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[RP Flashback] - Le luxe ne connait pas la crise.

Flaminia.m.

    Venise, 1458.


La gondole s'engage sur le Grand Canal et le jour qui se couche se reflète sur la Ca' d'Oro, rendant à la cité du Lion ses lettres de noblesse. Droite, les mains croisées dans les replis de sa robe, elle semble attendre quelqu'un. La frêle embarcation longe la courbe paresseuse qui conduit au Rialto, et bientôt, on se retrouve mêlée aux gondoles des étrangers, marchands et vénitiens. Contraste de la courtisane silencieuse et du gondolier qui hurle des insanités pour qu'on les laisse passer. Déjà on la regarde avidement, jusqu'aux jeunes filles de bonne famille, couvertes de la tête aux pieds qu'une matrone vient tirer à l'abri du dais de la gondole.

Indifférente à l'émoi produit, elle profite du voyage pour repenser à ce que lui a dit sa mère, non pas concernant le client de ce soir, mais concernant sa fille qui a la poitrine prise par une méchante fièvre. Elle songe déjà à la rejoindre dès le matin au lieu d'attendre le jour usuel, elle songe, oui, dans sa gondole. Une fois arrivée à destination, elle ne songera plus à cela, elle ne sera plus que Flaminia Marionno, la courtisane.

La maison du signor Trovasi qui l'a engagée pour la soirée se dessine déjà par son éclairage éblouissant, et trois gondoles richement décorées attendent, amarrées. Riche verrier de l'île de Murano, l'homme a fait son commerce dans l'art de transformer le sable et les gravats en cristal, et cette soirée en petit comité n'a pour but que de montrer la munificence vénitienne tant pour l'art que pour les femmes et autres produits de luxe. Fille de Venise, elle ne bronche qu'à peine quant l'armateur vient les accoler au rebord, et que les mains pleines de jupes, elle doit sauter sur le ponton glissant. Elle a cela dans le sang.

Déjà, on fait prévenir l'hôte des lieux qu'elle est arrivée, et elle gravit les escaliers du piano nobile dans un tourbillon de soie damassée écarlate. Puisqu'elle n'est pas mariée, elle a lâché ses cheveux seulement piquetés d'épingles à tête de cristal offertes par Trovasi, dans la lumière des torches, on ne distingue plus les mèches plus claires ou plus sombres, et quand les portes du portego s'ouvrent pour céder la place au marchand bedonnant, et qu'elle rejette la tête en arrière pour le saluer d'un sourire charmant, c'est un soleil qui se lève et se couche pour lui seul. C'est à cela et à cela seulement que doit songer la lonce vénitienne. Sa fille malade ? Envolée. La perspective de passer la soirée avec un énième vieillard poussif ? Une joie.

Et quiconque verrait la Marionno entrer dans la pièce, ne trouverait rien à redire d'autre que les filles de Venise sont à la hauteur de leur réputation.


« Ma donna Flaminia, tu es venue. Voyez mes seigneurs, les bijoux, les cristaux ne sont rien. Repaissez-vous de la beauté, puisque le Très-Haut a créé la femme et que les notres sont les plus tendres et les plus belles. »*

Le regard qu'elle leur jette, ce regard à deux facettes de sinople et de noisette, n'est pas pour démentir sa tendresse, et la main poilue de l'homme qui la mène parmi les convives se serre sur la sienne, la confortant dans l'idée que si pour conclure une affaire, il doit céder son privilège nocturne avec la courtisane, il n'hésitera pas une seconde.

Déjà, elle guette celui qui pourrait être assez influent et instruit pour lancer la conversation, lassée des mauvais poètes et des nobles s'improvisant artistes.


« D'où venez-vous mes seigneurs ? Avez-vous fait si longue route pour vous perdre dans les délices de notre belle cité ? »*

Ils répondront bien sûr. Et Flaminia leur jouera la comédie mais plus tard, pour l'instant, cela l'intéresse encore un peu. Ou du moins le feint-elle à merveille.
Il sera toujours temps de songer à autre chose demain.


___________
*En italien, toujours.
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    J'ai longtemps hésité entre être une sainte ou une putain. J'ai décidé d'être femme et d'être payée pour cela.
    Veux-tu m'aimer ? Je monnaie jusqu'à mes baisers.
Jeune K-H, incarné par Karlheinz
Voici que j'étais convié à ma première fête italienne. Il n'y avait pas si longtemps que j'avais quitté les monts helvètes pour rejoindre le sud de la France, l'épée au service des seigneurs locaux les plus offrants. Un métier dangereux pour sûr, mais il était encore plus certain que ceux qui y excellaient pouvaient amasser des fortunes colossales sans compter les honneurs de la gloire militaire. Mais si la jeunesse m'avait poussé dans les bras de cette aventure, elle m'avait aussi poussé à la quitter lorsqu'il en était encore temps afin de profiter des belles années qu'il me restait, toujours agrémenté de chacun de mes yeux, bras et jambes.

