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Une taverne d'Arras

[RP] "Le poisson est un animal susceptible...

Dorenia
          ...en présence du pêcheur, il prend facilement la mouche.”




Arras, ville du nord, ville non loin de la mer du nord, ville ou Elle enfant, elle venait vendre la viande des vaches avec sa mère. Ville ou Elle encore, elle venait vendre sa viande aujourd'hui. A vingt cinq ans, elle n'a pas pris son envol totalement, vieille fille rural qui aide ses parents et vie chez eux par manque de moyen. Vieille fille qui a perdu sa pureté il y a bien longtemps et qui a donc fait fuir tout prétendant potentiel. A vrai dire, ses parents n'y ont pas aidé, trop honteux.
Son père est un pêcheur qui aime passer sa vie sur les flots, ses récits avait fait rêver sa fille et chaque semaine il partait en mer. Plusieurs jours d'affilés il pêchait pour ramener de quoi vendre sur le marché, il se tuait a la tâche pour faire vivre sa femme et sa fille. Sa mère quant a elle, elle élevait ses vaches et vendait le peut de poisson qu'il lui rapportait.

la vie était dur et les souvenirs affluaient dans la tête de Dorenia tandis qu'elle continuait a gueuler comme la poissonnière qu'elle était.


    - Qui veut mon poisson ?! Il est frai mon poisson !


Son regard allait de passant en passant en montrant sa marchandise. Son étalage n'était pas bien gros mais elle devait bien vivre de quelque chose.

    - Regardez comme ma viande est tendre, allez viendez voir par ici ! Vous serez pas déçu !


Toute la journée s'écoula ainsi, a gueuler plus fort que les voisins pour vendre et ça marchait assez bien. Sa clientèle elle se l'était fait avec sa mère. Elle arrivait a se faire une trentaine d'écus par après midi et c'était une fortune pour elle. Sa coutume en fin de journée était de pousser la porte de la taverne du coin de la rue. Une fois qu'elle avait tout mis dans sa charrette, elle la tirait jusqu’à l'enseigne délabré du "Vin t'assoir".
Une fois devant, elle s'étirait toujours de la même manière en baillant bruyamment et elle entrait avec une figure plus que fermait. Les ennuies c'était pas pour elle, et elle n'avait pas envie de s'en créer. La vie était assez dur pour aller en plus se bagarrer en taverne.

Se dirigeant vers le comptoir, elle héla le patron de sa voix roque.


    -Une bière patron !


Sortant ses quatre vingt derniers, la jeune femme les déposa sur le comptoir et pris sa boisson remplit de mousse. La posant a côté d'elle, elle se tourna face a la salle et accouda ses deux bras en arrière en observant la salle. Ces habitudes étaient limite des toc, car a chaque fois elle faisait la même chose, elle disait la même chose et elle observait dans le même ordre la pièce.
D'abord un regard vers le fond de la salle, là où son regard ne pouvait pas voir depuis l'entrée, une fois qu'elle a vu les trognes de tout le monde, elle porte son regard sur le centre de la salle. Un petit éclopé et en train de faire rire l'assemblé en faisant de grand signe des mains, une femme assise sur les genoux de son voisin trop occupé a lui montrer les délices qu'elle peut lui offrir ne l'écoute pas et pour finir une table ou un homme y est assis. L'air plus que grognon, une chope a la main,, cette main qui attire le regard brun de Dorénia, une main remplit de balafre, la peau complètement abîmé par le feu la fait grimacer de dégoût. Son regard monte naturellement vers le visage de l'homme au regard vide de vie, et elle fronce son nez en découvrant une barbe qui tente de cacher d'autre trace de brûlure.

Soupirant, elle sent que ses habitudes sont complètement mise a l'épreuve, car elle sent le besoin de finir son inspection de la taverne. Elle sent ce besoin de poursuivre ce toc pour ne pas être mal, mais cet homme l'intrigue, qu'a t'il bien pu vivre pour avoir une figure pareil ? L'âge ne l'aidait pas certes mais il était dans un état pitoyable. Jamais elle n'avait vu pareil cas. Pour finir le tableau plus que charmant de cet homme, il était soue comme pas possible. Rond comme un tonneau ! Prêt a s'écrouler de sa chaise ou de se fracasser la joue contre le bois de la table et au vu du regard du patron, celui-ci voyait la même chose qu'elle. Fronçant a nouveau le nez, Doré, pris sa chope et en bu quelques gorgées avant de finir son inspection de la taverne. Il le fallait, c'était limite vital !
Varennes


Dans une taverne d'Arras, le soir.

