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[RP] "Je t'aime." - "Moi non plus."

June
Maison Sidjéno.

Un matin.

Il faisait frais. June referma la fenêtre de son bureau et retourna s'asseoir devant sa planche à dessiner. Ce bureau, c'était comme sa chambre au vieil Hôtel particulier de Paris : c'était au plus haut de la demeure, ça n'était pas bien grand, et surtout c'était calme. Mais à la grande différence de la capitale parisienne, ce petit bout de campagne où trônait la Maison Sidjéno, impressionnante dame de pierre grise dans son écrin de verdure, était bien calme. Très calme. Parfois trop.
Les coudes sur ses cuisses, il plongea son visage dans ses mains. Les derniers jours avaient été éprouvants, autant physiquement que moralement. Surtout moralement, en fait, ce qui n'était pas habituel. Depuis, il s'était renfermé comme à son habitude, aboyant sur le premier qui pouvait le déranger ou ne pas faire attention à son passage dans la maison. Par chance pour la famille, il était le seul Loup à habiter vraiment la maison, accompagné des Gardiens , Sega et Kenaï et des deux militaires qui gardaient l'entrée, Aimbaud et Godefroy. Autant Sega et Kenaï avaient l'intelligence de rester planqués, à croire qu'ils n'étaient même pas là, autant les deux lascars qui étaient là ne cessaient de babiller, à faire éclater le grand blond dans une colère noire. Et lui arrivait à se demander comme il avait pu faire lui-même pour tenir tout ce temps sans les assassiner purement et simplement. A croire qu'ils finiraient par lui manquer s'il le faisait.

Aimbaud et Godefroy, justement, étaient dans la petite maison de pierre qui se trouvait à l'entrée du domaine. De part et d'autre d'une table, ils jouaient à un jeu plutôt... Étrange. L'un des deux lance les dés et s'écrie :


"Cul de chouette !
-Pff, c'est vraiment de la chance ça.
- Hé hé, ouaip ! Mais j'ai toujours été chanceux au jeu, tu comprends... Bon, qu'est-ce que tu fais, tu relances de quinze ?
- Nan mais je vais relancer les dés à la normale..."

Alors que Godefroy attrape les dés et s'apprête à les relancer "à la normale", v'là que ça tape à la porte. Il se lève et il va voir :

"Ouais, c'est qui ?"
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Melissandre_malemort
Le petit page saute presque pour avoir accès à l'oeilleton.

- Son Altesse Royale Mélissandre de Malemort-Armantia, Princesse de France, souhaite être reçue immédiatement.


La dites Mélissandre grimace. Est il vraiment judicieux de beugler ses titres et d'exiger quand on s'adresse aux gardes d'un indépendantiste? Trop tard cependant pour briffer le gamin tout bouffi d'orgueil qui rougie de colère en voyant la porte toujours close.

S'éloignant de la seine, Mélissandre s'approche des grilles, tout à fait détendue, pour regarder l'édifice. Un manoir sombre et peu accueillant au premier abord. Tout comme son propriétaire. A cette idée, elle esquisse un fin sourire. Pourquoi diable June ne lui avait il jamais réécrit après les joutes de Philippe? Il lui avait pourtant confié l'apprécier, à moins qu'elle se soit fourvoyer sur le sens de ses paroles.

"Je vous aime. Un peu".


Le souvenir lui empli le coeur et elle exhale un soupir en levant le menton pour essayer de dicerner si le fichu Berrichon est à sa fenêtre, se moquant de la pauvre petite Malemort refoulée devant ses grilles. Une idée lui vient, et profitant de la cohue près des portes, elle contourne le domaine, grimpe le long des grilles et se laisse retomber souplement dans le parc. La robe se déchire, ses petites pantoufles de satin s'imbibent de boue, mais peu importe.

- JUUUUUUUUUUUUNE?

Mélissandre place les mains en cornet autour de sa bouche et hurle pour attirer l'attention du loup solitaire. Qu'il l'ignore, maintenant !
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Aimbaud & Godefroy
Il ouvre la petite fenêtre de la porte pour regarder qui va là et tombe sur un petit bonhomme en livrée qui lui gueule le nom de sa maîtresse. Une petite réaction berrichonne ?

"Norf !"

