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[RP] Passe moi la rhubarbe, je te passe les navets

Aurchide
Lorsque sa vie se suffisait de sa propre poussière, elle s'était faîte une cabane verte. Une remise des choses saugrenues, un grenier plein de lendemains avortés. C'était un lieu où le monde l'inondait de ses pénitences autant que de ses étincelles.

Des heures égrenées à poudrer les choses d'une matité d'insouciance. Des heures d'envol farouche vers un imaginaire insoupçonné. Que de messes sombres pour des misères ocres. Dans cette cabane, elle avait ramassé patiemment des morceaux de sa vie éparpillée.

Un frère retrouvé, un frère de perdu. Brutalement sur un coup de tête.
Un ami de trouvé, un ami de perdu. Brutalement sur un coup de canif.

Il y'a des heures où toute sa légendaire légèreté revêt les affres du bleu. Même le troupeau de chevaux ailés qui crépite dans sa tête, ne parvient pas à l'en sauver.

C'est dans une taverne, sa cabane verte de fortune, nommée le Céphalophore à Bourges, qu'elle s'isole cette après-midi avec son courrier reçu, digérer quelques déconvenues.

Elle le vit soudain occuper l'embrasure de la porte, hésitant à entrer.
Et bien vite la douleur qui s'apparentait à l'arrachage d'une dent de sagesse à cru, s'en est trouvée évanouie.

Si elle l'avait cru parti au loin la veille, si elle avait pensé qu'il avait quitté la ville, ce n'était qu'une méprise. Leurs discussions tout aussi légères que graves et brodées de silences, se faisaient l'ultime remède.

L'oubli, béni, s'est invité dès lors à sa table.

Et c'est un final déguisé en silence, dont le trentenaire aux yeux tourbeux a le secret, qui vient ponctuer une invitation acceptée, à souper ensemble.

L'heure et le lieu furent envoyés sur un bout de papier.


Citation:

L'auberge des trois faisans
Au coucher du soleil

A~


La brune, affairée dans les cuisines -louées- de l'auberge quasi déserte, avait laissé consigne à l'aubergiste d'accueillir son hôte et le diriger vers une table dressée sobrement, côté cour.
Gerfaut
Sa main frappe deux coups à la porte, et pousse le battant. Mais celui-ci se dérobe sous la paume, et Gerfaut ne peut que constater qu’on l’a devancé en lui ouvrant de l’intérieur. C’est une autre femme qu’Aurchide qui l’appelle par son nom, lui souhaite la bienvenue, et l’invite à la suivre. L’invité suit donc jusqu’à une table dressée. Là, la femme qui allait pour proposer de le débarasser, ou peut-être lui montrer sa place, ou lui proposer de patienter avec un quelque chose, est interrompue par Gerfaut qui lui demande qui elle est. L’intéressée répond de son nom, de sa qualité permanente de propriétaire aubergiste, et temporaire de logeuse auprès d’Aurchide. Gerfaut la remercie, lui dit qu’il n’a besoin de rien et qu'il attendra debout.

Ainsi demeure-t-il, sans sac pour l’encombrer, et les mains jointes ensemble dans le dos. Le soleil a presque passé l’horizon, et d’ici peu, les rougeurs qui éclairent crûment le lieu s’estomperont. Immobile dans l'atmosphère aux ombres allongées, Gerfaut patiente.
Aurchide
Le choix de la cour n'avait pour but que de les extraire de la fournaise de l'intérieur. User des feux dans les cuisines confinées était en soi un supplice. Le lieu ombragé où se déroulera le dîner, ne servant point à accueillir des clients initialement, était sacrément encombré sur les côtés, au pied de chaque mur de prolongement. On pouvait en effet y voir des sacs de denrées, des caissons en bois vides, des jarres de toutes tailles, un tonneau neuf et scellé,'un cordage enroulé, quelques esses qui pendouillent, une cage de poule désertée et encrassée de fiente, puis..quelques seaux, une brouette penchée..etc.

