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[RP] Pérénigrations ou les souvenirs d'un voyageur solitaire

Dante.tommaso
    *D’un geste souple du poignet, je couchais sur le papier du journal de bord les dernières informations concernant mon voyage. La marchandise était là, dans la cale attendant que mes hommes la transportent jusqu’au lieu de rendez-vous. Mais il était encore trop tôt, la nuit n’était pas complètement noire et il serait dommage de se faire prendre alors que le but était si proche. C’est que j'en avais fait des pieds et des mains pour dénicher le bon filon, la voie qui me ferait gagner et du temps et de l’argent afin de satisfaire mes clients. Et comme ce n'était pas tout à fait légal puisque mes clients n'étaient pas non plus ce que l'on pouvait appeler des gens bien comme il fallait, je me devais d'être sur mes gardes afin de ne pas me faire extorquer ma marchandise par un concurrent trop bien informé ce qui provoquerait mon infortune. Il y avait trop d'argent à se faire pour laisser la place de choix au hasard. Jamais cela n'arriverait !
    Penché sur ma plume, je n'en finissais pas de l'entendre gratter le vélin. Lieux visités, personnes contactées, marins rebelles aux ordres ou pas assez impliqués dans l’action voir dans la mission… telle une fourmi qui engrangeait de quoi se nourrir, je conservais les détails qui, plus tard, séviraient à nouveau. Dans ce métier, il ne fallait jamais oublier que la prudence était primordiale mais que les renseignements étaient vitaux. Les gens ont tendance à vous tourner le dos facilement et je n'étais pas de ceux qui se laissaient faire sans réagir. N'en déplaise à mes anciens associés...*


Redressant la tête, Dante finissait de se relire lorsqu'un coup fut porté contre le bois de la porte. Soudainement nerveux, il rangea rapidement son journal non sans avoir pris soin d'absorber les gouttes d'encre encore trop gonflées qui auraient laissé des traces et salopé le papier. Tirant le tiroir de son bureau, il y glissa le précieux manifeste puis lança d'une voix légèrement éraillée.

- Entre !

Un homme à la chevelure grise et à la barbe prononcée s'avança, une main posée sur son ceinturon.

- C'est l'heure cap'taine. On y est, les hommes sont prêts à décharger mais ils veulent savoir si vous v'nez avec pour la transaction. Ils disent que sans vous c'est pas pareil.

Le vénitien arqua un sourcil puis se recula dans son fauteuil.

- tu m'en diras tant... aurait-on des mauviettes parmi nos hommes ou bien je dois tout faire moi-même ?
- Bah c'est pas ça cap'taine mais vous savez la réputation du coin. Si la meute décide de venir nous cueillir alors qu'on livre la cargaison, ils pensent que vous êtes le seul à pouvoir les résonner comme vous l'avez fais à Alexandrie l'année dernière.
- Tes hommes m'emmerdent Argdall et je te le dis sans honte. Je n'ai jamais vu d'équipage avec autant de bras cassés que celui-là. Ils mériteraient que je les laisse se démerder tout seul et que j'attende sagement que vous reveniez... mort ou vif !


Mais tout en disant cela, Dante portait déjà son épée à sa ceinture. Il avait beau gueuler après ses hommes, il ne les laisserait jamais affronter seul un obstacle. Et ce dernier était de taille. La livraison se faisait en terrain ennemi, dans la gueule du loup, en pleine citée de Gênes alors que tout le monde savait qu'ils étaient les principaux concurrents des vénitiens à la course aux marchandises. Mais Dante n'en n'avait cure depuis bien longtemps, depuis que sa vie avait été un fiasco des plus innommables et qu'il se punissait en affrontant la mort à chaque fois qu'elle se présentait devant lui. Jamais il ne reculerait. Et pour l'heure il serait donc devant, là où était finalement sa place. Regardant son maître d'équipage le vénitien lui fit signe de la tête.

- Va les prévenir que j'arrive et qu'ils n'ont pas intérêt à perdre du temps sinon je les abandonne ici-même. Au moins ils sauront pourquoi ils me maudissent.

Un rictus amer apparut sur le bord de ses lèvres puis Dante attendit que Ardgall sorte pour fermer le tiroir de son bureau à clé et de repasser le cordon autour de son cou. Ce soir, lorsque l'affaire serait conclut et qu'il rentrerait ivre et riche de quelques écus supplémentaires, il pourrait relire et compléter ses notes. Si ce marché avait une fin heureuse, un autre s'ouvrirait sur d'autres marchandises toujours plus loin à aller chercher, toujours plus compliquées à dégoter, toujours plus difficiles à livrer. Mais le jeu en valait la chandelle et Dante savait que c'était le moteur de sa vie, l'adrénaline qui le poussait toujours à aller de l'avant plutôt que de penser à la mort comme il l'aurait souhaité bien des années plus tôt. Mais la route était longue, semée d'embûches. Heureusement, Dame Fortune savait parfois changer le destin des hommes.
Dante.tommaso
    *Une nouvelle nuit à rêver de bras charmants et charmeurs, de la chaleur de ses corps, de la douleur que j'inflige lorsque mes doigts se crispent sur cette chair douce et juvénile, des râles que provoquent la morsure de mes dents sur cette épaule tentatrice qui me provoque... j'ai encore rêvé d'elle ou d'elle, encore et toujours mais sans jamais voir son visage. S'agit-il de ma sœur ou de l'oisillon, jamais je ne le saurais. Mais tour à tour, chaque nuit, les corps viennent me maudire bien plus que dans ma réalité. Pour ce que je leur ai fais à chacune je porte le poids de la culpabilité et à chaque levé de soleil je chasse bien loin de moi cette amertume qui me ramène trop souvent en arrière. Je dois oublier et pour oublier, il me faut vivre et aller de l'avant !*


D'un pas lourd, la chemise ouverte sur son torse, la croix en or entremêlée à la clé du bureau pendait lâchement entre les lacets de sa chemise blanche froissée, Dante montait l'escalier qui menait sur le pont. Le bateau allait à vive allure et pourfendait les mers du Sud. Constantinople avait été une destination sans faille et il se régalait de voir les hommes avec autant d'entrain. Cela faisait bien des mois qu'il ne les avait pas vu ainsi ses marins et quand le cœur des hommes chantait à l'unisson, ses mauvais rêves et ses tourments s'entredéchiraient pour le laisser enfin en paix.

Tournant la tête dans la direction de son maitre officier qui gardait la barre, il le salua d'un signe de tête avant de le rejoindre.


- Pas d'incident à l'horizon ?
- Non cap'taine, pas aujourd'hui. La vigie annonce un calme plat. Pas un seul ennemi en vue.
- Parfait, on va pouvoir longer les côtes et jeter l'ancre auprès d'un ou deux comptoirs histoire d'y faire des affaires. Je dois trouver de l'ambre en plus des épices que nous avons déjà et ça ira plus vite de la ramener par navire que par voie terrestre. Je te laisse la barre Ardgall, je dois répondre à quelques courriers afin de les faire envoyer dès qu'on aura mis pied à terre. Préviens-moi si jamais du grabuge s'annonce.


A peine les talons tournés que Dante entendit les ordres fuser de la voix de son maitre officier. Un sourire en coin s'accrocha à ses lèvres tandis qu'il se jetait dans les escaliers menant à sa cabine. Là, dans le silence et la paix, il se servit un verre d'un breuvage ambré qu'il était allé chercher sur les îles au nord de l'Angleterre. Ça arrachait bien la tête et ça permettait au vénitien de lâcher prise un certain temps. S'asseyant à son bureau, il prit le dernier vélin envoyé par l'une de ses connaissances, un duc au nom imprononçable qui lui faisait part de son désir de faire un cadeau hors de prix à l'une de ses maitresses. Dante avait donc saisi l'occasion et c'était fait l'acquéreur de pierres précieuses afin que l'homme puisse se glorifier d'avoir dans sa collection un bijou des plus beau dans le tout Paris de la noblesse et d'ailleurs. Une grande goulée d'alcool glissa dans le gosier de l'italien puis ce dernier se mit à sa réponse.

Citation:


Cher ami,

Voilà bien longtemps que vous n'aviez point fait appel à mes compétences. Je vois que je suis encore dans la course de vos préférés afin de vous ramener l'impossible. Ça fait toujours plaisir mais attention cher duc, tout a un coût et à force de vouloir l'impossible, il faut en payer le prix. Vous le savez aussi bien que moi. Mais revenons à notre petite affaire.

J'en étais resté à votre dernière maîtresse, Leopoldine et si c'est bien d'elle qu'il s'agit, j'ai trouvé quelques pierreries que vous pourrez faire travailler chez un orfèvre de renom afin de lui faire créer quelque chose de luxueux et peu ordinaire. Cette femme aime le faste et le clinquant bien plus que votre épouse qui, elle, se contente la plupart du temps de votre nom et de ses privilèges. Les femmes ont leur mode de fonctionnement dont on ignore les rouages mais sachez tout de même qu'il me parait évident que ça se saura vite que votre maîtresse attitrée a reçu de vous un trésor inestimable aussi, me suis-je permis de rajouter à ces pierres un bijou que j'ai trouvé chez l'un des artisans de Constantinople afin que votre légitime puisse briller autant voir même plus dans les soirées chics où elle aime à se pavaner. L'une et l'autre auront leur parure et aucun orgueil ne sera froissé. Je pense que vous vous en tirerez à bon marché ! Et comme les bons comptes font les bons amis, comptez sur moi pour vous présenter la facture ! Vous pouvez d'ores et déjà mettre vos écus de côté.

