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[RP - les environs du Châtelet] Un regard apaisant

Donatien_alphonse
[Les environs du Châtelet]

La nuit est fraîche et humide mais la silhouette qui se profile au loin ne semble pourtant pas se soucier de ce qui n'est après tout, qu'un maigre détail. Le pas est rapide, pressé, comme si les crocs d'un cabot n'avaient de cesse de lui frôler les miches. Par instant, sa main vient s'appuyer contre ces murs qu'il longe depuis la Cour des miracles. En son autre main, une bouteille de vin déjà bien attaquée, tout comme lui en réalité. Un miraculé qui marche en direction du Châtelet... et sans y être forcé... serait-il donc devenu fou. Un miraculé certes mais, pas n'importe lequel car celui qui s'avance porte sur lui bien plus que des marques de fer aux poignets. Bien que son fardeau soit avant tout physique, il le porte également en son cœur et à chaque fois que son regard se pose sur son propre reflet, des images reviennent mais surtout, une douleur à laquelle jamais encore il n'avait été confronté par le passé. Ces marques qui n'auront de cesse de lui donner cette image de sourire éternel et qui trônent sur ses joues, ces cicatrices qui recouvrent ses joues ont été faites par celle qui répond au nom d'Axelle... son visage, jamais il ne pourra l'oublier.

Un instant, il s'arrête afin de réajuster le capuchon sur le haut de sa tête, ceci afin de dissimuler un peu plus son visage. Aux miracles, rien ne choque, ou presque mais en ce lieu, tout était différent.

"A jamais défiguré, à jamais bafoué."
Son dos se colle contre la bâtisse alors que le goulot de la bouteille rejoint à nouveau ses lèvres. Infime goutte de vin qui perle jusqu'à son menton mais il n'en fera rien. Ainsi donc, nous découvrons une nouvelle face de notre bon vieux Roy des miracles et par ailleurs, une première faiblesse. Car depuis qu'il s'est "remit" du duel, jamais il n'aura cessé de se retrouver seul dans le but de reproduire ce même trajet jusqu'au Châtelet.
En quête d'une chose qu'il ignore encore et pourtant il le sait au fond de lui... la première fois, c'était le visage du Prévôt qu'il recherchait et il fut comme... rassuré de constater que son état semblait s'être également amélioré. Mais plus le temps a passé, plus ses pensées devinrent sombres, non pas à l'encontre de la gitane pourtant mais, il ressentait comme le besoin de la voir, encore et encore... soit, il s'agit là d'un pur comportement psychotique avouons-le !

Et comment aurait-elle pu ne pas sentir ce regard posé sur sa petite personne alors que lui avait choisi cette planque improvisée, dans l'ombre de l'entrée d'une bâtisse, non loin du marché qui par cette heure est endormit. De cette planque donc, il avait vu sur les grilles du Châtelet à l'intérieur duquel il ne se risquerait pourtant pas à entrer. Bien des gardes de la Prévôté ont déjà aperçu son visage et si la rhumer du duel s'est alors répandue, notre Donatien en prendrait surement pour son grade... ça n'en fait aucun doute.
Il peste, jure et grogne mais il se décide à reprendre sa marche, il n'est plus très loin en réalité. Robuste (mais pas trop) silhouette encapuchonnée qui s'avance discrètement et qui pourtant, pourrait attirer l’œil aisément. Les culs propres ont ce don qu'est celui de la méfiance facile. Un instant, il songe aux autres restés aux miracles, sa seule famille en réalité. Pour l'heure, aucun d'eux ne se doute de quoi que ce soit mais cette nouvelle pensée le force à jeter un regard par dessus son épaule, vérifier, qu'ils ne le suivent pas. C'est qu'un Roy qui déserte, ça peut faire tâche ! L'alibi de la catin rassurera les esprits au réveil, comme toujours.

Enfin, le marché, calme, comme jamais, il ne reste là que des étales débarrassées de leur contenu qui les recouvraient. Et en quelques pas de plus, ladite planque improvisée, épaule posée contre la pierre et déjà, le regard porté au loin. Les grilles encore ouvertes... par moment, une présence, un garde accompagnant un nouveau détenu ou des plaignants, victimes de divers méfaits.
Une nouvelle brise, son visage se relève quelques peu alors que ses yeux se ferment. La lune vint comme illuminer sa trogne mais lui, savoure cet instant, l'air frais à désormais le don d'apaiser les quelques maux encore présents et causés par ses cicatrices. Les yeux, s'ouvrent à nouveau, autre gorgée puisée dans la bouteille de vin crasseuse, un hoquet retenu et une nouvelle fois, son regard qui scrute au loin, les grilles ouvertes. La gitane ne vient pas et pourtant, le temps lui, s'écoule... bientôt, sa tête en viendrait même à prendre appui contre la pierre, comme endormit, contraint par la fatigue et la boisson de lâcher prise. Pourtant intérieurement, ce sentiment de mal-être est naissant, il fleurit, sentiment provoqué par cette absence.

*Où es-tu, toi... toi qui as tourné une page de ma vie sur laquelle je ne pourrai jamais revenir...*
Axelle
La journée avait charrié avec elle son lot habituel de tracasseries. Son flot absurde de comptes rendus à rédiger. Le déferlement des hurlements déments d'Yvan qu'il avait fallu faire taire à grands coups de gnôle et certainement de quelques coups vicieux. Faire avec les moyens du bord pour avancer malgré les lenteurs administratives. Rester impassible, toujours, même devant les broderies tapageuses de sourires faux. Et pourtant, chacune de ces corvées avaient été accueillies par la gitane avec entrain. Avec même une certaine avidité. Car aucun agacement, aucune contrariété n'était plus alarmante que de se retrouver seule face à face avec elle-même. À regarder ses mains, en apparence si fines et si douces, qui pourtant étaient coupables d'une cruauté dont elle ne se serait jamais cru capable. Dès lors qu'elle les observait, ses doigts immobiles et écartés comme pour clamer leur innocence, se tachaient de sang, petit à petit, là, juste sous ses yeux. Il suffisait d'un clignement de paupières pour chasser l'illusion, pourtant le malaise restait accroché à sa peau comme une pieuvre étouffante.

Alors elle se gavait le crane de fariboles, de faux semblants et de futilités pour ne pas penser, et le dérivatif était efficace. Du moins avait-il encore été efficace jusqu'à ce que son bureau ne recèle plus de la moindre paperasse à classer ni de la moindre mine de plomb à ranger. Jusqu'à ce que les râles des geôles ne s'effritent en ronflements réguliers.

Rentrer chez elle s'était alors avéré inconcevable. La nuit était trop avancée, ses fils dormiraient déjà sans qu'elle ne puisse puiser sur leurs joues rondes le réconfort dont elle avait besoin. Alors c'est vers Clichy qu'elle avait décidé de perdre encore quelques heures. Le Prince saurait, comme toujours, de par sa constance, de son sourire en coin ou son regard moqueur, lui offrir une récréation où elle pourrait oublier cette saleté de clairière. Le tout, sans lui poser de questions sur les hématomes traînant sur son visage, mais offrant une oreille attentive si elle voulait s'y épancher.