Comme à son accoutumée, le barbu se bourrait la geule au vieux rhum, méthodiquement, un verre après l'autre, une bouteille après l'autre!

Il n'etait pas un buveur social, n'aimait pas particulièrement boire en compagnie d'autres personnes, car bien que celles ci buvaient autant que lui, il fallait qu'elles cherchet à comprendre, comprendre pourquoi un homme tel que lui était alcoholique, et, ce qu'il détestait par dessus tout, il fallait qu'ils lui donnent des conseils pour changer sa vie, pour arrêter de boire, ce que lui ne voulait pas.

S'il buvait, ce n'etait pas pour faire comme les autres, ou pour s'amuser. Non, lui buvait pour oublier!!

Oublier l'homme qu'il avait été, et l'ombre de celui ci qu'il etait devenu, en une seule année, marin sans navire, à écumer tous les rades de France. Boxons, tripots, cafés et tavernes, il en avait vu par milliers , depuis la Mediterranée jusqu'à la mer du Nord.

Oublier sa déchéance, d'amiral de France, le premier de sa classe, commandant du plus puissant navire de la Couronne, avec l'aval et la bénédiction du Roy, à pochtron sans âge ni futur, rongé par l'alcohol et la vérole.

Et surtout, oublier les morts, jeunes et vieux, tant de morts! cent quarante et cinq morts, pas un de mois, tous noyés par sa faute devant Carthage, lors de la dernière croisade, alors que l'escadre Française maintenait le blocus maritime de la ville.

En un moment d'innatention, il avait permis que son navire, la Montjoie, s'approche de trop des défenses côtières de la ville, et une simple boule de fer incandescent, tirée par un des canons des remparts de Carthage avait suffi pour incendier la poudrière de la Montjoie, provoquant l'explosion et postérieur naufrage de celle ci. Seul quinze des cent soixante hommes d'équipage avaient pû être sauvés par les chaloupes de l'escadre, quatorze hommes de grades différents, du second à un jeune mousse, et lui, brûlé au visage et aux mains, qui aurait préféré périr avec les autres.

Ensuite vint le jugement de la connétablie, ses pairs, qui pûrent enfin prendre de haut celui qu'ils prenaient pour un arriviste forcené, et passer sur lui leur jalousie maladive et mesquine. Il avait été destitué de son poste et de son grade, et même son titre de noblesse lui avait été retiré. Et, quand il avait demandé un nouveau commandement, eu égard à ses années de services, on lui avait ri au nez, le chassant définitivement de la marine royale.

Vint ensuite une année d'errance, de vie dissolue, dans les bras des catins de tous âges dans les bordels de France et de Navarre. Errance, vie dissolue et alcohol avaient fait de lui l'homme qu'il était devenu, l'ombre de lui même, la honte de lui même.

Voilà pourqoi, jour après jour, assis dans une taverne arrageoise, il se piquait la ruche méthodiquement, scientifiquement presque, il réglait un compte avec lui même, par bouteille interposée!

C'est à ce moment que la fille qui se tenait sur les genoux de son voisin le héla:


Hé, l'Amiral, viens t'amuser avec nous, viens boire un coup avec nous, c'est pas bon de boire seul!! Lui dit elle

Il posa sur les clients présents un regard d'émeraude embué d'alcohol, puis, hochant négativement du chef, il se contentant de marmonner.

Nan..*hips*..j'suis ben où qu'j'suis..*hips*..pi l'Amiral, y t'emmerde, catin!!

L'homme sur lequel etait assise la jeune femme piqua quelque peu la mouche, se tournant vers lui, et l'invectivant pour la façon dont il avait traité la jeune femme.

Non mais pour qui que tu te prends, pour la traiter comme ça? T'es qu'un vieux con!! T'es bien le pochtron d'Arras, tiens, maudit tordu!!!