Accolée au cadre de la porte qui donne sur la cour, se dresse ardemment tordue, une vieille vigne de table, qui laisse passer de la lumière et quelques grappes chétives et vertes à travers un treillis d'osier. Devant la même porte, point de mur pour limiter leur vue, la cour étant ouverte. Le lieu donne sur un terrain en jachère orienté au nord est. Point non plus de coucher de soleil à admirer directement mais il en demeure que tout est nimbé de sa luminosité.

C'est dessous le treillis, là où ils disposent de plus de place, qu'un caisson a été posé par la brune, deux autres jumeaux serviront de sièges.
Fraîcheur, confort et frugal souper, elle offre finalement à son hôte la même chose qu'elle se serait offerte s'il n'avait pas été là de la soirée.

Quand elle ôte la lourde marmite en fonte de la crémaillère, son front est orné d'une pellicule fine de sueur, clairsemé de quelques cheveux collés, échappés d'un chignon lâche qui pèse sur sa nuque., les joues diaphanes trahissant la noblesse de son sang sont à présent chauffées telles des toiles pointillistes en nuances de pourpre.

Elle avait certes entendu frapper, puis la voix familière du jeune homme était bel et bien parvenue à ses esgourdes. Cependant, ne pouvant s'extraire à la cuisson en cours elle dut se résoudre à le laisser patienter quelques courts instants.


Gerfaut.


La voix féminine enrouée légèrement retentit dans son dos.
Parfois un prénom énoncé n'est qu'un "bonsoir" en soi...mâtiné d'un "merci d'être venu".
Gerfaut
Il se retourne.

« Aurchide. »

Et fait un pas de côté, libérant ainsi le chemin de l’encadrement de porte où elle se présente à la table. Il a gardé les mains jointes dans son dos.

« Puis-je aider à quelque chose ? »
Aurchide
Voyez vous même, tout est prêt.

Dans ses mains, sans cérémonie, elle porte sur des tailloirs en bois deux larges tranchoirs de pain épais et frais, garnis généreusement de morceaux de navets et de plat-de-côte de boeuf, fondants à souhaits.
Les nappe outrageusement une sauce épaisse au fenouil des alpes. Trois ingrédients et quelques épices s'ébattent en orgie sur un lit en mie, imbibant bientôt le support comestible.

Elle le devance sans mot dire et dépose le tout sur la "table" avant de river ses yeux aux siens, visiblement détendue. Puis se remémore à cet instant précis qu'elle avait laissé là l'aspérule odorante qu'elle lui avait promis la veille.


Chose promise, chose due dit-elle en brandissant le végétal dont ils avaient longuement discutaillé. Spontanément, quelques pas sont esquissés dans sa direction pour le lui tendre.

La tige ornée de feuilles vertes, est dépouillée de fleurs. La jeune femme avait récolté il y'a quelques jours, toutes les dernières fleurs de ce coussin découvert.


Les fleurs se cueillent essentiellement en mai dans ces régions, mais vous y avez sur cette branche un aperçu de quelques graines C'est dit alors qu'il se saisit de la tige tendue. Néanmoins avant de prendre elle même place pour le repas, il lui restait un dernier détail à régler avant.

-Je ne nous ai pas pris de vin, si je me souviens bien vous n'en êtes pas amateur, mais si vous avez le goût de boire quelque chose pour accompagner le repas, n'hésitez pas.

Ses yeux d'un vert véronèse le scrutent avec une lueur de curiosité persistante. Au fur et à mesure de leurs rencontres, il a beau se révéler un peu, le jeune homme demeure pour elle un mystère.
Gerfaut
« Non, pas de vin. » , dit-il.

Étrangement, de la même façon qu’il aurait apprécié les effluves d’un verre de vin, il imprime à la tige un mouvement circulaire, à un empan de son visage, et clos à demi les yeux pour apprécier le parfum qui s’en dégage. Cela ne dure qu’un bref instant. Au suivant, son autre main demeurée jusqu’alors dans son dos se tend vers l’hôtesse. Dans la paume ouverte, il y a un petit objet pas plus long que deux phalanges pris par une simple ficelle dans une charpie de lin.


