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[RP Ouvert] Accordons-nous un moment de répit.

Tigist

    [Genève - Mars 1464]

    « Parce que vraiment, je m’ennuie.. »

    Voilà ce qu’elle avait dit la veille à Arsène.
    On aurait pu croire que les dernières années chaotiques entrecoupées de période d’accalmie auprès des Assay à Toulouse et Limoges auraient eu raison de ses velléités de liberté. Mais avant le syrien, avant même son enlèvement, n’était-elle pas le petit babouin d’Ababa ? N’était-elle pas l’enfant terrible de Debra-Berhân, qui profitait de la moindre occasion pour fuir par de-là les murs blancs de la citadelle pour aller découvrir le monde.

    Et là..
    L’immobilité dans cette ville froide, l’inaction des derniers temps, cette grossesse qui lui laisse si peu de répit, tout cela pèse sur ses nerfs. Ajoutées à cela, les nouvelles des derniers jours.. Le Barbu a perdu la moitié de lui, et il est plus taciturne encore qu’auparavant, laissant à la jeune femme un goût amer dans la bouche.

    Dans le dos, l’Abyssinienne rétablit le baluchon qui manque de glisser sous le poids des corps qu’il contient, elle rentre d’une chasse improvisée dans les alentours. Une chasse pour se détendre, pour évacuer la tension.. Et les pauvres bêtes sorties trop tôt de l’hibernation en ont fait les frais. Elle ne rentrera pas à l’auberge pour la simple et bonne raison qu’il ne faut pas attirer l’attention sur eux, plus que nécessaire, et que leur troupe est déjà bien assez remarquable comme cela. Sans mot, elle rejoint le quartier des tanneurs, monnaie avec l’un d’eux, s’amusant de l’accent qui ressemble à celui de Jurgen, passant outre les regards choqués par sa peau ou son ventre tendu.

    Et là, un peu plus loin, en contrebas de Genève, en contrebas même des tanneries, l’Abyssinienne s’installe sur la table de fortune qu’elle vient d’acheter. Le sac est ouvert et les corps tombent, comme on déverse ses pensées au comptoir. Deux lièvres qui n’ont pas eu leur mot à dire, et une renarde qui est a eu le mauvais goût de vouloir lui voler une de ses proies. Les doigts noirs se perdent dans la fourrure auburn, et un rictus s’étire, douleur ou satisfaction.

    Tu n’en peux plus Tigist, tu es à bout de nerfs.
    Esmée d’abord.. Le frère et la sœur t’ont joué un vilain tour en se réunissant et pourtant, ton calme et ta patience en sont venus à bout. Tu n’y peux rien, ta famille t’a abandonné et tout ce qui peut en devenir une t’est précieux. Puisqu’ils ne savaient pas, puisqu’ils savent maintenant. Et puis leur beauté, tu pardonnes tout à la beauté, tu pardonnes surtout tout au père de l’enfant que tu portes.

    La bête a-t-elle des petits à nourrir ? A-t-elle voulu prendre la hase tuée d’un carreau pour les nourrir, cela importe peu à la chasseresse. Tigist n’est pas de celles qui s’embarrassent d’animaux, elle ne les aime pas, et tolère dans son entourage le chat et le chien de Lili, et les chevaux sur lesquels ils avancent. Les autres sont autant de prédateurs ou de proies qu’il faut tuer à ses yeux pour survivre ou manger. Elle ôte son manteau pour ne pas le salir, révélant clairement son statut de femme enceinte aux regards curieux des genevois qui passeraient par là, d’un mouvement de tête, les longues tresses noires sont rejetées dans le dos.
    Dans sa main, le couteau de chasse offert par Maleus, il y a une éternité, et la bête déjà éventrée et vidée, est considérée un instant. Elle aura plus intérêt à s’en faire un col ou autre, qu’un cuir pour des gants, la fourrure est trop belle même si la bête est maigre. Pourtant, si ses mains sont mues par l’automatisme et l’habitude pris à Toulouse, l’esprit est ailleurs.

    Tu penses à une autre mère rousse, une qui est enfermée quelque part avec ses enfants. Tu ne sais pas si tu la hais d’être revenue dans sa vie, ou si tu as pitié d’elle, de sa situation, ou même si tu as peur pour toi et l’enfant dans ton sein. Tu sais que le Clan ne te laissera pas tomber, tu ne veux pas les quitter en dépit de ce que tu as dit à Gabriele. Vivre sans Arsène, Lili et Mai ? Ou même Esmée que tu as appris à apprécier ? Ne plus voir le Barbu et même Stain.. Impossible.