Alors que ses pas claquaient sèchement dans les couloirs vides du Châtelet, elle s'acharnait à s'occuper la tête en préparant quelques plaisanteries au goût douteux qui pourtant manquaient rarement de faire sourire suzerain et vassale, refoulant ainsi tout ce qui cherchait à forcer le passage pour la ramener au vert criard de cette herbe tachée de rouge. Elle passa devant le garde en faction à l'entrée sans même lui adresser le moindre regard quand d'ordinaire elle prenait toujours le temps d'échanger quelques mots aimables. Et c'est ainsi, tête penchée, qu'elle déboula d'un pas assuré sur la place couvée par l'ombre menaçante du Châtelet, abrutie du masque de pensées subterfuges. Cette place qu'il fallait franchir. Vite. Pour échapper à ce sentiment diffus mais trop intense que le roi était là, et que rien, avec lui, n'était fini.Comme si le fil nouant leurs plaies les avait lié l'un à l'autre en une mauvaise plaisanterie. La Casas avait beau rejeter de toutes ses forces cette présence diffuse et inconstante, s'accrochant à sa si chère logique - elle qui ne manquait jamais de rembarrer le premier aventureux lui tendant sa main, espérant que, de par son sang gitan, elle puisse y voir autre choses de banales rides - tous les soirs, sur cette place, elle vibrait, toute entière. Sans ne pouvoir rien contrôler, et encore moins les sentiments contradictoires l'agitant. Alors incapable de savoir si elle voulait le voir ou le fuir, son pas se faisait habituellement plus rapide encore.

Mais ce soir-là tout au contraire des autres, son pas ralentit, jusqu'à s'immobiliser en plein milieu de la place vide. Lentement, elle écarta les bras. D'un geste le turban fut arraché de sa tête et les boucles frondeuses dévalèrent sur son dos et ses épaules.


Regarde-moi. Je veux te voir.

Puis rejetant la tête en arrière, les nerfs au bord de la bouche, hurla à l'ombre en tournant sur elle-même.

VIENS !
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Donatien_alphonse
Vous sentez-vous partir à contre cœur et alors que votre visage tombe de l'avant, comme si tout votre être descendait le long d'un gouffre sans fin et alors, vous sursautez, votre poitrine elle s'emballe comme jamais et tout autour de vous, rien ne semble réel. La bouteille a bien failli lui glisser des doigts mais croyez-le ou non, c'est pour l'heure tout ce qui lui permet de faire face à ce froid de fin d'hiver.
Les paupières clignent comme pour se remettre de cette soudaine émotion, le regard cherche face à lui sur ce vaste décor qui s'achève par la vue du châtelet non loin, de l'autre côté de cette place et de ce marché. Quelqu'un ou quelque chose vient, la tranquillité des lieux est, comme troublée. Tout s'arrête autour de lui, plus rien n'a d'importance et tous ses espoirs se portent sur Axelle. A jamais liés ils sont, tous deux ont décidé de se laisser la vie, comme une seconde chance de pouvoir à nouveau se contempler, sans pour autant croiser le fer.

Enfin ! Son cœur ne bat plus l'espace d'un bref instant, sa poitrine est comme soulevée alors qu'une silhouette se dessine dans les ombres et se profile peu à peu. La démarche est semblable, ça n'en fait aucun doute, il ne peut se tromper, pas à son sujet. La mâchoire se serre, les yeux se plissent, pour observer. Nul doute désormais, c'est bien elle qui passe et, qui ne le voit pourtant pas... c'est ce qu'il ose croire, n'a-t-il donc rien retenu de la leçon ? Elle est unique, c'est ce qui l'a rend si... addictive. Telle la boisson ou les plaisirs de la vie, ce simple fait de pouvoir la contempler de loin ou simplement deviner que celle qui passe et qui répond au nom d'Axelle, est encore en vie, ce simple fait l'emplit de ce qui semble être de la joie.
Habituellement, le pas se veut être pressant mais en cette nuitée, rien n'est semblable. Elle s'attarde sur la place puis enfin, s'immobilise. Donatien lui ne pense à rien, il se contente d'observer, avec la plus grande attention qu'il lui soit possible d'offrir. Et ces cheveux, qui sont lâchés au vent, la scène ne peut en être que plus magnifique.

Et un sourire déjà vint se dessiner sur ses lèvres, relevant alors légèrement ses pommettes abîmées. Puis, à ses oreilles, plus un bruit, comme des mots qui lui sont murmurés à l'oreille, mots auxquels il ne comprend strictement rien mais ce n'est là qu'une ruse de son propre esprit. Bien que le regard est fixe, il n'observe plus, perdu, seul et pensait-il, oublié alors que la voix gitane vint soulever les airs, balayant la place d'une bourrasque de haine, la tranquillité n'est plus et les vagues de cheveux se déchaînent. Un clignement des yeux, il revient à lui, soudainement, le visage du corps lié se tourne en sa direction... ce visage et, cet appel... il ne peut être que pour lui mais... comment pouvait-elle savoir et, depuis combien de nuitées avant cela et avant qu'elle ne finisse par céder.
Son sourire s'est éteint et son épaule n'est plus rattachée à la pierre alors que de sa main libre, il tire de nouveau le capuchon sur son visage. Pourquoi l'envie soudaine de vouloir le dissimuler face à la créatrice de cette oeuvre digne du sans nom.

La seule marche est descendue alors que sa chausse vint taper un premier pavé et déjà, l'on entend plus que le bruit de ses pas, lents et calculés mais c'est la tête basse qu'il avance et le temps est comme, ralentit. Les pensées se sont évaporées, sa bouche est à peine ouverte et ses yeux entrouverts regardent les pavés qui défilent. Enfin, il s'arrête, le visage se relève quelque peu mais ce n'est là pas suffisant pour que la gitane ne puisse espérer apercevoir ne serait-ce que le commencement d'une balafre. Ainsi, il resta immobile pendant de longues secondes, pas un mot, il sent sa présence, tout proche et, il s'en délecte avec une faim non maîtrisée. Ses épaules accompagnent les battements de son cœur, il ne trouve pas les mots... c'est bien la première fois. Et pourtant, tous deux ne se sont rien avoués depuis l'herbe tâchée de sang et il lui faut bien franchir ce nouveau cap.


"Bonsoir Axelle." Dit-il d'une voix qui se veut être discrète et comme renfermée, rien de semblable au Donatien que tous connaissent.

