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[RP] Correspondances Héloniennes

Helona
    Thiers

Je n'étais pas retournée en taverne après le repas. Je n'avais, étrangement, pas la tête à rencontrer toute la nouvelle bande d'amis d'Arnauld et Actyss. Mes pensées étaient bien trop occupées ailleurs, vers des souvenirs qui me paraissaient à la fois avoir eu lieu la veille et très éloignés. Si tout se passait comme prévu -ce qui n'était jamais le cas- nous allions partir bientôt pour Alexandrie. Plusieurs mois de voyages, des semaines entières loin de ce «chez nous» dont je pensais ne jamais vouloir et de ces amis que j'ai cru, pendant un temps, ne plus avoir. Et j'étais là, installée en tailleur sur le parquet de la roulotte, à me remémorer tout ce que j'avais perdu la dernière fois que j'avais tenté de partir pour Alexandrie.

Citation:
Thiers,
Le 8 Février 1464

A Gabriel,

Je dois bien avouer qu'il m'est étrange de rédiger cette lettre, puisque les chances sont tout de même assez élevées pour que je sois en train d'écrire à un mort. J'essaie de rassurer l'absurdité de ce geste en tentant de me convaincre que, de là où tu es, tu es peut-être en train de me regarder écrire. Si c'est le cas, tu la liras sans doute aussi bien que si tu la recevais réellement. J'espère tout de même que tu n'es pas réellement mort et que ton -incroyablement long- silence n'est du qu'aux fruits du hasard.

Je pense à toi souvent, depuis que tu es parti vers la Bretagne. J'y pensais quand nous nous écrivions, et que Pépin et moi étions en route pour vous rejoindre, Hirondelle et toi. Nous sommes allés en Bretagne, finalement, tu sais ? On en a fait le tour et j'ai demandé un peu partout après toi sans parvenir à obtenir une réponse claire, de qui que ce soit. Nous avons vu Brocéliande, l'océan, d'autres forêts... C'était fabuleux. Mais tu n'étais pas là.

J'avais renoncé depuis quelques temps à t'écrire, tout comme j'avais renoncé à écrire à ceux qui ne daignaient plus me répondre depuis bien longtemps. Mais je ne peux m'empêcher de repenser à toi aujourd'hui. Je prépare, du moins j'essaie, un autre voyage pour Alexandrie. Nous n'avons ni bateau, ni compagnons pour nous accompagner, pour le moment. Un voyage bien bancal, en somme, comme le notre, si tu t'en souviens. A la différence près que nous étions tout un groupe près à partir alors qu'ici, nous ne sommes que deux. Trois, si on compte mon fils. Et j'imagine que le fait qu'il ne sache pas parler ne devrait pas nous empêcher de le compter dans les effectifs.

J'aimerais avoir de tes nouvelles, tu me manques. Et je m'inquiète pour toi.

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Merci au jidé Pepin_Lavergne pour la ban
Morwene
    Entre les promenades à cheval, les dîners et les séances de lecture et de peinture, Morwène n'avait pas encore eu de temps, depuis son retour auprès des siens, pour écrire à son amie. Rencontrée en Auvergne un an auparavant, la Facétieuse avait été immédiatement attirée par la jeune femme. Celle-ci en effet, était en train de peindre l'exact même paysage que celui qu'elle avait choisi la veille. Et ce n'était pas tous les jours que pareil hasard se produisait ! Elle avait aussitôt décidé qu'elles lieraient connaissance. Après tout, Morwène, à part les filles de nobliaux qui se pressaient à l'école, n'avait pas vraiment d'amies.

    Un an avait passé, elles s'étaient revues chaque fois qu'Hélona remettait les pieds en Auvergne. Cela mettait du baume au cœur de la von Frayner, qui se languissait de sa famille. Et voilà qu'en partant de la région volcanique, elle avait tout à fait omis de faire prévenir Hélona qu'elle ne reviendrait pas de sitôt ! L'excitation du moment en était la cause, Morwène ayant d'ordinaire une bonne mémoire et un sens aigu des responsabilités.


      - GooonTRAAAAN !


    Installée derrière son bureau, dans sa chambre, Morwène tirait frénétiquement sur le cordon censé appeler ses domestiques. Au nombre de deux, elle employait depuis trois ans un valet – très patient – et plus récemment une femme de chambre – sur qui elle n'avait jamais besoin de crier. Et cela faisait bien trois minutes qu'elle avait déjà sonné le valet. Qu'est-ce qu'il pouvait bien fabriquer, encore ?
    La porte de la chambre de la jeune fille s'ouvrit enfin, et Gontran pénétra dans la pièce, l'air digne.


      - Ma Damoiselle m'a fait appeler ?

      - Bien sûr que non, je suis à tu et à toi avec l'Empereur de Chine, c'est lui que je carillonne depuis une heure !

      - Que puis-je pour votre service ?

      - Faites porter ceci pour qu'on les remette en main propre à sa destinataire. C'est une missive privée de la plus haute importance, aussi pressez-vous donc de porter cela à un coursier, et recommandez-lui la plus grande diligence. Sinon je lui hurle dans les oreilles.

      - Voilà une menace qui devrait le convaincre de se hâter...


    L'un des charmants souliers de Morwène vola à travers pièce, manquant de peu un Gontran souriant en coin. Il disparut sans attendre, une lettre cachetée un petit paquet dans les mains, laissant la Facétieuse récupérer sa pantoufle de satin. Il ne lui restait plus, puisque la lettre était en voie d'expédition, qu'à choisir une robe d'équitation et de faire sortir sa jument. C'était, en définitive, une bien belle journée.


Citation:

    Fait à Vaudemont,
    Château de Bolchen,
    En Lorraine.

    Le 9 Février de l'an 1464.


      Ma chère Hélona,


    Le temps se joue de nous, n'avez-vous jamais constaté cela ? J'ai eu l'impression que ces six dernières années duraient chacune un siècle, et au moment d'en voir enfin le bout, voilà que les heures défilent à toute allure. Et j'ai oublié, dans la frénésie du départ, de vous faire mes adieux. Car vous serez peut-être ravie de l'apprendre, mais je suis désormais auprès de ma famille, dans le château de ma cousine. J'ai retrouvé cette dernière, ainsi que mon frère bien-aimé. Je vous ai si souvent parlé de mon aîné que vous devez en avoir assez. Le bonheur me fait m'oublier.