    Pire que tout. Perdre Gabriele.. La lame glisse sur le tibia et manque se planter dans la main plus si sûre.

    Un soupir et déjà la prise est assurée. Il fait beau, et avant que le jour n’amène son lot de cris et de haines, accordons-nous un moment de répit à Genève.

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♫ I'm waitin..♪
Lililith
- Gaffe, tu vas t’blesser.

La gamine vient de surgir devant la noireaude et la regarde quelques instants avant de s’installer face à elle. Elle retourne à son bout de bois qu’elle taille depuis ce matin pour s’occuper les mains.

Elle est perturbée, plus qu’elle ne le montre ; ‘Nerys revenue à la vie, tout comme la Tatouée, ne laisse rien présager de bon quant au Ghisi. Elle craint de le voir débarouler sur le plan terrestre. Elle l’a torturé, a fini par lui enfoncer, de pitié, sa lame dans le cœur. Mais la rousse et la blonde étaient mortes aussi, et elles sont revenues ; alors rien ne lui prouve que l’italien ne reviendra pas à son tour.

Il ne l’importune pas pendant son sommeil puisque sommeil elle n’a plus : chaque nuit elle guette les bruits, essaye d’y démêler des pas lourds et lents de sa victime transformée en meurtrier. Lili attend de voir la Forme, qui cette fois sera là pour elle. Est-il possible de négocier avec Elle ? Était-ce pour ça qu’ils étaient revenus, après avoir passé un marché avec ?
Elle attend donc, en silence, lame à la main et ambres grandes ouvertes, scrutant le noir en espérant y voir surgir cette ombre qui la hante.

Elle ne regrette pourtant pas de l’avoir tué. Elle estime avoir fait ce qu’il fallait, elle était dans le droit chemin, sinon Azu’ ne l’aurait pas accompagnée.

La Luciole grommelle un juron en italien : son couteau vient de riper et manquer la toucher de peu. Elle sait qu’elle ne se ferait pas de blessure grave, mais elle préfère autant que possible éviter de se couper. Elle relève la tête au moment où Pandou grimpe sur ses genoux.

Elle sent bien que Tigist se tend un peu, mais décidée à faire comme si de rien était, elle continue à tailler son bout de bois ; et elle songe.
Elle songe qu’elle aime bien la noire, parce que Gabriele l’aime bien, et que pour lui elle serait prête à tout. Elle songe qu’elle l’aime bien, parce qu’elle est gentille, même si elle a une peau bizarre et une langue étrange. Elle songe qu’elle fait maintenant partie de la famille, et que c’est bien pour cela que Lili se trouve avec elle aujourd’hui.

La mini-Corleone est bien incapable de se démultiplier, mais là, à l’instant, elle est exactement où elle souhaite être. Au diable ‘Nerys, au diable ‘Mée, elle confronte l’étrangère à son silence auquel tous les autres ont été habitués. Elle ne parle pas parce qu’elle n’a rien à dire, et que parfois une présence est plus souhaitée qu’un bavardage incessant. Elle ne parle pas, non plus, parce qu’elle est fatiguée, fatiguée de ne pas dormir, fatiguée d’être paranoïaque et de sursauter au moindre craquement.

Si elle doit mourir, soit : elle mourra et acceptera son destin. Mais elle refuse de mourir de la main d’un mort, qui plus est quand c’est une ordure comme le Ghisi.

La Minusculissime délaisse son bout de bois, le pose sur la table, et commence à câliner le chat roux qui ronronne aussitôt. Elle sait quels endroits lui plaisent et sourit quand elle le voit se tortiller sur ses cuisses ; elle plonge ses doigts dans la fourrure rousse qui semble s’enflammer au soleil, avant d’attraper l’animal et d’enfouir son nez dans ses poils. Elle ferme les yeux et respire à pleins poumons, humant l’odeur de nature, de terre et d’eau qui y est imprégnée. Moment de calme avant la tempête, moment de silence avant de plonger dans la tourmente de la journée.

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Tigist

    L’abyssinienne sursaute. Bien sûr qu’elle sursaute !
    Et ça lui arrache un sourire moqueur pour elle-même. Piètre chasseuse qui se fait avoir par une plus petite qu’elle. Elle ne répond pas, s’octroie un rire bref. Si l’une ou l’autre se blessait avec les lames, Corleone ne serait pas loin pour les soigner et les tancer vertement, alors autant l’éviter.

