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[RP] The Final Bow - La Dernière Révérence

Phileas.




Quelques mois en arrière, Hiver 1464 - Cher Ami...


***

- Tu ne peux pas continuer ainsi blondinet.

- ...

- R'garde-toi, pour l'amour du Très Haut, je ne t'ai jamais vu aussi blafard, même si nous sommes sur la tablée la plus lointaine des curieux, j'ai l'impression qu'on t'épie comme si tu allais déchainer les pires malheurs.

- J'me souviens pas t'avoir connu pieux.

- Oui, bin en attendant j'me porte mieux sur mes gambettes, j'm'enferme moins dans une forteresse digne d'Grenade, et j'ai fait la Paix mon ami.

- Ne commence pas Phileas.

- Pourquoi pas ? Fiston, chaque soir, j'prie que tu sois assis sur cette même chaise, si tu n'as pas décidé d'aller tâter du pilori. Ou mieux, qu'enfin tu te décides à m'ouvrir chez toi pour que je te démontre qu'Elle n'est plus là.

- Tu as surtout eu une putain de chance.

- Que le Miséricordieux en soit loué. Et il peut aussi y avoir de la place pour toi... Écoute, combien de temps s'est-il écoulé depuis ? Pourquoi continuerait-elle encore ? Il n'y a plus aucune raison.

- Justement. Tu ne la connais pas. Elle a tout détruit.

- Et nous pouvons ainsi ficher l'camp de cette maudite ville, de ce pauvre royaume qui guerroie ta "Terre Sainte" angevine, refaire notre vie chez moi, repartir à zéro... Elle n'aura aucun moyen de passer plusieurs armées jusqu'à nous le temps d'arriver à Marseille ; Il n'restera plus qu'à prendre la mer, et ce sera terminé de cette folie !

- Absolument rien ne peut dire qu'Elle n'a pas juste décidée de rester là à attendre la première occasion pour se débarrasser de nous. Foutredieu, cette furieuse est entrée chez toi !

- Ne blasphème pas. Et qu'ai-je eu sinon des bleus, un sacré mal de crâne, la plus grande peur et bénédiction de toute ma vie ? Reprends tes esprits mon garçon, j'm'inquiète pour toi... On vient me chuchoter que tu appelles le Diable à ta porte.

- ...

- Je ne sais plus quoi faire pour que tu entendes enfin mes paroles. Viens avec moi, je souffre de ton absence et je ne peux te laisser agir tel un infidèle prêt à tout incendier pour le sort de..

- Ne. Prononce. Pas. Ce nom.

- Rien ne lui arrivera plus désormais, le petit est entre Ses mains, sous la houle des anges, en martyr.

- Il ne méritait pas ça. J'ai tout fait pour pouvoir le protéger de leurs yeux. Et alors que je m'apprêtais à même lui rendre sa liberté, la voilà qui... Il aurait pu vivre de noblesse et de joy, te rends-tu juste compte ? J'avais tout préparé uniquement pour son bien. Il n'aurait jamais dû... Je lui avais interdit de s'approcher d'Elle. Pourquoi Phileas... Pourquoi devons-nous enterrer nos enfants et prier ce... Ce Menteur !

- Je ne te comprends plus. Tu as bien trop changé. Je te conjure de revenir à la raison fiston... Cela doit s'arrêter avant un bain de sang inutile pour deux pauvres ères égarés. J'ai trop vu de morts à tes côtés... Promets-moi de venir à la maison demain, je m'occuperais de tout pour notre départ, tu n'auras qu'à enfin reposer ton esprit troublé et...

- Assez de tes sermons. Je trouverais moi même ma manière d'en finir, quitte à devoir tout sacrifier, je la préfère écartelée que proche d'un nouvel enfant.

- Je... J'ne peux pas te laisser te faire cela. Rumwald, je te supplie de venir. Cela n'a que trop duré. Que fera cette prochaine progéniture sans sa mère ?