J'entretenais donc la vie de jeune aristocrate curieux, allant paisiblement de ville en ville, tissant par la même occasion son réseau personnel. L'appel de la Flandre se faisait toutefois de plus en plus fort et c'est avec sérieux que j'y avais considéré mon retour. Mais si c'est avec une hâte non dissimulée que j'entrevoyais ce retour, il me paraissait sot de revenir les mains vides et je décidais de mettre à profit ces derniers instants de voyage pour ramener quelques luxueuses marchandises plus loin au nord, complétant les avoirs nécessaires à une luxueuse sédentarisation. Les riches villes de Flandre et d'Angleterre n'étaient en effet pas dénuées de richissimes citoyens qui s'offraient à prix d'or les plaisirs en provenance du sud.

C'est en cette circonstance que mes pas m'avaient porté jusqu'à Venise, la Sérénissime incarnant la luxueuse abondance des fantasmes nordiques. Elle était un carrefour des plus belles marchandises dont le Très-Haut avait eu la générosité de garnir la terre que nous foulions. Cet état de grâce de la Cité était bien moins le fait de sa situation géographique, que du tempérament commercial de ses habitants qui n'hésitaient pas à tenir plusieurs commerces différents, dont ils s'assuraient le plus souvent du contrôle de la production. Et ainsi en était-il du Signor Trovasi qu'il m'avait été permis de rencontrer, prospère propriétaire d'une manufacture de verre sur l'île réputée de Murano dont on disait qu'elle était le plus ancien mais surtout, le meilleur des centres de production de verre et de cristal de toute l'Europe. Cette manufacture, il la tenait de plusieurs générations et il en avait habilement investi les fruits dans d'autres commerces tels que celui de la cannelle, faisant de lui l'un des hommes les plus appropriés pour qui souhaiterait conclure quelques bonnes affaires en cette ville.

Toutefois, tout ne semblait pas aller pour le mieux en ce moment en ce qui le concernait. Il n'était inconnu de maintenant presque plus personne qu'un nombre important de ses navires avaient été perdus en mer, leurs richesses avec. Les tensions avec le Sultanat ayant reprises de plus belle, des navires pirates commandités par ce dernier passaient régulièrement à l'assaut des navires marchands vénitiens, lui ayant coûté une véritable fortune qu'il devait s'assurer de pouvoir refaire. Aussi nécessaire cela était-il, qu'il s'était lourdement endetté auprès d'un usurier spinoziste de la ville pour maintenir ses productions sur Murano. C'est donc dans une position de négociation relativement confortable que je m'étais rendu, richement habillé, à cette fête qu'il donnait sans aucun doute dans l'espoir de nous séduire assez que pour nous engager dans de grosses ventes qui lui permettraient au moins de respirer les prochains mois, le temps d'aviser de sa situation et d'honorer ses créances.

Et c'est probablement mû par cette même volonté de séduction qu'il avait fait appel à la jeune demoiselle qui venait de faire son entrée dans le salon de l'après dîner. A cet instant, la plupart des convives s'étaient tus ou s'égaraient dans leur conversation, pris par le charme presque mystique qui se dégageait de cette jeune femme. Je comprenais fort peu l'Italien, mais je parvins assez largement à saisir les paroles de notre hôte alors qu'il nous la présentait. Il me fallait reconnaître là tout son talent de la mise en scène, allant jusqu'à parer une femme aussi sublime de bijoux en cristal issus de sa propre manufacture... Que certains se voyaient déjà acquérir tout en acquiesçant aux propos du marchand, comme un souvenir qu'ils conserveraient de cette splendide contemplation. Nous étions déjà quelques-uns à nous être promptement et instinctivement levés, mais je fus le premier à lui adresser quelques mots; Signorina... Joignez-vous donc à mes côtés, et nous discuterons volontiers de tout ceci... En Français je vous prie. Ajoutais-je à l'attention des très italiennes déclamation, le sourire dans les yeux. L'opération menée par notre hôte s'effaçant déjà de mon esprit, j'étais tout absorbé par cette nouvelle présence...
Flaminia.m.
A vingt ans révolus, lorsqu'un condotierri avait demandé à la Marionno ce qu'elle escomptait faire pour échapper au sort funeste de la majorité des courtisanes passées leurs belles années, elle avait répondu avec un certain aplomb et un mouvement d'épaule gracieux, qu'elle ferait graver les plus belles plaques de certaines postures de sa composition pour illustrer les pages d'un manuscrit où elle retranscrirait tous les vices et petites turpitudes de ses anciens clients. Ainsi donc sa richesse serait faite et les vieux jours à écumer le pont du Rialto comme une vulgaire putain lui seraient épargnés.
Le condotierri avait ri et l'avait culbuté, écrasant ses poils drus contre sa poitrine. Et elle avait fait semblant de trouver sa performance toute aussi remarquable que sa conversation.

