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[RP]La croisées des chemins

Gawin_derohan
Préambule

L'histoire qui suit est une petite intrigue concoctée pour une amie, mais qui peut tout à fait s'enrichir des réactions de tout le monde. Je vous demande simplement de respecter le roll-play de chacun, de bien écouter les autres avant de réagir, et de coller à l'histoire sans partir dans des boucles irrécupérables.

Bon jeu!

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Devant le dispensaire


Voilà, nous y sommes

Les deux voyageurs se tenaient devant l'immense façade en pierre du dispensaire de la ville, une bâtisse massive taillée au cordeau, aux murs percée de large fenêtres romanes sans fioriture, et coiffée d'un clocher arborant la croix aristotélicienne. Le porche central béant semblait accueillir les éclopés et les infirmes à bras ouverts.

Sentant un silence dubitatif derrière son dos, Gawin se retourna lentement. Il avait la stature de ces gens de la campagne. Un habit sans âge, élimé et rapiécé de toute part et des bottes poussiéreuse usées jusqu'à l'os par le mauvais chemin. Des bras de forgeron plantés sur de larges épaules formés à la cognée, et des jambes robustes façonnées par les travaux des champs. Un visage rude, marqué par le labeur et la douleur des temps, mais qui brillait de cette chaleur paysanne, de cette générosité des gens de la terre.

Dame Juliette restait immobile, une main sous le menton et l'autre autour de la taille, une moue dubitative aux lèvres.


Gawin hésita un instant car il savait le caractère bien trempé de la jeune femme, qu'on ne maniait pas comme un épagneul breton. Il dévisagea quelques instants celle qu'il escortait depuis plusieurs jours depuis Castillon. A la suite d'une rupture amère et douloureuse, elle avait voulu s'éloigner de la ville, sans but précis, pour prendre un peu le large et laver le voile. Les routes étant devenues aussi dangereuses que les escortes rares, Gawin avait accepté de partir avec elle, au nom de leur ancienne complicité dans la garde territoriale, en mémoire de leur ronde nocturnes et bavardes. De surcroit, Dame Juliette était souffrante, sans vouloir se l'avouer. Une vilaine fièvre s'accrochait à elle comme un linceul de ronces. Gawin s'était donc décidé à sortir de sa forge, de son antre de suie et d'étincelles où il travaillait sans relâche pour le compte de la mairie. Ils avaient quitté Castillon précipitamment, avec un maigre balluchon sur l'épaule, et depuis ils arpentaient les routes de France, laissant au hasard le soin de tracer leur chemin, et à la providence le choix de leur destin.

Dame Juliette… sa voix était douce et paternelle votre état ne s'améliore pas et mes pauvres tisanes vous font autant d'effet qu'un emplâtre sur une béquille. C'est la providence qui met ce dispensaire sur votre route. Allez vous lui tourner le dos?

La place grouillait de marchands, de badauds, d'homme en armes, de bêtes résignées et de cris tapageurs, mais tandis qu'il attendait un réponse qui ne venait pas, deux évènements anodins attirèrent fugacement son attention. Là-bas, un petit homme ramassé s'éloignaient d'eux à reculons, bousculant les passants et manquant plusieurs fois de tomber. Ses yeux écarquillés semblaient les dévisager. Et de l'autre côté, un attroupement se formait vivement autour d'un jeune homme allongé par terre et dont on ne voyait déjà plus que les semelles de bottes.
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"Si tout travail mérite salaire, il faut une prime à l'accouchement" (anonyme)

"La vieillesse, c'est encore le meilleur moyen de ne pas mourir jeune" (extrait de la Fée Carabine, D.Pennac)
Juliette.mansart

Satanée fièvre qui s’accrochait à elle, tel un chiot à un os, dont la moelle bien fraîche titillerait les petits crocs en devenir soit, mais non moins vigoureux et acérés ! Ce n’était pourtant pas faute d’avoir tenté de s’en débarrasser : cataplasmes divers, tisane de sauge, heures prolongées de repos, air frais, prières, rien n’y faisait! Les effluves de cette fièvre l’enveloppaient plus ou moins intensément tout au long des jours, de manière sournoise et soudaine, occasionnant chez la jeune femme, un état d’ivresse permanent oscillant entre deux pôles dont la dichotomie s’avérait aussi troublante qu’imprévisible : tantôt brusquement transie, chaque parcelle de son corps se trouvaient secouées par de violents frissonnements alors qu’en d’autres instants, l’étrange sentiment d’un embrasement complet de ce même corps, devenant littéralement en sueur.

Ces dernières semaines dans la grisaille du cœur n’avaient, bien sûr en rien, amélioré cet état qui malgré elle, perdurait. La présence et la bonté de Gawin avaient néanmoins agis comme un baume sur l’esprit de la jeune brunette. D’autant plus qu’elle se félicitait d’avoir trouvé le moyen de le faire sortir enfin de son charbonneux repaire, ce qui n’était pas une mince affaire en soi! Seules leurs gardes étaient jusqu'ici, venues à bout de cette solitude qu'il semblait mystérieusement tant chérir.


Voilà, nous y sommes

Ces quelques mots extirpèrent la jeune femme de ses pensées. La brunette au minois autrefois aussi pétillant qu’il n’était aujourd’hui livide, demeurait un peu en retrait derrière son comparse de voyage, à bonne distance surtout de ce refuge funeste, comme si elle craignait d’être aspirée à son corps défendant par cette ouverture gigantesquement béante menant à l’antre qui ne lui laissait présager, franchement, rien de bien réjouissant, ni de bon!

Arborant une légère moue, visiblement peu enthousiaste, elle laissait ses azurs vagabonder aux tréfonds du regard de son acolyte, qui se voulait rassurant et convainquant. À quelques reprises, animée par une force indicible, elle parvint enfin à jeter une brève oeillade furtive à l’intérieur des lieux, avant de très vite, se dérober tant de crainte que de pudeur.


Votre état ne s'améliore pas et mes pauvres tisanes vous font autant d'effet qu'un emplâtre sur une béquille. C'est la providence qui met ce dispensaire sur votre route. Allez vous lui tourner le dos?

Pour toute réponse, elle ne put que lui offrir momentanément, un léger soupire de découragement, puis un lourd silence empreint d'hésitation

-Croyez-moi Gawin, j'ai bien conscience à quel point vous dîtes vrai... à quel point vos paroles sont sages... Mon état s'aggrave, certes... mais cet endroit...

Un rictus de dégoût se dessina malgré elle sur ses lèvres trahissant ses premières impressions. S'approchant d'un pas las vers lui, elle glissa avec douceur son bras sous le sien.

