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[RP] Des contractants décontractés.

Morwene
      - Vous n'oubliez pas de mettre une certaine somme de côté pour le menuisier.

      - Non, Demoiselle. Si vous aviez lu mes notes, vous sauriez que la chose est déjà faite.

      - Vous écrivez très mal, Gontran. C'est illisible. On dirait que cela a été rédigé par une mouche en état d'ivresse.

      - ...


    Très fière de sa remarque, Morwène rejeta très loin d'elle les notes de son valet au sujet de ses finances. Heureusement que la partie de cartes, la veille, lui avait rapporté gros. Il fallait dire aussi que son adversaire était à la fois particulièrement riche et particulièrement sot. Deux qualités très utiles chez un homme, quand on souhaitait s'enrichir à ses dépends. Et la Facétieuse s'était considérablement enrichie, en une seule partie de ramponneau, sans même faire le moindre effort. Une délicieuse petite soirée, en somme.

      - Gontran ?

      - Damoiselle Morwène ?

      - Pensez-vous qu'il soit trop tôt pour écrire à Arnauld Cassenac ?

      - Nullement, Damoiselle Morwène.

      - Fort bien ! Je m'y emploie sur l'heure.


Citation:

    Le 15 Février de l'an 1464,
    Rédigée à Bolchen, Lorraine.

    De Morwène Eugénie Joséphine von Frayner
    Au Maître Arnauld Cassenac,
    Que l'on trouvera sur le chemin de la Bretagne.


      Maître Cassenac,


    Je vous écris en cette heure plus que tardive – il se peut que je me mette en retard pour le souper – pour prendre des nouvelles de vous.
    Comment avance la commande ? Trouvez-vous le bois nécessaire ? Votre monture vous satisfait-elle ?

    J'ai eu le plaisir de croiser votre compagne. Très brièvement, à dire vrai je ne lui ai point adressé la parole. Elle s'en venait livrer les produits pour ma cousine la Baronne Brunehilde. C'est une bien charmante personne semble-t-il au premier abord. La fois prochaine je tâcherai de la saluer si l'occasion m'en est donnée. Elle travaille exclusivement pour ma cousine et je ne veux point voler à Brunehilde sa petite employée, néanmoins j'ai eu le loisir de sentir ses crèmes et elles fleurent délicieusement bon.

    Dites-moi, vous qui savez où trouver de bons chevaux, peut-être saurez-vous également où je puis trouver un chien ? Un gentil chien blanc ? Si vous en trouvez un, je vous donnerai un portrait de votre compagne. Une peinture, pas juste un croquis au fusain. Quel odieux marchandage...

    Je vous souhaite le bonjour !
    En espérant que vous soyez en santé,



_________________
Arnauld
Citation:
    Fait à Poitiers, le 21 février 1464

    Mademoiselle von Frayner,

    Je travaille assidûment sur votre commande. J'espère que vous ne verrez point d'inconvénient au fait que je ne suive pas l'ordre énoncés dans votre liste ; j'ai préféré commencer par le mobilier le moins sophistiqué, afin de ne pas point vous faire trop attendre avant de recevoir les premiers meubles achevés. Il se trouve que j'ai terminé le guéridon, sur lequel j'ai fait figurer, comme vous le demandiez, le même motif que celui dont nous avons convenu à Paris. J'ai également réalisé le petit coffre, et je travaille à présent sur le plus grand. Je ne suis pas compétent pour la réalisation des poignées et de la serrure en argent, mais soyez sans crainte, je requerrai en temps voulu le concours d'un orfèvre.

    Si vous pouviez donc, avec votre prochaine lettre, m'envoyer quelqu'un pour que je puisse vous faire parvenir tout cela, vous jouirez bientôt des premiers éléments de votre mobilier.

    Vous vous doutez probablement que je meurs d'envie de posséder un portrait d'Actyss. Si je n'ai pas répondu immédiatement à votre lettre, c'est que j'enquêtais sur les chiens blancs. Enquêter, oui, le mot est fort, mais je vous assure ! Je demande à chaque noble que je croise s'il connaît des races de chiens qui conviendraient à une Demoiselle comme vous, et à chaque fois que je passe devant une riche demeure, je demande aux domestiques s'il n'y a paoint eu chez eux une jolie chienne blanche qui aurait récemment mis bas. Mes recherches demeurent pour l'instant infructueuses, mais je suis loin de me décourager. Cependant, puis-je vous demander si vous avez une préférence quant à la taille du chien ? Un petit, j'imagine, pour le porter dans vos bras ? Faut-il qu'il soit chiot ? Et tenez-vous à ce qu'il soit de pure race, ou bien n'est-ce pas essentiel ?

