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[RP] 3 pas de 2 pour 1 gage

Wallerand
Le Louvre. Salle des Mille Lys. 15 mars 1463. On couronne une Reine, parait-il, mais on n’en a pas encore vu la couleur. Rassemblées par le curieux hasard d’un malaise, deux personnes sont installées côte à côte. Il y a là un Gascon et une Armagnacote, un officier royal et une noble. Elle se remet d’un malaise, il craint d’assister à une rechute. Et là, c’est le drame : il fait la réflexion stupide qui tue. « Est-ce que vous allez mieux ? Vous étiez pâle à faire peur tout à l’heure… » C’est alors que Bella le regarda, et sourit doucement, soudain lasse.

Je ne saurai dire, il faisait si chaud, et il y avait trop de monde... Vous parler m’a évité d’y penser.

Enchanté de servir d'exutoire à la foule ! Mais il est vrai que l'air est bien rare.


Wallerand lui retourna un léger sourire, un peu rasséréné par cette réponse – après tout, si elle ne pensait plus à la foule, les motifs de malaise s’éloignaient -, tandis qu’elle continuait, se souvenant de son malaise, fronçant les sourcils, la peur revenant au galop.

Imaginez donc, tous ces souffles mélangés... Tout le monde va étouffer !

La jeune comtesse, inquiète, pâlit de nouveau en se retournant, voyant tout ce monde, et des gens qui entraient encore, emplissant la salle déjà pleine à craquer. Le jeune homme, conscient de son trouble, posa une main sur son épaule pour l'inviter à se retourner. Que faire d’autre ? Moins elle serait consciente que la situation était exactement la même, moins elle se trouverait mal… C’était bien évidemment une réflexion stupide, digne d’une autruche enfouissant sa tête dans le sable, car bientôt elle reprit :


Nous allons tous étouffer. J'étouffe.

Ne vous inquiétez pas, je pense que ce sera bientôt fini... Il ne manque plus grand monde, et ces salles sont prévues pour les grands rassemblements.

Je veux sortir !

Cela aurait pu passer pour un caprice, mais le ton plaintif associé à sa pâleur revenue ne laissait aucun doute. Elle le supplia du regard. Wallerand la considéra et, remarquant sa lividité, hocha la tête. Sans doute rien ne pourrait endiguer ce genre de craintes, qu’il avait déjà observé – quoique sous d’autres formes – chez son jeune frère. Bella ne supportait pas la foule et Acrisius ni les femmes ni les contacts, mais les symptômes se ressemblaient, au bout du compte. Et dans ce cas-là, il n’avait pas trouvé d’autre remède que l’éloignement du mal. Le hochement de tête s’accompagna donc d’un simple :


Vous devez en avoir besoin, oui... Ca n'a pas l'air d'aller fort, si je peux me permettre.

Wallerand se leva donc et lui offrit son bras, auquel la jeune femme s'accrocha sans hésitation, les jambes flageolantes. Elle lui murmura, se penchant contre lui, penaude :

Je ne suis pas habituée non plus à … tout ce monde, ce faste, ce ... protocole. Je suis désolée de gâcher ce moment.

Wallerand de Beauharnais lui sourit, se voulant rassurant. Facile à vouloir quand il savait qu’il se trouverait de nouveau désemparé si une nouvelle pâmoison pointait le bout de son nez et que, faute de public, il serait moins bridé pour ramener à elle la jeune fille. Sans s’arrêter à ces considérations, il haussa légèrement les épaules, comme écartant une objection sans importance, et lui glissa en retour :

Ne vous inquiétez pas, c'est normal... Je veux dire, ça ne sert à rien que vous tombiez malade, autant que nous allions prendre l'air.

Bah oui, il n’allait pas la laisser s’en tirer comme ça, pardon, partir seule au risque de faire un malaise en pleine rue, de se faire dépouiller et de subir un bien plus mauvais quart d’heure que s’il l’accompagnait.

Si je reste, je crains de ne pas être en état de danser. Pour le gage que je vous dois. Et ça, ça serait dommage, compléta in petto le Beauharnais.

Voulez-vous retourner à votre auberge ? Je peux vous accompagner, si vous le voulez.

Wallerand lui sourit dans sa tentative de prolonger ce moment partagé, et la jeune femme ne put que répondre à ce sourire inquiet, malgré son malaise. Comme, par ailleurs, un Gascon véritable savait se montrer insistant, il ne put résister à la tentation de se pencher légèrement, alors qu’ils quittaient la salle, pour murmurer :


Ce serait dommage que vous ne soyez pas en état de danser ! Enfin, à mon très humble avis... Aheum, ceci dit... Nous entendrons sans doute la rumeur du couronnement.

De l’œil, il chercha les huissiers qui les avaient si bien accueillis et aidés, espérant pouvoir leur glisser au passage un modeste mais sincère remerciement.
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Christabella
Bella soupira et inspira un grand coup, soulagée d’être sortie de la salle bondé et bruyante. Elle serrait toujours étroitement le bras du Beauharnais. Elle n’avait jamais vu autant de monde réuni dans une salle. Même si la salle n’était pas si petite que ça, la multitude, la foultitude de corps et de gens l’avait impressionnée. De mémoire, -pour autant qu’on puisse juger d’une jeune fille ayant connu une période d’amnésie profonde durant quelques mois – elle n’avait guère connu cela. Des grands rassemblements, oui, mais dans de hautes cathédrales, ou en plein air... Il fallait qu’elle détourne ses pensées de cette foule compacte. Ainsi, après quelques minutes de répit...

Expliquez moi. La saltarelle.

Wallerand sourit. C’était une manière sans prétention de prendre le temps de rassembler ses idées. Le passage du brouhaha continu à un calme ambiant l’avait pour ainsi dire plongé dans une rêverie dont les mots de l’Armagnacote venaient de le tirer, et ce fut seulement quand il percuta qu’il repartit :

Vous expliquer comment danser ? Ma foi... Vous montez à cheval ?

Oui, j’ai appris cela très jeune.

Alors la première règle... Au moins pour les danses comme la saltarelle, c'est de ne prendre appui que comme on met le pied à l'étrier. C'est ce qui donne le meilleur élan. Si vous dansez sur les talons, vous n'en aurez pas et serez lourde... Enfin, pour autant que vous puissiez l'être !


Le Beauharnais sourit, accompagnant ses mots d’un clin d’œil espiègle – après tout, la jeune fille n’était pas épaisse et devait bien le savoir -, et Bella, amusée par le compliment, éclata d’un rire joyeux. Elle aimait ce côté espiègle, joueur, c’était une chose qu’ils avaient en commun. Un sourire mutin sur les carmines, l’air de ne pas y toucher, elle répliqua :

D'accord ! Et... et si je tombe?

Je vous rattrape !


Le rire argentin résonna une nouvelle fois. Wallerand sourit (mais allez savoir s’il n’y avait pas, à cet instant précis, une vague arrière-pensée liée au fait qu’il était toujours agréable d’avoir une belle femme dans les bras), et elle pensa, non sans un léger embarras, à la manière dont il l’avait tenue lorsqu’elle s’était à moitié pâmée. Curieusement, cette fois-ci, ils avaient à peu près la même chose en tête, quoique de points de vue presque… Symétriques.

Donc, vous me rattraperez, encore.

C'est à ça que sert un cavalier... Enfin, normalement, ça sert à vous éviter de tomber, mais en cas de pépin, vous devriez pouvoir compter sur moi.


Et... admettons que je le fasse exprès?


La jeune femme rit derechef, badinant joyeusement avec son chewallier servant, qui éclata de rire. Une chute volontaire ? C’était dangereux et intéressant à la fois ! Pariait-elle sur la capacité du Beauharnais de la rattraper en vue d’une chute contrôlée dans des bras accueillants?

J'aurais honte de vous laisser goûter à la paille du sol !

Je suis maître ès chutes...

Maître ès chutes ? Eh bien, Bella, d'où vous vient cet art ?

Des joutes ! Je ne suis guère brillante, je chute souvent.

Si vous êtes maître, c'est que vous persévérez... ça paiera sans doute un jour ! Et vous faites exprès de tomber lors de joutes ?


Elle éclata de rire, un petit argentin qui résonnait dans les rues. Elle s’amusait énormément du tour de la conversation. Elle pensait à sa première chute en armure, où elle s’était senti aussi souple qu’une tortue sur le dos.

Non, grand dieu non!

Vous m'avez fait peur !

Mon fessier ne s'en remettrait jamais sinon, je le crains !


Wallerand en rit de plus belle. L’idée de chutes plus ou moins volontaires, plus ou moins inopinées entretenait une hilarité qu’il refréna à grand peine pour articuler, terrassé de nouveau de rire par l’image qui s’imposait à lui :

Ce serait fort dommage ! Vous devriez rester debout pour gérer les mines, et vous en pâtiriez encore !

Et vous êtes bon danseur?