    Comment allez-vous depuis la dernière fois que nous nous sommes vues ? Cela ne fait que... Laissez-moi compter. Trois mois ? Quatre ? Votre petit garçon, comment va-t-il ? Et votre cher époux ? Je me souviens que vous disiez de lui qu'il était un mari exemplaire. J'espère que c'est toujours le cas, et que trois ou quatre mois n'ont pas gâté son caractère !

    Pour ma part je vais fort bien. Je m'occupe comme mon rang m'y incite, à faire quelques promenades à cheval. Je passe aussi du temps auprès de ma cousine, j'écoute ses suivantes lire les extraits d'ouvrages qu'elles choisissent. J'ai décidé que bientôt, je choisirai une histoire un peu plus croustillante. Les livres sur la morale me rappellent par trop les années d'école. Et bien entendu, je peins. Je suis d'ailleurs en train de réaliser une vue sur le château de Bolchen. Je vous l’expédierai par ma prochaine lettre. Ainsi vous verrez où je vis désormais.

    Quels sont vos projets ? Je sais que vous affectionnez les voyages. Vers quelle contrée vous mèneront vos pas ? Avez-vous déjà une idée ? Cheminez-vous au hasard ? Si le voyage vous tente, je suis certaine que ma cousine acceptera de vous recevoir en ses murs. Je lui manderai officiellement dès que possible.
    En parlant de voyage, ne vous avais-je pas promis un livre sur les aventures de cet homme, Marco Polo ? Eh bien, vous trouverez un exemplaire de ce volume dans le paquet que l'on vous aura joint.

    Tenez, je vous dessine en quelques traits un petit quelque chose que j'aperçois de ma fenêtre. Ne vous rappelle-t-il pas celui que nous avons contemplé lors de notre dernière rencontre, sur la branche de l'arbre non loin de l'église ? C'était assurément une bien belle journée que celle que nous avons passé à tenter de l'apprivoiser.



    J'espère vous lire sous peu ! J'espère également que vous me pardonnerez de ne point vous avoir prévenu de mon départ.

    Avec toute mon affection,

    Votre amie,



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Helona
    Montpensier

Les retrouvailles récentes avec Arnauld et Actyss avaient été joyeuses. Nous avions, pour la première fois depuis longtemps, pu passer de longs moments entourés de personnes suffisamment saines d'esprit pour ne pas penser que de fréquenter un couple en taverne était interdit. C'était malheureusement souvent le problème. Même si nous ne faisions rien de gênant, si nous nous contentions de discuter tranquillement, dès lors que les gens apprenaient que nous étions mariés ils avaient la bougeotte, s'excusaient de déranger et quittaient les lieux.

Retrouver des discussions avait été plaisant mais j'avais, dans mon excitation, parfaitement omis d'écrire à Morwene. Chose que je faisais pourtant systématiquement dès que je me rendais en Auvergne, afin de nous arranger un rendez-vous. La chose fut réparée lorsqu'elle m'envoya sa lettre la première.

Citation:
Montpensier
Le 10 Février 1464

Chère Morwene,

Qu'il m'est étrange de recevoir ta lettre tout juste au moment où je me trouve de nouveau en Auvergne. J'avais justement l'intention de t'écrire dans les jours à venir afin que nous puissions nous voir. Je suis à la fois un peu déçue et pourtant bien heureuse de constater que cela ne sera guère possible. Le bonheur l'emporte, cependant, sur ma déception, de te savoir enfin chez toi. N'hésite pas d'ailleurs à en profiter pour me parler encore de ton frère, ainsi que de ta cousine. J'imagine que maintenant que tu es auprès d'eux, tu dois avoir encore bien plus à me raconter à leur sujet !

Pour ma part je me porte très bien. Thomas grandit à vue d'oeil, les changements qui s'opèrent à cet âge là sont tout à fait incroyables. J'ai glissé d'ailleurs dans le paquet un petit portrait de lui, que je me suis amusée à croquer il y a quelques jours de cela, pendant que Pépin conduisait la roulotte. Voilà donc ce que devient la vie lorsque l'on devient mère. Mon amie m'envoie un superbe dessin -pour lequel je te remercie grandement- et je lui réponds en joignant un croquis de mon fils. A croire que plus rien au monde n'existe en dehors de lui. J'espère que tu ne m'en voudras pas trop tout de même.

Si tu veux égayer un peu les lectures auxquelles tu as droit, pourquoi ne me dis-tu pas ce qu'il te plairait de lire ? On ne cesse, comme tu le sais, de voyager avec Pépin. Et j'ai déjà moi-même quelques ouvrages dont je ne suis pas peu fière. Je suis certaine que je pourrais te trouver quelque chose d'un peu plus croustillant, comme tu le dis si bien, pour autant que tu me diriges un peu sur ce que tu recherches. Si l'idée te dit, bien entendu. J'ai pour ma part l'intention de dévorer l'ouvrage que tu m'as offert, pour lequel je te remercie tout autant que pour le paysage... Peut-être même plus. Je suis impatiente d'en apprendre plus au sujet de cet homme là.

Nous sommes donc en Auvergne, actuellement, mais en route vers Narbonne. Il nous faut remettre un peu d'ordre à l'auberge avant de reprendre la route. Parce que oui, nous partons une nouvelle fois. Nous voudrions nous rendre à Alexandrie. Je sais bien sûr que le voyage sera long et fastidieux mais j'en meurs d'envie depuis si longtemps. Depuis que mon défunt père m'en avait parlé, à vrai dire, à son retour de voyage alors que j'étais encore enfant. L'ennui étant pour l'instant que nous n'avons toujours ni bateau, ni amis désireux de nous accompagner si loin. Les voyageurs sont devenus frileux, on dirait.

J'espère tout de même que nous serons amenées à nous revoir bientôt. Tout comme j'espère, en attendant, avoir de tes nouvelles rapidement.

Affectueusement,

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Merci au jidé Pepin_Lavergne pour la ban
Morwene
    Les dés roulèrent sur le guéridon. Un double six ! Un cri de victoire retentit en même temps qu'une lamentation de détresse. Morwène exultait, au comble du ravissement. Elle venait encore une fois de remporter la partie, et Gontran, de la perdre lamentablement.