Pas très original me direz-vous et pourtant, il se sent déjà mieux dans le fond...
Axelle
Et l'ombre bruissa. Presque imperceptible d'abord. Puis se fracassa sur un pas silencieux. Un pas connu, reconnu et attendu. Ainsi donc, elle n'avait pas perdu la tête. Ainsi donc il n'avait pas gangrené ses pensées au point de faire chavirer sa raison. Il était là. Il avait toujours été là. Tous ces soirs où les frissons avaient parcouru son dos jusqu'à se perdre à sa nuque rigide. La constatation aurait dû être rassurante. Mais en cet instant elle n'aurait su dire si finalement elle n'aurait pas préféré la folie douce que d'avoir la preuve qu'il l'épiait tel un rapace attendant son heure. Être surveillée était en soi angoissant, mais rien de comparable avec l'incapacité de déterminer si elle en éprouvait du dégoût, de la colère, de la crainte, ou un enivrement aussi limpide que troublé. Et peut-être même un certain apaisement de le savoir là, si proche.

Si elle était liée à lui par ce geste immonde, il semblait l'être tout autant. Fallait-il s'en affoler ou sourire de ne pas être seule ? Et cet éventuel sourire, devait-il être railleur ou délicatement ému ?

Si les questions fusèrent à travers le crane gitan le temps d'un clignement de paupières, elles s’effacèrent sur le fil des pas de la silhouette irréelle nappée de brume avançant inexorablement vers elle. Encapuchonné ainsi, il semblait surgir des tréfonds d'un rêve aussi bien que d'un cauchemar, tel une âme errante lui ayant donné rendez-vous. Et les bras ballants, et le visage lisse, la gitane ne pouvait que contempler celui qui se profilait à son horizon.

Le vertige était enveloppant, et la nausée douce. Si la voix de Donatien n'avait plus rien de semblable avec ce qu'il avait montré de lui jusqu'alors, elle se perdait dans un désert de contradictions, envoûtée par un filtre diabolique pimenté de sang et de sueur.

Lente, elle pencha la tête vers la droite, ignorante des boucles noires dégoulinant sur sa joue, telle une petite fille trop curieuse et trop douce devant un tableau qu'elle aimait sans pourtant le comprendre. Avec une douceur irréelle elle tendit le bras ainsi qu'elle l'aurait face à un animal sauvage qu'elle aurait voulu apprivoiser, et avança doucement, pour ne pas l’effrayer de crainte qu'il disparaisse ou bien morde. La main, redevenue innocente et douce en cet instant suspendu, se glissa entre la capuche et la peau invisible. Le bout de ses doigts bruns brûlaient de se poser à cette joue massacrée, comme si une caresse avait eu le pouvoir occulte d'effacer leurs plaies à tous deux. Les cils de roi chatouillaient la pulpe de son pouce refusant de priver sa paume de la chaleur du frôlement mais sans jamais pourtant n'oser le toucher.


Que veux-tu ? Plus de vous. Plus de sourire qui frise ou de prunelles assassines, juste une voix brisée confrontée à leur absurdité. Et la main s'enfuit, vive, comme soudain brûlée trop fort.

Une vengeance ?
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Donatien_alphonse
La main n'a pas échappé à son regard. Cette même main qui à cet instant, se veut être innocente. Cette fois-ci, plus de lame, plus de sang, ce geste poussé parce la curiosité et le Roy ne bouge pas. Sous son capuchon, ses yeux se ferme alors que sa bouche s'entrouvre quelque peu. Il sent la chaleur émaner de cette paume et bien que la sensation puisse lui paraître être des plus désagréables, ce n'est là que le bref souvenir d'une fin de journée ensanglantée en ce vaste espace aux abords de la ville... plus jamais il n'y remettra les pieds. L'envie de sentir cette main venir au contact de son visage, pouvoir s'y reposer l'espace d'un instant et oublier ce fardeau qu'il porte et auquel il est condamné.

Mais suite à ses mots, la main gitane se retire bien trop hâtivement et, un sursaut lui échappe alors. Ses yeux s'ouvrent sous le capuchon qui dissimule encore, le désastre physique creusé à même sa peau. Est-ce donc là un châtiment réservé à ceux qui osent encore croiser le fer avec cette dernière. Il ne peut y croire car bien qu'il s'en souvienne, ce duel passé, n'avait rien d'un simple règlement de comptes. Les mots lui manquent encore pour décrire ce qu'il ressentait et ce qu'il ressent à présent. S'il avait pu tirer un trait sur tout ce qui s'est passé, l'aurait-il seulement fait... enfin, elle prend la parole à nouveau mais lui, reste ainsi, sans la moindre expression nouvelle pour venir trahir ses pensées.
Une vengeance demande-t-elle... et dans quel intérêt précis. Jamais plus, il ne se sentirait capable de la blesser, jamais plus il ne pourrait à nouveau voir ses cheveux mêlés à son propre sang, ce visage si doux abîmé par la ruée de coups qui pleuvent sans ne jamais s'arrêter. Mais alors, que veut-il vraiment.

Faire naître en elle un sentiment de culpabilité ? Surement pas, si ça avait été le cas, le capuchon aurait été rabattu sur sa nuque et présentement, il cherche à dissimuler le plus possible, son visage. Mais il ne pourra y échapper bien longtemps, tous deux doivent crever cet abcès mais pour l'heure, il n'est pas encore prêt. Peut-être finira-t-elle par céder à la curiosité, qui-sait.
De longues secondes suivirent son dernier mot. Le silence est revenu sur la place qui les entoure. Du coin de l’œil, un pavé au sol est soigneusement observé, celui-ci faiblement éclairé par la lueur de la lune et voici qu'une goutte vient s'écraser sur son dessus. Il va pleuvoir, est-ce donc une tradition à chacune de leur rencontre, que le vent tourne afin de rameuter au dessus de leurs têtes, des nuages de pluie.

Lentement, le visage s'abaisse un peu plus.


"Je n'réclame pas de vengeance Axelle."

Le ton est donné, il n'est donc pas présent en tant qu'ennemi. Et les pavés à leurs pieds sont bien trop parfaits pour être recouverts de leur sang. Mais quelles explications alors se devait-il de lui donner. Le silence et sa simple présence lui convenaient parfaitement, tout était alors apaisant, chaleureux même.

Soudainement, le menton est relevé, elle ne verra alors qu'un infime soupçon de crevasse sur ses joues, là où ses lames ont craquelé la peau en premier.


"Je..." Il ne pouvait plus faire marche arrière maintenant, elle était là, devant lui et c'est bien plus que ce qui lui était donné d'espérer. "Depuis le sang sur l'herbe... il me fallait savoir si..." Il marque une pause, frissonnant presque. "Tu vivais toujours... je... le souhaitais."

Mais dans le fond, est-ce vraiment tout, aurait-il donc oublié que s'il peut en ce jour profiter de sa vie à laquelle il tient tant, c'est en partie suite à son choix et à sa grâce. La bouteille est portée à ses lèvres un court instant alors que son corps s'est tourné le temps d'une gorgée pour ensuite, lui faire face à nouveau.

"Axelle... tu m'as laissé vivre."