Elle lui sourit, amusée. Elle qui n’avait jamais appris à danser... Elle était curieuse d’en savoir plus sur son futur cawallier.

Eh bien... Dans un bal paysan, je suis excellent ! Dans un bal de cour, vous auriez honte d'un cavalier comme moi.

Vous avez dû avoir de nombreuses occasions de danser dans votre vie...


Le sourire était toujours là, mais le ton était plus sérieux, peut-être un peu rêveur. Quelque part, elle se doutait qu’il avait dû multiplier les cavalières pour savoir aussi bien danser. Elle lui jeta un regard de biais, le fixant de ses jades. Le Beauharnais sourit et haussa légèrement les épaules. Ici et là jaillirent de ses souvenirs les fêtes à Machault après les récoltes, les fins d’année toujours joyeuses après les mystères représentés dans l’église, les tavernes d’un soir pendant les voyages, les maisons moins officiellement fréquentables où les plaisirs de la danse se mêlaient à d’autres que la morale de son frère réprouvait… Plus ou moins éméché, il avait effectivement multiplié les pratiques.

Un certain nombre, oui... Mais à la manière sans formalités du peuple !

Il lui tendit son bras, l’invitant à marcher. L’air soudain grave, elle le considéra, agacée par cette noblesse qui lui avait échu presque par hasard, les aléas de sa vie. Agacée de ce protocole qui l’entravait parfois, et par certains qui se sentaient obligés de lui faire des courbettes. Quand d’autres rustres lui donnaient des cours en taverne de « ce que dois faire ou pas un noble ». Quand on connaissait la réputation de certaines et certains de son comté, on pouvait se poser la question du bien-fondé de leur soudaine propension à donner des cours aux autres. Elle n’était pas née noble, n’avait pas été élevée pour être noble. Il fallait rétablir une certaine vérité !

Je viens du peuple, je ne suis pas différente de vous.

Non, elle n’était pas une de ces poupées de porcelaine, une de ces poupées maniérées et artificielles. Wallerand lui sourit, comme pour s’excuser de la bourde qu’il sentait confusément avoir commis, et toucha le bras de Bella, du bout de l’index, se forçant à prendre une mine dubitative.

Il est vrai que vous avez l'air faite de chair...

De chair, oui... Et de sang.

Aussi ? Incroyable !


Le Beauharnais lui sourit largement. Il aimait jouer ce rôle d’un impossible naïf, qui permettait toutes les extravagances au moins verbales – et, en l’occurrence, sous formes d’une très, très légère palpation. Le sourire était communicatif, et le badinage continuait.

Ce que je voulais dire, c'est juste que... Je suis loin d'être le danseur le plus chevronné du coin. Mais vous verrez, quand nous aurons trouvé un point de chute, nous serons parfaits pour notre environnement...
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-> Par ici les jolies bannières ^^
Wallerand
Wallerand s'arrêta et la considéra, comme s’il se rappelait de quelque chose. C’est qu’ils sortaient d’une cérémonie officielle, la plus officielle de toutes les officielles même. Leurs tenues étaient pour le moins voyantes, voire carrément trop luxueuses pour ce qu’ils avaient en tête.

Hum... Oui, justement, en parlant d'environnement... Est-ce que vous auriez une tenue plus, disons, invisible ?
Plus simple, vous voulez dire?
Voilà, oui...
Entre nous...


Elle se pencha contre lui, un tout petit peu plus près qu’aurait voulu la convenance, pour lui glisser à l’oreille, sur le ton de la confidence.

Le corsetage est parfois dur à supporter. Alors pour danser, ce sera mieux.

La jeune femme lui adressa un sourire mutin tandis qu’il la considérait, cédant à son tour à l'amusement – après avoir sacrifié au plaisir de se laisser murmurer quelques mots - dans un sourire.

Chacun son manque dans la vie... Vous, les belles femmes au bras, et moi le corsetage !
J'emmène toujours une tenue plus légère dans mes coffres, pour me fondre dans le paysage. Ou chevaucher.
Ah, magnifique ! Ce sera parfait. Du coup, nous allons devoir retourner à nos pénates respectives, j'imagine ?
Vous me laisseriez rentrer seule?


Faussement indignée, la jeune femme rit mais au fond elle espérait qu’il ne la laisse pas choir, et qu’elle se retrouve seule après s’être changée. Et elle devait voir son attente réalisée, car le Beauharnais était bien loin de souhaiter se défaire de sa compagnie, ce qui se manifesta par :

Certes non, je m'en voudrais qu'il vous arrive quelque chose !
C'est peut-être moi qui vous accompagnerait ensuite, pour vous protéger...


Le ton était cette fois un brin moqueur, si bien qu’il éclata de rire. Après tout, il savait qu’elle avait dirigé une armée et organisé, fut un temps, la sécurité en Armagnac. Si chacun accompagnait l’autre, ils finiraient en effet par ne plus se quitter du tout. L’allusion à la sécurité amena un nouveau sourire sur les lèvres du Beauharnais, empreint d’une pointe de nostalgie peut-être. La sécurité lui manquait un peu, il fallait l’avouer. La Prévôté avait été une révélation pour lui, et passer brutalement d’elle au commerce avait été un peu déconcertant. On ne commandait pas des marchands ambulants comme des subordonnés… Mais, loin de s’appesantir sur son propre rôle sécuritaire, le jeune homme acquiesça vigoureusement à la proposition dans son rire, et lança :

Il est vrai ! On n'est jamais trop prudent !
Je m'en voudrais qu'il vous arrive quelque chose...


Le Beauharnais se reprit à grand peine, ajoutant avec componction quelques mots qu’il avait parfois pu vérifier :

De nos jours, les femmes supplantent les hommes en bravoure !
Vous voyez bien! Mais quelle chevalière je ferai, si je me pâme en vous protégeant...


Wallerand de Beauharnais sourit avant d’ajouter, sur un ton taquin :

Vous me feriez un bouclier de votre corps, n'est-ce pas le plus grand dévouement possible ?

La jeune femme pouffa de rire à cette idée, un brin amusée et légèrement troublée à cette idée. Wallerand, lui, écarta l’image qui s’imposait à son esprit – et qui n’était pas des plus correctes – et reprit, renouant avec leur projet initial :

Ceci étant, quel chemin prenons-nous donc ? Pardonnez un grand terre à terre, j'ai de quoi me changer dans les locaux de la Connétablie, mais je ne connais pas le chemin pour votre auberge... Par où voulez-vous commencer ?

D'abord mon auberge, ainsi je pourrai vous prêter ce corset qui vous manque tant ! Nous y sommes presque, c’est sur la place d’armes. Soyez patient, Wallerand, et vous saurez enfin ce que c'est de respirer de manière à faire pigeonner la gorge!


Elle rit de plus belle, camouflant sa petite gêne par l’humour. En effet, pour porter les magnifiques tenues de la noblesse, cela nécessitait de s’habituer à des artifices comme le vertugadin, des corsetages, un nombre infini de lacets et de boutonnières, qui comprimaient les corps pour leur donner ces formes correspondant à la mode. La pique désarçonna en tout cas le Gascon, qui ne trouva d’autre pirouette à l’incongrue proposition d’un corset que :

Je crains que ma gorge ne soit bien moins séduisante que la vôtre ainsi traitée !
Vil flatteur !
Mais tellement réaliste !


Wallerand tendit son pourpoint sur son torse, avant de lui montrer, à titre de démonstration. Que pouvait-il y avoir à faire pigeonner dans un corps d’homme ? Certains soldats, les plus entrainés, auraient peut-être éventuellement commencer à faire ressortir quelque chose – et Dieu savait que le Beauharnais n’était pas fanatique de pectoraux virils en termes de contemplation -, mais si le Gascon était de solide constitution, il était loin d’avoir tant de choses à faire ressortir. Bella fit mine d’observer la «gorge » du Beauharnais, d’un air de connaisseuse, se tenant le menton.

Que voulez-vous mettre en valeur là-dedans ?
Un cœur.


Bella avait parlé sans réfléchir, entraînée par le badinage, tant elle s’amusait. Elle nota de surveiller sa langue, qui prenait un peu trop de libertés avec les convenances. Heureusement, ils étaient arrivés. Le jeune homme leva les yeux vers l'enseigne de l'établissement, le notant au passage. Il rebondit tout de même sur la dernière parole de la comtessa.

Il est en dessous, bien caché, le pauvre !

Wallerand sourit et la regarda un instant. Un ange passait... Il n’avait pas pu s’en empêcher. Et allez, bridez le naturel, il s’emballe et raconte des bêtises. Pour autant, il avait été touché par la spontanéité de l’Armagnacote, et se résolut finalement à reprendre :

Je vous laisse monter ? Sauf si vous préférez que je sois devant votre porte, en cas de besoin
Je reviens très vite.


Wallerand de Beauharnais sourit et acquiesça.