      - Comment faites-vous cela ?

      - Vous ne saurez jamais. Allons, donnez-moi vos biscuits.


    Elle fit les gros yeux alors que le valet poussait un soupir à fendre l'âme. La Facétieuse avait décidé de ne pas jouer d'argent avec ses domestiques. Il s'agissait de ne pas les laisser sans le sou. C'était très charitable puisqu'elle avait la fâcheuse manie de remporter les trois quarts des parties.
    Alors qu'elle mordait dans un biscuit, Camille, sa chambrière, s'approcha en supportant le poids d'un plateau d'argent finement ciselé. La théière fumante et la tasse en délicate porcelaine furent déposées sur un autre guéridon. Une lettre était appuyée sur la théière, attirant l'attention de la jeune fille, qui se désintéressa aussitôt de son jeu.


      - Prenez donc quelques heures pour vous, je vous prie, fit-elle à l'adresse de Camille et Gontran. Oh, ma chère, pensez à faire préparer mon bain, pour mon retour. Je pars en promenade d'ici une petite heure, à cheval. Vous mettrez l'huile à la rose, cela va de soi.


    Elle leur adressa un sourire, ainsi qu'un petit geste de la main. Ils sortirent sans attendre, comme elle l'avait implicitement demandé. Dès qu'elle fut seule, Morwène prit place sur son petit fauteuil moelleux, et commença sa lecture.
    Un sourire ravi étirait ses lèvres au fur et à mesure qu'elle dévorait les lignes. Et sitôt la missive achevée, elle s'empressa de s'installer derrière son écritoire pour y apporter une réponse.


Citation:

    Fait à Vaudemont,
    Château de Bolchen,
    En Lorraine.

    Le 12 Février de l'an 1464.


      Ma chère Hélona,


    Je suis tout à fait attristée je dois dire, de savoir que je vous ai manqué de peu. Ce qui rend mon invitation plus pressante encore. Lorsque vous rentrerez de cette lointaine cité d'Alexandrie, il faut que vous veniez ici. Ce n'est pas une convocation ni un ordre, point de méprise. Il s'agit d'une invitation presque dans les formes. Je vous ferai parvenir un billet exprès, tout à fait règlementaire, lorsque le bateau vous aura rendu à votre pays, dès votre retour.

    D'Alexandrie, je n'ai entendu que de folles histoires. Il parait que la cité est d'or et les rues pavées d'argent. Il parait même que le cœur des fleurs est uniquement constitué d'un diamant d'une pureté exquise, et que sur chaque pétale, une multitude de pierres précieuses y brillent, ce qui donnerait, en fonction des joyaux, leur couleur aux fleurs. On raconte aussi qu'il existe certains endroits, des rivières me semble-t-il, ou des marais, où vivent des lézards gigantesques à la peau aussi dure que la pierre, d'un superbe vert émeraude. Je ne me souviens malheureusement pas du nom de ces animaux. Mais on dit que leur gueule est longue et pleine de dents. Aussi, il faudra bien y prendre garde, car ils peuvent aller à la fois dans l'eau et sur la terre ferme. Il existe aussi une falaise depuis laquelle on peut sauter. Et la magie de cette falaise réside dans le fait que, même si elle est haute, l'on ne meurt point en touchant terre, on y laisse l'empreinte de son corps pour l'éternité. On dit aussi qu'on apprend bien des choses sur soi durant la chute. Il faudra que vous me racontiez au fur et à mesure si tout cela est bien vrai. Je ne pense point pouvoir jamais mettre les pieds en de tels endroits du monde.

    Le portrait de votre fils est merveilleux. Je vais le faire encadrer, d'ailleurs. Il sera ainsi tout à fait à l'abri des ravages du temps. Je ne vous en veux pas le moins du monde ! Je n'ai moi-même pas d'enfant – car comme vous le savez, je ne suis pas encore mariée – mais je suis certaine qu'une fois que j'en aurais un, je passerai mon temps à le peindre.

    J'ai donc retrouvé mon frère et ma cousine, Rohnan et Brunehilde. Imaginez-vous que mon frère s'est entiché il y a de cela bien des années, d'un jeune homme des rues avec lequel il a fait moult sottises. Je ne suis pas contre le mélange des classes, comme vous le savez. Mais ce garçon est quelque peu cavalier. Il a insulté ma cousine, voyez-vous, et me traite comme si, pour user de l'expression, nous avions gardé les cochons ensemble. Je ne me sens pas très à l'aise en sa présence. En vérité, il n'y a bien que vous qui puissiez me tutoyer sans que je m'en offense. Et après tout... Si je puis vous présenter une requête d'un genre particulier, puisque ces lettres sont strictement confidentielles et que nul ne viendra y fourrer son nez – car comme pour toute correspondance personnelle, j'enferme vos lettres dans un coffret – puis-je solliciter de vous de pouvoir vous tutoyer à mon tour ? Ce n'est pas quelque chose que je fais d'ordinaire, mais il est si doux et si bon de savoir que quelque part en ce monde, je pourrais me comporter avec quelqu'un tout à fait naturellement, sans souci des convenances et de la bienséance. Accepteriez-vous ?

    Au sujet des livres... J'aimerais en avoir un qui traite du merveilleux. Il est temps que quelqu'un enchante un peu la vie de ma cousine, si bien ordonnée. La faire rêver ne me paraît pas un mal. Aussi, une histoire pleine de fées et de magiciennes, de princes charmants et de vilains sorciers. Quelque chose qui sème de la magie, quand on le lit. C'est ce que je cherche. Ainsi, si je m'y prends bien, j'animerai bien davantage les séances de lectures ! Auriez-vous des conseils à ce sujet ?

    J'espère que votre voyage se passera bien et que vous trouverez un navire. Je répandrai la rumeur, si vous le souhaitez, que vous partez là-bas. Peut-être cela intéressera-t-il des gens d'ici ?

    J'espère que vous vous portez au mieux, tous les trois.