Le barbu regarda l'homme, puis la femme, avant de reposer son regard sur sa bouteille à demi vide et son verre plein.

Boh..*hips*..t'l'as dit..*hips*..j'suis l'pochtron d'Arras....quant à elle...*hips* Dit il en la montrant d'un geste torve ...ben une fille qui passe d'bras en bras...moué j'dis qu'c'tune catin...et toi t'es son mich'ton...*hips* ! Pis maint'nant, fous z'y moi la paix, pi laisse moi picoler tranquile.*hips*..hein!

Dit cela, il vida son verre d'un trait, avant de le remplir à nouveau, sans même jeter un regard au reste de la clientèle présente.
Dorenia
L'inspection est terminé, son regard s'est posé sur une table vide. Le bois y est abîmé, elle a du servir un nombre incalculable de fois. Porter des coudes, des têtes et des chopes par centaine. Par endroit on voit que le bois est éclaté, Dorenia donnerait cher pour connaitre son histoire. Curieuse de tout, elle voudrait savoir qui l'a brisé, qui l'a rendu moins gracieuse parmi ces congénères. Perdu dans ses pensées, la jeune femme entend de loin la catin apostropher le marin de loin. Une invitation des plus gracieuse, une invitation plus qu'ouverte. Sortant son regard de la table, elle le pose sur le marin abîmé lui par la vie et l'alcool. Son coeur se sert a l'idée de ce qu'il a pu lui arriver. La aussi multitude de question se bouscule sous sa chevelure châtain.

Un sourire se dessine sur ses lèvres quand elle entend sa réponse. Un rustre a ne pas en douter que l'alcool rend mauvais. Voyant le client de la catin répliquer, elle sent la bagarre pointer le bout de son nez. Prenant une nouvelle gorgée de sa chope, elle tourne son regard vers le patron. Peut être que l'homme saurait lui en dire plus sur l'amiral. Un patron de taverne était pire qu'une vieille pie qui espionne le voisin. Qui se donne un malin plaisir de dénoncer un comportement peut respectueux du livre de la vertu.
Le patron lui juge mais ne lance pas de rumeurs... Quoi que...
Lui faisant signe d'approcher, elle demanda doucement.


    -Ton amiral là, c'qui ? Pis pourquoi il a trogne pareil ?
--Le_cafetier


Le tavernier était occupé à remplir les chopes des clients avec son grand pichet plein de bière mousseuse, et à laver les chopes sales dans un grand baquet d'une eau pas très propre, quand il vit la femme lu faire signe.

-Ton amiral là, c'qui ? Pis pourquoi il a trogne pareil ?

Le cafetier, soudai méfiant, regarda la femme de haut en bas, la trouvant encore jolie, bien que plus de première jeunesse, se demandant ce qu'elle pouvait bien vouloir à un sac à vin pareil, à un gars qui se surnommait lui même ''Le pochtron d'Arras''

C't'un ancien d'la Royale, un marin, pi c'est l'patron d'la taverne qui s'trouve à l'aute bout d'la rue Aristote, ''Encore un rhum'', qu'ça s'apelle, chez lui...j'sais même pô pourquoi qu'y vient boire chez moi..Mais...moi j'vous ai rien dit, hein...l'a un caractère d'sauvage, c't'ours là, et j'srais vous, j'my piqu'rais pô...

Cela dit, il la laissa en plan, visiblement pensive, et s'en fût, son grand pichet au bras, remplir les chopes des clients.
Dorenia
La brune l'écoute en hochant la tête mais avant qu'elle puisse enchaîner ou lui poser d'autres questions le bougre s'en est allé pour reprendre ses activités. Visiblement, l'homme n'en avait que faire de cet amiral pochtron d'Arras. A vrai dire, elle comprenait que tant que l'homme lui donnait ses écus il était le bienvenu ici maintenant qu'il était a son propre compte, le patron n'en voulait plus et il le faisait bien savoir. L'ignorance était total. Il pouvait crever que ça gênerait pas le patron.