En répondant à l'invitation du verrier, Flaminia s'attend donc au même genre de conversation, au même genre de personnes, l'art de la guerre en moins, celui des affaires en plus. Et parmi ceux-là, il y aura ceux qui s'écouteront parler, ceux qui pour ses beaux yeux se sentiront l'âme d'un – mauvais- poète, ceux même qui reviendront très vite aux pièces d'or plutôt qu'à ses globes dorés. Loin d'elle l'idée d'entendre parler français en la villa du marchand, moins encore de ce français qui n'a pas les mêmes accents que celui de son maître à parler, ni même les accents d'Occitanie.

On ne s'ennuiera peut-être pas tant qu'on l'envisageait chez Trovasi.

D'un œil avisé - car si Venise est connue pour ses marchands et ses courtisanes, les uns comme les autres sont des personnes avec qui il faut compter pour les histoires d'argent – elle jauge la vesture de son vis à vis, qui s'il n'est pas issue d'une illustre lignée, y ressemble fortement, à moins qu'il ne s'agisse de quelque très riche armateur ou bourgeois.

Mutine, elle s'adresse aux italiens présents.

« Signor Trovasi nous a caché qu'il comptait parmi ses amis, des français, quel exotisme ! Les turcs ne lui suffisent plus, lance-t-elle en vénitien, remerciant d'un sourire les rires qui fusent et saluent les travers présumés du verrier lors de ses déplacements à Constantinople avant que de passer au français pour le flamand. Ainsi donc, les français se piquent de faire le commerce du verre ? J'aurais juré qu'ils n'avaient pas leur pareil sur un champ de bataille mais dans une verrerie.. Toutefois vous avez trop belle tournure pour porter cuirasse signor. »

Elle badine avec légéreté la courtisane. Pendant que le verrier joue les bâteleurs du dimanche pour vendre ses plus beaux cristaux, Flaminia porte un verre doré à ses lèvres, et la goutte qui coule le long de la coupe quand elle l'écarte de ses lèvres, est cueillie d'un coup de langue savant.

« Vous me pardonnerez, je l'espère mon manque de pratique dans votre langue. Il me semble avoir perdu tout le talent que j'ai pu avoir à l'exercer, dit-elle avec un sourire, et elle désigne du menton le verrier qui s'entretien avec l'armateur aux accents toscans, il compte beaucoup sur cette rencontre vous savez. D'où venez-vous pour qu'il ait jugé bon de vous inviter et de vous faire cadeau de ses plus beaux trésors ? »

La vénitienne fait partie du panier garni, et elle sait que celui qui s'arrangera le mieux avec le verrier, emportera le droit de partager sa couche à la place du marchand. Et quoi ? C'est à cela qu'elle est payée. Le verre est reposé tandis qu'elle attend la réponse du français et qu'un des marchands vénitiens s'approche et se saisit de sa main dans l'espoir d'attirer sa compagnie.

Au français, elle jette un regard en coin. Il est bien fait de sa personne, et ses traits sont affirmés, plus que ceux du bourgeois qui trahissent l'abus d'alcool et de festivités vénitiennes, mais s'il le faut.. Et toujours ce sourire charmant sur les lèvres teintes d'incarnat.

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Jeune K-H, incarné par Karlheinz
Quelques mots... Tout à fait incompréhensibles. A l'instar du Français, les provinces italiennes présentaient des dialectes qui consistaient quelques fois en de véritables langues, à rendre impossible tout dialogue entre un lombard et un napolitain. Peut-être était-ce la raison pour laquelle ces régions n'avaient eu de cesse de se faire de la guerre et d'assiéger les villes des unes et des autres plutôt que de s'unifier. Aujourd'hui encore, elles se partageaient en formations indépendantes ou vassales de puissances extérieures. Toutefois, le Toscan avait su s'imposer progressivement dans différentes couches de la société par la puissance même de Florence, et son grand rayonnement littéraire dont on pourrait citer Dante ou Boccace sans même commencer à faire le tour de cette culture.

Cette imposition progressive avait tendance à faire oublier l'existence de nombreux dialectes, que l'on pouvait par exemple entendre être sifflés sur les étals des poissonniers en différents endroits de la ville. Mais ces exclamations étaient toujours lointaines et ne s'adressaient jamais vraiment à ma propre personne, renforçant ma surprise lorsque ces quelques mots furent prononcés. Cette langue, il fallait le dire, n'était pas nécessairement des plus plaisantes mais un ange vêtu de haillons restait un ange, et en l'occurrence la force illocutoire qui se dégageait de ces paroles suffisait amplement à éteindre ce qu'on aurait pu y trouver de déplaisant, mis à part la désagréable sensation de ne pas maîtriser la conversation par toute absence de compréhension. Fort heureusement, il ne fallu guère longtemps à la jeune italienne pour changer de registre linguistique et dérouler ses paroles dans une langue plus familière.

