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[RP-Bureaux] Qui aime bien, Châtelet va

Aimbaud
Était-ce bien possible ? Se disait Aimbaud de Josselinière, campé au milieu de la journée au pied de la prison du Grand-Châtelet. Un vent frais fouettait son visage, qu'il tenait levé et incrédule. Il semblait tout frêle, le marquis, sur cette place sale nimbée dans l'ombre de l'imposante forteresse. Ses pierres noircies donnaient au bâtiment une allure lugubre et, parmi le boucan de la rue, il semblait à Aimbaud, qu'il pouvait percevoir des pleurs de condamnés à mort et des gémissements de coupables soumis à la question, qui s'échappaient des meurtrières. Il frissonnait. Il resserrait le col de son mantel autour de sa pomme d'Adam, laquelle ne cessait d'effectuer des allées et venues tandis qu'il déglutissait. Et il contemplait l'épouvantable édifice, en se disant :

Est-ce bien possible ?...

Ne s'était-il pas trompé ? L'avait-on bien informé ? Était-ce vraiment possible, qu'ELLE fut en charge de ces sinistres prisons de Paris ? Elle qu'il avait toujours vue plus-ou-moins miséreuse, aux bottes cabossées, au parler des bas-fonds, à la grâce vulgaire, à la peau boucanée, aux mains douces, à la voix chaleureuse... Elle ? Maîtresse du Châtelet. C'était à peine croyable. Évidement, il avait ri. Il avait reprit son sérieux. Il s'était renseigné. Axelle Tabouret. Quel ignoble imbécile, il ne savait même pas le nom de sa famille. Il avait demandé plus. Oui oui, moricaude. De Montauban. Non... Si. Non... Mais si.

Axelle...? Axelle... Une âme de fer dans une peau de velours ? Presque aussitôt la nouvelle parvenue à ses oreilles, il avait traversé l'île pour gagner le Châtelet*, et il s'y tenait présentement avec, pour la première fois, l'intention saugrenue d'y entrer.

Mais notre expert en Rome antique — lisez romantique — confis et confus de concevoir des retrouvailles en milieu carcéral, ébauchait quelques pas de canard sur le parvis de cet édifice. Une pauvre motte d'herbe qui avait peiné à résister aux sabots des chevaux, aux roues des carrosses, aux becs des oies et aux talons des passants, trépassait dorénavant sous les poulaines d'un marquis hésitant, qui la labouraient confusément, de long en large, d'ouest en est, du cancer au capricorne... Il fallait pourtant qu'il la voie, cette femme ! Elle l'avait quitté, comme ça, sans dire adieu, sans jamais écrire...! Et lorsqu'il s'en revenait après de longs mois de guerre, il apprenait qu'elle tenait les menottes de la capitale. Ce n'était pourtant pas l'encre et le velin qui manquaient à la prévôté de Paris ? Le temps, peut-être ?

Il osa. Et lorsqu'il eut frappé, que deux yeux apparurent dans un battant de bois découpé dans la porte, et que le propriétaire de la paire d'yeux lui eut ordonné de s'annoncer, avec la suavité naturelle propre aux représentants des forces de l'ordre, il dit :


Hm... Le marquis de Nemours demande à parler au Prévôt de Paris.

[*On dit "au Châtelet" pas "à Châtelet", parce qu'avant...]
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Axelle
La journée faisait grise mine, et pour tout dire la PP fraîchement nommée n'en avait strictement rien à fiche. Le nez plongé dans une liste de grades avec laquelle elle devait se familiariser, elle se grattait la tête dubitative en navigant entre les dénominations militaires paumées au beau milieu des civiles. Mais ce qui l'embrouillait le plus – pauvre petite chose toute perturbée - était que ce second, qu'elle devrait nommer sous peu, se voyait gratifié de trois appellations différentes. Trois dénominations pour un second quand elle n'en avait qu'une, quelle injustice ! En outre d'être perturbée, voilà qu'elle se retrouvait avec l'orgueil tout égratigné. Enfin, si elle ne comprenait pas tout de travers. Bref, elle n'aurait certainement pas rechigné à ce que quelques cierges soient brûlés pour le salut de ses méninges.
Elle en était donc là, à démêler les héritages que ses prédécesseurs successifs avaient pris soin de semer sournoisement, quand des pas dans le couloir attirèrent son attention. Sans mal, elle reconnu celui claudiquant de la Bosse. L'homme, affublé de ce surnom pour cause de la bosse qu'il traînait sur le haut de son dos, avait la peau si grise qu'il se fondait à ces lourdes murailles sinistres dont il connaissait les moindres recoins sur le bout des doigts. Mais aux tintements réguliers des lourdes clefs pendant à sa ceinture, d'autres pas s'accordaient. Nez relevé, ravie de s'échapper de son casse-tête pour quelques instants, la mine terreuse se glissa dans l’entrebâillement de la porte, affichant un sourire équivoque où les crocs bien que noirs, gardaient toute leur férocité.