Mais vous serez déçu de me voir sans bijoux et sans atours... Déçu de voir de ne voir qu’une beauté bien fade comparée aux splendeurs de la cour...

Jamais !


Le Beauharnais parlait sans réfléchir aussi, apparemment… Et dans le regard qui accompagna la jeune femme qui disparaissait vers ses pénates, il y avait une certaine admiration et, qui sait, le reflet de la pointe qui venait de le fouailler.
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Christabella
La jeune femme redescendit ENFIN. Eh oui, c’était un fait universellement acquis, on attendait toujours les jeunes femmes. Peut-être dans un futur lointain, cela changerait... Ou pas. Cela était comme croire qu’on pourrait un jour marcher sur la lune. Comment voulez vous tenir debout sur une balle aussi petite, vous ? C'était néanmoins compréhensible. C’est qu’il en fallait du temps pour retirer une robe de cour. Des jupons, la chemise, le corset, et cinquante mille lacets, rubans et boutons divers qui formaient cette robe si belle et si compliquée, sans compter la coiffure. Tandis que sa camériste-carmélite s’occupait de ranger la robe et ses accessoires, Bella avait enfilé un corset beaucoup plus simple, qui se laçait à l’avant, une astuce des femmes du peuple pour imiter le port altier des coûteuses robes de la noblesse, sans avoir besoin d’aide pour l'enfiler. Même simple, le tissu avait un joli coloris et la coupe était élégante. Les cheveux simplement peignés lui retombaient dans le dos, en fines ondulations. Elle avait l’air ainsi beaucoup plus jeune, innocente et peut être un peu vulnérable aussi.

Wallerand l'accueillit d'un sourire, se relevant du siège qu’il avait dégotté. Facile, dans une auberge, de négocier un tabouret… Puis un petit godet de vin, quand l’attente se prolongeait. Il avait oublié combien les femmes avaient besoin de temps pour se parer ou changer d’atours, et en profita pour engager la conversation avec son hôte involontaire. Car ce Beauharnais-là était un être aussi bavard que curieux, aussi ne laissait-il jamais passer une occasion d’apprendre quelque chose, quoi que ce soit. Bref, quand Bella vint le rejoindre, le jeune homme se redressa et, avisant la tenue d’un coup d’œil pour mieux la regarder elle, lui adressa un sourire. Les voilà qui déparaient à l’inverse de leurs conditions réelles…


Cela vous parait assez simple pour danser?

Tout simplement parfait !Vous allez faire envie à tous les hommes de l'assistance.


Bella lui montra le seul objet précieux qu’elle avait gardé, en plus d’une médaille.

J'ai juste gardé ceci. Le poignard que m'a offert mon suzerain...

Le Gascon hocha la tête, détaillant avec intérêt la chose. Il serait sans doute suffisant pour dissuader un malandrin quelconque. S’ils tombaient sur les vrais brigands de Paris, en revanche, ce serait plus délicat.

Sage précaution, on n'est jamais trop prudent à Paris.

Il voulait que je me défende des hommes trop insistants, et en faire des femmes.


La jeune femme rit à ce souvenir. Il avait étendu ce conseil à tout homme essayant de l’importuner. L’idée d’un homme privé de ses précieux bijoux de famille n’était pas vraiment du goût de Wallerand, qui regarda le poignard avec une circonspection nouvelle avant de lâcher :

Oh... C'est particulier !

Le jeune homme sourit, grommelant au passage : Espérons qu'un tel sort ne m'attende pas...

Le voyant un brin contrarié, Bella le regarda, sérieuse, et posa sa main sur son bras, comme pour le rassurer.


Vous n'avez pas l'intention de me tuer?

Pardon ?

Vous n’avez pas l’intention de me faire de mal ?

Ah non, certes pas !


Le Beauharnais sourit légèrement et lui offrit de nouveau son bras. La question l’avait surpris par son incongruité, et il prenait goût à ces étonnements qu’offrait sans compter l’Armagnacote.

Alors, il n'y a pas d'inquiétude à avoir. Je ne désire pas vous faire de mal, Wallerand. Loin de là...

Même si pareille idée avait pu me traverser, la vue de ce charmant instrument m'en aurait dissuadé, je tiens trop à v... enfin, à pouvoir vivre en homme ! Direction la Connétablie, ma Dame, j'en aurai pour quelques instants, ce n'est pas bien loin.


Elle lui prit le bras, et lui sourit, malicieuse. La jeune femme se sentait plus légère, plus libre, moins engoncée. Quelque part, elle laissait la comtesse derrière elle. Bella se sentait bien aux côtés du Beauharnais, et puis elle avait envie d’oser. La vie ne serait pas drôle sinon ! Après une inspiration, elle exhala dans un souffle :

Je risque de m'habituer à vous avoir à mon bras.

Wallerand sourit. L’idée lui plaisait, même s’il rechignait sans doute à admettre que cette femme-là à son bras n’était pas comme les autres. Et, dans ce petit déni, il lança d’un ton rieur :

Et réciproquement... Que voulez-vous, un bras tout seul, ça ne sert pas à grand chose.

Ca appelle un autre bras, forcément !

Exactement !

Comme … disons … un verre appelle à être rempli !


Le Gascon éclata de rire. Cette image-là était particulièrement parlante, et lui rappelait ce trop petit godet qu’il avait siroté en attendant la jeune fille. Qu’elle avait l’air jeune, d’ailleurs, ainsi !

On ne saurait mieux dire ! D'ailleurs... Vin ou bière ?

Les deux ! J'apprécie les deux. Les bières d'abbaye, tout autant que les vins. Mais pas mélangés, par pitié ! Plus sérieusement... J'espère vraiment que vous appréciez ma compagnie, je commence à m'en vouloir...

A vous en vouloir ? Il ne faut pas, je me plais en votre compagnie. Vous êtes agréable, drôle... Je ne me suis jamais ennuyé avec vous.


La comtessa rougit un petit peu, ben oui quand même ! Elle avait cette idée fixe, de croire que le Beauharnais se sentait obligé de lui tenir compagnie. Pourtant, elle était presque persuadée qu'il aimait autant qu'elle ces moments. Et elle avait bien raison, parce que si le jeune homme n’était pas avare de paroles, il l’était bien plus de compliments – et c’était encore pire quand il s’agissait de compliments explicites. Sur le point de se laisser aller à cette réflexion, Wallerand leva le nez, sauvé par l'entrée des locaux de la Connétablie. Mais Bella ne comptait pas le laisser s’en sortir ainsi ! Elle se devait de rebondir sur sa dernière phrase...

Alors nous nous reverrons, car votre compagnie me plaît.

Heu... Je vous abandonne un instant, nous... Enfin, je ne pense pas avoir le droit de vous introduire


Elle acquiesça, souriante, et, observant le jeune homme, se demandait si elle avait réussi à le troubler. Le Beauharnais lui sourit avant de se réfugier à l'intérieur, un sourire niais spécial aux lèvres... Il fallait croire que la réponse à cette interrogation était positive.
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-> Par ici les jolies bannières ^^
Wallerand
Le Beauharnais avait pris l’habitude, pour ses passages à la Connétablie de France, de conserver sur place, dans un coffre où il archivait également correspondances et rapports, deux tenues complètes de rechange. Oh, ce n’étaient que d’honnêtes habits de laine finement tissée, rien de bien intéressant en soi. Sombres, évidemment, à son habitude. Il ne portait plus guère de couleurs depuis des années, hormis en des occasions de fête ou de représentation parfois imposées par son ancien état de commerçant. Quoi qu’il en soit, au bout d’un moment, Wallerand ressortit, vêtu de ses habits de laine, juste... normaux, et fut accueilli par une jeune blonde souriante. Elle trouvait qu'il avait toujours aussi belle allure, même vêtu plus simplement.

Eh bien... Il nous reste à trouver un endroit où un musicien nous permettra d'entamer votre apprentissage !

Il sourit et lui retendit son bras, taquin.

Il se languissait de vous, ne lui en veuillez pas !

La jeune femme, charmée, le lui reprit et lui tapota l'avant-bras, s’attirant un regard rieur. Amusée, elle répliqua de la même manière :

Il avait manqué au mien à croire !
Oh ? Voilà qui tombe à merveille, ma foi !
Nos bras s'entendent bien!


La jeune femme rit derechef, tandis que Wallerand, souriant lui recouvrit brièvement la main de la sienne. Sa peau frissonna à ce contact bref. Elle murmura, comme pour elle-même...On dirait bien, ils se sont trouvés à merveille, en effet... Mais elle se reprit, d'un ton badin.

Connaissez-vous bien Paris ?
Non, pas trop.
Je suis passée quelque fois aux galeries Lafayottes.
Voyons... Un quartier animé mais sûr... Ou peu s'en faut...