    Le cheval que vous m'avez permis d'acquérir fait réellement mon bonheur. Nous l'avons baptisé Plume. Cela lui va très bien : sur son dos, on croit voler, et il est aussi doux – je parle de son caractère, même si je prends un tel soin de lui qu'on pourrait en dire de même de sa robe – que ce nom laisse entendre.

    L'étalon que vous avez acheté pour votre frère lui a-t-il convenu ?

    J'espère que cette lettre vous trouvera en aussi bonne santé que moi-même.
    Le Très-Haut vous garde
    Respectueusement,



    Arnauld, vêtu uniquement de ses braies, assis à la petite table près de la fenêtre de sa chambre d'auberge, gratta sa tête échevelée et relut sa lettre plusieurs fois. Il n'était pas habitué à châtier autant son langage, et il avait passé un certain temps à tourner et retourner ses phrases pour essayer de garder un air sérieux, compétent, et ne pas donner l'impression à Morwène qu'elle s'était trompée en engageant un menuisier si peu expérimenté et accoutumé aux milieux de la noblesse que lui. La lettre qu'elle lui avait fait écrite, toutefois, était plutôt encourageante. Elle n'avait pas l'air guindée et hautaine comme beaucoup de femmes de sa condition. Raison de plus pour se concentrer dans sa rédaction : la sympathie qu'elle lui inspirait risquait de faire revenir le naturel au galop, et finis les « point », les conjugaisons ardues du verbe « s'enquérir », les mots composés de trop de syllabes comme « infructueuses », ou autres « Respectueusement ». Bon, il avait quand même rayé « Le Très-Haut vous garde », qui lui paraissait exagéré. Il ne voulait pas avoir l'air ridicule non plus en en faisant trop.
    Il finit par plier et cacheter la lettre, rangea soigneusement le contrat sur lequel figurait la liste des meubles qu'il devait fabriquer, et s'habilla un peu plus convenablement. C'est qu'il commençait à avoir un peu froid, comme cela. Il resta quelques instants planté devant la fenêtre, à rêvasser stupidement à propos de la petite blonde qui lui avait ôté sa chemise un peu plus tôt, puis secoua la tête et quitta sa chambre pour s'occuper de faire parvenir la lettre à sa destinataire.
Morwene
    L'extrémité bleuie du pinceau, fait de petit gris, plongea dans le bocal d'eau déjà teinté de rouge. La peinture d'azur foncé, en se mélangeant à l'écarlate, donna à l'eau une couleur violette. Avec délicatesse, une fois le pinceau lavé, Morwène essuya les poils sur un chiffon doux. Sur la toile, devant elle, lui faisait face le portrait d'une délicate jeune fille blonde. Le tableau n'était pas terminé, mais la Rose était contrainte d'arrêter, pour l'heure. Il fallait que la peinture sèche, avant qu'elle puisse poursuivre. Sans vantardise aucune, elle admirait son travail, qu'elle savait excellent. Les portraits avaient toujours eu sa préférence, elle adorait immortaliser une expression, ou tout simplement la beauté d'une personne, son air, son attitude. C'était cela, à ses yeux, la véritable immortalité.

    Elle essuya ses mains tachées sur son tablier blanc, qu'elle portrait par-dessus une robe très simple, d'un brun banal, par-dessus une chemise amples aux manches apparentes, la robe ne possédant rien d'autre que des bretelles larges de quelques centimètres. Ses avant-bras nus étaient marqués par les essais de peinture qu'elle y avait fait une fois sa palette chargée. Des mèches de ses épais cheveux noirs disciplinés en une natte rapide s'étaient démis, et encadraient son visage au teint pâle. Tout était toujours parfait quand Morwène commençait à peindre. Elle voyait les choses de façon différente. Les grains de poussière qui dansaient dans les rayons dorés du soleil semblaient se mouvoir avec lenteur, comme s'ils faisaient exprès de prendre leur temps pour qu'elle puisse les voir tous un à un. Les oiseaux chantaient derrière sa fenêtre et chaque battement de leurs ailes étaient d'une grâce infinie ; ils étiraient chaque plume comme pour lui laisser le temps de voir toutes les couleurs... Tout était toujours comme ça quand elle dessinait. Les choses étaient plus belles.