    Du regard, elle suit brièvement les gestes de l’Etoile, admirant la dextérité de la jeune fille en dépit de son âge. Sa sœur a beau être un prodige avec un kebero, elle n’en demeure pas moins incapable d’utiliser une lame, comme elle-même quelques années plus tôt.
    Tigist s’accommode parfaitement du silence, et la capacité de Lili à se taire et officier sans bruit, ajoute encore plus à l’affection que la noire lui porte. Puisqu’elle l’apprécie, oui. Fille d’une terre mystique, l’Abyssinienne a reconnu en la fillette une âme sage que peu d’adultes peuvent égaler.

    La peau de la bête fauve est saisie d’une main sûre et à peine frissonne-t-elle quand Pandou s’immisce entre elles deux. Dans un bruit sinistre, elle ôte à la renarde dans le même temps, sa dignité de prédateur et sa fourrure, laissant le cadavre à l’état de simple bout de viande.

    Occupations féminines ? Tu parles.. C’est pour cela que tu as tant aimé la précieuse edelweiss. Ces choses-là sont à l’opposé de qui tu es Tigist. Toi, tu es à l’image de cette renarde. Une petite machine à tuer, aux armes minuscules mais redoutables. Alors quand on te ramène à la jeune fille d’avant, celle qui portait des perles et de l’or, celle qui courait dans les jardins pour sentir les fleurs prodigieuses de ton Ethiopie natale, ton cœur s’emballe.

    Elle est loin cette jeune fille, et l’ambre se pose sur Lili. A-t-elle jamais connu elle le calme de l’enfance choyée ? Tigist en doute, elle n’en a jamais parlé avec elle et se promet de le faire un jour. En revanche, elles ont parlé récemment de bien des choses plus préoccupantes à ses yeux. Les cernes sur le visage de la fillette en sont la preuve flagrante.
    Lili ne dort plus, Lili a peur et qui mieux que l’Abyssinienne comprend la peur de la vengeance et de la haine ?

    Alors elles restent là, et quand Pandou se met à ronronner, même Tigist y trouve son compte, se laissant bercer par le bruit rassurant, tandis que les mains s’activent pour dépecer à leur tour les lièvres. Un morceau de la patte est prélevé puis jeté dans la direction du rouquin.


    « Enka, demète. »
    Tiens, chat.

    Qu’on ne s’attende pas à ce qu’elle lui donne patiemment, non. Déjà le fait est qu’elle pense à l’odeur de fumet qui se dégage des charognes et qu’elle a eu l’idée de nourrir un autre être vivant qu’elle-même ou ceux de sa famille. C’est déjà énorme. C’est déjà la trêve entre Pandou et elle, s’il ne s’approche pas trop près de son ventre et de ses mains.

    Les bêtes sont reléguées sur le côté, il sera toujours temps de les vendre sur le marché ou de les faire sécher pour la route. Du plat de la lame, elle s’affaire à présenter à retirer les lambeaux de chair qui seraient restés accrochés à la peau.

    Le soleil joue sur les mèches blondes de la fillette, l’auréolant d’une couronne de lumière. Une Etoile, oui.
    Un fin sourire joue sur les lèvres de l’Abyssinienne, convaincue que le Destin lui a servi une drôle de messe en lui faisant rencontrer la petite Corleone, vieille âme coincée dans un frêle corps d’enfant.
    Le calme est toujours de courte durée, mais entre les deux solitaires, il peut peut-être perdurer encore quelques instants.


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♫ I'm waitin..♪
Jurgen.
    Y a t-il seulement des mots à poser sur ce que le teuton pouvait ressentir ces dernières semaines? C'était comme un vide, ou au contraire un trop plein de colère, de sentiments néfastes, de tristesse, de mélancolie. Et pourtant, il avait pu compter sur ses frères et soeurs d'armes. Car la Spiritu Sangui était devenue, à l'instar du Trompe la Mort, ses frères et soeurs. Qui l'eût cru? Qui eût cru que ce barbu se lierait d'amitié avec des Italiens? Qui eût cru qu'il serait capable jusqu'à sacrifier sa propre vie? Certainement pas lui. Les choses avaient beaucoup changé. Jurgen avait appris à s'ouvrir à d'autres qu'à ses hommes. Et on le lui rendait bien.