Nous nous reverrons donc d'ici un mois à Paris où je serais de passage. Le temps pour moi de vous y rencontrer au lieu habituel et de faire l'échange. Et évitez de nous amener une garde bien trop voyante, je n'aimerais pas qu'on vous suive à la trace pour mieux tomber dans un guet-apens par la suite.




La signature fut apposée, le pli scellé, dès qu'il sera à terre, Dante enverra un coursier afin de lui faire parvenir le précieux sésame qui lui ouvrirait de nouvelles portes. Ainsi, il revenait en force après toutes ces années d'absence, ces années où il avait cru mourir chaque jour que Dieu faisait. Mais il était encore là, debout, à regarder l'horizon depuis la fenêtre à l'arrière du bateau tout en trinquant à la santé du Très-Haut.
Dante.tommaso
[Quelque part en mer – Juillet 1462]


- Va te faire foutre abruti !
- Mais tu m'as bousculé là, j'ai pas rêvé
- Et alors ça t'dérange, tête de morue
- Putain j'vais m'le faire...


Et soudain des cris, des applaudissements, un bruit sinistre comme du bois qui se fendait, tout ça tira Dante de son cauchemar. Ses mains tremblaient encore et il les fixait essayant de réaliser qu'il devait revenir sur terre. Le souvenir du prélat auquel il avait donné une corde pour se pendre le hanter encore après toutes ses années... tout ça au nom de l'amour qu'il portait à sa sœur... foutus souvenirs...

- Arrêtez bande de crétins sans cervelles ou j'vous mets à fond d'calle avec en primes 20 coups de fouet chacun ! Si vous avez besoin de vous défouler, j'vais vous envoyer par le fond voir si les poissons ont la même couleur ici qu'ailleurs... allez tout l'monde à son poste !

Et le fouet claqua dans l'air. Des bruits de pas qui couraient sur le bois du pont indiquèrent à Dante que la petite séance de castagne était sous contrôle. Il irait voir Ardgall pour savoir qui avait fait quoi mais il savait aussi que ses hommes commençaient à trouver le temps long en mer et qu'un peu de divertissement leur ferait du bien. Il se promit de leur payer une fille à chacun dans le prochain port dans lequel il descendrait. Tous sauf un qu'il garderait dans sa cabine histoire de ne pas le laisser se faire entrainer dans des conneries qu'il risquait de regretter rapidement. Le gosse n'avait pas encore l'âge d'être dépucelé et si cela devait arriver, Dante veillerait à ce qu'il le fasse dans de bonnes conditions, avec une donzelle douce et gentille qui lui offrirait une réelle nuit de bonheur et non pas avec une catin au fond d'un rade qui lui laisserait un souvenir amer.
Laissant tomber ses pieds qu'il avait jusque là posés sur son bureau, Dante se redressa. Cela faisait des mois qu'il hésitait à mettre la mère du gamin au courant que c'était lui qui avait embarqué son mioche. Et bien qu'il s'était ouvertement moqué d'elle, il avait eu pour ce gosse un élan de bon coeur ne voulant pas le laisser s'embarquer avec n'importe qui pour n'importe où. Quand il avait su de qui il était le fils, il l'avait presque enlevé... pour son bien. Et au nom d'un marin qu'il avait connu et dont Adeline était éprise, il la mettrait au courant.

Mais avant tout autre chose, le vénitien se leva pour accéder à la fenêtre et l'entrouvrir, lui faisant parvenir le bruit des flots qui venaient se fracasser contre la coque de l'embarcation ainsi que l'air marin qui s'échapper du peu d'écume qui s'agitait avant de retrouver son calme une fois le navire disparut. Dante ferma les yeux en humant profondément. Il se sentait à sa place au milieu de cet océan mais il savait très bien qu'un jour ou l'autre il lui faudrait revenir au monde afin d'y retrouver sa place ou du moins une place. Exhalant un profond soupir, Dante vint s'installer à son bureau d'où il tira un vélin et une plume. Le tangage du bateau l'aida à trouver ses mots.


Citation:


A vous Adeline de Courcy, baronne, duchesse et peut être même plus depuis le temps,

Allez-y, descendez directement à la signature pour voir qui vous écrit et laissez-vous choir sur le fauteuil le plus près de vous.

Ça y est, vous me remettez, les souvenirs affluent ?
Vous, moi, dans mon bureau, une lame sur votre gorge, un profond décolleté charmant mes yeux et ma main qui s'immisce dans le creux de cette vallée si bien proportionnée. Quoi vous rougissez duchessa* ? Pas de ça entre nous voyons, il ne s'est rien passé de dommageable ce jour-là bien qu'avec un peu de doigté, je suis certain que j'aurais pu obtenir ce que vous ne vouliez m'offrir de votre plein gré... l'appel du mauvais garçon fait toujours son petit effet et encore plus sur la noblesse. Et en ce temps-là, vous n'aviez pas vraiment froid aux yeux.
Etes-vous toujours ainsi Duchessa* ? Si tel est le cas, il me ravirait de vous revoir... oh mais j'y pense, il va falloir que l'on se revoit bien évidemment.

Je sens déjà que vous vous mettez à hurler en lisant ces mots mais je vous assure que vous n'avez pas le choix. Encore une fois, c'est moi qui détiens les meilleures cartes de votre jeu et je ne puis laisser passer certaines choses. Sachez quand même que depuis le temps, vous ne faites pas beaucoup d'effort afin de retrouver votre fils. Savez-vous au moins où il se trouve ?
Je pense que je peux vous apportez quelques éclaircissements mais je vais vous donner quelques indices.

On dit qu'il a pris la mer, on dit qu'il a bien grandit, on dit que les marins l'apprécient et qu'ils s'amusent beaucoup avec lui.

Duchessa*, c'est tout ce que je vous offrirais aujourd'hui mais je ferais une escale en Provence prochainement afin d'y laisser une cargaison dans une échoppe de renom. Si vous voulez avoir des nouvelles de votre précieuse progéniture, peut être que vous ferez l'effort de vous déplacer. Si tel est le cas, faites-le savoir à la fouine, il œuvre toujours dans le même quartier où vous l'avez trouvé la première fois. Il saura vous conduire à moi.

Et n'oubliez pas, mettez une tenue adéquate que je puisse au moins me rincer l’œil. Vous avez toujours été une de mes préférées Adeline, il serait dommage que je reparte mécontent car dans ce cas, je vous laisserais sur votre faim et vous ne saurez jamais où se trouve Erwan.

A bientôt Bella mia**, ne rêvez pas trop à moi en m'attendant.





A la lueur de la petite flamme, Dante se relisait puis éclata de rire. Il s'amusait comme un petit fou surtout aux dépends de la duchesse qui l'avait pris de haut dès le départ. Elle savait pourtant que ce n'était pas dans son intérêt alors il aurait sa petite revanche sur elle. Et puis, sans la forcer, il savait que la dame avait de quoi s'abandonner, il l'avait senti à peine l'avait-il touché la première fois mais pour l'heure, il n'avait pas encore envie de consommer. Le chat qu'il était avait envie de s'amuser avec la petite souris qu'il avait trouvée. Et Erwan était en sécurité. C'était lui-même qui l'y avait mis alors qu'elle ne s'en était pas préoccupée d'après ce que le gamin lui avait raconté. Enroulant le pli, il monta sur le pont où régnait désormais un calme olympien, prit son oiseau de proie, lui attacha le courrier à la patte et le lança en direction du prochain comptoir. Il savait que son pli arriverait à destination, son sceau, reconnaissable entre mille, en prévalait. Quiconque s'aviserait de détourner le pli se verrait mis à mort. Le vénitien ne plaisantait jamais avec ses affaires et celui qui y mettait le nez irait le rejoindre droit en enfer !




*duchesse en italien
** ma Belle en italien
Deedee
[Domaine de la Haye du Puits – Un jour d’été 1462]

    -Joseph, apportez moi cette rose là. Et celle-ci aussi. Oh ! Et puis cette dernière là-bas au coin. Elles vont magnifiquement parfumer ma chambre ce soir vous ne pensez pas ?

    Elle ne s’était jamais senti aussi bien la de Courcy. L’été battait son plein sur la Normandie et pour une fois, la vicomtesse profitait un peu de son domaine et de la magnifique roserais que son défunt frère avait planté en ce lieu. Un rare moment qu’elle pouvait s’octroyer loin de ses charges et ses responsabilités. Le mariage approchait à grand pas et il y avait encore mille et une choses à préparer, à penser, alors…
    Qu’il faisait bon de respirer la délicieuse odeur que le jardin dégageait. Elle pourrait presque s’imaginer seule au monde. Juste elle, son futur époux… et ses enfants dont elle attendait impatiente des nouvelles.
    Ses enfants… Seul ombre au tableau idyllique qui s’ouvrait devant elle. Ses enfants…
    Si Briana avait fait le choix délibéré de vivre au couvent, un choix qu’Adeline avait respecté, espérant aussi qu’en grandissant, et avec l’éducation qu’elle y recevrait, elle finirait par comprendre que malgré tout, elle l’aimait. Mais Erwan… Erwan… son fils. Elle ne comprenait pas ce départ précipité et sa disparition. Il avait quitté son monastère qu’il semblait pourtant affectionner et sans autre nouvelle que « Je prends la mer » il avait disparu.
    La mer… C’était grand. C’était vaste. C’était immense. Et… C’était dangereux.