Renversant sa tête en arrière, Doré vida sa chope puis elle essuya le coin de ses lèvres d'un revers de manche. Il était l'heure pour elle de rentrer a l'auberge de se tailler un bout de gras et d'aller au lit. L'idée d'une viande braisé avec les patates de la patronne lui mirent de suite l'eau a la bouche et sans un regard sur la salle, elle quitta les lieux oubliant momentanément le pochtron. Momentanément car il n’arrêtait pas de revenir dans son esprit. Elle le voyait abîmé par la vie et en train de se détruire par l'alcool. Non pas qu'elle s’intéressait a lui mais il avait ce je ne sais quoi de troublant et qui donnait envie de le connaitre. Ou tout simplement elle était complètement suicidaire de vouloir s'approcher d'un bonhomme pareil et elle voulait se faire jeter comme une mal propre....

Arrivé dans l'auberge ou elle réside depuis toujours, la patronne la laissa s'installer a une table et lui apporta son plat sans un mot. Elles se connaissaient bien et il n'y avait plus besoin de rien dire pour se comprendre. Plantant son couteau dans sa viande, elle repensa une fois encore a l'amiral. Qu'est ce qui pouvait pousser un homme a vivre en buvant ? Et comment pouvait il vivre en buvant ? Si il avait une fabrique d'écus elle voulait en être ! Ses parents pourraient enfin se reposer sans penser a la prochaine taxe, a l'achat du matériel de pêche qui avait tendance a s'user trop vite ou bien encore les sceaux et couteaux qui cassaient et qui étaient a renouveler régulièrement.
Si seulement il était possible de créer des écus... Fini le travail, fini les angoisses, bonjours les toilettes raffinés. Hum... Non il fallait pas exagérer... Secouant la tête pour chasser ses pensées, elle termina son plat et alla se coucher en espérant que ce pochtron quitterait enfin ses pensées !



            Quand les rêves s'en mêlent.



Rien n'y fait, il est là. On se tourne on se retourne et elle ne voit que sa trogne. Poussant un cri de rage, elle plante sa tête dans sa couche face contre le matelas et pesta contre son esprit qui ne lui offrait aucun répits. Quant allait elle pouvoir dormir ?! Le lendemain était le plus gros jour du marché, quasiment toute la ville venait et il fallait qu'elle soit en forme pour gueuler encore plus fort que la grosse Bertha. Si seulement l'autre ivrogne quittait sa tête. Elle en venait a le haïr d'être déjà aussi présent dans sa vie. Pourquoi bon sang il avait fallu qu'elle s’intéresse a lui ?
Des obsessions elle en avait toujours eu. Petite elle avait voulu absolument apprendre a monter sur l’âne de la maison ce qui était formellement interdit puisqu'il n'avait jamais été monté. Aussi tête de mule que l'animal, la gosse s'était alors mis en tête a lui apprendre a être monté. Il lui aura fallu des mois avant d'y arriver et aujourd'hui, il était montable.

Une autre fois, elle avait voulu savoir lire et écrire. Ses parents ne savaient pas eux même ne purent donc pas lui apprendre et encore moins lui offrir les cours d'un précepteurs. Que cela ne tienne, la gosse avait été voir le curé du village et échange de service il lui avait appris a lire et a écrire. Quand Dorénia voulait quelque chose, il était très rare qu'elle ne l'obtienne pas. Et là, le pochtron l’intéressait et elle voulait tout savoir de lui. Mais le marché... Le plus gros jour de la saison sera le lendemain. Que pouvait elle bien faire ? Grommelant, elle décida qu'elle se lèverait tôt et qu'elle irait là bas. L'esprit enfin apaisé, elle trouva le sommeil.



            Sous un beau soleil de Juin.



Le cœur léger, les yeux fatigués, la jeune femme s'étira longuement dans son lit avant d'enfin se décider a se lever. Il était temps d'aller retrouver un pochtron et d'en savoir plus. Mais comment allait elle faire ?

"Bonjour on vous dit pochtron, j'veux en savoir plus"
"C'est quoi cette trogne ?"
ou encore
"racontes moi ta vie l'amiral."

Mouai... pas très convaincant et pas très agréable comme arrivait. Prenant la direction de la rue d'Aristote, Dorénia s'arrêta devant le panneau du "Encore un rhum." Bien si elle voulait retrouver le sommeil il était temps de pousser la porte et d'aller au comptoir comme a son habitude. Tôt ou pas tôt, elle sortit quelques derniers qu'elle posa sur le comptoir et elle l'appela.