-Je me doute également que je représente un boulet des plus encombrants pour vous actuellement.. je réfrène votre exaltation de cette liberté recouvrée aussi bien que vos pas et je puis bien entendu comprendre que vous désiriez me laisser dans un tel endroit afin de poursuivre votre route... mais je vous en supplie ne m'y laissé point... je... je...ferai de mon mieux pour dissimuler mes maux

L’émeraude de ses mirettes se posèrent résolument sur lui, empreint d'une détresse qu'il n'avait jamais vu poindre auparavant, alors qu'elle pressait doucement son bras de sa main faible et tremblante, comme pour lui faire ressentir le sérieux de sa supplication. Ses paroles ne se voulaient guère manipulatrices mais bien désespérées

-Les gens qui y viennent n'en sortent probablement jamais... ou alors les pieds devant! J'en suis certaine Gawin! Est-ce cela que vous désirez pour ma personne? ... Elle conclut dans un murmure, détournant le regard pour votre amie...
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Gawin_derohan
Comme il le craignait, l'affaire s'engageait mal. Il lui faudrait désormais autant d'effort pour faire parcourir les derniers mètres à Dame Juliette que pour scier un chêne avec une lime à ongle. Il y avait pourtant dans le ton de sa voix autre chose que du caprice ou de la comédie. On y sentait une épouvante sourde, une terreur latente uniquement contrôlée par un sursaut d'étiquette. Gawin tapota sa main, elle était glaciale. Il repensa soudain à cet ancien frère d'arme, grièvement blessé aux cuisses, et qui souffrait d'une incurable gangrène. Au médecin il avait glissé : "Faut t'il, pour vous épargner la douleur de mon absence, qu'il faille me résoudre à celle de mes jambes?" Terrible dilemme que la mort du malheureux avait évité de trancher. Dame Juliette était un peu dans la même situation, et Gawin devant la même alternative. Fallait il pour la sauver l'enfermer dans ce dispensaire en forme de tumulus, ou risquer de la perdre en lui laissant sa liberté? Peut-être existait il une issue intermédiaire et il s'y raccrocha farouchement.

Je ne veux en aucune façon vous abandonner ici et je resterai en ville autant de temps qu'il sera nécessaire – jusqu'à la mort songea t'il brusquement et cette pensée l'irradia d'influx glacés – mais il faut au moins que vous alliez voir un meilleur praticien que moi. Alors voilà ce que je vous propose.

Il se mit face à elle, ses deux mains posées sur ses épaules et le regard aligné avec le sien.

Nous entrons tous les deux là-dedans, nous trouvons un médecin pour vous ausculter et nous ressortons illico. Selon le diagnostic, on avisera ensuite.
Sinon, j'y vais seul, vous retournez à l'auberge et attendez mon retour.


Il se sentait tout à l'heure dans l'impasse et trouvait soudain deux issues honorables. Malgré le tragique de la situation, il esquissa un sourire qui se voulait encourageant.

Derrière eux, on emportait déjà le jeune homme. Ses membres inertes pendaient comme les branches d'un saule pleureur. La foule semblait en émoi. Il n'échappa pas non plus à Gawin que le petit homme qui s'était enfuit tout à l'heure les observait furtivement, caché par l'arête dérisoire d'une façade.

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"La vieillesse, c'est encore le meilleur moyen de ne pas mourir jeune" (extrait de la Fée Carabine, D.Pennac)
Juliette.mansart

Juliette tentait de demeurer attentive aux paroles se voulant rassurantes de son ami ; mais entre les malades qui l'effrayaient et les badauds qui allaient et venaient, sans compter cette fièvre qui embrumait son esprit, ce n'était guère une tâche aisée!

La brunette aurait bien aimé croire aux paroles de Gawin, mais s'il y avait des mots auxquels elle parvenait difficilement à croire de la part d'un homme dorénavant, c'était bien ceux qu'il avait osé prononcés "je serai là, je ne partirai pas" ; et ce, malgré le fait qu'elle avait pourtant pleine confiance en son ami. Aussi ses mots résonnèrent en son esprit à répétition durant un instant qui lui parut une éternité
"je resterai en ville autant de temps qu'il sera nécessaire" ; affichant une légère moue mi-dubitative, mi-rêveuse.

Les mains de Gawin sur ses épaules extirpèrent résolument la jeune femme de l'épais brouillard qui l'avait soudainement momentanément amortie. Elle laissa papillonner ses paupières à quelques reprises tout en l'avisant de ses azurs, plutôt stupéfaite du sérieux dont il faisait preuve.

Enfin attentive, elle écouta les deux propositions qu'il lui faisait, sans pour autant réagir à l'une ou l'autre ; sa frimousse couleur cierge se contentait de l'observer un long moment en silence......puis enfin

- Je .. ne sais trop Gawin...

Réfléchissant davantage aux propositions avancées, elle aperçut brièvement le jeune homme que l'on emmenait... le pauvre, il était bien mal en point ! Aussi Juliette ferma aussitôt les yeux puis détourna la tête, préférant prétendre qu'il ne s'y trouvait point.


-Est-il parti?!?! question purement rhétorique puisqu'elle se ressaisit après un bref instant, quoique péniblement, toujours aussi désespérée par l'incertitude de son propre destin


-Promettez que si nous entrons et que le médicastre m'examine ; peu importe ce qu'il dira et quel sera son bilan, vous ne m'y laisserez point et vous ne tenterez guère de me forcer à y demeurer ! ...... Gawin?

Remarquant enfin l'oeillade furtive qu'il jetait au détour d'une bâtisse plus loin ; la brunette se retourna et tenta de suivre la direction qu'empruntait le regard de Gawin

-Qu'y a-t-il donc ? Que voyez-vous?

Prenant appui sur le bras robuste du forgeron, la jeune femme menue tentait vainement d'élever au hasard, son regard d'ordinaire perçant, au-dessus des badauds qui s'agglutinaient de ça de là devant eux.
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Gawin_derohan
Vous laissez ici dame Juliette?!

Un large sourire se dessina sur son visage qui se creusa aussitôt de profondes fossettes. Il voulait lui communiquer un peu de baume au coeur, même si au fond de lui grondait sourdement l'inquiétude.

Me prenez vous donc pour un vulgaire chiffonnier qui vient se débarrasser de son fourbi à la première décharge venue?

Joignant le geste à la parole, sa main jetait par dessus son épaule des loques imaginaires.