« Un gars qui d'mande après vous M'dame Prévôte. »


La gitane soupira doucement.
Prévôt, pas Prévôte Rablagnac, je vous l'ai déjà dit. Vous a-il-dit son nom ?

Le sourire gâté se fendit un peu plus, plein d'une fierté presque enfantine.

« Ah ben ouais. Comme qu'vous l'avez demandé qu'j'y demande avant d'vous l'apporter, j'l'a fait. »

Et donc, quel est son nom ?


Les joues cireuses se gonflèrent derechef pour se percer d'un magnifique « Prrrfff ». La gitane se massa l’arrête du nez quelques instants avant de reprendre sur un ton désespéré. La prochaine fois, en plus de demander le nom d'un visiteur, essayez de le retenir. Faites-le entrer et voyez si la cellule 84 est plus enclin à parler à présent. Le sourire de l'homme s’éclaira d'une lueur lubrique alors que déjà il se reculait. La Bosse, l'interpella in extremis la PP, j'ai besoin qu'il puisse entendre les questions et surtout soit en état d'y répondre, alors doucement.
La porte s'ouvrit toute grande sur une flopée de bougonnements alors que la gitane remettait rapidement de l'ordre sur l'ample chemise de son uniforme sombre. Tant pis pour le turban qui laissait échapper quelques boucles récalcitrantes, le visiteur devrait faire avec et puis si ça lui plaisait pas et bien...

Vous...
Souffla-t-elle en relevant le museau vers le Marquis se tenant dans l'embrasure de la porte. La stupeur ouvrit ses yeux tout grands avant que la joie n’inonde son visage, relevant les coins de sa bouche vers les cimes de ses oreilles et éclairant son regard noir d'une lueur solaire. Enfin... Déjà, elle se redressait, le cœur bondissant dans tous les sens dans la cage trop étroite de ses côtes. Déjà ses jambes paillaient d'impatience de lui sauter dans les bras pour fourrer son nez dans ce cou trop longtemps loin de sa bouche, ou prendre ses mains pour les embrasser avec ferveur quand soudain, elle se décomposa, une main cachée derrière le bureau se plaquant sur le ventre doucement rond qu'un œil attentif pouvait déceler sous les plis de la chemise.

Oh, punaise ma fille, t'es dans de beaux draps... Mais les murmures du Châtelet eurent vite fait de lui remettre les idées en place. Si ces murs dégoulinaient de soupirs, ils n'étaient ni caressants ni énamourés.

Vous avez fait une vilaine rencontre ! Dites-moi qui ! L'infâme sera pendu ! Et quand les corbeaux auront finis de becquer ses yeux, ils auront droit à ses tripes !
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Aimbaud
Je ne suis pas venu porter plainte !

Proclama sitôt le bourguignon. Il avait levé des mains blanches pour prévenir la folie vengeresse de la Sûreté de Paris et tout-à-coup, en la voyant, ses angoisses de mettre le pied en prison, son dégoût à la vue du Bosselé, ses méfiances quant à l'accueil qu'on lui réservait, tout cela s'était envolé et fracassé contre les murs de la pièce, comme l'éclat de rire qui lui échappait.

Essoufflé et heureux, il la détailla toute entière, enfin ce qu'il en voyait puisque le reste était censuré par le cadre sévère d'un bureau croulant sous des piles de feuillets. Ces longs mois de guerre lui avaient presque fait oublier les formidables aspects de cette petite personne ! Il fit, à grande allure, l'inventaire de tous ses contours en la tâtant des yeux, nota le sombre uniforme auquel elle était tenue, soupira d'aise en lisant sur sa figure une expression favorable et, n'y tenant plus, ôta son couvre-chef et s'approchant à pas vif, avançant sur elle une main libre et désireuse d'amorcer un traité entre partis en toute bienveillance mutuelle et fondamentale.


Ah ! S'exclama-t'il, tandis que, penché sur elle comme en révérence, il allait jusqu'à chercher son visage du sien, et ses bras, et sa gorge, et l'odeur mémorable de sa peau, qui lui revenait au nez comme le parfum d'un millésime de Nuit-Saint-Georges après dix ans d'abstinence. Tant suis heureux de vous trouver !... Maître Prévôt !
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Axelle
Que faire de la trouille d'avoir le ventre gonflé, que faire de cette fonction sur ses épaules et de ces murs sinistres quand ce visage tant adoré flottait là, à portée de doigts, soufflant la pluie et le beau temps sur l'humeur gitane ? Les oublier, se gaver de ce rire et sourire plus grand encore.