La gitane pouvait prendre ces derniers mots pour un remerciement de sa part car, s'en était un. Lentement, la bouteille est tendue entre eux, la proposition est simple et s'il remonte dans ses souvenirs, la dernière fois que tous-deux ont partagé un verre, c'est elle qui offrait.
Axelle
Au loin, les braillements d'une bagarre de chats renversaient la ville de piaillements aigus et de tonneaux dérangés. Des carreaux s'éclairaient de ci de là, certains s’ouvrirent pour brailler le silence quand pour finir, ils n'arrivaient qu'à être plus bruyants encore.

Mais de ce bazar soulevant la place quelques instants, la gitane se contrefichait. Tout cela était d'un autre monde. D'un autre temps. Le sourcil un instant haussé d'un accent surpris aux aveux du roi, la manouche fouillait l'ombre de la capuche pour y dénicher l'éclat du regard de Donatien. Était-ce vraiment possible, après tant de hargne, de coups et de sang ? Le doute enfla, perfide dans les veines gitanes et s'agita encore davantage devant la bouteille tendue claquant sous les premières gouttes de pluie tel un symbole de paix.

Elle resta immobile, regardant le reflet flou de la lune sur le verre. La voix de femme sans visage s'éleva entre ses tempes et martela pour enfoncer le clou de la défiance. « En d'autres circonstances vous seriez morte. ». Pouvait-elle dès lors s'autoriser une pointe de confiance elle qui ne donnait la sienne qu'au compte-goutte ? N'était-ce pas un piège tissé avec patience ? Pourquoi n’ôtait-il pas sa capuche ? Pour camoufler ce sourire comploteur qu'elle lui connaissait ? Et puis qui était cette femme ? Quelle influence pouvait-elle exercer sur Donatien ? Soudain une bouffé de jalousie absurde enfla sur sa peau. Était-elle sa maîtresse ? Leurs corps se mélangeaient-ils jusqu'à l'aube dans des accès de fièvre pour les laisser essoufflés et repus au petit matin ? Une nausée irraisonnée roula dans sa gorge à cette simple évocation.

Pauvre imbécile ! Il n'est rien pour toi ! Juste un homme qui t'as frappé et t'aurait tué sous ses poings si tu n'avais pas réussi à réagir. Qu'est-ce que ça peut bien te faire avec qui il baise quand il est peut-être là, dressé devant toi, pour faire ce qu'il n'a pas réussi cette autre nuit. Le roi des pouilleux ne peut-être qu'un menteur, ces beaux mots ne sont faits que pour endormir ta vigilance. Approche-toi de lui, et sa lame ne manquera pas de s'enfoncer dans ton ventre. C'est un serpent, et il te charme. Idiote.

Sans plus d'hésitation, la dextre saisit le goulot de la bouteille et une longue rasade brûla sa gorge brune remplaçant chaotiquement chaque chose où elle devait être, du moins la manouche le pensait.

Elle avait besoin de savoir. D'avoir des certitudes. Même si celles-ci n’étaient destinées à vivre qu'une nuit. Qu'un instant. Toujours silencieuse, elle s'essuya la bouche du revers de la main en rendant la bouteille, puis d'une voix rocailleuse, agraina avec une lenteur ambiguë.


Je veux te voir. J'ai besoin de te voir.


Comprendrait-il qu'elle ne parlait pas uniquement de ses joues balafrées par sa lame mais d'un besoin bien plus profond de le croire ? Peut-être. Ce qu'il ne devait cependant pas comprendre, ni même seulement se douter, sous cette lune blafarde alors que les gouttes se faisaient plus lourdes sur leurs tête, c'est qu'elle avait besoin de le voir, du bout de ses chausses boueuses à la pointe de ses cheveux. Besoin irrationnel de lui, contre lequel pourtant, elle ne pouvait lutter.

Maudit soit ce jour où l'envie de passer ses nerfs l'avait conduite tout droit dans cette taverne aux côtés d'Eddard. Taverne où naïvement, elle était tombée dans la gueule du loup en passant des fers au poignets de cet homme qui s'invitait dans son existence. Et vilainement mordue elle ne pouvait plus le chasser sans que la plaie ne se déchire davantage.

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Donatien_alphonse
Et que croyait-il seulement, lui, pouilleux parmi les pouilleux et nouvellement balafré au visage, jamais plus celui-ci ne sera le même. Que croyait-il face à une femme d'une telle importance pour Paris et son peuple... que pensait-il pouvoir obtenir de cette dernière après tout. Rien selon lui, de brefs espoirs réduits à néant lorsque la réalité le prend à nouveau et le projette contre les pavés froids et humides... là est sa réalité à lui, loin des beaux quartiers, dans la crasse et le danger omniprésent, aux côtés de ses frères et sœurs, tous semblables... cette vie, il ne l'a pas choisi, il en a été l'élu pour ainsi dire mais, c'est cette vie qui l'empêche présentement de croire, de rêver même, de penser qu'il a sa place aux côtés de la gitane... dans un autre monde peut-être, dans un monde où lui ne serait pas ce qu'il est, Donatien Alphonse François de Sade, Roi autoproclamé des pouilleux de la Cour des miracles, voleur, assassin, menteur, tous les défauts réunis en un seul être. Ainsi sont les choses.

La bouteille toujours tendue dans sa direction, Donatien lui n'a de cesse de la fixer du coin de l’œil, restant dans l'ombre de son capuchon. Nul sourire ne vient éclairer ses lèvres et pourtant si elle voyait son regard, elle pourrait y voir quelque chose de différent. Donatien n'est plus le même depuis leur dernière rencontre, ce qu'elle a fait en lui fut alors radical.
Mais ce changement n'est pas montré aux yeux des siens, préférant ne rien laisser paraître auprès de ces derniers.

Face à Axelle enfin, il peut se laisser aller, se laisser être lui même. Ce moment, il en rêvait éveillé, de longues nuits passées allongé sur sa couche crasseuse aux miracles, les yeux rivés sur un plafond de planches émiettées et l'esprit embrumé par la boisson.
Ce moment où il pourrait enfin, tendre le nez sous une nouvelle brise et se délecter ainsi de son odeur, sans la moindre gêne mais, tout aussi discrètement. Ce moment où, à nouveau il entendrait le son de sa voix.

Enfin, la bouteille fit rapidement un allé retour. Un sourire, sur ses lèvres dissimulées. En acceptant ce geste, Donatien ne pouvait qu'espérer prolonger un peu plus cet instant. Mais alors qu'il s'apprêtait à porter le goulot à hauteur de son visage, Axelle prit de nouveau la parole.
Et ces mots, qu'il écoute avec la plus grande attention, si bien que ses mouvements se sont arrêtés dans leur élan. Que voulait-elle dire... il n'ose pas y croire, il n'ose comprendre et pourtant au fond de lui, de nouveaux espoirs grandissent.