Le Beauharnais réfléchit à ce que lui évoquaient ces fameuses galeries, et il trouva son salut dans l’expérience qu’il avait eu du commerce. En matière d’habillement, elles étaient une référence incontestable. Le fruit de cette réflexion, accompagné d’un sourire, fut :

Ne sont-ce pas des boutiques ? Vous dansez en cherchant vos robes ?
Oh si, ce sont bien les boutiques ! Je ne connais que cela de Paris, ou presque. Et je vous rappelle que je ne sais point danser...

Wallerand sourit. Effectivement, la question était bête, sinon ils n’auraient pas été là, dans les rues de Paris, évadés d’un couronnement qui s’étirait au risque de laisser suffoquer l’assistance. Et il n’aurait pas réfléchi, à voix haute :

Pas bien loin, il y a les quartiers vieux... Autour du Châtelet, ça doit être pas si mal, la filouterie doit se tenir loin des prisons. Vous ai-je dit que j'ai une fâcheuse tendance aux paris foireux ? Sinon, vous venez d'en entendre un !
Tout ce que je sais, c’est qu’il faut éviter la cour Brissel.

Elle frissonna, les Piques étaient vraiment redoutables et l’endroit lui filait encore des cauchemards. Il acquiesça, tandis que la jeune femme déglutit péniblement, resserrant la prise sur le bras du chewallier. Une vision fugitive la fit frissonner, n'était-ce pas l'une des ruelles sombres, humides et sales menant à leur repaire que l'on voyait au loin ? Elle se mordit la lèvre, en proie à une légère angoisse. Lui, en bon mâle parfois aveugle, ne s’était rendu compte que tardivement de cette crispation et continuait :

Et la Cour des Miracles... Loin, très loin d'elles… Nous aurons un bras de Seine et un paquet de rues pour nous en protéger.

Wallerand lui sourit, tentant de la rassurer d’un joyeux :

Et puis, vous êtes une vaillante chevalière !

La jeune femme éclata d’un rire bref, nerveux.

Paris foireux, hein?
Oh oui !

Wallerand la considéra, interloqué par son hilarité. Aussi loin que remontaient ses souvenirs, il avait aimé s’en remettre à la chance, pour l’incertitude qu’elle laissait toujours planer. Le jeu dans les maisons non fréquentables, la course aux conquêtes charnelles, l’installation définitive en Gascogne, diverses candidatures, bien des choses avaient été des paris plus ou moins réussis, une sorte de mise à l’épreuve continuelle. Et il avait un certain talent pour se retrouver dans de beaux draps à l’issue de certains de ses paris. Se reprenant, elle maudit sa nervosité, et sourit au jeune homme.

Vous comptez vraiment sur moi pour vous protéger ?

Il lui sourit. Y comptait-il vraiment ? D’expérience, deux personnes sans intérêt apparent n’étaient pas une cible prioritaire. Qui plus est, un jour de liesse populaire, le guet de la ville et les divers gardes disséminés dans la capitale auraient sans doute un effet dissuasif. Au bout du compte, il ne s’attendait pas à se trouver menacé, et ce fut pourtant avec grand sérieux qu’il reprit :

Disons qu'à deux, c'est plus facile que seul !

La comtessa lui serra le bras plus fortement, craignant peut-être que l’homme ne s’échappe et la laisse seule errer dans les rues, à la merci de n’importe quel malandrin. Ou simplement pour être plus proche de lui.

Et si je suis piètre danseuse?
Vous aurez tout le temps de vous améliorer, et je suis sûr que nos bras seront ravis de ce prétexte pour se revoir !
Vos bras? Les deux, j’espère !

La blonde lui sourit, amusée, s’attirant un bref éclat de rire et quelques mots taquins.

Eh bien soit ! Et on danse avec deux bras, demoiselle !

Il prit un ton pontifiant pour faire bonne mesure et coller autant que possible à son prochain rôle d’enseignant, tandis que la jeune femme mimait l’étonnement.

Avec ses deux jambes aussi ?

Wallerand hocha vigoureusement la tête, emporté par l’absurdité bon enfant de leur échange. Il avait l’impression qu’une gangue grise qui l’aurait jusqu’alors enserré se fissurait quand il continua :

Tout à fait ! On n'en laisse pas un sur le côté, je vous assure !
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Christabella
Un peu craintive, elle regardait autour d'elle, sans reconnaître du tout l’endroit où ils étaient. Sans sa carapace de Comtessa, habillée très simplement, elle se sentait comme … nue. Quelque part, c’était une partie de son identité qu’elle avait abandonné. Pas de page en livrée, pas de gardes et si, par hasard, un importun venait les ennuyer, si elle mettait son masque de comtesse et les toisait de toute sa hauteur - bien relative, d’ailleurs, puisqu’elle n’était pas spécialement grande - cela risquait bien de lui attirer bien plus d’ennuis encore.

Par ici?

Wallerand considéra les alentours, tentant de se repérer dans ces rues enchevêtrées qu’il connaissait mal, tandis que la jeune femme, gagnée par la nervosité, semblait en proie à une peur irraisonnée. Elle murmura, comme pour elle-même, une supplication au Très Haut…

Ne m'emmenez pas Cour Brissel...
Un peu plus loin dans la rue, je crois voir une taverne, on y danse sûrement dans un jour de fête ! N'ayez crainte, il y aurait un autre style de... faune, dans les rues !
Disons que c'est un coin de Paris que je connais un peu et mon poignard sera insuffisant pour vous protéger... d'eux.


Wallerand esquissa un sourire, se voulant rassurant. En réalité, l’entendre évoquer une attaque à laquelle ils ne pourraient pas résister lui rappelait avec une certaine violence deux événements qui l’avaient marqué, le brigandage en règle qui l’avait amené à poser sa carcasse – car il ne valait guère plus ce jour-là – à Bayonne et le jour où il s’était trouvé seul face à un commandant d’armée supposé en retraite. Il lui sembla sentir de nouveau la morsure de l’épée sur sa jambe, sur ses côtes.

C'est peu de le dire...
Je ne plaisante pas !
Je ne plaisante pas... J'ai appris à mes dépens qu'on n'est jamais assez prudent, et je ne me frotterai pas seul et pratiquement désarmé à l'entrée de la Cour Brissel.
Je n'ai pas envie que vous perdiez la vie...


L’aveu lui avait coûté. Là-bas, ceux qui en sortaient vivant sortaient rarement indemnes. Ou morceau par morceau. Et elle ne connaissait pas ce quartier de la capitale, ce qui la rendait nerveuse. Wallerand sourit, mi-figue mi-raisin... Les souvenirs ressortaient encore. La cahute du médicastre qui l’avait abruti de drogues pendant deux jours, la peur de perdre sa jambe, le bâton sur lequel il avait dû s’appuyer plus d’un mois pour marcher, la claudication dont il avait eu grand peine à se défaire. Le bal, également, où il avait tenté de danser malgré sa patte folle avec sa marraine… Cette réminiscence ramena un vrai sourire sur ses lèvres alors qu’il reprenait, d’un ton plus léger, touché cependant – quoique à contretemps – par les mots de la Comtesse :

Non plus... J'aimerais autant que nos deux peaux s'en tirent sans boutonnière supplémentaire !
Par ici, ça me parait pas mal…

Une musique enjouée et joyeuse se faisait entendre dans le lointain. Wallerand acquiesça et tendit l’oreille. Bella se détendit, et lui sourit, soulagée.

Oui... Vous entendez ?
Venez!

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Wallerand
Elle souriait, le regard pétillant, et Wallerand sourit à son tour, contaminé par ce caractère joyeux (douce maladie !), puis lui emboîta le pas. Joyeusement, la démarche sautillante, elle l'entraina, oubliant la comtesse, et tout ce fichu protocole derrière elle, plantant ses yeux dans le regard sombre, mine espiègle et ton jovial, presque théâtral:

Désirez-vous boire quelque chose?

Question inutile, évidemment, mais qu'il fallait bien poser. Elle se sentait légère, si légère, comme une bulle de savon, comme exaltée d’être là, simplement elle. Avec lui. Wallerand sourit. Elle avait visé juste : l’alcool et le Gascon nourrissaient une relation suivie, passionnée et intense. Aussi fut-ce un cri du cœur qui jaillit :

La même chose que vous !

Il porta la main à une poche de ses braies, vérifiant que s'y trouvait toujours sa bourse, tandis que Bella héla le tavernier pour commander deux grandes pintes de bière brune. Elle lui tendit une des chopes, effleurant ses doigts au passage. Elle ne pouvait s’en empêcher, comme il ne pouvait empêcher, fatalement, tout ce petit badinage. Frôlements inopinés, regards, sourires et sous-entendus divers… Et il ne cachait pas le plaisir qu’il en tirait. C’était presque une renaissance pour lui, une manière de tourner la page d’une rupture qui l’avait trop longtemps – le trop apparaitrait surtout une fois qu’il aurait appris le comportement de son ancienne compagne – miné. Elle leva sa chope, regardant le Beauharnais dans les yeux.

Et comme dit mon ami irlandais, slaintè !

