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[RP] « Mais aussi que diable allait-il faire, *

Aryanna
* Mais que diable allait-il faire en cette galère ? ... »
      - Cyrano de Bergerac, Acte V, Scène 6, Edmond Rostand



[17 Février 1464, à la mi-journée - Auberge Municipale]

Elle était là, dans cette chambre demandée à la Consola Loarwenn, le premier jour de son arrivée pour les rondes. La chambre était louée la dizaine, jusqu'au Samedi, certainement. Le temps d'une escorte à Foix, de confectionner une paire de bottes et elle reviendrait pour ses gardes. Mais là n'est pas le sujet.
Clés en mains, elle faisait les cent pas, la noire. Vêtue d'à peine une chemise informe, elle marchait, posait séant sur un rebord de fenêtre, marchait à nouveau... En prise avec elle-même, en prise avec ses vieux démons que seule une nuit de sommeil auraient pu chasser. Mais, là était le problème, rentrée au petit matin de sa ronde de la nuit, elle n'avait pu s'endormir. Tantôt se tournant et se retournant dans ce lit confortable, tantôt prise d'un vertige vertigineux, lorsque, par terre, elle regardait le plafond de cette chambre et commençait à fermer les yeux...

L'oiselle avait finit par se lever, laissant pour plus tard ce repos tant cherché. Ou plutôt, le laissant pour le lendemain. Car oui, c'était bien la veille qu'elle avait proposé au Sénher Sébastian de l'accompagner. L'accompagner où ? En forêt pardi ! Sa seule activité de ces derniers jours; sa seule activité réelle, hormis ses soirées en taverne et ses brefs passages au Conseil. Elle se reposait, ou du moins, elle essayait.
Enfin, le fait est qu'elle était là, à tourner en rond, à faire un semi-marathon dans cette chambre A se demander quelle mouche l'avait piqué pour qu'elle propose une marche en forêt à quelqu'un. Et pas n'importe qui ! Un homme ! Un blond de surcroît ! Un fou, pour finir. Car il avait accepté, sinon nous n'en serions pas là !
"La pauvrette", comme aurait dit Cerièra, était donc bien faite... Et on aurait presque pu penser qu'elle agissait comme une femme, à tourner en rond, réfléchir à une tenue qui la mettrait en valeur, se coiffer, s'apprêter. Mais Non mes lascars ! Grave erreur ! Elle se demandait bien par quel subterfuge elle allait trouver L'homme, car la donzelle n'avait pas même une idée de où il habitait...




[Milieu d'après-midi - dans les rues de Castres]

L'Idée avait été trouvée, finalement ! Enfin ! Et la noire avait presque faillit sortir en courant de cette chambre, à peine vêtue, pour pouvoir expérimenter son idiotie.
Mais, en ouvrant la porte, le léger courant d'air qui avait caressé ses cheveux et ses jambes, lui avait rappelé que : 1. ce n'était pas une tenue pour sortir, 2. elle finirai par attraper la mort. La porte avait donc été refermée bien prestement, de peur de croiser quiconque dans ce couloir. Imaginez sa tête et celle de la personne en face...
A la paire de braies enfilée avaient suivies les bottes et une ceinture. La noire n'avait pas même prêter garde à troquer cette chemise trop grande pour elle et qui glissait parfois de l'une de ses épaules, qu'elle avait mis son col, pris son bâton et sa besace. Et hop ! Dehors !

Après avoir parcouru quelques rues sans succès, la noire avait finalement trouvé ce qu'elle cherchait : un groupe d'enfants ! Après s'en être approchée, elle leur avait tous confié LA mission du jour. Et ils s'étaient enfuit en courant, aussi rapide que des lièvres, aussi amusés que des singes à timbales et aussi excité que peuvent l'être des enfants lorsqu'on les autorise à faire des bêtises.
Prenant leur suite, Aryanna alla, elle aussi, s'établir dans son quartier d'affectation. Un enfant dans chaque quartier de la ville, parfois deux. L'un près de l'Église, l'autre au marché, certains dans des coins plus reculés, ou de tavernes, et elle, elle était près des lices et derrière chez Loarwenn. Il serait bientôt temps du concert improvisé, à en faire trembler les murs de Castes, réveiller les morts. Ou... au moins, faire réagir des hommes concentrés.
Prêt ? 1, 2, 3. En chœur !

"
Sébastiaaan ! "

L'appel serait réitéré deux ou trois fois, le temps qu'il réagisse. Ensuite, il serait temps de découvrir le quartier où il vivait. Mais cela, elle espérait bien le découvrir grâce à un enfant. Car celui-ci pourrait la guider, ou bien guider le charpentier fort occupé...

_________________
Sebastian.
* Un faux !… Méfiez-vous ! Parce que, les Gascons… ils doivent être fous :
Rien de plus dangereux qu’un Gascon raisonnable...
*

Cyrano de Bergerac, Acte IV, Scène 3, Edmond Rostand




[17 Février 1464, milieu de matinée - Atelier de Sébastian]

Du parquet, des buffets, des bureaux, à peine sorti de retraite, il avait retrouvé de quoi s'occuper grâce à la Consola, et ça lui allait bien . Seul soucis, il était du coup débordé, et les allers retour au Capitole n'y arrangeaient rien. Aussi il rata une première fois le rendez-vous d'Aryanna, mais ce n'était pas grave qu'elle disait . Et puis il la croisait à l'Auberge, le soir .
Mais hier il avait vraiment... merdé, c'est le mot, à peine la soirée entamée, sur les coups de la mi nuit, il s'était endormi, tout simplement, dans le troquet, près du feu . " Alors là t'as fais fort mon grand " Il ressassait cela depuis son lever le matin, s'endormir en taverne, c'était bien la première fois . " Un coup tu oublies, un coup tu t'endors " La matinée allait être longue, entre sa conscience et lui .
D'ailleurs pourquoi était-ce si long d'attendre le moment où il la verrait, pourquoi était-ce toujours si long les moments passés loin d'elle à travailler ? Mystère, et puis si une fille compliquée comme elle l'a invité à se promener, elle doit être fort cultivée, il lui demandera elle sait sûrement, mais si lui connait déjà la réponse .


Mais le temps passait plus lentement que d'habitude aujourd'hui, l'atelier se nettoyait plus lentement, les outils il fallait aller les chercher, enfin, son jeune apprenti était mal réveillé !
" Machin là, active toi, on avance pas ! " pas de réponse, d'habitude le fils du cordonnier a toujours une réplique cinglante et totalement irrespectueuse à lui soumettre comme approbation. Mais il travaillait bien et se montrait volontaire, parfois, pas tout le temps, jamais en fait . Il l'avait prit parce que son père lui devait l'or d'un nouvel établi, qu'il ne pouvait payer. Le voici donc avec le meilleur apprenti charpentier du Royaume. Mais là ça répondait pas, malade? Souffrant ? Mort ?!

[Milieu d'après-midi - Atelier de Sébastian]

" Bon bah finalement, je me débrouille mieux tout seul. " C'est vrai qu'il avait travaillé seul toute sa vie de charpentier, mais le cordonnier avait refusé qu'il lui offre le meuble .
Têtus les Castrais, pour lui qui vivait ici depuis quelques années, mais dont la plupart avaient été passées en retraite, le tempérament restait à cerner.
S'inquiétant du destin de son jeune poulain, qui malgré son peu de volonté faisait un travail exquis de précision, il décidait d'y aller ce soir en passant en ville, c'est à deux pas .
Le marché et la mairie pouvant être bruyants, il s'était installé à la quasi périphérie de la ville, en face de la maison de la consola, mais de l'autre côté de la fontaine. Seules les après midi où le vent soufflait de l'Est devenaient capharnaüm, mais aujourd'hui, la neige tombait à la verticale, et il n'y avait pas un bruit dans la ville .
Fort bien, il devait finir une bibliothèque ornementée, et pour ça il fallait du calme pour qu'il puisse graver les ornements !
Petit marteau, cisaille, et c'est parti. Travail de précision, finesse et ...


