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[RP]La Petite Boutique des Horreurs* -1 ere partie-

Merance
Et même si on a grandi
on s'est promis de rester des sales gosses
Et même si on a grandi
on porte en nous nos fractures et nos bosses.


Claudio Capeo - Enfants Sauvages -








    A plusieurs reprises, les membres du clan avaient, chacun à leur manière, affirmé à la sorcière qu'elle devrait ramener son petit talent aux miracles. Et si au début, elle avait tout bonnement refusé car le faubourg Saint Marcel était le "fief" du père Eusèbe, là où elle et Guylhem avaient tout appris, là où elle était devenue ce qu'elle était aujourd'hui, il fallait bien avouer que de savoir le clan non loin de là la rassurait même si elle était partie faute d'avoir trouvé sa place. Depuis quelques temps, des rumeurs de sévices provenant de l'inquisition la rendaient nerveuse, lui offrant des suées nocturnes qui l'empêchaient vraiment de dormir. Déjà que son sommeil foutait le camp à la moindre occasion, ce n'était pas pour facilité les choses… vraiment.

    Donc à son retour à Paris après un petit périple d'été, Mérance avait fait le nécessaire afin de trouver un petit pied-à-terre différent de la maison d'Eusèbe. Et elle laisserait la baraque à Guylhem. Après tout il le méritait bien le gamin… enfin gamin… tout était relatif maintenant. Déjà il était plus grand que la sorcière, même s'il était plus jeune qu'elle et surtout, il n'avait plus vraiment le corps d'un enfant. A plusieurs reprises Mérance avait vu le "petit" blond torse nu dans la cour de leur refuge et elle avait admiré les lignes qui se dessinaient doucement. En prenait-il conscience de ce changement et du regard des donzelles sur lui se demandait-elle lorsque ces céladons se posaient sur son visage au sourire d'une douceur infinie.

    Il ne le savait pas parce que la sorcière n'avait jamais évoqué le sujet avec lui mais il avait été une partie de la fameuse équation qui avait fait qu'elle était encore vivante à ce jour. Elle avait, ancré dans sa mémoire, le regard brillant et doux qui se posait sur elle lorsqu'elle s'éveillait après chaque crise, chaque coup, chaque chute que le père Eusèbe tentait de réparer. Combien y en avait-il eu ? Même elle, elle ne s'en rappelait plus vraiment… à chaque retour de Lothaire, à chaque fois qu'il estimait qu'elle avait besoin d'être dressée, à chaque fois qu'elle devait faire son devoir conjugal, à chaque fois qu'elle osait dire non… Eusèbe, Guylhem, la Morrighan, Mérance… et de ce quatuor, il ne restait plus que les deux petits… la petite nichée de meurtriers en herbe car il ne fallait pas se leurrer, si tous les deux avaient appris à sauver des vies grâce aux remèdes qu'on leur avait enseigné, ils étaient quand même beaucoup plus efficace dans la mort. Et Mérance avait pris le parti d'effacer toute émotion quand il s'agissait de tuer. Elle ne regardait jamais en arrière et donnait offrande aux Dieux afin de toujours garder la sagesse qu'ils lui offraient. Pour Guylhem… Guylhem était foncièrement bon et sans doute que si la sorcière le gardait à ses côtés c'était surtout pour ne pas sombrer complètement dans le néant. Il était sa planche de salut… Pauvre Guylhem… devoir être là en permanence afin qu'elle vive… un jour elle le délivrerait de ce serment, elle s'en était faite la promesse… un jour elle lui rendrait sa liberté…

    Mais en attendant, Mérance avait donc décidé de laisser la demeure à Guylhem et s'était trouvé un petit local dans une vieille baraque à moitié abandonnée. Ce n'était pas comme si il y avait besoin d'acheter les murs et le fond, la bâtisse semblait à l'abandon et elle avait eu beau se renseigner, on lui avait répondu à chaque fois que la "vieille" à qui ça appartenait n'était plus aussi, selon le principe de tout ce qui est à toi m'appartient Mérance avait donc décidé de s'y installer.
    Pas trop loin des Azzurro qui veillerait d'un œil, on ne savait jamais qui pouvait vous tomber sur le dos aux miracles et de tristes trahisons avaient eu lieu dernièrement, marquant l'esprit de la sorcière aussi, se méfiait-elle de toutes et de tous, Mérance avait donc donné rendez-vous à Guylhem aux premières lueurs du jour. Elle voulait qu'il voit avec elle la levée du soleil comme lorsqu'ils étaient plus jeunes et que le gamin de l'époque l'aidait à sortir prendre l'air en lui disant que lorsque le soleil réchauffait le visage au petit matin c'était comme naitre à nouveau. Et à chaque fois, c'était devenu leur rituel à eux. Donc la veille, elle avait griffonné quelques mots sur un papier.




    Pas besoin de grand discours, lui saurait. Et le gamin des miracles à qui elle avait donné le billet serait en charge d'expliquer à son blondinet où la retrouver. Et maintenant, tandis que la nuit était encore à répandre son manteau sur Paris, Mérance avait trouvé refuge face à la bâtisse lugubre dont le rez-de-chaussée serait parfait pour y recevoir son échoppe aux mystères. Et ce fut là, sur un mur à moitié démoli qu'elle se posa, enveloppée dans une longue cape, capuche remontée sur sa tignasse rousse.




*La Petite Boutique des horreurs (Little Shop of Horrors) est un film musical américain réalisé par Frank Oz, sorti en 1986, adapté de la comédie musicale de Broadway Little Shop of Horrors.