- Qu'elle crève. Je n'en ai cure. Adieu mon ami, tu n'as que trop servi. Pars donc à Marseille, refais-y ta vie. Mais moi, je reste.

- Ayez Pitié Seigneur...



Ce RP peut inclure d'autres personnages, il suffit tout simplement de me MP pour que je donne la trame principale, rien n'est programmé à l'avance, merci !
Dan.hindley
Deux jours après, Hiver 1464 - Un dernier service

Même musique que précédemment, c'est qu'y a le temps


Voilà plus d'un an que l'anglois n'avait plus remis ses pieds nus sur la coque rassurante d'une galère. Mesurant une demi-tête de plus que la plupart des francs qu'il côtoyait, visage buriné aux longues traversées en Atlantique et Méditerranée, le gaillard dénotait assez du paysage dès qu'il se décidait à laisser échapper quelques paroles, en compagnie des ouvriers qui s'activaient sur les bords de la Seine. Dan n'avait aucune gêne d'admettre ses origines à ceux qui fronçaient les sourcils à l'écoute de son accent. Pour autant, il ne lâchait que rarement quelques verbes de son cru, apparemment habitué à user du patois environnant. De plus, même si son physique semblait ingrat au niveau des bras, le blond ne rechignait pas à la tâche mal payée d'un autodidacte du commerce, et savait endurer sans s’essouffler bêtement aux premières heures.

C'est pourquoi il se fît rapidement sa place chez les bateliers de la Seine, puisque le pied marin compensait le reste. C'est ainsi que, pendant plusieurs semaines, le maquereau chargeait et déchargeait des marchandises diverses et variées, peu importe le contractant. Il n'avait cure des fourberies auxquels il aurait pu prendre part, et tendait même une oreille indiscrète s'il pouvait en savoir plus sur le contenant et la destination de biens scellés comme le dernier trésor de Midas, ou les non dit à trainer jusqu'aux profondeurs des Miracles. On lui demandait souvent pourquoi ne reprenait-il pas déjà la route pour Dunkerque afin de revoir sa "Mère" perdue, questions auxquelles il répondait, les yeux rieurs, en contant ô combien les capitaines anglais avaient le verbe noble, mais les bourses vides à la paye... Ou au combat.

C'est ainsi qu'au fil du temps le blond trouvait son écuelle pleine, et arrivait même à négocier quelques petites compagnes d'un soir... Dans sa choppe. L'hiver sur terre ne lui était pas complètement étranger, mais ses pieds le rappelait souvent à l'ordre dès que la journée se terminait.
Aujourd'hui cependant, peut être que le répit serait de plus longue durée, alors qu'un jeune coquillard l'interpellait :


C'est bien vous Dan l'Rouge ?


L'âme ne devait pas avoir la dizaine de printemps, mais déjà on sentait à son regard qu'il avait les ennuis en ami. Tout aussi va-nu pieds que la nouvelle génération, l'anglois le fixa un instant de ses yeux de boue avant de lui répondre sans gentillesse, quoiqu'une lueur de curiosité :

Qui le demande ?

Le gamin ne se démonta pas un chouilla, la crasse et quelques bleus sur son visage comme preuves de son courage, ou sa folie :

Un ami. Phileas qu'y s'fait nommer. Y vous attends rue Saint-Victor...

Le petit être laissa couler quelques grains de sable, remarquant à l'air un peu déconfit de son interlocuteur qu'il y avait peut être deux affaires à se mettre sous la dent :


J'puis même vous guidez jusque là-bas. J'connais Paris comme ma poche. On m'surnomme pas l'furet gris pour rien savez !