Disait-elle seulement vrai... "qui n'ose jamais est certain de ne pas gagner" et c'est sur cette dernière pensée que lentement, il s'accroupit, posant délicatement la bouteille au sol. Bruit du verre contre la pierre du pavé à ses pieds et lentement, il se redresse alors que ses mains viennent empoigner son capuchon... Visage alors soudainement éclairé par la lueur de la lune lorsque que le capuchon est rabattu brusquement dans sa nuque. Les cheveux en bataille lui recouvrent quelque peu le front et, ses yeux restent clos, il ne bouge plus, la création dévoilée à son maître pour la toute première fois... aurait-elle toujours cette envie ou ce besoin intact de le voir après cela. Car désormais, tous le fuient comme s'il portait la marque du Sans Nom, c'est qu'ils n'ont pas tord en réalité... seule Kelel a su se montrer digne de confiance dans cette épreuve.


"Et maintenant ?"

Pas un mot de plus, rien, au tour de la gitane maintenant d'observer son oeuvre mais après tout, Donatien ne pouvait pas lui en vouloir. A cet instant il vit et si bien qu'il s'en souvienne, tout aurait pu être différent et son corps serait alors en train de pourrir sur cette même place de duel. Son choix fut bref, ça n'en fait aucun doute et pourtant dans le fond, il ne peut lui être que reconnaissant.
Mais il n'en dira pas un mot, si alors elle sait observer aussi bien qu'elle l'a déjà démontré alors, il n'aura nul besoin de le dire.
Axelle
Il n'avait été qu'un défouloir. Un de ces hommes pris au hasard sur qui elle mettait le grappin de temps à autre pour passer ses nerfs. Un hommes tout juste coupable d'avoir trop bu et d'avoir cassé un verre en marchant sur la table d'une taverne.

Ça aurait pu-être n'importe qui. Ça avait été lui.

Elle aurait dû en oublier le visage, la fêlure du sourire ou le son de la voix. Elle n'aurait jamais dû recroiser son chemin ailleurs que dans les couloirs du Châtelet jusqu'à retrouver, un jour les tatouages trop noirs sur la peau trop blanche allongés pieds devant à la morgue. Peut-être alors se serait-elle souvenue de son nom. Mais quelle importance, un nom accroché à l’orteil, quand ceux englués dans la fange n'avaient pas droit à la moindre épitaphe, mais finissaient accrochés à d'autres anonymes au fond de la fosse commune, tout juste gratifiés d'un peu de chaux et d'une signe de croix bref du fossoyeur.

Voilà comment les choses auraient dû se passer, en toute logique. Mais de logique il n'y avait plus depuis que sa main brune avait lancé un dès usé sur une table crasseuse. Effet papillon qui aujourd'hui, sans qu'elle ne puisse rien y faire, chamboulait sa vie scrupuleusement et inlassablement tissée et retissée. Sauf que tout était différent. Rien ne s'arrachait et tout se tissait sans même qu'elle n'ait à entrelacer les fils de soie. Son regard spectateur observait la toile s'allonger vers cet autre impensable. Toile enchevêtrée de noir abject et d'argent magnifique. Et la Casas en était affolée. Non plus de crainte de finir le nez dans le ruisseau, anéantie d'un poignard planté entre les omoplates ou au plein milieu du ventre, mais de ne plus rien maîtriser.

Donatien savait-il combien elle ne savait plus sur quel pied danser quand il la faisait valser d'un sentiment à l'autre ? Elle décortiquait chaque mouvement calme, enveloppant d'un regard velours la nuque penchée pour abandonner la bouteille à la surveillance des pavés. Le temps flemmardait, s'allongeant et s'étirant perfidement pour que chaque mouvement du roi poinçonne sa mémoire. Et face au visage aux yeux fermés que se présentait à elle, elle vacilla. Le regard noir glissa sur les entailles gravées aux joues par sa propre main et, si la nausée la secoua quelques instants, ce ne fut pas de les trouver laides, mais par dégoût d'elle-même d'avoir pu commettre cet acte cruel et gratuit, sous le ricanement de son père. Parce qu'en cet instant, si l'un d'eux était laid, c'était elle, et uniquement elle. Lui étincelait de cette seule beauté que la gitane contemplait. Celle qui se cachait, et que parfois, les êtres croisés acceptaient de lui dévoiler. Alors, elle restait subjuguée, la bouche entrouverte et le souffle coupé. Devant elle ce n'était pas un visage balafré qu'elle regardait, mais celui d'un homme qui déposait à ses pieds sa fragilité et ses fêlures, bien plus troublantes et émouvantes que celles lacérant sa peau. Et ses yeux fermés dans l'attente de verdict étaient certainement le poignant de tout.

Sous le cuir de son gilet sombre, son cœur manouche éclatait en saccades brutales jusqu'à faire tressauter indistinctement son corps tout entier. Et maintenant ? Maintenant, rien n'était plus pareil. Les craintes et les hésitations se taisaient devant la leçon magistrale d'abnégation. Certainement devant les prunelles témoins, rien n'existerait de cet instant suspendu entre eux. Mais dans les regards qu'ils pourraient encore échanger, traînerait toujours la brisure de ce moment. Et il n'était pas certain qu'à cette nouvelle donne, l'un deux puisse être gagnant.

Un pied s'avança, dédaigneux de la flaque de pluie dans laquelle il échoua. Puis un second. Les chats pouvaient bien se battre ce soir. Le souffle du roi inondait le visage gitan. Dans un élan irraisonné, les mains se nouant vivement à la nuque mâle où la pluie gouttait, les lèvres brunes entrouvertes tremblèrent avant de happer l'éternel sourire d'un baiser où la raison n'était qu'un souvenir désagrégé.

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Donatien_alphonse
Que le temps lui paraît long et pourtant, il ne s'en plaint pas, les yeux toujours clos, offrant ainsi son visage à la faible pluie naissante et par la même occasion, au regard de la gitane. Puisse-t-elle à tout jamais regarder la paume de ses mains et contempler l'ampleur de ce dont elle est capable car l'on ne sait jamais, ce vraiment pourquoi l'on est fait. Et pourtant, même le Prévôt de Paris en personne semble avoir ses défauts et ses excès de folie mais ce n'est là qu'une simple constatation car lui ne peut lui en vouloir, bien au contraire.

Les sens décuplés face à l'absence de regard, l'odorat, la légère brise sur son visage, la pluie contre sa peau et Axelle, qui s'approche, il le sent et dans sa poitrine, son cœur explose presque. Que veut-il dans le fond et que pourrait-il craindre. Qu'elle le repousse à tout jamais à la vue de son visage et de ses joues. Kelel a pourtant quant à elle fait un travail remarquable pour réparer l'irréparable. Mais il manque un dernier point de suture pour renfermer le tout et à jamais, enterrer à ses yeux, cette blessure morale plus que physique.