« A votre tour. »

Au premier toucher, c’est oblong, dur et lisse sous le tissu. Et celui-ci défait, se découvre une clef. Elle est plutôt épaisse en regard de sa petitesse, presque grossière. L’anneau est sans fioriture, la tige courte et le paneton simple en forme d’un S tassé.

« Peut-être un début de collection ? »
Aurchide
Le gras du pouce se met instantanément à tâter l'objet, les autres doigts impatients le dévoilent à même la paume. La clé se révèle et lui arrache de ces sourires qui lui font se creuser deux fossettes sur ses joues.

Point de collection. Je n'ai pas cet insatiable appétit d'acquisition qu'ont les collectionneurs.


Ses doigts enserrent solidement l'objet, le desserrent, puis le resserrent une dernière fois

Ce qui me dérange chez eux, c'est que souvent ils s'identifient de manière étroite et exclusive à l'objet de leur collection, mieux d'ailleurs qu'avec n'importe quel autre être humain qui vit avec eux...

Tout en y pensant elle l'invite d'un geste de la main à prendre place sur le caisson en bois, disposé sur son flanc. Elle même s'y exécute

Peut-être parce qu'un objet est prêt à supporter n’importe quel excès de passion...Il y'a dedans une sorte de valorisation narcissique qui me gêne Gerfaut.

Et les questionnements fusent, il fallait s'y attendre, sa curiosité embrasse bien des domaines au delà des humains croisés et de ses passions. La clé dans sa main est glissée précieusement dans son décolleté fourre-tout alors qu'elle partage ses pensées à voix à peine audible, ou plus précisément, une voix qui ne l'est que par lui.

Je crois que j'aurais plus de plaisir à les recevoir ces clefs, juste parce que j'aurais présenté la serrure adaptée.

ce disant, ses mains amènent les pans de sa robe d'un beige clair entre ses cuisses, puis laisse peser son auguste popotin sur le caisson, provoquant ainsi un léger grincement caractéristique. Tout mouvement est naturellement suspendu, ses réflexions et son souffle tout autant. Le temps d'éprouver la solidité du support de fortune et elle s'assoit enfin sereine laissant s'échapper sur un ton enjoué 'j'ai choisi les moins usés, vous pouvez y aller"
Gerfaut
Gerfaut s’incline et prend place à son tour. Pas de bruit inquiétant. Les deux mains appuyées sur leur table de fortune – il y aussi a posé son brin d’aspérule – , il donne deux ou trois coups de talons dans le caisson. Cela rend un son sourd, puis un craquement étouffé, mais rien qui ne prête à inquiétude. L’assise remplit son office.

L’homme lève les yeux sur son hôtesse.

« Garçon, je collectionnais les coquilles d’escargots, et je vous assure que je ne m'y identifiais absolument pas de manière étroite et exclusive. »

Léger sourire en disant cela.

« Ça n’a jamais été plus qu’un passe-temps. Je m'en étais constitué une série de teintes quasi identiques, mais dans toutes les tailles, de la plus petite à la plus grande ; et une boîte fourre-tout de coquilles toutes différentes dans leurs rayures, tâches, couleurs ; et des escargots de terre et d’eau… Bien sûr, j’ai aussi cherché l’escargot qui s’enroule dans un sens différent des autres, sans jamais le trouver. Et à l’époque, j’ignorais qu’il existe aussi des escargots de mer… »

Quelque part dans son discours, Gerfaut a baissé les yeux vers un point incertain sur la table, comme un chacun peut le faire lorsqu’il évoque pour soi-même quelque souvenir. La suite demeure pour lui, dans son regard vraiment posé nulle part et son sourire déjà passé. Il ajoute, après un court silence :

« … C’était un jeu d’enfant. »

Il rapproche finalement le petit caisson qui lui sert de tabouret au gros qui leur sert de table, pour poser ses mains l’une sur l’autre et les avant-bras en appui sur le caisson.

« Peu importe ce que nous pensons des collections, je n’étais pas sérieux en vous suggérant d’en commencer une. Et, ne prenez cette clef que pour ce qu’elle est, et rien de plus : une clef. En sa qualité, je vous recommande donc de ne pas la perdre. »
Aurchide
Elle l'écoute sans louper une miette de ses paroles, ni de la première bouchée d'ailleurs.