Wallerand sourit et leva sa chope à son tour, rendant son regard à l'Armagnacote.

A la vôtre !

Elle lui sourit, malicieuse, et leva sa chope à son tour. Oui, la comtessa savait boire. Une vraie pinte ne lui faisait pas peur, ni même plusieurs. Elle dégusta la première gorgée, savourant des arômes à la fois doux et amer, ce mélange entre un arrière-goût de fruit rouge et de houblon, et la saveur particulière de la fameuse levure de bière - Saccharomycès cerevisiae, l'actrice principale du tour de magie qui transformait certains liquides parfois infâmes en alcool de bon aloi. Ou en gnôle douteuse qui vous rendait aveugle. quoique parfois, on dit que c’est l’amour qui rend aveugle. Cependant, la bière ce soir là n’y était pour rien. Les yeux mi-clos, demi-sourire aux lèvres, la jeune blonde observait le Beauharnais qui faisait de même avec la sienne. L’échange de regards ramenait un sourire entre deux gorgées sur le visage de ce dernier, qui céda à sa tare de la curiosité avec :

Un ami irlandais... Où l'avez-vous rencontré, si je peux me permettre ?
En Armagnac... Mais il avait été Béarnais, juste avant. Avant de quitter ce comté de fous.


Elle souriait en pensant à cet ami dont elle n'avait plus de nouvelles. Elle espérait qu'il aille bien, qu'il n'ait pas eu de souci avec le bateau. Elle ne saurait sans doute jamais, vu la teneur de leurs derniers échanges. C’était ainsi, ainsi va la vie. Wallerand sourit à l’évocation de ces déménagements successifs. Lui qui avait été presque nomade pendant les années passées à travailler avec son père tout en gardant un profond attachement pour la ville où il avait vécu depuis son enfance avait du mal à imaginer ces déracinements successifs, ce qui se traduisit par :

Eh bien ! Il a vécu en bien des endroits
Et il s’est marié à une écossaise.
Tant qu'il a abandonné le kilt, tout va bien !


Sans se démonter, avec un sourire de défi, Bella termina sa chope entièrement.

Ah ça ... Mais ce sont les écossais qui portent les kilts !

Wallerand sourit, achevant de siroter le contenu de sa chope. Et un coup d'épée dans l'eau, un ! Voilà qu'il se vautrait dans les habitudes vestimentaires des lointains ultramarins, et ça ne pouvait pas être imputé à l'alcool. Il était loin d'avoir assez bu pour ça...

C'est vous, qui êtes du Sud, qui m'apprenez ces coutumes... J'ai honte !

Christabella rit joyeusement, et posa la main sur son bras. Une invitation irrésistible, tant elle semblait à l'aise, accessible, loin de ce costume de comtesse altière, parfois ironique et froide qu'elle se devait d'enfiler, notamment lors de joutes verbales politiques.

Apprenez-moi à danser, et nous serons quittes! Vous savez, je n'ai pas eu une enfance comme les autres. Je n'ai pas appris la broderie, la couture, la danse… Par contre, j'ai appris à lire, écrire, compter, j'ai appris le latin et le grec à l'école des couventines. Puis, lors de mon séminaire, j'ai appris à faire les messes, les sacrements...
Eh bien... Votre enfance a ressemblé à celle de mon frère. La mienne a été celle de l'héritier d'une affaire, commis du père puis avec plus de liberté.


Wallerand sourit de ce parcours presque – seulement – identique à celui de son frère. Ecartant son cadet de ses pensées avant de se souvenir du nombre de soirées qu’il devrait passer en prière avec lui si jamais il apprenait l’escapade avec Bella, il l’entraîna vers un endroit où d'autres s'adonnaient déjà à la danse promise. Au milieu des danseurs, elle se sentait mal à l'aise, se demandant comment bouger, comment faire. Une empotée, qui se rendrait ridicule à coup sûr.

Alors... Face à face, ma Dame.

Obéissante, la jeune femme se plaça en face et d’instinct, elle salua le Beauharnais, qui s’inclina en réponse.

Une première leçon que vous m'épargnez ! Bien, vous vous souvenez, pour les pieds ?
Légers, comme ceux de la biche. Il faut être sur les pointes, c'est bien cela?


Le jeune homme zieuta discrètement à droite et à gauche, histoire de ne pas tomber directement dans les jambes d'un autre couple, avant de répliquer :

Tout à fait ! Bonne mémoire !

Le compliment lui fit plaisir. Effectivement, elle avait bonne mémoire, la plupart du temps. Excepté la période tumultueuse où elle avait perdu la mémoire, suite à un choc violent sur la calebasse - pensez donc, le Livre des Vertus en entier, ça a de quoi faire décoller la pulpe du fond… amnésie durant laquelle elle se faisait surnommer schöne Hilda et parlait avec un fort accent Teuton - on pouvait dire qu’elle avait bonne mémoire. Enfin, comme tout le monde, elle opérait une sélection, ça lui arrivait d’oublier des choses. Comme où elle avait mis les clefs de sa chambre d’auberge. Wallerand de Beauharnais sourit.

Et ensuite...
Je tombe, et vous me rattrapez !


Ils éclatèrent de rire tandis que le jeune homme ouvrit les bras. Elle dut résister à l’envie de s’y blottir. Elle n’avait pu s’empêcher de faire le clin d’oeil au fameux moment où elle s’était pâmée dans ses bras. Et lui poursuivait, apparemment (mais apparemment seulement) imperturbable :

On ne sait jamais ! En général, le plus simple pour prendre de l'élan, c'est de se servir de l'autre.
Dois-je me rapprocher?


Wallerand partit en avant, le coude plié en espérant que l'angle soit bon.

Mieux, vous appuyer ! Et tourner, comme une toupie !

Il sourit et donna une impulsion pour l'inviter à tourner. Le mouvement, gracieux, fit voleter sa robe et ses cheveux autour d’elle. Souriant toujours légèrement, il glissa au passage, l’effleurant tout juste. Pour certains, la saltarelle était une métaphore de l’amour, du couple qui se tourne autour, avant de succomber. Troublée par cette proximité, elle se laissait conduire, sans se dérober lorsque la main du jeune homme lui effleurait la taille ou le bas du dos. Peut-être bien qu’il en jouait, après tout… La danse pouvait être une excuse à bien des frôlements qui auraient autrement été réprouvés, et Wallerand ne semblait guère enclin à s’en priver. Tout en suivant le rythme, elle le dévorait des yeux. Avec envie, elle observait certaines femmes habiles, et elle se sentait empotée. Il devait avoir honte de la traîner ainsi ! À la fin de la chanson, attrapant sa main, elle lui pressa doucement les doigts. Et reçut une pression en retour d’un cavalier manifestement ravi – et pas du tout honteux.

Je ne suis pas très bonne danseuse, je le crains...

Etait-elle dure avec elle-même? Elle débutait, n’ayant jamais dansé de sa vie. Mais elle sourit, se disant justement que pour s’améliorer, elle aurait besoin de nombreux cours supplémentaires. Wallerand lui sourit et l'entraina à l'écart, vers le tavernier. Il aurait été exagéré de dire que la jeune fille était bonne danseuse, mais qui pouvait se targuer de l’excellence dès un premier essai ? Sur cette considération, il choisit de répondre par la taquinerie :

A défaut, vous semblez bonne buveuse ! Puis-je vous offrir une autre chope ?

Bella rit doucement et acquiesça. On ne refuse jamais une chope proposée de bon cœur.

Les Jauzac, ça sait boire !
Et puis, nous avons le temps de vous perfectionner...
Tant que je n'abuse pas de votre temps !
Il était prévu que je sois à Paris aujourd'hui, vous n'abusez de rien !


Il lui sourit, et elle s’empressa d’ajouter, pour que ce soit clair...

Mais j'espère bien continuer les cours !

Ca, c’était placé, voilà, bien joué! Parfois, il fallait être explicite, histoire d’oser dire les choses. Le Beauharnais fit un signe au tavernier, et tend bientôt la petite sœur de la première chope. Et s’il frôla les doigts de la blonde avant de continuer – autant dire que l’idée d’autres leçons le séduisait -, ce ne fut certainement pas dû au hasard.

Vous verrez, il y a un moment où on danse très bien ! Avec deux ou trois chopes, on a du délié dans les mouvements !
Je vous crois sur parole ! Santat !


Wallerand sourit et leva sa chope à son tour, avant de l'attaquer joyeusement. Effrontément, la jeune femme lui murmura...

Ou alors, je serai suffisamment saoule pour ne plus avoir peur de vous écraser les pieds, ou tomber dans vos bras...