    Comme lorsque la jeune fille du tableau était entrée dans sa chambre, la veille, avec une requête si incongrue que Morwène n'avait pu qu'accepter. De sa vie, elle n'avait jamais fait une chose pareille. Pourtant, lorsque la « faiseuse de crèmes miraculeuses » comme elle se plaisait à l'appeler avec tendresse s'était installée devant elle, la Facétieuse avait su qu'elle y arriverait sans mal. Cet instant-là avait été écrit pour elles. Pour elles deux. Il s'était passé quelque chose d'unique. Morwène savait qu'elle n'oublierait jamais cet instant. Et puisqu'une pensée en amenait une autre, la jeune fille décida qu'il était temps de répondre au Maître Cassenac.


Citation:

    Le 23 Février de l'an 1464,
    Rédigée à Bolchen, Lorraine.

    De Morwène Eugénie Joséphine von Frayner
    Au Maître Arnauld Cassenac,
    Que l'on trouvera sur le chemin de la Bretagne.


      Maître Cassenac,


    J'ai bien reçu votre lettre et m'emploie immédiatement à vous répondre avant que ne sonne pour moi l'heure du départ. Rassurez-vous, je ne pars pas très loin. Je ne serai absente de Bolchen que trois jours. Vous aurez donc largement le temps de me faire parvenir les meubles dont vous me parlez, je serai revenue avant qu'ils n'arrivent.
    Et sachez que je suis positivement enchantée de savoir que vous travaillez si vite, et j'en suis sûre, si bien. Je vous fais entièrement confiance pour les arrangements des serrures et des poignées.

    Pour ce qui est du chien, voici ce qui me ferait plaisir. Un chien blanc. Qu'importe la taille et la race – c'est un chien, non point mon futur époux, et je me moque bien de son ascendance. Il est vrai que je le préfèrerai de petite taille, mais un plus grand m'ira aussi. Ma seule réserve est l'âge. Je ne le voudrais point trop vieux, pour pouvoir profiter de lui le plus longtemps possible. Prenez celui qui vous plaira le mieux. Celui qui, en vérité, aura l'air le plus saugrenu. Voilà ce que je souhaite : un chien blanc à l'air saugrenu.

    Je suis ravie d'apprendre que votre cheval, votre Plume, vous procure du plaisir. J'avais bien senti, en vous rencontrant, que vous étiez homme à aimer les bêtes. Mon frère est ravi de sa monture. Même s'il s'est tout bonnement en allé avec, vers d'autres palpitantes aventures. Les frères sont ingrats. Avez-vous des sœurs ? Si tel est le cas, ne soyez point ingrat avec elles. C'est quelque chose de fort désagréable.

    Je vous envoie sur le champ de quoi transporter mes meubles. Vous ne m'avez pas dit combien je vous devais, cela m'ennuie assez. Seriez-vous d'un naturel distrait ? Si vous l'êtes, je vous prie instamment de vérifier que vous avez bien mis au moins trois pieds à mon guéridon ! Je vous taquine, cher Arnauld. N'ayez crainte. Je vous envoie une première somme de cent-cinquante écus. Vous me direz si cela est suffisant – j'ai beaucoup de chance aux dés, voyez-vous.

    Là aurait pu s'achever ma lettre, mais il se trouve que j'ai encore quelque chose à vous communiquer. J'ai rencontré votre aimée, et j'ai pu la croquer pour réaliser le tableau. Sauf qu'elle a émis une requête d'un genre particulier, et j'ai accéder à sa demande. Vous trouverez ci-joint, dans un étui de cuir, la demande spéciale. Elle m'a demandé de vous dire qu'elle l'avait fait pour vous. Profitez-en bien, Maître Cassenac ! Et remerciez le ciel que je sois une jeune fille bien élevée.