-Vous avez raison dans l'absolu bien que vous m'évoquez là, des collections d'enfance, bien innocentes. Le dos de la main vient écarter de son front une mèche brune après que les doigts aient déjà amené à bon port la première bouchée du repas. Elle poursuit sitôt sa bouchée avalée, fixant son tailloir d'un air pensif

Ce que j'avais en tête c'était davantage les collections-vitrines de quelques adultes nantis qui pourraient vous parler de leurs épées, leurs dagues, leurs boucliers, leurs poules en métal précieux pendant des heures avec une passion qui dépasse l'entendement. D'ailleurs avant de mériter le droit d'y toucher, souvent on vous sermonne, vous menace de vous tuer si jamais il arrivait malheur à l'objet pendant qu'il est entre vos doigts. Et dès qu'on vous le reprend, on le frotte, le bichonne, efface toute trace de vos doigts dessus avant de le ranger précautionneusement..comme s'il avait une âme.


Des gens de cette trempe, elle n'en avait croisé que deux en réalité : Un seigneur limousin pour qui elle avait travaillé comme maître-queux lors d'un baptême. Et une jeune femme, de la haute-bourgeoisie, obsédée par les cailloux polis et peints, qui se ruinait littéralement afin d'en posséder toujours plus, frénétiquement.

Elle interrompt le flux de souvenirs lointains et fixe son vis-à-vis en mastiquant. Le ton a regagné une pointe d'enjouement


-Il y'a des gens que je peine à imaginer enfants, ne me demandez pas pourquoi.
Vous en faîtes partie.


Un léger sourire vient ponctuer sa transition sans tête ni queue. Sa main replonge dans le plat en silence cette fois tandis qu'elle l'écoute parler de la clé. Ce n'est que quelques instants après, deux bouchées mastiquées et avalées plus précisément, qu'elle se décide à rebondir sur ses mots

- Bigre..rabat-joie va. Sachez que je suis presque incapable de la considérer "que" comme une simple clé. Peu importe qui me l'aurait offerte, ou si je l'aurais trouvée sur mon chemin. Une clé, quelle qu'elle soit, nourrit mon imagination déjà suffisamment féconde.

à mi-chemin, entre le palais et la tailloir, un morceau de navet dégringole depuis ses doigts jusqu'au support, elle le pince d'un geste vif entre le pouce et l'index et le savoure seul, s'en délecte d'un air absent, songeur à l'évidence..la voix soudain lointaine débite lentement ce qui passe par sa tête sans y réfléchir plus avant.

-Entre celles qui n'ouvrent rien, celles qui passent partout, celles qui ripent, et celles qui se tordent, celles qui cassent dans leur serrure..il y'a celles qu'on trimbale depuis des lustres qu'on oublie ce qu'elles ouvrent..Il y'a celles qui ferment plus qu'elles n'ouvrent, et d'autres qui ouvrent plus qu'elles ne ferment. Gardiennes de secrets, d'intimités, de placards à cadavres...

Elle interrompt ses divagations, affamée, et mord à pleines dents dans une tranche de pain garni.

Mais soit, celle-ci ne sera qu'une simple clé, orpheline de sa serrure. La première du genre que je possède.

Se réajuste sur son assise de fortune, le dos bien droit, sa faim d'ores et déjà trompée. La suite, ne sera que pure gourmandise.
Gerfaut
« Mmh. Orpheline de sa serrure. »

L’invité a attendu que son hôtesse ouvre les festivités pour profiter de sa part de repas. Il a mangé de bon appétit mais sans précipitation, ni perdre une miette de pain ou une goutte de sauce. Et puis, il a écouté. Son visage attentif s’est coloré parfois diffusément d’une teinte d’amusement, par un pli lui rehaussant la commissure des lèvres, ou de ses yeux discrètement rieurs. Mais aucun sourire franc n’a percé. Il a donc écouté, et il a regardé aussi ; encore que savoir quoi exactement est devenu de pus en plus malaisé à discerner dans la pénombre tombante.