Un peu d'arrogance ne fait pas de mal pour appâter le client parait-il. Pour autant, même si l'offre ne gênait pas l'anglois, c'était surtout le risque de perdre l'emploi du jour qui lui taraudait l'esprit. Le grec et lui n'avait plus conversé depuis un mois, mais chaque rencontre était souvent prémices d'un pécule non négligeable qui rejoignait sa bourse d'épicurien. Une obole présentée au gringalet pour essayer d'en savoir plus sur la raison de la rencontre ne lui donna aucun sel au beurre, aussi le paya t-il une première fois en guise d'assurance vie, puis lui promit une deuxième pour le voyage, pour effacer le moindre doute.

Le maquereau se chaussa et repris ses petites affaires, miséricorde à la ceinture, avant de s'éclipser avec le môme après avoir prévenu le contremaitre d'un manque de bras sur sa livraison. Habillé toujours aussi sobrement de braies trouées et d'une chemise violée, il suivit le furet dans le dédale de rues alors que sonnaient les cloche de midi.
Le voyage fût aussi court qu'imprévu, le petiot semblait vraiment connaitre son antre et ne pas être doublé d'un fieffé menteur. C'est devant une auberge aussi malfamée que son nom "Au Diable Pendu" que l'étrange duo s'arrêta.


Le grec n'a pas perdu sa poésie... Se murmura le Rouge en se signant rapidement, avant de froncer les sourcils et de regarder sa fourmi de guide, la main dextre se posant machinalement sur le manche de la miséreuse. Je te suis l'Furet, ouvre donc la porte et mène moi à notre ami commun.

Le coquillard n'était pas plus effrayé par le geste que par la nonchalance avec laquelle il ouvrit une des mille portes de "l'Enfer". Ici, stupre et alcool dansaient avec joie et mépris, les drôlesses officiant avec rires et poitrails dégarnis. Personne ne se tourna vers les deux nouveaux à leur entrée, aussi le blond soupira d'aise, sans quitter des yeux le filou qui le rassura d'autant plus en lui désignant le vieux bougre tant apprécié.
Récompense fût donnée au petit malicieux, alors que le marin se pressa à aller embrasser chaleureusement son compagnon d'infortune.

Phileas était de ces bourrus aux rides creusées par l'alcool et les bêtises du passé, le cheveu filasse poivre sel, la barbe délavée de son éclat d'antan, les fenêtres de l'âme lourdes de regrets et d'épreuves, mais où le sourire naissant laissait penser un cœur d'artichaut. A l'embrassade partagée, le grec laissa s'installer celui à qui il apprit au mieux les ficelles de la survie miraculeuse avant de finalement prendre la parole :


Voilà un visage accueillant... Navré d'te tirer de tes tyranniques maitres, mais j'ai grand besoin d'toi Dan.

A ces derniers mots, le Rouge fût surpris de remarquer l'état dépité de son mentor parisien. Jamais il n'avait vu la fierté grecque si malmenée, même durant les plus grandes boulasses qu'ils aient pu partagées, encore moins durant l'écoute de ses morceaux sombres de vie qu'avait pu connaitre le vétéran. Aussi ne dit-il mot, tout ouï à ce service qu'il ne pourrait refuser tant il doit à cet homme qu'il idole comme la générosité.
Phileas.



on continue sur la lancée musicale ouais !



Il lui est souvent venu à espérer une bénédiction telle qu'il lui soit capable de revenir en arrière sur ses promesses. Ces mêmes paroles ont entaillé aussi sévèrement son esprit que la gnôle qu'il a trop souvent accepté durant ces longues années au service d'une utopie. Combien de temps lui a-t-il fallu pour enfin se décider à s'écouter...?
Voir ici arriver l'anglais lui réchauffa autant le cœur qu'il l’étreignit. Pourtant c'est sans mal que le bourru animal vint claquer ses paluches contre le dos du marin, et qu'un hoquet de rire s'échappa de sa gorge au geste mutuel. Aux premiers abords, Dan n'était qu'un compagnon de bar comme tant d'autres avec qui il avait refait le monde sur des toiles éthérées en l'honneur de Sainte Boulasse. Puis, d'aveux en enjeux, le grec commença à lentement apprécier la présence du maquereau, aussi sûrement que les services qu'il lui rendait en faveur de ses conseils. Le blond semblait tenir à rembourser les plus petites dettes envers l'ainé, et ce dernier en vint à devenir ému par ce comportement si rare dans ces quartiers où le nombril personnel était le véritable Roy.