    En espérant que vous soyez en santé,
    Cordialement,




    Très délicatement, Morwène étala devant elle la surprise pour Arnauld. La jeune fille blonde y était représentée au fusain. Mais pas n'importe comment. Allongée sur un sofa à peine esquissé, sur le flanc, ses longs cheveux cascadant sur son épaule, dans son dos, une mèche lui barrant le ventre. La jambe reposant sur les coussins était quasiment droite, le genou à peine plié. L'autre jambe était quant à elle repliée par-dessus l'autre. Les petits pieds étaient finement représentés, de même que les mains. En appui sur un coude, l'autre bras reposait sur son flanc. Mais le mieux dans l'histoire, c'est qu'elle était entièrement nue. Et rien n'était caché. La rondeur de ses seins, l'arrondi de ses hanches, la finesse de sa taille, le creux du nombril... La cuisse repliée donnait à peine de l'ombre à l'endroit le plus intime de sa petite personne. Elle ne portait rien, mis à part une rose d'un rouge éclatant – et c'était l'unique touche de couleur du dessin – coincée derrière son oreille. Oreilles ornées de deux boucles en bois à effigie de batraciens tout à fait visible.

    Avec un hochement de tête satisfait, Morwène roula le dessin parfaitement ciré pour éviter que les traits ne s'effacent avec le temps. Puis elle le glissa dans un étui de cuir cylindrique doté d'une lanière. Le cuir avait été travaillé tout exprès pour qu'il y soit imprimé à l'aide d'un fer rouge les lettres « A C ». Le tout payé par un énorme pot de crème à la rose, par le sujet même du dessin. Comment Morwène, dans ces conditions, aurait bien pu refuser de fournir la somme en écu nécessaire à la réalisation de l'empreinte des lettres ?


      - Tenez, Gontran. Faites envoyer ceci au plus vite au Maître Cassenac. Et envoyez Mathurin avec la charrette chercher les meubles. Remettez-lui aussi la bourse scellée, pour Messire Arnauld. Hâtez-vous ! L'étui doit être remis au plus tard demain. Donc payez l'exprès, je vous prie.


    Tout étant désormais prêt pour son départ, Morwène recouvrit son tableau d'un drap. Elle l'achèverait à son retour.

_________________
Arnauld
    Dès que le dénommé Mathurin arrêta sa charrette devant le château où demeurait Morwène von Frayner, et que le bruit des sabots des chevaux qui la tiraient cessèrent de retentir dans la cour, on put entendre, d'une manière assez inattendue, les joyeux jappements de ce qui était de toute évidence un chiot. L'homme poussa un petit soupir et, quittant sa place de cocher, adressa quelques mots à un domestique qui se trouvait là pour qu'il allât informer la Demoiselle de son arrivée, de celle de ses meubles et d'un dernier objet « quelque peu particulier ». Sans en dire plus, il alla détacher le petit animal surexcité, qui lui avait probablement donné bien du fil à retordre durant le long trajet entre la Bretagne et la Lorraine – il avait en effet dû le surveiller sans relâche pour qu'il n'abîma pas les précieux meubles dont il faisait la livraison, et supporter ses aboiements frustrés, émis en protestation contre l'injustice qu'on lui faisait en le ligotant dans une charrette alors qu'il ne demandait qu'à gambader gaiement. Pour l'empêcher de se sauver – ce qui serait fort dommage après toute la peine qu'il s'était donnée pour le faire parvenir à destination –, Mathurin le prit dans ses bras et le maintint fermement serré contre lui, sans se laisser ébranler par l'agitation de l'animal, et attendit patiemment l'arrivée de Morwène, une lettre un peu froissée à la main.

Citation:
    Fait à Rieux, le 27 février 1464

    Chère Morwène  von Frayner,


    J'espère que vous me pardonnerez ce « chère » qui est peut-être une familiarité un peu déplacée quand on considère votre rang, mais je suis de si bonne humeur que je voudrais embrasser toute la terre. En tout bien tout honneur, évidemment. Et métaphoriquement. Il n'y a qu'Actyss que j'embrasse non métaphoriquement.
    Enfin, ce que je veux dire, c'est : je suis d'excellente humeur.