Non Dame, je me suis suffisamment habitué à vous pour ne pas vous laisser entre les pattes d'un vague rebouteux. Et nous allons ensemble vous débarrasser de cette fièvre comme d'une mauvaise gueule de bois!

S'il conservait de la légèreté dans le ton de sa voix, il ne pouvait s'empêcher d'observer avec une curiosité mêlée d'inquiétude le petit homme qui se tapissait là-bas. Aucun doute, c'était bien eux qu'il épiait. Dès que Gawin tournait son regard vers lui, il se recroquevillait un peu plus, les doigts agrippés à l'arête du mur. Son crâne dégarni accroché au pignon ressemblait à une gargouille aux yeux écarquillés. Un long silence et un coup d'œil un peu trop appuyé éveillèrent les soupçons de Dame Juliette qui tourna à son tour ses mirettes vers le fond de la place. L'inconnu sembla sursauter et disparu aussitôt.

Qu'y a-t-il donc ? Que voyez-vous?

Gawin fronça les sourcils tandis que de vieux souvenirs commençaient à suinter sournoisement dans sa mémoire. Un frisson glacial dévala sa colonne vertébrale et c'est d'une voix absente qu'il reprit la parole.

Je ne sait pas dame. Un curieux bonhomme s'est enfui en nous voyant tout à l'heure, et il est resté plusieurs minutes à nous épier là bas. Avant de disparaître.

Il se mordit les lèvres en espérant ravaler sa dernière phrase. Dame Juliette n'avait pas besoin de ça en ce moment. L'anxiété faisait autant d'effet sur la maladie que de l'huile sur le feu.

Bah, sans doute un de vos soupirants éconduits qui n'en revient pas de vous voir de retour par ici lança t'il en regrettant aussitôt cette piètre diversion.
Allons y à présent voulez vous? Il se détourna et tandis son bras pour lui ouvrir le chemin.

Le cortège transportant le jeune homme évanoui était déjà aux portes du dispensaire. Membres ballants et tête renversée en arrière, le corps semblait voler au dessus d'une forêt de bras tendus. Un moine venait à leur rencontre en courant.

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"Si tout travail mérite salaire, il faut une prime à l'accouchement" (anonyme)

"La vieillesse, c'est encore le meilleur moyen de ne pas mourir jeune" (extrait de la Fée Carabine, D.Pennac)
Juliette.mansart

Du haut de ses 18 printemps, la jeune brunette ne put réprimer un léger sourire timide aux paroles de Gawin et à l’amusement qu’elle avait provoqué malgré elle, chez son comparse de voyage.

D’une part car d’emblée, elle avait peine à s’habituer à ce qu’on s’adresse à elle comme on le ferait à une… « vraie » dame…l’étonnement se faisait d’autant plus grand lorsque cet épithète sortait de la bouche d’une personne qui était « habituée » à elle ! Après tout, intérieurement, elle n’avait encore point ressenti les effets du temps qui vagabonde à grandes enjambées …du moins jusqu’à tout récemment !

D’autre part, elle se sentait confuse d’avoir osé insinuer qu’il aurait pu vouloir se débarrasser d’elle ainsi, et de lui avoir attribué de possibles mauvaises intentions ; aussi bredouilla-t-elle de plates excuses, les joues légèrement empourprées de malaise


- Non bien sûr que non! Je.. je sais bien Gawin que vous n’êtes guère ainsi, pardonnez-moi… sans doute la fièvre qui me pousse à débiter de telles sottises prétexta-t-elle sans trop y croire. À force de déceptions, sa vision des gens s’était sans doute sensiblement modifiée à son insu pensa-t-elle ; force lui était de s’admettre qu’elle devenait petit à petit, d’une méfiance quasi insupportable, même pour elle!

Tentant toujours vainement d’apercevoir le voyeur supposément tapi aux abords d’une bâtisse, elle laissait son regard vaciller au loin …. Mais de qui parlait-il? Personne ne semblait pourtant leur prêter une quelconque attention… hm…

- Disparaître!?! Allons! Il n’a pu disparaître ainsi! Voulez-vous que nous allions voir? Ce qu’elle espérait qu’il y consente et repousser ne serait-ce qu’un peu, le moment de cette entrée qu’elle redoutait tant!

-Cet endroit funeste ne s’envolera malheureusement point, nous pourrons toujours y revenir après avoir éclaircit l’énigme du mystérieux épieur !

À son grand damne, Gawin semblait tenir à cette visite de santé et sa diversion quoique franchement amusante, surpris la brunette qui ne put que s’esclaffer de bon cœur.

- Croyez-moi, aucun prétendant ne se bouscule au portillon ! Bien essayé, mais ce ne peut-être cela!

Un sourire empreint à la fois d’une douceur presque irréelle et d’un soupçon à peine perceptible de tristesse se dessina sur son minois, contrastant au livide et piteux état qu’il persistait néanmoins à arborer.

Allons y à présent voulez vous?

Juliette inspira profondément, puis jetant une brève œillade aussi résignée qu’apeurée vers Gawin, c’est à son corps défendant qu’elle emboîta un pas las vers l’antre fatal, dans le sillage du cortège tout juste devant elle, tel un présage inéluctablement obscur ; si bien qu’elle ne parvenait plus à détacher son regard de cette tête qui semblait presque désarticulée tant elle pendait et s’agitait mollement en tous sens au gré de la portée, l’obnubilant littéralement…du moins jusqu’à ce que le moine fasse obstacle à la scène navrante qui s’offrait jusqu'alors, à ses azurs horrifiés.

Quelques clignotements de paupières comme pour se ramener à une réalité non moins lugubre mais qui s'avérait néanmoins sienne, elle inclina respectueusement la tête puis s'arrêta pour laisser au moine, tout l'espace dont il semblait avoir besoin pour prendre en charge l'inconscient et la foule qui le soulevait, alors que la main de la brunette s'épouvantait peu subtilement derrière elle, dans une recherche tactile et désespérée de son ami.

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Gawin_derohan
Ils suivirent docilement le cortège en direction du dispensaire. Trop attentif à la scène, Gawin n'aperçu pas la main de Juliette qui cherchait désespérément une compagne dans le vide. Il était surtout intrigué par ce personnage dont le malaise semblait avoir mis la moitié de la place en effervescence. Bourg n'était pas connu plus que ça pour sa générosité outrancière, et en ces temps de misère le pécore moyen aurait bien pu tomber raide mort qu'il n'aurait pas plus attiré l'attention qu'un vol de moineaux. L'habit de cet homme n'était pas spécialement bourgeois, mais il était propre, sans rapiècement ni déchirure, et taillé dans un solide tissu de lin. Le cuir de ses bottes, récemment nettoyées, ne paraissait pas râpé ni craquelé. Le menton en arrière et la gorge renversés étaient rasés de près. Pas un noble, mais peut-être un échevin de la cité, ou un marchand. Gawin se promit de poser la question, si elle lui restait en mémoire.