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Guylhem


    Etendu sur sa paillasse, une main derrière la tête, l’autre sur son torse nu serrant délicatement le billet entre ses mains, Guylhem scrutait le plafond de la baraque. Le sommeil le fuyait, une fois de plus, comme toute ces nuits depuis que Merance partait en vadrouille.
    Elle ne lui avait pas dit où elle allait ni ce qu’elle faisait, et il n’avait pas posé de question. Entre eux c’était ainsi, pas de question, ainsi pas de réponse, et donc pas de mensonge. La confiance suffisait.
    Mais… Même si la confiance suffisait, il ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter chaque fois qu’elle n’était plus dans son champ de vision.

    Le petit garçon maladroit qu’il était, avait bien grandi, mais il n’avait pas oublié, la première fois qu’il l’avait vu, quand elle était arrivée dans cette même maison, une nuit. Semblable à une fée aux ailes brisées, une poupée de chiffon passée entre les dents d’un chien enragé. Dès lors… Il s’était juré de toujours faire ce qu’il pourrait pour la protéger.
    Alors même si à 9 ans il avait été encore trop petit pour balancer des marrons dans les bourses de ceux qui s’en prenait à elle. Même s’il l’avait regardé impuissant revenir chez son Maitre quand elle se prenait une raclée, il s’en était donné à cœur joie, dehors, frappant et massacrant tous les p’tits merdeux de son âge qui avait osé se moquer d’elle.
    Et puis en grandissant… C’est un œil attentif et attentionné qu’il avait porté sur elle. Ses petits poings s’étaient aguerris, renforcés aussi, et les coups qu’il avait portés alors parvenaient à faire taire les railleurs et pervers qui s’approchaient trop près de Merance.
    Mais ça…. Elle ne le savait pas, et il se garderait bien de lui dire !

    Faut dire que…
    Malgré ses 70 pouces de haut, sa légère barbe qui commençait à recouvrir son menton et ses muscles saillant, elle le prenait encore bien souvent pour le petit garçon qu’il avait été.
    Petit blondinet, maladroit, ignare, un poil faignant sur les bords, le parfait apprenti qui préférait passer son temps à espionner les filles qu’à travailler.
    Mais voilà ! Le p’tit garçon avait grandi.
    Plus du tout un enfant… Mais pas tout à fait un homme dans le vrai sens du terme.
    Mais Mérance ne semblait pas le voir, du moins… quand cela l’arrangeait ! Parce que pour le laisser gérer les affaires seules ou l’accompagner dans ses drôles de besognes là… elle avait besoin d’un homme ! Mais quand il s’agissait de lessiver la baraque, là par contre…
    Parfois il mourrait d’envie de lui crier de se débrouiller, qu’il n’était pas son esclave, et tout un tas de choses qu’il ne valait mieux pas répéter, mais chaque fois, il croisait son regard et fondait littéralement, obéissant au doigt et à l’œil ou filant la queue entre les pattes.

    Il ne pouvait l’expliquer.
    Merance c’était…
    Sa sœur.
      Sa mère.
        Son amie.
          Sa moitié.
            Son mentor.
              Sa consœur.
                Son idole.
                  Une partie de son esprit aussi.

    Merance c’était tout et puis c’est tout !

    Donc forcément, quand elle disparaissait régulièrement des jours et des nuits entières, il ne parvenait pas à être tranquille et a trouver le sommeil. Et encore plus depuis les échos qu’il avait eut dernièrement au sujet de l’inquisition.
    Ceux là…. Il n’avait jamais pu les blairer !
    Comme les grands pontifes grassouillets dans leur église d’ailleurs !

    Cette dernière réflexion arracha un sourire au garçon. Si le Père Eusèbe l’entendait… C’est une taloche de plus qu’il prendrait !

    Dehors la nuit enveloppait encore de son épais manteau sombre les rues de la ville, le jour était loin de se lever, mais Guylhem n’y tenait plus.
    Des jours qu’il n’avait pas vu Merance, et ce billet…

    Guylhem se leva brusquement, écrasant la queue du chat qui dormait paisiblement sur le plancher. Le matou réveillé en sursaut siffla et miaula son mécontentement tandis que le jeune garçon se mit a pester comme un beau diable après la boule de poil.


    -Bordel de merde ! Mais qu’est ce tu fou là sale bête ! T’peux pas roupiller ailleurs !

    Il donna un coup pied, pensant atteindre le derrière du matou mais dans l’obscurité de la pièce, ce n’est pas un coussin poilu et dodu que son pied rencontra mais une poutre en bois massive soutenant le lit.

    -Oh P’tain d’bordel ! Mais c’est pas vrai ! Hurla-t-il en sautillant sur un pied.

    Le chat siffla encore une fois avant de disparaître en miaulant.


    -C’est ça ! Dégage sinon j’te bouffe au déjeuner !

    Guylhem maugréa encore quelques joyeusetés avant d’enfiler une chemise et se passer un peu d'eau sur le visage.
    L’heure était venue.

    Une chance qu’il connaissait Paris comme sa poche. Ou presque ! Toujours est-il que les explications du messager de la veille n’avait pas été très clair mais elle lui avait permis au moins de trouver, après quelque tour et détour le lieu de rendez vous, bien avant que le jour ne pointe son nez.

    Il bifurqua au coin d’une rue, avant de s’arrêter, étirant ses lèvres en un sourire soulagé. Là, sur un monticule de pierre de ce qui devait être un mur dans une vie passé, se tenait une masse sombre discrète qui aurait pu passé inaperçu si le vent ne faisait bouger quelque mèche de cheveux.