    Laissez-moi d'abord vous remercier pour ce magnifique dessin d'Actyss. Il est splendide. Vous n'imaginez pas à quel point il m'a fait plaisir. Je suis légèrement embarrassé à l'idée que vous l'ayez si attentivement observée nue, mais elle m'a assuré que quand le regard est celui d'un artiste, la nudité importe peu. Je lui ai alors demandé ce que ça lui ferait si moi je posais nu devant vous, mais elle m'a dit qu'elle n'y verrait aucun problème. Je ne sais pas si je dois la croire.
    Il n'empêche que je suis très heureux que vous ne soyez pas un homme, et que vous ayez été la seule personne présente dans la pièce à ce moment-là (vous étiez bien seules toutes les deux, n'est-ce pas ?).

    Mais je suis bavard, alors que depuis le début je n'ai envie que d'une chose, c'est d'écrire en lettres capitales une grande nouvelle.

    Actyss et moi allons nous marier !

    Aucune date n'est encore fixée, mais ça ne saurait tarder. Je lui ai fait ma demande il y a peu – et elle a accepté.
    Vous concevez aisément que je nage dans le bonheur le plus complet.
    Parce que je vais épouser Actyss. Nous sommes fiancés. Nous allons faire un mariage pour nous marier, et après nous serons mariés.
    Votre cousine n'emploiera plus Actyss Clairefeuille, mais Mme Actyss Cassenac.
    N'est-ce pas fabuleux ?

    Je devrais sans doute arrêter de parler de moi – après tout, je ne pense pas que la vie de votre menuisier vous importe beaucoup. Mais vous avez été tellement aimable et m'avez fait un si beau présent (plusieurs, en fait) que j'ose espérer que tout ceci ne vous ennuie pas.

    J'imagine que la lecture de cette lettre est un peu perturbée par le chien qui a voyagé avec cette lettre et ces meubles. C'est un jeune chiot débordant d'énergie, n'est-ce pas ? Il ne vous importune pas trop à sautiller en tout sens ? Vous plaît-il ? Je ne sais pas si un chien de berger convient vraiment à une demoiselle de votre rang, mais je l'ai trouvé si adorablement mignon attachant que je me suis dit que vous l'aimeriez sans doute. Et il est blanc des pieds à la tête, comme vous pouvez le voir. Il vient de Rieux, en Bretagne, où Actyss – ma fiancée ! - et moi venons d'arriver, et où l'homme que vous aviez envoyé avec la calèche nous a trouvés.

    Voici donc livrés pour vous le petit coffre carré, le grand coffre pour vos robes et votre guéridon. J'espère sincèrement qu'ils vous conviendront. Si ce n'est pas le cas, n'hésitez pas à me les retourner, et je ferai de mon mieux pour les accommoder à votre goût.
    Si vous attendez certains meubles de votre commande avec plus d'impatience que d'autres, veuillez m'en informer et je travaillerai sur ceux-ci en priorité. J'ai réalisé quelques croquis pour l'armoire, mais je ne sais pas si je vais m'y mettre tout de suite. Peut-être vais-je d'abord fabriquer les autres coffres, ou les chaises. Cependant je serai très occupé dans les prochains jours, et j'avancerai moins rapidement que jusqu'à présent – mais je vous assure que je ne prends pas votre commande à la légère pour autant ! Je n'en ai pris aucune autre pour me consacrer entièrement à la vôtre.

    Vous trouverez avec cette lettre le détail de la facture, indiquant le coût de chaque matériau et de la main d’œuvre – mon travail, et celui de l'orfèvre à qui j'ai demandé de réaliser les poignées et les serrures. Il y avait dix écus de trop dans la bourse que vous m'avez remise ; je vous les retourne.