Parle donc, vieux grigou. Tu vas finir par taire cette promesse improbable du grec sobre à force d'fixer cette choppe...

Et c'était honteusement vrai. Voilà quelques mois que le poivre sel reprenait lentement des couleurs, sa Foi en bouclier, repoussant à s'en mordre la langue cette envie de goûter au nectar divin, susurrée très certainement par le Maudit. D'un grognement bien à lui, un bras sénestre vint écarter envie et doute, alors qu'il se résolu à dévoiler un interdit :

C'que je vais te dire ne doit pas s'ébruiter.

Aux froncement de sourcils du Rouge, le grec savait qu'il n'était plus question de revenir en arrière, tant il savait le marin doué pour se mettre dans les plus malfaisants draps, si l'objectif en valait la peine. Le gars ne manquait pas de courage, si ce n'est de bon sens lorsque l'affaire touchait un compère qu'il appréciait. Et il ne le savait que trop bien.

Vingt ans en arrière, alors que je n'étais pas plus intéressant qu'un malandrin avec un brin d'jugeote, un étrange bonhomme vint me rencontrer. Il savait au moins ne pas se faire assez r'marquer pour qu'on ne vienne pas lui couper les bourses ou le tuer pour ses bottes, mais une fois à portée d'yeux avisés, y portait au cou un collier qui f'rait s'écarter les cuisses de la dernière préférée de la Rose. Le gars était orfèvre... Et jeune père.

Il faillit trahir sa sobriété d'un regard alors que les souvenirs l'assaillirent. Mais volonté fût victorieuse alors qu'il se rappela de la bonté de celui qui ne cherchait que plus de confort pour sa propre famille, et récompensait grassement les ouvriers de ce rêve.

Le bourgeois était germain, mais étonnamment doué à parler notre langue. Il avait besoin de siffleurs et de protection pour sa boutique, car voilà d'puis quelques semaines qu'il recevait des lettres de menace d'un concurrent des galeries Lafayotte. J'sentais là la bonne affaire, aussi l'ai je clairement dépouillé plus que je ne le ferais pour le besoin.

Et puis, il fallait avouer que malgré tout, l'homme lui remit même plus que prévu pour renforcer la confiance mutuelle. Et sans compter la suite...

L'on avait réussi déjà à effacer quelques menaces que le gentilhomme vint nous offrir logis. T'rends-tu compte ? Festoyer à s'en éclater le bide... Avec une dame aussi généreuse qu'à prier pour devenir le prochain amant. Il m'offrit même quelques cours pour parler la "belle" langue.

Sans cette générosité, qu'aurait il advenu de son futur... Comment aurait-il pu commencer à se faire de plus intéressants contacts, à imposer le respect de ses congénères dans quelques quartiers... Aurait-il vraiment eu juste l'envie même de refuser tant de présents si désirés dans une pauvre vie ?

L'orfèvre n'avait qu'une seule idée en tête, trouver l'moyen de sauver son p'tit. Il me contait que celui-ci n'pouvait sortir, tant sa pâleur et ses cheveux feraient fuir son entourage, et qu'il ne survivrait jamais ainsi à ses côtés. Y travaillait jour et nuit à remplir son coffre pour payer érudits et savants...

Entrer dans le rouage d'une si bonne action galvanisa plus que ne crût Phileas. D'associé, le grec s'enticha de la famille, ainsi que du petit être qu'il avait à peine entraperçu de dos, alors qu'une lionne de mère refermait la porte aux yeux du curieux qu'il était. Les dires paternels étaient loin d'être mensongers, la tignasse du petit ayant l'éclat de la fin d'une âme.