Le contact des mains dans sa nuque, elles le font frissonner de toute part et il ne le cache pas pour autant. Sa respiration s’amplifie, elle est forte, haletante et peu maîtrisée. Et lorsque les lèvres gitane vinrent rencontrer sa joue, ses yeux s'ouvrirent pleinement et dans une faible rotation du visage, son regard croisa le sien. Nouveau sourire en coin, discret mais pourtant, annonciateur, un sourire qui en dit long et comme souvent, les mots ne sont plus d'aucune utilité en cette situation présente.
Si seulement, il pouvait à jamais emprisonner cette place dans le temps, faire que tout s'arrête enfin et à tout jamais. Comment expliquer enfin à la gitane, répondant au nom d'Axelle, que plus jamais son regard ne pourrait rester loin de sa personne. Cette peau, ce regard profond, cette chevelure et cette prestance, sans passer en revue ce qu'elle est réellement, ce qu'elle incarne et représente... comment a-t-il pu ainsi lever la main sur elle et la ruer de coups. Inconscience et folie ne font pas bon ménage, il le sait maintenant.

Ses lèvres s'entrouvrent quelque peu mais finalement, son visage se baisse à nouveau. Sait-elle seulement que par cette marque indélébile, elle aura condamné Donatien à errer au sein des bas quartiers de Paris. Désormais semblable à un bossu ou un bras cassé, son rôle est désormais parfaitement taillé dans la roche et la chair.
Roi des fou, Roi des pouilleux comme il le dit si bien, meneur des miraculés aux côtés de celle qui aura répondu présente pour le maintenir en vie mais... n'était-il pas destiné à franchir ce fleuve sanglant séparant le monde des vivants de celui des morts.


"Axelle je..."

Incertain il est à cet instant précis et pourtant, s'il ne dit rien, jamais elle ne saura. Son visage et son regard se lèvent à nouveau, son corps lui, ne bouge pas. Sa joue quant à elle se trouve être encore recouverte de cette sensation de chaleur déposée par les lèvres de la gitane, puis enfin.

"Maintenant je sais... que jamais plus mon ombre n'aura de cesse de t'escorter là où tes pas te conduiront." Instant de silence, très bref. "Nous sommes ce que nous sommes mais je n'ai que faire des règles !"

Toute sa vie durant, Donatien n'aura eu de cesse de vivre comme bon lui semble mais ce choix de vie n'aura jamais été aussi désiré qu'à cet instant. Les entourages de chacun auraient bon crier, hurler et sermonner, pourtant Donatien lui, ne les entendra pas, préférant céder comme toujours, à ce que lui dicte son cœur.
Axelle
Le goût de cette peau burinée accrochait aux lèvres gitanes. Fort. Piquant. Poivré. Neuf. Son regard noir se perdait sur la pointe de leurs chaussures trop proches déjà pour être innocentes alors qu'elle pinçait la bouche pour tirer tout le suc de cette saveur inconnu. Elle analysait, sans pourtant que sa raison ne retrouve la surface de sa cervelle. Pouvait-on réellement dévier du duel sanguinaire au baiser en l'espace de quelques jours ? Oui, preuve en était donnée. Elle avait joué à se faire passer pour le diable, pourtant, c'était bien l'homme devant elle qui possédait d'obscurs pouvoirs.

Tout aurait pu s'arrêter là. Peut-être se seraient-ils serrés la main, comme deux idiots concluant l'impensable par la banalité. Mais rien n'en fut et la voix de Donatien s'éleva encore. Un brin hésitante et pourtant posée et calme comme jamais elle ne se serait attendue à l'entendre. Où était le rire de dément ? Pour le coup, certainement que l'aveu aurait-été moins dérangeant si le ricanement l'avait couronné d'une normalité retrouvée dans cette relation qui se tissait entre eux tout en leur échappant. Mais échappait-elle vraiment au Marquis ou seulement à elle ? La question avait bien des raisons de se poser. Il avait dit ne pas vouloir se venger, et pourtant...

La botte du prévôt recula de la flaque et les doigts se dénouèrent promptement de la nuque, comme brûlés, laissant à sa paume un froid obsédant de vide. La suivre partout où elle irait ? Avait-elle bien entendu ? Avait-elle bien compris ou son esprit malmené se fendillait sous le poids de trop d'émotions contradictoires et abusives.

Avoir une ombre derrière elle, elle qui peinait déjà à supporter la sienne, était un piège terrifiant pour la libertaire et indépendante impénitente qu'elle était. Le regard noir, s'agrandit avant de se plisser. La tête brune se baissa avant de ne laisser que les prunelles fendues remonter dans le regard du roy, y fouillait sans la moindre pudeur pour y dénicher la moindre trace de preuve de son incompréhension. Pourtant elle n'y trouvait qu'une détermination pleine.

La regarder quand elle grimpait sur les parapets de Notre Dame pour défier le vent et le vertige au nez des gargouilles ? La suivre quand ses pas, encore et malgré elle, l’entraînaient aux abords de l'Aphrodite, pour s'assurer que définitivement, aucun spectre ne longeait ses murs ? Être là, dans l'ombre quand son fusain grattait le vélin avec frénésie devant un visage débusqué au gré de ses errances dans la capitale ? L'épier quand, le soir, elle entraînait dans son lit ou à l'ombre d'un porche, un inconnu sur la peau duquel elle perdait la mémoire quelque temps ?

Tous ces moments n'appartenaient qu'à elle. Ils étaient ce jardin secret fermé à double tour qu'elle avait toujours refusé de partager. Et jusqu'alors, aucun de ceux qui avaient été assez proches d'elle pour qu'elle leur offre sa confiance et bien plus, n'avaient jamais tenter de franchir les frontières qu'elle posait, se contentant de prendre ce qu'elle donnait sans jamais chercher à obtenir plus. Pouvait-elle en vouloir à Donatien de ce qu'elle jugeait comme une ingérence pire que tous les coups qu'il avait pu lui donner ? Ne la connaissant pas, la sagesse aurait imposé que la réponse fut non. Mais si la gitane avait bien quelques qualités, la sagesse n'en faisait pas partie. Pourtant, incroyablement, elle parvint à ravaler son impulsivité qui l'aurait tout droit conduit à reprendre le duel, balançant en travers de la figure du roy, non pas une gifle - le visage de Donatien étant suffisamment abîmé par sa faute - mais un ricanement narquois comme quoi jamais il n'y parviendrait, et que somme toute, même s'il était assez malin pour y arriver, ce qu'il verrait ne manquerait pas de l'écorcher et se contenta, d'un laconique mais profond


Pourquoi ?
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Donatien_alphonse
L'image que Donatien souhaitait présentement transmettre à la gitane, le fait est, qu'à jamais leurs âmes liées n'auront de cesse de se mêler et ce, dans toutes les situations qui se présenteront à eux. Elle qui pourrait alors se trouver enfermée au cœur même du châtelet, Donatien lui ne marcherait jamais seul. Dans le reflet d'une flaque ou dans l'ombre d'une ruelle, le regard gitan sera présent, à tout jamais. Des mots, des sons, l'impression d'une présence réconfortante, là est sa nouvelle force. Elle le détient, sans même le savoir, la prise est ferme, intacte et faite d'un métal que l'on ne peut faire fondre et dont même le plus expérimenté des forgerons ne saurait faire plier sous les coups du marteau.
Le Roi fou et le Prévôt à jamais lié mais qui sont-ils réellement si ce n'est deux êtres fais de chair et de sang. Deux gosses, tout bonnement, deux marmots au cœur lourd et qui semblent alors seulement découvrir un nouveau sentiment naissant en eux.