    -Tu es prête à naître à nouveau Aingeal ? murmura-t-il en s’approchant d’elle aussi silencieusement qu’un loup sortant des bois.
Merance
    Mérance fermait les yeux attendant dans le silence de la nuit Guylhem mais le silence n'était qu'illusoire. Chaque craquement de brindille, chaque crissement de chausse, chaque souffle exhalé lui parvenait décuplé et tant bien que mal, la sorcière essayait de situer chacun dans cet espace qui était le sien quand soudain… quelques mots prononcés, la voix grave de son cher blondinet, ce surnom que seul lui prononçait et Mérance était déjà sur ses deux pieds après avoir donné un coup de reins pour sauter du muret.

    Figée un instant, elle l'observa au travers de ses longs cils recourbés, ses paupières encore plissées afin de bien se focaliser sur ce voyageur du temps puis elle finit par se précipiter dans ses bras. Et le pauvre Guylhem la reçut de plein fouet contre sa poitrine, Mérance s'agrippant à lui comme si sa vie en dépendait. Les deux bras menus de la sorcière s'étaient automatiquement attachés autour de la taille du jeune homme tandis que son visage venait s'enfouir dans le creux de ses bras. Si un homme avait le mérite de l'approcher aussi facilement c'était bien lui, Guylhem, farfadet de son état, apprenti apothicaire, apprenti médicastre, apprenti sorcier aussi. Il était un tout depuis sa plus tendre enfance, depuis sans doute que le père Eusèbe l'avait recueilli. Ce vieil homme aimait à trouver des chiens sans collier et de les apprivoiser… Mérance en faisait partie tout comme Guylhem et ces deux là, seuls rescapés du passé torturé et monstrueusement meurtrier avaient besoin l'un de l'autre pour vivre jusqu'à en mourir…

    La respiration de la sorcière se faisait plus profonde, elle humait l'odeur particulière de son ami de toujours, les yeux toujours clos. Si dans la nuit elle se réveillait dans un cauchemar terrible, elle n'avait qu'à prendre un foulard qu'elle lui avait volé il y avait de ça fort longtemps afin de retrouver un apaisement, une tranquillité d'esprit et de cœur… cette agréable odeur de cannelle qui lui allait si bien et qui lui rappelait les biscuits qu'il volait pour tous les deux lorsque plus jeunes, le blondinet voulait faire plaisir à Mérance en lui apportant une douceur… c'était tellement lui et la jeune fille s'enivrait de ce doux parfum à croquer. Finalement elle resserra ses bras lorsque son cœur arrêta de battre à un rythme effréné puis elle leva les yeux afin de rencontrer cette paire qui l'observait à leur tour.


    - Toujours lorsque tu es à mes côtés Aes sidhe… sans toi aucune naissance n'est possible, le soleil se perd à l'horizon mais ne trouve jamais la lune…

    Et d'emblée, Mérance prit la main de Guylhem pour l'attirer jusqu'à elle, le forçant à la suivre jusqu'au muret afin de prendre place obligeant son ami à faire de même. Le regard fixé droit devant elle sur la vieille baraque, elle se tint ainsi en silence quelques temps avant de passer la main devant eux comme si elle ouvrait un manteau céleste devant leurs yeux.

    - Regarde devant toi Aes sidhe… dans quelques temps tout sera à nous… Elle est belle hein ?

    Bon dis comme ça, elle doutait que Guylhem comprenne de quoi elle voulait parler aussi se mit-elle à rire avec candeur, l'enfant caché au fond d'elle revenant au galop. Son regard se mit à briller de mille feux allumant le vert de ses pupilles d'une intensité rare. La sorcière prit une profonde inspiration avant de sauter au bas du muret et de faire signe à son compagnon de la suivre.

    - Allez viens, tu vas comprendre !

    Et de son petit pas trottinant, Mérance sautilla jusqu'à l'entrée de la vieille baraque dont elle poussa la porte qui grinça sous l'effort. Le chant lugubre l'enchanta alors qu'elle pénétrait dans cette antre qui serait bientôt la leur puis tourbillonnant sur elle-même, elle se mit à exécuter une révérence comme on le lui avait appris autrefois afin qu'elle soit présentable en toute circonstance… Se redressant, elle rit aux éclats avant de frapper dans ses mains pour attirer l'attention de son compagnon.

    - Alors tu vois, là il y a aura un comptoir où les clients pourront venir nous demander conseil et là encore des étagères, pleins d'étagères. Il te faudra trouver Thomas le charpentier et lui demander s'il veut bien exécuter les travaux. Et puis là, je voudrais que tu ravives un peu les pierres de cette foutue cheminée et qu'elle soit nettoyée. J'ai l'intention de m'en servir…

    La voix de Mérance chantait comme autrefois avec ce petite accent provençal qui l'avait quitté depuis fort longtemps. Elle avait lâché prise sur ce passé et ne voyait que son avenir… cela faisait tellement d'années que ça ne lui était pas arrivé… Mais déjà elle fuyait vers l'arrière de la salle, poussa avec violence une vieille porte à moitié défoncée qui ne tenait là que par l'opération du saint esprit puis s'accroupissant, elle passa dans la seconde salle dans laquelle elle se stoppa, ferma les yeux attendant Guylhem. Quand elle fut certaine qu'il était à ses côtés elle lia ses doigts aux siens en murmurant.