Merci. Analyse, maintenant. Altesse ? Royale ? Malemort ? Princesse ? France ? Reçue ? Immédiatement ? Ca faisait un peu trop pour Godefroy, qui appela son compagnon Aimbaud à la rescousse. Paraît que deux cerveaux valent mieux qu'un. Sauf quand les deux réunis n'en font même pas un, mais ça, ils ne le savent pas.

"Aimbaud, il y a un gamin qui veut rentrer.
- Rentrer où ? Là, jouer avec nous ?
- Non, il veut rentrer avec sa maîtresse voir le Seigneur Loup. Enfin, je crois.
- Il faut être sûr de ses informations, l'ami ! Es-tu sûr qu'il veut voir le Seigneur Loup ?
- Que veux-tu qu'il vienne voir à part lui, le Seigneur Loup est tout seul chez lui.
- Oh, ça, c'est qu'il dit, hein...
- Nan mais il a précisé que c'était une Altesse.
- Comme le vin ?
- Non, comme la personne.
- Ha.
- Une Altesse Royale.
- Argh.
- Ouais, j'ai pensé pareil."

Une pause, parce qu'il en faut bien une.

"Mais elle a dit son nom ?
- Ben elle, elle a rien dit, c'est lui qui a dit son nom.
- Ouais, mais c'est quoi son nom ?
- J'ai oublié, mais dedans il y avait Malemort.
- Tiens, ça me rappelle quelque chose."

Aimbaud retourne dans la guérite et revient avec un vélin ressemblant à une liste. Assez longue, d'ailleurs

"Malparthoud, Mallabarre, Malbézé... Malemort ! Ouais, c'est interdit par la Liste Suprême."

Aimbaud est fier d'avoir réussi à enfin se rappeler de quelque chose. Godefroy hoche la tête à l'annonce de l'information et se tourne vers le page.

"Bon ben, désolé, mais c'est pas possible. Vaut mieux envoyer un courrier."

Le lecteur aura droit de se demander si cette solution est mieux, étant donné le volume de courrier non distribué resté dans leur repaire. Mais bon, on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a.

"Donc si vous pouviez débarrasser le plancher avec votre dilig... Héééé !"

Voilà que la donzelle s'invite d'elle-même dans le domaine de la Maison Sidjéno, enfourchant les grilles qui la protègent des invités pas invités qui s'invitent tout seul. Si Aimbaud et Godefroy avaient été un peu plus lettrés, ou du moins habitués à la vie mondaine, ils auraient pu s'offusquer de voir une telle attitude de la part d'une Princesse Royale de France. Mais non, il ne faut pas trop leur en demander. La voilà qu'elle gueule comme un putois le nom du Seigneur Loup, qui est forcément occupé et qui, par dessus tout, aime le calme et la sérénité inviolées de la Maison familiale. Oulà, si elle n'est pas arrêtée de suite et que le calme n'est pas revenu dans la minute, les deux là vont en prendre pour leur grade. Voilà qu'ils s'élancent donc, aux trousses de la Malemort qui noie ses souliers de verre dans la boue berrichonne encore bien humide pour la saison, l'invectivant et lui sommant de revenir, un monologue fait à deux langues dont nous vous épargnerons la lecture.
June
Le premier problème était effectivement que June aimait être au calme, très au calme, et qu'il haïssait le fait que l'on puisse simplement penser le déranger. Rien qu'un grincement de clenche, un pet de mouche ou un sifflement d'air pouvaient le faire entrer en une colère noire, si noire qu'il était capable de balancer le premier meuble sur son chemin hors de sa vue, de casser n'importe quel vase, même précieux, qui pouvait à son plus grand malheur tomber entre ses doigts. Alors, en la Maison Sidjéno et aux alentours, le silence régnait. Un silence resté serein, assez en tout cas pour le grand blond qui s'y complaisait avec bonheur et bienséance.

Les yeux fermés, il s'essayait à une sieste improvisée tout en se balançant dans son fauteuil à bascule tout à fait reposant par son rythme. Il en avait rudement besoin, en ce moment : sa prise de fonction, son retour en Berry, son travail ne laissaient pas assez de place ni de temps dans sa tête pour penser, simplement penser. Alors ici, en la Maison Sidjéno, il avait tout le loisir de laisser cela de côté pour se laisser s'envoler librement dans les tourbillons de ses pensées. Mais, encore une fois, ce doux moment fut avorté par trois tapes légères à la porte. Un œil bleu qui s'ouvre. Et Sega qui entre, l'air préoccupé. Le grand blond fronce les sourcils, sans demander ce qu'il se passe ; il sait qu'elle va parler.