" Sébastiaaan ! "

Le coup de marteau part, la cisaille ripe, le motif est foutu. Le cri ne ressemblait pas à une alerte, ni à une urgence, mais plutôt le cri d'un enfant . Que se passait-il donc, on attaque les enfants maintenant ? Pas étonnant vu l'état des défenses du comté .
Il sorti après avoir passé son mantel et son chapeau, et croisa une jeune fille à peine plus haute que sa jambe .


" Que se passe-t-il ? Il y a un problème ?!
- Oh non alors messer Sébastian, zuste une daunà qui vous serche pour on ne sait quelle mission ! Elle ne savait pas où vous trouver !
- Et bien va donc la chercher, et ramène là ici !
"

Sébastian était surpris, il connaissait le tempérament parfois extrême dans les réactions d'Aryanna, mais là elle battait des records, mettre les moins de 14 ans de la ville à sa recherche, ça se paiera !
Ne sachant pas si elle les avait envoyé et avait attendu, ou si elle cherchait aussi, il avait préféré renvoyer la jeune fille qui saurait sûrement où la trouver, et la raccompagner à sa porte, lui qui au final, est au milieu de tout dans cette ville .

_________________
Aryanna
« J’arrive – excusez-moi ! – par la dernière trombe.
Je suis un peu couvert d’éther. J’ai voyagé !
J’ai les yeux tout remplis de poudre d’astres. J’ai
Aux éperons, encor, quelques poils de planète !
Tenez, sur mon pourpoint, un cheveu de comète !… »

      - Cyrano de Bergerac, Acte III, Scène 8, Edmond Rostand



[Aux abords des Lices...]

Elle tournait en rond, guettant le moindre passage, la moindre sortie dans ce quartier où pas même ces cris, ces appels, n'avaient trouvé échos. Personne ne devait être chez lui, tous devaient travailler à cette heure. Aussi elle n'était donc au bon endroit, ou bien l'homme s'était endormi, comme la veille. Allez savoir pourquoi. Elle s'était approchée, peut-être un peu trop vivement, et il s'était pâmé. Et pouf !
Il n'y avait pas à dire, c'est bien la première fois que cela lui arrivait. La première fois qu'elle approchait un homme de si près - hormis le Roy - et la première fois qu'elle en faisait s'endormir un. Car, dans les faits, il s'était bien endormi, en réalité. La chose aurait pu hautement la vexez, mais il n'en était rien. Au moins, à présent, la noire connaissait son côté hautement soporifique. On pourrait même l'appeler "le somnifère", ça sonnait bien...

L'oiselle était toujours là, soufflant sur des flocons de neiges, à se demander ce qu'elle pourrait bien inventer encore pour trouver l'habitation du charpentier... Elle désespérait même de voir revenir un enfant pour l'aider. Enfin, elle finirait bien par trouver un jour ! Si possible avant la nuit... Une balade en forêt, en pleine nuit, ce n'était jamais la meilleure idée qui soit, et de loin.
Attendre encore... C'est la mine un peu renfermée qu'elle se décida toutefois à aller acheter du massepain* et du pain d'épice au Sénher Stefans, qui, en plus d'être l'époux de la Consola, était boulanger. Après tout, il n'était qu'à trois pas de là, et c'est toujours à lui qu'elle achetait son pain lorsqu'elle était à Castres. A l'issue de cela, elle remonta la rue, la donzelle, songeant bien qu'elle finirait par trouver un enfant et lui donner pâtisseries pour toute la bande. Une sorte de paiement pour service rendu et aide apportée.

Et, c'est alors qu'elle glissait une main dans sa besace pour y prendre son morceau de pain d'épice, qu'elle en mordait un bout et que cela lui remémorait la Saint-Noël de Foix, qu'elle vit cette petite demoiselle haute comme trois pommes courir vers elle, poupée de chiffon à la main. Au vue de comment elle agrippait sa main et lui demandait de la suivre, Aryanna comprit donc qu'ils avaient trouvé. Aussi la suivit-elle en marchant rapidement, emportée par l'énergie de la jeunesse...




[Quelques minutes plus tard - devant l'Atelier]

La course folle de l'enfançonne s'était bien vite stoppée nette, une fois arrivée au croisement de la rue. Au croisement de la Rue d'Aristote et de celle non-nommée. Entre Aristote et le Sans-Nom. Fallait-il y voir là un signe ? Fort bonne question, mais la noire n'avait pas même fait attention.
Ainsi, un peu plus tôt, n'avait-elle été que si près et pourtant si loin de ce but ? A une rue et demi près, elle y était ! La jeunette lui avait lâché la main et avait couru jusqu'à la maison d'où était sortie l'homme, d'après ce qu'elle disait de sa voix fluette. Et, à peine qu'elle avait pu dire ouf, ou même approcher tout à fait, l'enfant avait toqué et avait commencé à se carapater ! Sérieusement ! Elle se carapate, alors qu'elle a des gâteaux plein sa besace !
Lui courant une seconde après, l'attrapant au tournant, Aryanna la reposa à terre et lui confia les sucreries, tout en précisant bien qu'elles étaient pour tous et qu'il fallait partager ! Une fois l'affaire conclue et un sourire complice échangé, que la demoiselle était repartie à vie allure, les bras chargés, et, l'Aryanna, elle, avait entreprit de remonter la rue jusqu'à l'Atelier. Il n'y avait plus qu'à espérer que Sébastian n'ait eu le temps d'en sortir pendant sa course poursuite avec l'enfant. Sinon, une fois arrivée à la porte, elle frapperait à nouveau...



* Sorte de petite tarte fourrée à l'amande.
Libro de arte coquinaria, Maestro Martino, 1450

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Sebastian.
"Veux-tu me compléter et que je te complète ?
Tu marcheras, j’irai dans l’ombre à ton côté :
Je serai ton esprit, tu seras ma beauté."

- Cyrano de Bergerac, Acte II, Scène 10.



[ A l'atelier, après avoir laissé la fillette partir]

Voilà donc des mesures qu'ils n'avait pas habitude de voir être pratiquées ! Mais il souriait, heureux.
La veille il s'était endormi au coin du feu, dans ses bras, en pleine Auberge. La fatigue l'avait pris d'un coup, comme la mort prendrait un nouveau né, tant il était calme et serein avec elle . En trente ans il n'avait jamais ressentis ça, et encore moins pour une si jeune femme. Dix ans, cet écart qui lui faisait peur, dix qu'elle passerait seule quand ils atteindraient l'âge avancé... Mais elle était posée, sérieuse, et investie dans sa vie au comté. Peu de gens comme elle montraient autant de maîtrise et de serenité dans leur vie .

Se doutant de ce qui allait advenir, il enfila ses habits chauds. Son mantel fétiche était manquant, il le lui avait prêté, elle qui montait la garde à Castelnaudary à peine vêtue pour cet hiver si long, si glacial. Chemise et gilet changés, bottes rembourrées enfilées, il alla ranger ses outils attendant que l'on revienne à lui.


Quelques instants plus tard

Un coup fluet, mais déterminé sur la porte. Le petite sans doute. Un rapide passage à sa commode pour prendre sa cape sur le bras, et le voila sur le point d'ouvrir la porte.
Mais l'en dehors lui attira le regard, la petite qui part en courant, Aryanna qui s'élance à sa poursuite. Étrange... Elles risquaient toute les deux de glisser sur un verglas, tellement sa rue était peu fréquentée, mais tout de même fréquentable.
Il enfile sa cape, met son chapeau et se tient sur le péron après avoir refermé la porte.

Voyant la belle sortir d'un coin de rue, il sourit paisiblement et avance dans le chemin. Toujours aussi rayonnante, lui donnant tout autant de plaisir par sa présence. Elle avait comme à son habitude une chemise trop grande, à croire qu'elle lui volait dans sa commode! Il se tint devant elle, attendant qu'elle arrive, et lorsqu'elle fut assez près, inclina doucement le visage.