Il reprend une bouchée avant de poursuivre son commentaire.


« Je pensais que vous auriez deviné. Une clef, rien de plus ; mais rien de moins non plus. Pourquoi vous ai-je recommandé de ne pas la perdre. Voilà encore de quoi nourrir votre imagination. Et dans le domaine de la nourriture, mais d’une autre sorte, vous avez tenu parole. C’est frugal. Et c’est bon. Cette sauce… »

Il garde devant lui une dernière pièce de pain spongieux, que le défaut de lumière fait apparaître presque grise dans un environnement non moins gris.

« Vous l’avez probablement déjà constaté. Moins l’on voit le contenu de son assiette, plus on en apprécie les saveurs. Ainsi, la perte de lumière compense la satiété montante. Vous avez bien choisi votre heure. »
Aurchide
Finalement la gourmandise semble capricieuse devant le reste du plat. Elle l'écoute, bénissant la semi-pénombre qui permet de cacher ses lèvres huileuses, une petite tâche brune sur le col et cette lueur de soulagement mêlé de fierté, qui vient illuminer ses orbes. Manifestement ravie qu'il aie apprécié le repas.

-Le fenouil des alpes frais et parfumé, anisé, et le navet fade...s'épousent en synergie des arômes pour livrer quelque chose de délicat...presque raffiné, surtout quand le suc d'une bonne viande fait lien.

Quand il évoque la clé, ce qu'il avance rassasie sa petite perplexité aussi furtive que passagère. Au fond, elle n'avait jamais douté qu'une clé venant de lui, à la lumière de leur discussion en taverne, n'était pas qu'une simple clé. Qu'il l'aie voulu ou pas.


-Vrai que les sens sont exacerbés par cette pénombre ambiante. Ils permettent aussi d'édulcorer le décor...j'avoue que j'aurais pu choisir plus poète : un rocher au milieu d'une plaine venteuse, une chaise sombre près d'une lucarne, un pique nique du sable fin qui ne gratte pas la peau.

Ses doigts se frottent avec véhémence contre un chiffon posé là pour leur épargner de chercher un point d'eau, mais la bouche elle, imprime un sourire discret

-Reste que le cageot possède un lyrisme qui lui est propre avec ses lattes édentées et moisies. Vous ne trouvez pas?

Le geste rejoint la parole et elle se prépare donc à se lever. Mais écarte brusquement ses plantes de pieds quand le cageot menace bruyamment de flancher une seconde fois. Les bras en syncope vers la table de fortune, elle refoule de justesse la presse de jurons qui voulait franchir son auguste labialité. Et se redresse enfin en réajustant sa robe, histoire de se donner un peu de contenance.

-Dire que je venais de chanter ses louanges. Le murmure est porté par une voix badine presque riante. La jeune femme, retrouve promptement son sérieux, debout devant lui, même s'il ne distinguerait que sa silhouette élancée et peu de son visage.

-Voudriez vous un peu de lumière Gerfaut?


Puis ses propres mots résonnent en elle, viennent ricocher contre les parois de sa caboche.. elle s'entend ajouter aussitôt, en guise de complément

-Bien que vous n'en manquez pas.


Certes ça sonne tel un compliment à deux sous. En réalité, ce n'en est point un. Comment lui expliquer sa théorie d'êtres lumineux, et d'êtres fragrants, etc..du moins dans sa perception à elle, dans son monde qui lui est propre. Son propre ressenti se cristallise en des termes parfois usités mais porteurs de sens plus complexe qu'on ne le croirait.
Elle s'y soustrait adroitement-du moins le croit- en prenant le chemin des cuisines.


-Je nous amène une boisson, et un fruit.


Dans un bruissement d'étoffe, elle disparaît aussitôt dans la bâtisse adjacente et en ressort, la dextre chargée de deux prunes violettes couvertes de pruine. La senestre est porteuse d' une infusion au tilleul qu'elle dépose, ainsi qu'un fruit, sur le cageot. Se redresse de tout son long, prête à croquer dans sa prune à elle


- Je rêve de voyager dans le désert d'Alexandrie par la route comme l'ont fait Sarah et Gloop.