Les affaires allaient bon train, et les menaces s'amenuisaient. Rien ne semblait pouvoir nous atteindre, encore moins le gamin... Si bien qu'un soir, je décidais d'laisser plus jeune à s'occuper du guet, faire profiter les autres de cette générosité.

Cependant, certains animaux savent aussi attendre le moment où leur rage viendra trancher la jugulaire de l'imprudent. Le grec avait bu plus que de raison cette nuit maudite, certain que ses acolytes sauraient s'occuper sans lui de la journée du Seigneur. Mais depuis quels temps immémoriaux l'Homme a t-il su utiliser la religion pour son propre intérêt ?


On m'secoua comme un prunier pour que je daigne m'réveiller. La bâtisse des germains brûlait, et tout les voisins savaient que la famille vivaient juste au dessus de l'atelier...

L'bourru ne pouvait s’empêcher de repenser à cette petite bouille innocente qui allait devoir connaitre d'avance une des créations les plus malsaines de son prochain.

J'pouvais pas laisser l'marmot ainsi. Je... J'me souviens même plus par quel miracle je réussis à monter jusqu'à la chambre de l'enfant. Il... Crevait de peur. Tout ces cris plus bas ; surement ses parents bloqués par le démon qui avait lâché les flammes. Il était certain que le môme ne saurait rien faire durant l'incendie.. Ses yeux étaient si clairs, mais cernés comme s'il n'avait jamais connu le sommeil, mais sa peau... On aurait dit...

Un ange ? Une rédemption ? Tout allait si vite. Les Enfers gagnaient du terrain, et toute la charpenterie menaçait de s'effondrer. L'instinct le fît accourir jusqu'au petit être, qui ne devait pas avoir dépassé les dix hivers, et, malgré les griffes apeurées de ce dernier, Phileas se rua vers la seule sortie à ses yeux de boue. Une fenêtre pour une survie, la Seyne pour unique compagne d'infortune. Leur chance leur offrit un batelier de minuit, qui espérait rentrer avec bon butin à la clé. La chute l'intrigua assez pour espérer une récompense supplémentaire. Ce fût une lame affilée qui lui rappela sa mauvaise idée.

On a jamais pu soigner sa brulure au cou. Le petit se nommait Rumwald, n'avait vu que très peu de choses à Paris, parlait à peine notre patois, et semblait aussi frêle qu'un nouveau né. Il n'devait pas faire partie d'chez nous. Mais qui allait juste l'accepter ? Son visage terrifierait les plus pieux... J'l'ai pris sous mon aile.

Pour notre plus grand malheur.
Dan.hindley
Et on termine cette longue mélodie héhé


Dan s'était bien gardé de couper l'entrain de l'ainé. Pendu à ses lèvres, comme un enfant face au conteur, le marin apprenait une autre facette du bourru personnage. Certes, il avait déjà fini par soutirer du grigou une once de bienveillance envers les nouvelles générations, pour peu qu'elles le respectait, mais jamais n'aurait-il pensé que celui-ci puisse faire preuve d'une telle bonté envers autrui.
Aux Miracles, le maquereau avait déjà nagé dans quelques eaux sombres et profondeurs inconnues, terrifiantes, fermées aux yeux du monde alentour, une barrière pour mieux oublier ce furoncle grandissant. Le blond s'était décidé de jouer la carte du silence et de l'écoute, si tant est qu'il ne rencontrait pas plus sournois et malin que sa pomme, ce qui fût malheureusement plus souvent le cas qu'il n'eût cru. Finalement, de cet apprentissage, aussi curieux et malsain soit-il, il resta campé sur cette seule idée que le miraculeux, en majorité, ne vivait ici uniquement que pour dévorer son prochain, avec une passion véritable, simple ou originale, loin des jeux étranges d'une cour de nobles qui s'empalaient sur des pieux de joyaux. Un être humain somme toute, mais délivré de toute loi instaurée par la Société. Et ce constat l'effrayait, de voir ainsi l'âme créée par le Très Haut si proche de la Bête noire.
Pourtant, même au milieu de cette masse immonde de dévoreurs, quelques uns survivaient, approchaient même les limites intolérables sans jamais pencher trop près du chien enragé. Et cette gens là le fascinait. L'anglois devint certain qu'en accompagnant ce mouvement qu'il célébrait de génie, de nombreuses portes savoureuses pourraient s'ouvrir à lui. Un cran de sureté face à l'avenir. Une plate complète contre l'agonie.