    -Ma dame ! Ma dame !
    Les cris de sa servante la ramenèrent bien vite sur terre et la vicomtesse esquissa un léger sourire avant de répondre.

    -Oui Marie ?
    -Un coursier vient de porter une missive pour vous.

    Une missive !
    Nul doute que cela devait être Leda ! Ou peut être Briana ou bien Erwan qui sait !
    Sans attendre, Adeline arracha presque le pli des mains de sa servante et couru se refugier dans son bureau au château, prenant soin de bien fermé la porte derrière elle, signifiant a qui voulait l’entendre qu’elle ne voulait pas être dérangée.

    A première vu le scel qui cachetait la missive ne lui disait rien, absolument rien, donc… a son grand regret ce n’était pas son futur époux qui lui écrivait.
    D’un geste franc de la main, Adeline décacheta la missive et commença sa lecture. Des les premières lignes son cœur s’accéléra et ses joues perdirent peu à peu les couleurs qu’elles avaient prisesavec l’exitation et l’air chaud de l’extérieur.
    Lui !
    Il osait !


    Citation:
    Ça y est, vous me remettez, les souvenirs affluent ?
    Vous, moi, dans mon bureau, une lame sur votre gorge, un profond décolleté charmant mes yeux et ma main qui s'immisce dans le creux de cette vallée si bien proportionnée.


    Oh oui ! Elle le remettait !
    Oh que oui ! Elle se remémorait très bien la scène. Et instinctivement sa main se porta a sa poitrine, et son décolleter qu’elle ne put s’empêcher de remonter légèrement.
    Comment osait-il ?!


    Citation:
    Quoi vous rougissez duchessa* ?


    Et hop ! Sa main qui se pose sur sa joue.
    Rougir ? Elle ?
    Mais non ! Mais pas du tout ! Mais absolument pas !
    D’un regard coupable, la vicomtesse regarda autour d’elle, s’assurant ainsi qu’il n’y ait personne avant de poursuivre sa lecture.

    Et puis…


    -Erwan !

    C’était donc ça !
    C’était donc pour ça !
    Il avait osé !
    Il n’avait pas eu ce qu’il voulait la première fois, alors il avait enlevé son fils ! Son sang ! La chair de sa chair ! Et pourquoi ? Pour la faire chanter ! Pour qu’elle cède a ses avances ?!


    -Le Malotru ! Le goujat ! Le fils de….
    Jamais !
    Jamais je ne céderais à son chantage
    ! Hurla-t-elle en jeta de rage la missive à terre.

    -Mariiiiiiiieeeeeeeeeee !!!!!

    Elle irait, puisque c’était sa seule chance d’avoir des nouvelles d’Erwan, mais jamais, grand jamais elle ne céderait, même si pour cela…. elle devait se battre !

    -Oui ma Dame ?
    -Faite préparer une malle avec mes affaires et dites a Justin de préparer la voiture, nous partons en voyage sur le champ !
    -Mais...
    -Ohh ne discutez pas Marie, ce n’est pas le moment !

    La voix était teintée d’une colère noire, comme jamais la vicomtesse n’avait ressenti.
    Les mains tremblantes, elle s’installa a sa table de travail et rédigea une missive à l’égard de cet individu qui, sur l’heure, elle haïssait de toute ses forces.


    Citation:


    A vous Dante Tommaso Ceresa, infâme bandit, maitre chanteur, goujat et j’en passe !

    Oh, oui je vous remets très bien n’ayez crainte ! Je n’ai pu oublier ce qu’il s’est passé dans cette taverne répugnante, tout comme vos mains sales et vos manières déplacé et je vois que vous n’avez pas changé. Toujours à profiter de la faiblesse des autres pour arriver à vos fins.

    Encore une fois, j’ignore comment vous savez pour mon fils, mais je commence à croire que vous espionnez chacun de mes faits, et mes gestes.
    Si tel est le cas vous n’êtes pas sans savoir que j’épouse bientôt le duc de Vire et que je désire plus que tout que mon fils, MON fils soit auprès de moi.

    J’ignore ce que vous attendez de moi, mais je vous interdis de toucher à mon fils !

    Je serais en Provence lors de votre prochaine escale, comptez sur moi, mais n’allez pas imaginer que je fais cela pour vos joli yeux, je pourrais être bien plus mordante que lors de notre dernière rencontre.

    Que le Très Haut ait pitié de vous !



    Elle posa sa plume la main tremblante et respira à grande gorgée pour calmer les battements effrénés de son cœur.
    L’encre sèche, elle y apposa son scel, et héla une servante lui ordonnant de faire porter ce pli à Paris dans cette auberge mal famé où… elle en était certaine, La Fouine la ferait parvenir a son maitre.

    Décidement…
    Ce Dante la connaissait bien… Peut être même un peu trop…

_________________
Dante.tommaso
[Port de Marseille – Fin Juillet 1462]


- Tu me trouveras à l'auberge du "Lapin Fringant" s'il y a un problème. Et dès que les hommes auront déchargés la cale, tu leur accordes deux jours à quai. On repart après. Et veille à ce qu'il y ait toujours quelqu'un à bord pour monter la garde... je n'ai pas envie que l'on nous subtilise quelque chose durant notre séjour ici.

La main sur l'épaule d'Ardgall, Dante serra légèrement ses doigts dans la chair du vieux maitre officier. Il savait que s'il devait en rester qu'un, ça serait celui-ci que le vénitien choisirait car sa confiance était absolue. Il pouvait partir les yeux fermés, les choses seraient prises en main avec tout le sérieux que cela requérait. Mais en attendant, Dante alla s'installer à l'auberge afin de pouvoir y recevoir cette chère duchesse qu'il avait obligé à venir jusqu'à lui. Rien que cette pensée le faisait sourire le bougre. C'était qu'il ne pensait pas qu'elle le ferait réellement, lui ayant toujours donné l'impression d'être superficielle mais après tout, peut être que sa progéniture l'intéressait réellement et qu'elle s'inquiétait de ce qu'il ferait. Et ce fut dans un éclat de rire que Dante entra dans l'auberge.

- Bonjour mon brave, une chambre avec vue sur le port et de grasce, fais-moi préparer un baquet d'eau bien chaude et parfumée. Je vais recevoir de la visite et je n'aimerais pas sentir le rance.

Le sourire jovial du vénitien dut être communicatif car le taulier se pressa afin de donner des instructions à son personnel c'est à dire sa propre femme. Il fallait avouer que Dante n'avait pas pris la première auberge qui dominait le port. Non, il lui avait préféré un bouge au nom désastreux juste pour pouvoir faire ses petites affaires avec la duchesse en toute quiétude. Il savait que la fouine serait de la partie, à surveiller ses arrières et si la duchessa* voulait jouer au plus fin avec lui, elle rencontrerait sa lame. Pas la première fois qu'il lui mettait sous le cou à lui faire sentir ce que ça pouvait bien faire lorsque la mort vous désire si fort qu'elle en devient sensuelle et enivrante au point de s'abandonner même dans les bras d'un inconnu. Mais pour l'heure, Dante attrapa la clé de sa chambre que le vieil édenté lui mettait sous le nez.

- J'aurais besoin d'un nécessaire à écrire et d'un coursier. Je dois envoyer des nouvelles au plus vite donc quelqu'un de rapide mais aussi de débrouillard...

Il fallait avant tout s'assurer que la dite duchesse soit arrivée en ville. Il ne voulait pas séjourner en Provence trop longtemps. Il y avait eu quelques démêlées avec des gars du port il y avait de ça quelques mois parce qu'il n'avait pas voulu céder à leur petit chantage et payer la taxe... tu parles, le premier qui arnaquerait Dante n'était pas né mais fallait bien avouer que la prudence était une précieuse alliée dans ce coin du monde.

Se dirigeant vers les escaliers qui lui tendaient les bras, Dante grimpa la première marche avant de se retourner afin de lancer une bourse remplie d'écus.


- L'ami, fais donc préparer un bon repas. Mets les petits plats dans les grands, j'attends une invitée classieuse ce soir. Il ne faudrait pas qu'elle pense du mal de ton établissement.

Et le sourire légèrement moqueur qu'offrit Dante ne trompa personne. Mais l'aubergiste ne s'en aperçut même pas trop occupé à compter l'or qui lui souriait. Le vénitien en profita pour monter les marches quatre à quatre avant de faire claquer la porte de sa chambre. Jetant sa besace de cuir ainsi que son pourpoint, il délassa rapidement les liens de sa chemise qu'il défit jusque sur son torse. Se posant sur une chaise, il fit valser les bottes de cuir qui s'échouèrent dans un coin de la pièce. Heureusement, une carafe de vin trônait sur la table avec un petit mot griffonné en toute hâte discrètement glissé sur le plateau, entre la carafe et le verre.

"Avec tous nos compliments... et si vous vous sentez seul, n'hésitez pas".

Le rire de Dante résonna dans la pièce alors que sa main froissait le billet avant de le jeter dans l'âtre. Il brulait déjà dans les flammes de l'enfer alors une femme de plus ou de moins dans son tableau de chasse ne changerait rien. Se versant un peu de vin, Dante se disait qu'il verrait entre la poire et le fromage s'il avait des envies de trousser une jolie tavernière quand des coups sur la porte le sortirent de ses pensées. Même pas le temps de dire quoi que ce soit que déjà, un gamin avec un écritoire, des plumes et des vélins entrait, les déposait sur la table avant de s'éclipser. Dante en resta surpris lorsque sa langue claqua contre son palais avant de faire entendre sa voix.


