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[RP] Meurs un autre jour.

Eldearde
[Fin avril. Yes, I am fragile.*]

    Au sein des filets lumineux découpés par les persiennes vétustes flottaient en une valse lente quelques particules jolies, quelques poussières éphémères dont le spectacle aérien et subtil captivait la jeune Kierkegaard depuis plusieurs minutes déjà. Un traversin rebondi et un oreiller de plumes rehaussaient la carne famélique, permettant aux prunelles bleutées de se promener sur les composantes de la vaste chambrée mise à disposition par la cousine bien-aimée. L’état de santé de la souffreteuse s’étant considérablement détérioré les jours derniers, Marie, dont le minois se creusait de ridules inquiètes, avait insisté pour que la brunette agonise à ses côtés, au seize rue de la Justice.

    Engoncée dans une robe opaline et légère, la tignasse prisonnière d’un chignon confus, le cou fluet habillé d’un madras bariolé, la poitrinaire demeurait docilement étendue sous l’édredon épais, le plus souvent atone et tranquille, bien que pataugeant parfois dans les délires d’un demi-sommeil égaré. La frimousse étique, d’une blancheur affolante, ne semblait prendre vie que lorsqu’un visage aimé passait la porte de la pièce délétère ou lorsqu’une quinte de toux glaireuse déformait la trogne juvénile de froncements douloureux. Les journées ne lui semblaient ni longues ni courtes, la notion de temps annihilée par le flottement constant et trouble dans lequel la malade résidait. Les nuits, a contrario, se faisaient interminables et brûlantes, rythmées par les pics de fièvre inopinés et par les tremblements incessants d’une carcasse suppliciée. A portée de main, l'étoffe ouvragée et grêlée de tâches écarlates attendait patiemment que les poumons viciés ne déversent leur fiel.

    Si l'organisme malmené vivait assurément des heures sombres, l'esprit jeunet et vivace se refusait sauvagement à la tentation morbide de la désespérance. L'amour l'entourait et l'habitait, la rendant imperméable aux pensées frelatées et à l'obsession du trépas qui pourtant la guettait. Sous ce crâne enfiévré nulle préoccupation pernicieuse, donc, mais pléthore de faciès adorés et souriants : il y avait Arry, celui qui, contre tout attente, affolait son âme, son cœur, son corps, d'un émoi nouveau et violent ; il y avait Lucie, le feu follet virevoltant dans un amas de boucles dorées ; il y avait Mahe, le pilier, la béquille, le soutien infaillible quoique immérité ; il y avait Kylian et Ansegis, rivalisant de bonté et de prévenances ; il y avait Méli, Lucius, Heliana, Nizam, Tynop, Ed, Zen-Zen, Vic…autant de raisons de ne pas crever. Pas maintenant.

    Je mourrai un autre jour.


*Oui, je suis fragile.
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Arry
    Un jour lointain, de préférence.

    C’est ce que j’avais demandé à Deos, ce matin aux premières lueurs de l’aube, les rotules déglinguées par un Prie-Dieu aussi vieillot que l’Eglise elle-même, le ciboulot tourmenté et les boyaux retournés par LA conversation qui me turlupinait sévère.

    - Vous irez bien.
    - Si le Très-Haut le veut.
    - Deos et moi, on est en communication constante. J’vais lui dire d’arrêter ses conneries. Vous irez bien.

    Allez savoir lequel de nous deux j’essayais de rassurer là-dedans. Elle ou moi. D’après mon crétin de subconscient, c’était moi, sans nul doute. Et, pour une fois, j’avais l’impression qu’il tapait dans le vrai, le bougre. Yeux clos, esprit divaguant et mains jointes sur le dossier de l’agenouilloir – paraît que c’est la position adéquate -, je requiers un sursis pour la Kierkegaard et ajoute deux ou trois suppliques supplémentaires. Tant qu’à être là, autant déballer tous mes vœux : éviter qu’un autre fracassé du bocal s’en prenne à Lucie et que la mère de ma mouflette me laisse découvrir la frimousse de nourrisson de celle-ci. Ce sera tout ? Ouaih. Pour aujourd’hui, du moins. Je laisse le Créateur reprendre son boulot tranquille, filant à la hâte du lieu de culte, en évitant soigneusement la porte principale. Manquerait plus qu’on me reconnaisse et qu’on m’assimile à cette bande de pieux adorateurs du divin. Teuh. Que dalle.