Les mains se sont détachées, elle s'éloigne et déjà, le sentiment de la perdre à nouveau, cette image qui lui revient en tête lorsque son regard à l'image floutée s'éloignait de la pelouse ensanglantée, laissant le corps de la gitane, sur place. A cet instant, tout aurait pu se jouer et si le destin en avait voulu autrement, jamais il ne l'aurait revu, il en a pleinement conscience.
Mais il n'en est rien, les deux corps se font toujours face et le nouveau sourire qui illumine le visage du balafré reste quant à lui, intact et rien ne semble pouvoir l'ébranler.

Axelle parle de nouveau, seul et unique mot, une question ouverte à laquelle il se doit de répondre. Les mots sont-ils seulement de taille pour exprimer ses pensées et ses sentiments.
Lentement, ses mains viennent empoigner un des bras de la gitane et de nouveau, le plat de sa main vint recouvrir l'une de ses joues balafrée. Donatien insiste pour que l'indexe si fin vienne parcourir le creux de chair alors que son regard suit la moindre de ses réactions, essayant de lui soutirer la moindre de ses pensées.


"Pour la seule raison que nous sommes à présent liés l'un à l'autre." Un frisson, un seul, oser l'impossible.
La main posée sur la joue est alors soudainement serrée dans la sienne, fermement, comme s'il voulait en faire sortir un venin. Et tel un marin tirant sur le cordage de toutes ses forces usées par le temps, le Roi fou entraîna le corps gitan vers lui, corps qui déjà, se voit entouré de ses deux bras.
La permission n'est pas accordée et la demande ne sera pas faite. Ne pas oublier que face à elle se trouve l'un de ceux qui vivent selon leurs envies et pourtant là, ceux ne sont pas ses tripes qui parlent. Le visage s'approche du sien, un instant, il semble comme hésiter mais, lui se délecte déjà de cet instant nouveau.
Son regard, dans le sien, un long moment durant, les lèvres fermées jusqu'alors, s'entrouvrent enfin quelque peu tandis que ses yeux se ferment lentement. Puis, d'un basculement calculé mais néanmoins délicat de la tête, ses lèvres en viennent à recouvrir les siennes.

Est-ce là un de ces instants où l'on voudrait que le temps se fige à tout jamais... ça n'en fait aucun doute pour notre Roi fou qui se trouve alors être parfaitement assagit par cette simple et pourtant rayonnante présence qu'est celle du Prévôt.
Les pavés peuvent alors se décoller de terre, les murailles s'effondrer comme si un véritable ouragan en venait à les frapper de plein fouet que lui, ne bougerait pas d'un cil. En son esprit, plus rien ne lui vient, chacune de ses souffrances se trouvent être décimées, ses peines envolées et ses doutes alors arrachés de terre par la racine afin que plus jamais ils ne poussent.

L'air lui manque un instant et les lèvres peinent à se séparer mais de nouveau, alors que le bout de son nez vint rencontrer celui adverse dans un léger mouvement horizontal.


"Ton emprise sur ma personne... aurait-on trouvé le point faible du Roi des miracles ?"

Les chuchotements suffisent amplement, nul besoin d'hurler à ses tympans car les voici suffisamment proches l'un de l'autre pour qu'il lui glisse ces quelques mots.
Ainsi donc, il se figea, contemplant son regard, ses lèvres et son nez, encore et encore, dans ce même ordre, sans ne plus s'arrêter...
Axelle
Est-ce que ce fut lent ? Est-ce que ce fut rapide? Le temps n'était plus seulement suspendu, il était brisé, et les yeux grands ouverts de la gitane se remplissaient de pluie sans même qu'elle ne songe à ciller pour la chasser. Tout était envahi de lui. La chaleur sur son visage épié. La palpitation de ses lèvres stupéfaites. Le torse sur lequel sa respiration saccadée butait. La fissure sienne du visage offert à sa main. Mais aucun fer perçant sa chair. Aucun coup ne venant réveiller les hématomes diffus à ses pommettes. Juste la folie sans fond d'un baiser qui les entraînait tous deux vers un ailleurs dont ils ne connaissaient ni la profondeur, ni la couleur et encore moins la musique. Un baiser qui valait tous les mots. Toutes les explications. Déposant à leurs pieds infernaux la nature du lien inextricable dans lequel ils s'embourbaient sans finalement lutter.

C'était tellement plus facile, mais pour finir, ne serait-ce pas plus douloureux que tous les coups qu'ils pourraient se donner ? La gitane s'en moquait. Et certainement là, au creux de cet oubli sans fond, était-ce la pire erreur à commettre. Sans cesse ils viendraient se fracasser l'un contre l'autre, comme deux vagues aveugles d’imbécillité et d'entêtement. Mais la gitane s'en moquait. C'était plus fort qu'eux la Casas le devinait. Lutter ne serrait que s'épuiser en vain quand la pluie, à chacune de leur rencontre, s'invitait pour entremêler leurs cheveux, tel un baptême païen. Savait-il seulement que si l'idée saugrenue s'était faufilée dans la cervelle du Roi de la protéger indistinctement, il renversait tout sur son passage, mettant à sac les certitudes, les projets, les ambitions ? Non, il ne le savait pas. Mais la gitane s'en moquait. Où étaient les anciennes pleurs et les cris passés ? Que restait-il des vestiges d'espoirs flous auxquels pourtant elle s'accrochait encore ? Rien. Mais la gitane s'en moquait. Il ne restait rien en cet instant, que ce visage dessiné de sa main qui dévorait toute sa vue et assourdissait ses oreilles d'un seul murmure. Rien d'autre que ces bras qui savaient la broyer mais qui, sous cette lune, décidaient de la bercer. Non, rien d'autre que ce regard mouvant qui l'appelait.


Alors entre les bras royalement miraculeux, le corps manouche se fit liane et la bouche encore timide revint goutter encore et encore, d'une pulpe moite toujours plus aventureuse. Les mains brunes enserraient l'outrage de paumes pleines pour aller divaguer à la nuque où les doigts bruns s'accrochaient aux cheveux alourdis de pluie. Leurs visages ruisselaient de pluie, mais la gitane s'en moquait en les nouant encore davantage l'un à l'autre d'un baiser fiévreux, alors que d'un nouveau nuage, la lune fermait les yeux sur l'inconcevable se jouant sous sa lueur diffuse.