- Hop gamin, bouge pas !

Le vénitien s'empara d'une pièce dans l'escarcelle qu'il avait encore à sa ceinture et la balança au mioche qui le remercia à plusieurs reprises avant de se barrer. Dante s'installait déjà à la table lorsque la porte se refermait. Il lui fallait prévenir Adeline qu'il l'attendait... ardemment !

Citation:


Duchessa,

J'espère que votre voyage n'a pas été trop long et que vous avez pu trouver où vous loger sur Marseille. Je pense que notre petit séjour se fera avec délice puisque je vous convie à rester deux jours en ma compagnie. Et avant que vous ne ragiez et balanciez ce pli, sachez que je n'admettrais aucun non venant de votre jolie petite bouche.

Vous avez beau vous cacher derrière un air outré, je sais ce que j'ai vu et surtout ressenti Duchessa. Vous pourrez toujours dire à votre entourage que j'ai profité de vous, que je vous ai forcé mais la dernière fois, dans mes bras, vous aviez beau m'invectiver, votre corps, lui, disait bien le contraire. Et cette petite veine qui battait son plein en réclamant que mes lèvres viennent se perdre le long de votre cou, traçant de mes baisers cette petite ligne de vie qui manque tant à votre existence. Oui manque tant parce que ce n'est pas avec votre duc que vous allez rigoler tous les jours.

Permettez-moi de vous dire madame que le mariage n'est pas là pour assouvir les besoins de tout à chacun mais pour se conformer aux regards de nos chères têtes bien faites qui constituent l'église. Et une femme, de votre rang, ayant déjà des enfants ne fait pas bon genre dans la noblesse si elle n'a pas été offerte à un rang égale voir supérieur afin de pouvoir montrer à toutes et à tous l'exemple à suivre. Et en bonne pouliche que vous êtes, vous ferez même un petit héritier à votre duc histoire d'asseoir votre légitimité et celle d'au moins l'un de vos enfants. Que c'est merveilleux n'est-ce pas ? Et en attendant, entre les draps, une fois le devoir conjugal accomplit, vous vous ennuierez comme un rat mort. A moins que vous ne soyez d'un tempérament frigide et que vous préfériez ne plus satisfaire vos besoins essentiels à votre bonheur ? Ça se discute et je suis certain que vous aurez à coeur de me dire ce que vous en pensez tandis que j'essaierais de vous convaincre du bien fondé du bien que l'on peut se faire mutuellement.

Mais en attendant de pouvoir gouter à nouveau à votre peau Bella mia, sachez que je ne ferais jamais de mal à votre fils. Pour qui me prenez vous donc espèce de gorgone ! Un enfant c'est sacré mais apparemment, nous n'en n'avons pas la même notion puisque vous-même ne savez point où se trouve votre progéniture. Et c'est vous qui osez me menacer. Allons, allons duchessa, ne poussez pas ma patience ni mes limites sinon vous risqueriez d'en souffrir. Et pas que physiquement.

Trêve de plaisanterie, je vous attends ce soir à l'auberge du lapin fringant disons vers 20 heures et ne soyez pas en retard sinon je serais dans l'obligation de sévir. Et vous savez tout comme moi que ce ne sont pas des paroles en l'air.

Ah et dernière chose, arrêtez donc d'invoquer le Très Haut, vous allez finir bigote. Et puis entre nous, il a autre chose à faire que s'occuper de mon cas.

A ce soir donc et mettez une tenue saillante même si c'est pour vous voir l'ôter !





Sans relire, Dante se leva, enroula le pli puis ouvrit la porte à toute volée. Il chercha du regard le fameux coursier qui était au bout du couloir à rire avec la tavernière, le siffla puis lui remis son précieux billet avec la moitié de la bourse d'écus promise.

- Trouve-moi cette nobliotte et tu auras le reste, une prime en plus. Par contre, si tu me ments, je te retrouve et je te fais passer l'envie de te servir de ce que tu as entre les jambes. C'est bien compris ?

Sourire ravi du vénitien, il n'avait plus qu'à attendre que la soirée tienne ses promesses mais déjà, il filait prendre un bon bain !
Deedee
[Marseille – fin juillet 1462]

    Le trajet depuis la Normandie venait de durer des semaines. Des semaines à supporter le chaos des routes, la poussière, le temps exécrable, les petit comme les gros incidents, la crainte de voir des brigands surgir. Des semaines aussi à angoisser sur la finalité de ce voyage et les conséquences désastreuse qu’il pourrait avoir sur sa vie future.
    Sa dernière rencontre avec l’Italien l’avait profondément marqué… Elle avait certes eu les renseignements qu’elles voulaient mais… à quel prix ?!
    Quel prix devrait-elle payer cette fois ci ?

    C'est donc préoccupé et de fort méchante humeur que la vicomtesse était arrivée à Marseille et s’était installée dans une auberge de renom. À avoir fait le voyage depuis la Normandie, il n’était pas question qu'elle loge n'importe où ! Elle aurait bien assez l’occasion de visiter les bas-fonds de la ville, seul endroit où pouvait loger un homme comme l'italien, sans avoir à y loger des jours durant. Il était hors de question qu’elle se rabaisse à son niveau ! Hors de question qu’elle cède à ses chantages !
    Elle était Vicomtesse ! Bientôt Duchesse ! Et c’est comme tel qu’elle se présenterait devant cet homme et récupérerait son fils. La chair de sa chair, son premier né !

    A peine arrivé, Adeline envoya son cochet à la recherche du bel Italien. La fouine avait été assez vague sur l’endroit exact où pouvait se trouver son maitre.


      « Vous l’trouv’rez dans une auberge à Marseille »


    Une auberge à Marseille…
    Ce n’est pas comme s’il n’y avait qu’une seule auberge à Marseille…
    Elle avait donc envoyé son cochet en éclaireur, espérant qu’il puisse trouver quelque renseignement complémentaire sur son… rendez-vous.

    Et Justin n’avait pas mis longtemps à revenir, à peine quelques heures plus tard, une missive à la main à l’intention de la Courcy.
    Un gamin justement à la recherche de la vicomtesse était tombé par hasard sur le pauvre cochet éreinté d’arpenter les rues de la ville et qui s’était arrêté pour s’abreuver à la fontaine d’une place.
    Coïncidence ?
    Hasard ?

    Peu importe à vrai dire, Adeline n’avait pas le temps de songer au pourquoi du comment, elle attendait ces nouvelles avec une certaine impatience… et grande crainte aussi.
    La lettre sitôt entre ses mains, elle remercia Justin et l’invita à prendre une chambre et se reposer un peu tandis qu’a huit clos dans sa chambre, elle prenait connaissance des « directives » du Venitien…

    Citation:
    « Deux jours en ma compagnie… »


    Cela commençait bien mal. Deux jours ? Il n’y avait pas besoin d’autant pour lui dire où se trouvait son fils… Il lui avait fallu moins de temps que ça pour lui donner des renseignements la dernière fois.
    Deux jours…
    Qu’avait-il donc prévu pour la tourmenter et la torturer…

    Respirant profondément, la vicomtesse poursuivit sa lecture, les mains légèrement tremblante.

    Citation:
    « mais la dernière fois, dans mes bras, vous aviez beau m'invectiver, votre corps, lui, disait bien le contraire
    … »


    Son pouls s’accéléra au fur et a mesure de la lecture et ses traits inquiets se durcirent peu à peu. La Normande serra alors les dents, sentant la colère et la rage monter doucement en elle.
    Comment osait-il ?
    De quel droit se permettait-il de la traité ni plus ni moins de… catin !
    Elle aimait Leda ! De toute son âme elle aimait son duc !
    Dans quelque mois ils s’uniraient enfin devant Aristote et devant les hommes, dans quelques mois ils scelleraient leur amour pour que rien ne vienne jamais l’entacher. Qu’en savait-il ce marin !
    Avait-il seulement connu l’amour ?!

    Ses mains moite, serrèrent le vélin, le froissant un peu plus, et la vicomtesse poursuivit sa lecture jusqu’au point final…

    Les larmes aux yeux, le cœur prêt à exploser de fureur Adeline jeta la missive devant elle avant d’attraper le premier objet qui lui tomba sous la main pour l’envoyer valsé a travers la pièce.

    -Je le hais ! hurla-t-elle au moment où le verre vint se fracasser contre le mur de la chambre.

    Ce fut un cri, mélange de rage et de peur. Un cri, un appel à l’aide tout en sachant pertinemment que cette épreuve… elle devrait l’affronter seule.
    Elle le haïssait….
    Elle ne l’avait vu qu’une fois mais elle le haïssait !
    Et elle le haïssait au point même de vouloir le tuer…
    Le tuer… L’idée n’était pas mauvaise au fond…


    -Tout va bien ma dame ?

    La voix étouffé derrière la porte la ramena rapidement à la réalité du moment. Il allait être temps d’agir.

    -Ou… Oui Justin. Tout va bien.
    -Vous êtes sûre ?

    Elle ouvrit la porte sur le cochet à la mine inquiète et lui offrit son plus beau sourire, rassurante.
    -Oui Justin, ce n’est rien, je me suis rendu compte que j’avais oublié quelque chose dans mes toilettes.