Bonjorn Aryanna.
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Aryanna
« – Laissons, d’un seul regard de ses astres, le ciel
Nous désarmer de tout notre artificiel.
Je crains tant que parmi notre alchimie exquise
Le vrai du sentiment ne se volatilise,
Que l’âme ne se vide à ces passe-temps vains,
Et que le fin du fin ne soit la fin des fins ! »

      - Cyrano de Bergerac, Acte III, Scène 7, Edmond Rostand


Elle marchait doucement, la noire, vers l'atelier de Sébastian. Nez tourné vers le sol, elle regardait ses pieds, tout en continuant de manger son morceau de pain d'épice. Elle songeait tout en regardant ses bottes, avançant prudemment. Ni trop vite, ni trop lentement. Prise d'un doute, un instant. Alors elle chassait ses questionnements, revenait à ces bottes, tout en se disant qu'elles étaient usées. Puis, elle reprenait une petite bouchée.
La rue qui avait été franchie à vive allure, un peu plus tôt, alors qu'elle courait après l'enfançonne, fut donc remontée avec moins de rapidité. Nez toujours tourné vers la neige, les onyx glissaient sur la trainée blanche, alors que son morceau de pain d'épice se volatilisait tous les deux pas. Après tout, il fallait bien qu'elle mange et le pain d'épice redonnait toujours des forces, encore plus lorsqu'il était partagé entre amis, autour d'un vin chaud, sous une halle décorée. Son esprit naviguait donc entre Cerièra, toujours sur son bateau, quelque part sur la Garonne et Sébastian, qui l'attendait dans son atelier pour cette petite marche revigorante, cette balade improvisée.

Ce qu'elle n'avait pas remarqué, l'oiselle, c'est que le blond était sortie de chez lui et qu'il la regardait, qu'il l'attendait même. Et c'est en glissant le dernier morceau de pain d'épice dans sa bouche, relevant le nez, qu'elle l'entendit et le vit en face d'elle. Sursautant de stupeur, elle glissa sur le verglas, et cette fois-ci ne pu rien y faire. Adieu patin. Bonjour la neige ! Perdant l'équilibre, tombant en arrière, elle se raccrocha bien à la seule chose qu'elle avait à proximité... Sébastian. Le pauvre, lui qui n'avait rien demandé.
Dans sa chute, la noire avait poussé un petit cri "
Hii ! ", fermé les yeux et... pouf ! Et quand elle les rouvrit, elle rougit violemment. Elle lui tenait toujours le bras, le regardait dans les yeux, avant qu'elle ne finisse par bégayer...

"
Je... hum... Pardonnez-moi...
Bonjorn...
"

Et sa voix était partie telle un murmure. A la fois honteuse et mal à l'aise. Dire qu'elle avait pensé avoir perdu un peu de sa maladresse... Hé bien non ! C'est beau de rêver, mais... Ja-mais trop longtemps.

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Sebastian.
" Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce ?
Un serment fait d’un peu plus près, une promesse
Plus précise, un aveu qui veut se confirmer,
Un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer ;
C’est un secret qui prend la bouche pour oreille,
Un instant d’infini qui fait un bruit d’abeille,
Une communion ayant un goût de fleur,
Une façon d’un peu se respirer le cœur,
Et d’un peu se goûter, au bord des lèvres, l’âme ! "


Cyrano de Bargerac, Acte III, Scène 10 .


Sébastian vit donc arriver la jeune femme à son atelier, mâchouillant ce qui ressemblait à du pain d'épices. Ça lui faisait penser qu'il n'avait pas mangé avec toute ces histoires .
Il la regardait donc avancer, devinant une épaule dénudée sous son col, les cheveux à la limite de ce qu'on appelle "une coiffure"et quelques mèches au vent. Il essayait de rester aussi impassible qu'il lui était donné de faire. Mais il finit par décrocher un sourire en coin.
Il lui avait déjà déclaré son ressenti et ses sentiments. Elle lui avait avoué les siens, et il avait même appris que pas mal de gens au final savaient pour eux. Mais bon, la période des secrets était révoquée, et ils s'étaient promis de ne rien se cacher .
Elle avance, il lui sourit, plaque de verglas, glissade. Le bras agrippé, elle part en arrière, transfert de poids, Sébastian se retrouve tiré en avant.
La chute ne dure que quelques instants, et il se retrouve au dessus d'elle les genoux dans la neige, avec son bras toujours prisonnier de son étreinte.
Le temps se suspend, elle le fixe et s'excuse, il se retrouve à quelques centimètres de sa bouche, souffle court, le cœur qui tend à sortir de son thorax.
Il ne fera pas le premier pas, la voila en position de choisir, si par un baiser, elle va le délivrer .


... Ce n'est rien ...

_________________
Aryanna
« CYRANO. Je bondis, front baissé…--------------------------------
CHRISTIAN. --------------------------Nez au vent !---------------
CYRANO. ---------------------------------------------et je charge !
-----------------J’en estomaque deux ! J’en empale un tout vif !---
--------Quelqu’un m’ajuste : Paf ! et je riposte…---
CHRISTIAN.----------------------------------------------- Pif ! »
---
      - Cyrano de Bergerac, Acte II, Scène 9, Edmond Rostand


Séant à terre, elle ne bouge pas. Alors que la neige continue de tomber, elle reste interdite. Le vent souffle doucement dans ses cheveux, faisant virevolter les mèches éparses qui entourent son visage et se sont échappées de cette tresse grossière qui a glissé de son épaule pour rejoindre le sol, communiant maintenant avec la neige. Le contraste du noir et du blanc.

Séant à terre, elle le regarde. Ses onyx glissent sur son visage et elle le détaille, lui qui est si près d'elle à cet instant précis. Cet homme blond qu'elle n'a rencontré qu'il y a si peu de temps et qui, pourtant, prend bien plus garde à elle qu'elle ne le fait elle-même. Alors elle le détaille dans cet instant, au dessus du temps. Son chapeau qui recouvre ses cheveux blonds et courts, lui effleure le haut du crâne tant il est près d'elle. Ses yeux clairs qui la fixe d'un regard intense et profond, qui la fascine à lui en faire oublier qu'elle à le postérieur dans la neige. Elle respire à peine, son regard la trouble, l'envoûte, comme s'il allait chercher tout au fond de son âme, le moindre de ses secrets d'enfant. Mais son regard finit par glisser sur son nez aquilin, ses pommettes saillantes. Si elle bougeait la tête, dire qu'elle effleurerait son nez du sien...
Depuis, autant de temps qu'elle le connait - quelques semaines, en somme -, elle lui a toujours vu cet air déterminé, cette mâchoire volontaire, ce petit quelque chose qui lui donne l'air si sûr de lui. Ses yeux poursuives leur descente, d'un saut du plongeoir nasal ils atterrissent sur son goatee. Cette moustache et cette barbiche blondes, elles aussi, propres, entretenues, qui lui chatouillent les joues et le nez lorsque, parfois, il embrasse. Tout en songeant à cela ses yeux s'arrêtent sur ses lèvres entrouvertes. Depuis quelques secondes qu'elle le détaille la noire sent ce souffle chaud qui lui caresse les joues, mais n'y avait réellement porté attention. Toutefois, elle réalise, là, progressivement cette proximité entre eux. Et, alors qu'elle sent ce souffle caresser sa joue, que ses pupilles noires sont comme hypnotisées par ses lèvres, elle retient sa respiration. Son cœur commençant à faire des bonds dans sa poitrine, à cogner si fort qu'elle se demande si Sébastian peut l'entendre. Fasciner par ses lèvres, elle finit par reprendre son souffle, respirant par à-coup. Tiraillée entre son cœur et sa raison, entre démon et ange, entre le désir de poser ses lèvres sur les siennes et cette petite voix qui lui rappelle que ça n'est ni le lieu, ni la position, ni le moment, pour embrasser un homme. Cette petite voix qui ajoute qu'il serait inconcevable et absolument inconvenant que la noire se jette au cou du blonde. Alors qu'une autre part d'elle-même la tente, l'incite à se lancer, parce que la rue parait peu fréquentée, parce que tout en calme, parce qu'il neige. Pour son premier baiser sous la neige, en somme.
Séant à terre, elle finit par cligner doucement les yeux, ses onyx remontant se noyer dans les yeux clairs. Et elle rougit, légèrement, se demandant combien de temps s'était écoulé depuis qu'elle était tombé et l'avait entrainé dans sa chute, combien de temps elle l'avait détaillé ou avait fixé ses lèvres avec tant d'insistance. Et, finalement, elle avait fini par rompre ce silence assourdissant...

