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[RP] Les nuits perdues

Kye
    « Hello darkness my old friend, I've come to talk with you again. »
    Simon and Garfunkel


La journée avait été parfaite et la soirée horrible. Il n'y avait pas d'autres mots pour décrire tout cela. Non, c'est sûr, s'il avait eu le choix, il n'aurait jamais parlé de tout ça ce soir. Elle n'était pas prête à entendre ce qu'il avait à lui dire, elle n'était pas non plus prête à dire ce qu'il voulait entendre et lui, il n'était pas prêt à entendre ce qu'elle lui avait dit, il n'était pas non plus prêt à dire ce qu'il avait dit. A choisir, il aurait repoussé l'échéance.
Alors, il avait quitté la taverne. Colère, tristesse et amertume, chacune de ses émotions se mélangeaient, sans trouver de point d'équilibre parfait. Il avait pris la route de son auberge, là où il dormait depuis qu'il était arrivé. Kye s'empara d'une bouteille au comptoir et déposa un paquet d'écus, trop pour une simple bouteille, mais assez pour qu'on le laisse tranquille pour le reste de la soirée. Il s'enferma dans sa chambre, s'installa dans son lit et déboucha cette bouteille.

Amertume.
Elle lui avait dit des choses qu'il n'était pas prêt à entendre. L'avait-elle fait exprès ? Que cherchait-elle à faire en agissant de la sorte ? Le vieux loup s'était senti attaquer, il s'était défendu comme il avait pu, il en était sorti blessé. A cet amertume se mélangea l'incompréhension de la situation. Dans sa tête, il revivait les scènes. Si les première fois, il disait la même chose qu'il lui avait dit, sur la fin, il changeait les situations. Il s'imaginait des réponses différentes, il s'en voulait d'avoir dit les choses de cette façon, d'avoir utiliser ces mots, parfois il s'en voulait d'en avoir prononcer tout simplement.
Alors, pour faire passer ce gout qui lui restait en travers de la gorge, il avait prit cette bouteille en bas. Il en prit une grosse gorgée. La chaleur de l'alcool lui irradia la bouche et il la senti descendre jusqu'à son estomac, mais ce n'était pas suffisant. Alors, il en reprit une nouvelle gorgée, plus importante, sans que cela ne change quelque chose. Et puis au final, la bouteille était vide et rien n'avait changé. L'amertume était toujours là. Les mots étaient toujours en travers de la gorge.
Le Noircastel regardait devant lui. Il regardait ce reflet que le miroir lui renvoyait.


Colère.
La bouteille était partie d'un coup. Elle avait volé à travers la chambre pour s'éclater à côté du miroir. Évidemment, ce n'était pas le mur qui était visé. Il se détestait, il ne supportait plus la vue de lui-même. L'instant suivant, il était debout, à côté du lit. C'est la chaise au coin de la chambre, qui servit de deuxième projectile. Cette fois, le miroir était touché. La chaise se fracassa et le miroir se brisa. Mais il y avait encore des morceaux, trop de morceaux, assez pour qu'il puisse se voir encore. Il s'en approcha et le fit tomber au sol cette fois, c'était suffisant.
C'était suffisant pour le miroir, il avait eu son compte. Mais la colère de Kye était toujours présente. Il défourailla son épée et passa le mobilier au fil de l'épée. Il trancha même les rideaux. Il pivota sur lui-même et au moment où il allait abaisser son arme pour un nouveau coup, il la lâcha. L'acier s'écrasa au sol, ondula sur le bois du planché, le bruit alterna entre des sons graves du pommeau et les sons aigüe de la pointe et puis un autre bruit, plus lourd, celui d'un homme qui s'effondre sur ses genoux.


Tristesse.
Il était tombé à genoux. Devant ce tableau, qu'il ne pouvait se résigner à détruire. Même dans un excès de rage, de colère, même s'il perdait la raison, jamais il ne pourrait y toucher. La peinture était couverte pas un drap blanc, mais il savait très bien ce qu'il y avait en-dessous. Il savait très bien, que cette peinture n'avait pas seulement immortalisée un corps, elle avait aussi immortalisée un moment, une époque, un sentiment et de tout ça, il ne pouvait s'en défaire. Il bascula sur le dos et des larmes brulantes coulèrent le long de ses tempes pour se noyer dans ses cheveux.
Désormais la chambre était à l'image de Kye. Intérieurement détruite et les seules choses qui tenaient encore debout étaient ce qui le rattachaient à Elisa. Le Noircatel resta de longues minutes, allonger au milieu de ces ruines. Il regardait le plafond, le silence et le calme étaient revenus dans la chambre et à l'étage.


C'était trop con.
Il se releva à l'aide son épée, avant de la ranger et quitta sa chambre. Direction le centre-ville. Il fit au plus court, pour se rendre chez elle.
Il prit les petites ruelles. Celles dont les bâtiments empêchent de voir le ciel. Celles qui restent sombre, même lorsque le soleil est à son zénith. Celles que tout le monde évite sauf les malfrats. Celles qui sont dites coupes-gorges. Mais Kye en impose naturellement, il a ce charisme qui fait aussi son charme. Il avance sûr de lui et ne cherche pas à éviter les groupes qui bloquent les chemins, il coupe les foules, personne ne se plaint. Il arrive enfin dans le centre, là où se trouve l'appartement de la Malemort.
Il frappe à la porte. Eli lui ouvre.

- Kye ? Que faites-vous là ?

Il n'a pas besoin de lui répondre. Sa présence est comme une évidence, alors elle lui ouvre la porte pour le laisser rentrer. Il monte à l'étage. Au bout du couloir, la chambre de la Malemort. Il fait les quelques pas qui le sépare de la chambre et posa sa main sur le bois.
Il hésite. Serre le poing. Toc. Aucune réponse, évidemment. Pourquoi voudrait-elle lui répondre après ce soir ? Mais il persiste, il tape à nouveau et ajoute d'une voix tremblotante à cause de l'émotion.


- Elisa...? C'est moi...Kÿe...comme si elle n'avait pas reconnue ta voix, triple buse. Ouvrez-moi... Rêve toujours, elle ne le fera jamais.

Il leva la main et la reposa sur la porte, sans faire un bruit. Il colla son front contre le bois froid.

- Elisa...je suis désolé pour ce soir. C'est vraiment trop bête. La journée était parfaite et nous l'avons gâché en une soirée...je l'ai gâché en un instant... Il soupira et se retourna pour coller son dos à la porte cette fois et se laissa doucement glisser jusqu'à atteindre le sol. Tu n'as plus confiance en moi...je peux le comprendre... Je suis vraiment désolé, qu'on en soit arrivé là, ce n'est pas ce que je voulais, ce n'est pas ce que je veux... Il lâcha un soupire à nouveau. ...Bonne nuit Elisa...

Il se releva et déposa une rose devant la porte. Elle était bleu comme la nuit et les pétales s'estompaient pour prendre une couleur violette sur la fin. Elle était unique et c'est pour ça, qu'il voulait la lui offrir. Il avait entouré la tige d'un ruban bleu humide, afin qu'elle ne meurt pas et qu'Elisa ne se pique pas avec. Puis il prit la direction des chambres des enfants. Il passa dans chacune d'entre elle, sauva un doudou tombé au sol pour le remettre dans les bras de sa propriétaire, remonta des couvertures un peu trop basse, rassura des sommeils un peu trop agités et s'arrêta dans la chambre de Louis.
Il y avait Kaizer devant le lit. Le chien le senti arriver, il avait déjà les oreilles dressées sur la tête et lorsqu'il passa le pas de la porte, il agita sa queue, content de le voir. Il s'assit en tailleur sur le sol, à côté du lit de son fils. Le chien vint poser son museau sur la cuisse du Noircastel, alors que ce dernier posait sa main sur le front de son fils. Sa main libre, il l'a mis sur la tête du jeune chien pour la lui caresser doucement et il posa sa tête sur le matelas du jeune garçon et murmura pour ne pas le réveiller.


- Fiston...j'aime ta mère... J'espère qu'elle va réaliser, qu'elle va revenir un jour. Je sais que tu n'as rien choisi et...je ne peux pas te dire combien de temps cela va durer...Juste...que je compte pas me défiler...j'ai de la peine c'est sûr...mais je serai toujours là pour toi aussi...Mais...je te cache pas qu'en attendant, je vais avoir besoin de toi...On va s'en sortir... après tout...je l'aime...

Il resta là encore de longues minutes. Et puis, il était temps de rentrer. Il se leva à nouveau, déposa un baiser sur le front du petit et une dernière caresse sur le dos de Kaizer avant de prendre la sortie. Il chercha un peu Eli, pour lui dire au revoir, mais elle semblait déjà être parti se coucher. Il était temps de faire de même, en vain.
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Elisa.malemort
    «I can't love you in the dark. It feels like we're oceans apart, There is so much space between us, Maybe we're already defeated I don't think you can save me.»
        Adele – Love In The Dark



Toujours la même rengaine. Ils s’étaient vu, ils avaient passé un agréablement moment avec les enfants. Ils s’étaient revus et ils avaient tout brisés. Elle avait tout brisé. Il venait de lui ouvrir une nouvelle fois son cœur, et en remerciement la Malemort n’avait su lui offrir que des reproches. Oui, il les avait abandonné. Oui, il n’avait pas cherché à les rattraper. Oui, il avait fait sa propre vie. Mais il leur avait aussi écrit. Il avait aussi dit qu’il regrettait. Il avait aussi dit qu’il était fou d’amour pour elle. Il avait aussi dit qu’ils étaient sa famille. Alors pourquoi bon sang, c’est si dur dans son cœur de lui faire confiance à cent mille pourcent. De s’offrir entièrement à lui, oubliant le passé et ne profitant que de ce qu’ils ont à s’offrir pour l’avenir.

Il était parti. La porte de la taverne municipale s’était refermée froidement. La Malemort avait senti tout à coup son corps se geler un peu plus. Une nouvelle couche de glace durant un hiver rude. Une couche qui vient recouvrir un peu plus son cœur si difficile à réchauffer. Et pourtant, cette fois, il était parti à cause d’elle. Car oui, il avait raison, elle ne savait pas lui faire entièrement confiance. Depuis toujours, elle avait gardé une part d’elle-même bien enfouie en elle où il n’avait jamais eu accès dans le but de se protéger. Mais cela était justement à cause de cette part là que leur histoire était instable et fragile. Elisa en était aujourd’hui persuadée.
Huit années à vivre ensemble, que pouvait-il bien lui faire après tout ce temps ?
Courir après ses titres comme certains se plaisaient à le dire depuis leur rencontre ? Il aurait pu en avoir des tonnes depuis, par lui-même ou par d’autres femmes plus dociles et pourtant il était toujours là.
Lui briser le cœur ? C’est vrai il l’avait fait. Enfin non, elle se l’était infligé a elle-même en refusant de vivre en Berry avec lui. Elle était partie sans accepter par amour pour lui de lui laisser une chance de grandir cette terre qu’il avait tant aimé.
Lui faire du mal ? Il avait eu tant de fois l’opportunité de la faire passer de l’autre côté. Une lame sous la gorge, des crises de terreur nocturnes, des batailles. Et pourtant, il ne l’avait jamais fais. Et ses yeux bleus le trahissaient, il ne pouvait pas lui faire de mal.

Alors Elisa ? Alors ? Réfléchis ! Bordel tu as tout gâché ! Tu as tout brisé car tu n’as pas su t’investir entièrement dans cette relation que vous avez vécus durant huit années. Il t’a offert un fils magnifique, il était présent à chaque étape de ta vie. Il a été celui qui t’a fait rire, celui qui t’a soutenu dans la moindre étape, celui qui a prit ton rôle quand tu étais à bout de force en Rouergue. Il a toujours été là… Et toi que lui as-tu offert ? La fuite ! Belle courageuse…

Ces prunelles s’étaient alors mise à briller quand elle eut ces pensées. Assise dans son lit, elle réalisa qu’elle lui devait des excuses. Qu’elle ne pouvait pas lui laisser porter tous les torts car elle avait sa grande part de responsabilité. Alors la belle Duchesse s’était levée de son lit. Elle avait remit ses bottines et s’est en courant qu’elle repartie vers l’auberge où il logeait. La jeune femme avait longé les remparts, voyageant seule, elle avait préféré emprunter le chemin des murailles surveillé par les maréchaux de la capitale. Une fois arrivée, le portier lui ouvrir la porte, elle monta directement à l’étage et tapa à la porte de la chambre. Trois coups. En même temps que son cœur battait à bout de souffle dans sa poitrine, au même rythme. Ses mains tremblées. Elle attendit. Longtemps. Très longtemps. Sa main vient se poser sur le bois brut de la porte.


Kye…

Un silence glacial. Aucune réponse. Rien. La main de la Malemort vient se fermer, serrant son poing toujours contre la porte. Ses sourcils froncés. Dans sa tête, celle-ci avait imaginé tellement de scénario… Mais certainement pas l’ignorance. Comment osait-il ? Elle était venue s’excuser et lui, il ne lui ouvre même pas la porte. Il la laisse là, seule, face à une lourde porte en bois pour les séparer.

Kye…Je vous en prie… Je… Je voulais m’excuser… Je… S’il vous plait, ouvrez-moi…

Elle avait trop bu, elle avait trop mal. Ses yeux la brûlaient, sans se rendre compte qu’encore une fois c’était les larmes qui étaient venu rougir le coin de ses yeux et mouiller ses joues si pâles ce soir. Pourquoi faisait-il cela ? Pourquoi était-il revenu si finalement il ne voulait pas lui parler ? Avait-il changé d’avis ? La Malemort s’assit alors juste devant la porte de sa chambre, le dos posé contre le mur d’en face. Elle regardait la porte de bois, qu’elle haïssait à cet instant. Ses mains posées à plat sur le parquet du couloir. Son souffle s’extirpa lourdement de son nez à plusieurs reprises avant de faire regonfler ses poumons d’oxygène pour tout dire… Tout expliquer… Se noyer dans un flot de paroles qu’elle n’avait jamais osé dire.