    -Une choppe patron !


Sa chope en main elle commença son rituel, un regard vers le fond de la taverne ou il n'y avait personne, un regard vers le centre ou deux paysans grailler un bout et un dernier regard vers l'entrée ou il n'y avait rien non plus. A vrai dire si tôt le matin, très peu de gens venaient picoler. Sauf peut être le pochtron d'amiral empêcheur de dormir. Un regard sur lui pour voir l'état de sobriété et un hochement de tête positif. Il avait pas l'air frai ni très net mais de nos jours personnes n'étaient très net. Ca puait la crasse et la sueur du matin au soir et l’haleine sentait le renfermer. Elle même ne connaissait pas trop les bains et sa tenue était crasseuse. Trempant ses lèvres dans sa chope pour se donner du courage c'est dans une grande délicatesse, qu'elle rappela le patron.

    -Et patron, vient donc voir par là...
Varennes


Sous un beau soleil de juin, Taverne ''Encore un rhum'', Arras.

Le barbu avait eu une soirée des plus agitée, servant les clients qui ne cessaient de commander à boire, payant tournée sur tournée, en même temps qu'il picolait, vidant une chope de rhum avec chaque nouvelle tournée.

Le dernier client partit alors que la demie de minuit sonnait au clocher de Saint Vaast. Il ferma alors la taverne, fit la vaisselle en sirotant l'avant dernière, puis, un rat de cave dans une main et une règle graduée dans l'autre, il alla faire l'invertaire de ses réserves.

Vain dieux! Dit il en voyant l'état du dernier tonneau mis en perce dans l'après midi, et qui ne contenait plus que deux doigts de bière, tout au fond.

Toute la bande n'etait resté qu'une petite demie-heure, temps suffisant pour descendre, à cinq personnes, un tonneau plein.

Le blond buvait sec, mais pareille beuverie battait des records, pour lui, aussi c'est tout guilleret qu'il revint dans la salle, moucha la chandelle, et se mit à faire ses comptes.

Manqu'rait plus qu'un bandit m'braque. Pensa t'il quand il ferma enfin la taverne, les poches tintantes de monnaie.

La nuit avait été de courte durée, et des plus agitées, sa paillasse tanguant comme au bon vieux temps, mais cette fois plus tant par le roulis d'un navire, comme par l'effet de la beuverie de la veille.

Malgré tout, le lendemain matin, à six heures tapantes, pas frais du tout, il était de nouveau sur pied, touillant une énorme marmite de soupe aux choux, que les marchands et clients du marché voisin n'allaient pas tarder à lui réclamer, car c'etait jour de la foire de la Saint Jean, le plus gros marché de l'année, avec celui de la Noël.

Deux paysans venus vendre leurs bestiaux étaient déjà attablés devant leurs assiettes de soupe et un pichet de vin, discutant certainement du prix de leurs bestiaux quand une femme encore jeune entra, commandant une chope de bière.

Son pichet de Tastevine fraichement tirée à la main, il posa une chope propre devant la fille et la remplit savament, de façon à former un beau chapeau de mousse sur le haut de la chope.

Pendant qu'il maniait le pichet, il la regarda plus attentivement. C'etait une jeune femme d'une trentaine d'années, brune, anguleuse, sans trop de formes et presque dénuée de tout charme. Il cessa même de lui prêter attention l'espace d'un instant, pendant qu'il encaissait l'argent des deux paysans, qui sortirent à ce moment là.

Il en profita pour ramasser écuelles et verres sales de la table et les échauder dans la bassine, quand il entendit qu'on l'appelait.

-Et patron, vient donc voir par là...

Le barbu se retourna, et vit que c'etait la jeune femme qui l'appelait, et c'est alors que son regard couleur d'océan se posa sur deux grands yeux bruns qui semblaient fatigués.

Ouep!
Dit il. En quoi qu'j'peux vous servir, mam'zelle?