"
Nous devrions peut-être nous... relever ? "

Sa voix s'était éteinte, à nouveau, alors que ses onyx glissaient de ses yeux à ses lèvres sans même qu'elle ne s'en rende compte. La bataille sans pitié entre son cœur et sa raison... Jusqu'à ce que les deux tranches et qu'elle vienne déposer un baiser - En-Fin ! - sur... Tiin-tinn ! (oui c't'un bruit de suspense)... son nez.

_________________
Sebastian.
Le Bret : Eh ! mon Dieu, quelle est donc cette femme ?
Cyrano : Un danger, Mortel sans le vouloir, exquis sans y songer,
Un piège de nature, une rose muscade
Dans laquelle l'amour se tient en embuscade !
Qui connaît son sourire a connu le parfait.


Cyrano de Bergerac, Acte I, Scène 5.


De longues secondes, elle le fixe, de haut en bas sur son visage. Mais que diable cherche-t-elle ? Tantôt ses yeux, puis son visage tout entier.
Sébastian la fixe toujours, le souffle haletant, sa bouche entrouverte dégage une légère chaleur qui donne l'impression qu'il fume la pipe.
Le souffle court d'Aryanna l'interpelle, par à coup, est-elle mal? Est-elle souffrante ? Et puis elle recommence son inspection, comme si elle retenait son visage avant un long voyage. va-t-elle abandonner ? Va-t-elle l'abandonner ?

Et puis le sursaut, il faut se relever, il regarde autour de lui, rue déserte, pas un chat pour les voir dans cette déconvenue neigeuse. il pourrait la laisser contempler ses yeux ainsi toute la journée, il la fixe de nouveau, serre son étreinte, et tandis qu'il commence à la redresser. Un baiser sur le nez. Une habitude en somme, ce n'est pas la première fois qu'elle le faisait .
Il finit de la serrer à la taille, la relève, le regard plongé dans cette noirceur, ce vide, cette nuit qu'étaient ses yeux. On aurait pu croire à de la sévérité, à la dureté, au désespoir et à la haine en regardant ces Onyx, mais il avait remarqué, certains soirs, certaines nuits, durant certaines gardes, qu'ensemble, elle finissait toujours par faire apparaître une lueur, un quelque chose de pétillant, un espoir.
Il épousseta doucement les épaules de la jeune femme, pleines de neige, et s'approcha d'elle pour en enlever de sa mèche. Souffle court, à quelques millimètres de sa bouche, quelques grains de sable tout au plus, et s'approche, l'enveloppe de chaleur, dans ses bras.
Il n'est pas homme à s'engager à la légère, parole de Franchimont, parole tenue. Soldat, Maire, Capitani, Etats Majors royaux, rien ni personne ne l'avait fait une seule fois faillir à un engagement. Mais un baiser, que son cœur réclamait, et que sa raison approuvait, un baiser signe de reconnaissance, de sentiments, d'appréciation, d'amour...? Était-ce une bonne idée, de distribuer des baisers ? Et puis après tout c'était Aryanna, des dizaines de lettres, des aveux, des promesses.
Il s'approcha lentement, parcouru les derniers millimètres, les dernières poussières qui le séparaient de ses lèvres, le plus petit des gestes de sa vie, mais le plus long tant le temps semblait s'arrêter, la neige figée dans le ciel, son cœur à demi arrêté... Il déposa ses lèvres sur les les siennes, sucrées, sans doute le pain d'épice, et finit de réchauffer sans doute la seule partie d'Aryanna qui pouvait être gelée par cette chute enneigée, son cœur.

_________________
Marguerite.piou.piou
« Baiser. Le mot est doux.
Je ne vois pas pourquoi votre lèvre ne l’ose ;
S’il la brûle déjà, que sera-ce la chose ?
Ne vous en faites pas un épouvantement :
N’avez-vous pas tantôt, presque insensiblement,
Quitté le badinage et glissé sans alarmes
Du sourire au soupir, et du soupir aux larmes !
Glissez encore un peu d’insensible façon :
Des larmes au baiser il n’y a qu’un frisson ! »

      - Cyrano de Bergerac, Acte III, Scène 10, Edmond Rostand



C'est avec surprise qu'elle le laisse faire, qu'elle le laisse entourer sa taille de ses bras pour la relever. Si elle n'était pas aussi "perchée" elle aurait riposté. Une riposte, une remarque, de ce genre de chose qu'elle jette lorsqu'on la croit incapable de se débrouiller seule. De ce genre de chose qui jette un froid, instantanément, parce qu'elle a horreur qu'on la croit incapable de faire quoi que ce soit, parce qu'elle a horreur qu'on la croit fragile et frêle, quand bien même c'est une femme. Mais, cette fois-ci, elle ne dit rien. C'est bien la première fois. A se demander ce qu'il lui arrive. Et tout élément extérieur qui la connait se serait bien posé des questions.

Sa main, toujours agrippée à son avant bras, glisse jusque son épaule, alors qu'il l'enserre un peu plus et qu'il la redresse. Mais elle n'y prête pas attention, car, à nouveau, elle se noie dans ses yeux.
Une fois relevée, elle ne s'écarte pas, elle n'a pas remarqué encore cette nouvelle proximité entre elle, tant elle le fixe toujours. Lorsqu'il époussette ses épaules enneigées elle le remarque à peine, toute à sa noyade qu'elle est. Mais lorsqu'il vient glisser sa main dans une de ses mèche de cheveux, rompant, d'un mur charnel, son contact visuel, instinctivement, elle grogne. Grognement bien vite mis aux oubliettes lorsqu'il s'approche encore et vient la serrer contre lui.
A sa main toujours glissée sur son épaule, s'ajoute l'autre, en symétrie. Mais le nez levé vers son visage, elle ne cesse de le regarder. La bataille entre son cœur et sa raison a repris, plus ferme, plus forte, plus tonitruante encore. Or, l'issue n'est pas de son fait, au contact de ses lèvres sur les siennes, c'est le cœur qui gagne, qui chasse ainsi la raison. Alors la noire se hisse sur la pointe des pieds, glisse ses bras autour du cou de Sébastian et répond à cette caresse de velours par un baiser qui lui emballe le cœur, entre tendresse, timidité et douceur.

Au bout d'un instant l'oiselle se détache toutefois, le souffles court, les joues en feu, son cœur, qui bat la chamade dans sa poitrine, est heureux. Elle fronce le nez doucement et rit en se frottant légèrement la joue, murmurant d'une voix quelque peu altérée, faisant mine de ronchonner :

"
Vous me chatouillez ! "

Mais elle sourit, elle lui sourit, d'un de ces sourire radieux et rieur qu'elle n'adresse que peu souvent. Puis elle se détache de lui, de ses bras, et retire brièvement son chapeau du crane du blond, le secouant pour en enlever la neige. Ensuite elle l'y replace et vient glisser son bras sous le sien.

"
Il serait peut-être temps de commencer cette promenade.
Qu'en dites-vous ?
"

Et avant même d'attendre sa réponse, elle l'entraine. Ils parleront sur le chemin, s'il le souhaite, de tout, de rien, de la neige, ou... de pigeons volants.
Sebastian.
Elle fait de la grâce avec rien, elle fait
Tenir tout le divin dans un geste quelconque
Et tu ne saurais pas, Vénus, monter en conque,
Ni toi, Diane, marcher dans les grands bois fleuris,
Comme elle monte en chaise et marche dans Paris !...