Et ses paroles ne laissaient plus aucun doute sur l'origine de sa présence en ces lieux. Seule une femme à la fois expérimentée et motivée par un désir plus grand, pouvait faire preuve d'une telle agilité. Et si je ne doutais qu'assez peu de mon charisme et de ma valeur, il semblait fort peu probable que ces deux atouts aient pu si rapidement amené mon interlocutrice à une telle manœuvre. Une première approche indirecte, teintée de charme visant à affaiblir la garde et la conscience de l'objet visé, s'assurant de son entière disponibilité dans l'approche frontale qui s'ensuivait... Cette étape franchie, le reste de l'affaire n'était plus autre chose qu'une partie de plaisir, dont la longueur ne devait son existence qu'à la volonté ou non de porter le coup décisif.

Toutefois, aussi jeune que je pouvais paraître, bien heureusement pour ma personne je disposais d'une certaine expérience qui me permettait d'éviter ces différents pièges desquels on ne ressortait que rarement indemne, du moins pour ce qui est de l'or que l'on avait le malheur de transporter sur soi. Etait-ce son intention ou non, je m'estimais assez heureux d'avoir pu déceler son approche mais sa personne faisait irrésistiblement tout graviter autour d'elle au point que je ne pu me résoudre à couper court à la conversation qui s'engageait. Peut-être au final que je me trompais sur ses intentions, ou qu'elle constituait l'ultime lot que le hôte de ces lieux avait l'intention de livre à la commande la plus généreuse. En un tel cas, les recettes du Vénitien risquaient d'être relativement positives cette soirée...

Ma provenance importe sans doute peu, quand un coffre italien se trouve vide, son propriétaire semble toujours tout à coup perdre tout principe qui ne l'aide pas à le remplir de nouveau. Vous n'ignorez ainsi sans doute pas les difficultés que traverse le Signor Trovasi, ce qui ne devrait que fort peu vous étonner d'un quelconque changement de son attitude ou de ses habitudes... Mais j'aurais toutefois la politesse de répondre à votre interrogation, car c'est de Flandre que je viens, bien que je ne m'y sois pas rendu depuis un certain temps. Et qui excelle à la guerre, excelle en affaires puisque ces dernières sont le plus souvent le lieu où se transposent les crispations belliqueuses quand chaque partie a enfin compris tout l'intérêt qu'elle avait à tirer d'une généreuse collaboration. A moins que leurs poings, lances et épées les démangent à ce point ou que l'affaire ne peut que se terminer dans le sang, les hommes ayant toujours préféré tacher le sol plutôt que leur honneur. A raison sans aucun doute, bien qu'Aristote pourrait prétendre le contraire... Je vous avouerais au final ne plus trop savoir où ce dernier se situe...

Posant un instant de réflexion, je scrutais le visage de mon interlocutrice, m'essayant à sonder ses pensées tandis que j'avais déblatéré quelques paroles. Un art dans lequel je ne pouvais pas prétendre ne pas exceller lorsque les circonstances l'exigeaient. Mais parlez-moi plutôt de vous, d'où venez-vous ? Ou plutôt, permettez-moi de reformuler ma question, qui êtes-vous ?
Flaminia.m.
Ce qui différencie les courtisanes des putains, c'est l'instruction.
Ni plus, ni moins. Car Venise aime que ses hétaïres de luxe soient instruites, assez pour être divertissantes, assez pour se différencier des putains ou des pucelles qu'on cloître pour leur éviter d'être la source de convoitise. Ainsi donc les courtisanes sont les femmes qui ont accès au savoir, qui ont le droit d'accéder aux plus précieux manuscrits.

Et Flaminia est d'une curiosité sans bornes parce qu'elle a compris bien tôt qu'elle a tout à gagner à savoir ce qui fait vibrer les hommes pour en parler avec eux et pour les écouter surtout. Aussi écoute-t-elle réellement le flamand quand il répond, car l'homme a le mot bien placé et une voix qui n'est pas du tout désagréable à l'oreille, l'accent l'amuserait presque.


« Détrompez-vous. Votre provenance importe énormément, car voyez le toscan là-bas et qui devise avec Trovasi. Si la cité du Lys Rouge fait encore parler d'elle dans une énième bataille pour placer l'un des siens sous la tiare pontificale, alors le doge prendra ombrage d'une alliance commerciale avec un florentin. Et les turcs dont est tant friand notre hôte sont une épée de Damoclès au dessus de sa tête si Constantinople venait à nous attaquer encore une fois. »

La courtisane dit cela comme elle parlerait de soie ou de velours, elle dit ce qu'elle sait, et elle sait tant de choses car elle partage la couche de bien des hommes qui savent. Et tandis qu'elle dit cela, elle n'a de cesse de sourire qui à leur hôte, qui au flamand, le charme étant une deuxième nature.
A la question qu'il a posé, elle voudrait répondre par une amusante pique, et pourtant c'est le vénitien qui est de leur compagnie qui y répond en français avec un accent épouvantable, peut-être pour avoir l'opportunité d'attirer l'attention sur lui ou pour flatter la dame.