    Un sourire amusée, quelque instant de réflexion et la vicomtesse enchaina, innocemment.
    -Dites moi Justin, savez vous où se trouve l’auberge du « Lapin fringant » ?
    -Le la… euh… oui ma Dame. Mais c’est… enfin c’est rien d’autre qu’une auberge crasseuse et peu recommandable.
    -Tsss je ne vous demande pas votre avis sur l’établissement mais seulement si vous savez où il se trouve. J’ai rendez vous là-bas ce soir, vous m’y conduirez.

    Et avant que l’homme ne lui réponde, la vicomtesse referma prestement la porte en poussant un long soupire.
    Le plus dur restait à venir… choisir une toilette.
    Hors de question qu’elle ne retrouve l’Italien habillée…. En catin !


[Marseille – Auberge du Lapin Fringant – A l’heure dite…]

    Habillée tout a fait sobrement, emmitouflée, malgré la chaleur, dans une cape légère recouvrant ainsi ses long cheveux soigneusement coiffée et sa longue robe azurée. Elle avait exprès choisi celle la moins décolletée, la plus simple aussi, espérant ainsi passée inaperçu dans un endroit pareil et surtout… Que cela découragerait un tant soit peu son rendez vous.

    C’est donc encapuchonné dans sa cape, qu’Adeline descendit devant l’auberge en question, non sans crainte, non sans appréhension, non sans sentir son cœur s’emballer dans sa poitrine.
    Oh ! Bien sur elle aurait pu reculer, remonter dans la voiture et repartir aussi sec, abandonnant ainsi sa progéniture aux mains de son bourreau. Tout aurait été tellement plus simple après tout.
    Mais… au lieu de cela elle remercia son cochet et poussa la porte du bouge avant d’entrer… sans un regard en arrière.
    Les dés étaient jetés !

    A l’intérieur, une forte odeur de fumée, d’alcool et de sueur lui souleva l’estomac, instinctivement la vicomtesse porta la main à sa bouche et s’arrêta un instant. Autour d’elle des cris, des rires, des femmes qui allaient d’hommes en hommes et des hommes… à moitié ivre déjà.
    Hésitante… Adeline releva la tete et s’avança de quelque pas, sur ses gardes tout en cherchant, parmi cette joyeuse clientèle, l’objet de sa visite.

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Dante.tommaso
[Auberge du Lapin Fringant - Marseille – Fin Juillet 1462]



Il était l'heure, l'heure de redevenir le bourreau de cette noble qui le prenait de haut à chaque rencontre, l'heure de lui faire passer l'envie de se croire supérieure aux autres surtout qu'au final elle ne valait pas mieux que les autres. Elle avait grandi les pieds dans la fange et elle était devenue une petite arriviste comme il les détestait. Après, il ne fallait pas se demander pourquoi il préférait les putains et autres femmes mariées de petites vertus qui savaient prendre du plaisir et surtout vivre sans écraser les autres.

Dante s'installa à une table un peu en retrait des autres tout en ayant un œil sur la porte d'entrée. Il ne voulait pas louper l'arrivée de la belle donzelle et surtout garantir sa sécurité. Ce n'était pas parce qu'il lui avait donné rendez-vous dans un lieu qui l'amusait qu'il ne devait pas se montrer serviable. De une parce qu'il ne tenait pas à la faire tuer, ça aurait été un comble et de deux parce qu'il avait bien l'intention d'abuser d'elle jusqu'à ce qu'elle crie grâce entre ses bras. Il y mettrait le temps qu'il faudrait mais il ne lâcherait pas le morceau. A vouloir provoquer le malin, on s'y brûle les mains !

Un verre de vin entre ses doigts, le vénitien faisait tourner le liquide carmin contre les parois du verre. Ce n'était pas là le meilleur breuvage qu'il avait eu l'occasion de goûter mais il restait buvable c'était déjà ça. Peut être qu'il pourrait offrir à la duchesse d'autres subtils nectars un autre jour. Pour l'heure, son plan ne devait souffrir d'aucun accro. Pourtant le verre à ses lèvres, Dante tourna légèrement le visage vers la porte qui venait de s'ouvrir. Sa bouche s'étira longuement en un sourire carnassier tandis que ses doigts déjà claquaient dans la salle afin de faire venir l'aubergiste et lui indiquer la dernière entrante. Puis se calant contre le dossier de son siège, il attendit, un bras nonchalamment posé sur le dossier, le corps de biais, une jambe par-dessus l'autre, Dante était installé à son aise quand la duchesse arriva devant lui. Sans parler, il fit signe à l'aubergiste de déguerpir tout en montrant à la jeune femme la chaise en face de lui. Il ne se leva pas non plus afin de l'y faire s'asseoir et tendit simplement la main dans la direction voulue.


- je vous en prie, prenez place. Faisons ça en toute simplicité et toute discrétion n'est-ce pas ?

Sourire en coin qui en disait long, Dante se redressa légèrement mais pas trop, juste afin de pouvoir toiser de sa haute stature la brune qu'il détailla sans vergogne de pied en cape.

- Ainsi donc vous voilà… admettez que ce n'était pas trop demander que d'accepter mon invitation. J'avais hâte de vous revoir, depuis tout ce temps… C'est que nous avons des choses à discuter et je ne voulais pas offrir à des oreilles indiscrètes certaines informations… il est vrai que vous êtes entourés maintenant et comme il faut à ce qu'il parait !

Les azurs vinrent se fracasser contre le regard sombre de la duchesse. Et Dante partit à rire, de ses éclats de rire dont il avait le secret mais qui pourtant se faisaient rares. La franchise résonnait entre les fragments d'amusement puis il reprit son sérieux.

- Veuillez me pardonner chère Adeline mais si votre regard pouvait me tuer, je ne serais déjà plus de ce monde. De grâce laissez-moi encore vivre un peu afin de tourmenter vos mornes journées !

Et d'un geste volontaire, il prit la carafe remplit de vin afin de lui remplir son verre.

- Vous pouvez le boire en toute sécurité, il n'est pas empoisonné ni même porteur d'une potion vous mettant à ma merci. Je n'ai pas besoin de ses subterfuges pour vous approcher… n'est-ce pas duchesse ?

Cette fois-ci c'était Dante qui lançait des éclairs au travers de ses prunelles. Mais des éclairs de désir car il était de notoriété publique qu'il n'aimait pas qu'une femme lui résiste et la duchesse n'avait pas son pareil pour lui opposer une farouche résistance.

    *Mais gare à toi duchesse… ma patience a des limites et je sais qu'à ce petit jeu, tu risques de vite pleurer de rage car je serais bien moins conciliant si d'avenir tu ne plies pas un tant soit peu dans la bonne direction… Et j'ai des moyens pour te mettre à mes pieds…*


Le sourire carnassier du prédateur était de retour. Il aimait bien la de Courcy et loin de vouloir lui faire du mal il la savait malheureuse au fond d'elle-même. Depuis sa rencontre autrefois à propos de leur ami commun, Theobalde, il avait lu la douleur de perdre un être cher et quand il la regardait encore, il devinait ce trop grand gouffre que ses amours ou bien même ses enfants auraient dû combler. Elle s'enterrait dans la politique pour ne pas penser à ces choses belles que la vie peut offrir, le Vénitien ne faisait que ça, profiter du jour qui se lève et tant pis s'il devait mourir demain.
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Deedee
    Elle aurait pu faire demi-tour. Elle en avait encore le temps et le pouvoir. Elle aurait faire demi-tour, tout simplement. Ignorer cet homme, ces messages, ces chantages, ignorer simplement les informations qu’il détenait et dont elle n’était sûre de rien, elle aurait dû oui… Mais comment résister à cette force invisible qui conduisit ses pas, plus en avant ?

      Mais bon sang que faisait-elle ici ?


    Recueillir des informations sur son fils ? N’était-ce pas là un bien pâle prétexte au final ? Elle avait des milliers d’autre façon de savoir où il était et ce qu’il faisait. Elle aurait pu demander à son vassal en Languedoc, à son ami le duc d’Harcourt écumant les mers, ses connaissances un peu partout dans ce royaume elle n’avait que l’embarras du choix, alors pourquoi avoir répondu à cette invitation ?

      La réponse était tellement évidente…


    Mais non !
    C’était bien la dernière chose qu’elle voulait !
    Elle se souvenait encore de leur dernière entrevue, elle pouvait même encore sentir la brulure de ses doigts sur sa gorge, les traces qu’elles avaient laissées sur sa peau fragile.
    Non !
    C’était vraiment la dernière personne en ce monde qu’elle désirait revoir.

      Et pourtant… Elle était là…


    Déglutissant avec peine, chassant de son esprit ces pensées contradictoire, Adeline laissa aller son regard dans la salle à la recherche du vénitiens. Un homme de sa trempe ne pouvait pas passer inaperçu, même au milieu de cette gueusailles ivrognes et puante.
    C’est alors que l’aubergiste, un homme a la bedaine imposante se planta devant elle, lui faisant signe de la suivre. Adeline compris alors que si elle n’avait pas encore repérer son homme, lui... au contraire l’avait déjà aperçut.
    Par Aristote qu’elle détestait cette sensation d’être observer et espionner contre son gré !