- Cyrano de Bergerac, Acte I, Scène 5


Le temps s'arrête à Castres, l'histoire ne suit plus son court, les oiseaux s'arrêtent en plein vol, les fleuves se figent. Il l'a embrassée, mais elle, éternelle timide et réservée sur les choses de l'amour, la voilà qu'elle l'étreignait.
Son cœur s'arrêtait, il ne savait que penser, elle ne lui avait jamais avoué. Elle le tenait alors doucement, sur la pointe des pieds, et se reculait doucement.
Il sourit quand elle essaya de faire son air grincheux, mais oui il la chatouille, bien-sûr... Encore une excuse pour l'embêter .
Il dépose un baiser sur son front pendant qu'elle lui prend le bras, après avoir épousseté son chapeau.

Oui il était temps, dur retour à la réalité, il serrait donc le bras au quel elle était agrippée. Comme pour la rapprocher, pas un mot, un simple sourire avant de s'élancer, enfin de marcher, pour que personne ne tombe.
Ils traversent Castres, la neige craque sous leurs pas, quelle belle ville, hélas elle n'était pas d'ici, et il ne s'était jamais posé la question de savoir si un jours ils vivraient ensemble, ni où.
Jolie ville, où tous semblaient s'entendre, où tous échangeaient pour le bien fondé de leur municipalité. Le blond la tenait doucement, en allant vers la forêt, le regard hagard, pensant au Capitole, au travail. Il ne savait trop où tout ça allait les amener, mais il su, là à cet instant de leur histoire, que quoi qu'il advienne, quoi qu'il devienne, il ne serait heureux qu'avec la brune à ses côtés. Elle qui après un travail en amont de quelques personnes bienveillantes, avait finit de le convaincre de rester vivre ici. Elle qui lui donnait goût à la vie, elle qui l'encourageait, qui l'empêchait de vivre dans son atelier ou au consistoire.
Elle.

Ils arrivaient doucement devant la forêt, en lisière, le vent soufflait, sec et terriblement froid. Il avait peu bucheronné, aussi il n'en connaissait pas les secrets. Il passa sa cape sur les épaules de sa douce, de sa lumière, pour pas qu'elle n'attrape froid, pour ne pas qu'elle s'éteigne...


Où allons nous ensuite ?
_________________
Aryanna
« LA DUEGNE. L’on ira, demain, aux primes roses-------------------
-----------D’aurore, – ouïr la messe à Saint-Roch.----------------
CYRANO. -----------------------------------------------Ah ! mon Dieu !
LA DUEGNE. En sortant, – où peut-on entrer, causer un peu ?
CYRANO. Où ?… Je… mais… Ah ! mon Dieu !… »------------------

      - Cyrano de Bergerac, Acte I, Scène 6, Edmond Rostand


Elle marchait lentement, à pas mesurés, regard tourné vers ses pieds encore. Le bras glissé sous le sien, elle veillait à ne pas tomber et glisser à nouveau. Elle était maladroite, certes, mais mieux valait-il être maladroite seule plutôt que de l’entrainer une nouvelle fois dans sa chute. Sinon il finirait avec autant de bleus qu’elle.
Ainsi marchait-elle aussi silencieusement que lui, bien que parfois la noire levait le nez vers son visage, avant de revenir à la contemplation muette de ses bottes et de la neige qui s’affaissait légèrement à chaque pas et craquait ainsi sous leurs pieds.

La ville fut franchie à pas mesurés jusqu’à la lisière de la forêt donc. Ils avaient longé un temps l’Agout, pour la délaisser en se dirigeant vers l’orée du bois. Dans les faits elle n’avait jamais bucheronnée l’oiselle. Elle préférait marcher sous les arbres, lever le nez vers les cimes, apercevoir l’immensité bleue du ciel et s’asseoir même, n’importe où, pour profiter de l’atmosphère vivifiante de cette forêt, profiter du calme, écrire adossée contre un arbre, bercée par le bruit de l’eau.
Elle aimait particulièrement les forêts en hiver, parées de leur manteau blanc, fréquentées uniquement par quelques bûcherons aguerris, ou quelques fous, comme eux, comme elle surtout.

Toute à ses brèves pensées c’est la cape déposée sur ses épaules qui la fit revenir à la réalité. Elle aurait pu riposter à cet instant précis – comme si elle avait froid ! – mais elle se contenta juste de lever les yeux vers lui à nouveau, faisant mine de lever les yeux au ciel signe que non, elle n’était pas en sucre. Toutefois elle lui était reconnaissante, reconnaissante de prendre soin d’elle avant même qu’elle n’y songe un instant, reconnaissante d’être là, près d’elle. Oh, bien sûr, elle ne se l’avouerait pas maintenant, mais le constat été bien là pourtant.

«
C’est une surprise !
Je vais tâcher de vous faire découvrir un coin de la forêt que vous ne connaissez pas. Du moins je l’espère.
»

Esquissant un sourire, la noire l’avait entrainé avec elle. Ils avaient emprunté l’un des chemins usuels pour commencer, puis elle l’avait emmené à travers bois, au milieu des arbres. Ils avaient marché ainsi un petit moment avant de revenir sur les bords de l’Agout. Son coin de prédilection, à n’en pas douter.
Relâchant son bras, elle lui avait alors posé une question : «
Comment trouvez-vous l’endroit ? » et tout en sortant une petite couverture de sa besace, ainsi que son pain d’épice. La disposant près d’un arbre, elle avait fini par s’asseoir, attendant son ressenti, pour ensuite lui tendre un morceau de ce pain d’épice.

«
En souhaitez-vous ? »


[Désolée pour l’attente et le retard donc !]
_________________
Sebastian.
"CYRANO : J'errais dans un méandre ;
J'avais trop de partis, trop compliqués, à prendre ;
J'ai pris...
LE BRET : Lequel ?
CYRANO : Mais le plus simple, de beaucoup.
J'ai décidé d'être admirable, en tout, pour tout !"


- Cyrano de Bergerac, Acte I, Scène 5


Il la suivait, le blond, le bras serré contre le sien. Il voyait à peut près où elle allait, mais il avait plus l'habitude de travailler le bois que de le couper, aussi il s'y perdrait vite. Qu'à cela ne tienne, ils suivent l'Agout, la neige craquant sous leurs pas, seul bruit dans le lourd silence qu'est l'hiver en dehors des villes.
Le manteau hivernal dans les plaines du Sidobre était lourd, les journées ensoleillées rendaient le paysage impossible à regarder, tant la neige se faisait miroir de la luminosité.
Il revenait de ses pensées hivernales quand la brune l'entraîna hors des chemins usuels. A partir de maintenant il se perdrait sans elle, comme une métaphore de sa vie, de ce que ressentait son cœur.
Après un certain temps, elle lui relâcha le bras, ils étaient arrivés, au bord de l'Agout, maigre flux de vie intarissable qui passait à Castres, descendant de la source de la Salvetat...
Elle disposait une couverture près d'un arbre, s'asseyait et lui tendait du pain d'épices. Comment dire que cela faisait partie des maigres choses de la vie qu'il n'aimait pas.


Volontiers mercé !

Il se saisissait de la viennoiserie, il y a quelques années, il ne faisait pas le difficile sur les champs de bataille du Ponant, alors c'était pas aujourd'hui que ça allait changer. Quand c'est gratuit c'est meilleur !
Le blond s'asseyait en portant la nourriture à sa bouche, regrettant de ne pas avoir emporté de l'eau, au cas où ce serait trop sec. Il mit en place une technique ancestrale consistant à mâcher le plus longtemps possible, avant de déglutir le moins bruyamment possible. Il se rendit alors compte que se jetant sur la nourriture de peur de faire mauvaise figure, il avait oublié de répondre à la belle.


C'est un endroit de Castres que je ne connaissais pas, c'est ma foi très calme et apaisant, vous venez souvent ici?