Les mains gitanes se relevèrent, cueillant en coupe le visage penché vers elle, le mouchetant de baisers à peine posés, pressés qu'ils semblaient être de butiner les paupières avant que les battements des cils noirs ne chatouillent les tempes pâles. Virgule blanche ancrée au visage ambrée, le bout de son nez, dans un débordement enfantin, jouait à cache-cache avec celui dont elle avait été bien trop privée. Maître Prévôt ! Ne me taquinez pas ou je vous gronde de m'avoir laissée si longtemps sans nouvelles de vous. Jouant d'une mèche de cheveux retombée sur le front nobiliaire, ses mirettes naviguaient dans tous les sens les traits face à elle, s'entremêlant au souvenir de ce profil endormi qu'elle avait gardé précieusement au plus secret de sa mémoire. Son regard se posa, assombri sur la jambe du Marquis, ayant cru apercevoir un boitement. Dites-moi tout ! Je veux tout savoir ! Et pinçant ses lèvres sous cet accès de curiosité déplacée, tenta de l'estomper l’offense d'un attendez alors qu'elle luttait contre l'envie de rester tout contre lui pour se lever afin de vérifier que la porte était bien fermée.
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Aimbaud
Leurs bouches et leurs joues et leurs nez se rencontraient avec frénésie, comme des museaux de chiens fous. Aimbaud amorçait des mots que ses propres lèvres coupaient dans des baisers. Il froissait le tissu de ses manches entre les bras de la dame des prisons. Ses mains n'en pouvaient plus d'hésiter, allant de sa gorge à ses épaules. Oh, quelle fortune ! Rarement il avait joui d'aussi douces retrouvailles ! Lui qui n'espérait plus la revoir, elle, qui s'était sauvée de son domaine sans lui permettre d'adieux, ne lui laissant pour consolation qu'un bout de parchemin et trois mots malheureux dessus.

Il la regardait à présent — l'oeil dans l'oeil, puits sans fond dans puits sans fond — prêt à exprimer tout doucement l'injustice qu'elle lui faisait, en l'accusant du silence qui s'était établi entre eux deux. Il les voulait bien prononcer, ces mots, qu'ils soient tendres et romantiques. Mais comme elle interrompait le souffle qu'il prenait, qu'elle se levait, et qu'il avait toujours les mains posées benoîtement à l'orée de ses seins, naturellement, ces mains-ci dévalèrent la pente le long de l'habit noir.

L'une d'elle termina sa chute bien plus doucement qu'elle ne l'escomptait, s'arrondissant sur l'orbe d'une sorte de globe terrestre qui poussait le velours vers l'avant. Cette masse, ronde et solide, l'étonna. Elle exécuta un petit mouvement de recul, n'y voulant pas croire. Puis s'appliqua à nouveau dessus, épandant son club des cinq pour juger pleinement du phénomène. Et cependant qu'Aimbaud gardait la main là, posée comme un rempart faisant front face à l'envahisseur, il empêchait Axelle d'avancer, la retenant aussi par le bras.

Grave, il releva le regard sur elle. Mille hypothèses traversèrent son esprit et agitèrent ses yeux incrédules.


Vous, dites-moi tout... Je veux tout savoir.
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Axelle
Debout, médusée par la réalité qui la rattrapait, la gitane restait pétrifiée, le regard étrangement engourdi par cette main posée sur l'arrondi de son ventre. Protectrice ? Accusatrice ? Elle n'avait pas voulu que les choses se passent ainsi. En fait, elle n'avait rien prévu tant il était pour elle si difficile encore de se laisser apprivoiser par ce petit renflement quand tout l'amour qu'elle avait à donner à un enfant, était dévolu aux yeux noirs d'Antoine, cicatrisant à la peau parfumée ce petit être, toutes ces blessures, toute cette douleur accrochée à elle depuis que ses bottes avait quitté Lyon. Un tout petit être qui avait avalé ses remords, ses regrets, sa culpabilité sans fond. Elle le savait à présent, si elle s'était voilé la face si longtemps, c'était par peur de n'être pas à la hauteur, encore. Ou pire, de perdre celui-ci comme elle en avait déjà perdu deux autres dans les pattes d'un ours.