    Se faufilant à travers l’auberge, essayant malgré tout de savoir où se trouvait le vénitiens, et surtout… si elle ne repérait pas l’un de ses hommes de mains. La fouine… il portait bien son nom celui là, l’œil vif, le nez étroit, la silhouette fine.
    Une véritable fouine ! Ne lui manquait plus que le pelage brun et l’on pouvait le confondre avec la bestiole !
    Donc Si le maitre était là… Le chien ne devait pas être loin…
    Mais elle ne vit rien, juste la table devant laquelle le tavernier venait enfin de s’arrêter dans un coin reculé de l’auberge. Et… Il était là, assis confortablement comme si l’auberge lui appartenait, sans gêne, avachi sur son siège, les jambes croisées.
    Il ne prit même pas la peine de se lever, comme tout gentilhomme l’aurait fait pour accueillir une dame, non… Au lieu de cela il fit déguerpir l’aubergiste d’un signe de la main et lui indiqua simplement le siège en face de lui.
    Adeline sentait son cœur battre à tout rompre, pis encore que la dernière fois qu’elle s’était retrouver en sa présence. Les années avaient beau être passé, il n’avait pas changé, toujours le même visage enjôleur, le même regard de braise capable de vous embraser d’un simple battement de cils.
    Déglutissant avec peine, la vicomtesse releva la tête, se parant comme à chaque fois de ce masque hautain, impassible et impénétrable, refoulant ses sentiments au plus profonds et pris place à son tour en face de l’italien.
      Que le cirque commence !



    Plongeant son regard dans celui du Vénitiens, Adeline l’écouta, sans desserrer les lèvres ni même son poing sagement cacher par sa manche. Elle esquissa tout de même un sourire en l’entendant parler d’oreille indiscrète, et machinalement balaya la pièce du regard.
    Comme endroit discret, c’était plutôt raté. Tout le monde pouvait les voir, et n’importe qui remarquerait tout de suite qu’elle n’appartenait pas à leur… rang. Non… Elle restait persuadée qu’il avait choisi cet endroit juste pour lui montrer qu’il était ici en maitre.

      Mais il était hors de question qu’elle se laisse faire !


    Son regard quitta un instant la pièce et le joyeux brouhaha pour se reposer sur le vénitien, attendant la suite. Une suite qui ne tarda pas à arriver sous la forme d’un rire sarcastique qui ne manqua pas de faire sursauter légèrement la petite Vicomtesse, surprise de la réaction de son interlocuteur mais surtout gêner de se sentir ainsi démasquer…
    Encore une fois, face à lui, elle ne parvenait pas à masquer ses sentiments, le laissant lire sur son visage toute les émotions qui l’habitait, comme dans un livre grand ouvert.

    -Je n’en ferais rien. Même si ce n’est pas l’envie qui me manque.

    Elle avait murmuré ces quelques mots, les rendant presque inaudible dans le brouhaha de la taverne, mais malgré tout ce bruit ambiant, elle savait pertinemment que l’Italien les avait entendus.
    Oh oui… si elle avait pu…
    Mais comme la première fois, il tenait là, entre ses mains, une clé, peut être même la serrure toute entière d’un coffre renfermant son bien le plus précieux.
    Apres Théobalde, son cher Théobalde… venait le tour de son fils.
    Son fils…

    Dante versa dans son verre un liquide carmin, machinalement elle éprouva un mouvement de recul, méfiante. Elle connaissait suffisamment les plantes et leur pouvoir pour savoir ce que l’on pouvait mettre dans une boisson quand on voulait éliminer un ennemi, ou… envouter une dame. Mais une fois encore le Vénitien répondit a ses pensées sans qu’elle n’ait eu le temps de dire quoique ce soit.
    Fronçant alors les sourcils, Adeline prit la coupe entre ses mains et croisa le regard de Dante.
    Le cœur de la Vicomtesse s’emballa, et craignant qu’il ne devine une fois de plus le trouble qui l’habitait, elle trempa rapidement ses lèvres dans le breuvage, tant pour humecter enfin ses lèvres dessécher que pour trouver un moment de répit a ce face a face qui débutait à peine.

    Les idées un peu plus clair, elle reposa son verre, et s’armant à nouveau de son masque impassible et de ses murailles derrière lequel elle aimait se tenir, Adeline soutint à nouveau le regard du vénitien, provocante.


    -Cessez donc vos paroles enchanteresse, vous savez très bien qu’elles n’ont aucun effet sur moi mis a part vous résistez encore plus.
    Venez en donc au fait Ceresa au lieu de tourner autour du pot!


    Elle savait qu’elle s’aventurait là sur une pente dangereuse.
    Elle savait qu’elle se mordrait les doigts très vite de le provoquer ainsi.
    Elle savait mais…
      C’était plus fort qu’elle…
        Elle devait jouer avec le feu…

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Dante.tommaso
Cette femme avait de la rancœur à revendre et au final cela amusait grandement le vénitien. Il aimait quand l'adversaire était coriace car plus dure serait sa chute et il savait très bien qu'en la poussant dans la bonne direction, la duchesse serait à ses pieds rapidement. Mais Dante aimait aussi prendre son temps afin de torturer moralement ses victimes. Et Adeline faisait partie de celles avec laquelle il aimait être le chat et elle la souris.

Regard en biais, pupilles qui se tapissaient de sombres, tout n'était qu'avertissement et pourtant, la duchesse fonçait tête baissée. Qu'il en soit ainsi puisqu'elle définissait elle-même les règles de la façon dont il la prendrait. Alors sa carrant dans son siège après avoir posé son verre de vin, il prit une attitude des plus désinvolte, les doigts croisés entre eux. Et puisque elle montait sur ses grands chevaux afin de lui faire sentir qu'elle était au-dessus de tout, encore une fois, Dante changea d'attitude.


- Tu es soit une grande naïve soit complètement écervelée et dans les deux cas, je ne peux que m'en frotter les mains. A tes dépends bien évidemment… Je pense que notre première rencontre ne t'a pas assez marquée mais peut être que je serais plus généreux cette fois-ci et que je t'offrirais une marque cette fois-ci réellement inoubliable…

    Je l'observe du coin de l'œil et chaque mouvement qu'elle tente de maîtriser m'amuse au plus au point. La première fois je n'avais pas voulu réellement l'effrayer, elle l'était toute seule mais cette fois, je serais bien moins conciliant. A force de tirer sur la corde, il faut s'acquitter de ses dettes et tu vas payer !


Inspirant profondément, le regard céruléen capta le regard plus sombre de la duchesse. Arquant un sourcil de curiosité, il attendit que l'aubergiste vienne poser le premier plat et fit un mouvement de la main envers Adeline afin qu'elle se serve.

- Je t'en prie, mange. Les nouvelles que j'ai à t'annoncer risque de moins bien passer par la suite alors profite et ne fais pas l'enfant. Dans mes souvenirs tu es une personne sensible surtout lorsqu'il s'agit de sa progéniture alors évite de ne pas suivre mes conseils les concernant...

Marquant une pause volontairement longue, Dante piocha avec sa fourchette dans le plat sur lequel il venait de poser ses yeux. D'ordinaire, il savait se faire charmant et même très bien éduqué mais face à Adeline de Courcy tout son être se rebeller contre cette femme depuis le premier jour où ils s'étaient confrontés. Suçant son pouce de la sauce du met qu'il venait d'enfourner, il reprit sur un ton badin de la conversation.

- Mais au fait, comment va ta fille ? En âge de se marier il me semble non ? Tu lui as trouvé un bon parti au moins ? Et a-t-elle déjà gouté aux joies de connaitre un homme ? Est-elle comme sa mère, d'aspect frigide mais palpitant secrètement dès qu'on la bouscule un peu ?

Le sourire se fit sardonique. Il savait qu'elle se rappelait lorsqu'il avait collé son corps contre un mur, remontant ses jupons jusqu'à laisser ses doigts vagabonder sur sa peau douce de fille de la haute. Cherchant à savoir si elle s'en souvenait, Dante ne se lassait pas de l'observer sans honte.
Portant une serviette à ses lèvres, le vénitien s'essuya la bouche avant de s'avancer un peu plus vers sa proie.


- Dis-moi Duchessa, quel prix accepterais-tu de verser pour l'un de tes enfants ? Que serais-tu prête à faire pour qu'il reste en vie ?

    Tout n'était qu'un jeu, un simple jeu que je menais parce que le gamin était bien à l'abri sur l'un de mes navires et je n'avais absolument pas l'envie de le tuer. Il était un bon marin ce gosse, apprenant vite et jamais je ne sabrerais mes affaires pour une femme, aussi riche soit-elle. Mais pour l'heure, je m'amuse comme un petit fou, je contrôle, j'offre quelques détails par-ci, par-là, j'aiguise son besoin de savoir à tout pris. Elle est mère, son fils est sorti de ses entrailles, un lien particulier les unit même si Erwann s'en défend, même si elle semble l'avoir oublié… Et je veux la voir ramper et me supplier. Et peut être qu'alors je lui laisserais voir son fils. Mais pour l'heure…


Se penchant un peu plus en avant, son regard essaya de plonger dans le décolleté de la duchesse que le voile ne laissait que peu deviner puis Dante se rejeta en arrière.

- Tu sais Duchessa que plus tu caches tes atouts, plus j'ai envie de les redécouvrir… tu es du genre à vouloir affoler le regard des hommes toi… vilaine que tu es !