    - Tu vois c'est ici le cœur… il va battre et nous serons ses instruments… tu te rappelles de la promesse que l'on a fait à Moïra le soir où l'inquisition est venue la chercher… tu te rappelles Guylhem…

    Le menton de la sorcière tremblait légèrement et sa voix s'était brisée sur les écueils des souvenirs. Sa mémoire rejouait devant elle cette nuit tragique où la mort était venue prendre celle qui l'avait fait renaitre à la vie et ses yeux embués de larmes ne parvenaient pas à effacer ces tragiques instants.

    - La mort est mon cadeau mes enfants leur avait-elle murmuré avant des les embrasser et de les obliger à fuir par la porte arrière de la maisonnée.

    Tous les deux s'étaient réfugiés sur les toits de Paris pour assister, hors d'atteinte à la tragédie… plus tard il y eut le bûcher sur lequel on avait laissé mourir cette irlandaise que personne ne semblait vouloir connaitre tandis que le Père Eusèbe avait été flagellé en place publique avant de refuser de vivre sans la Morrighan.

    Tournant son visage vers Guylhem, Mérance posa sa tête contre son épaule. Il fallait que tout cela ait un sens, il fallait que la sorcière vive et accomplisse son destin, il fallait que les enfants du chaos puisent leur force l'un dans l'autre pour faire naître cette destinée à jamais révélée… ainsi ensemble, ils offriraient la mort et la désolation à qui le voulait !


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Guylhem


    Il n’avait pas eu besoin d’en dire plus pour qu’elle comprenne qu’il était là. Un seul mot et il n’eut que le temps d’ouvrir les bras avant de la recevoir tout contre lui, comme un homme reçoit sa fiancée, comme un père reçoit sa fille, ou tout simplement comme un frère reçoit sa sœur quand il veut la protéger et la consoler.
    C’était ainsi entre eux, quand le poids du monde commençait à peser sur leur épaules il leur suffisait d’ouvrir leur bras et de se blottir l’un contre l’autre, pour renaitre à nouveau.

    Oh ! Bien sur ! Quand il était petit, c’était Merance qui le serait comme un sac de jute manquant parfois de l’étouffer, mais jamais il n’avait cherché à échapper à cet étreinte qui lui rappelait tant cet amour qu’il n’avait pas connu qu’une mère, une sœur, une tante peut vous porter et cette douce chaleur qu’elles vous transmettent alors. Quand il était petit… C’était lui qui passait ses petits bras autour de sa taille et enfouissait sa tête ronde dans le creux de son épaule, s’enivrant de son odeur…
    Mais ça, c’était quand il était petit !

    Aujourd’hui le petit garçon était devenu un homme et dépassait la jeune femme d’une bonne tête si ce n’est plus. Aujourd’hui, c’est lui qui la serrait contre elle, délicatement, craignant toujours de la briser comme une vulgaire brindille. Guylhem la connaissait bien, mieux que n’importe qui au monde même, et il savait, que sous l’épaisse écorce que Merance montrait au monde se cachait une frêle brindille, prête à se briser au premier coup de vent.
    « A deux, on est plus fort mon garçon, veille sur elle, et vous affronterez ce monde avec la force d’une meute.» lui avait un jour susurré le Père Eusèbe, lui faisant comprendre qu’il ne serait pas toujours là pour veiller sur eux et les protéger. Peut-être avait-il sentit son heure arrivé ?
    Guylhem ne le saurait jamais, mais il gardait gravé au plus profond de son âme

    Sentant les bras de la jeune femme se resserrer autour de son torse, Guylhem ne put s’empêcher de refermer les siens autour de ses frêles épaules, la serrant doucement tout contre lui avant de poser ses lèvres sur le haut de son crane, et plonger au passage son nez dans sa chevelure flamboyante.

      Elle était là…

    Et instinctivement, sa main caressa doucement les cheveux de la jeune femme, tendrement, pour l’apaiser d’abord, et se rassurer également.
      Elle était là…

    Il pouvait sentir son odeur, chaque battement de son cœur, la douceur de sa peau. Elle était là en un seul morceau, au moins… physiquement.

    Elle leva les yeux sur lui, et Guylhem plongea son regard dans le siens, esquissant un sourire faisant ressortir deux petite fossette sur ses joues, derniers vestige de l’enfant qu’il avait été.


    -Alors allons renaitre mo Aingeal.

    Et comme si c’était là le début d’un signal, Merance lui attrapa la main et l’entraina vers ce qu’il restait du muret et pris place tout contre elle, attendant enfin LEUR spectacle.
    Le Lever du jour, cela n’avait sans doute aucune signification pour le commun des mortels, mais pour eux, les enfants de la nuit, les êtres de l’ombre, cela voulait dire tout autre. Et en particulier… Qu’ils étaient encore en vie.

    Guylhem n’entendit pas les premiers mots de la jeune femme, les yeux rivé vers le ciel encore sombre, mais les derniers mots vinrent percuter son esprit : « Elle est belle hein ? »
      Gné ?

    Il chercha des yeux le soleil devant lui, mais ne vit que l’ombre de l’aurore pointant à l’horizon. Ce ne pouvait pas être ça.
    Il tourna la tête alors derrière lui, pensant qu’elle parler de la lune mais… D’une il n’y avait pas de lune et de deux… Bah c’était derrière et pas devant.
    Mais de quoi parlait-elle ?
    Le grand gamin ferma alors un œil et regarda sa compagne avec une grimace dubitative. Celle là même qu’il lançait quand elle et Moiira se mettaient à lui raconter des histoires dont il n’arrivait jamais à connaitre le vrai du faux.
    Mais avant qu’il n’est eu le temps de lui demander des explications, voila que la sorcière sautait déjà au bas de leur perchoir, l’incitant a le suivre.
    Mais quel mouche l’avait piqué !