Il se tournait doucement vers Aryanna, la contemplant et la dévorant du regard, les yeux du blonds de nouveau perdus dans la noirceur de la brune. Elle ne savait pas ce qu'il préparait, depuis quelques temps déjà, mais il ne voulait pas se presser, et juste savourer l'instant. Il lui prit la main, comme pour s'administrer à lui même une dose d'une drogue qu'il ne saurait oublier, le contact de la Brune, sa présence, sa douceur.

Au fait, passez vous un bon séjour à Castres?
_________________
Aryanna
« ROXANE. Chut ! – Rouge ou blanc ? – Du pain pour monsieur de Carbon !
– Un couteau ! – Votre assiette ! – Un peu de croûte ? – Encore ?
Je vous sers ! – Du bourgogne ? – Une aile ? »------------------

      - Cyrano de Bergerac, Acte IV, Scène 6, Edmond Rostand


Les yeux levés vers lui elle le regardait, morceau de pain d'épice toujours tendu vers lui. Elle le fixait. Elle n'aurait pu se douter à cet instant précis qu'il n'aimait pas cela, surtout qu'il le prenait. Si elle avait connu la chose elle aurait pu lui proposer autre chose et elle n'aurait certainement pas pris ombrage d'un "Non", après tout à chacun ses goûts. Surtout qu'ils s'étaient promis de toujours dire la vérité.
Lorsqu'il avait pris le morceau de pain d'épice et l'avait porté à ses lèvres elle avait sourit la noire, tout en en prenant un pour elle-même.


Le laissant s'asseoir à ses côtés elle avait continué de le fixer, plutôt que de laisser son regard courir sur l'eau, sur l'Agout. Et, comme un miroir, avait aussi mordu une première bouchée, bouchée bien vite avalée, contrairement à lui. Et elle continua de manger à petites bouchées silencieuses, avant de finalement se concentrer sur le flux inarrêtable devant eux. Quand il répondit à sa question, l'oiselle écouta avec attention, esquissant un sourire. Elle était heureuse de lui avoir fait découvrir cet endroit inconnu, même s'il n'était somme toute pas complexe à trouver et assez similaire à d'autres espaces; ce n'était pas un coin différent d'un autre, un espace singulier. Mais la seule raison pour laquelle elle revenait toujours contre cet arbre était le calme, le bruit sourd de l'eau qui coule, le touché des feuilles mortes ou de l'herbe humidifiée par la rosée du matin; ce sentiment d'infini et d'apaisement qui la submergeait à chaque fois qu'elle s'asseyait ici la donzelle.

"
Je viens tous les jours, au moins une fois.
A l'issue de ma ronde souvent et dans l'après-midi.
L'eau est fraiche, l'eau file et le lit n'est pas très profond, tout comme le courant n'est pas vif, ici.
Et... il n'y a jamais personne, non plus.
"

Ha... Elle aimait beaucoup cela, ses promenades en forêt, cette rivière. Elle aimait s'asseoir non loin du bord, sentir l'eau lui courir sur la nuque, rester immobile, genoux repliés sous son menton et se détendre en marge du temps...
Toutefois, c'est quand elle le senti se tourner vers elle que la noire laissa sa contemplation de l'Agout pour revenir à lui, laissant ses pensées aquatiques à d'autres instant où elle serait seule ici. Se noyant dans une autre étendue limpide, un infini clair encore plus envoûtant et chronophage, car l'oiselle aurait pu rester à le regarder, rester plongée dans ses yeux une éternité.
Toujours plongée dans ses yeux elle le laissa prendre sa main sans même s'en apercevoir, alors qu'elle portait le dernier morceau minuscule de sa tranche de pain d'épice à ses lèvres, tout en hochant doucement la tête...

"
Oui, très bien. La ville est accueillante, calme et animée à la fois.
Et les Castrais sont fidèles à eux-mêmes. Mais sans doute dis-je cela parce que je les connais pour la plupart.
"

Lui adressant un sourire elle alla glisser sa main valide das sa besace pour en ressortir son pain d'épice. Elle ne savait pas pourquoi mais elle avait faim, aussi avant d'en prendre un nouveau morceau elle lui tendit...

"
Un autre ? "

Puis, rompant finalement la connexion des regards Aryanna laissa fureter ses yeux alentours, avant de s'adosser au chêne derrière eux, levant les yeux vers le ciel.

"
Outre son côté calme et apaisant, aimez-vous l'endroit ?
Vous m'avez dit hier, 16 de fébrièr, que vous n'aviez l'habitude de venir vous y promener, dans cette forêt.
"
_________________
Sebastian.
Loin de ce monde obscur,
vulgaire et mensonger…
…il existe un pays pour
les coeurs raffinés.
Loin de ce monde amer
violent et tortueux…
…il existe un pays pour
les amants heureux .


- Cyrano de Bergerac


Sébastian se tenait près d'elle, la brune de Foix, le soleil commençant à percer le maigre feuillage du chêne derrière eux. Il l'écoutait paisiblement, le blond commençait à la connaître, et du fait il savait plus ou moins ce qu'elle répondrait, sur son goût des promenades et des instants laissés à la détente après le labeur .
Se laissant petit à petit prendre par le calme ambiant, et se détendant près d'elle, il l'écoutait lui tenant la main. Il l'écoutait lui dire qu'elle venait souvent, pour la fraîcheur et l'aspect inconnu du lieu, personne ne venait la déranger, alors personne ne viendrait les gêner. Il l'écoutait exprimer son besoin de trouver le calme, elle disait que c'était pour sa ronde, mais le maire de Castres savait que c'était plus ses joutes verbales au conseil qui la fatiguaient... Il l'écoutait...
La fixant toujours, il lui souriait à demie mesure, ne voulant pas en laisser paraître trop, il effleurait de son pouce le dessus de sa main en lui offrant une caresse aussi discrète que peu intrusive.


Je suis heureux que la ville vous plaise, et qu'il n'y ait pas trop de changement pour vous, au moins comme ça le changement à la municipalité ne déroute pas.


Et alors qu'il finissait de répondre, la sentence tomba, une main encore prise de liberté se glisse vers la besace de tout les maux, et en ressort du pain d'épice. Le blond lui sourit, bouche fermée, les molaires encore prises d'assaut par les miettes de la précédente part.


Oh non mercé, je suis repus !

Entrechat verbal, sourire tout droit sortit de ses expériences politiques, et on repart comme en 56 ! Elle lui demande alors si il aime l'endroit, lui qui va si peu dans la forêt en dehors du travail.

J'aime beaucoup cet endroit, vous voici guide d'un magnifique fief Aryanna. Cependant en effet, je m'y promène peu, je vais en forêt pour couper du bois, mais bien rarement en dehors des sentiers, je ne m'éloigne pas trop si je dois vite rentrer à Castres...

Le voici à côté d'elle, instant précieux, les questions sont closes, les sujets de convenances sont passés. Elle regarde le ciel, comme si elle ne savait pas que les joyaux se trouvaient sur terre, au pied d'un chêne d'une forêt traversée par l'Agout. Comme si elle ne savait pas que le plus beau des rêves, était près de lui.
Sébastian tourna le regard vers le flux sans fin de la rivière, se disant qu'elle avait du en voir des évènements celle ci depuis les siècles, mais qu'elle allait être le témoin d'un autre dans les secondes qui allaient suivre.
Car voilà des semaines qu'ils s'écrivent, des jours passés ensemble, à se sourire de loin, à se serrer doucement le soir, Des heures à se parler et prendre soin de l'autre, des minutes longues laissées pour compte au détriment de la nuit, parfois jusqu'à l'endormissement, des secondes, à l'aimer.
Le blond s'était interdit bien des choses dans la vie depuis le drame en Bretagne, il ne s'était pas empêché de vivre, mais s'était empêché de compter sur quelqu"un. Et pourtant voilà que maintenant, il est éprit d'une douce, si douce, vicomtesse, qui l'avait empêché de tomber à nouveau dans le démon de la guerre, de partir si loin d'elle. Elle le poussait à se surpasser, lui amenait une dose de tempérance que jamais nul autre n'avait réussit à lui inculquer. Lui, le bouillant Cathare, qui se voyait aidé et soutenu par la plus calme des femmes de France.
Et lui que pouvait il bien lui apporter, si ce n'est un soutien sans faille comme il savait le faire, à chaque instant où elle était démoralisée ou démotivée. Il ne savait dire si elle savait, elle, ce qu'elle lui apportait, mais encore plus, si elle savait, qu'il agissait dans l'ombre, furtivement, afin de toujours, par monts et par vents lui proposer une épaule, pour la soutenir, la recueillir,être là .
Voilà plusieurs minutes qu'il était perdu dans ses pensées, perdu dans l'Agout scintillante au soleil... Et pour la première fois de sa vie il n'arrivait à reprendre le dessus sur ses pensées, avec son esprit si pratique, tangible, carré. Il tourna la tête vers Aryanna, en se relevant doucement, la tirant vers lui, debout.