Je suis réellement désolée. Et j’espère que vous saurez un jour me pardonner mes erreurs et mes actes. J’ai pensé seulement à moi. Je me sentais incapable de vivre en Berry par peur qu’ils me retrouvent. J’ai eu peur qu’ils s’en prennent aux enfants et à ma vie, encore une fois. Je ne voulais pas que tout cela recommence, je ne voulais pas revivre ce que j’avais déjà vécu par le passé quand je vivais en Limousin. Et puis, je ne pouvais pas vivre dans cette province que j’ai toujours combattue ainsi que ma mère. Quelle fille aurais-je été ? Et pourtant j’aurais dû, par amour pour toi ! J’aurais dû surmonter mes peurs à tes côtés, pour toi, pour te laisser t’agrandir comme tu le voulais, comme tu m’as toujours laissé le faire depuis que nous nous connaissons. J’ai été simplement égoïste. Je pensais que tu m’aurais rattrapée, que tu aurais cédé pour me rejoindre moi et les enfants, pour ne pas briser notre famille. Mais je me rends compte que c’est moi qui l’ai brisée. Et j’en suis vraiment désolée…

Sa main droite vient froisser le tissu de sa robe, la douleur est aussi forte qu’une lame plongeait dans sa chair. Ouvre la porte Kye, fais cesser cette douleur !

Je t’ai aimé Kye. Indéfiniment, d’un amour complètement fou et déraisonné. J’étais prête à accepter la haine de tes enfants envers moi. La haine de ton fils de par mon seul nom de famille, ma lignée, mon sang. La difficulté de m’éloigner parfois pour te laisser les retrouver sans entraver votre famille par la pièce rattachée que je suis. J’étais prête à accepter toutes les rumeurs sur mon compte, j’étais prête à ne pas écouter toutes les mauvaises langues qui voulaient nous séparer. J’étais prête à m’éloigner de mes amis pour le seul bonheur de tes bras, de tes regards, de tes baisers. J’étais folle de tes lèvres, de tes yeux, de ton corps. Chaque réveil tout près de toi était le soleil qui commençait à se lever, et lorsque les enfants venaient nous rejoindre, ce soleil brillait de mille feux dans mon cœur.

Ses yeux sont remplis de larmes. Ses mêmes larmes qui coulent sur ses joues jusqu’à venir achever leur course sur le tissu de sa robe. Larmes oubliées, qui sécheront avec la nuit et qui pourtant auront fait si mal, ce soir.

Je t’aime Kye. Je t’aime encore si fort que cela me fait si mal et si peur. Je ne suis pas prête à m’ouvrir de nouveau. Je veux être certaine. Certaine de pouvoir m’offrir entièrement à toi et à cet avenir incertain qui nous attend. Car si celui-ci doit être avec toi, je veux qu’il le soit entièrement, je veux n’avoir aucun doute, je veux que tu connaisses chaque parcelle de mon corps, de mon esprit, de mon âme, de ma force mais aussi de mes peurs. Mais aujourd’hui, je ne suis pas prête à cela. Tout à l’heure tu m’as dis que je peux prendre le temps qu’il me faudra… Alors laisse le moi. Pardonne moi, je t’en prie, pour mes erreurs du passé, et laisse moi le temps qu’il me faudra pour l’avenir. Je ne te fais aucune promesse. Car je ne sais pas si je saurais me pardonner a moi-même, car je ne sais pas si je saurais te faire pleinement confiance comme un couple doit le faire. Je ne sais pas si je saurais dépasser ces épreuves là, mais si j’y arrive, alors cela me mènerait tout droit dans tes bras, si tu es encore là pour m’y accueillir.

La Duchesse s’arrêta là de parler. Restant quelques instants de plus à regarder la porte sans bruits. Elle se résigna. Il n’était pas prêt à lui ouvrir. Il n’était pas prêt à lui faire face. Alors la jeune femme se leva. Sa main glissa une dernière fois sur le bois de la porte, et c’est d’un pas beaucoup plus calme et lourd qu’elle repartie chez elle, longeant de nouveau les remparts de la ville. Croisant les maréchaux qu’elle ne salua même pas, trop prise dans ses pensées. Peut-être lui avait-elle fait trop peur ? Peut-être n’aurait-elle pas dû lui dire cela, se dévoilant ainsi comme elle ne l’avait jamais fais sur les sentiments qu’elle lui porte. Pourquoi cela devait-il toujours être aussi compliqué et délicat entre eux ?

Ouvrant la porte de son appartement, elle remonta directement à l’étage pour rejoindre sa chambre. Elle remarqua à ce moment là Kaiser entrain de rentrer dans la chambre d’Emelyne… Mais elle n’aperçu pas dans sa gueule la rose et le ruban bleu qu’il avait récupéré et qu’il venait de déposer aux pieds du lit de l’aînée de la Duchesse. Non, elle ne l’avait pas vu, et elle ne saurait donc jamais qu’Il était venu, et qu’elle avait dit tout ce qu’elle pensait à une porte… Que jamais il ne saurait tout ce qu’elle avait pu lui avouer ce soir… Jamais il ne saurait qu’elle s’était excusée… Jamais elle ne saurait qu’il ne saurait jamais…

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Kye
    «Quand tendrement tu prenais ma tête entre tes mains, Moi je me la prenais moins et ça me faisait du bien.»
        L’éclipse - Lofofora



Quelques jours plus tard.


Onze jours. Onze nuits. 264 heures. 264 heures passées sans dormir. Le Noircastel avait écrit à la Malemort sur son état de santé, sur ses insomnies qu’il connaissait à nouveau. Elle de son côté, elle avait répondu qu’elle prierait pour lui, pour que ses nuits s’apaisent, pour qu’il trouve à nouveau le sommeil. Mais alors quoi ? Avait-elle menti ? L’avait-elle fait ? L’avait-elle fait suffisamment ? L’avait-elle fait sincèrement ? Dans tous les cas, rien n’avait changé.
Les premiers jours, le vieux loup avait pu gérer la fatigue. Il avait l’habitude de travailler tard dans la nuit, bravant les interdictions d’allumage de bougie une fois la nuit noire tombée. Et puis rapidement, son état physique se dégrada. Il perdit l’appétit assez rapidement et de ce fait, il se mit à perdre du poids. Beaucoup de poids. Au point que ça devienne inquiétant. Ce n’était pas lui qui était le plus inquiet, mais Elisa, lorsqu’elle le vit pour la première fois, le soir de son arrivée.

Et puis malgré la présence d’Elisa désormais, son état ne s’améliorait pas. Oui, il se mit à manger, il y était obligé. Eli se chargeait de lui faire à manger et lorsqu’elle le pouvait, Elisa, était présente pour s’assurer qu’il mange tout, jusqu’à la dernière miette. Mais la fatigue était toujours là, grandissante chaque jour, à mesure que l’insomnie prenait ces aises. Et puis, c’est son état psychologique qui se dégrada à son tour.
Kye, même s’il n’en a pas l’air, est un guerrier. Il a fait plusieurs fois la guerre et si elle ne l’a pas trop marqué physiquement, intérieurement elle l’a ravagé. Depuis, il passe ses nuits à se battre contre ses fantômes, ou ses démons comme il les appelle. La présence d’Elisa, avait, pendant leurs années de vie commune, suffit à les éloigner. Il avait enfin pu retrouver des nuits paisibles et ne semblait plus trop souffrir. Mais tout était de retour.

Et donc, depuis quelques jours maintenant, non seulement, ces fantômes l’empêchaient de dormir, car ils apparaissaient pendant ses rêveries, mais en plus il les voyait dans la journée. Il était aussi plus sensible des oreilles, ce qui faisait qu’il entendait un peu plus loin qu’avant, il entendait le bruit des forges qui travaillaient le fer, ce bruit qu’il détestait tant.
Cette nuit, c’était la onzième nuit qu’il ne dormait pas. Et cette nuit, tout bascula.


Le vieux loup était dans un coin de la chambre. Il était acculé contre le mur et semblait être prêt à bondir sur n’importe qui. Il scrutait la chambre, chaque recoin, impossible pour lui de fixer son regard sur quelque chose. D’ailleurs, la chambre n’avait pas bougé depuis qu’il avait eu sa crise de colère, elle était toujours en ruine, il n’avait laissé personne y entrer, il ne voulait que personne ne voie l’état de cette pièce et il ne voulait pas, non plus, que quelqu’un voit son état. Car oui, depuis le début, il dit qu’il va bien à tous ceux qui le demandent, alors qu’en réalité, non.
Dans une main, il tenait un petit carnet de cuir qu’il se décida d'ouvrir et à feuilleter. Il l’ouvrit sur un dessin, un de ses dessins, ce n’était pas un grand artiste, mais il avait su dessiner le visage radieux d’Elisa souriante. Habituellement, ce dessin lui permettait de trouver un peu de paix, de se calmer.

Mais cette fois, c’était différent. Le dessin semblait s’animer, devenir liquide et coula du carnet pour disparaitre au contact du planché. Le cœur de Kye s’accéléra à cette vue. Sa respiration se voulait incomplète, saccadée par la peur. Il tourna les pages en répétant des « Non ! » et à chaque fois qu’il tournait une page, il n’arrivait plus d’abord à lire les mots, les lettres devenaient floues, les mots incompréhensibles et la page devenait vierge à nouveau. Il vit cette scène se reproduire sur plusieurs pages avant de tourner des pages toujours vierges, alors qu’il les avait déjà utilisées.
Et puis soudain, un flash. Un grondement qui semble déchirer le ciel en deux. De l’orage. Il sursaute tellement, qu’il atterrit debout sur ses jambes, le carnet fermé dans la main. Il regarde vers la fenêtre. Un deuxième flash qui illumine une forme noire devant sa fenêtre. Il ne lui en faut pas plus, il sort de la chambre en courant et sort de l’auberge.

Dehors, il pleut. C’est une pluie d’été. L’eau est abondante. Elle empêche de voir à plus d’un mètre. Cependant, Kye ne ralentit pas, il ne voit rien, mais cours aussi vite qu’il peut. Il finit par tomber sur le pavé devenu glissant, un cheval se dresse devant lui, sabots prêt à s’abattre sur lui, il tente de se protéger le visage avec ses mains, mais la monture abat ses fers à côté de lui. Il détale comme un lapin.
Il arrive enfin à l’appartement d’Elisa. La porte est ouverte, un grondement couvre son entrée et il se rue vers la chambre de la Malemort. Il tambourine à la porte. Elle prend trop de temps, alors il se retourne, colle son dos à la porte et observe le couloir. Au bout du couloir, cette ombre, elle est là, devant lui. C’est la même que dans sa chambre, elle avance dans sa direction. Elle est lente et sa démarche désarticulée. Le Noircastel pousse avec ses mains et ses pieds pour reculer mais la porte le bloque. Elle finit par s’ouvrir dans un grondement de tonnerre. Il recule de quelques mètres dans la chambre et hurle.


- Fermez-la porte ! Vite ! Il arrive !

Mais Elisa ne s’exécute pas. Elle ne comprend pas la scène. Elle semble même effrayée. Alors le vieux loup se jette sur le bois et claque la porte, colle son dos contre celle-ci. Un nouveau grondement de tonnerre le fait bondir dans un coin de la chambre, derrière un fauteuil, à l’abri des regards.

Il est là, il essaye de se faire aussi petit qu'il peut. Il a ramené ses jambes contre lui et les tiens avec ses bras, la tête enfouit à hauteur de genoux, dans une main, il a gardé le carnet, qu'il feuillette comme un damné. Il le voit toujours vide et répète.


- Non…non…ce n’est pas possible…Tout a disparu…non…non…

Il détache son regard du carnet et bouge les yeux de droite à gauche, sans arrêt. Impossible pour lui de poser son regard. Il a les pupilles qui se dilatent et se contractent sans s’arrêter. Il est essoufflé par sa course, mais son cœur ne cesse de battre trop vite. Sa respiration est celle d’un homme effrayé, celle d’un homme en état de choc. Du réel ou du faux, il ne fait plus le discernement. Son esprit lui joue des tours et il n’y voit que du feu. Peut-être qu’un visage familier le calmera. Peut-être qu’une voix familière, le fera retrouver la raison.
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Elisa.malemort
    «I should cut all the ties, let it burn and walk away from you. There’s beauty in suffering. When you love someone you’re scared to lose. »
        Marina Kaye – Dancing with the Devil


Une soirée compliquée. Encore.
La Malemort s’était retrouvée prise dans une taverne entièrement pleine. Tout a fait mal à l’aise. Elle détestait se retrouvait ainsi prise en étaux au milieu d’autres personnes qui parlaient tous plus fort les uns que les autres pour se faire entendre. Et encore plus quand une des tables est renversée. Mais la jeune femme avait fait l’effort. Reculant légèrement sa chaise pour lui permettre d’avoir un peu plus d’air autour d’elle. Elle s’était prêtée au jeu, mi enjouée, mi peu rassurée, elle avait quand même sourit.
Finalement, la taverne s’était vidée, d’autres personnes, plus calme, viennent remplacer les autres. Peut-être n’aurait-il pas fallu justement.

D’abord de l’ignorance, ensuite la nouvelle d’un départ, aussi court soit-il. La Malemort senti que cela était trop pour elle. Oui, elle était prête à tout faire lorsqu’il s’agissait d’amour ou d’amitié, elle pouvait gravir des montagnes, repousser des armées entières, elle pouvait même se priver si cela pouvait rendre le sourire ou aider la personne qu’elle aimait. Et sentir tout à coup cette ignorance face à elle, pas un baiser, pas un regard, pas un mot. Rien. Strictement rien. Son cœur se glaça et elle ne pu rester plus longtemps. Récupérant ses affaires, elle se leva et décida de rentrer chez elle. Oui clairement, elle abandonnait les autres, mais son cœur déjà bien fragile lui faisait bien trop mal à cet instant pour faire semblant.