    -M’enfin Merance…. Marmona-t-il suivant de près la jeune femme. Hors de question pour lui de la perdre de vue, surtout dans l’état où elle était ! Manquerait plus qu’ils tombent sur l’inquisition et qu’on la prenne pour une folle !
    Quoique…. Peu probable vu l’heure. Mais quand même !

    Il s’arrêta de justesse derrière elle, manquant de la bousculer, et pendant qu’elle poussait la porte, Guylhem leva le nez, juste assez pour jeter un œil sur la bicoque.
    Le toit n’était pas en très bon état et devait à coup sur laisser passer quelque fuite quand venait la pluie. Les murs semblaient solide, c’était déjà ça, par contre les fenêtres laissaient à désirer…
    Qu’est ce que ça devait être à l’intérieur…

    Il ne tarda pas à le savoir, a peine son inspection faite que Merance l’incita a entrer. Si l’endroit paraissait délabré, presque lugubre, sa compagne, elle… Rayonnait !
    Il l’avait rarement vu comme ca. Très rarement même. Elle ne parlait pas… Elle chantait ! Son petit accent qu’il avait put entendre de temps à autre ressortait plus que d’ordinaire, comme si… Comme une renaissance. Dans cette maison poussiéreuse, Merance paraissait semblable à un soleil, au lever du jour, s’élevant dans le ciel, chassant l’obscurité sur son passage.
    Il avait eu raison depuis le début… C’était une fée !

    Un large sourire se dessina sur son visage, comprenant enfin où elle voulait en venir. Et chaque fois qu’elle lui donnait une explication, le jeune garçon hochait la tête, essayant à son tour d’imaginer et surtout, évaluer les travaux qu’il y aurait à faire.
    Et puis aussi vite qu’elle était apparu, Merance disparu, il n’eut que le temps d’entendre le bruit d’une porte coincé que l’on ouvre avec force pour comprendre qu’elle se trouvait dans une autre salle.
    Jetant un dernier regard autour de lui, Guylhem la rejoignit aussi vite qu’il le put.

    L’autre salle n’était pas en meilleur état que la première. Les travaux risquaient d’être long, et couteux mais lorsqu’une fois nettoyée, réparée, aménagée… Mais ce ne fut pas ça qui retint le plus son attention. Merance se tenait au milieu, immobile, lui tournant le dos. Le petit oiseau virevoltant l’instant d’avant s’était à nouveau évanoui.
    D’où il était, il ne pouvait voir ses yeux fermés, mais il pouvait le sentir, le ressentir aussi, c’est donc d’un pas sûr et léger qu’il s’approcha d’elle, et se glissa a ses cotés sans un mot. Son bras frôla le siens dans un bruissement d’étoffe et lorsqu’elle glissa sa main dans la sienne entremêlant leur doigt, le jeune garçon répondit à cette étreinte d’une légère pression. Juste pour lui dire qu’il était là.

    La voix de Merance avait changé. Il n’y avait plus la légèreté et la chaleur précédente, il était triste, brisé, en proie a des souvenirs douloureux encore bien trop vivace.


    -Oui je me rappelle…

    Comment pourrait-il l’oublier ?
    Il se serait bien battu ce soir là. Plongeant corps et âme au cœur de la mêler pour défendre son maitre et l’Irlandaise. Il aurait aimé être flagellé a la place du vieux Prêtre. Sauvé Moiira des flammes. Frappé, cogné, tué même ces gens qui n’avait pas voulu comprendre leur… différence.
    Mais il avait fait une promesse… Celle de toujours veiller sur son Ange.
    Et puis… Les morts ne peuvent venger les morts, mais les vivants….

    Resserrant la pression de sa main dans la sienne, le grand gamin croisa à nouveau le regard de la sorcière et lui offrit un sourire… rassurant, fraternel et surtout complice.
    D’une caresse de son pouce, il essuya une larme sur la joue de Merance avant de déposer un baiser léger sur son front.


    -Je me rappelle aussi de ça. Répondit-il alors en plongeant sa main dans la poche de sa veste en en sortant quelques biscuits à la cannelle qu’il lui tendit.
    -Tiens, c’est d’la part du farfadet. Parait qu’on va avoir une sacrée journée pour tout nettoyer, autant la commencer le ventre plein !

    Et d’un éclat de rire, il s’avança devant Merance, dégagea une planche pourri qui trainait par terre, inspecta les mûrs, testa la solidité des poutres puis se tourna devant elle et leva les bras pour juger la hauteur jusqu’au plafond.

    -Si la baraque ne nous tombe pas sur le coin du nez, ce sera parfait !
    Y’a du boulot, faudra aussi réparer le toit sinon à la première pluie, tu prendras l’eau. Mais ça, j’peux m’en charger, tout comme les fenêtres.
    J’irais voir Thomas pour lui d’mander pour les étagères, p’tet qu’en lui proposant mon aide pour le faire on pourra diminuer l’prix.


    Il parlait, tout en allant d’un endroit à un autre, dégageant ici et là une planche pourri, une toile d’araignée ou remettant en place les vestiges d’une étagère. Il parlait, se gardant bien de dire ce qu’il pensait réellement du projet de la jeune femme.
    La baraque du Père Eusèbe aurait pu faire tout aussi bien l’affaire… Et puis, c’était chez eux là bas, c’était là-bas que tout avait commencé, elle aurait pu y revenir tout simplement. Mais il comprenait aussi pourquoi elle avait choisi cette bicoque…
    Repartir de rien.
    Recommencer.
    Renaitre.
    Ouvrir une nouvelle porte…
    Il comprenait… Ils en avaient besoin, tous les deux, et elle, plus encore.