"On a un visiteur... Qui a apparemment très envie de te parler. Au point d'escalader le mur d'enceinte. Souhaites-tu la recevoir ?"

June pencha la tête légèrement sur la droite, intéressé. C'était surtout qu'il avait bien capté le "la" dans la phrase. Car le visiteur n'en était pas un, et ce mystère l'intriguait plus que le reste. Pourquoi diable sa compagne de voyage lui cachait-elle le nom d'une femme, alors qu'elle lui présentait toujours ses invités ou visiteurs par leur nom, ou au moins leur fonction ? Il restait d'un calme qui paraissait serein, mais Sega s'inquiétait de ce manque de mots non-caractéristique de lui. Mais c'était ainsi. Le Loup se leva, et se mit devant la fenêtre fermée, observant ce qu'il se passait au dehors. Sans plus de temps inutile, il se retourna vers la Gardienne.

"Non."
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Melissandre_malemort
Mélissandre hausse un sourcil. On ne nait pas princesse de France sans en imposer d'un regard. Son petit menton se dresse et elle voit les gardes ralentir avant de se figer, l'air stupide.

- Je vais vous épargner le discours du "Vous êtes dans une propriété privée". Parceque vous pouvez me coller dehors si vous voulez, des grilles, il y a tout le tour du manoir. Et je peux user de chaque millimètre disponible pour revenir. Donc on fait comment? On joue à saute mouton toute la journée, ou vous me laissez aller botter le cul de votre Patron mal-poli?

Et de prendre congé sans leur accorder un mot de plus pour se diriger vers la porte, la tiare de guingois et les jupes crottés. Mais au lieu de hurler à nouveau, elle file un coup de pied dans la porte. Ce fichu Sidjéno ne lui aura vraiment rien épargné!
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Aimbaud & Godefroy
Les deux compères s'arrêtent, hésitants. D'habitude, ils font plutôt peur aux visiteurs, qui s'inquiètent de les voir avec des armes plus qu'autre chose, mais au moins ça a un effet. Là, la donzelle a l'air déterminée à rentrer et à trouver June, et ça pose problème. Car c'est sûr : le Seigneur du lieu ne veut recevoir personne ; et quiconque ne respecte pas ses ordres se voit punir d'une façon dont il se souvient, s'il n'en est pas mort. Que faire, alors, cette fois ? Se tuer en voulant arrêter la demoiselle ou se tuer en subissant le courroux du chef ? Godefroy prit le temps d'y réfléchir tandis qu'Aimbaud, ne se laissant pas démonter par l'arrogance de la visiteuse, se lançait à sa poursuite alors qu'elle se dirigeait vers la grand-porte après un bref discours qu'il ne comprit qu'à peine. Il savait juste qu'elle ne se laisserait pas dompter aussi facilement qu'il pouvait y paraître.

"Hé ! Attendez, mais attendez ! Non, ne frappez pas cette porte, voyons ! Mais que voulez-vous aller faire là-haut ? Cette maison est un vrai labyrinthe, vous vous y perdrez !"

Fallait bien qu'il trouve une bonne raison pour qu'elle ne monte pas dans les étages pour fouiner. Bon, l'argument du labyrinthe avait une grande part de vrai : avec sa drôle d'architecture, la maison Sidjéno n'était pas facile à arpenter, avec tous ses escaliers, ses tourelles, ses portes cachées. Mais si cette femme connaissait June assez pour vouloir lui botter le train, c'est qu'elle le connaissait bien, et donc qu'elle savait peut-être ses habitudes, donc le fait de s'isoler dans l'endroit le plus loin de la porte faisait partie. L'endroit le plus haut, le plus seul, la tourelle haute où se trouvait l'atelier du grand blond, ne pouvait qu'être repéré avec ces critères. Il n'y avait finalement plus qu'une option.

"SEGAAAAA !"

Un appel au secours.
Sega


"Non."