    Un crochet est improvisé par le marché histoire d’avoir une excuse bidon à déballer à Elde expliquant mon absence matinale prolongée. Quelques causeries, rapines, trocs, railleries et bousculades plus tard, je filoche dare-dare chez la cousine de la dimzelle qui crèche dans mon palpitant. Pensées sombres sont laissées sur le pas de la porte. Je réserve mon humeur de clébard rageux pour le monde extérieur.

    - Gaffe Kierkegaard, vous bavez. Vous deviez certainement penser à moi un peu d'trop.

    Le ton est badin, le sourire mutin et avant même qu’elle n’ait eu le temps de rétorquer quoi que ce soit, j’ai déjà fondu sur ses lèvres pour lui chouraver un baiser. L’air de rien, ma senestre se pose brièvement sur son front, vérifiant ainsi sa température. Connerie de fièvre. Poussé par un excès de romantisme aussi rare que furtif, je dépose une orchidée blanche acquise tantôt sur son plumard, feignant la nonchalance.

    - Orchidée, ça veut dire petite testicule, en grec. C’est tordu quand même. M’enfin, vous noterez que ma culture florale n’a point de limite.

    J’écarte les rideaux et ouvre fenêtres et persiennes, laissant l’air frais s’infiltrer dans la chambrée, tandis que je raconte, d’un air léger, mes péripéties de la matinée.

    - Il y avait ce type. Un gus pas bien fute-fute, encombré d’un bouquet de roses rouges. J’avais envie de lui gueuler « Bougre d’idiot. T’as trompé ta femme avec combien de donzelles pour avoir à lui offrir autant de fleurs ? ». Finalement, j’me suis contenté de ricaner. Il faisait tout d’même deux caboches de plus que moi, pis, mon g’nou m’fait mal. S’il m’avait chopé, à coup sûr, j’aurais encore pris un gnon sur l’museau. Enfin, peu importe, mon orchidée a plus de gueule. D’autant que je l’ai eue sans avoir à débourser un rond. J’ai embobiné le tendron qui vendait les fleurs avec mon putinasse de baratin et mon adooorable petit sourire.

    Et bla bla bla. La machine à parlotte est en marche. Un moyen comme un autre de masquer mon inquiétude.
Eldearde
    Un brouhaha à l'étage inférieur, une foulée de pas dans l'escalier grinçant, et la porte de la chambrée s'ouvre sur un brun guilleret, la tignasse invariablement embroussaillée, le museau rosi par une marche matinale et pressée. Kierkegaard, qui s'appliquait à orner sa sombre chevelure d'une natte rapide, laisse sa trogne bistrée s'éclairer d'une mine bienheureuse, l'air soudainement apaisé. Arry avait ce don là : celui d’égayer les cœurs soucieux et de dérider les visages inquiétés par sa simple présence enjouée. Certes, le gus possédait également un indéniable talent pour provoquer, particulièrement chez la gent masculine, l'insoutenable envie de lui foutre des gnons dans son petit nez de don Juan, pour s'attirer les innombrables faveurs de ces dames et ce sans même avoir à bouger le petit doigt, pour déblatérer des couillonnades à tour de bras et pour se foutre dans les emmerdes les plus profondes et les plus corsées. Mais Eldearde n'en avait cure, elle l'aimait.

    Les lèvres s'entrouvrent déjà pour répondre comme il se doit à cette attaque vicieuse visant sa tendance (adorable) à bavouiller, mais la bouche adorée venant réclamer son baiser du matin lui fait ravaler ses railleries malvenues, imprimant plutôt aux babines prises d'assaut un sourire extatique. D'une dextre blafarde, la jeune femme vient cueillir la paluche apposée à son front dans un geste rassurant, la guidant doucement vers son cou, moins chaud et préoccupant. L'orchidée nivéenne déposée l'air de rien sur le plaid du lit agite le palpitant kierkegaardien d'un sursaut inopiné, ce dernier ne manquant pas de déceler l'attention délicate derrière le ton badin des paroles prononcées.