Et voilà, d'une simple étourderie à se lever, d'une joie trop grande de le retrouver, elle risquait de le perdre. Les mots vifs sortis de cette bouche soudain grave, tournaient dans la tête manouche comme une ritournelle de mauvaise augure. « Par tous les saints, ne soyez pas venue m'annoncer que je vous ai fait un enfant. » Un bâtard. Cette perspective devait tant effrayer le bourguignon que telle avait été sa première exclamation quand elle avait déboulé en sa demeure. Un instant, elle voulut hausser les épaules et mentir. Elle était mariée, et là était bien la sauce qu'elle avait prévue de servir à tous, ou presque. Mais devant ce regard, toute intention de subterfuge grossiers s’évanouit. Elle n'en avait ni le droit ni la force, même si, peut-être, ce mensonge pouvait avérer salvateur pour lui. La figure basse, les lèvres mutiques, d'une dextre lente, elle décrocha la main du Marquis à son bras, puis recula, doucement, laissant un froid piquant envahir l'empreinte qu'il avait laissée sur son ventre. Le pas lent, elle se dirigea vers la porte et glissa le verrou. La Bosse avait cette manie de faire irruption dans son bureau sans s'annoncer et le sang battait trop fort entre les tempes gitanes pour permettre les pas claudiquant de se frayer un chemin jusqu'à son oreille. Avec le même calme apparent elle se retourna, plongeant ses prunelles noires dans le regard lourd d'interrogations.


Vous savez déjà tout. Il est votre.
Et baissa simplement les yeux, les épaules résignées à recevoir l'orage.
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Aimbaud
Mien ?... Mien ?

S'étonnait Aimbaud, en murmurant plusieurs fois ce même mot, à part lui, comme un innocent ahuri face à l'accusation du tribunal. Ce faisant, il se désignait d'un pouce posé sur le socle de son poing, promenant ses yeux alentours, en quête d'ordre et de sens, quand la nouvelle ne lui laissait que des raisons d'être pantois et effrayé. Il tourna le regard vers Axelle, et sursauta en réalisant combien l'inquiétude qu'il exprimait pouvait lui paraître couarde. À la voir ainsi debout, de pied en cap, presque triste avec cette étonnante bosselure lui pointant vers l'avant, il éprouva le furieux besoin de la rapprocher de lui, et ainsi lui tendit les mains tandis qu'il avançait sur elle, avec un air de confidence.

C'est tragique, ce que vous me dites là... J'ai... J'ai peine à le croire. C'est si tragique et festif ! Non ? Merveilleuse mauvaise nouvelle ! N'est-ce pas ? C'est incroyable...!

Il serrait à présent ses mains dans les siennes, et les portait à sa bouche pour les embrasser avec excitation, la félicitant, ou tout comme. La consolant ! Il était confus. Aussi déraisonnable que soit la venue de cet intrus, elle faisait jaillir en lui une fontaine d'orgueil et de bête enthousiasme !... L'effarement le faisait trembler. Des sourires et des soubresauts agitaient sa figure. Épandant des baisers sur le dos de ses mains basanées, il surveilla le visage baissé d'Axelle, et la frange magnifique de ses cils qui s'obstinaient à ombrager ses yeux comme des persiennes.

Une crainte fit retomber les traits de son front comme une chape plombant son air soudain dénué de joie. Il relâcha doucement ses mains, accostant les siennes à la hauteur de ce ventre inattendu, pour demander avec appréhension :


Éprouvez-vous de la rancoeur envers moi ?
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Axelle
Tête penchée pour admirer le bout de ses bottes lustrées comme si le cuir sombre renfermait dans ses reflets les réponses aux mystères les plus insolubles de l'univers, les mots désordonnés du Marquis percutaient les tympans manouches comme des grêlons indociles. Incompréhensibles. Contradictoires. Et pourtant si clairs. Alors que l'ombre nobiliaire la couvrait toute entière, elle osa remonter les yeux, un peu, sans relever la tête, les mains offertes à cette bouche qui parlait tous les langages. Giboulée il y avait, mais pas celle qu'elle avait craint au point de douter de lui. Ingrate. Sous l'uniforme rigide, le cœur battait à s'en déchirer de ne recevoir en guise de gifle qu'un émoi troublant égrainé à sa peau. Les murs auraient été moins sombres, les murmures des couloirs moins funestes, que la faute, elle l'aurait à nouveau commise, sans plus de crainte, sans plus de timidité, pour lui répondre de son seul souffle sur ses lèvres, de son corps basculant sur le sien dans le plus lancinant des aveux. Et ne jamais plus finir. Et ne jamais plus voir que son visage penché sur elle. Mais de ce langage, elle était privée n'ayant entre les mains que de pauvres mots fades et imbéciles.