Lorsque la Duchesse sortie de la taverne, elle senti l’air humide. Cette odeur de pluie, reconnaissable parmi mille, bientôt, celle-ci s’abattrait sur la ville. La Malemort détestait ces nuits orageuses. Elle détestait le grondement du tonnerre, elle sursautait à chaque fois qu’il éclatait. Et c’est d’ailleurs souvent rempli de ses enfants que la nuit se terminait. L’habitude, depuis toujours, de rejoindre le lit maternel lorsque l’orage les réveille. La Duchesse n’avait jamais su refuser leur venue, se rassurant elle-même par leur présence près d’elle. Oubliant sa peur pour protéger ses enfants. Louve un jour, Louve toujours.
Bien heureusement, le chemin jusqu’à chez elle ne fut pas long. Suivant toujours le même chemin, celui des remparts. Cette fois, elle salua les maréchaux lorsqu’elle les croisa, un sourire de rigueur qui n’était pourtant que de façade sur son visage teinté de porcelaine depuis deux jours.
Arrivant chez elle, la Malemort retira immédiatement ses souliers. L’appartement était paisible, tout le monde semblait déjà dormir. Montant ainsi à l’étage, la mère qu’elle était vérifia que chacun de ses enfants dormaient profondément, réajusta les couvertures et couvrit chacun des fronts d’un baiser maternel. Une fois le petit tour terminé, la Duchesse rejoignit sa chambre, s’enfermant dans celle-ci. Prenant le temps, seule, d’ôter ses bijoux, dénouer ses cheveux pour enfin retirer ses vêtements et remettre une longue robe de nuit. Ses cheveux revenant sur son épaule, elle glissa ses doigts à l’intérieur, debout devant la fenêtre, regardant dehors, l’orage qui s’était enfin mit à gronder. Comme depuis toujours, elle comptait chaque espace entre l’éclair et le grondement. Remarquant alors que la tempête s’approchait d’elle, rapidement. Mais elle ne savait pas à quel point, encore…

C’est lorsque l’orage était à son plus fort, que des coups viennent retentir contre sa porte. Inhabituel et violant, en pleine nuit. La Malemort sursauta. Il lui fallut plusieurs pas pour traverser la chambre de la fenêtre à la porte pour l’ouvrir. A peine avait-elle tourné la poigné que la porte s’était ouverte en grand, laissant apparaître Kye, ou en tout cas son corps, qui rentra directement dans la chambre où elle se trouvait. Il est au milieu, elle toujours près de la porte, grande ouverte, et il hurle. La Duchesse écarquille les yeux, elle ne comprend pas, prise de panique de qui parle t-il ? Qui a-t-il ramené chez elle ?


Kye ! De qui parles-tu ? Qui arrive ?

Mais elle n’a pas le temps d’obtenir une réponse. Il saute déjà sur la porte, dans une rapidité extrême, et celle-ci se claque durement. Son dos posé contre celle-ci, la Malemort reste figée sur ses deux jambes. Elle ne comprend pas, elle ne réalise pas. Que se passe t-il ? Le tonnerre explose une nouvelle fois à l’extérieur de l’appartement, la Duchesse a tout juste le temps de le suivre du regard, tandis qu’il s’enfuit pour se cacher derrière un fauteuil à l’angle de la chambre. Il se tient alors comme un enfant, apeuré, paniqué et c’est bien ce qu’il est. Il semble lire un cahier, la Malemort l’a déjà vu, mais elle n’a jamais posé la question de savoir ce qui pouvait bien se trouver à l’intérieur. Il cri de nouveau, il est paniqué et paniquant.
La Courageuse réalise alors qu’elle a sous-estimé grandement son mal-être. Il ne s’agit pas seulement d’une simple peur, d’une perte d’appétit et de poids. Ses terreurs sont revenues, semblant encore plus vives, plus fortes qu’avant… Le voir dans cet état lui brise le cœur un peu plus. Elle se sent pourtant impuissante. Que doit-elle faire ? Peut-être devrait-elle réveiller Eli. Elle saurait peut-être le calmer, l’apaiser… A moins que…

Elisa s’approche doucement de lui. Pas à pas. L’un après l’autre, de plus en plus doux pour rejoindre l’homme caché derrière le fauteuil. Une fois à sa hauteur, elle vient s’accroupir, juste à côté de lui. Son bras vient tout doucement se loger autour du sien, sa tête vient tendrement se poser sur l’épaule du Noircastel. Elle respire si paisiblement comparé à lui, gardant son rythme pour tenter de le calmer par tous les moyens. Prenant soin d’avoir des gestes les plus doux possible également.


Je suis là, Kye. Je suis là. Juste toi et moi. Simplement nous deux et personne d’autre. Personne ne peut entrer. Personne ne peut te faire du mal. Il n’y a que toi et moi.

Ses yeux se posent alors sur le fameux cahier qui semble le rendre encore plus fou. Pourquoi dit-il que tout à disparu ? Elle observe la page ouverte, tout est bien là au fur et à mesure qu’il tourne les pages. Des portraits d’elle dessiné, son visage, parfois même son corps. Des rubans, bleu, signe de reconnaissance pour leur correspondance. Des souvenirs, heureux et d’autres plus tristes… Elle n’a pas le temps de tout lire. Mais chaque page est griffonnées de manière plus ou moins précise.
Ses doigts doucement viennent se poser sur la joue de Kye pour qu’il tourne la tête vers elle. Tentant d’agripper son regard avec ses onyx. Sa main libre vient rouvrir le carnet sur la page où le visage de la Malemort est dessiné.


Tout est là. Juste là, Kye. Regarde. Les traits que tu as dessinés, révélant mon visage de quelques années précédentes… Sans les traits de joie ou d’angoisse qui l’ont marqué aujourd’hui. Rien n’a disparu…

Sa main est resté posée sur sa joue. L’autre tient ouvert le petit carnet sur la page qu’elle lui a décrite. Elle tourne alors les pages, en sautant un bon nombre, pour lui montrer que tout est bien là. Que rien n’a disparu. Que tout est gravé sur papier, comme dans leur cœur, parmi les souvenirs.

Et là, regarde ! Te souviens-tu ? La naissance des jumeaux. Moi je m’en souviens comme si c’était hier. Tu t’es occupé de moi alors que tu n’avais aucune raison de le faire. Tu t’es démené pour me trouver un médecin. Et ton visage, je me souviens parfaitement l’angoisse qu’on pouvait y lire, car tu avais si peur. Mais tu avais oublié ce jour là que je suis « La Courageuse » et que rien ne peut m’arriver.

Elle tourne de nouveau quelques pages. Et tombe alors sur la fameuse nuit sur la plage de Montpellier. Il n’est pas l’heure pour ça. Ce souvenir encore si difficile et douloureux dans leur cœur. Elle tourne une dizaine de page. La Malemort veut s’éloigner le plus possible de ce souvenir. Ça ne l’aidera pas, ce soir.

Tes retrouvailles avec Eli. Et notre aménagement dans la maison de ton enfance à Montpellier. Cette petite maison que nous avons réaménagés ensemble pour lui permettre d’accueillir la totalité de notre famille. Louis n’était pas encore avec nous, et pourtant tu le désirais déjà tellement. Notre fils adoré, si parfait en tout point. Vous avez le même regard tous les deux…

Le carnet était venu rejoindre le sol, juste devant eux. Sa main rejoignit la sienne, leurs doigts s’entrelaçant, la Malemort laisse une légère pression se faire pour lui montrer qu’elle est là, qu’elle est bien là. La tempête était bien là, à l’intérieur et à l’extérieur de l’appartement, et malgré les apparences, la Duchesse était terrorisée….
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Kye
Kye n’avait pas remarqué qu’Elisa s’était déplacée jusqu’à lui. Il n’avait pas non plus remarqué qu’elle s’était accroupie à côté de lui. La seule chose qu’il remarqua, c’était le bras qui s’enroulait autour du sien, il sursauta au contacte. Un frisson le parcouru. Puis, une tête se posa contre son épaule. C’était la sienne, celle de La Duchesse, celle de Son Etoile, celle de la femme qu’il aimait toujours, celle d’Elisa. Alors, lorsqu’il la sentit aussi proche de lui, le frisson disparu.
Il fermait les yeux à chaque fois qu’elle parlait. Il voulait, il essayait de se concentrer sur sa voix. Parce qu’en cet instant, c’était la seule chose rassurante dans la pièce. Elle, elle voyait les lettres, les mots, elle pouvait les lire et le faisait, mais lui en était toujours incapable.


Le vieux loup sursautait toujours à chaque grondement. Il avait les yeux rougit par la fatigue et à la fois par la tristesse de tout voir disparaitre sous son regard. Il était incapable de se concentrer et donc, de faire appel à ses souvenirs. Pour lui, c’était ce qu’il avait toujours craint et c’était pour ça qu’il avait écrit ce carnet. Pour se souvenir. Se souvenir de tout. Des mauvais, mais aussi surtout des bons moments. De détails insignifiants pour d’autres, mais des plus importants pour lui. Et surtout, pour ne jamais oublier le visage d’Elisa. Il était vieux, il le savait, il savait aussi que la mémoire n’était pas parfaite et qu’il finirait par oublier, il pensait que cela arriverait dans longtemps, pas ce soir.


Kye avait légèrement penché la tête pour la poser sur celle d’Elisa. Sa respiration avait fini par se calmer, elle était calquée sur celle de la Malemort. Ils inspiraient et expiraient en même temps. Cependant, si le Noircastel semblait se calmer à mesure que le temps s’écoulait, à mesure qu’Elisa lui parlait, à mesure qu’elle restait à côté de lui, intérieurement rien ne semblait ne s’améliorer.
Il prit le journal à son tour et tourna les pages plus doucement que tout à l’heure, parfois par dizaine, parfois une à une. Pour lui il n’y avait toujours rien, pour lui, il n’y avait plus rien.


- Je ne vois plus rien…tout à disparu…Là, il devait y avoir des choses, je le sais…J’en suis sûr… il avait fini par remonter les pages jusqu’au début, celles où il explique à quel point il trouve cette idée idiote, celles où il explique à quel point c’est nécessaire finalement. Je sais qu’il y a quelque chose…là…normalement…mais je n’arrive même plus à me souvenir... ! Elisa, tout s’efface… !


Face à cet état de fait, il était submergé par la tristesse. Non, il n’avait pas envie. Non, il n’avait pas envie d’oublier. Non, il n’avait pas envie de l’oublier, pas elle, surtout pas. Devant ses yeux, commençait à s’épaissir un voile blanc, il releva la tête et la tourna vers la brune.
A son tour, elle disparaissait devant ses yeux. Du moins, c’est ce qu’il croyait, c’est ce qu’il voyait. Il l’a pris dans ses bras et la serra contre lui. Il ferma les yeux aussi forts qu’il pouvait pour ne pas voir cette infamie et malgré cela, rien n’empêcha les larmes de couler.



- Non ! Tu disparais aussi ! Tu ne peux pas disparaitre, t’as pas le droit ! En pleine possession de ses moyens, il n’aurait jamais dit ça. D’ailleurs, il ne l’aurait pas tutoyé. Mais là, c’était différent, il n’était pas en état de respecter les politesses, il n’était pas en état non plus de respecter les règles de bienséance. Non, restes…je ne peux vivre sans toi…


Il la gardait toujours contre lui. Il avait peur d’ouvrir à nouveau les yeux et de voir qu’elle était bien partie. Il était partagé par une profonde tristesse, mais aussi par un puissant sentiment de culpabilité. Il avait aussi le sentiment qu’il pouvait vivre encore tant de chose avec cette femme. Et ça, il le voulait plus que tout.
Il se sentait coupable d’agir de la sorte. Il voulait se retenir encore, mais il ne pouvait pas. Il voulait reprendre le contrôle sur son corps, mais il n’y arrivait pas. Il voulait reprendre le contrôle sur son esprit, mais il n’y arrivait pas non plus. Il n’avait plus aucun contrôle, il était comme un animal, il agissait à l’instinct.


Instinctivement, lorsque son esprit lâcha, il était parti retrouver ce qui le rassurait le plus : Elisa. Mais la voir disparaitre ainsi sous ses yeux, finit de l’achever. Cela le renvoyait à ce qu’il avait toujours craint, cela le renvoyait à son enfance. A cette nuit, où sa famille avait succombé dans les flammes du château. A cette nuit, où impuissant, il avait assisté à la disparition de sa famille. Et cette nuit, il se sentait à nouveau impuissant, tout disparaissait et il ne semblait rien pouvoir empêcher.

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Elisa.malemort
    «Si tu peux, dès que ton combat est fini, renvoie moi mon cœur que je puisse respirer. »
        La Mome



Tendresse. Parfois, il n’en faut pas plus. Les bras de la Malemort étaient venus entourer le frêle corps du Noircastel qui sursautait encore à chaque coup de tonnerre dans le ciel. Tendrement, elle le berçait dans ses bras, elle murmurait tout contre son oreille pour masquer le bruit de l’orage et qu’il n’entende que ses mots, que sa voix, qu’elle. Elle se voulait rassurante, elle tentait de lui rappeler un par un, les souvenirs qu’ils avaient vécu ensemble, les souvenirs heureux, les premiers cours de harpe de Emelyne, les promenades à cheval avec Emery, la naissance des jumeaux, les premiers pas de Louis, tous les réveils avec les enfants dans leur lit.

Les doigts du Noircastel viennent récupérer le carnet qui avait été mit de côté, Comment réussir à le rassurer alors qu’il ne voit plus ? Mais a-t-il vraiment besoin de voir ? A-t-il besoin de ce cahier pour ce souvenir ?


Ce cahier. Tu n’en as pas besoin. Souviens toi, cherche dans ta mémoire et tu verras que tout est là. Rien ne s’efface Kye, sauf quand on le décide. Et ni toi, ni moi ne voulons oublier ce que nous avons vécu ces dernières années.