    Il avait perdu beaucoup, mais il avait gagné tant. Neijin était toujours là, elle. Pure, calme, aimante. Et si elle lui en avait voulu un court instant, elle demeurait cette femme si spéciale qui lui avait fait commettre l'irréparable.
    Chaque jour qui passaient voyait de nouveaux tourments pourtant. A chaque jour son souvenir: Le premier mot de son fils, la rencontre avec Darria, la naissance de Lars, la mort de Gwil et sa rencontre avec, le rouquin qui joue avec de petits jouets taillés pour lui. Et tout ça était terminé. C'était une page à tourner et à brûler. Mais lorsqu'il voyait le petit Vittorio ou le ventre tendu de l'Abyssienne, encore une fois, il n'y avait pas de mots. Et cette flopée d'enfants qui l'entourait lui rendait les choses plus difficiles encore. Il aimait Maï presque comme si elle était sa fille... mais Maï avait un père, et la petite Lili avait davantage la présence d'esprit d'une adulte que d'une enfant.
    Encore une fois, on avait pillé le coeur du Pirate, mais sans ça, où serait-il en ce moment? Probablement en Enfer à attendre Arsène en débutant son éternité de souffrance en tentant d'écouler les stocks de gnôle avant que celle-ci ne crève à son tour.


    Las, il marchait. Genève était une ville agréable. Peut être un peu vide, mais il en avait pris l'habitude. Et s'il préférait Genève à d'autres terres, c'était pour son port et ses bateaux qu'il regardait avec nostalgie. la ville fut traversée de long en large, seul. Neijin et lui s'étaient promis d'aller voir la mer et de fouler le sable, et pourquoi pas, d'y faire l'amour? Mais ici, il n'y avait pas de sable. Alors oui, il l'y emmènerait, mais la saveur ne sera pas la même. C'est fou ce que quelques grains de sable qui s'insinuent partout peuvent être capable de faire ressentir...
    Et bientôt, en contrebas de Genève, il rejoint la Noire et l'Etoile. sans le savoir. Sans s'en douter. Parce que parfois, le destin est bien foutu.


      -Guten Tag.


    Le ton est calme, la langue est gutturale. Il s'assoit lentement en regardant le cadavre de la renarde. Il ne pense pas une seconde au fait qu'il puisse déranger: Il a besoin de compagnie, l'égoïste. Il n'est de surcroît pas au fait des nouvelles, de Dae.
    Son regard passe de l'une à l'autre et s'arrête un instant sur l'habile Abyssienne. Il l'a déjà dit à Gabriele: Sa femme est belle et désirable. Pourtant, pour Jurgen, elle est comme un tableau qu'on admire. Il n'y a pas de curiosité pour sa couleur de peau, elle n'est pas la première noire qu'il voit. Il a côtoyé en paix certains peuples noirs. Mais sa bienveillance le sidère. Son caractère, aussi. Elle et Neijin sont le jour et la nuit, démesurées à leur façon. Il aime cette compagnie.

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Esmee_
Je suis de retour auprès des miens. Dans mon malheur, j'ai quand même eu cette chance de pouvoir les retrouver. Tout comme j'ai retrouvé ma famille de coeur au sein de l'Aphrodite. Enfin presque. Etienne est porté disparu. Le seul qui pouvait éventuellement me délivrer de ma Damnation.

Mais ce n'est pas un retour de tout repos.

Car retrouver mon frère, c'est faire face de nouveau à cette Damnation avec laquelle je vis depuis que je sais. Surtout lorsque ma propre moitié de sang, avec lequel je partage bien plus, n'hésite pas à faire remonter les souvenirs tapis au fond de moi, en ne me cachant pas qu'il me désire toujours. Nous savons pourtant maintenant, Gabriele et moi, que l'Interdit plane au-dessus de nous et que nous ne franchiront pas cette ligne rouge. Mais la Tentation est toujours présente entre nous. Gabriele a fini par l'avouer à Tigist.

Tigist. Cette belle-soeur qui me rappelle tant l'une des courtisanes de l'Aphrodite, Nejma. Je me suis profondément attachée à elle, moi la Sauvageonne, âme écorchée vive, qui accorde si difficilement ma confiance. Je la trouve parfaite pour mon frère.

Ces derniers jours ne sont pas de tout repos. No. Je dois faire face à ma Damnation. Je passe des heures seules, loin des yeux de tous, à m'entrainer. Mue par cette nouvelle rage intérieure qui me dévore de ses feux depuis que je suis tombée dans cette embuscade. Je ne me supporte pas amoindrie. Corleone grandit et se forge, doucement mais sûrement sous l'apparence trompeuse de mon corps frêle qui vient d'entrer dans sa dix-septième année.
De nouveau, j'ai vu cette douleur dans le regard de mon frère. Daeneryss et Romeo sont bien vivants. Il me dit que j'avais raison quand je le lui disais et qu'il aurait du m'écouter l'année dernière. J'ai toujours été pragmatique. Si tu ne vois pas un corps de tes propres yeux, il faut toujours garder l'espoir. Je regretterai presque cette fois d'avoir eu raison.