Ainsi était prise la décision. Pas un mot supplémentaire dans la bouche de June. Elle savait qui était là, et lui aussi à présent. Aucune réaction n'avait fait son apparition lorsqu'il avait vue par la fenêtre l'invitée inopinée qui se présentait de la façon la moins officielle et la moins noble possible. Ca va, elle aurait pu escalader les murs. Et Sega savait que la donzelle en question en était capable, tant la détermination dont elle faisait preuve était forte. Mélissandre de Malemort semblait avoir un caractère fort, décidée à ne pas se laisser distancer ou marcher sur les pieds. Et si la Gardienne avait l'habitude de voir June mener la barque, elle était surprise qu'il se laisse autant distancer par la royale demoiselle qui semblait, cette fois, posséder une longueur d'avance. Ou était-ce voulu ?

A cette pensée, elle sourit. Il en était bien capable. Mais jamais elle ne saurait le fin mot de l'histoire, à savoir si son hypothèse se vérifiait, car le Seigneur Loup était insondable, tant par ses mots que par son manque d'expression. Malgré les nombreux sentiments qu'il savait expliquer rien qu'avec son visage, il savait très bien le rendre de marbre, impassible, comme il l'était à cet instant. Plongée dans ses pensées, Sega mit quelques secondes à réagir lorsqu'Aimbaud cria son prénom. Et vu le ton qu'il avait pris, c'était urgent. La Malemort s'était-elle mise à attaquer la porte d'entrée avec une hache ou un autre outil du même genre ? Inquiète, elle partit du bureau en refermant soigneusement la porte, jetant un dernier regard à June qui n'avait pas bougé d'un poil et dont les yeux la suivirent jusqu'à ce que le pan de bois la cache. Elle songea à Kenaï, l'autre Gardien, qui était parti en mission ; elle était donc seule avec les deux abrutis qui, apparemment, avaient essuyé un échec.

Se précipitant dans les escaliers, elle profita d'un long couloir où elle courut pour sortir sa dague fétiche, et s'élança dans les nombreux boyaux et escaliers de la maison qu'elle connaissait par coeur. Elle arriva au moment où elle vit la porte s'ouvrir sous la pression de la visiteuse, et tendit la lame de sa dague dans la direction de Mélissandre.


"Vous ne passerez pas !"

Et Sega passa en mode Gardienne. Véritable, cette fois. Il allait falloir convaincre la Gardienne de laisser son trésor à l'adversaire, et ça n'était pas une mince affaire. Mélissandre allait-elle se frotter à la meilleure lieutenante de la maison Sidjéno ?

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Melissandre_malemort
Mélissandre hausse un sourcil. Puis un autre. Ce qui lui donne un air franchement stupide.

La petite blonde des joutes lui fait face, toutes dagues dehors, la pointant avec autant de hargne que si elle avait été une armée à elle toute seule. Pour un peu, on se serait attendue à la voir planter un baton dans le sol en hurlant des insanités. Pour l'heure, la Malemort se contente d'un sourire en coin.

- Bon. Assez rigolé. Votre patron me laisse dehors comme le dernier des chiens pouilleux, vos gardes à moitié obèses me menacent, et pour finir vous m'agiter un couteau sous le nez. C'est QUOI le problème des Berrichons, sérieusement?

Pas franchement impressionnée, Méli s'adosse au mur derrière elle pose un regard sur Sega, mi agacée, mi admirative. La gamine avait de l'audace, et une dévotion totale pour son maitre, ce qui représentait en soit une qualité. Si tu veux juger d'une personne, regarde comme il traite ses employés. Et il est aisé de voir que Sega voit en son Maitre plus qu'un ami, qu'un amant, qu'un amour. Elle lui était dévouée. Et la voix de la princesse se fit douce.

- Je voudrais simplement comprendre pourquoi votre imbécile de patron a disparu de la circulation, et mieux encore, pourquoi je dois me résoudre à passer ses cerbères les uns après les autres au lieu de grimper aux facades.

Et d'ajouter.

- S'il vous plait, ma Dame.
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Sega