Les bras de Kye viennent entourer son corps, et des larmes se mirent à ruisseler le long de ses joues. Délicatement, les lèvres de la Malemort viennent embrasser les joues pour essuyer les larmes qu’elle ne veut pas voir, qui lui font si mal. Ses doigts viennent se plonger dans les cheveux de son Vieux. Ses mots font mal à attendre, sa vision fait mal aussi. Que lui est-il arrivé en Berry pour qu’il soit ainsi ?

Je suis là, Kye, je suis là, et j’ai toujours été là. Peut-être suis-je partie du Berry, mais un mot de toi et je serais resté, un geste aurait suffit a me retenir, une lettre aurait suffit à me faire revenir.

Les mots avaient été durs à dire, et pourtant tellement facile à penser. Depuis son retour, le cœur de la Malemort était déchiré. Devait-elle succomber ? Ou bien devait-elle continuer à tourner la page pour avancer dans sa nouvelle vie ?
Aujourd’hui, la Malemort était incapable de le dire, il lui faudrait du temps. Du temps pour voir si leur relation pouvait grandir. Du temps pour voir si le cœur pouvait oublier.
La soirée serait longue, la nuit serait difficile. La Duchesse avait aidé Kye à rejoindre son lit, elle lui avait enlevé ses bottes, sa veste, il s’était allongé, et durant toute la nuit, la Malemort l’avait veillé. Elle avait caressé sa joue, glissant sa main dans ses cheveux, couvert son corps lorsqu’il avait froid, retiré la couverture lorsqu’il avait chaud. Le matin s’était levé, et la Malemort était resté. Elle s’était endormie assise au sol, la tête posé sur le matelas où il dormait, puis elle s’était réveillée et elle avait recommencé a caresser son visage. La journée était passée, et une nouvelle nuit était revenue. Kye dormait toujours. Il ne s’était pas réveillé une seule fois, son corps semblait si paisible. Chaque enfant était venu embrasser la joue du Noircastel endormit, Louis, lui s’était même allongé tout contre le corps de son père et avait posé une main sur sa joue.


- Maman, il a bobo papa ?
- Non mon chéri, il est juste très fatigué alors on le laisse faire dodo.
- Mais moi je veux jouer avec lui.
- Je suis sûre qu’il jouera avec toi dès qu’il sera réveillé mon ange. Tu sais, c’est comme toi quand tu es fatigué, tu fais dodo et après tu vas mieux. Papa ira bientôt mieux.
- Il me manque mon papa.
- Tu lui manques aussi beaucoup. Maintenant, il faut que tu ailles faire dodo toi aussi et demain, on avisera d’accord.

Elisa était venu embrasser le front de son fils. Elle avait quitté la chambre l’espace d’un instant afin de coucher tous ses enfants. Puis, après avoir vérifié qu’ils étaient tous endormi, elle retourna dans sa chambre pour veiller de nouveau sur Kye.
C’est seulement le lendemain matin, en même temps que le soleil, que le Noircastel se réveilla. Elisa s’était quant à elle de nouveau endormie assise au sol et la tête posée sur le lit. Lorsqu’elle le sentit bouger, la Duchesse s’était réveillé. Elle comprit rapidement qu’il ne se souvenait de rien. Aucune de ses craintes, aucune de ses angoisses, aucun souvenir, pas même les mots qu’elle avait eu envers lui. Eternel recommencement. A croire qu’ils n’y arriveraient jamais.
Louis a peine réveillé avait rejoint la chambre de sa mère, et lorsqu’il aperçu son père réveillé, il sauta sur le lit pour rejoindre ses bras. La Malemort observa la scène père-fils, attendrit de la situation.

La journée passa, Elisa avait prit le temps d’expliquer à Kye tout ce qu’il s’était passé. Le moindre détail des angoisses de Kye… Seuls les mots qu’elle avait prononcé et qui étaient sorti de son cœur avaient été évincé. Coïncidence ? Certainement…

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Kye
Voilà quelques semaines maintenant que la Malemort et le Noircastel vivaient à nouveau une histoire à deux. On aurait pu dire que les choses avaient repris le cours normal de leur histoire, mais non. Tout était clairement différent. Tout était plus intense. Tout était plus fort.
Tout aurait pu être parfait, sauf que depuis la veille, il y avait un petit nuage à l’horizon. Ça avait commencé par un léger malaise en se levant d’une chaise. Elisa avait perdu l’équilibre et le vieux loup était venu la soutenir. L’origine de ce malaise était pour le moment inconnue, mais voilà, un voyage était prévu le lendemain et bien entendu Kye s’inquiéta. Tout aurait pu s’arrêter là, si le lendemain, un autre malaise n’avait pas eu lieu.
Celui-ci était plus violent que le précédent. La brune s'était levée pour aller chercher une boite de madeleines en cuisine et alors qu'elle était en équilibre sur la pointe des pieds pour atteindre le sésame, un nouveau malaise eu lieu. La boite tomba. Elisa se rattrapa de justesse au meuble et Kye arriva précipitamment pour la rattraper, alerté par le bruit de la boite tombée sur le sol. Mais cette fois-ci, elle perdit connaissance, pas longtemps, mais assez pour qu'il s'inquiète plus que de raison.

La décision avait été prise, le voyage était repoussé. Du moins, en attendant de connaitre l’avis d’un médicastre qui viendrait le soir même. Protestation de la part de la Malemort. Mais rien n’y faisait, le Noircastel était catégorique. Inutile de marchander. Inutile de tenter de le soudoyer avec des caresses et des baisers. Il s’inquiétait de son état de santé, autant qu’il l’aimait et lui demander d’arrêter de s’en faire pour elle, cela revenait à lui demander de cesser de l’aimer. Bref, impossible donc.

Ils avaient quitté la taverne d'Ehmée, afin de rejoindre leur maison. Elisa avait pris le temps de faire envoyer un de ses valets auprès de la Comtesse du Maine avec une missive à son attention. A l'intérieur du petit pli était inscrite une demande pour venir la visiter suite à divers malaises en somme pas très inquiétant, mais Kye étant sur-protecteur et inquiet de nature, elle n'avait pas eu d'autres choix.
En attendant l’arrivée du médecin, Elisa s’était allongée dans sa chambre, Kye était venu se mettre à son chevet. La Duchesse en avait profité pour se reposer, fermant les yeux afin de calmer les maux de tête qu’elle avait depuis plusieurs jours maintenant. Et pourtant elle n’était pas inquiète, la jeune femme ayant mis cette fatigue et ces maux sur le compte de sa nouvelle vie bien remplie. Une activité d’ambassadrice, de Vice Chancelière et depuis peu de prévôt, la Malemort n’avait pas de quoi s’ennuyer.
N'ayant pas d'autres choix, elle resta donc allongée, ses doigts entrelacés à ceux de Kye, son regard rivé dans le sien, elle lui souriait. Un sourire pour dévoiler son bonheur d'être ainsi près de lui, sa joie de partager des moments avec lui, mais surtout l'envie de lui montrer qu'elle allait parfaitement bien.

Le vieux loup lui lâcha un sourire en coin en même temps qu'il penchait la tête sur le côté en la regardant. Ces petits gestes étaient accompagnés d'une simple expiration du nez plus importante que les autres. Dans son regard, transpirait tout l'amour qu'il éprouvait pour elle et comme si ce regard ne suffisait pas, il ajouta quelques mots :



- Même malade, tu trouves encore le moyen d’être belle…

- Je ne suis pas malade.

- On verra ce que dira le médicastre.

- C’est tout vu. Tu fais déplacer Constance pour rien, elle a d’autres choses à faire et puis avec sa grossesse en plus… Tout ça alors que je vais parfaitement bien.


Il lève les yeux au ciel


- Mouais. Tu ne vas pas me dire que tes malaises sont normaux, non ?

- Je ne suis juste plus habituée à tout ce travail, mon corps doit juste reprendre le rythme.

- Et bien si ce n'est que ça, nous repousserons le voyage, le temps que tu te reposes.

- Hors de question je te l’ai dit, et n’oublie pas ta promesse !

- De toute façon, tu n'es pas en position de discuter.

- Tu veux parier ?


La Malemort se redresse alors, assise sur le lit pour être légèrement plus haute que lui, son regard rivé contre le sien, légèrement provocatrice.


- Faut-il que j’appelle Eli ?


Et il répondit à la provocation avec une légère esquisse de sourire. Echec et mat Malemort ?


- C’est petit et faible. Tu as peur de ne pas y arriver par toi-même que tu demandes l’aide d’Eli ?


Ses lèvres s’étirent dans un fin sourire à son intention, toujours remplie de provocation, elle tente de le pousser dans ses retranchements. Elle s’amuse.


- Oh mais je peux très bien me passer d’elle. Mes idées vont de t’enfermer dans cette chambre à t’attacher au lit…Certaines sont plus inconvenantes que d’autres, je l’admets, mais c’est aussi ce qui les rend intéressantes…

- Dommage que tu m’ais obligé à faire venir Constance, tes idées sont très très intéressantes.


Les doigts de la Malemort étaient venus caresser la joue du vieux Loup. Son visage s'approchant tout doucement de lui pour venir sceller leurs lèvres. Un baiser passionné rempli de promesses pour la suite. La main de la Duchesse vient se glisser de la joue à la nuque, remontant dans ses cheveux qu'elle caresse. Quand tout à coup, on tape à la porte. Ils ne réagissent pas, ils sont dans leur bulle, les lèvres se répondant toujours à l'unisson. Jusqu'à ce qu'on tape de nouveau à la porte. L'étreinte se brise, la Noircastel vient délicatement repousser les épaules de la Malemort pour qu'elle s'allonge, ce qu'elle fait, sans rechigner.


- Entrez !


La porte s'ouvre sur un valet annonçant la venue de Constance. La Malemort hoche la tête pour qu'il la fasse entrer. Elle s'apprête à se lever pour l'accueillir, mais Kye la retient d'un geste délicat de la main. La Duchesse marmonne. La Comtesse du Maine fait son entrée dans la chambre, Kye est gentiment remercié, un baiser déposé sur ses lèvres avant qu'il ne quitte la pièce, laissant la Malemort avec le médecin, sa belle-sœur. Les premières minutes sont échangées entre amies, parlant de la grossesse de Constance, de Foulques, du Maine, de leur vie, de Kye… Et puis, la consultation commence…

Une fois sorti de la chambre, une longue attente allait commencer pour le Noircastel. Il était hors de question qu’il attende sagement dans une autre pièce et là, il était aussi impossible pour lui de se concentrer sur autre chose.
D’abord, il essayait de coller son oreille à la porte, pour essayer d’entendre ce qui se disait. Mais à part quelques rires, à peine perceptible, il ne pouvait rien entendre de ce qui se disait régulièrement. Tout au plus, il devinait que la consultation n’avait pas encore réellement commencé. Elles devaient parler de tout et de rien, après tout elles étaient de la même famille maintenant. La seule chose que Kye espérait, c’était que Constance n’ait pas apporté avec elle les soucis du travail.
Il s'installa ensuite sur le sol du couloir. Regardant en face de lui pendant quelques minutes, mais le temps ne passait pas plus vite. Il leva les yeux vers le plafond, observant les planches de bois qui le composaient. Intéressantes. Il se mit à les compter de gauche à droite, de haut en bas, en diagonale, dans l'ordre, dans le désordre. Il essaya de les regrouper par nuance de marron et puis finalement, il en avait marre alors il se releva. C'était l'heure pour un nouveau jeu.
Il fit un pas en avant, enjambant une planche au complet dans le sens de la longueur. Il retourna à son point de départ. Nouveau défi, deux planches. Une grande enjambée suffisait cette fois. Bref, on recommence, cette fois-ci trois ! Un petit saut, rien de bien méchant. Quatre ? Facile ! Cinq ? Bon ok, ça se complique, ça passe limite. Six ? Malgré plusieurs essaies, il en était incapable.
Maintenant, il traversait le couloir en longueur, en mettant ses pieds dans chaque planche. Le but était simple, ne pas mordre sur l’autre. Oui, Kye s’ennuyait là et il ne savait pas comment passer le temps. Heureusement pour lui, intérieurement, il était resté un enfant, alors il s’occupait comme un enfant, surtout qu’à cette heure-ci tous les autres dormaient déjà, donc il ne pouvait pas aller les voir et jouer avec eux.

Dans la chambre, elles, s’échangeaient questions et réponses. Les doigts de Constance glissaient sur son ventre, vérifiés ses yeux, regardaient l’intérieur de sa bouche. Mais surtout ses oreilles l’écoutaient. La Malemort lui avoua que depuis quelques jours des douleurs à la tête ne la quittaient pas. Que parfois, sa vision se troublait ressentant des vertiges, et que cet après-midi, elle en avait perdu connaissance durant quelques secondes seulement. Et puis, finalement, il ne fallut qu’une seule question pour expliquer son mal-être. Ses lunes. Bien entendu que la Malemort était en retard, mais elle n’y avait pas prêté attention, elle avait profité de Kye, chaque jours, elle avait donné beaucoup de temps pour ses nouveaux travaux, elle avait aussi passé du temps avec le Chancelier de Bourgogne durant sa visite en Maine. Son esprit était resté ailleurs, elle n’avait pas compté, elle n’avait pas prêté attention à cela. Le verdict de Constance fut sans appel. Elle portait la vie. Et d’ici quelques mois, un nouveau-né viendrait agrandir la famille Malemort-Noircastel.

Il fallut quelques secondes à la Malemort pour réaliser ce qui l’arrivait. Seulement quelques semaines qu’elle avait retrouvé Kye, seulement quelques semaines et déjà une nouvelle aventure arrivait. Elle n’avait pas pensé à cela, elle n’avait même pas imaginé pouvoir de nouveau devenir maman. Louis avait désormais 5 ans, très bientôt 6, il avait bien grandit et bientôt il deviendrait le grand frère alors que jusque-là, il était le petit dernier de cette grande fratrie. Elle était heureuse, oui bien entendu qu’elle était, qui ne pouvait pas l’être lorsqu’on lui annonçait la future naissance d’un enfant ?