Et voici une occasion à portée de souffle, pareille à lui raviver l'espoir de pouvoir approcher un peu plus ses objectifs personnels. En son for intérieur, le maquereau frétille de la course à venir, au moins tout autant que le torrent de questions qui noie son esprit.


Phil, tout c'la semble loin derrière... J'devais à peine m'entrainer à briser les pots d'la mère Yollande. Ce bout de germain a au moins trois fois son âge depuis que tu l'as sauvé. Quel est le rapport avec moi ?

Le Rouge fixa les fenêtres du vieux samaritain avec autant d'impatience que de doute. Le grec s'octroya un long moment de réflexion, bien qu'il ne détourna pas le regard de l'huis plus jeune.

J'suis surement pas le meilleur exemple à suivre fiston. J'ai l'impression d'avoir cotoyé ce trou depuis un siècle... Et pourtant. C'est dans c'même endroit que j'ai éduqué l'oisillon. Il était pas le dernier à avoir tout perdu, pour enfin s'retrouver ici. Mais au moins avait-il quelqu'un pour l'protéger et lui apprendre deux trois conseils. Il a ramassé comme tout nouveau v'nu. Il a pleuré des larmes d'sang pour sa différence. Mais l'était jamais complètement seul. J'me suis occupé de lui. Comme l'aurait voulu cette famille qui m'a offert un toit et du baume à nos miséreux.

C'est de tristesse que s'embua les paupières du poivre sel.

Mais j'serais jamais ce qu'il aura toujours souhaité. J'ai tant essayé d'le sauver c'morveux têtu et défiguré. Mais c'est inutile maintenant... Il est entre les griffes du Mal.

Ainsi l'on ne lui avait pas menti. Le cœur d'artichaut s'était attaché désespérément à la Foi comme voie de sobriété. La vieillesse a ses ivresses finalement. Mais aussi sa dureté, vive de longue expérience, comme en témoigna le ton qui suivit.

J'déjà vu cela. Ce sourire qui n'est plus le sien. Ce rire d'outre monde. Il va redevenir un danger ; Mais pire que dans ses premières errances. Il pourrait détruire des efforts de toute une vie si personne ne l'arrête. Et je n'ai plus la force Dan... J'ai besoin que tu t'occupes de ce problème. Au nom de notre petite paix, avant qu'un autre enfant ne soit tué de ses mains corrompues...
Cyrielle.beaumont
    Le « Diable Pendu » n’a rien d’un tripot agréable. Soucieux de sa réputation, il se faufile dans la misère miraculeuse comme un rat au creux d’un mur troué, branlant de la faiblesse du sort qu’on lui réserve. On lui réserve peu d’honneur, rabaissé qu’il est à l’état d’établissement oublié de tous, où même les habitués n’y trouvent pas d’intérêt. On n’en connait peu le nom, & dès lors que l’œil torve se détache de sa devanture, on en oublie l’existence même. De fait, Fauve n’y a jamais eu ses habitudes, & c’est pour le mieux, dirait-elle. Nul tenancier pour lui rappeler ses dettes, & une discrétion assurée par l’ignorance première de sa notoriété.