    Avec toute mon affection,

    Votre amie,



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Helona
    En pleine campagne

Installée en tailleur sur l'herbe, le dos appuyé contre le tronc d'un immense chêne, je contemplais avec ravissement Pépin qui tenait fermement contre lui une minuscule créature toute babillante. Nous profitions à ravir d'une journée ensoleillée, la première depuis quelques longs jours déjà. Les lèvres de mon mari se déformaient en des «O» et des «A» qui auraient pu paraître tout à fait ridicules s'ils n'avaient pas été accompagnés de ce regard émerveillé. Dans le creux de ses bras, Thomas gazouillait joyeusement, et l'air empli de fierté de son père laissait à penser qu'il prenait ces gazouillements pour les répétitions studieuses des voyelles susnommées.

Je profitais donc de cet instant de sérénité retrouvée pour prendre la plume et me mettre à jour dans mes correspondances.

Citation:
Sur les chemins, aux alentours de Bourges
Le 17 février 1464

Chère Morwene,

Ne sois pas trop attristée que nous n'ayons pu nous croiser. Il est déjà prévu qu'à notre retour d'Alexandrie, si tant est que le voyage ait bien lieu, nous fassions le tour du Royaume pour revoir nos amis et leur apporter les présents que nous trouverons assurément lors de notre périple. J'espère d'ailleurs que mes lettres te parviendront toujours, même de là-bas. Je suppose simplement que le temps de réception s'en trouvera quelque peu rallongé, mais j'aimerais pouvoir te conter mes aventures !

En parlant d'aventures, je ne sais plus si j'avais eu l'occasion de t'en faire part mais Pépin et moi avons passé quelques jours au coeur de la forêt de Brocéliande, en Bretagne, il y a quelques mois de cela. Ce fut une expérience tout à fait extraordinaire. J'ai eu la chance de pouvoir me procurer, sur place, un ouvrage fascinant que tu trouveras également joint dans ce paquet. Il conte les légendes propres à cette forêt. Tu y trouveras des récits très intrigants sur les Lavandières, l'histoire du tombeau de Merlin, du Val sans retour et des tas d'autres histoires fabuleuses. Rien ne me passionne tant que ces contes-là. Et ils prennent d'autant plus de sens depuis que j'ai eu l'occasion de passer quelques jours sur les lieux.

Pour répondre à ta requête, sache que je préfèrerais bien entendu que tu me tutoies ! Je suis pour ma part bien incapable de continuer à vouvoyer les gens que j'apprécie. Je conçois qu'il s'agit là d'un défaut non négligeable mais c'est plus fort que moi. J'espère surtout que la chose ne t'a jamais offensée. Alors ne te prives surtout pas, bien au contraire. Je ne suis pas douée pour les convenances. Mon père était un marin irlandais, il en ignorait tout et est de toute façon décédé trop tôt pour me les enseigner. Quant à ma mère, elle a perdu la raison alors que j'étais bien trop jeune pour prendre le relais. Alors j'essaie d'imiter, en observant la façon dont ceux qui savent se comportent... Mais ce n'est jamais naturel chez moi.

Finalement, nous avons du reporter notre quête de navire de quelques jours... Je ne me souviens plus si je t'avais mentionné l'homme que je fréquentais avant de rencontrer Pépin ? Notre histoire s'est mal terminée... Elle se déroulait mal aussi, en réalité. Quoiqu'il en soit ce dernier est mourant, en Alençon. Et je n'ai pu faire autrement que de prendre la route pour me rendre à son chevet. Je ne pourrais continuer à avoir la conscience tranquille en sachant que je n'ai pas pris la peine de lui dire au revoir... Je ne suis pas certaine que l'on puisse comprendre cela... Mais c'est donc là-bas que nous nous dirigeons, actuellement. Je t'en dirais plus lorsque nous serons arrivés, j'imagine.

Prends soin de toi,
Ton amie,

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Merci au jidé Pepin_Lavergne pour la ban
Morwene
    Morwène était encore furieuse, même après deux jours. Son frère, son propre frère, parti, sans elle, à la recherche de Déos savait quelle aventure idiote, loin de sa famille, et surtout d'elle, sa soeur ! Bien sûr, elle était censée l'accompagner, au départ. Mais c'était avant qu'elle entende les insanités proférées par le meilleur ami – gueux – de son frère. Culbuter leur cousine Brunehilde pour la détendre ? Elle en avait encore mal aux oreilles. Et c'était elle, Morwène, qui avait dû défendre l'honneur de celle qui leur faisait la grâce de les héberger en leur répétant que son château était le leur. Son frère n'avait aucun sens du devoir, ne prenait pas à cœur ses responsabilités, et préférait traîner avec un malotrus et une couturière plutôt que s'en aller en promenade avec elle. Eh bien qu'à cela ne tienne ! Il était parti, elle était restée. Pour l'instant.

    Sa malle de voyage était grande ouverte au pied du lit. Camille, la chambrière, était en train d'y entreposer une robe pour le dîner, en mousseline jaune d'or. Une chemise de nuit en flanelle fut ajoutée, ainsi que trois paires de bas, un corset de rechange, et deux chapeaux. Dans un claquement discret, la malle fut refermée, et déjà Camille transmettait des ordres pour que l'on la chargeât dans la calèche. Morwène ne partait que dans trois heures, après le déjeuner. Aussi avait-elle le temps de régler ses courriers en retard avant de descendre.

    La Rose prit place derrière son écritoire, lissant du plat de la main sa robe de voyage en velours de couleur capucine. Elle s'empara d'un parchemin vierge, sortit de son petit coffre la lettre de son amie rousse, et s'empressa de lui répondre avant qu'on ne vienne lui sonner les cloches.


Citation:

    Fait à Vaudemont,
    Château de Bolchen,
    En Lorraine.

    Le 23 Février de l'an 1464.