Elle remercia Constance, bien entendu, elle lui annonça qu’il n’y avait aucune contre-indication à voyager, mais que la Malemort devrait désormais se ménager pour limiter les malaises. Elisa embrassa sa joue, elle se leva de son lit pour la raccompagner jusqu’à la porte. Les deux Malemort retrouvèrent alors un Kye bien occupé



- Merci Constance, à tout à l’heure, nous passerons vous récupérer, toi et Foulques, chez vous pour le départ.


Kye s’était stoppé. Constance s’en était allé. La Malemort était toujours debout dans l’encadrement de la porte, ses yeux noirs rivés sur cet homme qui remplissait sa vie de bonheur. Son bras se dresse en sa direction pour venir attraper sa main, l’entraînant avec elle dans la chambre, refermant la porte derrière eux, afin de leur faire retrouver une intimité primordiale pour la suite. Elle vient plaquer son corps contre le sien, sa main glisse sur son torse. Doit-elle lui dire ? Doit-elle lui annoncer qu’elle porte la vie ?


- J’ai eu l’accord de Constance pour voyager, je n’ai rien de grave, je dois juste me ménager.

- Te ménager implique-t-il l'interdiction de voyager ? Et puis, pourquoi te ménager ?

- Non pas du tout. Si je me ménage cela évitera les malaises. Je vais donc travailler un petit peu moins et ça ira mieux.

- Moins de travail, plus de promenades !


L'idée le fit sourire grandement.


- Des promenades reposantes, oui.

- Et donc la raison de tes malaises est une surchage de travail ?

- Et bien, il semblerait qu’un petit habitant se soit logé en moi et qu’il viendra agrandir notre famille d’ici quelques mois…


Le vieux loup prit quelques secondes pour bien saisir chacun des mots que la Malemort venait de prononcer. Elle était enceinte. Un grand sourire se dessina sur ses lèvres, il recula son torse d’elle, pour mieux la regarder, à cet instant le regard de Kye scintillait de mille feux. Heureux ? Il était bien plus que ça.
Il passa ses bras autour d’elle, puis la serra contre lui, plongeant son visage dans son cou.



- Tu…tu es enceinte ?!


Il lui baisa le cou, remontant jusqu’aux lèvres pour y déposer plusieurs baisers.


-Mais c’est génial !


Et naturellement, il glissa une de ses mains sur le ventre d’Elisa, le regardant par la même occasion en se mordant légèrement la lèvre inférieure. Il n’y avait rien à sentir, le ventre n’avait pas grossi. Mais bientôt, il prendrait forme. Mais bientôt, il aurait le plaisir de sentir à nouveau la vie dans le ventre de la femme qu’il aimait.

La main de la Malemort vient se poser sur la sienne. Elle n’avait pas vraiment eu le temps de s’imaginer une réaction, elle n’avait pas vraiment eu le temps de préparer son annonce, et pourtant, il semblait si heureux à cet instant, ce qui fit sourire la Malemort. Elle répondait à ses baisers, ses lèvres embrassant les siennes passionnément.



- Je ne suis pas malade… Nous allons avoir un nouvel enfant…

- Oui…un magnifique enfant…


Ils avaient eu le bonheur de se retrouver, le bonheur de s’aimer à nouveau et plus qu’avant et maintenant, ils avaient le bonheur d’être à nouveau des parents. La vie ne pouvait être plus souriante pour le couple Malemort-Noircastel.

Rp écrit à quatre mains avec JD Elisa, en espérant que vous trouviez autant de plaisir à le lire que nous à l'écrire.

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Elisa.malemort
Et si c’était ce soir ?
Le couple avait passé un peu de temps en taverne, d’abord, puis finalement rejoint par des voyageurs, ce qui n’était pas pour déplaire, après plusieurs jours passé à Mayenne, les tavernes étaient désespéramment vides. Finalement, ils avaient rejoint la petite auberge qui les avaient accueillit durant tout leur séjour, afin d’y prendre leur dernier dîner.
La petite famille avait décidé de rentrer à Le Mans le soir même. Retour à leur quotidien mais surtout retour dans la demeure familiale, car désormais, il faudrait l’appeler ainsi.
Durant leur voyage, les ouvriers avaient normalement cassés le mur séparant leur deux demeure afin d’en faire plus qu’une. Une nouvelle étape.
Le dîner était terminé, la voiture était remplie de la famille et des malles. La route était prise. Direction Le Mans.

La Malemort avait posé sa tête sur l’épaule du Noircastel, Louis s’était niché dans les bras de sa mère où il s’était rapidement endormi. Ehmée et Emery dormaient tous les deux l’un contre l’autre sur la banquette face à leur parent. Elisa les regardait, elle souriait. Elle repensait à cette nouvelle vie en Maine, tous ensemble, combien elle était heureuse, avec eux, avec Lui. Elle se sentait entière, complète, pleine de vide, de joie.
C’est alors, que sans bouger sa tête de l’épaule de son bien aimé, elle ouvrit la bouche pour prendre la parole afin de s’assurer qu’il ne s’était pas endormi lui aussi, comme les enfants..


- Kye ?
- Hmmm…?

La réponse-question était celle d’un homme sur le point de s’endormir complètement. Il était parfaitement installé, callé dans un coin de la banquette, il avait un bras autour d’Elisa, les doigts atteignant presque le ventre de la Malemort, l’autre main était posé sur la tête de leur fils qui dormait dans les bras maternels. Il avait posé sa tête sur celle de la Malemort, profitant du doux parfum qui s’émanait de la noire crinière.
Alors, quand elle l’interpella, il releva la tête soudainement. Trahissant légèrement son sommeil, qu’un raclement de gorge fini d’achever.


- Oui mon amour ?

La Malemort releva à son tour à la tête, et lorsqu’elle reconnu son visage endormi, elle se mit à sourire. Elle ne pourrait jamais se lasser de le voir ainsi, elle ne pourrait jamais se lasser de passer un réveil loin de lui, un matin à ouvrir ses yeux pour voir son visage. Sa main vient délicatement se poser sur sa joue pour la caresser du bout des doigts. Ses onyx dans les azurs, elle était folle amoureuse de lui. Mais il n’était pas question de lui dire, en tout cas, pas tout de suite.

- Pardonne moi, je ne voulais pas te réveiller. Dors, ça peut attendre.

Car oui, tout peu attendre, après huit années de vit commune, ils n’étaient pas à une nuit près après tout. Elle pourrait attendre toute la vie, elle pourrait attendre une seconde, une minute, autant qu’il faudrait tant que cela était pour toujours près de lui.

Il retira sa main de la tête de Louis pour se frotter un œil avant de la renvoyer sur celle de la Malemort, qui était au niveau de la petite tête brune.

- Mais je ne dormais pas… lâcha-t-il avec un léger sourire, elle avait attisé sa curiosité, alors maintenant il était difficile pour lui d’attendre la suite.

- Mouais.

Elle lui sourit, se penchant vers lui pour venir pour venir cueillir ses lèvres et les embrasser tendrement. Il avait ce goût si particulier lorsqu’il se réveillait, un goût d’y reviens-y, alors la Malemort serra de nouveau ses lèvres au sien pour prolonger le baiser. Ses doigts viennent s’entremêler aux siens, ses lèvres continuent d’embrasser les siens jusqu’à se décoller dans un premier temps légèrement, puis finalement entièrement pour reposer sa tête sur son épaule.

- Hum… Tu sais, je suis heureuse que les maçons se soient occupés de ce mur inutile pendant notre absence… Tout à l’heure, tu disais nous faire don de ta liberté, aux enfants et à moi… Mais tu sais, ma liberté, elle n’existe que dans tes bras… Je n’ai jamais été aussi heureuse, et comblée. J’ai la sensation que notre histoire, pourtant vieille de huit ans, a trouvé son équilibre, celui que nous avions tant cherché. Je n’imagine aucun réveil sans toi, aucun avenir sans toi… Kye…

La tête vient se redresser, tout doucement, la Malemort vient allonger Louis de l’autre côté de la banquette, se libérant entièrement. Elle plonge sa main dans sa besace, afin d’en ressortir l’anneau qu’elle avait offert à Kye il y a longtemps déjà. Ce même anneau qu’il lui avait rendu à leurs retrouvailles il y a plusieurs semaines maintenant. L’anneau de leurs fiançailles. Elisa le regarde, droit dans les yeux, l’anneau toujours posé au creux de sa main.

- Cette fois… hum… Cette fois, je voudrais que cet anneau soit un symbole. Une promesse vers l’infini. « C’est la preuve de la confiance entre deux êtres qui est le fondement même de l’amour. C’est un effort de volonté pour oublier et s’affranchir des peines du passé. C’est un serment qui lie deux âmes à l’exclusion de toute autre. C’est le symbole d’un risque assumé et la reconnaissance des défis à venir. Car à deux on est toujours plus fort, comme un équipage soudé pour surmonter les tempêtes du destin. » *

Sa main tremble, son corps tout entier tremble, personne ne saura dire si cela vient du froid de cette nuit d’automne, ou bien à cause des mots qu’elle vient d’avoir pour lui, un cœur mis à nu, entièrement offert. Il peut l’accepter, l’accueillir en son sein pour le restant de sa vie, ou bien le briser à tout jamais.
Le sort entre ses mains, alors Kye… Prendras-tu la bonne décision ?


- L’acceptes-tu ?

Et là, tout s’accélère pour le Noircastel. Le cœur se met à battre plus vite, il a soudainement plus chaud. Pendant un instant, il se demande si tout cela est bien réel. Est-ce un rêve ? Si c’est le cas, alors c’est le plus beau des rêves qu’il n’ait jamais fait. Là, il a envie de se lever dans la voiture, de passer le haut de son corps par la fenêtre et de crier toute sa joie et tout son bonheur face à cette situation.
Mais non, il ne le fait pas. Au lieu de faire tout cela, il se contente d’un sourire grandissant. De serrer un peu plus Elisa contre lui. Ses lèvres le brûlent, il ne tient plus, le Noircastel les plaque contre celles de la Malemort.
On dit que les baisers font savoir ce qu’on ne dit pas. Sait-elle en cet instant à quel point elle vient de le rendre heureux ? Sait-elle en cet instant à quel point il l’aime ? Sait-elle en cet instant qu’il ne veut qu’elle et uniquement elle ? Pour aujourd’hui et le restant de sa vie ? Pour celle-ci et les suivantes ?
Ce baiser est un savant mélange. Il est parfait. Il arrive à parfaitement conjuguer la douceur, la fougue, la passion, la tendresse, l’amour. Il est brûlant, il réchauffe les corps et les âmes. Il est de ces baisers qui plus ils durent, plus on en redemande, encore et encore.
Et puis, parce qu’il faut bien une réponse à un moment, même si la réaction du Noircastel est sans équivoque :


- Oui, Elisa, oui. Oui et mille fois oui…

Elle s’était imaginée le parfait moment, la parfaite soirée, la parfaite demande… Mais finalement, il ne suffisait que de lui, et de son oui. De ses oui à n’en plus finir. De ses lèvres a en user les siennes. De ses mains pour caresser sa joue. De son corps pour réchauffer le sien. Il n’avait suffit que de lui, et la sincérité de ce moment. Le cœur tambourinait dans la poitrine de la Malemort, il aurait voulu se sauver, rejoindre sa moitié de l’autre côté du corps. A défaut, les lèvres, se rejoignirent encore et encore. Les bouches s’embrassaient jusqu’à n’avoir plus de souffle. Pour finalement, se délaisser, juste un instant. Juste le temps pour la Malemort de venir glisser l’anneau à l’annulaire du Noircastel. Unis, pour l’infini.
Les lèvres viennent se glisser contre l’oreille, afin d’y murmurer quelques mots. Des mots pourtant si faibles par rapport à l’étendu des sentiments qu’elle éprouve pour lui.


- Je t’aime.

En ce neuf octobre mil quatre cent soixante quatre, ils venaient de se promettre l’infini. Ils venaient de se promettre de ne plus jamais se quitter et de bientôt ne faire qu’un. La liberté de l’un, dans les bras de l’autre avec une réciprocité parfaite et cet amour pur et indestructible.
Le voyage vers Le Mans fut court et long à la fois. La Malemort avait eu du mal à s’endormir, ses doigts venaient faire rouler l’anneau autour du doigt du Noircastel, jusqu’à finalement sombrer elle aussi dans les bras de Morphée. Pour la première fois de sa vie, elle avait décidé elle-même de son avenir et de son union avec un homme. Pour la première fois de sa vie, elle allait épouser un homme par son propre choix. Et cette décision la rendait légère, terriblement légère.
Les mains entrelacées, posées sur le ventre qui n’avait pas encore commencé à s’arrondir, ils s’étaient tous les deux endormis rêvant de cette fameuse promesse vers l’infini…





*Dante


RP écrit à 4 mains avec Jd Kye.

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Elisa.malemort
    «Cesse de te vouloir autrement que tu n'es. Tes misères, tes peurs, tes défauts sont périssables. Ne leur accorde pas plus d'importance qu'aux nuages qui passent. Ils ne sont rien d'autre que cela. Des nuages. Ne cherche pas la perfection. Qui cherche la perfection se condamne à l'angoisse et à la culpabilité perpétuelles. Défais-toi de ton passé, fils, et de ces sortes d'émotions qui troublent la vue juste. Seigneur! Si je pouvais te déshabiller de tout ce qui t’encombres, comme tu serais beau! Mais je ne peux pas, je ne suis pas le vent. Lui seul sait disperser les brouillards.»
        Henri Gougaud



Il y a des mots qui font mal, dont leur sens est aussi douloureux que la lame d’une dague glissant contre la peau pour l’ouvrir. La seule différence, c’est que la blessure finie toujours par cicatriser et s’effacer avec le temps… Alors que les mots ne s’effacent jamais. Ils peuvent être enfouie, mais un jour où l’autre, ils refont toujours surface en même temps que la douleur. Souvent même, la douleur s’est mêlée à la rancune pour faire doublement plus mal. Les mots ont une profondeur difficile à mesurer lorsqu’ils sont prononcés. La vraie valeur ne fait surface que plus tard… Et souvent trop tard.
L’annonce était devenue officielle, la veille. Elisa l’avait lue, relue, et rerelue encore et encore. Elle s’était promise, à elle-même, de ne rien dire. Elle voulait le laisser vivre cette aventure qu’il avait longtemps espérée et pour laquelle il avait longuement travaillé. Qui était-elle pour lui demander de rester ? Lui demander d’abandonner pour elle et pour leur famille ce qu’il avait espéré ? Ça n’était pas possible, ça n’aurait pas été elle.