Le cortège s'engouffra enfin sous le porche d'entrée du dispensaire et disparu aussitôt sur la droite. Gawin et Juliette entrèrent à leur tour dans la vaste salle d'accueil, baignée par une chaude lumière fusant des ouvertures. Un mélange d'odeurs indéfinissable les accueilli, mariage insolite d'encens, de plantes aromatiques, de moisissure et de bouillon de choux. Quatre piliers monumentaux s'élevaient de chaque angle pour se rejoindre au centre de la voûte, si haut que la sculpture de la clé était à peine visible. Le mur du fond, percé d'une large porte en berceau, s'ouvrait sur le cloître dont on devinait la galerie couverte et la cour plantée d'arbustes. Quelques personnes attendaient, immobiles et silencieuses, sur des bancs disposés tout autour de la salle. Là une veille dame ramassée sous un enchevêtrement de hardes, là une mère donnant le sein à un ballot de tissu, là au fond un jeune homme au pied bandé, accoudé à sa béquille. Un trio de moines tonsurés jailli d'une porte à gauche et traversa la salle à grande enjambée, sans prêter attention à quiconque. Attiré par les voix animées du cortège qui résonnait comme dans un cœur d'église, Gawin s'avança vers la droite et aperçu le dispensaire proprement dit, une salle immense tout en longueur, divisée en trois nefs aux plafonds lambrissés. Des bandes de lumière dorée jaillissaient des fenêtres latérales et semblaient tout recouvrir d'un baume aseptisant. De part et d'autres de la double rangée de colonnes s'alignaient les litières individuelles en bois, fermées par de larges pans de toile écrue. Un groupe s'affairait autour d'une d'entre elle. Derrière un rideau de porteurs et de moines, on installait soigneusement le jeune homme évanoui. La paire de botte tomba bruyamment au sol.

"On ne s'occupera pas plus de nous ici que d'un épi dans un champs de blé" pensa Gawin en grimaçant. Comme il se retournait vers la salle d'accueil, il aperçu dans le mur d'en face une alcôve qu'il n'avait pas vue en entrant tout à l'heure. Un moine y était installé, assis droit comme un if derrière son pupitre. Sa plume, dont on n'apercevait que le panache, s'agitait fébrilement.

Gawin s'approcha en entraînant Juliette avec lui. Le moine avait l'allure d'une poule, une petite tête plantée sur un cou long et sec, et des épaules fines et tombantes. Sa tonsure blanchâtre était tellement en bataille qu'on aurait dit qu'il venait de se faire plumer. Gawin ne put s'empêcher de sourire en arrivant à proximité. C'était une basse-cour à lui tout seul. Il avait un joli crâne d'œuf poli, un nez fin et proéminent comme un bec de poulet, et ses doigts longilignes terminés par des ongles pointus ressemblait à des ergots de coq. Il leva la tête nerveusement.


Qu'est ce que c'est? caqueta t'il à leur endroit

Gawin étouffa un fou rire en toussant de confusion.

Le moine avait le nez tellement bouché qu'il parlait comme un canard.


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Juliette ne semblait guère éprouver le même esprit d'aventure que son comparse ; en effet, elle demeurait en plein coeur de la salle d'accueil, immobile, l'air blafard, comme si ses bottes avaient soudainement pris racine. L'amalgame d'odeurs agressait littéralement les délicates narines de la jeune femme, provoquant momentanément chez la malheureuse, une quinte de toux et d'éternuements saisissants.

Légèrement apaisée, elle observait Gawin qui semblait s'abandonner à une soudaine et inopinée envie d'exploration que visiblement, la brunette ne partageait guère. En fait, elle ne pouvait s'empêcher de mirer chacun des malades, de pied en cap, comparant intérieurement leur état au sien. Il lui sembla d'ailleurs que ses maux étaient soudainement futiles. Elle aurait bien voulu prendre ses jambes à son cou, prétextant la légèreté de ce mal mystérieux qui l'affligeait mais peine perdue, Gawin l'attirait déjà aux tréfonds de l'abîme lugubre, bien résolu lui semblait-elle, à lui faire voir un médicastre, coûte que coûte!

Aussi bien en finir se dit-elle, n'offrant aucune résistance à cette main qui ne lui laissait en fait, aucune autre possibilité que de suivre docilement! Face à cet énergumène étrange qu'était le moine, Juliette ne pouvait s'empêcher de décocher un sourire de connivence en direction d'un Gawin sur le point d'imploser tant sa tentative de garder son sérieux lui était pénible.


Qu'est ce que c'est?

L'effet de surprise estompé, Juliette repris une rondeur de mirettes plus commune et fila illico un léger, mais ferme coup de coude à son ami pour l'inciter à reprendre contenance. Ce n'était guère le moment d'offusquer le Moine ... ils avaient besoin de lui et de ses connaissances, néanmoins, Juliette se promettait bien d'en rire un bon coup une fois hors de son champ de vision !!

Le brunette entrouvrit la bouche afin d'effectuer les présentations d'usage mais avant même d'avoir l'opportunité d'émettre un quelconque son, sentit tous les muscles de ses jambes se roidir pour finalement s'engourdir et Hop! une poupée de chiffon qui chut au sol, dans un mouvement fluide, tel un pétale arraché par une soudaine bourrasque mais dont la chute finale aurait été amortie par une douce brise.

Affalée sur le dos au sol, la jeune femme restait-là, inerte et inconsciente, sa longue tignasse éparse deçà delà, quelques mèches en travers du minois. Il faut dire que depuis bon nombre de semaines, elle avait su se montrer raisonnable : ses forces et ses efforts, elle avait su les épargner autant que faire se peut, demeurant le plus souvent allongée ou assise, mais rarement debout de manière aussi prolongée, tel qu'elle ne venait de le faire à force de tergiversations.

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Gawin_derohan
Elle va s'en sortir n'est ce pas? s'inquiéta Gawin d'une voix basse pour ne pas déranger le médicastre dans sa réflexion. Le vieux moine calé au fond de sa chaise restait immobile derrière son bureau, les coudes reposant sur sa généreuse bedaine et les doigts croisés sous le menton. Ses yeux interrogeaient le vide.

