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Près de la crypte

Arystote
Las...

Il n'y avait pas d'autres mots, pas un seul autre mot pour exprimer ce qu'il ressentait. Trop jeune et déjà trop vieux. Pour la première fois depuis sa naissance et depuis qu'il connaissait Michel son page et ami, Arystote lui avait demandé de le laisser seul à Cassis et de donner l'ordre à tout le personnel de quitter les terres du château.

Las, là dans les jardins. Il se souvient des mots. Le soleil se lèvent avec les hommes et se couchent avec eux. Pourquoi mourir alors quand il inonde Cassis de ses premières lueurs ? Il se le demande encore. Combien de temps avec cette question.

Là les pierres rosées, empilées, scellées et au dessus le bureau de celui qui ne le quitte plus. Les livres sans doute, les parchemins épars et la plume qui gratte tandis que les yeux parcourent les ouvrages juridiques. Plus de fils, plus un père... juriste obsédés par les écrits qui s'abandonne et abandonne.

Là bas, le clocher qui surplombe la cour. Il avance vers celui-ci. Il frissonne quand il franchit les portes de la chapelle. Il prie un instant pour la Provence, le comté, par le marquisat. Oh oui bien sûr le peuple a choisi le Marquisat et jamais il ne s'opposerait à ce choix. Il est Yueel-Arystote de Champlecy ce qui veut dire que pour lui le Marquisat tue. Il a tué sa mère et il le tuera aussi. Pas en ennemi non, comme un ami vicieux, perfide à qui vous donnez tout jusqu'à ce qu'il ne reste rien.

Alors non il ne veut rien donner. Il ne veut pas s'occuper du Marquisat, il ne veut pas être régent et il ne le sera pas ! Non il va dormir ici, enfin en bas.

Il descend une à une les marches de la crypte. Ses yeux se posent sur le buste de marbre de celle qui fut jadis sa mère. Une larme perle. Il s'allonge sur la pierre froide et ferme doucement ses paupières.

Là, il s'endort las.
Charlotine, incarné par Arystote
Cassis. Un bien jolie nom pour un lieu paradisiaque bien éloigné des grands froids dont elle avait l'habitude.

C'est ici qu'elle devait se faire baptiser, chez celui qui avait accepté de devenir son parrain. Ce choix lui était apparu comme une évidence, autant de par l'accueil, la sympathie et la confiance que celui ci lui avait offert, que de par l'histoire que son amie avait bien voulu lui compter lors de leurs longues heures d'échanges.

Elle lui en avait beaucoup parlé. De sa mère aussi. Et de ce Cassis où elle lui avait dit n'être presque jamais allée.

ça lui semblait donc comme une évidence de s'y rendre bien qu'elle n'y ait pas été invitée. si elle se rendait compte que sa présence dérangeait, elle ne manquerait pas d'invoquer le baptême. Ce qui en soit, n'était qu'une demi fausse excuse. Mais il fallait qu'elle y aille. Après tout, ne lui avait elle pas promis?

A son arrivée, sa surprise fut grande. L'endroit était tel qu'on le lui avait décrit à la différence près qu'il semblait totalement vide. Personne dans les champs. Pas de gardes à l'entrée. Elle continua un peu plus en avant pour arriver aux portes du château. Personne pour l'y accueillir. Il n'était pas envisageable de parcourir toutes les pièces aussi se contenta t elle de lancer un grand


HE HO ... Y A QUELQU'UN ????

et c'est son propre échos qui revint jusqu'à elle. C'est à présent l'inquiétude qui se mit à l'envahir. On lui avait pourtant assuré qu'Arystote était retourné à Cassis.

Elle entreprit de faire un tour dans les jardins. C'est alors que ces yeux se posèrent sur la chapelle. Voilà bien un endroit où elle ne serait que guère étonnée de voir le jeune garçon. Elle y entra, se rappelant soudain qu'elle n'était pas encore une fidèle bien que croyante. Elle se signa et jeta un regard espérant le trouver là. Il n'en était rien. Elle devait se résoudre à admettre que le château était abandonné et elle allait devoir alerter Hersende.

C'est avec cette pensée et alors qu'elle s'apprêtait à rebrousser chemin qu'elle vit l'entrée. Elle était bête. Sa mère devait être enterrée ici, dans une crypte. Elle descendit les marches, une à une, délicatement et ferma les yeux de soulagement en voyant qu'il était là, tel un petit ange. Il était beau et sur le tombeau de sa mère, il semblait si serein qu'elle n'osa la réveiller. Elle se contenta de défaire sa cape et de la déposer sur lui, puis elle s'assit un peu plus loin, silencieuse.
Arystote
Bien entendu personne n'entendait la brune qui appelait. Personne ne pouvait l'entendre puisque tout le monde était ailleurs. Un château vide comme après la mort de Marius de Lioncourt, comme avant que sa mère n'en devienne la chatelaine.