Sega ne se démonte pas. La lame de sa dague ne tremble pas d'un poil, et son regard a changé. Ce serait un film, on aurait éteint la lumière et une paire d'yeux rouges seraient apparus dans le noir pour représenter la Gardienne. Oh que non, ma poule, tu ne passeras pas, ou du moins, pas tant que je ne l'aurais pas décidé. La blonde savait quel sang coulait dans les veines de la fille qui lui faisait face, mais jamais elle n'en avait fait d'état d'âme. Et elle n'en ferait pas, elle n'en avait pas le droit, comme le lui avait fait remarquer June la dernière fois. June faisait bien ce qu'il voulait, qu'il la tue s'il le désirait ! Tant qu'il restait en vie.
La brune prit la parole ; que faire d'autre face à une blonde impassible, prête à donner sa vie pour son protégé ? Ainsi était son rôle, ainsi était le résumé le plus intime de son existence, ainsi était sa simple raison de vivre : Lui. Et ça n'était pas franchement l'amour qui la guidait, mais un autre sentiment, qu'on lui avait toujours appris. Une sorte d'honneur, une loyauté sans limites et sans failles, enregistrée dès son premier jour de vie et valable jusqu'au dernier, sauf s'il la libérait, et à condition qu'elle soit d'accord. Mais jamais, jamais elle n'accepterait qu'il la libère. Car elle avait fait de lui sa priorité.
Sans lâcher la dague, elle regarda Mélissandre dans les yeux.


"Vous n'êtes pas la bienvenue ici. Vous entrez sans demander la permission. Vous bravez les interdits de cette maison. Vous ne respectez rien, même pas votre propre robe, si ce n'est pas triste."

Elle jette un œil au tissu devenu boueux avec la course-poursuite dans les jardins.

"Vous vous croyez tout permis, jusqu'à ne pas respecter les gardes qui, certes, manquent d'un certain discernement, mais mettent tout leur coeur dans leur travail ici. Vous vous dites Princesse, mais croyez-moi, vous n'en avez rien. Alors pourquoi vous laisserais-je passer ? Le Seigneur Loup ne souhaite pas vous voir."

Et paf.

"Partez.

Maintenant."


Et il n'y a pas de s'il vous plaît qui tient. Elle fait la maline, hé bien qu'elle essaye encore. Les yeux de Sega s'agrandissent de colère quand elle entend l'insulte, sans même faire attention au nom de canidé à trois têtes dont elle se fait parer. Sa main gauche se transforme en poing qui se serre. Elle relève sa dague, dont elle rapproche la pointe un peu plus de Mélissandre, lui mettant en face des yeux.

"Ne... Dites... PLUS JAMAIS ! Ca."
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June
Dans l'ombre du couloir, deux yeux bleus suivent la scène, sans plus d'expression sur le visage qu'une statue de pierre. Seul le regard suit les mouvements des deux protagonistes qui parlent avec animosité. Sega le défend corps et âme, et il s'en sortirait grandi s'il ne l'avait pas déjà vue à l'oeuvre. Elle lui avait un jour sauvé la vie, au dernier moment, à la toute dernière minute. Elle l'avait ramassé, presque inconscient, l'avait mis en sécurité, soigné, veillé pendant de longues heures alors qu'elle n'avait qu'à peine quatorze ans et qu'elle se formait encore pour devenir sa Gardienne. Elle lui était dévouée et indispensable, et la fiabilité de leur relation était indiscutable. Un lien incassable s'était formé au fil des années entre eux, et chacun y trouvait son compte. Pour lui, une garantie de vivre. Pour elle, une raison. C'était là une symbiose parfaite.

Mais elle semblait ne pas supporter la Malemort qu'elle affrontait aujourd'hui ; une sorte de guerre froide entamée entre la blonde et la brune. La Gardienne était sur le point de se laisser aller et d'arrêter de se maîtriser. Il était temps d'intervenir.


"Sega. Ca suffit."

Il s'avança jusque derrière elle et posa une main sur son épaule. Il savait qu'elle était sur les nerfs, depuis la dernière fois. Il maudit Kenaï de s'octroyer toutes les missions extérieures, même s'il savait que c'était la blonde qui insistait pour rester auprès de June. Il se jura de l'obliger à se reposer, sinon elle n'allait pas tenir le coup. Une plainte dans le jardin se fit entendre.

"Va voir Aimbaud et Godefroy. L'un d'eux a du se tordre une cheville."

C'était un ordre, mais il n'y avait pas besoin de le dire. Le regard noir de Sega lui fit comprendre qu'elle lui en voulait beaucoup d'encore une fois l'écarter. Mais c'était ainsi, et il n'y avait pas à discuter. Il l'ignora, et tourna sa tête vers Mélissandre.

"A croire que vous foutez le bordel à chaque endroit où vous passez. Suivez-moi."