Et puis Gabriele n'est pas le seul à aller mal. Je crois que le Marin ne va pas bien non plus. Mais je ne l'ai pas revu depuis que je l'ai entendu dire que sa femme et son fils étaient morts. Et je m'inquiète. Mais en silence cette fois.

Genève est calme. Trop calme en ce moment. Comme si cela présageait d'une tempête qui arrive.
Deux jours que je m'isole et reste jusque très tard à m'entrainer et à rééduquer ma jambe. Jusqu'à la limite de l'épuisement. Mais cela ne suffit pas pour chasser les cauchemars. Par contre cela suffit à attiser mon désir de vengeance et la haine qui étreint mon être.
En désespoir de cause, je me dirige vers les tavernes. Je n'ai pas envie de rester seule avec mes démons aujourd'hui.
Mai.
    La proie est face à moi. Un commerçant, que j'ai plusieurs fois vu bavarder distraitement avec le boucher. Les deux s'agitent, causent trop fort, dérangent mes rêveries journalières. Quel est le sujet de leur polémique ? J'étais trop concentrée pour m'y intéressée. Mon regard s'était planté sur la bourse, planquée dans la poche de son veston. J'imaginais tous les écus qui la gonflait, rêvant déjà à toutes les tartines que je pourrais me commander, une fois le trésor entre mes mains. Le type n'est pas bien grand, et très sec. Face aux pirates que j'avais l'habitude de côtoyer, il n'avait rien d'impressionnant. Mais du le peu d'expérience que j'avais pu accumuler lors de mes bagarres de rue, les freluquets pouvaient se révéler coriaces. Sous-estimer l'ennemi n'était donc pas dans mes habitudes. A première vue, il ne portait ni arme ni objet lourd. Rien qui puisse me blesser. J'approchais de quelques pas, faisant mine de m'intéresser à un foulard. J'avais, pour l'occasion, sorti les vêtements propres que j'avais reçu de mon père pour la Saint Noël. Il ne fallait en aucun cas éveiller les soupçons avec mon habituelle allure d'orpheline mal sapée.

    C'était le moment. J'étais prête. Que risquais-je, sinon quelques bleus ? Arsène avait raison, il fallait bien se prendre quelques coups, pour se forger l'âme d'un Corleone. J'avais étudié chacun de mes pairs, sans pouvoir rivaliser. Lili, Corleone par excellence à mes yeux, gardait toujours ce calme presque effrayant que ma nervosité naturelle ne pouvait égaler. Il me faudrait prouver mon appartenance à la famille avec mon caractère merdique. Et cette énième tentative de vol était autant pour eux que pour ma propre satisfaction. M'approchant d'un pas assuré, j'accélérai peu à peu mes gestes, et bousculait le marchand. Rapidement, ma fine main se glissait contre la poche, jusqu'aux cordons de la bourse. Sous mes doigts agiles, les écus roulent et j'en récupère quelques uns. La voix rauque de ma victime m'éveille, alors que je réalise mon erreur. J'avais le regard rivé dans le sien. Il avait compris. Sa lourde paluche emprisonna la mienne, mais je me dégageais lestement, poussant sur mes petites jambes pour courir de plus belle.

    - Reviens ici, sale gosse !

    Il me coursait. Mon palpitant s'accéléra, me hurlant silencieusement de trouver un abri, et en vitesse. Le souffle court, je dévalais les rues, manquait de me prendre quelques murs.

    - J'vais t'couper les mains, la môme !

    Panique dans ma tête. J'y tiens à mes mains, tout de même. Une idée me sauve finalement, et j'enchaîne les virages, puis me glisse dans une ruelle étroite. La voix derrière moi s'éteint, mais je ne freine pas, l'adrénaline pulsant encore mes actes. Au loin, j'aperçois enfin une silhouette connue, et je continue ma course effrénée jusqu'à me planter devant lui. C'est le Barbu. Je retrouve mon calme, me sachant désormais en sécurité. A ses côtés, la présence de Tigist et Lili m'arrache un grand sourire, alors que les écus dérobés s'agitent entre mes doigts.

    - S'lut tout l'monde.