Ils se trouvait dans une petite pièce voûtée, fraîche et bien éclairée. Elle embaumait la sauge, le thym et la mélisse aux effets délicieusement apaisants. Les murs étaient recouverts d'étagères chargées de fioles hétéroclites , de bocaux et de pots en terre cuite. Au milieu de la pièce, une large table revêtue d'un drap blanc servait aux auscultations. C'est là qu'on avait installé Dame Juliette, inanimée. Quand elle était tombé tout à l'heure, comme une marionnette décrochée de ses fils, Gawin avait d'abord cru à une diversion, une manière habile de détourner l'attention du moine de son hilarité, tout en faisant en sorte qu'on s'occupe d'elle avec diligence. C'est seulement quand la tête de la jeune femme avait sèchement heurté le sol, dans un bruit sinistre de melon écrasé, que Gawin avait réagi. Pris de panique, il l'avait soigneusement pris dans ses bras. Sur sa main qui soutenait délicatement la tête de la jeune femme, Gawin avait senti la tiédeur poisseuse du sang frais . Jamais auparavant il n'avait ressenti de façon aussi criante les ravages de sa maladie : elle était aussi légère qu'un fagot de paille.

On l'avait conduite au Père Anselme, le doyen du dispensaire, qui l'avait d'abord examinée pendant de longues minutes, écoutant son cœur et sa respiration, étudiant la plaie à la tête, palpant le pouls et la raideur musculaire, ouvrant tout en délicatesse la bouche et les paupières de la jeune femme pour en observer l'intérieur. Des gestes précis et respectueux, d'une incroyable pudeur.

Après cet examen corporel, le moine avait longuement interrogé Gawin pour connaître les symptômes qu'il avait pu constater lors de leur voyage, suivant en cela un méticuleux et impénétrable protocole.


De la fièvre? Des maux de tête?

oui, très souvent

Des courbatures? Des douleurs musculaires?

oui il me semble

Des fatigues passagères? Des nausées?

oui, de plus en plus

Et vous même?

ma foi, rien pour l'instant

Après cette dernière réponse, le vieux moine était entré dans une sorte de digestion intellectuelle, une lente déglutition neuronale, tel un boa venant d'avaler un veau.

Il repris enfin la parole en se raclant la gorge, et Gawin resta suspendu à ses lèvres, redoutant le diagnostic du vieux sage.


Je ne suis pas inquiet pour sa blessure à la tête. Son coma ne devrait pas durer et elle en sera quitte pour une belle cicatrice et un sévère mal de tête.

Gawin se détendit sur son siège et ses doigts crispés sur ses cuisses desserrèrent leur étreinte.

Sa fièvre me cause d'avantage de soucis. De ce que j'ai pu constater aujourd'hui et de ce que vous m'avez décrit, tout me porte à croire qu'elle souffre d'une forme chronique de fièvre catarrhale faiblement contagieuse – à ces mots Gawin se contracta d'avantage sans toutefois saisir la gravité de ces termes médicaux incompréhensibles - dont l'issue me semble incertaine. Elle peut disparaître d'elle-même, même si cela me semble peu probable, mais tout aussi bien se développer, jusqu'à devenir inguérissable.

Inguérissable?

J'en suis désolé.

L'annonce lui fit l'effet d'une douche froide, comme s'il tombait à pieds joints dans un bac à glaçons.

Nous allons la garder ici en observation. Vous pouvez rester à ses côtés si vous le souhaitez. Vous êtes de la famille?

Je ne suis….que son escorte répondit Gawin d'une voix morne, oubliant la promesse qu'il avait faite en entrant. Dans sa tête s'entrechoquaient les images et les fous rires du passé, des yeux azur et des cheveux bruns caressés par le vent, mais tout volait en éclat, pulvérisé par ce mot terrifiant : inguérissable

On installa Dame Juliette dans la grande salle du dispensaire et Gawin la veilla aussi longtemps que ses propres forces lui permirent. C'est au milieu de la nuit que le sommeil eu raison de lui et il s'endormit, la tête enfoui dans les bras sur le rebord de la litière où semblait déjà reposer Dame Juliette, comme un gisant de porcelaine.

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Un raffût de panique pas possible avait vrombit autour d'elle suite au bruit sourd de son corps fracassant le sol. Puis, plus rien. Malgré la confusion, elle avait cru s'être sentie levée de terre, mais s'était aussitôt vautrée à son corps défendant au creux des bras enveloppants d'un Morphée qui lui était jusqu'ici, totalement étranger ; n'ayant visiblement point la stature pour lutter.

Cet étrange sommeil semblait occasionner chez la brunette, une instabilité de son état, le faisant alterner entre le sommeil le plus profond qui soit : un gouffre opaque et sans fond auquel elle se sentait soudainement aspiré, sombrant dans l'inconscience la plus complète ; alors qu'en d'autres furtifs instants, une impression qu'on lui touchait et parlait, dans un écho lointain et à peine audible.

La jeune femme ne saisissait guère ce qui lui arrivait. Au cours de ces brefs moments de semi-conscience, lui venait parfois à l'esprit des visages qu'elle affectionnait particulièrement, des moments récemment vécus, des lieux visités, bref, un foutoir incontrôlable de souvenirs enchevêtrés et confus auquel elle n'avait aucune emprise. Son esprit capricieux vagabondait à sa guise, se fichant éperdument d'elle, avant de finalement replonger dans un silence et une noirceur à glacer le sang.



[Quelques jours plus tard]

Moment de grâce de mi-conscience qui perdura davantage que les précédents, Juliette ressentit pour la première fois, ses membres durement ankylosés, la sécheresse de sa bouche et de ses lèvres, le creux en son estomac même si la faim ne semblait point la tenailler … Mais que m’arrive-t-il ? pensa-t-elle, s’interrogeant du coup sur la durée de cet étrange intermède qui semblait s’éterniser résolument.

Effrayée, elle tenta de mobiliser son bras, puis sa jambe, puis remuer ses lèvres, d’ouvrir les yeux ; une succession d’échecs retentissant qui ne fit qu’accroître son angoisse, réalisant qu’elle n’était définitivement plus maître de son propre corps, ni même de sa vie, ou du moins, ce qu'il en restait. Prise de panique et ne parvenant point à crier son désespoir, elle sentit tout à coup, une larme de désarroi perler doucement jusqu’à sa joue et s'évaporer sur sa gorge… était-ce là, le dernier sursaut de vie qu’il lui restait? L'unique étincelle qui la retenait encore faiblement à la vie? Une larme?!!! À peine eut-elle adressé au Très-Haut, le souhait que quelqu’un puisse apercevoir cette larme, que quelqu’un sache qu’elle n’avait point encore trépassé et de ne surtout pas l'abandonner à son sort, que celle-ci sombra de nouveau dans la noirceur.