Et sans attendre de réponse, il s'enfonça de nouveau dans un couloir sombre de la Maison Sidjéno. Qu'elle le suive, si elle voulait tant le voir. Qu'elle le suive, si elle ne voulait pas s'y perdre...
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Melissandre_malemort
Il suffisait d'attarder un peu le regard sur Mélissandre pour noter qu'elle était profondément choquée par ce qui venait de se passer. Sans être lâche, la princesse ne s'était sans doute pas attendue à se retrouver face à une blonde à demi folle brandissant un couteau à hauteur de son visage. Parceque ce qu'elle avait lut dans les yeux de Sega dépassait la simple intimidation. C'était une menace réelle, une volonté de faire mal.

En état de choc, le visage exsangue et les jambes tremblantes, elle obéie, ou essaie d'obéir en suivant le maître des lieux dans les couloirs en dépit de ses genoux flageolant. Une sueur froide coulait le long de ses reins, des points noirs dansaient devant ses yeux et pire que tout, une nausée sourde lui remuait les entrailles. L’impertinente franchement issue de sa tour d'Ivoire se croyait forte, mais elle était incapable de faire face à ce qui venait de se passer. Son coeur fait une embardée et elle vacille.

Ne pas faire un malaise. Ne pas leur faire ce plaisir là.

Méli puise dans toute la force Malemort pour rester digne, un pas après l'autre. Sa petite main prend appuie sur le mur, elle humecte ses lèvres desséchés du bout de la langue, mais elle cède finalement à la faiblesse de ses jambes et s'effondre sans un cris, avec pour seule toile de fond le léger froufrou de ses robes quand elle heurte le tapis et y perd connaissance.

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June
Rapidement, il enchaîne les foulées dans les boyaux de pierre de la Maison Sidjéno, montant un escalier par ci, traversant un couloir par là ; il se perdait dans diverses pensées tout en marchant, se demandant ce que pouvait bien encore lui vouloir la fille Malemort, tout en pensant à la rage de Sega qui devait être en train de maltraiter le pauvre Aimbaud tout en prétextant vouloir le soigner. A cette pensée, il sourit, amusé, songeant que la vengeance était juste pour toutes les fois où elle devait les supporter.

Son amusante pensée fut de courte durée quand il entendit un bruit sourd derrière lui, à croire que la donzelle qui peinait sûrement à le suivre s'était baillée dans une quelconque tapisserie qui traînait là. Même pas : elle s'était évanouie, la gourde ! Il soupira, l'air blasé, et fit demi-tour pour aller la ramasser. Il mit un genou à terre et se pencha sur elle pour voir si elle ne s'était pas cassé quelque chose en tombant. Il releva une mèche brune qui était tombée sur le visage adolescent de la Malemort et pencha la tête sur le côté pour l'observer, le temps de quelques secondes. Puis, il se releva, et la souleva avec lui pour la hisser sur son épaule tel un vieux sac en toile de jute et il prit la direction de son bureau.


[ Quelques instants plus tard... ]

C'était une pièce plutôt grande, carrée, lumineuse par sa fenêtre orientée au Sud qui laissait entrer la lumière de l'astre solaire jusque dans chaque recoin. Le bureau de bois clair était au centre, à côté d'une grande table à dessin inclinée vers le grand blond qui y colorait avec soin une rose rouge, l'air concentré et calme. Dans un coin de la pièce, un mannequin de bois portait une robe de mariée magnifique, blanche, habillée de nombreux rubans d'un rouge carmin, qui était recouverte d'une fine couche de poussière. A côté, un long canapé a l'air confortable accueillait, une fois n'était pas coutume, une jeune femme brune endormie à la robe crottée, qui semblait se reposer paisiblement. Aucun bruit ne dérangeait la scène, mis à part le grattement du crayon sur la toile en fleurs.
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Melissandre_malemort
Mélissandre s'agite. Dans son inconscience, elle ne discerne plus rêve et réalité, et c'est dans un sursaut qu'elle reprend connaissance. Immédiatement, une impulsion douloureuse dans les tempes l'informe qu'une migraine ne tardera pas à exploser. Sa bouche est sèche, sa langue cartonneuse. Elle se redresse sur son séant, grimace en massant son front du bout des doigts et prend le temps de laisser la pique de douleur s'apaiser avant d'ouvrir les yeux.

La pièce est si lumineuse qu'elle doit rabaisser les paupières pour ne pas hurler de douleur. Une longue respiration avant de regarder autour d'elle. C'est un bureau, ou un atelier. Une odeur de peinture et d'encre flotte dans l'air, lui rappelant les salles dans lesquelles les Nonnes dispensaient leurs cours au couvent.