    Petite testicule ? Par Dieu, ces grecs étaient réellement de gros dépravés. C'la dit, cette sorte de fleur vous sied à merveille, du coup, de lancer mutinement en attrapant la tige verte entre son pouce et son index. Merci, d'ajouter tout bas, alors que le jeune homme combat la pénombre de la pièce en y faisant entrer les rayons d'un Phébus printanier. Kierkegaard plisse ses grands yeux clairs, éblouie par la luminosité soudaine, les prunelles dardées sur cette silhouette dégingandée se découpant à contre-jour et dont son âme jeunette est indubitablement éprise. Déjà, le Zolen s'adonne à son activité favorite, à savoir débiter des conneries à n'en plus finir, pris d'une soudaine diarrhée verbale sous le regard rieur de sa compagne indisposée.
    J'vous autorise à me tromper allègrement si cela signifie recevoir un bouquet de roses quotidien. Quant à la jouvencelle, la pauvrette devait s'attendre à ce que vous lui offriez son généreux présent. Briser un cœur dès huit heures du matin, vous faites décidément très fort, gouaille-t-elle en tendant soudainement les bras, en manque de son tendre contact et de son odeur de paille fraîche.

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Arry
    « Jouer avec excès comporte des risques »

    Picoler comme un trou comporte des risques. S’faire péter le ciboulot à coup d’opiacés comporte des risques. Même trousser d’la donzelle en comporte. Ben ouaih, l’risque c’est d’choper la chaude d’pisse ou d’engrosser l’mauvais tendron. Fait et fait. J’dois être immunisé maintenant de ce côté-là. N’empêche qu’avec la tartine de vices que je me paye, la logique voudrait que j’sois bientôt mort. Raide. Cuit. Fini. Arriverdeci Arry. Ironie du sort. C’est la dimzelle qu’a le don de faire s’agiter furieusement mon couillon de palpitant contre sa cage thoracique qui se coltine c’te suante de maladie. Poisse suprême.

    - On s’en balance les miches d’la jouvencelle. Elle était même pas blonde. Teuh. Aucun intérêt.

    Elle n’était pas vous, surtout. Elle n’avait pas vos pépites claires ancrées au fond des mirettes dans lesquelles j’ai sans cesse envie de me noyer. Elle n’avait ni votre esprit tortueux, ni votre humour graveleux. Elle n’avait pas cette facilité Ô combien déconcertante de me rabattre le caquet en quelques tirades bien senties. Elle n’avait rien. Vous avez tout. C’est pour ça d’ailleurs, qu’au lieu de lutiner cette pucelle dans un tas de foin, je suis en train de vous couver de ce putinasse de regard amoureux.
    Ça, c’est le genre de tirade que le Arry romantique qui sommeille en moi rêverait de débiter. Malheureusement pour lui, le Arry fiérot qui se prend pour un gros dur ne partage pas le même avis et il ne manquera pas de lui coller une beigne s’il l’autre tente de s’exprimer. Ouaih, je me traîne un champ de bataille dans la cabèche, des inimités à la tour de contrôle.

    Rapido-presto, j’ai déjà envoyé valser mes brodequins à l’autre bout de la pièce et me suis laissé choir sur le plumard, retrouvant sans tarder le corps adoré de ma brunette dans une étreinte protectrice. Des baisers éthérés sont distillés çà et là sur sa frimousse mutine et dans son cou encore porteur des réminiscences de nos siestes crapuleuses hautement productives. J’ai beau grailler - façon de causer, hein, j’ai pas encore viré cannibale - du kierkegaard matin, midi et soir, j’ai l’impression que je suis jamais complétement rassasié. Drôle de sensation. Aussi déroutante que grisante.

    - J’tez un œil dans ma besace. Entre l’opium et ma pipe. Pas loin de ma gourde de lait frais. J’nous ai pris de l’hypocras. Pis, d'quoi grailler aussi, au cas où vous auriez un p’tit creux. Raisins secs et olivettes au menu. Que dalle pour les poivrons rouges par contre. Ça s’digère mal ces merdes.

    Impossible de ne pas la taquiner là-dessus. Je l’imite, forçant le trait comme il convient, l’œil rieur et l'air théâtral.

    - Si vous ne rappliquez pas de suite, à vous, jamais olivette Kierkegaard ne sera.