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Gawin_derohan
Comment s'appelle t'il déjà?

Omey, juste Omey répondit patiemment Gawin au vieux pèlerin, avec un brin d'agacement dans la voix. "Décidément, j'aurais pu tomber mieux comme messager, il a une mémoire de truite" pensa t'il en tentant de garder son calme.

L'état de Dame Juliette ne s'arrangeant pas, Gawin avait décidé d'envoyer chercher Omey, l'ami de longue date de la jeune femme, avec qui ils avaient partagé de longues heures de garde. Il était parti avec eux de Castillon mais avait décidé de rester un peu à Montbrisson pour se reposer et profiter de la ville. A ce moment, l'état de Dame Juliette ne semblait pas aussi alarmant qu'aujourd'hui….Même si celle-ci passait son temps à le taquiner, il n'hésiterait pas à reprendre la route pour venir à son chevet.

Quant au messager, Gawin l'avait déniché au dispensaire. Quand il l'avait vu pour la première fois dans la grande salle, le vieux se faisait soigner pour des ampoules aux pieds. Il était parti de Dôle pour aller à Saint-Jacques de Compostelles et commençait déjà à traîner la patte. Et s'il continuait ainsi à s'user la corne, il arriverait sur les genoux. En entendant qu'il comptait faire étape à Montbrisson, Gawin avait naturellement sauté sur l'occasion.


Vous ne pourrez pas le rater reprit Gawin. Il loge à l'auberge municipale sur la grand place de Montbrisson. Vous le reconnaîtrez à sa généreuse calvitie et à sa jovialité légendaire. Vous vous souvenez du message?

Le vieux hésita un instant. Le mouvement de ses sourcils trahissait un intense exercice de mémoire, et sa bouche, docilement entrouverte, semblait attendre les ordres du cerveau.

Oui! Dame Juliette est gravement malade. Elle est dans le coma et reste alitée à Bourg. Gawin Derohan veille sur elle mais aurait bien besoin d'aide. Il faut qu'il vous rejoigne au plus vite.

Gawin l'avait encouragé à chaque mot d'expressifs hochements de tête et il sourit largement à la fin de la phrase.

Parfait mon ami, parfait, cette fois vous l'avez gravé dans votre tête!! Tenez, prenez ceci pour la peine lui dit il en tendant une petite bourse de cuir. Vous pourrez vous payez une bonne paire de bottes ici et un repas chaud à Montbrisson. Bonne route mon ami, et qu'Aristote vous garde!

Le vieux l'embrassa chaleureusement, remit son baluchon sur l'épaule et s'éloigna rapidement. Gawin le regarda quitter la place, plein d'espoir et d'inquiétude à la fois. La situation ici ne s'améliorait pas. Malgré les soins quotidien prodigué à Dame Juliette, son état restait très inquiétant, même s'il demeurait stable. S'il lui imposait un repos forcé et un sommeil profond qui ne pouvait qu'être bénéfique pour sa maladie, un coma prolongé ne présageait rien de bon, et l'avis du Père Anselme était chaque jour plus réservé.

Mais ce qui inquiétait le plus Gawin, et qui l'avait poussé à demander de l'aide à Omey aujourd'hui, c'est qu'il avait revu, rôdant aux abords du dispensaire, l'inconnu qui les avait épié le premier jour. Et il n'avait pas la mine de quelqu'un venant lui apporter des fleurs. Ou alors, un bouquet de chardons.

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"Si tout travail mérite salaire, il faut une prime à l'accouchement" (anonyme)

"La vieillesse, c'est encore le meilleur moyen de ne pas mourir jeune" (extrait de la Fée Carabine, D.Pennac)
Omeyer59
Omeyer venait de descendre de sa chambre pour se rendre à la taverne municipale, il était midi passé et la faim tenaillait son ventre. Il salua le tavernier en entrant, et s’installa au comptoir comme à son habitude. Le propriétaire des lieux commençait déjà à préparer le repas pour Omey qui venait se restaurer tous les midis, le tavernier n’attendait même plus sa commande. Celui-ci déposa devant Omeyer une assiette bien garnie avec un poisson d’une bonne taille, quelques légumes et une demi-miche de pain.
Omeyer attaquait le pain lorsque un homme entra dans la taverne, il était déjà vieux, l’homme s’avança doucement, il cherchait quelqu’un…
Il n’y avait pas grand monde pour le moment, seul deux tables étaient occupées par des couples en plus du tavernier et d’Omey. L’individu se dirigea vers un des couples, parla quelques secondes avant de battre en retraite sous le ton montant du mari, apparemment il dérange se dit Omey en souriant doucement. Le vieil homme capta le regard et le sourire de Omeyer et se dirigea vers lui en boitant légèrement, il lui demanda :


- Bien le bonjour sir, êtes vous heu… Homer ? Je dois délivrer un message à un certain Homer…
Omeyer rit doucement en voyant son interlocuteur hésitant :
- Je m’appelle Omey, je ne connais pas de Homer ici donc c’est peut être moi que vous cherchez, que vous a-t-on donné comme description ? demanda t’il dans un sourire.
- Hé bien… on m’a dit que vous aviez… une petite calvitie… Mais si c’est bien vous, vous avez beaucoup plus de cheveux que ce que l’on m’a dit…
Omey sourit doucement pour signifier au vieil homme qu’il était bien lui le destinataire du message et qu’il appréciait son compliment pour le moins bancal :
- Il semble que je sois votre homme alors, quel est donc ce message ?
L’homme se détendit soudainement et délivra son message d’une traite, il était heureux d’avoir trouvé la bonne personne et de pouvoir prononcer la phrase qu’il avait apprise par cœur :
- Dame Juliette est gravement malade. Elle est dans le coma et reste alitée à Bourg. Gawin Derohan veille sur elle mais aurait bien besoin d'aide. Il faut qu'il vous rejoigne au plus vite.
Omeyer lâcha son pain qui s’écrasa sur le poisson avant de rouler par terre sous l’œil désespéré du tavernier, Omey regardait le vieil homme sans pouvoir parler. Le messager se rendit compte qu’il venait d’annoncer une terrible nouvelle comme s’il s’agissait d’un potin quelconque, son sourire s’effaça et il prit les jambes à son cou sans demander son reste.
Omey le regarda sortir sans bouger, accusant encore le choc : Juliette est dans le coma… La personne qui lui est la plus proche est dans le coma et lui n’est même pas à ses côtés…
Cela faisait plusieurs mois qu’elle était malade, une fièvre tenace dont Juliette n’arrivait pas à se défaire, malgré tous les efforts d’Omey, elle n’avait pas voulue voir de médicastre, ne pouvant pas la voir dans cet état, il s’était arrêté à Montbrisson pendant qu’elle continuait, il s’était comporté comme un lâche tout simplement…
Le tavernier lui demanda si tout allait bien, Omey sortie de sa torpeur, il devait se ressaisir :


- Dites, il faut combien de jours pour se rendre à Bourg ?

