profond de la terre, vivre en ermite, bien cachée, loin de tous, pour pleurer autant qu'il est possible sur soi-même et sur l'amour perdu. Puis, la vie reprend le dessus parce que c'est ainsi, toujours, de la terre brûlée sort un rejeton. Alors, on avance malgré le poids du chagrin et on tente de rester digne, en ravalant ses larmes. Elle en était là, aujourd'hui. Quelques jours plus tôt, elle avait écrit une lettre à Hélène dans laquelle elle laissait libre cours à ses états d'âme. Mais aujourd'hui, il lui était nécessaire, vital, incontournable de lui écrire, à lui. Pas de reproche, pas d'état d'âme, seulement un souhait.


Citation:
    A Vous, Drahomir Vadikra
    De Moi, Della de la Mirandole.

    Sois heureux.

    D.

Parce que quand on aime vraiment, seul le bonheur de l'autre est important.

Maintenant, peut-être pourrait-elle penser à lui sans s'effondrer lamentablement.

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