    Car qui, dans les bas-fonds réputés de Paris, peut encore se targuer de n’avoir entendu parler de la face double & increvable qu’elle aime à cultiver ? Son nom est fait depuis si longtemps qu’elle traine en son sillage autant de rumeurs que d’histoires à dormir debout. Sans y être née, elle s’est faite de la même fange que la boue souillée de la Cour, se roulant dans le carmin de stupre & de glaviot qui tapisse le quartier. S’il faut la trouver, galopins & vauriens savent à qui parler, où se perdre, quoi demander. Ils savent l’inconstance de son consentement, la rareté de ses échecs, l’efficacité de son exécution. Là, on dit qu’elle est l’œil du diable, nourrie par le Sans-Nom & vomissant la mort, ici, on sait qu’elle est aussi laide qu’un ladre aux entrailles débordantes pourries par l’attente d’un enterrement qui n’aura jamais lieu. De loin, on croit qu’elle est chimère pour ce qu’il n’y aurait pas assez d’âmes immondes pour faire peur aux immaculés des Miracles, de plus près, on murmure qu’elle baise les morts d'une miséricorde rouillée par un sang qu'elle ne prend plus la peine d'effacer.

    On dit beaucoup de choses, du roman & du fait divers. Écorchée elle-même ne saurait plus démêler le vrai du faux, engoncé qu’elle est dans une mémoire trop sélective qui aime peu le souvenir. C’est l’avantage d’une sénilité grandissante : étêter l’ami d’enfance ne lui ferait plus rien.
    Alors quand on l’appelle pour gérer une lactescente relique d’un jour où elle aurait pu perdre un pouce - marmoréenne Noldor lui manquerait presque -, Beaumont acquiesce sans l'ombre d'une hésitation. Quand bien même, hésiter n’a jamais été son fort. Hésiter ne lui aurait pas offert une si immodérée longévité.

    - Pas que j’m’emmerde à badiner sur l’passé, mais faudrait avancer.
    ‘Va pas y passer la nuit.

    L’exubérance non plus, d’ailleurs. Ombre parmi l’immondice, fondue dans la masse fétide du théâtre misérable autant que son œil dans son orbite sale, borgne s’anime en arrachant sa troublante carcasse aux racines qui la prenaient. La chaise tourne & accueille à nouveau le fessier cinquantenaire, négligeant le jeu de dés qui occupait le temps d’une histoire trop longue, taisant les grognements mécontents des joueurs délaissés par un taquet envoyé sur la nuque du plus proche. Si on ne la connait que peu ici, disait-on, on se doute, tout de même. Le profil, gauche, passé d’âge & de mauvaise vie, seul rempart au dégoût que son existence même inspire aux estomacs les plus accrochés, se laisse rejoindre par les crevasses d’une pommette droite qui aurait pu être haute si elle ne semblait pas inconsistante, pour mieux faire face à l’anglois. Rien n’échappe, semble-t-il, à l’esgourde creuse encore trop affutée.

    - Et y s’ra assez solide, çui-là ?
    Lancée vers Phileas, la question ne souffre pas vraiment de réponse. Fauve ne doute pas, non. Mais Fauve aime tâter ceux qui l’épauleront.
Dan.hindley
***

Si le visage de l'anglais pouvait parfois sembler bienveillant envers le pays de l'Olympe, c'est d'une toute autre couleur que se ternit le tableau lorsqu'une nouvelle expérience miraculeuse s'invita à la lourde conversation. La chaleur avait quitté les miroirs de l'âme, l'instinct soudain alerte face au danger qui lui faisait face.
Son cœur lui hurlait de se méfier de cette femme comme la peste ; Et qui sait, peut être même que cette maladie aurait été moins vicelarde. Par les premières paroles de la Beaumont, le Rouge comprit que le Grec n'avait jamais eu à l'idée de l'envoyer seul depuis le début, et, dès lors, que la confiance était une philosophie bien désuète dans ce monde gris.