      Ma chère Hélona,


    Si vous saviez ! Je veux dire, si tu savais. Me voilà presque dans l'obligation d'épancher mon cœur meurtri. Je t'ai parlé de mon frère aîné, que je n'ai quasiment pas vu en six années d'école. A peine quelques fois en quatre ans, avant qu'il n'entreprenne un voyage qui en dura deux, durant lesquelles je ne le vis pas du tout. Et voilà que ce fieffé coquin s'est entiché d'un homme, son ami d'enfance, un véritable rustre qui me tutoie, lui, comme si nous étions proches, comme si je lui en avais donné le droit ! Et non content de me parler comme si j'étais une petite rustaude, une petite lavandière, il ose, oui, il ose ! parler de ma cousine en des termes tellement grossiers que j'ai honte à les coucher sur ce vélin innocent. Ma cousine est deux fois Baronne, va épouser un Duc, et il est vrai qu'elle peut paraître de prime abord un peu rigide et stricte, mais personne ne s'est donné la peine de gratter sous la couche des convenances qu'elle s'emploie si bien à respecter. Brunehilde a un cœur d'or, d'une grande générosité. Et ce malotrus se permet de dire qu'il roulerait bien dans le foin avec elle s'il faut la décoincer ! Y crois-tu ?

    Mon frère et moi devions entreprendre un voyage ensemble. Le voilà qui est parti avec son « ami » et une couturière guère plus gracieuse qui se vêt comme un homme pour voyager et qui manie l'épée. Je me demande ce qu'il pourra bien inventer par la suite. En tout cas, je suis terriblement meurtrie par ses folies. Il a tendance à s'oublier, ces derniers temps. Je ne sais pas ce qui lui prend. Je crois savoir que tu as un frère, toi aussi ? Sont-ils donc tous comme le mien ? Ou suis-je particulièrement gâtée par Mère Nature ?

    Mais je cesse ici de me lamenter. Ton sort ne me paraît guère enviable au mien. Tu m'avais effectivement parlé de cet homme, fort peu je dois l'avouer, mais suffisamment pour que je comprenne que le sujet était douloureux. Ainsi donc il se meurt... Je ne te blâme pas d'aller le voir en ces circonstances. Et d'ailleurs, tu es une femme mariée désormais, tu peux rendre visite à un malade sans rougir de ce que l'on en dira, d'autant que ton époux t'accompagne. Et je crois, non, en vérité, je suis convaincue, que l'on doit aller pardonner aux mourants les actes cruels qu'ils nous ont fait subir. Pas nécessairement pour qu'ils quittent ce monde en paix. Également parce qu'ainsi, c'est nous qui trouvons la paix. En lui pardonnant, tu tourneras une page de ton histoire qui t'a causé des souffrances. Et tu te libèreras de tout cela. Je pense que c'est une bonne chose que tu y ailles.

    Cela retarde d'autant plus Alexandrie, mais vous trouverez à vous embarquer. L'on m'a dit que moult navires partaient de villes comme Béziers, Narbonne, ou Montpellier. Lorsque vous vous rendrez là-bas, vous trouverez de quoi partir. J'en suis persuadée.

    Je te remercie pour tes conseils en matière de lecture ! Et pour l'ouvrage que tu m'as si gentiment prêté. J'ai commencé à le lire et il est tout à fait passionnant !
    En parlant de voyage... Comme je te l'ai dit mon frère est parti. Cela ne m'arrête pas pour autant, car j'ai décidé de faire un petit tour de la Lorraine. Je me rends à Toul et à Nancy, et cela dès aujourd'hui. Vaudemont est bien calme en cette saison d'Hiver, et je tiens à voir de mes yeux les éventuelles animations que l'on trouve ailleurs. Tu pourras toujours me faire parvenir ta lettre à Bolchen, car je ne pars que trois jours.

    Je prie pour que tu sois en santé, ainsi que ta famille.

    Avec toute mon affection,
    Ton amie,



_________________
Helona
    Alençon

Je n'avais plus écrit à personne depuis que nous étions arrivés à Alençon. Depuis quelques jours avant, en réalité. Le voyage n'avait pas été de tout repos, nous avions tout perdu en route, sauf la roulotte évidemment, et mes retrouvailles avec Eryanor avaient été plus douloureuses que prévu. Je ne savais pas encore quoi penser ni quo dire, à qui que ce soit, à ce sujet. Mais je me devais de me mettre à jour dans mes correspondances avant que tout le monde ne finisse par s'inquiéter de mon silence.

Citation:
Alençon,
Le 2 mars 1463

Ma chère amie,

Je suis vraiment désolée d'apprendre que tu ne parviens toujours pas à t'entendre avec l'ami de ton frère. Bien sûr, je ne sous-entends absolument pas que tu en es responsable, à la manière dont tu me le décris j'ai bien l'impression que cet homme est tout à fait grossier et j'imagine aisément comme il doit t'être difficile de le supporter. Peut-être en serais-je légèrement moins choquée que toi, cependant. Mon père était marin. Je te laisse le loisir d'imaginer le genre d'amis qu'il pouvait avoir et les discussions auxquelles j'avais le malheur d'assister. Les hommes sont ainsi, pour la plupart, des rustres. Ne cautionne pas son comportement, mais essaie peut-être de ne pas le prendre trop à coeur non plus, il n'en vaut certainement pas la peine.

J'ai un frère aussi, et je ne sais que trop bien ce qu'il se passe lorsqu'ils font n'importe quoi... Le mien à une fâcheuse tendance à se prendre d'amour pour des femmes qui le traitent comme un moins que rien. Si tu voyais, un peu, la façon dont elles lui parlent ! Et lui qui papillonne des cils, sans les reprendre... Voilà donc ce qu'il se passe dès qu'un homme est trop gentil. Parce que mon frère est gentil, adorable, certainement pas benêt pour autant ! Et j'ai pourtant l'impression qu'elles le prennent pour un idiot. Il en a rencontré une autre, récemment, mais il ne me parle d'elle qu'en de bons termes. J'attends donc de l'avoir vue en face pour me faire ma propre opinion sur la personne...

Pour ma part, je suis donc en Alençon, actuellement... Je sais qu'il faudrait que je te raconte comment les choses se sont passées, se passent, avec Eryanor... Mais je crois que je ne sais pas encore moi-même prendre du recul sur la situation. Ne m'en veux donc pas si j'attends un peu avant de te raconter tout ça, j'ai besoin d'y voir un peu plus clair avant de m'étendre sur le sujet. Pépin, en revanche, n'a pas l'air ravi d'être ici et je ne peux que le comprendre. Nous n'allons guère tarder à reprendre la route, en longeant la côte. Nous passerons par Bordeaux pour rendre visite à mon frère, et par autant de ports que possible pour nous rendre à Narbonne dans l'espoir de trouver un navire en partance pour Alexandrie.