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Dorenia
Zut de zut, c'est qu'il vient en plus le bougre. Elle qui pensait se faire envoyer valser comme la catin du soir dernier, la voilà nez a nez ou pratiquement avec le pochtron au relent d'alcool. Son regard se pose sur lui, puis sur sa chope pour chercher un échappatoire mais manque de pot celle-ci est pleine. Elle n'était vraiment pas doué pour tout ce qui été aborder les choses mais son obsession était trop obsédante et si elle n'avait pas des réponses a ces questions elle allait péter les plombs tout simplement. Devenir une hystérique ou une groupie derrière un pochtron. Ça promettait.

    -Euh...


Mais encore jeune femme ? Poursuivez maintenant qu'il est là. Mais pour dire quoi ? Faire quoi ? Aaahhhhhh mon dieu qu'est ce qu'on peut être empoté des fois. Elle voudrait se donner des baffes pour ne plus savoir quoi dire elle qui parle si facilement puis il va finir par la prendre pour une neuneu... Elle se signa pour se donner du courage, sans se soucier de ce qu'il pouvait penser et ne se rendant pas vraiment compte qu'elle venait de le faire sous ses yeux alors qu'il attend la suite le pauvre bougre.

    Je... hum... Fichtre ! C'est d'un compliqué ! Nan mais plus ça va et moins j'sais m'exprimer. Puis tu dois d'dire qu'j'suis complètement con de pô savoir ce que j'voulais en t'aplant !


Pestant et grommelant, elle prit sa chope qu'elle descendit d'un bon tiers et se lança quitte a passer pour l'idiote du village. Celle dont on dit elle est pas très belle, pas très intelligente mais elle est brave cette petite. Depuis toujours elle aide ses parents. Les travaux ou le soleil on du taper sur sa pauvre tête... Secouant la tête elle lâcha.

    -Hier soir j'étais au Vin t'assoir et j't'ai vu. J'dois avouer que tu m'intrigues... J'voudrai savoir ton histoire... Fin tu vois quoi...


Fronçant le nez, elle secoue la tête encore et encore. Qu'est ce qu'elle pouvait être cruche parfois..

    -T'vois... hier soir j't'ai vu et t'étais rond comme une roue d'charrette... Et pis j'sais pô t'avais cette trogne là... enfin celle qu't'a la quoi... Mais j'sais pô... Bref patron rt'ourne a tes occupations...
Varennes


-Euh...Je... hum... Fichtre ! C'est d'un compliqué ! Nan mais plus ça va et moins j'sais m'exprimer. Puis tu dois d'dire qu'j'suis complètement con de pô savoir ce que j'voulais en t'aplant !

Le blond la regarda un peu plus attentivement, se demandant où elle voulait en venir, quand trois maquignons entrèrent dans la taverne, s'assirent à une table et commandèrent de la soupe et de la bière.

Quelques minutes passèrent pendant lesquelles il servit les clients, avant de revenir vers la jeune femme.

T'frappe pô! Lui dit il en souriant. Moi ç'm'arrive souvent...j'pense une chose, pi au moment d'la dire, ben j'ai oubliée...

-Hier soir j'étais au Vin t'assoir et j't'ai vu. J'dois avouer que tu m'intrigues... J'voudrai savoir ton histoire... Fin tu vois quoi...


Voilà qui le désarçonna quelque peu. Certes, ce n'etait pas la première personne qui le questionnait sur son passé, aussi, après quelques minutes de reflexion, pendant qu'il lavait des chopes sales, il décida de répondre sans détours, mais néanmoins sans explications superflues.

Boh...j'suis un vieux marin...d'la Royale...j'a pô mal bourlingué...pis...un beau matin, j'me suis r'trouvé à terre, sans navire...d'puis...certains t'diront qu'j'a les côtes en long...ou qu'je suis qu'un pochtron...c'est vrai, jpicole pô mal...'lors j'me suis r'converti dans la bibine...mais, t'sais...c't'une vielle histoire tout ça...p'têtre qu'un jour...j'sais pô...

Il la vit alors froncer le nez, et ce petit geste le fit sourire. Puis soudain, une idée lui traversa la tête. Cette fille lui semblait assez sympathique, et ça faisait des semaines qu'il cherchat une tavernière pour la ''Encore un rhum''.