Ainsi donc, fange parisienne et iode atlantique se jaugeaient en silence. L'âge avancé certainement plus amusé que son jeune prochain, tant la froideur hantait maintenant les billes anglaises. Phileas de son côté, profita d'une réunion éthérée avec le Malin, espérant que l'alcool lui fasse oublier le flot de souvenirs ainsi relâché. Qu'on ne s'y trompe pas, le houblon n'était pas là pour faire gazouiller le palais ni éveiller les sens gustatifs... Et c'est bien là tout ce dont avait besoin le vieil homme, en recherche de sa propre rédemption.


C'est maintenant que tu décides de v'nir hein ? Bon, au moins je n'aurais pas besoin de faire les présentations...

Un faible rire s'échappa de la barbe poivre sel. Ce genre de réunion et de réaction avait encore le don de raviver un vieux plaisir en son antre écorchée. Pour autant, il n'échappa pas non plus au bourru la mimique mécontente que lui afficha quelques frêles secondes le maquereau en chemise, et le ton se fît à peine plus sec comme réponse.

J't'apprécie fiston, mais pas à ce point pour te confier une affaire personnelle...

Il serait mentir que la fierté du Rouge ne fît aucune apparition dans le geste qui suivit, paume dextre à peine révélée vers le grec, en guise de soumission à sa volonté.

Soit... Je ne la connais juste pas Phil'. Tu n'peux pas juste t'attendre à ce que j'accepte tout les termes du contrat si tu ne révèles qu'en surprise les "petits" caractères. Encore une fois, pourquoi faire appel à moi, si tu sembles avoir ton as dans la poche ?

Les âtres quinquagénaires se tournèrent alors vers la borgne, un demi-sourire en guise d'amuse-bouche à la question de la veuve noire défigurée.

Ça t'convient comme réponse ? Il use de sa tête. Et vu qu'il ne t'en reste plus qu'une moitié ma jolie... Faudra bien qu'il comble le vide.

La taquinerie à la grecque semblait avoir son effet, au ricanement échangé entre deux vieilles lanternes ; Comme si leur liaison datait d'un temps certain. Quoiqu'après cette brève détente, les pupilles malicieuses se firent moins douces à l'égard de chacun.

Elle connait le germain, tu n'savais pas son existence jusqu'aujourd'hui. Il est plus simple de se préoccuper d'un étranger... Elle a l'expérience du milieu, mais je ne t'ai jamais demandé telle tâche. A deux, vous m'assurez que vos défauts s'effacent par vos qualités respectives. Ne m'avais tu pas signifié ton envie de quitter Paris fiston ? Voilà ta chance... Tu auras largement de quoi r'faire ta vie ailleurs, ou aux côtés de ta compagne du jour, des fois que le coup de foudre n'soit pas une chimère. Chacun y trouve son compte.

L'anglais n'avait pas quitté la face défigurée qui devait être son partenaire pour un probable passeport de sortie. Non pas que la ville lumière n'avait aucun charme, mais le Rouge sentait aussi, inexorablement, qu'il finirait par s'y perdre, d'une manière ou d'une autre, s'il ne décidait pas de couper les ponts avec la Seine.
N'était-elle pas, après tout, le parfait exemple de ce qu'il craignait devenir en se liant trop longtemps à la vie miraculeuse ? Oh il ne l'entendait que trop souvent, ce chant de vices et de liberté... Des odes curieuses à chaque coin de rue, pour tout les goûts, parfois à un prix dérisoire. Ou l'était-il ? Le blond ne pouvait laisse échapper ce doute, en fixant les quelques couleurs encore fraiches de la peinture écaillée à l’œil unique.
Si cependant côtoyer la pire espèce quelques jours encore lui permettait d'enfin quitter ce faux paradis, le marin ne réfléchit pas plus et acquiesça de la tête.


Je ne veux pas qu'il soit juste un souvenir... Je veux qu'il disparaisse des entrailles de cette cour. Vous avez trois jours. Vous savez où me trouvez.



Musique : Hunter's Dream de Ryan Amon

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