Comme assommée, la tête répondit la première, agitant mollement les boucles félonnes de droite à gauche.
Non... Mais vous... Vous... Les mirettes se redressèrent, agrandies comme pour l'engloutir tout entier de leur noirceur. Un bâtard. Moitié vous. Moitié moi. Moitié gueux, moitié Marquis au sang bleu. J'ai beau être vassale de Clichy, mon sang gitan est vermillon. Voleuse de poules, voilà ce que l'on dit de moi. Mendiante, voilà comment j'ai grandi. Et même si Savenès regorge assez de fruitiers pour gonfler ma bourse au point de pouvoir acheter, honteusement, une seconde terre pour y flanquer ces fameuses poules, ça ne change rien. Et puis, et puis... Si. Peut-être bien que je vous en veux. Je ne sais pas. Mon époux, mon époux va devoir mentir. Pour moi. Se reculant d'un pas, la tête basanée se balançait doucement. Et mon fils, mon fils, je vais devoir lui mentir aussi. La dextre se posa sur ce ventre rond, qui déboulait sans crier gare comme un chien dans un jeu de quilles. Et lui, et lui, faudra-t-il lui mentir à lui aussi ?
Furtivement, le regard charbonneux et agité s'accrocha à l'amant sans savoir quoi y chercher avant de se perdre à nouveau dans de tortueux méandres. Lâchant la main pâle pourtant ancrage, elle tourna dans la salle comme un animal en cage. Et puis... Et puis... Oui ! Je vous en veux ! L'hiver arrive, et les radis se font rares. C'est insupportable sans radis ! Soit, il y a les panais, mais c'est moins pratique ! Et puis, et puis... Oh oui ! Je vais vous maudire, ce jour où je me mordrai les joues jusqu'au sang pour faire ma fière et ne pas brailler à réveiller les morts. Oui, oui je vous en veux, de ne pas être en colère, de ne pas partir en claquant la porte, en niant un jour m'avoir regardé, vos joues rouges de colère et d'indignation. Les pas se figèrent, impuissants à fuir davantage. Oui, je t'en veux, car à présent, vivre ça sans toi, je ne saurai plus. Et d'un élan aussi irraisonné que vital, la gitane sens dessus dessous vint se blottir contre le torse de l'innocent tourmenteur, enchaînant ses doigts agités au velours de son vêtement, essoufflée pour avouer finalement. Je voudrais être en colère contre vous, ce serait si simple mais j'y arrive pas...
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Aimbaud
Les poules. Ah. Les radis. Non ? En claquant la porte...?

Répétait Aimbaud en froissant les poils de sa moustache dans une main qui lui servait aussi de repose-nez, dépassé qu'il était par toutes ces nouvelles accablantes. Accablantes et baroques. Sous la doublure feutrée de son habit, ses veines battaient un rythme de tarentelle. Il ne comprenait plus rien. Des yeux, il suivait les allées et venues de l'espèce de torche vivante qui lui faisait la conversation, lui trouvant la beauté contemplative d'un feu de cheminée, tandis qu'elle s'enflammait dans une direction puis dans l'autre, vivace, avec son gros ventre tiraillant son habit de prévôt flambant neuf, soufflant le chaud puis le froid, et se jetant sur lui à brûle-pourpoint dans une sorte de cessez-le-feu.

Il plongea le nez dans une immensité de boucles noires. Ses mains empruntées rattrapèrent le turban de magistrat qui, dans l'agitation, avait glissé le long des épaules de la Prévôte. Alors le lobe d'une oreille fine et bronzée se trouvait juste contre sa joue, il loucha dessus avec l'envie subite, saugrenue et très puissante, de la croquer. Ses yeux s'exorbitèrent. Il avala une bouffée d'air sur le côté, un air neutre, pas l'air du côté d'Axelle (lequel contenait un taux élevé de connotations charnelles). Les poumons gonflés à bloc, les idées mal agencées, il tapota le dos de la belle de Montauban avec paternalisme. Qu'il était étrange de la sentir appuyer cette large balle contre son ventre à lui... Il réfléchit. Il tenta de réfléchir.


Vous n'aurez pas à mentir. Annonça-t'il, gratifiant le fond de la pièce d'un regard buté. En vous poussant à la faute lors de votre venue à Nemours, j'ai commis un grand péché dont j'endosserai les conséquences. D'abord, apprenez que je suis désolé. Axelle, je vous présente mes excuses les plus vraies. Si petite soit la consolation qu'elles peuvent vous apporter, sachez que je vous les témoigne du fond du coeur.

Il l'avait écartée de lui pour mieux l'observer, la tenant dans l'étau de ses bras auxquels il n'intimait que douceur. Et construisant son discours au fil de l'inspiration, il reprit avec une conscience de juriste, et une frénésie d'amoureux :

Ensuite, puisque je suis la cause de votre... Enfin. De cet, comment dire. Eh bien avouons-le, tout de même... De ce fardeau. Ceci dit sans malveillance. Hors donc comme, de mon fait, vous voilà mise dans cette épineuse situation, je veux vous promettre de prendre à ma charge tous les désagréments qui puissent vous être causés. Exception faite de l'arrivée à terme qui, je vous le concède, est une discipline où je vous doive laisser seule exceller. Ah ! Je sais combien vous exécrez mes réquisitoires solennels, mais laissez-moi finir et entendez-moi gentiment.

Il tailladait maintenant l'air en rondelles, sous le nez d'Axelle. Éparpillant ses doigts braqués dans plusieurs directions, joignant les mains, jetant le bras sur le côté. Il la désignait, il se désignait. Il négociait.