Le regard qu’il lui lança suffit sans doute à lui faire comprendre qu’il n’aurait rien contre, même s’il fut rapidement camouflé par un léger rire.
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Christabella
Peut-être avait-il raison, peut être devait-elle tout simplement se détendre, se laisser guider… La peur de rater la rendait aussi roide qu’une bûche sèche. Wallerand sourit de nouveau, après un petit plongeon dans sa chope, et reprit :

C'est peut-être ça aussi... Et puis, vous savez, on a tous commencé un jour !
A moins que vous essayez de me faire tourner la tête? En plus de me faire tourner autour de vous?


Elle sourit, amusée de nouveau, tandis qu’il tentait d’étouffer un début d'hilarité dans sa chope. Il y avait peut-être de la vérité là-dedans. L’alcool, c’est bien connu, cela déshinibe. Parfois même trop, mais Bella savait ne pas abuser. Nombre de daunas, entendues dans un confessionnal, avaient comme secret honteux de s’être laissé enivrer par des hommes, qui en avaient bien profité! Bella, elle connaissait ses limites, elle savait se tenir. Mais cette fois, l’alcool n’était pour rien pour son comportement on ne peut plus familier avec le Beauharnais. Et lui-même se prenait au jeu sans barguigner, trop heureux de l’occasion. Il se sentait rajeunir. Oh, il était encore bien loin d’être un vieux barbon, mais il avait perdu en fantaisie depuis un certain temps. Cette fantaisie qui l’avait fui était en train de revenir au galop… Comme un naturel trop longtemps bridé. Et c’est entrecoupé par le rire qu’il continua :

A vrai dire, la tête vous tournera assez après deux ou trois danses !

La jeune femme pouffa de rire, également, grisée par la danse et par l’alcool. Et par lui. Elle souffla, comme pour elle-même… Je n'en avais pas besoin pour tourner autour…

Mais maintenant que vous le dites, il serait sans doute plaisant de vous tourner la tête !
Bon, bah voilà. Ce n’était pas plus difficile que ça à admettre.
Une danse a suffi pour un début de tournis ?
Qui vous dit que ce n'est pas déjà le cas?

Plantant ses yeux de jade dans son regard sombre, elle lui sourit, taquine. Peut-être le troublait-elle ? Heureusement, en tout cas, qu’elle n’était pas dans la tête de Wallerand à cet instant précis, parce qu’il y aurait eu de quoi colorer d’une élégante touche de rose les pommettes de Bella.

Excellente question !

Il sourit, ramena un bras par-dessus sa chope pour se prendre le menton entre deux doigts et la regarde, l'air pensif démenti par le regard rieur.

Hmmm... Vous n'avez pas assez bu pour avoir la tête qui tourne ! Voilà tout...

Bella sourit en coin, un peu déçue qu’il n’ait saisi l’allusion, ou qu’il ait fait semblant de ne pas la saisir. Elle se morigéna, elle était si bien, si détendue, qu’elle avait oublié la comtessa loin derrière elle, loin les responsabilités. Amusée, elle mima son geste, faussement sérieuse.

Vous non plus !

D’une grande rasade, elle termina sa chope et héla le serveur pour la troisième. Elle rit, joyeuse.

Remédions à cela !
Un point pour vous ! Nous allons faire des envieux quand vous vous lancerez de nouveau !

Wallerand espérerait-il donc une chute ? Rooooooh, voyons...Elle lui tendit la main. Il était temps de vérifier si l’alcool rendait les apprenties danseuses plus douées.

Je n'ai pas peur.

Wallerand sourit et vola une gorgée à sa chope.

En avant alors !
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Wallerand
Le Beauharnais prit la main offerte, la pressant légèrement, suivant du pouce l’os du poignet, et l’entraîna de nouveau vers les danseurs. Cette fois, le rythme était un peu plus rapide, la musique plus entraînante. Bella tenta de se détendre pour avoir l'air moins empotée, elle le suivit, prenant de l’assurance. Wallerand sourit et se lança à son tour, espérant secrètement que la patte folle remise se tiendra bien, guidant de son mieux la jeune fille. Entre deux figures, se rapprochant peut-être un peu trop, il lui glissa à l’oreille, saisissant l’occasion de remettre une mèche blonde échappée à sa place :

Vous voyez, vous progressez à grands pas...

Elle sourit, rassurée, en essayant de suivre, et trébucha. Le Beauharnais étendit les bras pour la récupérer avant une rencontre trop brutale avec le sol et lança, rieur, la tenant fermement dans ses bras :

Je ne vous ferai plus de compliments, ça vous déconcentre !

Bella sourit, se troubla un peu. La proximité, la danse, les chopes, elle lança sans réfléchir...

Vous avez fini par me faire tourner la tête...

Wallerand sourit et la relâcha, une fois sûr que l'équilibre est revenu - bon, un peu après, peut-être -. Restée un peu trop longtemps dans ses bras, elle s'éloigna à regret. Et Aristote savait qu’il ne l’avait pas laissée aller de gaieté de cœur.

Pour cette soirée, pour une première, cela ira, je pense.

Wallerand hocha la tête. Il sentait confusément un tiraillement pointer dans sa jambe tout juste remise et commençait à se demander quand il tenterait réellement le diable en continuant de la solliciter de la sorte. Aussi, entrainant la jeune fille à l’écart des autres danseurs, la guidant d’une main « innocemment » posée au creux des reins, il reprit dans un joyeux badinage :

De toute façon, on n'apprend bien que dans la durée, non ? Il faudra recommencer !
Vous ne renoncez pas à m’apprendre?
Jamais !


Le Beauharnais sourit. C'était un nouveau cri du coeur, en réaction à ce verbe honni. Renoncer, peuh ! Quelle idée ! C'était une affaire de couards et de lâches, l'abandon.

Je déteste ça, en plus.
Renoncer ?
Oui... Renoncer, abandonner, baisser les bras... Ce n'est vraiment pas ma chope de bière !


Revenus à leurs places, ils avaient retrouvé leurs chopes et le jeune homme lea comme on invoquerait une autorité tutélaire. Suivant le mouvement, la comtessa leva la sienne et la but.

De toute façon, il n'y a pas de problème sans solution ! Alors renoncer ne sert pas à grand-chose sinon à se faciliter bêtement la vie.

D’ailleurs, quitte à ne pas se faciliter la vie, le Gascon laissait une idée, une envie se frayer un chemin dans ses pensées attisées par la bière.
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Christabella
Le Beauharnais sourit à l'exemplaire levé de coude dont il avait été spectateur et s'empressa de suivre la blonde, qui avait une sacrée descente, du genre qu’on ne remonterait pas sans cheval. Mais le jeune homme s'entrucha, évidemment... Quelle idée de vouloir aller vite ! Toussant sur le dos de sa main, il gardait le sourire, comme pour se moquer de lui-même. Il l’aurait d’ailleurs bien mérité, si on lui avait demandé son avis ! Bella, inquiète de le voir s’étouffer, lui frictionna et tapota le dos, espérant qu’il reprenne son souffle.

Allez doucement!
Aheum, oui...


Le sourire mutin un brin moqueur, elle ajouta, pour faire bonne mesure.

N'allez pas vous tuer, je devrais vous ranimer !

Wallerand sourit et toussa de nouveau, dans son poing. Le souffle lui revenait et avec lui une naturelle propension à s’engouffrer dans les brèches. Il reprit donc, battant de la main comme pour se faire de l’air :

Ne me donnez pas de raison de tomber en syncope !
Ah non, c'est à moi de tomber en syncope, je proteste violemment !


Sur une dernière quinte, le Beauharnais sourit tandis que la jeune femme, l’air de rien, garda la main dans son dos. Et s’il y avait bien une chose de certaine, c’était qu’il n’avait aucune envie qu’elle s’en aille.

Ah oui, j'oubliais... Vous m'autorisez à vous ranimer, si ça devait arriver ?
Je vous autorise, évidemment.


Le Gascon sourit et s'appuya légèrement contre la main laissée dans le dos. Le badinage, un contact électrisant, la bière, il se sentait protégé par un agréable cocon de volupté légère.

Je saurai m'en souvenir. Vous ne resterez pas sans défense !

La soirée suivit son cours. D’autres chopes subirent les derniers outrages – un rapide et efficace engloutissement dans les profondeurs caverneuses de deux êtres manifestement rompus à ce genre d’exercice – dans la joie d’une taverne parisienne qui fêtait dignement le couronnement de la Reine de France. Si ces festivités se succédaient à une cadence inquiétante depuis quelques années, la joie qui les accompagnait ne semblait pas devoir se ternir et se révélait particulièrement communicative. Tard ce soir-là, alors que l’établissement se vidait peu à peu, Wallerand finit par se rendre à la raison et à proposer à Bella de la ramener.