    Je posais mon derrière près du pirate, retrouvant mon assurance à ses côtés. S'il n'était pas mon père - et on peut dire que c'était une chance, vu l'enfer que je m'appliquais à faire subir à Gabriele - il était néanmoins mon modèle masculin, et mon premier ami dans cette folle troupe de mercenaires. Tigist, figure maternelle toute désignée, fut examinée également, sans un mot, ne voulant rompre le silence qui s'était installé.

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@venellah.
Lililith
L’Étoile observe son chat la quitter et s’approcher prudemment de la viande jetée. Elle retourne ensuite à son bout de bois, le décimant à gestes lents, prenant son temps puisqu’elle sait pertinemment qu’elle n’aura pas la motivation d’aller immédiatement en chercher un autre.

Le barbu s’approche ; barbu dont elle aime l’accent guttural qui l’emmène ailleurs. Elle n’a pas parlé avec lui, mais elle Sait. Elle aimerait faire quelque chose pour Poupou, mais s’en sent incapable. Elle remet le problème à plus tard ; devant se battre pour d’autres elle se dit que l’allemand peut encore attendre un peu. La blondine lève ses ambres vers lui, lui fait un sourire quand il les salue ; il s’installe et la blonde s’écarte un peu, pas par peur ou dégoût mais parce qu’elle ne veut pas l’importuner.

Elle ne songe plus, occupée seulement à taillader ce morceau de bois qui lui résiste. Tig’, Poupou, elle. Tous ont des blessures qui refusent de cicatriser ; et la Luciole ignore quel onguent appliquer pour les aider à oublier. L’alcool ne fait rien : elle a bu, un soir, tout en ayant pour seul résultat de divaguer et de s’effondrer sur sa paillasse pour s’enfoncer dans un sommeil sans rêves. Mais le lendemain, toutes ses peurs étaient à nouveau là, prêtes à l’assaillir dès qu’elle aurait posé le pied au sol, alors même qu’elle souffrait encore des effets pervers de la boisson.

Maï finit par surgir, et la blondine fixe maintenant la fillette, ou plutôt les écus qu’elle agite entre ses doigts.


- Bien joué.

Il est loin, le temps où elle babillait ; il est loin quoiqu’un peu plus proche, le temps où elle ne parlait plus. Maintenant, elle se contente de dire parfois ce qu’elle pense ; plutôt pour ne pas vexer les autres et ne pas faire preuve d’incivilité afin d’éviter de se retrouver à l’écart, que pour réellement s’exprimer. La Silencieuse est toujours là, prompte à se dévoiler quand elle ne sait plus quoi dire ou que les mots n’ont plus de sens.

Elle agrémente sa réflexion d’un sourire à la plus jeune qu’elle, se sentant déjà bien investie d’une mission de grande sœur que personne ne lui a demandé ; mais c’est un réflexe chez l’Étoile que de chercher à protéger les autres tout en n’oubliant pas de les narguer quand il le faut, pour leur rappeler qu’elle est là, même si elle se tait.


- Tu t’es faite choper ?

Narguer, oui, mais pas dans cette question : elle est simplement emplie de curiosité respectueuse, et loin de la Minusculissime l’idée de se moquer de Maï qui s’expérimente chaque jour un peu plus, en solitaire, afin de faire ses armes et de se prouver qu’elle est vraiment Corleone. Lili comprend, elle qui a ressenti ce besoin plus souvent qu’à son tour étant donné que de Corleone elle n’avait que le nom : le sang n’est venu qu’il y a peu, et même si tous la considéraient réellement comme la fille de Rodrielle, l’Étoile savait ce qu’il en était et était mal à l’aise à propos de cela.

Il avait fallu le retour de la Tatouée pour la blondine accepte qui elle était vraiment : si de Marionno elle avait le sang, dans son âme et dans ses gestes elle était Corleone plus que Pelamourgue, narguant la noblesse qui était en elle pour ne faire ressortir que les liens qu’elle avait tissé avec ceux qu’elle considérait comme étant véritablement ceux de sa Famille : ceux qu’elle avait choisi en toute connaissance de cause ; comme ceux qui se trouvaient autour de cette table en ce moment.

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Mai.
    J'avais repris souffle, et ma cage thoracique semblait peu à peu s'apaiser, pour reprendre un rythme normal. Ne restait, pour me trahir, que la légère coloration rosée de mes joues, d'ordinaire plus halées. Autour, les diverses figures adultes semblaient panser leurs plaies, comme des animaux solitaires, quoi que pas si solitaires que cela puisque tous rassemblés comme les pièces d'un puzzle qui, s'il en perdait une, s'écroulait. Je m'appliquais à garder une image mentale de cet instant de calme, de silence, de repos. D'apaisement, peut-être. Chose ô combien rare dans un clan aussi agité que celui des Corleone, allié de près aux pirates, qui étaient désormais une seconde famille. Le regard de mon aînée attira mon attention.