Comment s'est passé ton voyage, à toi ? Ton frère est-il revenu ?

Affectueusement,

_________________

Merci au jidé Pepin_Lavergne pour la ban
Morwene
L'emploi du temps de Morwène commençait tout juste à s'alourdir. Et c'était une bonne chose. S'investir pour son Duché était important à ses yeux. Être utile aux autres, animer une région qu'elle aimait, cela lui donnait un but et occupait ses journées. Et ce n'était en rien incompatible avec son rang.
Aussi, avant d'être tout à fait submerger de travail et de n'avoir plus tout son temps pour elle, Morwène décida de répondre immédiatement à son amie.


Citation:

    Fait à Vaudemont,
    Château de Bolchen,
    En Lorraine.

    Le 5 Mars de l'an 1464.


      Ma chère Hélona,


    Je vais commencer cette lettre par ta rencontre avec cet homme.
    J'ai cru sentir à travers tes mots que la rencontre ne s'était pas très bien déroulée. S'est-il montré grossier ? A-t-il tenté des choses à ton encontre ? Je peux aisément comprendre que ton époux n'ait pas apprécié de revoir cet homme, mais... Et toi ? A-t-il voulu profiter de son état, si j'ose dire, pour t'apitoyer sur son sort ? Êtes-vous partis d'Alençon ? Je ne cherche point à forcer la confidence, mais je ne peux m'empêcher de m'inquiéter de cette rencontre. Si tu ne veux pas m'en dire plus, rassure-moi au moins en me disant que tu vas bien.

    Je vais maintenant te répondre. Tu me demandais si mon voyage s'est bien passé et si mon frère est revenu. Aux deux questions je ne peux que répondre par l'affirmative. Cependant... Je suis repartie, de nouveau à Nancy, parce que j'ai eu une idée d'animation pour la Lorraine. La région est splendide, mais malheureusement les habitants ne sortent pas beaucoup. Il m'a fallu voir directement le Duc. C'est chose faite et me voilà désormais chargée d'organiser un grand tournoi d'archerie. De même, je suis chargée de mettre sur pieds une grande vente aux enchères. Que de choses passionnantes qui vont occuper mon temps ! Et me faire oublier certaines choses désagréables...

    ... Que je m'empresse d'ici te conter. Il s'agit de mon frère. Décidément, il est source de bien des tracas. Il est revenu pour mieux repartir, avec son ami et la couturière. Et tu ne sais pas ce que j'ai pu apprendre sur son compte ? De la bouche même du Maire de Nancy et l'information fut confirmée par le Duc de Lorraine. Mon frère a accompagné son ami à Epinal pour une obscure raison qui comme de bien entendu, les a mené droit vers les coffres de la Mairie de la ville. Quand je te dis qu'il l'entraîne sur la mauvaise pente ! J'en rougis encore, rien que de l'écrire. Mais je ne veux plus y penser. Mon frère a scellé son destin et il n'est pas question qu'il m'entraînât dans sa chute.

    As-tu besoin de quelque chose ? Pour ton voyage ou pour autre chose. Je sais que tu peins, c'est même grâce à cela que nous nous sommes rencontrées. Et ici, j'ai droit aux meilleures peintures. Aussi, si tu souhaites quelques pigments, ou même toute la gamme, n'hésite pas à demander, je me ferai une joie de t'en envoyer.

    J'espère que tu vas bien et que votre voyage se déroule sans encombre.

    Avec toute mon affection,
    Ton amie,



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Helona
    Rennes

J’avais du mal, en réalité, à trouver des instants où mon esprit était suffisamment apaisé pour que je puisse envisager de répondre à Morwene. Je n’avais pas souvenir qu’elle m’ait déjà réellement connue lors de mes élans, pourtant fréquents, d’émotions en tous genres. Ca m’envahissait, comme ça, soudainement, et ça débordait de tous les côtés. Je pouvais soudainement rire, soudainement pleurer, sautiller, crier et écrire des lettres insensées. Comme je préférais éviter d’envoyer lesdites missives à Morwene, j’attendais, chaque fois, presque patiemment, d’être quelque peu calmée pour m’y atteler.

Citation:
Rennes,
Le 10 Mars 1464

Chère Morwene,

Chaque fois que je reçois une lettre de ta part, je suis quasiment assurée de lire les dernières folies de ton frère. C’est étrange, mais ça me donne envie de le rencontrer. Mettre un visage sur le phénomène qui, j’en suis certaine, t’ôte bien des heures de sommeil à t’inquiéter pour lui. Je serais cependant bien mal placée pour vous juger, l’un comme l’autre, puisque j’ai épousé un brigand. Repenti, le brigand, attention. Il m’a promis, à plusieurs reprises, de ne plus jamais recommencer. Mais je dois bien admettre que j’ai certains doutes, parfois, lorsqu’il revient vers moi, tout sourire, avec des bijoux hors de prix. Mais c’est une autre histoire.

Quoiqu’il en soit, as-tu essayé d’avoir une discussion avec lui, à ce sujet ? Je veux dire, sans que son ami soit là, à côté, à détourner son attention et à répondre à sa place ? Ces choix sont les siens et tu n’en es certainement pas responsable mais peut-être est-il encore temps de le ramener sur le droit chemin ?

Je suis néanmoins soulagée d’apprendre que tu as trouvé de quoi t’occuper. Organiser des évènements, c’est sans aucun doute une chose que j’aurais adoré faire si je n’avais pas tant eu la bougeotte. Je serais volontiers passée te rendre visite, pour voir la tournure que prennent les choses, mais Nancy est décidément bien à l’opposé de l’endroit où nous souhaitons nous rendre, Pépin et moi.

Venons-en maintenant au sujet qui fâche… Mon séjour en Alençon. Tu n’as pas idée de tous les sentiments contradictoires qui m’ont traversée, et me traversent encore, depuis que j’ai revu Eryanor. Il était là, si pâle, tout engoncé dans des bandages qui me paraissaient si serrés… Et j’ai ressenti des choses que je n’aurais pas du, je crois, ressentir à son égard. Pas de l’amour, non… Mais une certaine tendresse, des élans qui m’auraient poussée à vouloir prendre soin de lui. A rester plus longtemps à son chevet, jusqu’à son rétablissement… Je ne l’ai pas dit à Pépin mais il m’a dit qu’il était encore amoureux de moi. Qu’il ne parviendrait jamais à oublier et que mon départ l’avait rendu malheureux comme les pierres.