J'ai un hôtel de famille, à quelques rues d'ici. Il est votre demeure ! Je vous y ferai venir gens, confesseur et médecin, et poules, et radis, et les deux cuisinés ensemble si votre bon plaisir l'indique. Vous y serez en secret et en sûreté, pour mener à bien cette épreuve que le ciel nous impose... Personne n'en saura rien. Qu'en dites-vous ? Voulez-vous bien accepter ?
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Axelle
Une seule envie tournait comme une jolie ronde entre les tempes brunes de la gitane. Rester là, blottie contre le torse amant. Fermer les yeux. Que tout s'envole. Comme dans ces contes pour enfants dont elle avait chapardé quelques brides aux flammes de feux de camps de chez elle. Oh, possiblement en avait-elle modifié les dénouements pour les coudre à sa façon d'enfant solitaire. Quelle importance ? Elle aurait voulu qu'il égare une main tendre dans ses cheveux, remonte son menton de manouche de l'autre et réponde dans un sourire protecteur que tout allait bien se passer. Qu'il serait là. Près d'elle. Et c'est ce qu'il fit. Presque.

La gitane écoutait chaque mot, les dépouillant de leur sens pour mieux se les approprier, les mirettes noires obnubilées par cette bouche mouvante d'où s’échappait tant de mots. Et des excuses. Elle ouvrait déjà la bouche pour affirmer avec ferveur qu'elle ne regrettait rien, que des nuits à se pousser à la faute, elle en voulait encore. Elle en voulait sans fin. Sa langue vibrait déjà d'avouer qu'à cet instant même, le désir piquait le bout de ses doigts et rougissait ses lèvres. Cette nuit qu'il décrivait comme un grand péché était pour elle d'une pureté claire. Tel était le gouffre béant qui les séparait. Mais, obstinément, elle refusait encore de le regarder, malgré son pied déjà dans le vide. Le discours se poursuivait, et elle, accédant à la demande, demeura aussi docile qu'attentive.


Au point d'interrogation, le silence répondit le premier. À peine la bouche brune s’entrouvrit alors que la tête gitane s'inclinait, presque imperceptiblement. Gens. Confesseur. Médecin. Mais lui ? Où était-il dans ce tableau qu'il peignait à petits coups de doigts ? Je n'espérais qu'un peu de votre présence. Aveu du bout des lèvres au fil d'un souffle agonisant sous le poids d'un mensonge plus grand encore que tout ce qu'elle avait envisagé.

« Personne n'en saura rien »

Le tête gitane dodelina lentement, indécise, comme un lutteur sonné, et de quelques pas tant désordonnés qu'alourdis d'une molle lenteur, s'arracha au parfum nobiliaire. Le regard noir s'échoua au bureau de bois sombre et taché d'encre, la replongeant aussitôt dans l'immobilité. Un moment, elle contempla une note laissée par le Grand Prévôt à laquelle elle devait encore répondre. Au compte rendu de mission d'Ornon qu'elle n'avait pas encore eu le temps de lire
. Me cacher... Navigant d'un papier à l'autre le regard noir glissa sur les quelques idées griffonnées à la hâte pour le nouvel uniforme de ses officiers, avant de se fixer sur la charte à l'écriture impeccable, attentant avec patience d'être validée. C'est ce que vous me demandez ? Délaissant les écritures, le museau gitan remonta vers le Marquis, l'enveloppant de prunelles agrandies. Mais alors... Quand Il sera là, que me demanderez-vous ? Malgré le calme de la question, les effluves d'une odeur bien trop familière se rappelait pourtant déjà à ses narines.
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Aimbaud
Je n'entends pas vous contraindre, j'envisage les solutions promptes à vous sauver du déshonneur, et à vous garder près de moi.

Ronchonna Aimbaud, en abaissant un nez sévère sur ses mains qu'il rameutait pensivement l'une dans l'autre. Il n'appréciait pas la défiance que la jeune-femme lui témoignait. Pour un peu, il se sentait attribuer un costume de Barbe-Bleue, oppresseur de femmes, prêt à séquestrer la présente dans une tour. Hors il ne proposait que justice, confort, et protection. Était-il à ce point inapte à se faire comprendre ?

Dans un énervement grandissant, il dirigea ses pas au hasard dans la pièce, jusqu'à une petite lucarne qui donnait sur la sinistre place où il se tenait plus tôt, parmi les badauds, les marchants et les résidus de racaille de la Cour des Miracles qui y mendiaient en simulant des handicaps. Un étrange sentiment de déjà-vu l'accablait et donnait à son visage et à ses mains, toutes les expressions de la contrariété. Il avait vécu les mêmes instants avec cette jolie fille de Bretagne, devenue Blanche de Castille. Douze ans plus tôt, son vert et premier amour avait fait fruit d'un fils, qui faute de légitimité, fut reconnu par un marquis d'Espagne. On le tint à l'écart de cette naissance pathétique, et il ne vit pour ainsi dire jamais l'enfant, qui ne connaissait ni le français, ni son existence. Sa romance fut soufflée comme fétu de paille.