Bientôt, leurs pas claquaient dans les rues de Paris, tandis qu’il la raccompagnait à son auberge. La légère ivresse - ou autre chose ? Allez savoir !- avait imprimé un doux sourire sur le visage de la jeune femme. Pour la première fois, elle se sentait légère, libre, furieusement vivante, loin du protocole étouffant, loin de la politique et de ses coups fourrés, loin… Enfin, ils arrivèrent à l’auberge. Déjà ? Soudain silencieuse, la jeune comtesse n’avait pas envie de quitter le bras du Beauharnais. Ils étaient proches, trop proches, sentant son souffle sur son visage. Elle fermait les yeux, mais déjà la comtesse reprenait les droits sur la jeune femme, redevenant une femme de responsabilités, se souvenant des convenances. Elle savait qu’elle regretterait. Mais elle s’éloigna avec toute la volonté dont elle pouvait faire preuve, s’arracha de ses bras et posa sa main sur la clinche. Le sourire figé, elle observa Wallerand, luttant contre la folie qui germait lentement mais sûrement dans la caboche blonde. Sa voix douce se fit à peine murmure, pour éviter de briser la magie qui flottait dans l’air. Surtout pour une chose aussi triviale que mettre fin à leur soirée.

Cette soirée fut merveilleuse...

Son sourire se fit plus large, alors qu’elle lui prit doucement la main pour la serrer brièvement.

J’espère que nous nous reverrons très vite pour continuer mon apprentissage....
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Wallerand
C’était ainsi que ça allait finir. Une soirée parfaite, entre Bella, la danse et la bière, s’achèverait sur le seuil de cette auberge. Machinalement, le regard sombre du Beauharnais se releva vers l’enseigne noyée dans l’ombre avant de revenir à la jeune fille. Elle était si proche, son visage comme lumineux dans l’obscurité si accessible alors qu’il se penchait vers lui… Un battement de cœur de plus et il aurait… Il aurait fait quoi ? Retenu par l’impression confuse de franchir toutes les lignes imaginable, il fut arrêté dans l’élan qui le poussait par le soudain écart de l’Armagnacote. Comme paralysé, il lui rendait son regard, la détaillant comme s’il ne devait plus la revoir, et se trouva sans voix quand elle murmura quelques mots. Il ne put qu’opiner, sans cesser de la fixer.

Il entendait la remontrance qu’il se serait faite s’il avait assisté à la scène de l’extérieur. « Mais bouge ! Bouge-toi, qu’est-ce que tu attends ? Elle va partir et tu vas rester là comme un abruti ! » Il savait qu’elle allait s’éloigner, et qu’il faudrait rentrer en Gascogne dès le lendemain, et qu’il ne devait pas faire ce qu’il voulait à cet instant précis, et que ça allait contre le protocole, et que la seule fois précédente où il s’était laissé aller avec une noble ça avait mal fini… Mais il s’en moquait. Eperdument. Sa main serra à son tour celle de Bella, cette main si fine qu’elle venait de lui rendre. Il ne pouvait pas. Il n’avait même pas le droit. Il ne savait même pas quand ils se reverraient… Et surtout, il regretterait de s’être abstenu. Cruel dilemme !

Alors le Beauharnais fit ce qu’il faisait le mieux, en particulier quand il était alcoolisé comme ce soir-là. Il osa. Il ne lâcha pas la main de la Comtesse et se rapprocha d’elle, l’attirant à lui. L’enlacer de nouveau, sans les contraintes de la danse, fut plus délicieux encore. Et il se pencha sur elle, déposant ses lèvres sur le front blond. Ce n’était pas ce qu’il voulait… Aussi murmura-t-il à son oreille, la voix nouée du trouble qui le tenaillait tout entier :


Je l’espère aussi… Mais j’espère surtout que vous me pardonnerez ça.

Relevant le menton de Bella avant que sa paume ne trouve sa joue et que son pouce ne suive la ligne de sa mâchoire, ce fut sur ses lèvres qu’il déposa un baiser. Il se voulait tendre, il se découvrit fougueux. Là, il n’aurait plus de regrets. Même s’il devait encaisser une gifle pour avoir osé trop, trop vite. Enfin, il se sentait complet. Grisé d’autre chose que d’alcool. A ce moment précis, il était heureux. Et quand il quitta la douceur de sa bouche, un sourire éclaira son visage.
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Christabella
A l'intérieur de la caboche blonde, c'était une lutte sans merci, entre la comtessa et ses responsabilités, sa vertu, ses devoirs, et une jeune femme, avide de vivre. Une femme qui avait touché du doigt quelque chose d'exaltant, de vivant. La glace et le feu, tempête qui faisait rage en elle. Toute bonne chose a une fin. Aussi merveilleuse que soit la soirée. Sa main dans la sienne, une douce pression, il l'attira à lui. Enlacée, elle sentait fondre peu à peu la forteresse de glace de la comtesse qu'elle était. Pour ne laisser que la femme.
Cette fois, il n'y avait pas l'excuse de la danse, pas de doute à avoir. Elle était dans ses bras, et doucement, ses lèvres se posèrent sur son front. Il osa. Une douce caresse sur ses lèvres, un baiser tendre, puis fougueux, auquel elle répondit, avec autant de force, de détermination.

Il souriait, un vrai sourire qui se répercutait dans ses yeux, qui brillaient d'une étrange manière. Comme les siens. Leurs visages, si proches encore, leurs souffles se confondaient.
La main de la jeune femme recouvrit celle du Beauharnais, toujours sur sa joue. L'autre main qu'elle semblait ne pas vouloir lâcher étroitement serrée, elle mêla ses doigts aux siens. Dans un souffle, elle murmura...


Je vous pardonne...

Résolue, la comtessa était loin, loin, repliée dans un donjon que la jeune femme avait verrouillé. Elle ne savait pas quand ils se reverraient, s'ils se reverraient, si le Beauharnais désirait d'elle plus qu'une nuit. Toute résistance avait fondu. Carpe diem, douce musique qui résonnait dans sa tête. Elle avait tant attendu, trop attendu, lors de ses longues fiançailles avec feu son époux. Il ne fallait rien regretter. Résolue, elle posa sa main sur la nuque de Wallerand. Pour l'attirer à elle, à son tour. Peu importait l'avenir, seul le présent comptait. Et puis merde à la fin! Les mauvaises langues menaient bon train alors qu'elle était vertueuse, alors, autant ne pas les détromper? Et puis l'ivresse était une bonne excuse pour se lâcher. Un autre baiser, tout aussi fiévreux que le premier, tandis qu'elle perdait sa main dans les boucles du Beauharnais. Elle se perdait dans ses bras, se perdait sur ses lèvres, mais elle était exaltée. Vivante. Les yeux clos, elle posa son front contre le sien, en proie à une tempête, une faim qu'elle n'avait encore guère connu et reconnu. Peu importeraient les ragots, peu importeraient la finalité de tout ceci, de l'avenir de cette étreinte. Peu importeraient les regards pincés de sa camériste de carmélite, Marie Clarence. Elle adressa une prière silencieuse au Très Haut. Qu'il lui pardonne cet écart, qu'il lui pardonne sa faiblesse. Elle savait juste qu'elle le voulait. La soirée finirait par prendre fin, mais pas maintenant. Pas comme ça. Elle posa ses lèvres dans le cou du jeune homme, avant de lui murmurer tout bas, dans le creux de l'oreille.

Restez.

Douce supplication...
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Wallerand
Rester... Il ne demandait rien d'autre. D'ailleurs, le sourire qui s'élargissait encore en témoignait tandis qu'un autre hommage à la beauté de la jeune fille allait toujours croissant. Ce qui, si Bella en avait encore douté, n'était qu'une preuve supplémentaire du désir qui incendiait le Beauharnais. Alors il hocha la tête, simplement. Oui, il resterait, il aurait crevé de refuser alors qu'il l'aurait dû... Qu'importait. Emporté par sa propre folie, embrasé par leurs baisers échangés et cette étreinte, cette main perdue pour la première fois dans ses cheveux, cette ardeur qui les unissait, il resterait. Parce que c'était une évidence. Océan...

Comment arrivèrent-ils jusqu'à la chambre ? Il n'en garda aucun souvenir net, juste ceux de baisers posés sur une nuque gracile au hasard d'une marche, de caresses volées, de pas aussi légers que possible malgré la hâte et d'un étonnant crochetage de porte une fois arrivés au but. Apparemment, une clef s'était fait la malle et aurait menacé de les laisser sur le carreau si Bella n'avait pas fait montre d'un savoir-faire étonnant. Enfin, un peu approximatif, mais la faute en revenait uniquement à la bière ingérée ce soir-là et au jeune homme qui ne faisait rien pour l'aider à se concentrer, découvrant sa chevelure du bout des doigts et dégageant son cou en soufflant sur les mèches qui le parsemaient.

La serrure céda finalement, découvrant une antichambre et le cerbère qui l'habitait. Wallerand eut presque un mouvement de recul - presque, parce qu'il y avait un aimant qui l'attirait irrésistiblement à l'intérieur - en découvrant une femme qui devait être la dame de compagnie de la Comtesse, affalée dans un grand fauteuil, ronflant de toute la puissance de poumons manifestement bien entrainés. Réprimant à grand peine un éclat de rire à cette imposante vision d'une figure revêche adoucie par le sommeil, posant ses pas dans ceux de Bella, le Gascon se faufila à sa suite dans la chambre elle-même, poussant le battant derrière eux.