Il a été blessé lors d’une rencontre avec l’armée, c’est la guerre en Alençon. Mais il dit que c’est de ma faute, s’il y a participé. Que pour oublier à quel point il souffre –par ma faute une fois encore- il passe son temps à chercher les ennuis. Il espérait mourir sur le champ de bataille. Comment suis-je supposée vivre avec ça, dis-moi ? Je n’ai jamais tant souffert que durant les mois que j’ai passé à ses côtés et, à présent que je suis parvenue à trouver le bonheur, voilà que je dois avoir ses blessures sur la conscience. Peut-être a-t-il raison, peut-être me suis-je montrée trop dure envers lui ? Je ne sais quoi penser, mais le fait est que ça ne veut pas quitter mes pensées, pourtant nous sommes partis depuis plusieurs jours déjà…

Enfin ne t’inquiète pas trop, je finirais bien par oublier ces épisodes douloureux.

Quant aux pigments, comment oserais-je refuser une telle proposition ? J’ai glissé dans le paquet une petite bourse, qui devrait te suffire à me trouver deux ou trois teintes, je pense. Je te laisse le choix des couleurs, je n’ai plus grand-chose en réserve… Mais j’aimerais des teintes chaudes, j’ai envie que l’été revienne.

Prends bien soin de toi,

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Merci au jidé Pepin_Lavergne pour la ban
Helona
Citation:
A bord du Black Bow,
Le 09 août 1464

Arnauld,

Il y a des millénaires que je veux t’envoyer cette lettre, ou du moins une lettre dans ce genre-là. Je ne sais pas pourquoi je ne m’y suis pas résolue plus tôt. J’en ai eu l’occasion, pourtant, à plusieurs reprises. Chaque fois que je souhaitais te remercier de quelque chose en particulier, par exemple, ou m’excuser pour les propos parfois un peu durs de Pépin. Mais je ne l’ai jamais fait, peut-être parce que j’avais peur que tu trouves ça étrange, que je veuille t’écrire. Quoiqu’il en soit je m’y mets à présent. J’ai tout le temps du monde devant moi. Nous avons quitté Alexandrie depuis quelques temps déjà et nous ne ferons pas escale avant d’être arrivés à Bordeaux, puisque c’est là que nous arriverons.

Permet-moi donc de commencer par te féliciter, pour la merveilleuse petite fille qu’Actyss a mise au monde. J’avais demandé à Pépin de te passer le message. Mais en plus de n’être pas certaine qu’il l’ait fait, je pense que ce serait tout de même mieux qu’il vienne directement de moi. Chaque fois qu’il reçoit une lettre de toi, il me tient au courant des nouvelles importantes –et peut-être aussi de quelques détails qui le sont moins-, cela explique sûrement que j’avais l’impression, moi aussi, de correspondre avec toi à travers lui.

Sache tout de même que j’étais remplie de joie en apprenant la naissance de Morgane –qui est, au passage, un prénom magnifique- et surtout d’apprendre qu’Actyss était en pleine santé. Après la naissance de Thomas, j’avoue être devenue légèrement angoissée quand il s’agit d’accouchement. Je ne te ferais parvenir aucun cadeau dans cette lettre, car j’ai bien trop peur que tout cela se perde en mer. Mais sache que nous n’arriverons pas à Bordeaux les bras vides, et que ta fille sera couverte de présents venus de par-delà la mer. J’espère que tout lui plaira, mais je ne t’en dis pas plus, je tiens à ce que cela soit une surprise pour toi aussi. Quoiqu’il en soit, je suis sûre qu’elle est magnifique, bien plus que sur le dessin que tu nous as envoyé. Elle vous ressemble forcément, à Actyss et toi, et comme vous êtes tous deux incroyablement beau, ta fille ne peut ressembler qu’à une sorte de divinité. Une divinité des forêts, j’imagine… Une nymphe, je suis sûre que Morgane Cassenac a l’apparence d’une magnifique nymphe. J’ai hâte que Tom la rencontre ! Je suis sûre qu’il va l’adorer. Et puis, il faut qu’il s’habitue à avoir un bébé sous les yeux, puisqu’il ne va pas tarder à avoir une petite sœur.

En dehors de cette merveilleuse nouvelle, qui éclipse pourtant, j’en suis consciente, tout le reste du monde, je tenais aussi à te remercier. Cela va être un peu étrange, parce que je vais te remercier pour des choses qui se sont passées il y a des mois, mais j’espère que tu ne m’en voudras pas trop. Alors merci d’avoir toujours été là pour nous, même un peu maladroitement, dans les bons comme dans les mauvais moments. Merci de nous avoir souvent rejoint, en voyage, pour passer un peu de temps avec nous malgré toutes tes obligations. Et puis surtout, merci d’être un parrain si parfait pour Thomas. Par parfait, je n’entends pas que tu ne fais jamais d’erreurs, seulement que tu es réellement le meilleur parrain qu’il aurait pu avoir. Je sais qu’il ne s’ennuiera jamais, avec toi, que tu seras toujours le premier à le divertir –quitte à lui apprendre des choses que je t’aurais expressément demandé de ne pas lui apprendre-. Et même si Pépin est le meilleur père au monde, je sais que les enfants, lorsqu’ils grandissent, sont parfois en conflit avec leurs parents, ou n’osent pas leur parler de tout ce qui les tracasse. Et je suis rassurée parce que je sais que si Thomas décide de venir te parler à toi plutôt qu’à nous, il aura toujours de bons conseils et une oreille attentive à sa portée.

Aussi, je tenais à ce que tu saches que même si je ne suis pas la marraine de Morgane –ce qui ne me dérange pas le moins du monde, Alicina étant exceptionnelle-, je serais toujours présente pour elle, quoiqu’il arrive. Comme je le serais pour toi, d’ailleurs, si tu venais à avoir besoin de quoique ce soit. Je sais que c’est vers Pépin que tu te tourneras en premier, si tu venais à avoir besoin d’aide ou de conseils, mais il me paraissait tout de même important que tu saches que j’étais là, moi aussi. Peut-être parce qu’en tant que femme je saurais te donner des conseils que Pépin serait bien incapable de prodiguer… Mais aussi parce que je sais qu’il a tendance à s’emporter, parfois, ce qui n’est pas vraiment mon cas.