À mi chemin entre colère et détresse, promenant à terre un regard chargé de poudre à canon et noir comme tel, il ouvrait aujourd'hui le poing pour prononcer les mots qu'il n'avait pu dire à Blanche.


Par amour pour vous et pour l'enfant que vous portez, Axelle, je vous prie de ne pas retourner à votre mari avec ce précieux chargement. Restez à Paris, confiez-le moi à l'heure dite, mettons-le en nourrice dans ma demeure. Vous y pourrez venir le voir, tout votre content.

Il hésita à s'approcher d'elle, laissant tomber de part et d'autre de lui, une paire de bras exaspérés. Ses yeux étaient braqués sur elle.

Mais n'allez pas me l'emporter loin dans votre Montauban, et lui faire donner un nom de famille saugrenu. Je sais que je ne vous y verrai plus, ni lui. Ne m'écartez pas. J'en souffrirai.
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Axelle
Il avait peur. Autant qu'elle. Là dressé devant elle, sans plus de grands gestes pour le dissimuler. Sans plus de grands mots pour le dire. Nu comme peut-être jamais il ne l'avait été devant elle. Un instant la gitane détourna la tête, non pas animée d'un quelconque sentiment de culpabilité mais juste pour laisser un courage tout autre lui permettre de regarder derrière elle.

Dolores. C'est ainsi que d'autres l'on nommée. Je n'aime pas ce prénom. Il est laid. Pourtant, je ne peux nier qu'il signifie tout ce qu'elle est.
Les yeux dans le vague, presque impudique, la manouche se déshabillait de son secret le plus lourd, banni qu'il était jusqu'alors de la nouvelle vie qu'elle c'était forgée âprement. Je n'ai su que c'était une fille que bien après sa naissance. Elle me ressemble, il parait. Mais d'elle, je ne connais que les premiers pleurs alors que je détournais la tête, pensant que se serait plus facile de ne jamais la voir. Aujourd'hui encore, je ne sais pas si j'ai eu raison tant elle continue de me hanter. Mais j'avais promis de la lui laisser.

La voix rauque sembla ricocher aux oreilles manouches comme si une autre que la sienne venait de prononcer ces mots. Puis avec une extrême lenteur, les charbons noirs et luisants se relevèrent vers le Marquis. La seule chose que je sais, c'est que cet enfant à naître, je ne l'abandonnerai ni le renierai d'aucune façon. S'avançant de quelques pas, la main brune, pleine de douceur, saisit la pale. Me croyez-vous vraiment assez cruelle pour vous offrir cet enfant d'une main et de vous le reprendre de l'autre, dans le même geste? Comment pourrai-je vous faire subir ça, à vous ? Secouant la tête, un fin sourire fleurit à sa bouche avant de s'évanouir pour laisser place à une mine grave. Non, jamais vous ne serez privé de lui mais je ne cacherai pas cette grossesse. Je ne le veux pas. Je ne le peux pas. D'un regard rapide, elle fit le tour de la pièce avant de le reloger au plus profond des prunelles nobiliaires. Même si je pouvais l'accepter, ces murs autour de nous l'interdisent tout en se tenant garants que je ne quitterai pas Paris s'il est besoin de garanties. Ni maintenant, ni après. Puis s'éloignant à nouveau de quelques pas, tournant le dos au marquis, s'appuya d'une main sur le bureau de bois sombre, pensive. Les deux amants n'avaient jamais beaucoup parlé, et étrangement en ces conditions, l'épreuve des mots était allégée.

Aussi, le mettre en nourrice chez vous serait signer votre paternité aux yeux de tous. Mon mariage est un bouclier, voulu ainsi par deux amis. Alphonse me protège et je le protège en retour, d'une alliance. Lentement, elle se retourna, contemplant l'amant d'un regard troublé. Pour moi. Pour cet enfant à naître bien davantage encore, acceptez qu'il fasse son office. Aimez-le à l'ombre, comme nous aimons déjà, mais en lumière, laissez Alphonse jouer ce rôle. S'il vous plaît.
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Aimbaud
Il restait coi, l'épaule pressée contre le rebord poussiéreux de la lucarne, dévisageant la jeune-femme qui avait achevé son discours. L'oeil triste et curieux, comme un bambin tombé sur son cul qui envisage les solutions pour se relever, il ne savait plus où était passée sa colère et, troublé, il la cherchait dans les tréfonds de lui-même, pour se rattacher à quelque certitude.