-T'vois... hier soir j't'ai vu et t'étais rond comme une roue d'charrette... Et pis j'sais pô t'avais cette trogne là... enfin celle qu't'a la quoi... Mais j'sais pô..


Il se gratta la tête quelques secondes, s'en alla reverser à boire à ses clients, pendant qu'il reflechissait et, il ne répndit que quand il revint au bar.

Mouais...j't'a dis...j'picole pô mal...j'suis alcoolique, quoi...et c'te trogne...ben c'est la mienne...mais, dis y, t'es pô v'nue m'causer d'ma tronche seul'ment, nan?...Ben, t'vois...là j'a pô mal d'boulot...mais, t'as une bonne bouille et moi j'cherche une t'vernière qui m'aide à t'nir c'boxon d'puis des s'maines...si tu veux...l'poste pourrait être à toi...pi comme ça t'auras p't'être l'occasion d'me connaitre un peu plus...L'travail commence à huit heures, six heures les jours d'marché, pi finit quand l'dernier client part, l'soir, après quoi faut fermer pi nettoyer...'vec une pause entre midi et quatorze heures pour l'déjeuner, pi une autre entre dix huit et dix neuf pour l'diner, vingt écus par jour nourrie, et t'peux même loger au ds'sus, dans l'une des chambres...quoi qu't'en dis??

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Dorenia
La surprise se lisait sur les traits de Dorenia. Elle venait sans vraiment savoir quoi demander a son obsession et le voilà qui lui proposait de rester prêt de lui a bosser. Sa première pensée fut "c'est impossible comment feront mes parents." La seconde fut "Je peux faire tout a la fois. Le village n'est pas si loin. Se frottant le nez avec le dos de sa main, la jeune femme renifla doucement et réfléchit encore quelques instants avant de prendre une décision assez peu raisonnable il en allait de soit.

    -Tu veux que je sois ta tavernière mais moi j'dois vendre ma viande et mon poisson. Mon père est pêcheur donc il peut t'fournir en poiscaille au tant qu'il en pechera et pour c'qu'est dl'a viande ma mère a un troupeau d'vache. Donc lait et carcasse s'ront pour toi. On a des poules aussi... Fin tu vois quoi mais si tu commerce pô avec eux, j'pourrai pas bosser ici car faut qu'j'vend tout ça au marché moi... Ca va pas s'faire tout seul !


Un rapide calcul dans sa tête pour voir le nombre de lieu a parcourir par jour. Vingt lieu soit deux jours de cheval. Elle pouvait pas faire mieux et si elle arrivait a faire les vingts lieux en deux jours avec la charrette pleine elle serait plus que ravie. Elle continua a réfléchir car si elle faisait ça, elle allait devoir compter des frais de logement plus important, les frai du foin et du gardiennage. Si elle partait une semaine, elle avait déjà quatre jours de voyage et plus que deux où elle pouvait travailler chez lui.

    -Si t'as un coursier ça s'ra plus intéressant car moi m'faut deux jours pour v'nir et deux pour r'trer chez moi. J'pourrai en gros bosser ici que deux jours par s'maine. Pis j'veux être payé. Donc tu vois...


Si il n'avait pas de coursier, elle pourrait toujours demander a un garçon du village de Berck qui lui aussi n'arrive pas a vivre des produits de la mer. C'était une fichtre bonne idée ça. Il fallait absolument qu'elle le partage.

    -Sinon Mortimer fera les allées retour entre Berck et Arras. Tu d''vras lui payer juste son r'pas et mes parents un salaire d'misère pour ses allées retour. T'en penses quoi ?
Varennes


-Tu veux que je sois ta tavernière mais moi j'dois vendre ma viande et mon poisson. Mon père est pêcheur donc il peut t'fournir en poiscaille au tant qu'il en pechera et pour c'qu'est dl'a viande ma mère a un troupeau d'vache. Donc lait et carcasse s'ront pour toi. On a des poules aussi... Fin tu vois quoi mais si tu commerce pô avec eux, j'pourrai pas bosser ici car faut qu'j'vend tout ça au marché moi... Ca va pas s'faire tout seul! Si t'as un coursier ça s'ra plus intéressant car moi m'faut deux jours pour v'nir et deux pour r'trer chez moi. J'pourrai en gros bosser ici que deux jours par s'maine. Pis j'veux être payé. Donc tu vois...Sinon Mortimer fera les allées retour entre Berck et Arras. Tu d''vras lui payer juste son r'pas et mes parents un salaire d'misère pour ses allées retour. T'en penses quoi ?