    Cordialement,

Morwene
    C'était dimanche, et en bonne aristotélicienne, Morwène sortait juste de l'église. Ce jour-là, puisque le sérieux était de mise, elle n'arborait pas ses traditionnelles robes roses, mais une bleu foncé rebrodées de fils d'or, aux manches. Ses cheveux étaient maintenus par une résille elle-même coincée sous un serre-tête en parfaite harmonie avec la couleur de sa robe. Après avoir distribué une poignée de pièces aux pauvres qui tendaient les mains, la von Frayner regagna dignement sa calèche, et se fit mener à grand train jusqu'au château familial. Là, sitôt arrivée, et après que Gontran l'eut aidé à descendre, la Facétieuse remarqua quelque chose, dans la cour pavée, qui lui arracha un immense sourire. Mathurin était de retour après ce qu'il semblait une éternité, et déchargeait la charrette avec l'aide de quelques domestiques. Un coffre en bois, un guéridon, et un petit coffret passèrent ainsi sous les yeux de la Rose de Lorraine, qui devait se retenir pour ne pas sauter sur place en agitant les bras.

    Sitôt qu'elle fit face au cocher, elle remarqua la petite boule de poils qui s'agitait en jappant. Et ce fut d'un air soulagé que Mathurin confia le chiot à sa nouvelle maîtresse, et donna en main propre la lettre du menuisier. Toute occupée par le chien qui lui léchait le visage, Morwène se débarrassa du pli en le tendant à Camille, et s'empressa de rejoindre ses appartements. Sitôt à l'abri dans son salon particulier, la von Frayner relâcha le petit animal qui se mit à courir dans les tous les sens.
    Il fallait désormais lui trouver un nom, songea la jeune fille en contemplant d'un air attendri, la petite boule de poils surexcitée.


      - Poivre ! décida-t-elle en remarquant sa truffe et ses yeux noirs. Tu t'appelleras Poivre. Camille ? Allez acheter un panier et un coussin pour ce chien. Et faites monter des choses à manger pour lui.


    La chambrière prit le temps de poser sur l'écritoire la lettre d'Arnauld avant de se retirer pour accomplir ses tâches.
    Ce ne fut que lorsque Poivre fut rassasié et installé sur son coussin en sombrant lentement que Morwène trouva le temps de lire son courrier. Un sourire se dessina sur ses lèvres, et profitant du calme revenu, elle s'empressa de répondre. Lorsque cela fut fait, elle sortit d'un tiroir un tableau ovale d'une vingtaine centimètres de haut. Sur la toile protégée par un enduit se trouvait représenté la fiancé du jeune homme. Un demi-sourire étirait ses lèvres. Son regard, de même que toute son expression, exprimait l'infinie tendresse que la peintre avait pu remarquer chez son modèle. Comme tous les portraits réalisés par Morwène, celui d'Actyss était criant de vérité.


Citation:

    Le 6 Mars de l'an 1464,
    Rédigée à Bolchen, Lorraine.

    De Morwène Eugénie Joséphine von Frayner
    Au Maître Arnauld Cassenac,
    Que l'on trouvera en Bretagne.


      Maître Cassenac,


    Je suis enchantée d'apprendre cette nouvelle. Vous êtes après tout mon employé, et il est bien naturel que je sache ce qu'il advient de vous. Ainsi donc vous avez demandé la demoiselle en épousailles et la réponse fut positive. C'est une excellente chose. Je vous présente toutes mes sincères félicitations et vous souhaite une longue et heureuse vie auprès de celle que vous aimez. J'espère que l'heureuse nouvelle a été annoncée de la main même de votre fiancée pour ma chère cousine. Elle aimera apprendre cela.

    Pour ce qui est du dessin, je suis ravie également d'apprendre qu'il vous plait. En revanche, sachez que je suis très rarement seule, même en mes appartements. Aussi me vois-je contraire de vous dire que nous avons quelques fois été interrompues. Ne serait-ce que par mes domestiques – à croire qu'ils ne savent pas à quoi employer leur temps si je ne leur donne point de directives. Mais à part eux, nous étions seules, bien sûr.

    En parlant de noces, j'ai assisté il y a peu à un mariage en la cathédrale de Lyon. Celui du Sieur de Courcy. Un noble Normand me semble-t-il, dont l'épouse est une cousine par alliance de ma propre cousine. La cérémonie fut grandiose. Aussi, si vous désirez vous même offrir à votre dulcinée un mariage digne d'un conte de fées, n'hésitez point à me demander quelque financement, ou avance sur paiement. J'accèderai bien volontiers à la requête.