    S’arrêtant un instant de gesticuler il se planta devant la sorcière et lui prit doucement les mains, l’air grave et sérieux.


    -C’est vraiment ce que tu veux mo Aingeal ?
Merance
    Elle n'avait pas bougé d'un pouce mais ne perdait rien de ce qu'il se passait. Ses doigts délicats avaient attrapé les biscuits à la cannelle que Guylhem lui avait offert et s'en en avoir l'air, elle croquait dedans afin de se réconforter. Combien de fois ne lui en avait-il pas offert ? A chaque coup, à chaque pleur, à chaque tragédie, lorsque son mari lui faisait l'offense de la prendre contre sa volonté et qu'elle se réfugiait chez le Père Eusèbe, à chaque fois qu'elle prenait une raclée pour avoir osé se montrer plus rebelle que soumise, à chaque fois qu'un enfant de ses entrailles disparaissait. Il était là, Aes sidhe, prompt à réconforter la fée qu'il croyait qu'elle était, veillant à son bien être du haut de son jeune âge. Et Mérance n'avait jamais rencontré quelqu'un de plus désintéressé que Guylhem ce qui provoquait en elle un élan de sympathie et d'amour irraisonné. C'était ainsi qu'elle avait commencé à le considérer comme son frère bien plus que ceux de sa propre famille.

    Le regard de la rousse suivait donc les déplacements du jeune apprenti souriant devant son enthousiasme alors qu'elle devinait sous son sourire une inquiétude grandissante. Mais elle, elle savait. Elle savait qu'un jour ou l'autre il leur faudrait prendre leur envol et se démarquer de leur passé. Ils avaient tant soufferts déjà, il fallait que du bien ressorte de ces vies brisées. Croquant dans un biscuit, la sorcière passa sa main sur le bord de ses lèvres afin d'enlever les quelques miettes qui, elle le sentait, s'y étaient réfugiés.


    - Cette baraque tiendra le coup Guylhem, elle est solide tout comme on l'est. Tu n'as pas le choix, je ne l'ai pas non plus et tu le sais très bien. Je ne veux pas qu'on vienne nous mettre le feu à la maison du père Eusèbe. C'est un refuge et tu le sais tout aussi bien que moi.

    De son pas léger, Mérance s'avança devant le géant qui lui faisait face. Elle n'avait jamais été bien grande mais lui en revanche avait poussé comme un champignon durant ces dernières années et il la dépassait de quelques têtes si bien qu'elle dut lever la tête pour lui parler et le regarder. Posant sa main sur la joue à peine sortie de l'enfance, elle lui offrit un sourire tendre.

    - Tu as besoin d'un chez toi, d'un lieu qui t'appartienne. Eusèbe et Moïra l'auraient voulu ainsi Guylhem, tu comprends ? Je ne fais que te rendre ce qu'il t'appartient…

    La jeune femme baissa la tête puis rangea le reste des biscuits dans la poche de sa jupe avant de revenir au centre de la pièce pour y tournoyer doucement, posant ça et là son regard sur les murs et la crasse environnante.

    - Je sais qu'un jour ou l'autre on me fera subir le même sort que la Morrighan. Je suis celle a qui elle a offert une seconde chance, je suis devenue comme elle Guylhem. Elle m'a fait renaître en ce que je suis et un jour moi aussi je te dirais de t'enfuir et de te protéger.

    Elle leva la main pour interrompre tout discours venant de son petit farfadet. Il ne pouvait pas comprendre ce qu'elle devinait chaque jour un peu plus que la veille. Et un frisson d'effroi se glissa en elle jusqu'à la faire se raidir.

    - Je suis consciente que je te demande beaucoup et si tu veux partir loin d'ici, fais-le Guylhem et n'ait aucun regret. Je ne pourrais jamais t'en vouloir pour ça, bien au contraire. Tu n'as pas à sacrifier ta vie pour moi tu m'entends ?

    Elle s'était à nouveau rapprochée de lui pour poser ses mains sur ses avant-bras et le tenir fermement. Ensemble ils avaient toujours été les plus forts mais Mérance faisait ses propres choix par rapport aux gens qu'elle rencontrait. Et même si cela ne se finissait pas toujours bien, si certains la poignardaient dans le dos plutôt que de lui offrir quelques instants d'un présent heureux, elle se redressait toujours fièrement. Seule la mort aurait raison d'elle et la rousse l'avait déjà croisé pour mieux danser avec elle. Et cette dernière danse n'était pas prête d'arriver, oh ça non !

    Devant le regard pénétrant de Guylhem, la sorcière savait très bien qu'elle serait son choix. C'était à croire qu'il ne pouvait rester loin d'elle alors elle sourit presque timidement avant de venir lui coller un baiser fraternel sur la joue et d'un bond, elle se mit à son tour à vouloir déblayer l'endroit. Ouvrant grand la porte qui menait dans la petite cour arrière, Mérance se mit à charrier de vieilles planches vermoulues pour mieux s'en débarrasser. Répétant l'opération plusieurs fois, elle finit par mettre les mains sur ses hanches en regardant son acolyte et tout en prenant un air des plus sérieux lui lança.