Parfois partager le sel, amène à partager un rêve, sans qu'on y prenne garde.
Gerfaut
« Mes yeux se sont accoutumés à l’obscurité. » commente-t-il simplement à sa proposition de lumière.

Mais l’a-t-elle entendu ? Elle s’est si vite éclipsée en cuisines. Alors, tandis qu’elle cherche la boisson et les fruits promis, Gerfaut intervertit les deux caissons d’assise. Il ne se rassoit pas sur celui d’Aurchide devenu sien, mais reste debout de trois quart face à l’entrée, où elle réapparaît bientôt avec une infusion et des prunes. Il l’observe dans sa façon de se pencher pour poser les choses sur leur table de fortune, puis de se déployer avec son fruit en main.

Tandis qu’elle y croque, il lui sert le tilleul tout en l’écoutant évoquer désert et ville lointaine.

« Si vous en rêvez, vous devriez l'accomplir, ce voyage. »

Le mot est ponctué d’une tasse poussée vers sa place. Puis, il se sert à son tour. Un sourire fin fleurit alors sur ses lèvres qui s’étirent, probablement invisible dans la pénombre qui s’est installée. Encore plus lorsqu’il incline le visage pour porter les effluves de l’infusion à sa respiration.

« Du tilleul… », murmure-t-il.

Il repose sa tasse et à défaut de s’assoir, il s’adosse au mur couvert de vigne un pas derrière lui.


« Aurchide. Vous disiez avoir besoin de distraction. Alors, certes sans bien vous connaître, je crois tout de même que ce voyage serait une bonne chose pour vous. »
Aurchide
Elle l'avait entendu, soulagée certainement de ne pas avoir à inviter une nuée d'insectes à leur repas. Faut dire que depuis son enfance, sa peau a été le terrain convoité des bourdonnants à dard, en mal de quintaine.

Pour l'heure, ne se doutant de rien quant à l'interversion des cageots, elle évite de s'asseoir pour s'épargner une chute, et demeure debout à croquer son fruit juteux, méditant par la même sur ses mots. Se contente d'abord de l'observer sans gêne, la pénombre aidant à ne point inhiber ses œillades. Finit par jeter le noyau du fruit par dessus la bâtisse assez basse, d'un geste leste. Puis quand elle entend le projectile percuter un obstacle solide dans un bruit étouffé, revient vers lui inexorablement.


-Je rêve de ce voyage depuis belle lurette maintenant. En réalité un ami a essayé de m'y entraîner, puis il est décédé avant que je ne daigne accorder de l'importance à l'idée. Depuis elle a fait son chemin.

Un silence lourd s'installe durant lequel elle se penche prendre la tasse qu'il lui a galamment servi

-J'ai beau chérir des moments de solitude, je n'en demeure pas moins incapable de parcourir ces étendues de désert seule. Je le ferai quand je croiserai la route de personnes qui partagent le même rêve et avec qui j'ai un minimum d'affinités.

Gloop et Sarah ayant insisté sur le choix de la compagnie avec qui partager ce long trajet, elle ne peut désormais plus envisager partir sur un coup de tête. Une lampée du liquide tiède et parfumé vient clore le repas divinement.


-Que dis je? beaucoup d'affinités pour apprécier ce voyage au bout de soi. être livré à soi-même, faire face à ses vulnérabilités, ses failles, déshabiller son âme. Non je ne peux pas partager ça avec le premier venu.

Cependant elle tique quelque peu quand il évoque une quête de distraction, entrouvre les lèvres pour lui répondre, mais c'est une question qui les franchit

-Hum..je suis curieuse.. comment me suis-je débrouillée pour vous faire comprendre que j'avais besoin de distraction?


Consciente que parfois il lui arrive de partager un état d'âme à vif, si passager soit-il, elle doute cependant légèrement qu'il n'y aie eu qu'un simple quiproquo.


C'est qu'elle se cache littéralement à Bourges pour fuir une vie qui fut certainement trépidante-trop?- à assurer quelques projets de baptêmes, de mariages, etc.