« C'est une Vénus sortie des eaux pour permettre aux hommes d'admirer sa beauté, c'est Flaminia Marionno. Peu de courtisanes arrivent à son niveau et sa grâce n'a d'égal que son esprit et sa douce voix qui ..
- A la pureté d'un ange alors que tant de vices sont entrés dans cette bouche, lâche-t-elle en tapotant du bout du doigt les lèvres teintes, déclenchant un concert de rires et faisant taire l'importun, mouché dans son éloge. Je suis une de celles qui font la fierté de la Sérénissime, et le signor Trovasi m'a fait venir pour vous divertir. »

Les dernières syllabes sont détachées les unes après les autres, avec une lueur malicieuse dans le regard. L'hôte de la soirée de les rejoindre et de se lancer dans une diatribe sur les qualités du verre produit par lui sur l'île de Murano, destinée tant au flamand qu'à ceux qui écoutent autour.
Le verrier veut faire affaire et à mi-mot, il ose même avancer les faveurs de la vénitienne dans le lot pour celui de ses invités qui sera le plus conciliant.

Doit-elle être choquée ? On l'a dit, elle est payée. Et quitte à l'être, autant l'être pour quelqu'un d'agréable à regarder. Le toscan lui a-t-on dit souffre du mal napolitain, et le vénitien d'alors lui semble avoir l'intelligence d'une coque, le flamand quant à lui, fait ressortir l'écho d'une autre rencontre française, alors si elle sourit à tous, le regard qu'elle jette au Dampyerre est explicite.

Elle a appris l'occitan, il y a de cela plusieurs années, peut-être les Flandres ont-elles quelques saveurs inattendues à lui faire goûter.

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    J'ai longtemps hésité entre être une sainte ou une putain. J'ai décidé d'être femme et d'être payée pour cela.
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Jeune K-H, incarné par Karlheinz
Si quelques courtes expériences diplomatiques m'avaient appris à ne jamais laisser paraître la surprise dès lors qu'elle s’immisçait dans mon esprit, mon regard au moins avait trompé ma volonté lorsque mes deux yeux s'étaient très légèrement écarquillés. Bien loin de me délivrer un discours savamment imprégné dans sa mémoire par des journées entières de récitations, tel un fou de Dieu implorant le pardon du Très-Haut après avoir commis un ignoble crime, elle semblait véritablement maîtriser ce sujet que j'avais choisi au hasard. On aurait pu croire qu'il ne s'agissait là que d'un événement des plus banals, constituant le fondement de toute conversation intelligemment menée. Mais il ne fallait pas perdre de tête qui était l'interlocuteur et il y avait bien peu d'endroits où ce genre de femme disposait de cette connaissance. Des connaissances, elles en disposaient, mais rarement celles qui pouvaient satisfaire les esprits curieux mais seulement quelques hommes sans cervelle, convaincus de leur supériorité sur la gente féminine parce qu'ils avaient pour leur part appris à compter jusque dix, sans l'aide de leurs doigts.

De surcroît, la Vénitienne disait vrai. L'ennemi historique de la Sérénissime n'était autre que la cité de Gênes, mais cela faisait désormais près d'un demi-siècle que Venise avait assuré sa prééminence sur celle-ci, lui assurant l'ouverture de la Méditerranée occidentale et avec elle, les routes commerciales vers la péninsule ibérique, l'Angleterre et la très riche Flandre. Et ses conflits militaires s'étaient même relativement apaisés depuis la paix de Lodi mais il subsistait une ligne de tension considérable... Celle du contrôle de la Papauté, dans laquelle Florence excellait depuis ladite guerre des "Huits Saints" après laquelle elle a recouvert les honneurs de la Cour papale, lui permettant d'y exercer toute influence que la Seigneurie jugea utile. Ce qui, bien entendu, insupportait le Doge au point qu'on rapportait que des marchands un peu trop liés à Florence, faisaient régulièrement et à tout "hasard", face à des brigands bien informés des mouvements de leurs caravanes commerciales.

Mais c'était là des conversations bien lourdes et bien ennuyeuses pour l'occasion d'une telle soirée, ce que mon interlocutrice ne manqua pas de remarquer lorsqu'elle tenta de répondre à la question que je lui avais adressé, avant d'être interrompue par ce qui ne pouvait être qu'un ferveur admirateur de cette demoiselle. Autant son Français était-il mauvais, autant son descriptif ne semblait guère faire mentir l'avant-goût qui m'avait été offert. Un avant-goût augmenté d'un trait d'esprit que faisait transparaître la manière dont elle avait fait taire l'impromptu, et dont les paroles avaient laissé s'échapper de ma personne un rire calme, léger, qui ne trahissait cette fois-ci pas la curiosité qui se faisait de plus en plus pressante à son égard.