    - Tu comptes attendre que j'ai fini pour te mettre au travail ou bien arriveras-tu à ouvrir tes grands bras costauds pour que j'y mettre tout ce bois pourri ?

    Joignant le geste à la parole, elle s'avança vers lui presque menaçante. Mais Mérance ne pouvait rester sérieuse avec son ami aussi se mit-elle à rire avec toute la franchise dont elle était capable. Elle posa sa tête contre son épaule et le bouscula légèrement, le chahutant comme l'aurait fait un enfant, ce qu'elle redevenait lorsqu'elle était à ses côtés, ce qu'elle découvrait lorsqu'ils étaient ensemble. L'enfance de la sorcière n'avait jamais été jonchée de ses jeux avec ses frères et sœurs et parfois elle avait du mal à savoir comment se comporter. Elle en avait d'ailleurs souvent fais les frais, les gens la jugeant trop immature, trop colérique, trop enfantine sauf bien évidemment lorsque ces mêmes gens venaient à s'adresser à elle pour qu'elle les aide à faire passer un enfant ou à leur vendre un filtre d'amour ou d'errance… l'éternel dilemme de l'être humain, la sorcière commençait à bien le connaitre et si elle avait pu, elle aurait haussé les épaules avant de s'en détourner.

    Reprenant sa tâche avec sérieux, Mérance continua son travail. L'aube se levait enfin complètement et la journée ne faisait que commencer. Il fallait que d'ici que le soleil soit à son zénith tout l'intérieur respire le vide ainsi la sorcière pourrait œuvrer afin de protéger les lieux d'un rituel dont elle avait le secret.

    Se tournant vers Guylhem, Mérance l'apostropha encore.


    - Au fait, tu pourras descendre à la cave voir si y'a des choses à enlever s'il te plait ? J'avoue que je n'ai pas encore été fureter de ce côté-là.

    Et puis s'il y avait un vieux cadavre pourrissant, elle évitait de se faire une frayeur !

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En constante recherche de RP... n'hésitez pas à me MP
Guylhem


    Il savait.
    Oh oui, il savait !
    Il savait comment cela finirait, il s’y préparait depuis l’enfance. Inconsciemment d’abord, subissant, parfois à contrecœur, souvent en traînant les pieds, mais prenant conscience petit à petit de ce qu’on lui demandait et ce à quoi il était destiné.
    Il savait.
    Et malgré ces quelques années où il avait voulu vivre une vie différente, loin du Père Eusebe, loin de la Moïra, loin de la baraque, il savait, là aussi qu’il y reviendrait, qu’il reprendrait, et qu’il continuerait.
    Le Père Eusèbe lui avait dit, il était prédestiné à cela.
    C’était sa vie, autant que la sienne, que la leur.

    Il savait oui.
    Cette baraque était sa seule maison, un refuge aussi, mais pas que. Et pas que pour lui. L’avait-elle oublié ?
    C’était là qu’ils avaient « grandi », c’était là qu’ils s’étaient apprivoisés, refugiés, là aussi qu’ils avaient voyagé à travers les histoires de la Moïra et du Père Eusèbe, s’imaginant un monde qui leur ressemblerait. C’était là, juste là entre ces 4 murs un peu usé par le temps, sous ce toit bien à l’abri du monde extérieur.
    Elle n’avait pas oublié quand même ?

    A mesure qu’elle parlait Guylhem fronçait les sourcils, méfiant, suspicieux, comme un loup prêt à attaquer pour se défendre… Ce qu’il pouvait détester quand elle lui parlait comme ça !
    Machinalement sa main se posa sur la sienne et la serra doucement, mais il ne répondit pas, serrant les dents pour ne pas lui répondre.
    Et pourtant…
    Qu’est ce qu’il aurait aimé lui rétorquer que cette baraque était autant la sienne que lui ! Que l’père Eusèbe et la Moïra le voulait aussi pour elle ! Qu’elle n’avait pas le droit d’y renoncer comme ça !
    Oh oui, il aurait aimé lui dire, lui balancer à la figure tout ce qu’elle semblait avoir oublié. Leurs petites histoires, leurs projets, tout ce qui les tenait éveillés sur cette paillasse quand le sommeil les fuyait. Si le Père Eusèbe avait été son maitre, Merance, elle, était sa planche de salut, son souffle de vie, sa fée... S’il était ce qu’il était aujourd’hui c’était aussi grâce à elle, elle qui avait su apprivoiser ce petit chat sauvage qu’il était.
    L’avait-elle oublié ?

    La main chaude et douce de la sorcière venait de quitter sa joue, Guylhem la suivit du regard, silencieux, la mâchoire toujours crispé, retenant une certaine colère qu’il n’avait pas le droit d’exprimer.
    Pas encore.
    Pas cette fois.
    S’il venait à ouvrir la bouche, pester, crier ou même, taper du pied, elle viendrait encore le traiter de gamin. Ce serait sans doute véridique, mais bon… Il avait 17 ans quand même !

    Et puis vint cette phrase.
    Comme un coup de matraque derrière la nuque.
    La sensation de se réveiller au travers la brume.
    Des images qui revinrent danser devant ses yeux, faisant ressurgir des souvenirs qu’il avait voulu garder enfoui à tout jamais.

    Guylhem revoyait cette nuit là. Les tambourinements sur la porte. Les voix qui grondaient. Les cris sur la place. Les flammes qui montaient, haut, toujours plus haut.


    -Jamais ! Tu…

    Les mots étaient sortis tout seul, comme deux gardes barrant une porte avec leur lance, mais d’un signe de la main, elle lui avait fait comprendre de ne pas poursuivre, alors le jeune garçon referma la bouche tout aussi vite mais secoua la tête pour protester !
      Jamais d’la vie !