    - Bien joué.

    Un sourire naissant m'éveilla. Lili a beau garder une distance respectueuse, elle n'en reste pas moins l'un des plus solides piliers du clan, malgré son jeune âge. Ses mots prenaient donc toute leur importance à mes yeux.

    - Tu t’es faite choper ?


    Un bref regard à ma main rougie par la pression exercée par l'homme sur mon poignet quelques minutes plus tôt, et j'opine brièvement. Ma fierté m'empêcherait de m'en plaindre, et j'étais bien trop honteuse de mon erreur pour la reconnaître entièrement.

    - Il m'a poursuivie, mais je l'ai semé.

    Courir pouvait donc toujours se montrer utile. Surtout lorsqu'on courrait vers un géant barbu, et une Emama possiblement dangereuse.

    - Enfin, j'crois.

    Dans le cas contraire, le type déboulerait vite pour me régler mon compte. Dans l'insouciance qui n'appartient qu'aux mômes, je me satisfaisais de mon butin, et retrouvais mon silence, reprenant l'étude des visages qui m'entouraient.

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@venellah.
Tigist

    Comme tu as vu les tanneurs faire à Toulouse, tu travailles les peaux de bête entre tes mains. Etre manuelle, ça permet de faire vagabonder l’esprit et tu crois en avoir besoin, mais tu n’es pas au bout de ton périple, Tigist.

    « Guten Tag. »
    « Tenaa Isteling Barbu. »

    Salut Barbu.

    A peine un murmure qui vient trancher sur le silence ambiant, concentrée qu’elle est à clouer avec soin les peaux sur les planches de bois achetées plus tôt. L’habitude aidant, l’éthiopienne sait que plus la peau est fraîche avant le salage, plus elle sera facile à nettoyer. Chacune des fourrures qui la recouvrent, est la preuve de ce talent qu’elle n’aurait jamais découvert en restant entre les murs immaculés de Debra-Berhân.

    Là-bas, tu n’aurais jamais rencontré ceux qui t’entourent à présent. L’Etoile qui sait, qui guide, cette petite sœur à mi-chemin entre un djinn bienveillant et un esprit vengeur, Esmée et sa beauté irréelle qui cache bien des souffrances, mystère qu’elle se jure de percer un jour. Et le marin qui te fait face. Gelada, tu l’aurais fui, tu aurais grimpé dans les hauteurs et tu aurais attendu son départ, voyant en lui un danger et ennemi potentiel. Kebero, tu te sens son égale, deux prédateurs calmes, confiants en leurs capacités. Qui l’eut cru, hein, Tigist ? Qui eut cru que tu serais capable quelques jours plus tard d’envisager de confier la garde de ton enfant à un marin qui aurait pu être de ceux qui t’ont mené ici ? Pas la toi d’avant, pas l’innocente enfant que tu étais, qui pensait que rien n’était plus grave qu’une colère de son père à son encontre.
    Tu as connu la concupiscence des hommes, leur haine et leur violence. La jalousie et la fourberie des femmes. Tu sais l’humain déplorable, et pourtant, quand tes mains mélangent le sel au vinaigre et s’appliquent à frotter les peaux avec ce mélange, le regard que tu jettes alentours est en dépit de toi, chargé d’un calme aimant.

    Car c’est lui qui l’a sorti, elle la fugitive, la haineuse, de sa sauvagerie. Là où Eikorc avait vu en elle, une potentielle arme de destruction dominée par la peur, Gabriele lui a rendu ses lettres de noblesse et sa qualité de femme. La haine a cédé la place à la résignation, et la peur a été reléguée au profit de la confiance et de l’amour.

    Elle tente un sourire, l’abyssinienne. Un sourire de réconfort à cet homme en face d’elle qui souffre, d’une souffrance qu’elle ne saurait imaginer mais contre laquelle, elle avait lutté quand elle avait rencontré l’italien et sa tristesse. L’éthiopienne prie pour que Neijin soit capable d’atténuer la peine du Barbu. L’amour guérit beaucoup..