V'la ben les femmes! Pensait le barbu. Une minute avat elle sait pô qu'dire, et celle d'après, plus moyen d'la faire taire...


'Tends un peu... Dit il alors. L'travail d't'vernière c't'un boulot à plein temps...pi six jours par s'maine, du mardi au dimanche, l'lundi c'l'jour de r'pos...pous 'voir une t'vernière deux jours par s'maine, j'préfère faire seul, hein..Pi bien sur qu'je vais t'payer, ho!!..Pour l'commerce on peut toujours s'arranger, surtout pour la pois'caille pi la viande...not'caudière s'vend t'jours bien et not' carbonnade à la Tast'vine marche aussi...donc...Pi ouais, j'as un commis voyageur...ou on peut faire 'vec ton Mortimer...j'le connais pô, mais bon...Mais...

Le barbu s'interrompit alors, tant parler lui avait soudain donné soif, aussi se tira t'il une chope bien mousseuse, et remplit à nouveau la chope de la fille.

J'veux pô t'paraître méchant, hein.... Ajouta t'il. Mais, tes parents y doivent ben penser qu'un beau matin...d'tant naviguer d'gauche et d'droite...t'vas t'trouver un mignon, t'marier, pi leur filer entre les pattes, nan?...Fin,,,mois j'dis ça...pi j'dis rien, hé...Mais...si on s'arrange pour l'commerce pi pour l'commis voyageur, toi t'auras pô b'soin d'retourner à Berck et t'pourrais travailler ici toute la s'maine, nan?

Il avair des idée fixes, le patron, et pour une fois qu'il tenait une possible tavernière, il n'allait pas lâcher le morceau facilement.

Moi j'prends la pois'caille et la viande d'tes vieux...la barbaque j'a un poto boucher qui m'l'arpêt'ra...l'lait on y r'fourgue à un aut' poto qu'est fromager...pi les oeufs c'les anglois d'passage qui s'les mangent l'matin...c'fou c'qu'y aiment ça, ceux là...Pi, v'ec ton Mortimer et mon commis voyageur, on ramène toute c'te bouf'tance d'puis Berck à Arras tous les matins. pi toi...en échange...plus ton salaire, bien sur, cent vingt écus par s'maine nourrie et logée....tu d'viens ma t'vernière...j'crois qu'c't'un bon arrang'ment, quoi qu'ten dis?

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Dorenia
La brune l'écoute, elle hoche la tête satisfaite a chaque mot prononcé par le pochtron. Elle avait bien mené sa barque et ses parents allaient enfin pouvoir vendre régulièrement leur production. Des écus vont entrer dans leur poche, des bêtes seront achetés, des nouveaux filet et le bateau aurait enfin les réparations nécessaire.
Une phrase la fit tiquer et son nez se fronça.


Varennes a écrit:
...tes parents y doivent ben penser qu'un beau matin...d'tant naviguer d'gauche et d'droite...t'vas t'trouver un mignon, t'marier, pi leur filer entre les pattes, nan?...Fin,,,mois j'dis ça...pi j'dis rien...


De quoi il se mêle le pochtron ? Qu'est ce que ça pouvait lui faire ce qu'elle allait devenir. A presque trente ans elle était une vieille fille impure. Aucun homme ne voulait être vu avec elle. Elle était fuit comme la peste point. Alors elle ignora la remarque et écouta la suite.
Satisfaite jusqu'au bout de tout ce qui se préparait, Dorénia se leva et cracha dans sa main droite et la tandis ensuite au patron.


    -Marché conclu patron. Je vais a Berck ce soir pour annoncer tout ça a mes parents et dans une semaine je commence ici. Je serai là tous les jours.


Une fois le marché conclu, elle déposa quelques derniers pour sa chope et pris la direction de sa charrette pour reprendre la route de Berck. Une longue route l'attendait et bientôt elle serait ici pour un long moment.
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