- Une petite semaine à pied, trois jours en cheval répondit le tavernier, si vous y allez c’est direction l’Ouest.
- Vous avez un cheval ?
- Heu… oui mais… il n’est pas à vendre et…
Omeyer vida sa bourse sur le comptoir :
- Il me le faut absolument !

Trois heures plus tard, Omeyer était prêt à partir, le tavernier lui avait fournit des vivres pour le voyage, une carte et son cheval en échange de ses écus, de son côté Omey avait emporté le strict nécessaire, il devait être à Bourg le plus vite possible !

Trois jours plus tard.

Il arrivait enfin aux portes de la ville, son cheval et lui étaient épuisés, Omey s’étant accordé des haltes de 5h maximum, il manquait clairement de sommeil mais le sort de son amie le tenait éveillé.
Il entra dans la ville et demanda au premier passant le chemin du dispensaire, celui-ci lui indiqua un clocher au loin en le pointant du doigt, Omey le remercia et se guida dans la ville en direction du clocher qui jouait pour lui le rôle de phare.
Une fois à destination, il descendit de cheval, il le confia à un garçon qui passait par là et qui en échange d’une pièce, le conduisit aux écuries de la ville.
Omeyer contempla le bâtiment dans son ensemble et eu un frisson dans le dos, du clocher au porche, tout semblait triste, gris, à mourir…
Il chassa ses pensées en se secouant la tête et il entra dans le dispensaire. Après avoir inspecté la salle d’accueil d’un rapide coup d’œil, il se dirigea vers une pièce tout en longueur où les malades étaient soignés, il cherchait des yeux Gawin, bien qu’il ne l’ait pas vu depuis Castillon et les tours de garde, il se souvenait de sa stature impressionnante et de son visage.

Il le vit enfin dans un coin de la salle, près d’un lit. Il le rejoignit d’un pas pressé et le salua :


- Bonjour Gawin, je suis venu aussitôt que j’ai appris la nouvelle… Comment va-t-elle ?


Juliette était là, au fond de ce lit, les yeux fermés, elle respirait régulièrement, son visage semblait paisible, elle n’avait plus le teint cireux et les yeux cernés comme la dernière fois qu’il l’avait vu. Le coma semblait avoir effacé tout cela, elle donnait l’impression de dormir paisiblement.
Au bord des larmes, Omey attrapa son épaule et l’a secoua doucement comme s’il allait la réveiller, la fatigue du voyage lui jouait des tours et l’absence de réaction de Juliette le renvoya à la triste réalité. Il serra la petite main de son amie et essuya une larme qu’il n’avait pu retenir.
Il se redressa après quelques secondes, se retourna vers Gawin et demanda dans un souffle :

- Elle va se réveiller hein ? Qu’on dit les moines, que lui ont-ils prescrits comme remède ?
Omey tentait de reprendre le dessus sur son chagrin, il ne devait pas se laisser aller, Juliette n’était pas encore morte !
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Se méfier de son talent est le premier pas du mérite
Gawin_derohan
Il n'avait pas trop su quoi répondre à Omey lorsqu'il s'était enquis de l'état de Dame Juliette. Trop d'optimisme aurait sans nul doute éveillé ses soupçons et aurait sonné faux face au corps amaigri de Dame Juliette et à son visage émacié. Trop d'objectivité, à l'inverse, aurait achevé le pauvre homme déjà très abattu. Quand il aperçu une petite perle brillante au coin de son œil, Gawin jugea que le mieux était de laisser le silence parler à sa place, et il s'écarta simplement pour le laisser passer. Tandis qu'Omey laissait sa tristesse s'échapper, Gawin se souvint de leur patrouille et de l'amitié qu'il avait vu se construire entre ces deux têtes brûlées. Ils étaient vraiment fait du même bois, aussi fougueux l'un que l'autre et toujours prêts à l'aventure. La maladie de Juliette n'avait pas entamé ce sentiment réciproque, au contraire, elle l'avait transformé en une complicité, une connivence confinant à l'intimité. Par bien des aspects, leur relation lui rappelait celle qu'il avait eu autrefois avec Robinne, et c'est avec nostalgie et tendresse qu'il les regardait, main dans la main, réunis dans l'épreuve et l'espérance.

Omey se retourna enfin, les yeux luisants. Gawin attendi qu'il se soit calmé pour lui répondre. Il s'efforça te prendre un ton chaud et posé, afin de ne rien laisser paraître de l'angoisse irrationnel qui le tenaillait depuis plusieurs jours.


Oui Omey, elle va se réveiller bientôt. Le père Anselme qui s'occupe d'elle est convaincu qu'elle va sortir de ce coma, même s'il a avoué être surpris de sa durée. Elle a reçu un mauvais choc à la tête mais elle répond aux stimuli extérieurs. L'avantage est qu'elle se repose profondément et ça ne peut qu'être bénéfique pour sa fièvre qui, elle, n'est hélas pas encore guérie.

Il hésita quelques secondes devant les yeux d'Omey qui s'étaient brusquement arrondis, et décida de ne pas se lancer dans les détails alarmants ce soir. L'urgence était ailleurs.

Omey, il y a autre chose qui m'inquiète et c'est surtout pour ça que je t'ai fait mander. Depuis que nous sommes arrivés, un drôle de type nous épie, et je l'ai vu plusieurs fois rôder autour du dispensaire depuis que Dame Juliette y est alitée. Je n'ai pas voulu alerter toute la paroisse car je ne suis sur de rien. Tout ceci n'est peut-être que le fruit de mon imagination, ou d'un brusque accès de paranoïa. Mais j'ai quand-même demandé et obtenu le droit de dormir au chevet de Dame Juliette. Cependant, les jours et les nuits passent, et je tombe littéralement de fatigue – il montra le siège en bois brut qui lui servait de couchette, et qui semblait trôner comme une hymne au lumbago – et je crains que ma vigilance ne soit durablement émoussée.