Bien sur qu’elle mourrait d’envie de ne pas le voir partir. De pouvoir continuer à poursuivre cette vie aimée et construite en Maine. Mais une promesse était une promesse, elle se devait de la tenir. Alors, même lorsqu’il lui avait dit ces mots si durs à entendre, elle ne lui avait pas répondu. Elle avait préféré quitter la taverne, prétextant du travail pour ne rien regretter des mots qu’elle aurait pu lui dire.
Durant le trajet, elle avait retenue ses larmes qui étaient montées quelques instants plus tôt. Malgré le froid de la nuit, cela ne fit pas disparaître sa douleur. Elle avait rejoint le château comtal, et plus précisément son bureau de Prévost. S’enfermant d’abord pour tenter de reprendre ses esprits, mais rien n’y faisait, elle n’arrivait pas à se calmer, ses mains tremblaient et sa tête tapait fortement.
La Duchesse s’était donc assise derrière son bureau pour lire et relire les rapports de ses maréchaux. Observant attentivement la liste des villageois de chacune des villes du Maine. Mais, à chaque fois que ses onyx se posaient sur « Kye de Noircastel » sont corps tout entier tressaillait. Elle fini par froisser le parchemin qu’elle tenait dans sa main.

La Malemort était fatiguée, bien trop fatiguée ce soir. La douleur revenait, sa faiblesse également, alors elle décida de rentrer. Elle rêvait d’un bain chaud, et de la tendresse maternelle de Eli pour s’occuper d’elle. Alors, elle se leva, et rejoignit sa voiture qui attendait devant le château. En entrant avec l’aide d’un domestique, sa main posée sur son ventre arrondi décidément bien trop dur ces derniers jours, elle s’adressa au cochet.


Bonsoir Hugo. Directement chez moi s’il vous plait.

Le cochet acquiesça, la porte se ferma et la route était prise. La Malemort avait ouvert le rideau afin d’observer l’extérieur de la voiture. La nuit était tombée, et il n’y avait pas grand-chose à voir. Et pourtant ses yeux étaient rivés sur l’extérieur. Son ventre lui tirait, sa tête tapait de plus en plus. Les secousses de la route n’aidaient à rendre le trajet confortable. Finalement, Elisa serra le tissu du rideau qui se trouvait là avant de crier depuis l’intérieur de la voiture.

Hugo, stop ! stop !

La voiture s’arrête alors brutalement. Hugo descend de celle-ci, épée en main et ouvre la portière assez violemment une fois de plus. La Malemort, elle, tient toujours le rideau entre ses doigts. Son visage semble être tordu de douleur, ses yeux pleurent ce mal qui la déchire de l’intérieur.

- Duchesse que se passe t-il ? Qui vous a fait du mal ? Duchesse ?
- Je veux… Eli… Kye….
- Tenez bon Duchesse !

Le corps tendu, une main sur le rideau, l’autre agrippant son ventre douloureux, le visage tordu de douleur. Hugo était assez intelligent pour comprendre, et en prime, le faire rapidement. La porte se claque de nouveau violemment, l’épée est rangée, le cochet est remonté et les chevaux à pleine puissance, crissement de pneu, la voiture redémarre. Il ne fallut finalement pas longtemps pour Hugo à ramener la voiture jusqu’à la demeure familiale. Et pourtant, Elisa, elle, eut l’impression qu’une éternité venait de se dérouler. Elle se trouvait dans une boite aussi horrible que l’enfer, où chaque trou de la route avait accentué une douleur difficilement supportable déjà. Son teint au naturel déjà blanc, l’était devenu d’autant plus, proche du cadavérique. Toute la fatigue de son corps et de son esprit se lisait sur son visage. La porte de la voiture s’ouvre de nouveau.

Doucement, le corps d’Elisa vient se glisser dans les bras d’Hugo. Sécurisant, vaillant, le corps semble si léger. Il la porte jusqu’à l’intérieur de la demeure, appelant Eli de toute sa voix grave et inquiète.


-Eli ! Eli ! C’est la Duchesse !

Il n’avait pas besoin d’expliquer plus. Le ton de sa voix, ses cris, et désormais la vue de la Duchesse inanimée dans ses bras laissaient comprendre toute la scène. Toutes les personnes dans la maison avaient entendu les cris. L’enfant qu’elle portait avait usé toutes ses forces et désormais tout en perdant sa vie, il prenait celle de sa mère…
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Kye
Emelyne avait fini par rejoindre Kÿe et Elisa, juste au même instant où elle partait de la taverne, suite à leur discussion. La jeune fille semblait en savoir plus au sujet d’Elisa, en ce qui concernait le ressenti par rapport au futur départ du Noircastel et donc elle tenta de rassurer le vieux loup comme elle le pouvait, sans trop lui en dire, sans lui faire comprendre, qu’elle savait. C’était ça, la relation mère-fille, elles partageaient beaucoup de choses, les joies comme les tristesses et ce n’était pas toujours la mère qui pensait les blessures de la fille.

Et puis, finalement, les deux étaient partis de la taverne à leur tour. Kÿe voulait rentrer et Emelyne allait l’accompagner. Elle avait cependant émis l’envie de passer par le canal, une petite promenade en pleine nuit avant de rentrer. Pourquoi pas ? Et surtout comment lui refuser ? Alors le futur beau-père accepta et ils prirent la direction du lieu.
La promenade fut des plus silencieuses. Ils s’appréciaient beaucoup, il n’y avait aucun doute la dessus. Mais avec le temps, le comportement de Kÿe avait un peu déteint sur Emelyne et désormais, le silence ne semblait plus la déranger outre-mesure. Ce qui arrangeait Kÿe, car ce soir, il n’avait pas très envie de parler.



Pendant l’entièreté du trajet, il restait avec ses pensées. Il appréhendait beaucoup son départ et surtout, les jours qu’il allait vivre loin de tout ça. Loin de sa famille. Loin de sa fiancée. C’était la première fois depuis qu’ils s’étaient retrouvés qu’une telle chose arriver. Mais outre cette première fois, c’était aussi le moment où, ils allaient briser cette promesse qu’ils s’étaient faites. Celle de ne jamais se quitter, de ne plus jamais s’éloigner l’un de l’autre.
Ils pensaient tous les deux que cela n’arriverait jamais. Mais finalement, si, cela allait arriver. C’était arrivé avec l’annonce des nouveaux hérauts qui faisaient leur entrée à la Hérauderie Royale. Kÿe en faisait partie, il avait enfin réussi l’examen, mais à quel prix ? Il en avait parlé avec Elisa, il était même prêt à renoncer à devenir héraut pour continuer à vivre avec elle, mais elle en décida autrement et elle le poussa à tenir son engagement.

Mais voilà, à mesure que le temps départ approchait. Les doutes devenaient de plus en plus importants. La peur de vivre à nouveau seul grandissait à mesure que le spectre de la séparation s’étendait au-dessus d’eux. Ils n’étaient pas prêts à cela. Alors évidemment, le Noircastel faisait tout pour qu’elle le suive là-bas.
Il faisait tout pour la persuader, mais elle répondait toujours par la négative. Et il revenait à la charge, régulièrement, alors qu’il se promettait intérieurement de ne pas la forcer à changer de vie. Il le lui avait dit, d’ailleurs. Après tout, elle s’était installée ici en Maine, bien avant qu’il n’arrive. Il y avait sa famille ici, ses amis et elle s’était investie depuis un moment maintenant. Bref, toute sa vie était en Maine et pourtant, il lui demandait à chaque fois de tout quitter pour le suivre en Alençon. Il devenait de plus en plus insistant, sans s’en rendre compte sur le coup, toujours après, toujours quand il était trop tard.
Parce que pour lui, cette situation faisait bien trop échos à celle du Berry. Cette situation qu’il avait vécue il y a plusieurs mois, en début d’année. Là aussi, il lui avait demandé de tout quitter pour lui et là aussi, elle avait refusé. Et puis, elle était partie et avait essayé de tourner la page. Alors, à chaque fois qu’elle lui disait non pour l’Alençon, cette négation résonnait en lui, faisait écho au Berry et le terrifiait un peu plus. Il avait peur qu’avec son départ, sonne le glas de leur relation. Il avait peur qu’avec le temps, avec la distance, aussi courte soit-elle, qu’elle finisse par se lasser de cela, de lui, d’eux. Il avait peur, qu’elle s’approche d’un autre homme à mesure qu’elle s’éloignerait de lui et puis, qu’elle finisse par l’oublier totalement, laissant place à une glaciale indifférence à son égard.
Ses pensées le tiraillaient, de nuit comme de jour. A chaque instant où il était seul. Et quand elles devenaient trop pesantes, il les éloignait rapidement, mais à chaque refus de la Malemort, ses pensées lui revenaient en plus visage, comme une gifle sur la joue. Il fallait qu’il lui en parle. Nécessairement. Il fallait crever l’abcès. Mais comment lui faire comprendre exactement ce qu’il ressentait ? Ce n’était pas de sa faute à elle, ni à lui, s’il pensait ainsi. La dernière chose qu’il voulait, c’était de lui lancer la pierre, alors comment lui dire ce qu’il ressentait exactement à ce sujet ? Et puis, pour la première fois depuis qu’ils s’étaient retrouvés, le Noircastel n’osait plus s’ouvrir à son amour. Sans le savoir, sans le vouloir, il s’était un peu fermé, afin de la protéger.
Il prenait sur lui et essayait de rester entier face à cette inconnue qui s’approchait d’eux. Face à cette peur qui grandissait de plus en plus lui.



Finalement, la promenade prit fin. Ils étaient arrivés au bout du canal et ils continuèrent vers la maison maintenant. Toujours sans aucune parole, sans vraiment se presser non plus. Ils avançaient à une allure détendue. Le Noircastel se surprenait parfois à lever les yeux vers la voute céleste, observer les étoiles avant de retrouver la sienne.
La voiture était encore devant la maison, quand ils arrivèrent enfin. Kÿe lâcha un soupire en voyant cela, il se disait qu’Hugo, le côcher était visiblement bien trop payé pour le travail qu’il fournissait au vu du résultat actuelle. Son travail n’était pourtant pas compliqué, mener la famille d’un point A à un point B et s’occuper des chevaux et là, rien de tout cela n’était fait. Les équidés étaient toujours harnachés et semblaient même exténuer, à croire qu’il avait forcé sur la cravache ce soir. De quoi mettre en rogne le vieux loup, alors qu’il était détendu. Ils contournèrent l’obstacle et finirent par passer l’encadrement de la porte.


Un premier cri. Des pleurs. Des bruits de course à l’étage.

Le Noircastel ne réagit pas tout de suite. Il se dit que c’est une soirée comme une autre. Les enfants qui doivent jouer et l’un a été un peu trop violent avec l’autre d’où les cris et les pleurs. Mais en écoutant bien les pleurs, il se commence à se rendre compte qu’ils ne sont pas ceux auxquels il est habitué. Il se tourne vers Emelyne, sourcil haussé, l’air intrigué, il se demande ce qui se passe.

Un deuxième cri, les pleurs redoublent.

Le visage du vieux Loup se transforme un instant. Ce n’est plus de l’incompréhension mélangé à de la surprise qui l’anime, mais une terreur inquiète. Il ne lui en faut pas plus pour comprendre qui est à l’origine de tout cela. Essoufflé, il est déjà au bout du couloir de leur chambre, en haut de l’escalier. De l’autre côté, il voit Madeleine rentrer dans la chambre, les bras portant nombre de draps blancs, elle referme la porte derrière elle sans se retourner, sans voir qui est là.
L’instant d’après, la porte s’ouvre à nouveau. Elle claque contre le mur. Kye observe la scène avec effroi. Il est paralysé. Il ne sait pas s’il doit avancer ou reculer. Elisa est sur le lit, entourée par Eli et Madeleine qui s’apprêtent à l’accoucher. Mais il sait. Il sait qu’elle n’est pas prête. Il sait que le moment n’est pas venu. Son souffle est rapide, saccadé, pas à cause de la folle course qu’il a fait dans la maison pour arriver là, mais à cause de cette situation. Ses pupilles se contractent et se dilatent en rythme, trahissant la terreur qui le submerge.

Le vieux loup sait très bien, qu’une mère qui met au monde son enfant trop tôt n’est pas bon. Ni pour l’enfant, ni pour la mère en question. Il ne se fait pas d’illusions pour l’enfant, il sait qu’il ne survivra, son état de choc et de terreur est plus pour Elisa. Il ne veut pas la perdre, pas comme ça. Surtout qu’il se rendait déjà bien compte, qu’il allait trop loin avec son insistance, mais là, il en voit enfin les conséquences. Sans le savoir, il se blâme déjà pour la perte de cette enfant. Encore une fois, c’était de sa faute, comme à Montpellier, où il n’avait pas su être là au bon moment. Il avait, une fois de plus, raté le coche.

Contrairement aux autres fois, ni Eli, ni Madeleine ne pourrait le faire quitter la chambre. On pouvait le lire sur son visage et aucune ne s’était levée pour essayer. Elles étaient plutôt concentrées sur la Malemort que sur le Noircastel. Ce dernier s’agenouilla à côté du lit. Il prit la main de la brune entre les siennes, la soulevant à hauteur de son visage, les lèvres posées dessus. Rapidement ses yeux s’embrumèrent, puis laissèrent couler des gouttes et finalement un flot ininterrompu de larmes se mit à couler.
En cet instant, il n’y avait plus rien qui comptait pour lui, si ce n’est la vie d’Elisa. Le monde pouvait s’écrouler autour d’eux, pourvu qu’elle survive à cela. Impuissant, il ne pouvait que rester là et la soutenir dans cette épreuve.