Passant sa langue sur ses lèvres, il se délectait de la mettre à mal comme ça parce qu'il savait que quoi qu'il arrive, elle allait lui donner du fil à retordre !
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Deedee
    Elle pourrait sortir une dague de dessous ses jupons, et le poignarder là, dans ce recoin de taverne. Personne ne verrait rien, personne ne saurait rien, et tous ses problèmes avec cet homme seraient réglé d’un seul coup !
    C’était facile, il ne lui faudrait que quelque seconde seulement.
    Elle avait l’avantage de la surprise, l’agilité également, elle était bien plus petite que lui, plus fine aussi, elle n’aurait donc aucun mal à bondir sur sa proie tel une louve sur un agneau, et dans la pénombre de la taverne…
    Oui…
    Trop facile !
    Enfin…
    Dans les légendes des troubadours peut être, mais dans la réalité…
    Il ne ferait qu’une bouché d’elle à peine lèverait-elle le petit doigt de pieds.
      Et puis…
        Elle n’avait même pas de dague sur elle…


    Tout à ses réflexions, la vicomtesse ne remarqua même pas que ses poings s’était refermé sur une dague imaginaire, emprisonnant le tissu de sa jupe et serrant, serrant a s’en faire blanchir la jointure de ses mains. Ce n’est que lorsqu’elle sentit la douleur de ses ongles entrant dans sa chair et le regard cuisant du Venitiens qu’elle desserra son étreinte. Légèrement. Abaissant ses épaules pour paraitre… Plus détendu.
    En apparence seulement.
    En apparence.
    Une souris n’est jamais totalement détendue entre les pattes d’un matou.
    Et surtout pas que ledit matou aime à rappeler à la souris qu’il est là pour jouer…

    Machinalement, au souvenir cuisant de leur première rencontre, Adeline porta doucement la main vers sa poitrine. Il ne l’avait pas vraiment blessé, non. Elle n’avait pas vraiment souffert non plus. Juste une légère brûlure dû à la griffure, rien de bien douloureux.
    Du moins…
    Physiquement !
    Mais son amour-propre s’en était trouvé cruellement blessé.

    Il n’oserait pas ?
      Si… il en était capable.

    Non, quand même pas ?
      Si, si… C’était tout à fait son genre !


    -Vous ne me faites pas peur… marmonna-t-elle dans un souffle, presqu’inaudible, juste au moment où l’aubergiste venait de poser un plat sur leur table.

    Non, elle n’avait pas peur… Absolument pas d’ailleurs ! Elle était simplement… morte de peur. Mais pour rien au monde elle ne lui aurait donné le plaisir de le lui montrer.

    Adeline détourna donc le regard, lorgnant le plat. Manger… Il en avait de bonne le Vénitien. Comment pouvait-il penser à manger dans un moment pareil.
    De toute façon, même si elle avait voulu, elle n’aurait pas pu !
    Elle ignorait ce qui composait le plat, mais vu l’aspect peu engageant et l’odeur ragoutante qui s’en dégageait, il fallait être plutôt suicidaire pour vouloir de cette chose-là. Sans compter les manières désastreuses du mâle en face d’elle. Et puis de toute façon… Elle avait l’estomac tellement nouer…


    -Je vous interdit de parler de ma fille !

    Elle avait presque crié, surpris de la question du Venitiens. Surpris, mais aussi terrifié a l’idée que cet homme puisse poser ses sales pattes sur le corps encore enfantin de sa fille.
    Et soudain, les images de leur rencontre lui revinrent en mémoire, les mains de l’Italien sur sa peau délicate, son souffle chaud au creux de son cou et… et… et…
    Par Aristote ce regard…
    Il avait des yeux… Capable à la fois de vous glacer le cœur et vous consumer sur place. Un regard terrifiant et envoutant à la fois… Et ce sourire…
    Et Briana était si jeune, si… innocente ! L’imaginer un seul instant entre les mains de ce… de cet… de…

    Son cœur était prêt d’exploser ! Elle se sentait comme une tigresse prête à bondir pour lui lacérer le visage et lui crever les yeux ! Et si elle n’avait pas eu encore un peu de bon sens, c’est ce qu’elle aurait fait, quitte à ce que ce soit son dernier geste.
    Mais…
    Elle n’en avait pas le droit. Pas encore. Pas tout de suite. Pas avant de savoir ses enfants en sécurité.

    Adeline le regarda un instant, lui offrant son regard le plus noir, le sombre qui soit, si elle avait pu le tuer d’un simple regard c’est avec celui-là qu’il serait mort.
    Le chat avait donc vraiment décidé de jouer et de la torturer jusqu’au bout. Apres l’humiliation, le chantage ? Mais jusqu’où irait-il donc ?
    Qu’avait-il en tête pour lui poser ce genre de question ?
    Ou voulait-il en venir ?

    Les questions trottaient dans sa tête comme la charge d’une cavalerie, mais inconsciemment, Adeline connaissait déjà les réponses… Toutes les réponses !
    Choisir entre sa vie ou ses enfants…
    Quel genre de mère sacrifierait ses enfants pour sauver sa peau ?
    S’il s’imaginait qu’elle était de ce genre là…
    Il pouvait se fourrer le doigt dans l’œil jusqu’au coude !


    -Mais pour qui me prenez-vous Dante Tommaso Ceresa ? Pensez-vous que j’ai répondu a votre « invitation » juste pour le plaisir de vous revoir ?
    Imaginez-vous un seul instant que je sois capable de renier, d’abandonner ou même… de sacrifiez mes enfants juste pour mon plaisir ?
    Et vous prétendez me connaitre…


    Suivant le regard de l’Italien, la Normande fronça les sourcils et referma rapidement sa cape sur sa poitrine en lui lançant un regard du genre : « Tu peux t’brosser Martine ! ».
    S’il avait l’intention de la prendre, il se trompait.
    S’il s’attendait à ce qu’elle soit docile… Il allait déguster.

    Soutenant donc son regard, Adeline se pencha légèrement en avant, imitant un instant le Vénitiens et lui murmura quelque mot avec un sourire provocateur.


    -Plutôt mourir que de vous laisser me toucher…

    Elle était prête à tout pour sauver son fils.
    A tout !
    Mais elle n’allait pas lui céder si facilement…
    S’il voulait la guerre, il allait l’avoir ! Elle n’était peut-être qu’une petite souris entre ses grosses pattes de matou, mais une souris… ça mord ! Et pour mordre, elle mordrait !

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Dante.tommaso
Un sourire moqueur vint à passer sur les lèvres du Vénitien tandis que sa main grappillait un peu de pain, là juste sous ses doigts.

- Ainsi donc je ne te fais pas peur dis-tu Duchessa et bien puisque c'est ainsi, tu ne verras pas d'inconvénient à me suivre dans ma chambre une fois le repas terminé. Certaines affaires ne méritent pas d'être entendues par de vulgaires oreilles qui trainent dans le coin.

    Prise à ton propre jeu jolie Normande, il va falloir trouver l'argument qui te fera me fuir et il doit être solide pour que tu ne subisses pas ma volonté… Ah Adeline, si tu savais comme cette soirée s'annonce palpitante… et je me réjouis d'avance de sentir son sang cogner comme un tambour tout contre mes lèvres quand ses dernières viendront marquer ta peau si tendre de ton cou, là où palpite la vie…


Les pensées qui venaient d'envahir Dante firent pétiller ses yeux d'une lueur assassine. Lui le prédateur, le fauve attendait paisiblement que sa proie tombe toute crue dans sa gueule. Et c'est ce que la noble allait faire. Ils étaient promis à finir ce qu'ils avaient commencé bien des années plus tôt. Elle et lui… Lui et elle… Portant son verre de vin à ses lèves, il but une petite gorgée avant de reprendre le fil de sa vie et de ses pensées.

- Si tu veux mourir Duchessa, je peux t'arranger ça. Tu sais que je ne suis pas à une vie près et t'ôter la tienne juste après avoir profité de tes… rondeurs m'offre un sentiment de sérénité non négligeable. Bien évidemment, cela serait dommage de gâcher un si beau giron sans oublier les vallons que tu offres à mon regard mais ne t'en fais pas, je saurais m'en remettre…

Le sourire narquois s'accentua un peu plus tandis que cette fois, les doigts jouaient avec le verre négligemment posé sur la table. La mâchoire se contractait quelques fois montrant quelques signes de maîtrise de l'homme.

- Pour ce qui est du plaisir de me revoir, laissons cela à plus tard, lorsque j'aurais glissé mes doigts sous tes jupons. Là tu pourras t'en épancher en me regardant droit dans les yeux. Quant à tes enfants… pauvre petite fille que tu es encore, j'en sais plus sur ta progéniture que toi-même. D'ailleurs, je peux même te dire qu'Erwann a une jolie cicatrice sur la cuisse droite…

    Vas-y, assimile la nouvelle Duchessa. Réfléchis-bien à ce qui a pu arriver à ton fils pendant que je commande le dessert.


D'un claquement de doigt, Dante fit venir le patron et lui signifia qu'il pouvait enlever les plats posés sur la table afin de laisser la place à la suite. Un dernier met raffiné pour mettre fin au repas indigeste et ils pourraient passer à la suite des réjouissances. Se penchant légèrement en avant, le Vénitien vint à tendre les doigts vers la joue d'Adeline et la lui caressa légèrement.

- Mais dis-moi duchessa, ta belle amie qui t'accompagnait il y a fort longtemps, elle aussi duchesse il me semble, la belle Ana si je me souviens bien, comment donc as-tu pu réussir à fréquenter une beauté pareille ?