De fait, il avait les traits tirés et les yeux bouffis. Sa barbe commençait à envahir la gorge et les joues et sa tignasse ressemblait à un nid de poule.

Pouvez vous me relayer cette nuit pendant que je reprends des forces à l'auberge?
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"Si tout travail mérite salaire, il faut une prime à l'accouchement" (anonyme)

"La vieillesse, c'est encore le meilleur moyen de ne pas mourir jeune" (extrait de la Fée Carabine, D.Pennac)
Omeyer59
Omeyer se remettait doucement de la tristesse qui l’avait submergé après avoir vu Juliette amaigrie et endormie d’un sommeil de plomb. Il écoutait maintenant Gawin répondre calmement aux questions qu’il lui avait posé un peu brusquement tout à l’heure sous le coup de l’émotion :

- Oui Omey, elle va se réveillé bientôt. Le père Anselme qui s'occupe d'elle est convaincu qu'elle va sortir de ce coma, même s'il a avoué être surpris de sa durée. Elle a reçu un mauvais choc à la tête mais elle répond aux stimuli extérieurs. L'avantage est qu'elle se repose profondément et ça ne peut qu'être bénéfique pour sa fièvre qui, elle, n'est hélas pas encore guérie.


Omey hocha doucement la tête lorsque Gawin l’informa du réveil très probable de Juliette et que ce sommeil forcé lui était bénéfique. Il se promit cependant d’être juste aux côtés de Juliette lorsque celle-ci rouvrirait les yeux.

- Je suis sûr que ce n’est plus qu’une question d’heures avant qu’elle ne se réveille, c’est une battante, elle ne se laissera pas partir comme ça. Cela dit c’est vrai que ce repos forcé semble lui avoir fait du bien, son visage a retrouvé un peu de couleurs je trouve.
Omey sourit légèrement mais voyant que Gawin ne s’épanchait pas sur la santé de Ju, il se rendit compte que lui-même était peu être un peu trop optimiste et que Gawin se montrait confiant pour le rassurer avant tout.
Alors qu’Omeyer prenait conscience de cela, Gawin repris la parole :


- Omey, il y a autre chose qui m'inquiète et c'est surtout pour ça que je t'ai fait mander. Depuis que nous sommes arrivés, un drôle de type nous épie, et je l'ai vu plusieurs fois rôder autour du dispensaire depuis que Dame Juliette y est alitée. Je n'ai pas voulu alerter toute la paroisse car je ne suis sur de rien. Tout ceci n'est peut-être que le fruit de mon imagination, ou d'un brusque accès de paranoïa. Mais j'ai quand-même demandé et obtenu le droit de dormir au chevet de Dame Juliette. Cependant, les jours et les nuits passent, et je tombe littéralement de fatigue et je crains que ma vigilance ne soit durablement émoussée.


Il lui montra la chaise avant de terminer :

Pouvez vous me relayer cette nuit pendant que je reprends des forces à l'auberge?


- Un type qui épie Juliette et qui rôde autour du dispensaire ?!

Omey fut vraiment étonné de cette nouvelle et avait élevé un peu la voix malgré lui. Il avait connu Gawin lors des patrouilles et au fil de celles-ci il avait apprit à le connaitre, c’était un homme perspicace et attentif, une personne de confiance et dont la présence à ses côtés est rassurante lors des longues nuits de garde, bref il n’était certainement pas du genre paranoïaque et s’il disait qu’un individu les épiait, c’était le cas.
Il se retourna rapidement vers Juliette qui dormait toujours paisiblement. Qu’es que cet individu pouvait bien lui vouloir ?
Omeyer reporta son regard sur Gawin pendant que celui-ci lui demandait s’il pouvait le remplacer au chevet de Juliette. Il semblait en effet avoir grand besoin de sommeil. Omey aussi était affecté physiquement par le voyage mais la possible présence d’une personne qui voudrait du mal à Juliette lui avait fait l’effet d’une décharge électrique, il était gonflé à bloc pour la nuit.


- Je suis vraiment surpris par cette nouvelle mais je sais que tu n’es pas du genre à te faire berner par ton imagination, je te remercie grandement d’avoir veillé comme tu l’as fait sur Ju, tu peux aller te reposer, je vais rester avec elle et m’assurer que cet individu ne repointe plus les pieds ici…
Es que tu pourrais le décrire ?


Omey était maintenant très attentif et balayé la pièce du regard à la recherche de la moindre personne suspecte mais il y avait énormément de passage, il ne distinguait rien d’anormal, chaque individu semblait a remplir sa tâche : les malades étaient dans leur lit, les moines prodiguant des soins et les proches priant ou pleurant.

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Se méfier de son talent est le premier pas du mérite
Gawin_derohan
Il remercia Omey d'un signe de tête assorti d'un sourire reconnaissant, et lui pressa amicalement l'épaule. Le savoir à la relève le soulageait vraiment, et il savourait d'avance le sommeil réparateur qui l'attendait.

A la question d'Omey, Gawin s'efforça de rassembler tous les fragments dispersés dans sa mémoire afin de lui dépeindre un portrait aussi fidèle que possible.


C'était un petit homme, cinq pieds de haut, pas beaucoup plus, avec un peu d'embonpoint. Il semblait un peu voûté, sans être bossu, mais peut-être est ce parce qu'il gardait la tête rentrée dans les épaule. Il portait une petite paire de bottes, des braies noires et une tunique de lin épaisse, verte foncée, ceinte d'une large ceinture de cuir. Il y avait une capuche aussi. Les dernières fois où je l'ai vu il la portait rabattue sur la tête. Le crâne dégarni, ça je me souvient bien le premier jour où il nous a aperçus, avec à peine quelques cheveux sur le caillou. Des yeux ronds, fuyants, logés dans un visage un peu flasque dépourvu de sourcil. Le nez un peu difforme. La bouche serrée et tordue, sans sourire.

Un lutin des bois avec une tête de croque-mort. résuma t'il.

Si ça peut te rassurer, je ne l'ai jamais vu à l'intérieur du dispensaire mais toujours à l'extérieur à surveiller les allés et venus. Il parlait parfois brièvement avec des patients qui sortaient. Je n'ai malheureusement jamais pu l'accoster car il semblait fuir à chaque fois que je faisait mine de m'approcher. Et je ne voulais pas le suivre de peur de laisser Dame Juliette seule ici.

Il remit sa cape et ajusta son chapeau.

Bonne nuit mon ami, et prenez garde. Mon petit doigt n'est pas le seul à m'alerter…. conclu t'il avant de s'éloigner.



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