Mais les chats, de toute évidence n'étaient pas d'humeur à se faire voler la vedette si facilement, et dans le clapotis régulier des gouttes d'eau, piaillèrent dans un chahut assourdissant déchirant la nuit. La gitane essoufflée s'arracha à cette emprise trop enivrante pour ne pas être corrosive. Reculant de plusieurs pas. Les boucles collées à ses joues. La bouche fautive d'avoir déjà trop goutté sans être pervertie par le sel du Roy, tremblait, ouverte, sous le regard noir bien trop grand.

Je... Il faut... Que je parte.... Oui. C'est ça. Que je parte.


Et les mots, après avoir finalement réussi à écorcher les lèvres encore brûlantes d'un roi fou, la manouche se retourna dans le même élan affolé pour filer droit devant elle, sans plus réfléchir à rien.
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Donatien_alphonse
Combien de temps sont-ils ainsi restés enlacés l'un à l'autre, liés par cette folie passagère qui tendait aux tripes de notre Roi fou, si bien qu'il n'en dormait plus les nuits passées. L'instant est comme, apaisant et, il ne pouvait l'imaginer autrement. Il l'avait donc retrouvé, celle qui hante ses pensées, à chacun de ses pas, à chacun de ses monologues épuisants pour les siens et lorsque l'alcool coulait en lui et que son esprit voguait, il n'avait de cesse de rejoindre ce lieu, tapis dans l'ombre afin de... l'observer. Bien souvent lorsqu'elle s'éloignait, lui restait seul un instant, de nouveau songeur, le regard perdu sur les pavés de cette place mais, à chaque fois, son cœur se trouvait être dénoué, ce qui avait pour effet de le soulager un instant.

Ce qu'elle a provoqué en lui ne peut avoir que pour seul effet d'accentuer cette folie qui l'accompagne et qui fait sa réputation au sein de la Cour, un esprit tourmenté, une dose de manque et le moindre événement, peut-être même un simple mot pourrait alors le plonger dans une folie orchestrée par le Sans Nom. Il en est son sbire, véritable rejeton du malin mais tous maux a son remède et le sien se nomme Axelle.

Savourer, sans la moindre retenue. Une main qui s'appuie dans le dos gitan tandis que l'autre vint se frayer un chemin au moyen de ses cinq doigts, au milieu de ses cheveux. Aucune importance n'est portée à la pluie et les bruits environnants ne viennent éveiller chez lui qu'un soupçon bien trop mince pour qu'il ne daigne y prêter le moindre intérêt.

De ses bras, elle s'extirpe, de ses doigts, elle s'échappe, de ses lèvres enfin, elle se libère.
Le sursaut est faible, à peine perceptible pour la gitane qui se recule de quelques pas comme si cette dernière souhaitait soudainement fuir. Est-ce seulement le cas, elle en donne parfaitement l'impression.
Partir, c'est donc ce qu'elle souhaite. Les bras retombent le long de son corps, lentement, son regard lui est toujours posé sur Axelle et son sourire semble se refermer peu à peu. Laisser filer, elle reviendra, et lui aussi. Tous deux se reverront, ça n'en fait aucun doute car le destin a choisit de se faire rencontrer leur sinueux sentier.
Elle s'éloigne mais lui, ne bouge pas pour autant et alors qu'elle est déjà bien trop loin, il se permet ces quelques mots, espérant que le vent les porte à son oreille. Simple pensée abusive, l'esprit trop embrumé mais la boisson n'en est plus la cause.


"Au revoir Axelle. Puissent les vents nous rapprocher à nouveau."

La main lourde empoigne la bouteille sur le pavé. Goulot porté à ses lèvres et déjà, le Roi fou se retire de la scène, reprenant la direction des miracles. Cette nuit, ses yeux se fermeront, cette nuit son sommeil sera lourd... cette nuit restera à jamais gravée.
Axelle
Ses bottes lustrées claquaient sur le sol, indifférentes aux flaques qui par moment, déséquilibraient la manouche. Elle avançait droit devant elle, sans jamais se retourner, l'esprit divagant sans que les claques froides de la nuit ne parviennent à la tirer de sa torpeur. Elle avançait, les yeux fixés sur un point devant elle, qui semblait s'éloigner à chaque fois qu'elle croyait s'en approcher. Finalement lassée de courir après le vent, la manouche ralentit le pas jusqu'à s'adosser à un mur de torchis d'une maisonnée ronflant tranquillement. Le regard noir se baissa sur le bout de ses bottes qu'elle trouva sales, soupirant déjà à l'idée, absurde en cet instant, qu'elle allait devoir les frotter avant le lendemain alors qu'elle n'en avait aucune envie.

Et sans même y penser, les doigts bruns virent frôler sa bouche avant de s'y appuyer plus fortement dans un mouvement oblique, comme si elle voulait en tirer un jus étranger. Puis avec lenteur, inspecta le bout de ses doigts. Aucun sang ne les détrempait plus. Non. L'illusion en avait fini de s'accrocher. Pourtant, la Casas n'en fut pas soulagée pour autant. Bien au contraire, quant à présent, c'était un manque odieux qui s'attachait à elle, auréolé d'une brûlure enivrante. Et c'était bien plus angoissant. Une alerte sourde résonnait entre ses tempes, intimant l'ordre de remiser ce goût poivré planant à sa bouche dans les méandres obscurs de sa cervelle. Il fallait trouver le coffre de l'oubli, y engouffrer les palpitations de son ventre dès lors que le regard de Donation venait narguer sa raison. Et l'y enfermer. À double tour. Voire à quadruple. Pour reprendre le cours de sa vie. Ça semblait simple. Il fallait que ce soit simple. Pourtant malgré le regard plissé sous la concentration du raisonnement, le bout de la langue gitane, traîtresse en glissant à l’orée des lèvres coupables, n'en finissaient pas de réduire les efforts à néant.

Agacée d'être à ce point incapable de lutter et ne pouvant que se résoudre à constater une volonté effilochée, la manouche releva la tête, la lueur d'une taverne lui perçant la rétine d'un vague espoir. Le pas gitan se fit plus volontaire encore pour parcourir les quelques mètres la séparant de l'établissement. La porte grinça, offrant à son visage cette familière bouffée de chaleur rance et de relents de bière frelatée.

Le regard de charbon balaya la salle encombrée et se posa sur un brun installé seul à une table, le nez plongé dans sa chopine mais le regard clair divagant de ci de là un brin amusé par les chimères alcoolisées s'offrant à lui. Le regard clair ne tarda pas trop à tomber sur le visage brun qui se fendit d'une virgule blanche. Il n'en fallut pas davantage pour qu'elle s'avance vers lui, le pas ondulant chassant le rigide de l'uniforme du Prévôt de Paris.

De ce brun, elle ne voudra rien savoir. Pas même le prénom. De lui elle ne voudra qu'une chose. Que cette nuit, il soit assez lascif et habile pour effacer l'empreinte des lèvres de Donatien accrochée aux siennes. Dût-elle s’enivrer pour l'y aider.

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