Je dois vous dire quelque chose,

Instant suspense, il savait qu'elle détestait quand il tournait autour du pot, encore plus quand il disait cela par courrier, allongeant le temps avant d'avoir une réponse . Il reprit ses esprits après cette incartade spirituelle, glissant sa deuxième main pour écarter une mèche devant les yeux de la noire.

Comme vous le savez, je suis épris de vous, je ne puis le cacher, et ne peux plus vivre avec ce que j'ai sur le cœur et dans l'esprit . Je ne puis imaginer vous perdre un jour, tout comme je ne puis imaginer vous délaisser et vous oublier.
Je vous aime Aryanna, quel que soit le rang de votre naissance, ni même quel que soit celui à venir. Je serais prêt à tout pour vous protéger, vous aider, vous aimer, si tant est que vous l'acceptiez...


Le blond posa un lourd genou à terre, un doux vent du sud faisant frémir les branches et déposer un trait du lumière dans ses yeux pétillants, comme animé par la volonté de réussir le combat d'une vie.
Il ressassait sa naissance, durant le voyage de ses parents dans le Saint Empire, il se remémora leur retour en Armagnac, lorsque celui-ci fut repeuplé, il se rappela la guerre, l'amour, la paix, la haine. Il revoyait ses débuts de politicien en Gascogne, Bayonne, le Duché, il revoyait le long voyage d'exil dans les pays Celtes jouxtant l'Angleterre. Son retour, le Toulousain, la retraite, et la renaissance. Tout ces moments, en y pensant, comme si il était sur son lit de mort, il aurait aimé les vivre avec elle, elle qui lui aurait toujours soumis les bonnes décisions, et lui aurait évité tant de drames.
Mais comme un vivant, son cœur reprenait vie, malgré sa tentative de s'arrêter tant les secondes à venir allaient être difficiles, il voyait l'avenir, une maison, un domaine, qu'importe, il la voyait elle, à ses côtés, il voyait la vie et l'espoir, l'amour et la promesse d'être là. Il voyait sa vie se dessiner près d'Aryanna.


... Voulez vous m'épouser ?
_________________
Aryanna
« CYRANO. « C’est pour ce soir, je crois, ma bien-aimée !
« J’ai l’âme lourde encor d’amour inexprimée,
« Et je meurs ! jamais plus, jamais mes yeux grisés,
« Mes regards dont c’était… »
[...]
« … dont c’était les frémissantes fêtes,
« Ne baiseront au vol les gestes que vous faites ;
« J’en revois un petit qui vous est familier
« Pour toucher votre front, et je voudrais crier… »

      - Cyrano de Bergerac, Acte V, Scène 5, Edmond Rostand


Elle avait esquissé un sourire face à sa réponse. Comme si un changement au poste municipal pouvait dérouter qui que ce soit. Loarwenn souhaitait laisser la place, passer la main et elle cherchait à trouver un repreneur fiable et droit. Sans nul doute, qu'elle resterait tout de même à veiller au grain, au début, aider comme il lui était possible, avant de laisser les choses aller. Les élections seraient dans très peu de temps, deux semaines et Sebastian était, pour l'heure, le seul candidat en lice. Qui pourrait penser une seule seconde qu'un changement de maire à Castres pourrait amener tant de modifications ? Après tout, les Castrais étaient tous de la même trempe, même s'ils venaient d'un peu partout, entre une bretonne, un gascon, un bleu, une blonde et tous les autres qu'elle connaissait moins, ils partageaient les mêmes idées, les mêmes valeurs, même s'ils pouvaient se prendre le chou quelque fois, évidemment.

Son nez s'était froncé toutefois en voyant son sourire refusant le morceau de pain d'épice tendu. Morceau qui avait rejoint sa bouche à elle. Ce sourire, elle l'avait connu déjà, pas chez lui toutefois, mais sur bien d'autres... politiciens. Il y avait donc anguille sous roche et elle n'aimait pas cela, du tout. Tout en mangeant son morceau de pain d'épice elle se posait donc des questions, se demandant bien ce qu'il venait de se passer. Pourquoi ce sourire ? Que se passait-il ?
La noire se souvenait très bien des débats politiques auxquels elle avait assisté tout au long de ses voyages, ces sourires faux, ces sourires qui cachaient la vérité. Elle se sentait désemparée tout à coup. Adossée à son chêne, le nez levé vers le ciel, elle mâchait toujours son morceau de pain d'épice. Elle avait l'impression de manger de la sciure tout à coup, que tout était devenu terne, sans goût, fade, morose. Morose, oui, c'était tout à fait ça. Clignant frénétiquement des yeux, elle se sentait mal tout à coup. Elle ne comprenait pas. Elle essayait de décortiquer la moindre des choses qu'il s'était passé durant l'après-midi. Depuis qu'elle l'avait retrouvé devant chez lui et s'était cassée la binette avec lui, jusqu'ici. Elle analysait tout ce qu'il s'était passé depuis lors et plus elle cherchait, moins elle ne comprenait.

Toute à sa réflexion l'oiselle n'avait même pas écouté la réponse à sa question. Incapable de même un seul mot elle était poursuivie par ce sourire, n'arrivant pas à se l'ôter de la tête. Sa main était devenue lâche, inerte, dans la sienne, alors que ses yeux se perdaient dans le ciel, dans cette étendue bleue. Elle avait fini son morceau de pain d'épice sans envie, parce qu'il était hors de question de le jeter, alors qu'elle n'arrivait pas à comprendre.
Parfois, une petite voix venait lui souffler qu'elle avait peut-être rêvé, alors qu'une autre venait la mettre en garde. Elle se trouvait plongée dans une nouvelle bataille intérieure. Ponctuée d'avis contradictoires. D'une part l'une la rassurait, elle avait sans doute mal compris ce sourire, de l'autre, la seconde lui rappelait qu'elle avait déjà vu cela et la première surenchérissait sur le fait qu'il avait promis de ne jamais lui mentir. Et la voix de la raison gagnait en puissance. Elle tâchait de se persuader peu à peu qu'il n'y avait rien, même si, en son for intérieur, elle ne pouvait rejeter l’angoisse d’un problème, l’angoisse d’avoir fait quelque chose de mal. Sauf qu’elle ne comprenait pas quoi, ni quand.
Et l’angoisse enfle, peu à peu. Ses yeux clignent toujours aussi frénétiquement. Son souffle est saccadé, alors qu’elle essaie de se contenir, alors qu’elle sent une boule la prendre à la gorge, les larmes lui monter aux yeux, le teint pâle.