Seule une fenêtre était encore habillée de la faible lueur d'une bougie. Le baron d'Istres devait compulser des ouvrages juridiques tout à son oeuvre, oublié, refugié dans le droit comme un deuil semblant sans fin.

Un château endormi comme les princesses dans les contes mais cette fois c'est un enfant qui dort. Presque adulte certes mais sur le dernier lit de sa mère, il dort.
Le soleil s'est couché avec lui et c'est l'astre lunaire qui éclaire d'éclats douceâtres le clochet de l'église Saint Nicolas.

Une voix s'élève.


Tu es mon préféré

Est-ce encore là une vérité ? Il s'oppose à ce qu'elle aimait tant... Le soutiendrait-elle ? Serait-elle à ses côtés ?

Sur le visage endormi du jeune Comte des larmes perlent et il se retourne sur la pierre glacée.

Dies irae qui se calme lorsqu'il s'assoupit.
Died irae... demain est un autre jour.

Il est là suspendu au-dessus de toute une vie qui s'annonce plus douloureuse encore. Les larmes glissent sur les ailes de son nez. Le corps tremble. Il fait si froid.

Solvet saeclum en favilla... Qui verra les siècles réduits en cendres ? Qui ?

L'air pénètre doucement dans la pièce tandis que les pas discrets et silencieux s'approchent de l'enfant endormi, supplicié.

Il fait si froid.

Arystote se retourne de nouveau sur la pierre. Un voile se pose sur son corps recroquevillé. Il fait bon là, sur la pierre. Point de colère, point de suture puisque les plaies se referment. Il ouvre un œil qui se pose sur une main de femme.


Les anges existent..., dit-il dans un murmure tandis qu'un sourire éclaire son visage.
Charlotine, incarné par Arystote
Elle lui sourit, que faire d'autre. Elle aimerait tellement lui répondre que oui et lui dire les mots doux que l'on dit à un enfant quand il est triste. ces mensonges qui leur mettent du baume au cœur et qui refoulent leurs larmes. Ces mensonges dont ils ne comprennent le sens que bien plus tard reprochant alors même à ceux qui voulaient les préserver de leur avoir menti sur la vraie vie.

Elle aimerait tellement, mais il était différent. Un homme dans un corps d'enfant. Cela pouvait donc exister. Oui, mais un enfant, quand même. Pourquoi donc vouloir à ce point l'oublier.

Elle lui caressa tendrement la joue puis lui chuchota ces quelques mots à l'oreille


Oui les anges existent, quelque part, au loin, là où les gens s'aiment et ne passent pas leur temps à se déchirer.

Et je suis sure que ta maman est auprès d'eux, un regard bienveillant sur toi. Une maman, où qu'elle soit, n'abandonne pas ses enfants.


Il faisait froid dans cette crypte et elle aurait voulu l'emmener ailleurs, au chaud près d'une cheminée. Mais le voulait il vraiment? Elle contempla les lieux, une fois de plus. Et cette éternelle question venait sans cesse envahir son esprit. "Comment pouvait on avoir laissé ce petit homme grandir si vite?". La présence même d'Arystote en ces lieux était tellement et si tristement touchante. Cet enfant, si seul, que le seul réconfort qu'il semblait trouver, c'était sur cette pierre froide, sur le tombeau de sa mère.

Elle ne le réveillerait pas, mais elle ne le laisserait pas seul, non. Elle s'installa derrière lui, posant délicatement sa tête sur ses genoux, essayant d'être la plus douce possible. Et puis, tout en lui caressant les cheveux, elle lui chanta ses quelques paroles que lui chantait sa propre mère quand elle était triste, enfant.


Dors petit enfant triste après avoir trop pleuré
Si ton cœur est désespéré que les anges du ciel t'assistent

Les anges avec leur robe blanche ont ouvert leurs ailes ...

Dors petit enfant triste après avoir trop pleuré
Si ton cœur est désespéré que les anges du ciel t'assistent

Les anges avec leur robe blanche ont ouvert leurs ailes tout grand
Pour y accueillir ta maman avec sa robe ... *


Citation:
*berceuse pour un enfant triste / Les compagnons de la chanson
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