    Jamais il lui arriverait comme la Moira ! En tout cas… Pas avant qu’il ne se soit battu jusqu'à son dernier souffle.
      Jamais !


    Elle s’était rapprochée à nouveau, serrant ses bras de ses deux mains. Bon sang mais c’est qu’elle avait de la force dans les bras quand même ! Elle ressemblait a ces fourmis, capable de déplacer des objets bien plus lourd qu’elles, et pourtant… elles pouvaient se faire écraser d’une simple pression du doigt.
    Si forte, mais tellement fragile.

    Merance ne comprendrait donc pas qu’il serait toujours là ?
    Partir ?
    Lui ?
    Mais pour qui le prenait-elle ? Un poltron ? Un couard ? Et puis quoi encore ?
    Oui, bon, c’est vrai que lorsqu’il était petit, il avait tendance à se planquer sous la table ou dans la grosse armoire du prêtre dès qu’un bruit un peu étrange résonnait dans la baraque. Mais ça… C’était avant !
    Etait-ce possible qu’elle le regarde encore comme le petit blondinet qu’il avait été ?
    C’était fort probable…

    Affichant une petite moue boudeuse, Guylhem plongea son regard dans celui de la sorcière. SA sorcière. Il n’avait pas besoin de parler, elle comprendrait, elle comprendrait qu’il serait là, toujours. Jamais bien loin.
    La Moïra l’avait prédit.
    L’père Eusebe lui avait dit.
    Ca serait à la vie, à la mort, tout simplement.

    Et la pression qui s’était installé dans ses larges épaules et dans sa nuque, retombèrent aussitôt le baiser déposé sur sa joue et le grand gamin suivit du regard sa complice, esquissant un sourire amusé.
    C’était ça Merance.
    A la limite de vous faire mourir de peur, et l’instant d’après… Se conduisant comme une enfant !


    -Euh… Non ! Mais …

    Et la voilà qui reprenait son rôle de grande sœur, le houspillant comme lorsqu’il était enfant, un peu tire au flanc sur les bords. Et comme lorsqu’il était enfant, le géant lui tira la langue avant de rire a son tour et de lui prendre la pile de bois des bras.
    Comme des enfants.
    Ce qu’ils étaient encore finalement, dans le secret. Dans leur secret, juste eux, et personne d’autre.


    -Bah en fait j’attendais que tu fasses le plus gros. Tu comprends, j’suis fragile moi, je dois pas trop forcer !

    Il lui adressa un large sourire taquin tout en s’esquivant très vite de peur de recevoir un projectile non identifier ou des éclairs noir provenant du regard de la Flamboyante. C’est que… Il avait beau être beaucoup plus grand qu’elle, être aussi un homme (précisons quand même qu’à 17 ans on est un homme !)très costaud, face a une Merance en furie, mieux valait prendre ses jambes a son cou ou se faire petite souris dans son trou.
    Donc grand Guylhem s’esquiva très vite et balança toute la pile de bois pourri dans la cours. Ils serviraient plus tard de bois pour l’âtre.

    Revenant à l’intérieur, il s’arrêta un instant, regardant autour de lui. Il y en aurait du travail pour remettre d’aplombs cette baraque, outre le nettoyage des murs et du plancher, le plafond n’était pas très joyeux non plus et certaine poutre menaçait de s’effondrer.
    Il allait devoir en passer du temps à tout remettre en état.
    Mais…
    Ouais ! Pourquoi pas !

    Sursautant en entendant la jeune femme l’apostropher, Guylhem grimaça. La cave… Bah voyons !


    -J’y vais oui. Mais j’te préviens, si j’découvre un trésor, j’le garde pour moi !

    Et éclatant de rire, le gamin se dirigea vers la cave, espérant quand même au plus profond de lui qu’il ne découvrirait pas de chose… Terrifiante !

    La porte était coincée. Inutilisé depuis des années, le linteau s’était affaissé et le bois de la porte avait gonflé, bouffé par l’humidité. Il du s’y reprendre a deux fois pour l’ouvrir, donnant un ou deux coup d’épaule avant de parvenir enfin a faire flancher le bois et basculer la porte sur elle-même.
    Il dû attendre quelque instant que ses yeux s’habitue a la pénombre de la pièce et put enfin se rendre compte de l’ampleur de la tache.
    La pièce était…. A l’image de la baraque !

    Ici une caisse renversée, à moitié bouffé par les moisissures. Là, quelque planche qui devait autrefois, dans un passé lointain ressemblé à des étagères. Et là…
    Guylhem souleva une toile de jute, ce qui devait rester d’un sac de grain et…


Haaaaaaaaaaaaaaaaaa !!!!!!!!!


    Son cri résonna dans toute la maison, et probablement même dans tout le quartier ! Effrayé, le jeune garçon recula d’un pas, s’emmêlant alors les pieds dans quelque planche pourris et tomba à la renverse sur le derrière.
    Là devant ses yeux, une scène horrible !
    Un crime !
    Une bête monstrueuse aux yeux injectés de sang qui poussait un rugissement du diable et tenait dans sa gueule une pauvre victime encore sanguinolente…
    Monstreux !
      Horrible !
        Terrifiant !
          Epouvantable !


    -Maudite bestiole ! Tu veux ma mort pour me poursuivre jusqu’ici !

      « Marrrraouw » lui répondit alors le chat avant de reprendre son déjeuner…
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