Passée cette séquence émotion, sache que nous devrions arriver d’ici une quinzaine de jours, à Bordeaux. Puisqu’Alicina et Sylvan y sont installés, tout comme mon frère et sa compagne, je pensais que nous devrions peut-être déménager là-bas. Y êtes-vous aussi, avec Actyss, ou bien étaient-ce seulement des vacances ? Je sais que nous sommes tous de grands voyageurs et que nous sommes toujours en vadrouille, mais j’admets que j’aimerais bien que nous ayons tous notre pied-à-terre au même endroit. Ce serait bien, je pense. Surtout que nos enfants pourraient ainsi être entourés d’autres enfants. Et pas des enfants peu fréquentables ou mesquins, tu vois. Au moins, avec Alicina et vous, je sais que les fréquentations de mes enfants seront bien élevées.

Enfin bref, dis-moi ce que tu penses de cette idée. Et si vous aviez, avec Actyss, l’intention de vous installer ailleurs.

J’espère en tout cas que vous vous portez à merveille, et je pense fort à vous.


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Merci au jidé Pepin_Lavergne pour la ban
Arnauld
Citation:
    Fait à Bordeaux
    Le 14 août 1464


      Chère Hélona,

              Avant toute chose, laisse-moi te remercier pour cette lettre qui m’a fait un bien incroyable. Honnêtement, j’aurais bien eu envie de te serrer dans mes bras – en tout bien tout honneur, évidement – si tu avais été ici à Bordeaux plutôt qu’en mer, en train de vivre de folles aventures pleines de pirates assoiffés d’or, de serpents marins voraces et d’intrépides Lavergne. Alors, puisque tu étais sur ton bateau, j’ai plutôt sautillé partout sur la terre ferme, j’ai couru annoncer à ton frère que vous arriveriez directement par Bordeaux (il est d’ailleurs jaloux de ne pas avoir eu l’exclusivité de la nouvelle), et je me suis précipité pour lire à Actyss les merveilleux passages où tu décris notre fille. Il faut que je te dise que tu as bien raison quand tu écris qu’elle est magnifique. Elle ressemble beaucoup à sa mère, et le côté nymphe des bois, même s’il n’est pas encore bien développé parce qu’elle n’a pas beaucoup de cheveux et de petites jambes potelées, je suis certain qu’il frappera quiconque la regardera quand elle aura un peu poussé (ou « grandi », mais pour moi, Morgane est comme une petite fleur qui pousse).

              Je ne trouve pas étrange que tu m’écrives, même si je ne m’attendais pas du tout à cette lettre. Moi aussi, en correspondant avec Pépin, j’avais l’impression de correspondre également avec toi – d’ailleurs je lui demande toujours de te transmettre mes amitiés, j’espère que ce gredin le fait. Tes remerciements m’ont surpris, mais c’est une agréable surprise, et j’avoue que j’en suis très touché. Lire des choses aussi gentilles, surtout en ce moment où tout ne va pas si fort, à part ma femme et mon bébé (ma sœur me déteste et a quitté la ville sans se retourner, j’ai l’impression qu’Alicina m’en veut pour une raison que je ne comprends pas, et elle se montre avec moi froide, ou hautaine, ou je ne sais pas quel adjectif plus adéquat – je n’ai jamais été très fort pour décrypter les comportements féminins – et du coup ça m’énerve, j’ai du mal à trouver des clients qui voudraient me commander des meubles, puis deux ou trois bricoles sans importance) lire des choses aussi gentilles, donc, est un véritable baume sur le cœur. Je ne sais pas trop comment te dire que tout est réciproque, parce que je ne suis pas très doué avec tout ça, mais en tout cas sache que ça l’est. Je veux dire que toi aussi, tu peux venir me parler quand tu en as besoin, et que je serai là à chaque fois qu’il le faut, si mes responsabilités familiales me le permettent. Et que je ferai tout pour rester pour Thomas un parrain tel que tu le décris. Et pour le futur petit Lavergne aussi, même s’il sera en réalité le filleul de Benjen. Et – enfin tu as compris l’idée. J’allais étendre encore cette liste de toutes les choses que je m’efforcerai de faire pour que l’on vive tous heureux, mais je crois que j’aurais eu l’air un peu niais et moins crédible. En tout cas, sois sûre que tout ce que j’ai écrit là est profondément sincère.

              Je pense que nous allons nous installer à Bordeaux pour de bon. J’en suis d’autant plus convaincu à présent que tu me dis que tu aimerais que ça soit votre pied-à-terre aussi. Actyss aime beaucoup cette ville, la Garonne, les bois, et nous sommes à mi-chemin de chez sa mère et de chez mes parents. Lucie, ma sœur, avait commencé à y établir une boutique, même si je ne sais pas si elle reviendra. Ton frère, sa femme, la famille de sa femme vivent ici également, ainsi qu’Alicina, son mari et ses « Dragées ». En somme, cette ville a tout pour plaire. Et vraiment, je ne rêve rien de mieux que de voir grandir nos enfants ensemble, un peu comme une grande famille. Pour l’instant, Actyss et moi avons établi notre roulotte un peu à l’extérieur de la ville, dans un coin charmant à l’orée du bois, tranquille, avec du soleil le jour et une belle vue sur les étoiles la nuit. On s’y plaît beaucoup, mais je songe à faire bâtir une maison en dur, pour que nous puissions avoir chaud l’hiver. Alors nous pourrons continuer à voyager, ensemble ou chacun de notre côté, et nous nous retrouverons toujours à Bordeaux pour passer du temps tous ensemble. L’idée me plaît beaucoup ; l’avenir s’annonce radieux.

              Profite bien de ces deux dernières semaines d’aventures maritimes (j’écris « dernières », mais je ne doute pas qu’il y en aura bien d’autres par la suite !). Savoir que vous êtes en train de vous forger de merveilleux souvenirs est la seule chose qui puisse calmer un peu mon impatience de vous voir rentrer tous les trois.

      Amicalement,

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