Et c'est ainsi que j'appris qui elle était. Courtisane de son état, Flaminia Marionno. Un nom à vous laisser rêveur, illustrant d'antiques passions et ravivant en votre âme de doux souvenirs de chaleureux instants, instants qui n'ont en réalité jamais existé... Son regard ne cachait désormais plus rien, et ses paupières n'étaient plus les lourds rideaux qui barraient tout accès à la sonde de ses pensées et sentiments. Elles ne se refermaient plus que par une mécanique des plus naturelles, offrant son regard à ma vue de la même manière qu'on inviterait une personne à soi.

Ce diable de Trovasi avait déjà presque réussi son pari. Alors qu'il vantait les mérite des marchandises qu'il nous livrait à la vente, les engagements de vente oraux commençaient à s'exprimer, les prix se rehaussant d'un regard vers la courtisane, dans un espoir de moins en moins secret de gagner ce qui aux yeux de tous semblait détenir le plus de valeur. Et je me laissais moi-même prendre au jeu, alors que nous poursuivions notre discussion et que son regard, sans se faire plus pressant, finit en peu de temps par me convaincre de manière absolue. Toujours assis tranquillement, je demandais un instant à la Marionno afin de me tourner vers le marchand; Signor Trovasi. A entendre toutes ces commandes et enchères, je ne peux que croire en la qualité de vos verres par ailleurs si élégamment portés par votre invitée. Je suis certain qu'ils se vendront sans trop de peine au-delà du Rhône et des Alpes, et que je serais prochainement maudit par de nombreux maris dont j'aurais forcé la bourse en poussant à son paroxysme le désir de leur femme pour les biens que vous nous proposez. Je vous prendrais ainsi quatorze livres de poids de marc de vos verres, pour 1.320 ducats d'or de Venise que je vous réglerais en monnaie d'or de Gênes, ma précédente étape... Ce qui nous fait 3.300 ducats d'or de Gênes ? Et voici que je posais mon offre, de moitié plus élevée que les précédentes.
Flaminia.m.
De mémoire de courtisane, on se souviendra des années durant de la mère de Flaminia qui a vendu la virginité de sa fille à un évêque à un prix jamais vu encore. Mais loin de s'en féliciter et de s'en satisfaire, la jeune femme a fait de cet événement la base stable de sa carrière : Pour être la meilleure, il faut s'arranger pour y toujours prétendre. Et l'image de marque y est pour beaucoup. Des hommes ont payé pour s'offrir ses faveurs, des sommes considérables, l'un de ses protecteurs a été jusqu'à mettre à sa disposition une villa à Padoue pour sa bâtarde.

La blonde suit donc avec intérêt les enchères, encourageant d'un sourire les uns et les autres, et en gardant toujours ce regard pour le flamand.

Lequel d'ailleurs n'en finit plus de la surprendre. Un silence suit l'annonce du Dampyerre, silence rompu par un rire de gorge de la courtisane, et la main qui jusque là, glissait négligemment dans une boucle blonde, vient se poser sur la cuisse du flamand.


« La messe est dite, je crois. Signor Trovasi, vos verres n'auront jamais été aussi loin ces derniers temps ! »

Le flamand donne son prix, la courtisane accepte d'être un lot supplémentaire, et le verrier, et bien Trovasi quant à lui, ne se contient plus de joie et le chianti coule alors dans les verres dont on parle tant depuis le commencement de la soirée. Les autres invités, la mine bougonne, daignent accepter l'affaire scellée, non sans quelques regards noirs à l'égard de son voisin. Tandis que le marchand s'essaie à arranger quelques détails avec ce tout nouveau client, Flaminia, quant à elle, s'avance à la fenêtre et d'un geste, prévient le gondolier qu'elle ne tardera guère à le rejoindre.

Interrompant les hommes d'un sourire, la courtisane pose une main sur l'épaule du flamand et la poitrine ronde se presse contre le bras de l'homme aux côtés de qui elle se glisse.


« Il se fait tard, et mon maure va avoir un mal fou à nous ramener. Peut-être pourriez-vous régler les derniers détails un autre jour ? »

A les ramener, en effet, car une courtisane n'officie qu'à domicile, à moins que le prix en vaille la chandelle ou que la demande soit faite explicitement. Ainsi, sont-elles sures d'être en sécurité et en terrain connu dans le cas où le client s'avère un peu trop brutal.
Quelques vagues protestations du toscan pour avancer l'idée que peut-être pourraient-ils rester plus longtemps auxquelles elle répond par un sourire charmeur alors même qu'elle remercie leur hôte pour la soirée.

Sur les marches du rez-de-chaussée, la courtisane s'arrête un instant, tant pour admirer que pour être admirée.