Petit pique de la part du Vénitien qui, il le savait, toucherait Adeline qui avait tendance à se terrer au fond des trous et à se tenir toujours derrière les autres. Pourtant, il savait qu'elle avait un joli potentiel la brune si elle pouvait arrêter de jouer les grandes dames et redevenir un peu plus humble. Respirant profondément, ses azurs se posèrent sur les lèvres de la duchesse qui à cet instant semblaient trembler légèrement. Alors sans crier gare, Dante se souleva de sa chaise, penchant son corps en avant et vint grappiller un baiser de cette bouche offerte avant de reprendre sa place originale.

- Tes lèvres ne sont que tentation jolie duchessa et j'aime particulière le gout que le vin leur donne. Je pense que nous prendrons un tonnelet de ce breuvage tout à l'heure, il te va à la perfection et j'imagine déjà tes courbes accueillant mes baisers après avec bu de ce vin…

Se réjouissant de la mettre mal à l'aise, il lui sourit avec bonne humeur cette fois-ci tout en se calant dans son siège, laissant la place au serveur qui apportait ce qui semblait être des Darioles. Dante raffolait des amandes et se trouva quelque peu ragaillardit par ce plat qui lui rappelait quelques tendres moments d'enfance. Il fit un signe à Adeline afin qu'elle attaque son dessert avant de reprendre.

- Ne me contraint pas à t'arracher les mots de la bouche pour te faire la conversation, tu sais que j'oserais le faire. Et puis je serais beaucoup moins conciliant si je dois faire preuve de brutalité à ton égard… Parfois je me laisse aller et ma main devient plus lourde que je ne le voudrais…

    Comprends-tu ce que je te dis Duchessa, as-tu enfin soupesé la menace qui pèse au-dessus de ta tête si tu veux te montrer hostile à mes désirs ou bien continueras-tu sur ta lancée ? Je doute que tu saches réellement ce qui t'attend tout à l'heure alors je serais toi, je marcherais sur des œufs avant de m'affronter, belle enfant que tu es…

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Deedee
    Par Aristote ! Qu’elle détestait son sourire arrogant, ses yeux aguicheurs et cet air de mâle dominant qu’il se donnait ! Par Aristote qu’elle aurait aimé lui faire ravaler sa morgue, le planter là avec son verre de vinaigre et son repas nauséabond !
    Mais… Par Aristote que tout cela la rendait folle !

    Folle, c’était exactement le mot qui la décrivait en ce moment même. Il était tout simplement en train de la rendre folle avec ses mimiques, ses belles paroles et ses phrases assassines. Adeline sentait son cœur s’emballer, cogner dans sa poitrine comme mille tambours sur un champs de bataille. Elle se sentait comme des milliers de soldats, prêts, armés, attendant simplement le signal de leur chef pour bondir à l’attaque. Elle se sentait comme une biche traquée par une meute de loups affamées, courant, bondissant pour leur échapper. Elle se sentait… comme une petite souris entre les pattes d’un gros chat déjà bien reput qui jouait, et jouait encore avec elle attendant de lui assener le coup de grâce.
    Elle savait maintenant, ce que pouvait ressentir un condamné à mort lorsqu’il attendait que le bourreau n’abaisse sa hache.
    Oh oui… Elle savait !

    Son regard fixé sur l’Italien, la normande serrait les dents, les poings aussi sentant ses ongles pénétrer sa chair tendre. Une part de son esprit lui disait d’être raisonnable, de lâcher prise, d’obéir, de penser à son fils, mais l’autre partie, sa part d’ombre refusait totalement de se soumettre au petit jeu du Vénitien.
    Elle n’avait pas oublié leur dernière rencontre.
    Elle n’avait pas oublié ses mains sur sa peau délicate et les marques qu’elles avaient laissées.
    Elle savait de quoi il était capable.
    Elle le voyait dans son regard.
    Mais elle ne pouvait se résoudre à le laisser gagner la partie.

    Redressant la tête, Adeline imita son bourreau et porta son verre à ses lèvres dans une mimique délicate et distingué jusqu’à… manquer de s’étouffer en entendant les propos du Venitien.


    -Co… Comment savez-vous cela ?!

    Aussitôt le cerveau déjà mis à rude épreuve se mit en ébullition. Comment savait-il cela ? Comment avait-il pu voir cette cicatrice, qui n’était pas non pas sur la cuisse droite, mais sur la gauche et qui se trouvait… assez haut sur la cuisse. Invisible à moins que…
    Tous les sens de la normande se mirent en alerte.
      Non il n’avait quand même pas ?
        Mais alors comment…

    Elle savait qu’il était homme à aimer la compagnie des femmes, mais…
      Erwan n’était qu’un enfant !
        Rien qu’un enfant !


    -D’abord cette cicatrice se trouve sur la cuisse gauche, et comment ! Comment savez-vous cela ? De quel droit avez-vous…

    L’arrivée impromptu de l’aubergiste l’empêcha d’en dire plus, et de toute façon, Dante semblait ne même pas l’entendre, occupé qu’il était à la dévisager et se rire surement de sa réaction.
    Elle eut un léger frisson quand les doigts du vénitiens s’aventurèrent à lui caresser la joue, et elle détourna la tête d’un air de dégout, avant de le fusiller du regard.

    *Le Salaud !* se pensa-t-elle.
    Après son fils, il s’amusait à remuer le couteau dans la plaie en lui parlant d’Ana. Mais lui qui savait tout… ne savait-il pas ?
    Ana... Oh… Ana… Fauchée en pleine fleur de l’âge avec son petit garçon. Elle avait préféré se donner la mort plutôt que de continuer à vivre avec cet homme qui lui servait d’époux.

    Elle ouvrit légèrement la bouche pour lui répondre, lui retorquer que s’il n’avait pas le respect des femmes et des enfants, il pouvait au moins avoir le respect des morts ! Mais les mots se moururent dans le fond de sa gorge, bloqués par une boule, mélange de tristesse et de colère.
    Et c’est presque sans réaction, submergée par l’émotion que l’Italien vint cueillir ses lèvres dans un baiser furtif mais qui laissa à la Normande une sensation d’intense brûlure, réveillant ses sens en une drôle de sensation dans le creux de son ventre. Un long frisson lui glissa le long de la colonne vertébrale et elle sentit ses mains trembler légèrement. Mais avant qu'elle ne soit totalement déstabilisée, elle lui envoya son pied dans les jambes.
      Bim !
        Et sous la table, ni vu, ni connu!


    -Gardez vos distance Ceresa ! Je ne vous permets pas !

    Folle… Il était en train de la rendre folle…
    Et plus le temps passait plus elle comprenait où il voulait en venir. Elle ne gagnerait sans doute pas la partie ce soir, ni ces deux prochains jours, mais elle ne rendrait pas les armes sans se battre...
    Mais était-elle vraiment prête à se battre contre cet homme qui provoquait en elle un véritable chambardement de tous ses sens.

    Son esprit était en totale contradiction avec la réaction de son corps. Voilà qu’elle se mettait à rougir légèrement alors qu’il lui annonçait parfaitement la couleur de la soirée.
    Elle perdait pied.
    Elle perdait le contrôle.
    Et cela n’était pas possible, même pas concevable !
    Elle était Adeline de Courcy, Vicomtesse de Valogne ! Un mur, une forteresse !
    Elle ne pouvait pas céder.

    Avalant rapidement le reste de vin dans son verre, Adeline redressa alors la tête dignement, faisant face au Vénitien. Elle repoussa d’un geste sûr l’assiette devant elle lui signifiant ainsi qu’elle avait fini de diner.
    De toute façon, le repas avait eu du mal à passer, alors le dessert… Elle avait plutôt envie de lui jeter à la figure !


    -Oh, mais je vous en prie, je sais que vous aimez à vous écouter parler. Je ne voudrais pas vous retirer ce petit plaisir en vous accablant de paroles inutiles.

    Et paf ! Avale ça !
    La Normande posa ses deux mains sur la table, fixant l’homme droit dans les yeux avec juste ce qu’il fallait d’impertinence pour ne pas trop se brûler.
    Elle était prise au piège, elle le savait.
    Si elle ne cédait pas… Aristote seul savait ce qui adviendrait de son fils.
    Et si elle avait accepté cette invitation, c’était uniquement pour pouvoir le retrouver. Qu’importe alors ce qui adviendrait d’elle. Après tout, ne dit-on pas « une vie pour une vie, ma dette est payée » ?

    Soupirant légèrement, la Normande baissa la tête un instant en fermant les yeux, tentant de calmer les battements de son cœur avant de relever la tête et fixer à nouveau le Vénitien.


    -Nous en avons terminé avec cette mascarade de diner il me semble.
    Alors venez en au fait Dante, je sais que vous n’aimez pas perdre votre temps, n’est-ce pas ?


    En d’autres termes, cela voulait dire : « Abrège mes souffrances et qu’on en finisse…»
    Non pas qu’elle était pressée de s’isoler avec lui. Non pas qu’elle était pressée d’être à nouveau la proie dans les pattes du félin. Mais elle avait simplement hâte de sortir de cet endroit, respirer un air plus frais et remettre de l’ordre dans ses idées.
      Reprendre contenance.
        Faire face.
          Taire ses émotions
            Tenir tête.

    Mais pas trop quand même. Elle savait de quoi était capable le bougre… Le meilleur… Comme le pire !

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