Enfin seuls. Enfin totalement libres... Attirant de nouveau la jeune femme à lui, le Beauharnais la couvrit de baisers fiévreux, découvrant son visage, son cou, sa gorge des lèvres. Ses mains fébriles, entre deux caresses, s'étaient attaquées à la robe de Bella, découvraient sa peau. Quand ils basculèrent sur le lit, quand ils continuèrent leurs explorations, il tenta de se reprendre. L'amour n'était pas affaire de vitesse mais de douceur. Alors il se força à aller non pas à son rythme mais à celui de cette femme qui s'offrait à lui, avec une candeur, une spontanéité, une innocence qui le touchaient. Quand ils fusionnèrent, il resta à l'affut du moindre soupir, du moindre geste. Il voulait lui rendre le plaisir qu'elle allait lui donner, qu'ils savourent de concert cette étreinte volée aux convenances et à la raison comme s'ils devaient disparaître le lendemain... Et ce fut sur ses lèvres qu'il étouffa le grondement tiré par la petite mort.

Les cloches le réveillèrent douloureusement, éveillant un écho aux confins de son crâne. Il ne faisait pas jour encore et pourtant l'urgence pointait déjà le bout de son nez. Un nez bien moins joli que celui qui dormait encore, si près de son visage qu'il en sentait le souffle régulier. Que n'aurait-il pas donné pour pouvoir se rendormir, pour pouvoir la réveiller plus tard, l'embrasser encore... Pour prolonger leur insouciance, encore un peu, juste un peu ! Mais il fallait qu'il soit à la Connétablie ce jour-là et devait repartir le soir même pour la Gascogne. Rattrapé par l'ensemble de ses devoirs, Wallerand les regrettait amèrement quand il se tourna sur le côté pour regarder le minois de la jeune fille. Il voulait à tout prix, malgré la douleur qui lui vrillait désormais la tête, garder son image avec lui.

A contrecoeur, il se leva, aussi discrètement qu'il le put, pour éviter de l'éveiller à son tour. Rapidement, il passa ses habits et récupéra ses bottes, qu'il garda à la main jusque dans l'antichambre. Sur son seuil, il jeta un dernier regard en arrière. Qu'il regretterait de l'avoir ainsi quittée, cette beauté blonde... C'était un piètre départ. L'envie de repartir en arrière pour l'embrasser dernière fois avant de partir le tenailla, la pointe acérée de l'envie de réitérer leur folie lui piqua les reins. Avant d'y céder, il se retourna et se trouva nez à nez avec... Oh misère, la camériste ! Et elle avait l'air franchement en rogne, en plus. Bizarrement, sa vue, loin d'indisposer Wallerand, le poussa à un début de fou rire nerveux, et il s'en fut d'une démarche sautillante, renfilant ses bottes à l'arrache pour éviter à d'éventuelles représailles. Un coup de balai était si vite arrivé... Et alors qu'il franchissait la porte crochetée par les doigts agiles de Bella, une solution lui apparut. De la Connétablie, il ferait porter un message... Oui. Il ne pouvait pas la laisser comme ça. Pas après la nuit qu'ils avaient partagé.

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Christabella
Exaltant. Un adjectif qu'elle aurait volontiers utilisé pour décrire la nuit passée. Etait-ce l'alcool, la danse, la folie de l'instant, elle n'aurait su dire. La découverte, la hardiesse de ses gestes, caresses hésitantes d'une jeune femme si peu expérimentée. Femme hésitante, mais qui apprenait une toute autre danse, dans les bras du Beauharnais, dont elle ne doutait pas de l'expérience, tant les caresses étaient habiles, semblant deviner le moment idéal, l'endroit à explorer. La jeune femme s'exhalait comme une fleur, s'épanouissait, au gré de la tempête. Elle se découvrait, sans honte aucune, à la vue et aux gestes de Wallerand, la comtesse n'était plus. Ils n'avaient pas le droit, elle n'aurait pas du, mais ne s'en voulait pas, en voulait plus encore, se laissant emporter au gré du vent, loin, plus loin qu'elle n'était jamais allé... Un instant de plénitude, qui prit fin par un tendre baiser, sur les lèvres. Et où, première fois depuis des mois, elle s'endormit, lovée contre l'amant. Un sommeil sans rêve, légèrement aviné d'amour et de bière.

Le réveil fut plus douloureux. Une lumière crue lui déchira la vue, la bouche sèche d'une soif immense, la tête douloureuse, l'estomac vaguement retourné. Qui avait fait ça? C'est une Marie Clarence revêche et pas du tout commode qui avait tiré les rideaux. Le soleil inondait la chambre, douce lumière, mais qui aux yeux de la comtesse était beaucoup trop forte et blessante. Pourquoi? Pourquoi avoir tant bu... lentement, les fragments revinrent en mémoire, jusqu'à ce que deux choses déchirèrent l'espace-temps pour se frayer un chemin vers sa conscience endolorie. D'une, la nudité de sa peau contre les draps. C'était moyennement agréable, elle avait froid aux pieds, les draps de l'auberge était moins doux que les siens. Et la deuxième chose... si elle avait froid, c'est surtout qu'elle était seule. Il était parti. Un sourire pincé sur les lèvres, la migraine affreuse et un estomac en rébellion, elle trouva la force de toiser sa camériste-carmélite - qui avait fait voeux de silence- qui avait un air légèrement dédaigneux. Oui, elle avait laissé un homme entrer dans sa chambre et en avait profité. Et il était parti. Des bribes de souvenirs remontèrent à la surface, en fragments. Des sourires, la danse, enlacée dans ses bras, baisers fiévreux ...

La comtessa se remit debout, avec une mauvaise humeur plus qu'évidente. La douleur lui vrillait le crâne. Marie Clarence lui apporta une tisane de saule blanc. Bella savait ce qui l'attendait. Des prières, une pénitence, une confession. En plus d'une immense gueule de bois. Baste, cette nuit merveilleuse valait bien le coup! Cependant, elle avait un léger vague à l'âme. Se reverraient-ils? Certains hommes, après avoir eu ce qu'ils voulaient, ne donnaient plus signe de vie. Pourtant, là, elle avait confiance, il y avait eu quelque chose de vrai dans ce regard sombre. Ils se reverraient. Quand? Elle ne savait pas...

En fin d'après midi, son page toqua doucement à la porte de ses appartements. Elle ne voulait pas répondre, la tempe posée contre le rebord de la fenêtre, à observer la rue en contrebas, les gens, la vie de la place d'armes. Le vague à l'âme l'avait gagnée. Il était parti durant son sommeil, et cette idée la rendait malade... Tibedaud insistait. Elle finit par émettre un grognement, - un peu comme l'ours ricoré, encore souffrante de sa gueule de bois - et le page lui apporta un pli. Elle ne reconnaissait pas le sceau, ni l'écriture.
Elle décacheta le pli, et découvrit une missive, écrite à la hâte et copieusement raturée. C'était lui. Le sourire revint aussitôt sur les lèvres carmines...

Citation:


Bella,

Pardonnez-moi d’être parti sans vous dire au revoir ce matin. Le devoir m’appelait… Je n’ai pas eu le cœur de vous réveiller. Vous étiez trop belle endormie.

J’espère que vous ne m’en voudrez pas des libertés que j’ai prises et que vous n’aurez pas de regret. Je n’en ai aucun… J’aimerais vous dépeindre ce que vous m’avez offert, mais les mots ne suffisent pas toujours.

Que votre séjour à Paris soit agréable. Je dois rentrer en Gascogne dès ce soir… Quand vous serez de retour, je souhaiterais, si vous ne le connaissez pas encore et si vous acceptez encore ma compagnie, vous présenter l’océan. Et surtout vous revoir.

W.



Les yeux clos, elle sourit, les joues roses, et remercia son page. C'était à elle de répondre... Elle attrapa un de ses vélins de correspondance, et s'attela à la rédaction ... Que dire?

Citation:





    De Nous, Christabella comtessa de Fontrailles, dona du Brouilh et de Castèra-Lectourois,
    A Wallerand de Beauharnais,


    Je comprends, vous aves des responsabilités, même si je l'avoue, m'être réveillée seule m'a désolée. Je ne vous en veux pas, sachez que je vous ai suivi sur ces chemins inconnus de mon plein gré. Je ne regrette rien. Je ne puis mettre les mots non plus sur ce que vous m'avez offert, une soirée extraordinaire, que je n'aurai pu vivre si je n'avais pas mis de côté ma condition. (ratures )De comtessa et de veuve. ( ratures )

    Soyez certains qu'on se reverra, si tel est votre désir. Je viendrai réclamer mon dû, car vous me devez un dîner. Et vous me présentez l'Océan ...




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