« Croyez-vous qu'il existe endroit plus merveilleux que celui-ci Signor ? On croirait l'Eden, souffle-t-elle dans un soupir alors que le jasmin qui pend aux fenêtres vient embaumer l'air nocturne. Nous serions alors le premier homme et la première femme de ce monde. »

Indifférent aux élans lyriques de sa maîtresse, le maure a manoeuvré son embarcation de telle sorte que la petite chambre flottante vient s'accoler au ponton pour qu'ils y prennent place. Et tel un cabri, elle y saute à moitié pour se laisser tomber dans les coussins dans un bruissement de tissu, tandis que d'un doigt taquin, elle appelle le flamand à la rejoindre.
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Voyons Signor de Dampyerre, il ne vous aura pas échappé que les mauvaises récoltes ukrainiennes ont grandement et négativement impacté les principaux comptoirs génois en Mer Noire... Le ducat d'or de Venise doit peut-être s'échanger ces derniers jours à 2 ducats et 7 sous de Gênes... Il m'en faudrait donc près de 300 de plus pour que nous parvenions à; Et l'hôte de cette fête objectait déjà sur le taux de change de l'affaire proposée, sur un ton toutefois jovial en nous faisant resservir nos verres au-delà de la modération, bien ravi de cette proposition qui, quelqu'en pouvait être l'issue, lui permettait bien largement de racheter sa dette auprès de l'usurier spinoziste auprès duquel il avait contracté un prêt. Mais il n'eût pas le temps de finir sa phrase qu'il fut interrompu par celle dont il avait fait pendre le charme au nez de chacun des invités présents.

Ce charme qu'il avait intuitivement promis au plus offrant de goûter, sans abaisser ses invités en leur demandant de s'entre déchirer pour une vulgaire catin édentée et débauchée au détour d'une sombre ruelle du Cannaregio, pour quelques sous. Aucunement, et cela était encore plus flagrant lorsqu'elle s'approcha de moi en interrompant le marchand qui officiait cette réception, serrant une généreuse poitrine contre mon épaule et m'entourant d'un parfum des plus agréables que seule une prospère affaire aurait permis à une demoiselle seule de l'acquérir. Mais ce parfum n'était pas seulement agréable, il était aussi et surtout l'appel prometteur d'un subtil mélange de lavande et de cannelle qui faisait miroiter de confortables perspectives: une promesse délicate à laquelle seule peut-être la folie pourrait se refuser, quoi que même ceci n'était pas certain lorsqu'il était de surcroît offert d'observer la beauté de son visage d'une manière aussi proche.

Votre excellente invitée a sans aucun doute raison Signor Trovasi, il commence à se faire tard et je ne souhaite aucunement abuser de votre si bonne hospitalité. Votre vin était des plus délicieux et je vous propose de nous retrouver demain sous le coup de la quinzième heure dans votre manufacture afin de discuter des derniers détails, puisque c'est bien ce dont il s'agit. Je m'en vais ainsi me promener quelque peu, profiter de cette belle nuit et je crois que Donna Flaminia voudra m'accompagner... Il était entendu que celle-ci souhaitait m'accompagner, il serait peut-être même plus juste de dire que c'était elle qui souhaitait m'emmener. Mais si cela ne s'était pas déroulé ainsi, c'eût été moi qui l'aurait invité à abandonner notre hôte tant elle avait su aiguiser ma faim et ma curiosité. Il s'agissait plutôt de rester poli car mes intentions ne se limitaient pas à une sans doute très agréable, mais simple promenade. Il n'aurait toutefois pas fallu renforcer un peu plus le ressentiment et la jalousie des autres convives, à en provoquer une rixe dans un si beau salon et en pays étranger... Les prisons du Doge n'étaient pas réputées pour être les plus confortables, et ses juges ne l'étaient pas non plus pour leur grande clémence à l'égard des troubles, bien encore moins provoqués par des étrangers.

Je me rhabillai donc tandis que la Marionno m'attendait déjà sur les marches de l'entrée, m'offrant ainsi un regard sur son corps bien habillé et sur sa longue chevelure peignée et entretenue avec soin. Que nul n'en doute, cette femme maîtrisait l'art de la mise en scène et ne semblait ignorer aucun des secrets qui mettent en valeur et attisent la convoitise. Arrivant à sa hauteur, je lui proposais mon bras d'un léger sourire alors qu'elle m'interrogeait sur la beauté de cette ville; Mais la beauté de l'Eden est-elle liée à son herbe grasse, ses arbres et ses fruits, ou à l'histoire - certes quelques fois dure, mais poignante et témoin de l'amour de deux êtres qui s'en vont expier ensemble le péché qu'ils ont commis ? Ainsi, Venise est-elle belle par le fait des canaux qui la traverse, ou y transposons-nous la beauté que nous percevons chez autrui: le calme et la régularité des flots nous rappelant la permanence de la sagesse, et les habiles constructions nous rappelant la complexe beauté des corps... Il est en tous les cas certains que j'apprécie cette ville plus encore depuis que je vous en sais résidente, et je me dis que seule une belle ville a pu enfanter la beauté que vous portez; Lui dis-je tout en la rejoignant à bord de son embarcation.