- Mon étoile…reste avec moi…je t’en supplie…

Un sentiment de colère l’envahissait au même moment. Non pas contre Elisa. Non pas contre une force supérieure qui pourrait s’acharner sur eux. Ce sentiment de colère était complètement dirigé vers lui-même. Il savait qu’il avait eu des mots un peu dur à son encontre ce soir, mais jamais il n’aurait pu imaginer que cela puisse déboucher à une telle situation. S’il avait su, jamais il n’aurait dit tout cela, jamais il n’aurait été aussi insistant.

- Je suis désolé…tellement désolé…


De son côté Eli s’était arrêtée pendant quelques instants. Regardant Kye. Le voir ainsi lui fendait le cœur. Mais pour l’heure, elle ne pouvait rien pour lui. Il y avait plus urgent, il y avait Elisa et l’enfant. Elle avait essayé de les mettre en garde tous les deux, mais ils ne l’avaient pas écouté et encore une fois, c’était à elle de réparer les pots cassés. Elle le ferait, encore, comme à son habitude et bien entendu, ils auraient tous les deux droits à leur sermon quand ils iraient mieux. Elle bougea la tête vers le corps d’Elisa, détachant ses yeux du vieux loup au dernier moment et se mit au travail. Une vie était encore en jeu.
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Emelyne.malemort
Que faisait-elle là ?...

Emelyne souriait à ses frères et à sa soeur. Elle leur contait la dernière histoire qu'elle avait lu, elle leur proposa un jeu, elle tentait de faire des ombres chinoises avec ses mains sur les murs du salon, juste éclairé par le feu de la grande cheminée. L'adolescente gardait ses petits frères et sa petite soeur contre elle, partageant la même grande, très grande couverture, alors qu'ils se répartissaient les nombreux coussins posés à même le sol.

Que faisait-elle là ?...

A s'efforcer de sourire, à s'efforcer de paraître naturelle, à s'efforcer de faire croire que tout irait bien, à s'efforcer de s'amuser ? Alors que toutes ses pensées étaient tournées vers la chambre à l'étage.

___Revenant avec Kye, elle partagea d'abord son inquiétude qu'elle lisait dans son regard, devant l'activité inhabituelle de la maisonnée, de par les cris et les pas précipités qui s'échappaient de l'étage. Grimpant comme elle pouvait les escaliers derrière lui, la jeune Emelyne fut frappée d'horreur en entrapercevant la scène derrière les portes de la chambre. Sans réfléchir, elle s'en détourna, prenant une autre direction que celle de Kye, alors qu'ils avaient suivi le même chemin jusque là toute la soirée.

Sans réfléchir, elle était allée à la recherche de sa petite soeur et de ses frères, essuyant ses yeux et se calmant avant de se présenter à eux, et de les prendre avec douceur par la main.

_____ - Vous savez quoi ? Ce soir est particulier... On a le droit de passer toute la nuit dans le salon !

___Emelyne avait improvisé ce campement dans la salle de séjour, et fermé les portes de la pièce à vivre ainsi que celles de l'antichambre de celle-ci, afin que les voix et les bruits leur parviennent de manière amoindrie. La petite brune se contenait, elle se contenait au prix d'un effort surhumain. Elle avait eu envie de se précipiter vers Maman, elle aussi, dès qu'elle l'avait vue. De l'étreindre, de rester auprès d'elle, de ne pas la quitter. Cette envie était toujours présente, cette envie la brûlait de l'intérieur et faisait battre son coeur d'une manière désagréable que rien ne pouvait calmer.
Elle ne savait d'ailleurs, au juste, comment elle faisait pour paraître si calme devant ses frères et sa soeur, comment elle faisait pour jouer si bien la comédie et paraître joyeuse. Elle savait juste qu'elle le devait. Elle avait compris au premier coup d'oeil qu'elle n'aurait servie à rien, là-haut, qu'elle n'aurait fait que gêner... Et tous les grands étant occupés, s'occuper d'Emery, d'Ehmée et de Louis était son rôle. L'adolescente voulait les rassurer, leur faire changer les idées, faire une distraction en leur invitant à quelque chose d'inhabituel et d'agréable. Passer la nuit tous ensemble. Emelyne savait aussi qu'ils n'étaient pas complètement dupes, ils étaient suffisamment intelligents, déjà, pour savoir que quelque chose n'était pas comme d'habitude. Surtout Emery le protecteur et Ehmée la fouineuse. Mais la petit brune les connaissait suffisamment aussi pour détourner leurs attentions, les empêcher d'y penser, et surtout les occuper, pour qu'ils n'assistent pas à ce qui se passait, qu'ils n'aillent pas gêner les grands.
Les grands... Une fois de plus, Emelyne se sentait petite... Si petite.

Elle n'arrivait pas à croire qu'un peu plus tôt, elle avait passé un après-midi délicieux avec Maman, qu'elle avait été heureuse et détendue de se promener avec Kye au bord de l'eau, sous le couvert de la nuit et des étoiles scintillantes.
Et à présent, tandis qu'elle regardait fixement le feu dansant et crépitant de la cheminée, qu'elle écoutait le bois craquer et les pas marteler le plancher au-dessus d'eux, qu'elle tenait avec tendresse ses petites frères et sa petite soeur endormis contre elle, elle priait. Avec dévotion, du plus profond de son coeur.
En revenant de Bourgogne, elle avait été si heureuse de savoir sa Maman attendre un nouvel enfant, d'avoir peut-être une nouvelle petite-soeur... Et aussi que cela voulait dire qu'elle et Kye seraient liés pour de bons, et à jamais, et que rien ne pouvait plus arriver à présent, qu'ils ne se sépareraient plus.

_____ - Idiote...

___Elle avait lâché ce mot dans un souffle, à peine perceptible, même pour celui qui aurait tendu l'oreille à ce moment-là. Elle se répéta un chapelet d'"idiote" dans sa tête. Un chapelet qui lui était destiné.
Plus tôt en début de soirée, elle avait essayé de rassurer Kye, en lui disant que tout allait bien se passer. Qu'elle n'était pas inquiète, même s'ils allaient devoir vivre séparément. Et c'était vrai, Emelyne le pensait sincèrement. Elle adorait Kye, elle avait l'impression de le connaître depuis toujours. Et Maman lui avait confié son sentiment, sa réticence à dire au Noircastel de rester, comme elle le désirait secrètement. C'était un sacrifice, une preuve d'amour de la part de Maman, de le laisser réaliser son souhait d'entrer à la Hérauderie. Alors, sincèrement, Emelyne était persuadée que ça ne changerait rien entre eux, que tout irait bien. Et qu'un jour ils seraient tous ensemble à nouveau, peu importe le temps que cela prendrait. Parce que la vie s'arrange toujours pour réunir les gens qui doivent s'aimer.
Mais l'adolescente avait été sotte. Elle n'avait rien compris. Elle n'avait pas vu les signes qui lui paraissaient évidents, à présent. Maman qui semblait si fatiguée et lasse... Son futur beau-père qui disait à la jeune Malemort ce qu'elle avait envie d'entendre, alors qu'il se murait dans ses doutes.
Emelyne se dit qu'elle aurait dû plus insister auprès de sa mère pour la laisser l'aider dans ses nombreuses tâches. Qu'elle aurait dû faire ceci ou cela. Qu'elle aurait dû faire elle ne savait même pas trop quoi. En revenant de son voyage de Bourgogne, la petite brune pensait qu'elle avait un peu mûri, qu'elle était devenue meilleure.
Il n'en était rien.
Elle n'avait rien vu. Elle n'avait servi à rien. Elle était si impuissante.
Elle n'était qu'une idiote.

Une idiote en colère contre elle-même. Qui voulait se retenir de pleurer tant qu'elle serait avec ses frères et soeur. Qui n'y arrivait pas. Qui était percluse d'inquiétude, de peur. Qui espérait de tout coeur que tout allait bien, là-haut.
Là-haut, à l'étage...

_____ - Qu'est-ce que je fais là... ?

___Si quelqu'un entrait, cette nuit-là, dans le salon de la maison mancelle, et qu'il apercevait, dans la pénombre du feu mourant dans l'âtre, la jeune Malemort qui gardait ses petits frères et sa petite soeur endormis contre elle, tous emmitouflés dans une grande couverture, allongés sur des coussins éparpillés au sol, il se serait sans doute aperçu que ce n'était pas Emelyne qui les rassurait.
C'était eux, Emery, Ehmée, Louis, à qui elle se cramponnait, qui la rassuraient.
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Elisa.malemort
    «Seul l'amour peut garder quelqu'un vivant.»
        Oscar Wilde


Allongée, dans cette chambre, la Malemort aurait pu trouver le moment paisible. Tout dans la pièce avait été déposé ou construit dans le but de laisser flotter une atmosphère agréable et sereine. Elisa souhaitait qu’une fois dans leur chambre, le couple retrouve cette bulle qu’ils se plaisaient à concevoir et à agrémenter pour leur plus grand bonheur.
Mais ce soir, il était tout autre. La bulle avait explosé, violemment. Le choc était violent, tellement violent qui l’avait laissé pour morte, juste là. Dans ce lit, qui normalement ne devait être fait que d’amour.

Eli et Suzanne tournaient autour d’elle. Les dames de chambre courraient un peu de partout dans la maison. La nuit ne serait certainement pas calme… La Malemort, elle, revenait parfois à elle, ses onyx s’ouvrant pour voir ce qu’elle ne voulait certainement pas voir. Affolée, le cœur battant plus vite que de rigueur, la douleur lui faisait rapidement perdre de nouveau connaissance, ce qui n’était certainement pas plus mal pour elle.
Le Très-Haut avait décidé autrement pour le sort de cet enfant qu’elle portait en elle. Cet enfant de l’amour, des retrouvailles. Peut-être était-ce mieux ainsi ? Peut-être que cet enfant était arrivé trop tôt dans la vie du couple. Mais après tout, ils se connaissaient depuis des années, ils avaient vécu ensemble tellement de choses… Une vie à deux, que peu de couples peuvent se vanter d’avoir vécue.

Lorsque Elisa ouvre de nouveau les yeux, elle sent un contact chaud contre sa main. Sa tête se tourne pour découvrir Kye, présent, juste là à ses côtés des larmes coulant sur ses joues. Le cœur de la Malemort se serra, outre la douleur physique, le voir ainsi lui déchira le cœur. Elle vient serrer sa main contre la sienne. Se souvenant du jour où elle lui avait apprit qu’elle était enceinte. La Duchesse se souvenait parfaitement de son visage, transformait dans un rayon de joie. Comme un enfant, il aurait pu sautiller et hurler à la terre entière combien il était heureux car il allait devenir de nouveau père… Et aujourd’hui… aujourd’hui… Elisa venait de lui prendre cette joie. Elle venait de lui retirer ce qu’il avait attendu depuis des années… Un petit frère ou une petite sœur pour Louis. Ce petit être qu’il avait longtemps espéré et qui était enfin venu se loger en elle… Mais qui aujourd’hui prenait son envole, bien trop tôt… Bien trop violemment pour leur couple.
Difficilement, elle ouvrit la bouche tandis que sans détacher leur main, son pouce vint tenter d’effacer les larmes sur les joues de son fiancé… Elle aurait voulu lui dire combien elle était elle désolée, elle aurait voulu lui demander pardon... Mais aucun son n’arrivait à sortir d’entre ses lèvres, aucun son, mise à part les cris de douleurs tandis que les contractions naturelles de son ventre laissant lui prendre ce qui avait contribué à leur bonheur.

La Courageuse n’était plus. Sa main serrait celle de son fiancé, le seul courage venait de lui, à cet instant précis. Car il arrivait à être dans cette pièce, cette même pièce où la vie c’était arrêté. Il arrivait encore à la regarder dans les yeux malgré l’horreur qu’y était entrain de se dérouler. Il arrivait simplement à être présent, quand tant d’hommes auraient fuit… Comme lui-même avait fuit quelques années plus tôt à Montpellier… Ce souvenir glaça un peu plus la jeune femme. Et pourtant, elle savait que tout était différent cette fois, car il était là, car il ne la rejetait pas, car il ne semblait pas lui en vouloir… Pour le moment en tout cas.
Elle ne voulait pas quitter sa main, rassurante et à la fois courageuse qui lui permettait de l’aider dans toutes les étapes de cette épreuve.
Ils étaient guidés par Eli. Cette femme qui les avaient plusieurs fois rappelés à l’ordre face à la fatigue d’Elisa. Encore une fois, elle avait eu raison. La vraie mère dans ce foyer c’était bel et bien elle. La Malemort se sentait comme un pantin, incapable de réussir à prendre les bonnes décisions dans sa vie, réussir à rendre sa famille heureuse et en même temps, réussir à offrir à cet enfant la vie, qu’il aurait mérité. Bientôt, il lui faudrait panser sa douleur pour lui offrir une vie paisible près du Très-Haut, son ange jamais connu. Elle l’avait senti bouger en elle, réagir aux contacts de son père sur son ventre, et aux caresses de Emelyne. Aux baisers délicat de Louis au fil des semaines où son ventre s’était arrondi. Elle l’avait senti vivant… Et désormais, il rejoignait les anges perdus. L’enfant est délicatement blottit dans les bras de la mère. Elle est à bout de force, son sang coule encore, mais la Malemort profite de cet instant, si court. Un baiser sur le front, si petit, si fragile, mais lui permettant de mettre un visage sur ce petit être qu’elle avait déjà commencé a aimer. Sur ce petit ange qui ne cessait de remuer en elle pour lui faire savoir qu’il était bien là. Ses onyx croisent le bleu des yeux attristés de Kye. Elle comprend alors que c’est trop dur pour lui. Elle comprend qu’elle ne peut garder l’enfant ainsi, dans ses bras. Elle comprend qu’elle doit lui dire adieu, maintenant…

Tendrement, les lèvres viennent de nouveau se poser sur le visage de l’enfant aux yeux clos. Sa main libre qui englobe le ventre entier de l’enfant. Elle l’embrasse, une dernière fois. Elle lui dit au revoir, son fils… Son tout petit fils. Alors, délicatement, il vient retrouver les bras de Madeleine, l’enveloppant dans un linge, la nourrice sort de la chambre. Lorsque la porte s’ouvre, un courant d’air vient faire frémir la Malemort, et tout à coup c’est un flop de larmes qui l’envahit. Elle réalise qu’elle n’a pu voir et tenir son fils qu’un trop court instant contre elle, qu’elle n’a pas su le protéger, qu’elle n’a pas pu l’aimer comme elle l’aurait voulu.
Les larmes ne cessent de couler, et les cris reviennent se mêler. La douleur que Eli lui inflige pour tenter de calmer les saignements et la douleur de réaliser qu’elle a perdu son enfant.
Les doigts se serrent bien plus fortement contre ceux de Kye. Elle pourrait mourir de douleur à cet instant. Elle pourrait mourir de chagrin à cet instant là. Et pourtant, elle n’a pas le droit d’abandonner. Elle n’a pas le droit de lâcher prise, elle doit le faire, pour ses enfants. Ses enfants qui doivent pourtant l’attendre afin de les embrasser avant de s’endormir, chose qu’elle ne pourra pas faire. Elle ne pourra pas bercer son ange contre elle, elle ne pourra pas embrasser ses enfants… Elle ne pourra que se battre pour garder la vie cette nuit. Elle ne pourra faire que cela et demain… demain le soleil se lèvera pour une nouvelle journée.