    « S’lut tout le monde. »

    Les gosses, Tigist ne les aime pas. Ils crient, ils braillent sans raison, ils font des choses étranges. Mais Lili l’a séduite avec son calme. Et Maï.. Si elle devait mourir le lendemain, le jour où la fillette l’avait appelé Emama resterait l’un de ses plus beaux. Et entre ses mains, de l’or.
    Avec indulgence, elle sourit l’éthiopienne en écoutant les deux drôles se congratuler.

    C’est le calme avant la tempête. Entourée de ceux qu’elle aime, elle oublie facilement que dans son monde, tout est déjà écrit à l’avance, et que tout peut s’effondrer sur une lubie du Destin.
    La peau suivante est traitée, avec autant de soin même si le lièvre est moins précieux que le renard.


    « Il peut toujours venir, ça aurait le mérite d’être mouvementé. »

    Parce qu’il faut dire ce qui est, ils s’ennuient. Et que ce serait assez agréable de se dérouiller même si ça veut dire se mettre à dos la bourgeoisie des lieux.

    « On pourrait organiser un concours de tir à l’arc. Tu sais tirer à l’arc Barbu ? »

    Fini le silence.


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♫ I'm waitin..♪
Neijin
    Si on lui avait dit, il y a quelques mois de cela, qu'elle se trouverait une nouvelle famille après le décès de sa mère, elle ne l'aurait pas cru. Des amis, elle en avait. Elle avait fait les cents coups avec eux. Elle avait volé, fumé, avait échappé à la vigilance de sa mère pour aller tirer à l'arc dans la foret. Pourtant, les membres du clan lui inspiraient une toute autre chose que de l'amitié. Ils étaient une grande famille. Aussi unis. Prêt à tout pour les autres malgré les dérives parfois présentes. Mais ces dérives, qu'étaient-elle fasse à cette si grande union? Rien. Si par malheur deux d'entres eux se disputaient un soir, le lendemain ils se retrouvaient autour de nombreuses chopes et oubliaient bien vite leurs différents.
    C'était bien pour ces choses là qu'elle appréciait leur compagnie. Parce qu'ils étaient ce qu'ils étaient. Des enfants éclatants et en pleine forme, deux barbus se ressemblant comme deux gouttes d'eau, une Andalouse sauvage, une noire plus ronde que ronde, une rousse au caractère aussi flambant que sa crinière et bien d'autres.
    Vivants. Voilà ce qu'ils étaient et incarnaient malgré tout. La vie, tout simplement. Et voilà ce qu'elle voulait retrouver dans les yeux de son Germain. La Blanche avait bien vue qu'une lueur avait quitté ses yeux depuis quelques temps. La tristesse s'était emparé du cœur du barbu et il avait du mal à remonter à la surface. Chose toute à fait compréhensible lorsque l'on perd son second et dernier enfant. Même si elle n'avait vécu ce qu'il vivait en ce moment, la Blanche imaginait sans mal ce qu'il pouvait éprouver. Comment réagirait-elle si on lui enlevait cet enfant tant désiré? Mal, sans doute. Très mal. Elle en avait discuté avec Gabriele qui avait vécu la même situation. Une idée avait germée. Une idée qui, peut-être, pourrait pousser. Une affaire à suivre.

    En attendant, elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour essayer de remonter le moral de celui qui était tant pour elle. Il était entré dans sa vie quand ils étaient encore tout jeune et n'en était jamais ressortit, bien au contraire. Le voir ainsi la torturait. Aussi, lorsqu'il s'éclipsait pour être seul, elle, de son côté, rejoignait parfois Arsène pour des entraînements acharnés. Quelques semaines auparavant, elle avait troqués quelques leçons de combat contre des réserves de gnôle. Cela lui permettait de vider son esprit, de progresser et de se faire sa place. La rouquine n'y allait pas de main morte. Fidèle à elle même, elle ne ménageait pas la pâle courbée sous les assauts. Les entraînements s’enchaînaient, devenaient de plus en plus dur. Ils étaient tels que Neijin ressortait souvent dégoulinante de sueur et vidée d'énergie. Elle progressait malgré tout. Suivait ensuite une baignade de rafraîchissement. A ce stade là, ce n'était pas du luxe.

    Ce jour-là, l'entrainement terminé et le nettoyage fait, elle rejoignit le groupe inconsciemment. Perdue dans ses pensées, elle ne se rendit compte qu'elle était avec eux que lorsque la voix de Tigist la sortie de sa torpeur. Un léger sourire illumina son visage et elle prit place près de Jurgen, comme à son habitude.


      - Je peux prêter mon arc, si jamais.

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