Jamais elle n'avait apprécié autant de peaufiner de longues heures durant ses recettes, à l'ombre d'un arbre ou d'une taverne. Jamais elle n'avait accordé à la cueillette autant d'heures sous le soleil. Ce qui auparavant lui semblait une perte de temps, tous ces plaisirs simples d'une vie au jour le jour, elle les savoure précieusement.

Probablement parce qu'elle est sans ignorer que ses devoirs, sa famille, ses anciens amis, ses engagements récents qui datent d' il y'a quelques semaines, ainsi que ceux plus anciens.. allaient finir par la rattraper.
Gerfaut
« En le disant tout simplement. Ne vous souvenez-vous pas ? »

Sa main se tend vers la prune à portée d’allonge, et tout en parlant, il entreprend de le tourner délicatement dans ses paumes.

« Lorsque j’ai hésité sur le seuil du Céphalophore cet après-midi, vous m’avez invité à entrer en soulignant que ma présence vous offrirait une distraction bienvenue. Pour cette raison également, je me suis prêté au jeu de deviner les trois ingrédients de votre infusion : fraise, aubépine et reine des bois. Et puis, au moment où j’allais partir… »

Il repose le petit fruit sans s’interrompre à l’endroit même où il l’a pris, mais dans le geste, c’est vers elle qu’il regarde.

« … vous avez évoqué votre frère et spontanément, je n’ai rien trouvé de mieux que m’inviter à votre souper de ce soir. »

Il marque un court silence. Qui saurait dire où se portent ses yeux dans la nuit qui s'installe. Toujours est-il qu'il fait toujours face à Aurchide.

« Je ne suis toujours pas certain que c’était la réponse la plus intelligente à la situation. Mais j’espère que vous appréciez autant que moi le moment. Et je vous remercie d’avoir pensé au tilleul. »
Aurchide
La pupille en interrogation muette s'illumine, et les sourcils pensifs se remettent en place

Je m'en souviens à présent.

Pourtant elle n'a pas eu le temps d' oublier, mais ses mots furent à portée limitée dans le temps.

Je cherchais en effet une distraction pour le jour même, histoire d'oublier le contenu amer de cette lettre"

Le sujet de cette lettre est survolé jusqu'à présent, l'heure est aux plaisirs simples, l'heure est à partager un repas avec un quasi-inconnu, savourer une présence qui a son sel, grappiller un instant d'insouciance loin des tourments de la vie.

Tympans à l'affut, elle ouït plus qu'elle ne mire, et c'est les carmines fendues d'un sourire, et la voix suave, enthousiaste, qu'elle lui répond

-N'en doutez pas, c'est une réponse aussi surprenante que plaisante. Je suis persuadée que les aliments s'enrichissent d'une nouvelle saveur quand ils sont partagés. Et j'ai perdu l'habitude de partager mes repas.

Un grincement de porte qui s'ouvre et elle aperçoit la gérante des lieux débouler avec son tablier sombre. Du moins ne lui accorde une identité que quand elle l'écoute

-Désolée de vous interrompre ma petite dame, mais le temps est dépassé, à moins que vous voulez rallonger les écus hein


La réponse de la brune, du tac au tac, ne tarde pas

-Et non, navrée pour vous, vous n'aurez que dalle ma bonne dame, je n'ai pas d'écus sur moi


Demi mensonge et baliverne, elle n'a juste pas le désir de les lui donner le peu qu'elle a sur elle, un brin rancunière à cause de cette brutale interruption des programmes. Puis un peu trop fière sur les bords faut dire.

Dès que la tenancière de l'auberge leur tourne le dos, elle s'approche de Gerfaut entamant la distance qui les sépare, dépitée, mais sa bonne humeur pas entamée et suant à travers le timbre de sa voix

-Je crois qu'on nous met dehors et signe par là la fin d'un plaisir. Merci d'avoir accepté mon invitation.

De cette distance elle aperçoit mieux ses yeux, son visage, arrime ses prunelles dans les tourbeuses en même temps qu'elle débite ces mots.
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