Le Maure qu'elle avait pris à son service se mit alors à actionner la longue rame pour nous engager sur le canal et nous y faire progresser. J'ignore où se situe notre arrêt, mais il me serait agréable que vous nous fassiez traverser le quartier de San Marco chemin faisant; Adressais-je à son homme de service tout en m'avançant vers la Marionno, à travers les luxueux coussins qui se dressaient comme une barrière entre nous deux et que j'écartais au fur et à mesure de mon avancée tout en la soutenant explicitement du regard pour enfin m'allonger à ses côtés. Mais si nous étions effectivement les premiers homme et femme de ce monde, je crains que le labeur imposé par le Très-Haut de peupler et habiter l'immensité de cette terre n'en soit finalement pas un; Annonçais-je en dernière réponse à son interrogation, tout en posant l'index gauche sur son menton. Mais je présume que tout ceci, vous avez déjà du l'entendre !
Flaminia.m.
D'un mouvement de paupières, la curtigiana répond positivement à l'interrogation muette du maure qui ne s'avisera pas de répondre par la négative à une demande émanant d'un client de sa maitresse. Ils iront à San Marco et puisque cela semble lui tenir à cœur, ils prendront leur temps pour y aller, l'affaire est entendue.
Et cette affaire l'arrange bien, Flaminia a toujours eu de ces méfiances désuettes qui lui ont permis maintes fois de décéler le bon du mauvais client et s'éviter ainsi de les ramener chez elle. Ainsi donc la promenade rallongée à la demande du flamand lui permettra de voir à qui elle a réellement à faire dans l'intimité.

A ces lèvres dont émane cette voix riche en bons mots et doux vers, elle rend un sourire jumeau, et la main fine se lève pour se saisir de ce doigt posé en conquérant sur le menton.


« Jamais avec votre verve et moins encore avec cet accent, lance-t-elle, taquine. La courtisane se joue de cet index qu'elle passe sur ses lèvres avec nonchalance comme s'il s'agissait d'un de ses batonnets d'incarnat qu'elle fabrique. Vous vous débrouillez si bien, c'en est délicieux. Quand certains se targuent de parler joliment, je me sens rapidement dans l'obligation de trouver une façon de les faire taire tant l'exercice devient insupportable à entendre. »

Les yeux vairons étincellent d'une certaine malice qui ne l'a jamais vraiment quitté, c'est un jeu auquel elle excelle.
Faire taire les hommes mais comment ? En leur coupant le souffle.
L'index est porté à la bouche et la langue se fait un devoir d'en redessiner les contours de la pulpe à la base avant qu'il ne disparaisse entièrement dans la bouche pour en ressortir plus chaud et légèrement moite.


« L'Eden cache ces serpents et Venise aussi. Je crois moi qu'elle abrite autant de beauté que de laideur, mais que j'ai eu bien de la chance que vous soyez si bien fait de votre personne. Ainsi donc la chose est heureuse si le Très-Haut voulait que nous fussions à l'origine de Sa Création, alors Elle serait très belle. Même si je dois vous l'avouer, j'ai quelques défauts et laideurs, elle minaude en disant cela et le ton se pare d'un air de confidences. Je ne suis pas si parfaite que le Signor Trovasi a voulu vous le faire croire. »

S'approchant plus encore de lui dans les coussins, la blonde rejette la tête en arrière pour dégager une gorge immaculée et pleine qui tente de s'échapper du carcan de soie écarlate, et elle ose, succube vénitien, elle ose repousser un peu plus le tissu pour dévoiler l'orée d'un sein et y montrer deux grains de beauté à peine plus larges qu'une graine sur le galbe qui tend le tissu.

« Voyez ? Le serpent m'aura mordu une nuit où je ne m'y attendais pas et me voilà marquée. Croyez-vous que la beauté de Venise puisse effacer cette tâche à vos yeux ? Ou ma Sérénissime sera-t-elle par ma faute enlaidie dans vos souvenirs quand vous serez rentré dans vos Flandres ? »

Derrière le voile de cils blonds, elle prend un air contrit, la bouche entrouverte dans une moue. La bienséance est sauve puisque les rideaux sont tirés pour dissimuler la scène aux chalands qui profitent des dernières heures pour arpenter le Grand Canal pour aller ou revenir d'une réception avant que le couvre-feu ne soit sonné, pourtant nul homme dont la gondole affleure celle de la Marionno n'a de doutes quant à sa propriétaire, ni quant à ce qui peut bien se tramer derrière les tentures de la petite chambre flottante.

Et non loin, on entend sonner les cloches de San Marco, et si l'évangéliste a trouvé le repos, il y a fort à parier que le Dampyerre ne dormira pas beaucoup quant à lui.

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    J'ai longtemps hésité entre être une sainte ou une putain. J'ai décidé d'être femme et d'être payée pour cela.
    Veux-tu m'aimer ? Je monnaie jusqu'à mes baisers.
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