Mais quand il eut bien fait l'inventaire de ce qu'il ressentait, et qu'il ne trouva, dans le lot, que de l'admiration pour la noire adversaire qui venait de démanteler sa requête avec rhétorique, il se sentit très bête. Et comme il la voyait si grande en comparaison de lui, si sûre d'elle, si explicite dans le récit de sa vie, si belle de formes avec son ventre fertile, si érotique dans tout son être qu'en vérité il se demandait encore si elle n'était pas une image ; comme il la voyait avec ces yeux là donc et que, sa bouche étant sèche de mots, il voulait déborder de gestes afin de s'exprimer, il fondit dans son sillage pour l'enlacer doucettement.

Il l'étreignit de ses mains puis de l'envergure de ses bras, il la soutint contre lui, pressant sur elle ses épaules vaincues et respira contre sa peau une généreuse bouffée de son parfum. Puis il baisa ses lèvres avec soin, comprimant en lui toute l'inquiétude et l'appétit qui faisaient trembler ses bras à petite fréquence, pour ne laisser paraître que lenteur.


Je suis très jaloux de votre époux.

Confia-t'il à son oreille avec un sourire frémissant et forcé.
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Axelle
Elle en était encore à craindre la colère et voir ses arguments rejetés du revers d'une main dédaigneuse, habituée qu'elle était à devoir faire face à des hommes plus butés les uns que les autres, qu'elle resta un moment stupide de surprise quand l’abri des bras amants se referma sur elle. Bidon rond lové au creux du paternel, les yeux grands ouverts et les lèvres offertes, elle observait ce visage qui, tout contre le sien, prenait possession de tout son horizon. Vibrant en cadence, sa bouche s'animait avec une douceur masquant avec difficulté les irrépressibles envies concupiscentes qu'un seul des baisers nobiliaires savait faire naître dans l'instant.

Émouvant comme personne. D'une sensibilité troublante et d'une vérité déroutante, tel il était. Sous la fulgurance de l'élan martelant sa poitrine, les jambes de la gitane fléchissaient déjà, incontrôlables traîtresses appelées par le lit du sol. Fut-il gris. Fut-il sale. Fut-il froid et dur. Dangereuse étreinte s'il en était, alors que les doigts bruns s'entrelaçant au velours, le bout de la langue manouche jouait les fille de l'air en se déambulant paresseusement sur le fil tendu de la mâchoire choyée.


Le mots avaient donc du pouvoir. Et à cet instant le démontrèrent encore.

Reculant le visage pour mieux le voir, clignant des paupières incrédules ne sachant si elles devaient s'amuser de l’aveu ou s'en offusquer quand il rompait le fil délicat des baisers, elle souffla

Jaloux de mon époux ? Mais enfin pourquoi ?

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Aimbaud
Axelle s'amusait de la confession qu'il lui faisait et, lui, soupirait de plus belle, de plus en plus contrit. Les formes tièdes qui meublaient la paume de ses mains lui donnaient le courage d'un surhomme, l'abrutissaient de désir, et le plongeaient aussi dans un bain de mélancolie. Il respirait fort et cherchait ses mots, parcourant d'une main les reliefs de cette personne contre lui. Ses doigts se présentaient comme ceux qui frottent les pages d'un manuscrit, à la recherche d'une ligne en particulier inscrite sur la surface veloutée du parchemin, et qui parfois s'arrêtent avec hésitation sur un mot, ou sur le bord d'un ventre, ou sur le creux d'une gorge, ou sur la pointe d'un sein. Il courbait la nuque sous l'action de cette lecture, très attentif et ébahi d'envie.

Saurai-je vous aimer de la manière platonique ? Murmura-t'il contre sa joue. Votre enveloppe m'obsède autant que votre esprit... Lorsque vous parlez, j'aime les mots au moins autant que j'aime la bouche qui me les dit. Comment vivre en accord avec Dieu, sans désaccord avec vous ? Pourrai-je concilier ma foi et l'amour que je vous porte ? Par quel moyen ne pas vous porter préjudice ?...

Il l'enveloppait maintenant dans le large velours de son habit en la tenant contre lui et embrassait pieusement le côté de sa figure.

J'ai le désir de vous depuis l'heure de notre rencontre, il demeure vif en ma chair comme s'il était d'argent et ne pouvait rouiller... Las, si j'avais su vous aimer de tête, vous seriez épargnée du tournant qu'a pris notre péché et nos âmes se trouveraient sublimées de mutuelle amitié, sans qu'un innocent ait à souffrir par notre faute.

Sa réflexion l'absorbait comme s'il parlait seul. Il en était venu à contempler une mèche des cheveux gitans qu'il avait saisie comme une relique et qu'il portait à son visage pour la respirer.

Comme je brûle pour toi et combien je regrette que tu ne sois pas ma femme.
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