    Le chien est parfait ! Je l'ai nommé Poivre. Il est en train de dormir pour l'heure, après avoir sauté partout. Soyez assuré qu'il sera merveilleusement bien traité.
    Les meubles me conviennent, et déjà ils ont commencé à remplacer les anciens. Je n'ai rien à y redire. Je vous joins également le portrait de votre fiancée désormais achevé. Il est encadré comme vous le constaterez, de même que protégé par un enduit pour le préserver des accidents qui arrivent si souvent en voyage.

    Je vous pardonne pour cette fois l'adjectif d'introduction. Soyez sans crainte, je ne l'ébruiterai point.

    En espérant que vous soyez en santé,
    Cordialement,



_________________
Arnauld
Citation:
    Le 8 avril 1464

    Mademoiselle von Frayner,

    Avant toute chose, je vous prie d'accepter mes plus plates excuses pour ce long silence qui a dû vous causer bien des interrogations. Je n'oubliais pas votre commande, soyez en assurée ; en vérité, j'y ai travaillé presque sans relâche. Cependant, ce mois-ci fut pour moi l'un des mieux remplis de ma vie, et j'espère que vous me pardonnerez les quelques journées que j'ai prises pour les consacrer à ma femme.

    Ma femme, oui, car j'ai épousé Actyss le mois dernier. C'était à Rohan, en Bretagne, aux portes de Brocéliande. Ce fut une cérémonie très intime, dont les seuls témoins furent nos parents, et nous avons passé notre lune de miel dans les forêts bretonnes, pleines de légendes et, dit-on, de créatures mystérieuses. Si mystérieuses que je n'en ai vu aucune, à vrai dire, mais peut-être étais-je trop occupé à contempler ma femme pour leur prêter attention. Je profite d'ailleurs de cette remarque sur sa beauté pour vous remercier du fond du cœur pour le magnifique portrait que vous m'avez envoyé. Il est véritablement splendide. Vous devez briller dans les cours que vous fréquentez, avec un tel talent ! Je vous remercie également pour votre très aimable proposition de financement pour notre mariage, mais comme je vous l'ai écrit, le mariage a déjà été célébré, et ce dans une ambiance si intime qu'il ne se prêtait pas aux dépenses faramineuses que peut exiger un mariage noble tel que celui de M. de Courcy. Il se trouve que je fus déjà amené, à plusieurs reprises, à rencontrer cet homme ; j'espère ne pas vous froisser en vous disant qu'il ne m'a guère inspiré de sympathie. Mais je me réjouis de son mariage qui va probablement l'amener à demeurer dans la ville où vit son épouse.

    Concernant vos meubles, Mademoiselle, voici ce que vous trouverez dans le chargement de la charrette :
    ♦ Les deux chaises avec accoudoirs, dont l'assise est rembourrée de satin rose.
    C'était la première fois que je faisais moi-même l'assise d'une chaise, mais grâce à l'aide apportée par mon ami Pépin Lavergne, qui est celui qui m'a appris la menuiserie, je crois que le résultat sera à votre goût.
    ♦ La grande armoire.
    Celle-ci m'a donné, je dois vous l'avouer, bien du fil à retordre. Mes petits déboires de menuisier ne vous intéressent sûrement que peu, aussi vais-je vous épargner les détails. Mais c'est en partie cette armoire qui explique le long délai qu'il m'a fallu pour vous écrire à nouveau. Cependant, la voici enfin terminée, et je suis assez content du résultat. J'espère que vous le serez aussi.
    ♦ Le coffre pour votre matériel de peinture.

    Vous trouverez la facture ci-joint.

    Quant au petit chien en tilleul, il s'agit d'un présent. Il n'y a pas de raison pour que vous soyez la seule à avoir le privilège d'en offrir ! Même si certes, il ne rivalise pas avec vos magnifiques portraits. J'espère que vous aurez reconnu Poivre. Le nom que vous avez choisi, d'ailleurs, m'a beaucoup amusé. On ne pouvait pas trouver mieux pour un chien blanc comme neige.

    Et enfin, puisqu'un bonheur ne vient jamais seul – et si ce dicton n'existait pas, voilà qui est réparé – j'ai l'immense joie de vous annoncer la grossesse de mon épouse.

    Très cordialement,



    PS : Actyss et moi rentrons en Languedoc, aussi est-ce à Narbonne qu'il vous faudra adresser vos prochains courriers.
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