Toute à son entreprise de ne pas lâcher prise et de lutter contre ses propres faiblesses, la donzelle ne se rend pas compte qu’il bouge à côté d’elle. Elle ne fait plus attention à quoi que ce soit depuis un petit moment, ne s’étant même pas rendue compte que le soleil a percé la cime des arbres et que ses rayons glissent jusque sur terre, en une constellation lumineuse sur l’herbe et la neige. Mais c’est lorsqu’il se redresse et l’emmène avec elle, qu’elle repose les pieds sur terre, inspirant profondément afin de faire taire tout ce à quoi elle pense. Elle essaie de se reconcentrer sur lui et ce qu’il a besoin de dire. Peut-être est-ce une réponse à ses questions ? Peut-être va-t-il lui expliquer ce qui arrive, ce qu’il s’est passé ? A moins qu’il ne se soit rendu compte de rien et que ce sourire soit automatique. Que celui-ci soit la marque de certaines situations. Mais alors… lesquelles ?
Elle l’écoute avec attention, yeux ouverts, souffle court mais le plus calme possible. Certes, elle n’a jamais aimé que les gens ne soient pas directs et qu’ils tortillent du… séant pour dire les choses, mais, à cet instant précis, elle donnerait beaucoup pour ne pas savoir. Car elle craint ce qu’il va dire, prise d’une nouvelle angoisse soudaine. Et pendant qu’il reste muet, elle se sent mal. Ayant toujours eu la capacité à toujours voir les choses de la manière la plus pessimiste du monde, elle croit à cela une nouvelle fois. Après tout, peu de bonnes choses lui sont arrivées dans la vie. Toutes celles qui ont commencées dans la joie ont toujours connu une fin macabre ou se sont terminées dans la peine la plus vive… Mais elle tâche de faire face, le détaillant à nouveau, pendant que ses yeux mangent son visage pour ne pas l’oublier. Alors que la seconde main du blond vient la recoiffer.

Enfin, après ce qu’il lui a paru être une éternité, il reprend la parole et elle retient son souffle, ferme les yeux, s’attendant à une révélation qui fait mal, un coup en plein cœur. Elle se crispe à chaque fois qu’il reprend son souffle, s’attendant au « Mais » tonnant et tonitruant. Toutefois ce n’est pas ce qu’il se passe, elle prend peu à peu conscience de ses paroles, au fur et à mesures qu’elle met les mots bout à bout. Alors elle reste interdite, incapable de prononce un mot tout d’abord, puis elle ouvre des grands yeux lorsqu’elle le voit poser genoux à terre ; alors qu’elle comprend tout à coup ce qu’il se passe. Et la compréhension prend encore davantage d’ampleur lorsqu’il prononce ces quatre petits mots inattendus.
Mais elle reste silencieuse, incapable de prononcer quoi que ce soit, encore sous le choc. Elle le regarde, yeux écarquillés,le teint toujours aussi livide parce qu’il n’a eu le temps de reprendre de ses couleurs. Et elle ne sait pas quoi faire. A nouveau elle est prise entre deux mondes, entre deux univers, à la merci du cœur et de la raison, d’une petite voix douce qui lui crie « OUI ! » avec force et vacarme, alors que l’autre, mesurée, lui intime de dire « Non », parce que c’est trop tôt. Est venu donc le temps de l’hésitation. Et alors que les larmes coulent doucement sur ses joues, sans qu’elle ne s’en rende même compte, tant le soulagement est grand, elle le fixe sans le voir. La seconde bataille a commencé. Prenez d’une part le cœur qui lui chuchote doucement : « - Tu l’aimes, tu le sais, il le sait, tout le monde le sait, dis Oui ! », alors que la raison contre, avec logique : « - J’émettrai plus de réserve sur la question. Vous vous connaissez depuis quoi… deux semaines ? Et déjà ? Devrais-je te rappeler que la plupart des mariages d’amour s’effritent au bout de quelques mois dans ce royaume ? Qui sait ce qu’il va se passer ensuite ? Ce qu’l adviendra quand il prendra la suite de la mairie, quand cela fera deux mois que le Comtat est au bord de la crise chaque jour durant ? Qu’adviendra-t-il lorsqu’il te trouvera terne et fanée ? » Et la raison poursuit sur sa lancée, quand elle vieillira, qu’elle sera vieille et fripée. Que se passera-t-il si elle change, s’il se détourne vers quelques autres femmes plus jolies, plus ouvertes, plus souriantes, plus spontanées, plus expressive, plus… tout. Elle ne s’était jamais beaucoup confiée à qui que ce soit, depuis l’arrivée à Foix cela avait un peu changé entre Cerièra et Manon, mais elle n’était que toujours aussi peu douée pour parler de ses sentiments, de ce qu’elle ressentait, de beaucoup de choses. Elle avait toujours préféré parler d’autres choses que d’elle-même.
Un mois. A peine. Cela faisait si peu de temps qu’ils s’écrivaient tous les jours, à chaque pigeon reçu. Qu’adviendrait-il dans un mois, deux, ou trois ? Elle ne savait que trop bien ces choses, elle avait toujours eu peur de cela : la lassitude. Car la lassitude gagne le cœur des hommes en moins de temps que l’amour lui-même est apparu. Même si elle savait que Sébastian n’était pas de ces hommes-là à virevolter au gré du vent, au grès des femmes, elle ne pouvait qu’avoir peur d’elle-même de, sa personnalité. Parce qu’elle a beau être calme et réfléchit, nombreux sont ceux qui la considèrent comme froide, frigide même, sans cœur, j’en passe et des meilleures. Elle a le divorce pour hantise, en enfant abandonné, elle ne saurait faire subir la moitié de ce qu’elle a vécu à une petite âme sans défenses.
Un mois qu’ils s’étaient rencontrés, la noire lui avait à peine avoué qu’elle l’aimait, la veille au soir, à l’issue de son baptême. Tout cela allait, vraiment, bien trop vite pour elle tout à coup. Mais comment faire ? Un simple « Non » n’était pas acceptable, un « Oui » était impensable, pas si vite. Il fallait de la mesure, du tact, de la sincérité. Elle était pourvue de deux éléments sur trois, aussi devrait-elle essayer de trouver ses mots et travailler ce tact qui lui manque cruellement quand il s’agit d’amour. Le sujet dans lequel elle est la plus nulle du monde.

Après l’essuyage furtif de ses joues, le soulagement étant passé, les vannes ayant été refermées, Aryanna posa elle aussi genoux à terre – les deux –, déposa un baiser léger au coin de ses lèvres, avant de venir enrouler ses bras dans son dos et le regarder dans les yeux. Il était temps de dire tout haut le fruit de ses cogitations.

«
Vous allez… trop vite, Sébastian.
Je… Je sais que ce n’est pas ce que vous souhaitiez entendre, mais…cela fait à peine un mois que nous nous connaissons
– et encore c’était plutôt même deux semaines, mais la précision… qui s’en chaut ? – vous brûlez les étapes.
Vous n’avez vu qu’une infime partie de mes défauts, ne connaissez pas l’immensité de mes mauvais côtés.

Je ne suis baptisée que depuis hier et déjà vous souhaitez m’épouser…
Je ne suis pas même noble encore
– parce que cela arriverait dans les prochaines semaines, même si tout le monde savait – et vous ne pouvez épouser une roturière.
Vous êtes… vif, impatient et enthousiaste, mais… peut-être un peu trop pour moi à cet instant précis. Laissez-moi franchir les étapes, peu à peu, me rassurer moi-même, vous laisser le temps de réfléchir sur cette erreur monumentale que vous souhaitez faire.
»

Elle esquisse un sourire à ces derniers mots. Puis vient glisser sa tête sur son épaule, avant de poursuivre..

«
Vous savez que je vous aime, Sébastian, mais… je… mes décisions sont davantage dictées par ma logique, ma raison, que par mon cœur, vous… le savez, n’est-ce pas ? – elle s’interrompt une seconde, elle hésite, avant de finalement poser la question qui la turlupine depuis… un moment maintenant. – Dites-moi… Que s’est-il passé tout à l’heure ? Vous… avez changé tout à coup, avant de redevenir vous-même. »

Parce qu’elle a besoin de comprendre, évidemment. Et qu’elle pose toujours les questions qui la bousculent, qui l’interpellent, même s’il n’est pas certain qu’il comprenne de quoi elle parle, évidemment. En attendant, elle reste contre lui, le serrant doucement contre elle. Il ne partira pas, pas maintenant.

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