- June?

Maintenant parfaitement éveillée, la Malemort pose sur son hôte un regard mi craintif mi rassuré. Avant de céder à une profonde lassitude. Croiser le Sidjéno était toujours intense, mais les choses prenaient depuis peu un tour de moins en moins agréable. Se faire menacer d'un couteau, ou rester sans nouvelles des semaines durant. Elle n'a plus envie de se disputer, ni de discuter, ni de lutter. Se levant dans un tourbillon de tissu, une main posée sur le dossier du sofa pour ne pas tomber, elle s'approche de la robe et glisse la pulpe de ses doigts sur les jupes recouvertes d'une fine pellicule de poussière. La vision est si déplacée, presque grotesque dans l'univers bien carré de l'Angevin que Mélissandre laisse ensuite son regard vagabonder sur l'intérieur du jeune homme.

Rien ne dévoilait plus l'âme d'un individu que la décoration de son écrin le plus privé. Et rien dans cette pièce, rien du tout, ne ressemblait au June froid et insultant habituel.

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June
La rose se mouvait, s'ouvrait presque sous ses doigts. Le grand blond avait beaucoup amélioré sa façon de dessiner depuis qu'il travaillait à l'hérauderie, et lâcher un peu l'art héraldique pour le dessin dans sa manière la plus simple le détendait beaucoup. Les différentes pièces de la Maison Sidjéno étaient ainsi truffées de petits cadres avec ses dessins dedans. Et le calme dont il profitait s'arrêta là.

"June ?"

Sans que son crayon ne quitte le dessin, il tourna la tête vers elle, et posa son regard sur la Malemort... Qui était déjà en train de tripoter sa robe. Il serra les doigts de colère, et le crayon crissa sur la toile, faisant un trou dans le papier et gâchant la rose qui y était presque entièrement dessinée. Il se leva précipitamment, laissant tomber son crayon, contourna le bureau et pointa Mélissandre du doigt.

"Ne pouvez-vous pas vous comporter comme une adulte ? Vous sentez-vous obligée de toucher à tout ce qui vous tombe sous le nez, telle une enfant mal élevée ? Laissez cette robe tranquille et cessez de tripoter avec vos doigts gras tout ce qui est dans cette pièce !"

Il émit un grognement et retourna s'asseoir à son bureau. Cette royale peste lui prenait sérieusement le chou, il allait falloir sévir, faire quelque chose, comme par exemple la mettre définitivement dehors avec un pied au cul. Quitte presque à lui faire du mal pour lui faire peur une bonne fois pour toutes. Coudes posés sur le bois du meuble il se prit la tête dans les mains, et soupira, las. Il savait déjà qu'elle allait lui demander à qui appartenait la robe, curieuse comme elle était, et il avait déjà envie de lui gueuler d'aller se faire voir chez les teutons ou chez qui elle voulait, alors qu'elle n'avait même pas encore posé la question.
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Melissandre_malemort
Et évidemment, ça ne loupe pas.

- A qui était cette robe? Vous avez été marié? C'est bien joli, un peu trop blanc, mais raffiné. Vous devriez la nettoyer.

Pour ce qui est du monologue de June, Mélissandre n'y prête qu'une oreille distraite. Habituée à se faire rabrouer, la Malemort ne s'effarouche pas de quelques reproches, et moins encore venant d'un Sidjéno. C'est donc tout à fait calme et détendue qu'elle s'approche des murs pour admirer l'un des dessins exposés. On pouvait dénoter dans le trait une grande délicatesse, une maîtrise parfaite de ses outils, une sensibilité exacerbée.

Elle passe devant June en ignorant littéralement l'index menaçant, le laissant retourner s'asseoir à son bureau sans s'approcher de lui. Pas de provocation du coin du regard, pas de sourire malicieux. Mélissandre n'insiste même pas pour avoir une réponse à sa question et s'interesse maintenant à la pile d'ouvrage qui repose sur une table. Elle prend l'un des livres, délicatement, habituée à respecter les livres et friandes de nouvelles connaissances.

Bien sur, elle pourrait lui opposer qu'être reçue comme la dernière des chiennes par deux gardes débiles puis menacer de mort par une blonde hystérique n'avait rien d'un accueil mature et digne d'un haut officier de la hérauderie, mais à quoi bon?

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