Mamange, éternellement.

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Albin.
L'on ne peut pas lutter contre sa nature, l'on ne peut pas se battre contre ce qui fait notre être.
Rien à son réveil puis en allant au conseil du Maine ne laissait présager à l'Ar Sparfel de la nouvelle qu'il allait apprendre. Rien ne laissait dire que cette journée d'automne où les feuilles tombantes des arbres devait être vu comme un signe que c'est une chose terrible qui s'était produite. L'automne, les feuilles mortes oui rien de plus classique comme chaque année mais là non ce n'était pas comme toujours.

En gagnant son bureau, l'on lui apporta quelques courriers dont un lui signifiant que la marraine de son fils était souffrante. Et puis en entrant en fin de journée en taverne, voyant l'état d'une des filles de "la Courageuse", devant le climat pesant, la curiosité Sparfalienne du Albin prenait le dessus avec au passage comme un très mauvais pressentiment.

Il l'avait appris et son instinct lui disait d'y aller, de rendre visite et tant pis si la Malemort ne dit rien mais son instinct faisait en sorte qu'il se devait faire quelque chose, qu'il se devait être là non pas pour lui mais pour son amie, que la présence amicale allait peut être faire du bien.
L'amitié à la vie et à la mort dans les bons comme les mauvais moments, c'est surtout dans les mauvais que l'on voit les vrais amis..mais quand la Faucheuse prend une vie avant même qu'elle puisse vivre...

Un détour par chez lui avant tout, voir Gaelant, il voulait être rassurer, comme un besoin de voir son fils, comme pour se rappeler que lui était là et se souvenir..non trop de souvenirs pas forcément agréable.
Albin entra dans la chambre de son fils, il le regarda un court instant avant de sortir pour rejoindre la demeure Malemorienne de la Courageuse sans savoir si ça présence serait la bienvenue et d'un réconfort.

Seul, sans page, sans garde ni rien pour faire les quelques rues qui séparait sa demeure Mancelle à celle d'Elisa. Et d'entrée sans se faire annoncer dans la demeure s'écriant alors.


Elisa ! Je dois voir Elisa ! Où elle est ??


Peu importe les mots, même si c'est le silence qu'il y trouvait mais juste être auprès de cette amie de longue date, être là pour celle qu'il considère comme faisant partie de sa famille de coeur, juste voir, juste un regard y compris des larmes. Un simple retour des choses et d'être là pour celle qui était là pour lui redonner le sourire il y a quelques mois, pour lui permettre de tenir debout et non sombrer.

A son tour de la maintenir à flot.

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Kye
La nuit fut des plus longues et la journée tout autant.
Kÿe avait fini par cesser de pleurer. Non pas parce que sa tristesse était finie, non, elle était encore loin d'avoir cesser. Il avait littéralement pleurer toutes les larmes de son corps. Il avait toujours cette sensation de pleurer, alors que de ses yeux, plus aucune goute ne coulait. Les globes oculaires étaient injectés de sang, rougis à la fois par la tristesse, mais aussi par l'asséchement provoqué après les pleurs, mi clos à cause de la fatigue également. Le Noircastel avait passé la nuit assis sur le sol, gardant la main de la Malemort dans la sienne, il ne l'avait pas lâché une seule fois. Il se voulait être présent pour elle.
Cependant, il avait toute fois changé de position, parfois s'adossant au mur, pour regarder dans la même direction qu'elle, vers la fenêtre. Il était resté assis, car il sentait que ses jambes n'étaient pas encore prêtes à le porter, le poids des émotions était encore trop grand. Éventuellement, pendant la journée il se leva, titubant légèrement jusqu'au bureau pour transmettre les courriers destinés à Elisa, à Albin, le vice-prévôt. C'était la seule fois de la journée où il s'éloigna d'Elisa, regardant par la fenêtre, dans la même direction qu'elle à nouveau.

Et puis, une fois qu'il avait fini cette office, il retourna auprès d'elle. Cette fois-ci en s'allongeant dans le lit à son tour. La Malemort ne l'avait pas quitté, elle n'avait d'ailleurs pas bougé, elle était restée dans cette même position toute la journée; tournée vers la fenêtre. Alors, le vieux loup se glissa dans son dos. Les gestes étaient hésitant, quelque peu maladroit, mais il réussit à passer un bras autour d'elle, fourrant son visage dans le creux que formait son cou et l'épaule.
Elle ne disait rien, ne faisait rien. Et ça, ça le tuait. Il aurait voulu qu'elle s'énerve, qu'elle l'insulte, qu'elle lui fasse des reproches, parce qu'il pensait mériter tout cela. Pour lui, cette perte était entièrement de sa faute. Il pouvait endurer les injures, il pouvait les pardonner. Pourtant, tout ce dont il avait le droit, c'était un silence. Un silence de mort. Et il ne supportait pas ça, il trouvait ça horrible et cruel, bien plus difficile à supporter que tout ce qu'il pouvait s'imaginer. Le silence était parti de la chambre du couple et s'était propagé dans toute la maison, même les enfants, habituellement vivant s'étaient tus.

La journée passa, rythmé par quelques baisers furtifs dans le cou de la Malemort de la part du Noircastel. Elle n'avait aucune réaction. Toujours aucune. Alors, il la serrait un peu plus fort contre lui pendant quelques instants, avant de relâcher. Il ne voulait pas lui ajouter plus de douleur à sa souffrance corporelle. Il restait dans le dos de sa louve, espérant que sa présence, d'une manière ou d'une autre, lui fasse du bien. Mais devant l'absence de réaction, le doute était permis. Finalement, le silence de la demeure fut troubler, un claquement de porte en bas, des cris étouffés. Il n'en fallait pas plus pour que le Noircastel se lève et aille voir ce qui se passait en bas, épée à la main.
Ce n'est que dans le couloir de leur chambre, qu'il remarqua qu'il avait son arme dans la main gauche, prêt à défourailler. Puisqu'il vaut mieux prévenir que guérir, il garda son épée avec lui et descendit l'escalier pour découvrir qu'en bas, ce n'était qu'Albin. Il le jaugea avec son regard des mauvais jours. Ce regard noir et malsain qui se veut assassin. Le vieux loup n'avait qu'une envie, c'était de sauter à la jugulaire de cet homme qui rentrait chez les gens de cette façon, sans être annoncé et qui se mettait à crier qui plus est. Chez eux n'était pas un moulin. Il grognait presque. Et puis, il relâcha la pression, lâchant le pommeau de son épée, dont la lame était déjà légèrement apparente. Un peu plus et c'était l'instinct qui faisait un deuxième mort dans cette maison.


- Albin. Le ton se voulait sec et nerveux. Pour qui vous prenez-vous ? Vous n'êtes pas dans un moulin ici. On ne rentre pas et on ne crie pas chez les gens, comme vous le faites. Le respect et la politesse, ça vous parle ? Il le jugea à nouveau, le regard toujours aussi menaçant. Et vous devez ? Qu'on soit bien clair, vous n'êtes personne ici. Vous n'exigez rien. Au mieux, vous pouvez souhaiter, et encore, ça, c'est dans nos bons jours.

Le Noircastel serra la mâchoire et lâcha un soupire, puis se retourna après avoir fait un signe Albin pour qu'il le suive. Le pauvre était arrivé au mauvais moment et de la plus mauvaise des manières qu'il soit et d'une certaine façon, il avait été un exutoire pour Kÿe. Il n'excusera pas, dans un sens, c'était mérité. Pendant la monté des marches, il murmura à l'attention de l'Ar Sparfel.


- Elle l'a perdu...

A peine avait-il finit cette phrase que sa gorge se serra à nouveau. Incapable de prononcer plus, submerger par l'émotion. Heureusement, il n'avait pas besoin de donner plus d'explication pour que la situation soit comprise et aussi pour que sa réaction soit excusé, partiellement. Une fois arrivée devant la porte, il lui murmura à nouveau :


- Elle est très fatiguée...alors ne forcez pas...

Il le laissa rentrer en premier, puis il referma doucement la porte. Il n'avait pas suivi le mouvement, il était resté dehors, les laissant tous les deux pour quelques instants. Quant à Kÿe, il alla s'assoir en haut de l'escalier. Il ramena ses genoux contre son torse et entoura ses tibias avec ses bras, le dos était courbé. Son corps était parcouru de frisson, il n'avait pas froid, du moins pas de l'extérieur, il sentait que les frissons venaient de l'intérieur, du plus profond de lui. Il sursauta, lorsqu'il sentit une petite main brulante sur son épaule.

- Papa ?

Le Noircastel se frotta à nouveau le dessous des yeux, pour s'essuyer d'éventuelles larmes, il posa ses pieds une marche plus bas, pour offrir une meilleure assise et installa Louis, qui venait de le rejoindre, sur ses genoux.


- Oui mon fils ?


L'enfant le regardait d'un air interrogateur.


- Pourquoi tu as les yeux rouges Papa ?

Kÿe se voyait mal lui dire la vérité. Déjà qu'il se devait de forcer le passage pour chaque mot. Déglutissant bruyamment à chaque fois. Et puis, aux yeux de son fils, il était un héro. Il était papa. Papa c'est le plus fort. Papa il est jamais triste. Papa c'est le meilleur. Alors, Papa, il peut pas être triste ou du moins, il peut pas le montrer. Du coup Papa, il ferme les yeux et essaie de décrocher un sourire pour son fils avant de les rouvrir.

- Papa est un peu fatigué ce soir, Louis.

Un mensonge ? Il avait raison en disant cela, Kÿe était fatigué ce soir, mais trouverait-il le sommeil cette nuit ? C'était autre chose. Certains pourraient dire qu'il s'agissait là d'un mensonge par omission, mais, c'était pour protéger son fils, alors il avait le droit. Et pour éviter d'autres questions, il serra l'enfant contre lui, posant son visage sur le haut de crâne, déposant un baiser dans la chevelure d'ébène.

- Je crois qu'Eli est en train de faire un gâteau. Et si tu allais la rejoindre ? Peut-être qu'elle te laissera manger le reste de pâte !

Le petit garçon se détacha de son père. La bouche grande ouverte, déjà salivante à cette idée. Le tout était accompagné d'un long "aaaah!" avec des étoiles pleins les yeux. Il n'en fallait pas plus pour que la petite tête quitte les genoux de son père et court rejoindre Eli en cuisine. Le sourire de Kÿe s'effaça lentement, laissant de nouveau place à cette sombre tristesse qui l'envahissait à nouveau.

édite : correction de fautes.

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Albin.
Et c'est Kye qui arriva pour accueillir l'Ar Sparfel, visiblement remonté. Normal non après que le brun eu débarquer dans la demeure de cette manière.
Faut dire que prit totalement par ce qu'il avait appris plus tôt, Albin en avait oublier totalement les bonnes manières et de se faire annoncer au point de crier de cette manière.
Heureusement pour Albin il n'était totalement un inconnu sinon hop une brochette Sparfalienne.

L'on était pas loin du gamin prit en flagrant délit de faire une bêtise qui se faisait sèchement disputé. En tout cas la remarque de Kye eu pour effet de calmer Albin qui ne savait plus quoi dire.
L'Ar Sparfel en tant normal aurait bien répliquer, la situation méritait mieux que ça et un peu plus de dignité et de respect pour cette amie qu'il était venu voir et qui n'avait pas besoin de ça comme couche supplémentaire.


Ne nous disputons pas Kye, ce n'est pas le moment. Toutes mes excuses pour ce qui vient de se passer...avec l'urgence de la situation..

Albin suivait Kye et son son se glaça aux mots prononcés par murmure. Ainsi donc c'est vrai, c'est confirmé...Elisa ne méritait pas ça non et il voulait être là pour la soutenir mais aussi apporter son soutien à Kye au passage.

Le regard de l'Ar Sparfel n'exprimait pas de pitié mais simplement de la compassion dont il savait faire preuve parfois et c'est ce qu'il avait envie d'exprimer en ce moment précis envers Kye et Elisa, beaucoup de compassion devant l'épreuve subie.

En entrant, l'Ar Sparfel resta figer à la vue d'Elisa, bien plus calme que lors de son entrée dans la demeure. Il attendait un geste, un regard, une invitation à prendre place, ne serait ce qu'un mot.

Y avait il mot à dire d'ailleurs?
Un désolé ne serait pas suffisant.
Non rien est suffisant juste une épaule à prêter sur laquelle on pouvait trouver...un soutien.

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