    Traduction : Bouge ton gras si tu veux m’choper. Souvenirs, souvenirs..
Eldearde
    La malade laisse échapper un petit rire léger, ce dernier s'étouffant bien vite dans une quinte de toux teigneuse alors que le mouchoir déjà souillé est promptement porté aux lèvres terreuses.
    Arry et les blondes. Une grande histoire d'amour. Et si la blondine en question avait en plus l'outrecuidance d'être toujours vierge, alors c'était le jackpot, le gros lot, Noël avant l'heure. Eldearde, contre toute attente, était dotée de tifs d'un brun commun et avait perdu depuis longtemps le fameux hymen si convoité. Sans doute fallait-il des exceptions à toute règle, y compris à celle qui faisait des blondasses ingénues les éternelles préférées d'un Arry aux goûts pourtant bien arrêtés, forgés par de longues années de pratique assidue et d'expériences variées.
    Mais le bougre avait raison : rien à cirer de la nana qui vendait des fleurs la bouche en cœur, rien à foutre du monde entier lorsqu'elle le voyait approcher de son pas nonchalant, un sourire badin accroché à ses lèvres fines, quelques mèches réfractaires dansant à son front, masquant parfois l’œil clair et factieux qui, malgré les affres de la phtisie, l'englobait toujours d'un regard aimant et envieux. Diantre, qu'il était beau. Par quel miracle était-il sien ?

    Kierkegaard réceptionne la carcasse adorée dans un ronronnement de bien-être, laissant le Zolen orner son corps froid de baisers brûlants qui ne manquent pas de suggérer à son esprit graveleux les souvenirs vivaces et encore frais des quelques heures passées dans d'autres draps mais au sein des mêmes bras, le temps d'une étreinte fougueuse. Il faut bien avouer que les deux jeunes gens étaient franchement doués pour cela : pouvaient en témoigner les voisins de palier malchanceux, ainsi qu'un Polochon écrasé et malmené lors des ébats sulfureux. Pour sûr, les "adeptes de la coïtitude" portaient fort bien leur sobriquet ridicule et assumaient d'être désignés, surement à raison, comme les plus grand copulateurs de la région. Mais la brunette, qui n'était pas assurée de voir la fin du mois de mai, tenait à avoir vibré d'un plaisir certain, cumulé les orgasmes délirants, et pris son pied à en crever - sans mauvais jeu de mot - avant de passer de l'Autre Côté - avec les majuscules de la solennité siouplait. Qui pouvait l'en blâmer ? Cela dit, une éventuelle guérison ne certifiait aucunement un glissement soudain vers un rythme moins effréné...

    La joue blafarde est un instant posée sur la chemise de lin avant que la carne ne se penche doucement pour se saisir de la besace en question, abandonnée aux pieds du lit à baldaquin. Fureteurs, les doigts malingres évitent soigneusement les produits thébaïques, préférant s'enrouler autour de la précieuse bouteille de lait pour porter le goulot à la lippe assoiffée dans une gorgée provocante. La bouche blême, surlignée d'une moustache blanche, s'allonge d'un sourire rieur tandis que la boustifaille hautement symbolique est extraite du barda. L'imitation déclamée d'un timbre emphatique dessine à la trogne féminine une mine faussement outrée.

    Moquez-vous ! Mais sans moi peut-être serions nous encore à nous tourner autour comme des gamins prébubères. Admettez que ce serait fort dommage, qu'elle s'insurge, la Kierkegaard, en glissant deux raisins secs entre ses quenottes adamantines, désireuse de ne pas bousculer un estomac déjà souffreteux. La dextre se referme sur le sachet d'olives vertes, index et pouce venant cueillir une drupe charnue.
    Châtions ensemble mes nombreuses concurrentes, voulez-vous ? Faites "Aaaah", ricane-t-elle en déposant le fruit verdâtre sur la langue de son amant patientant bec ouvert. Le geste est renouvelé une, deux, trois fois, les mimiques et regards échangés teintés d'une complicité déjà inaltérable.
    D'ailleurs, je ne me suis pas encore dégoté d'haricot rouge attitré - et pas de poivron, bêta. C'la mérite une récompense, non ?

    Ou l'art de la métaphore filée. Autrement nommée "blablatage sans queue ni tête pour les non initiés".

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