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[RP] Mon avenir au creux de toi

Evroult
[UNE AUBERGE QUELCONQUE, OCTOBRE 1464]
    Ils avaient pris la route, Blanche Aliénor & lui, avec la ferme intention de laisser la Savoie derrière eux. Elle, voulait voir du beau monde, rencontrer, découvrir, & sans doute préparer quelques mauvais coups qu'il aurait certainement désapprouvé si elle l'avait tenu au courant de ses moindres faits & gestes. Car il pressentait quelque chose qui, laissant un goût amer au fond de son palais, le laissait aisément imaginer dans quel pétrin elle avait pu se fourrer. Mais il ne dirait rien. Il ne disait jamais rien. Il avait suivi sans un mot, bien content lui aussi de quitter ces places où il commençait à se faire trop connaître, & où il devait tourner la tête & courir vite à chaque fois qu'il croisait une de ses clientes qu'il avait trompé avec une plus fraîche. Souvent la cuisinière, parfois la bonne, une ou deux fois la fille. « Baiser la fille, tromper la mère. Ou l'inverse. », répétait-il souvent à sa comparse, qui esquissait un de ces sourires appréciatifs qui, il fallait l'avouer, le rendait assez fier. Mais voilà, à force de galipettes & de contrats salis, les bourses se vidaient sans se remplir & les promenades en ville devenaient délicates.

    Ce jour-là, une de ces maintes haltes nécessaires au décrassage en profondeur des poussières des chemins, Evroult alla jusqu'à se faire monter une bassine d'étain & des litres d'eau brûlante dans la chambre d'auberge qu'ils avaient loué. Glissant avec gourmandise dans les vapeurs rendues suffocantes par l'huile de lavande dont il avait abusé, il tenta de se laisser emporter par quelques songes agréables. Il dut se rendre à l'évidence, pourtant, le sommeil ne venait pas, & une étrange impression l'empêchait de se détendre tout à fait. Le matin même, alors qu'ils finissaient presque leur périple, ils avaient dépassé une roulotte de gitan qui avait rappelé à sa mémoire sa première. Sans vraiment savoir pourquoi, il avait senti son ventre se crisper, mi de douleur, mi de douceur, & une bouffée de chaleur l'avait fait balbutier alors que Blanche Aliénor s'enquérait de son état. Comme un enfant, un jeune premier, il avait rougi de ses souvenirs, alors même qu'il accumulait aujourd'hui tant de conquêtes & de clientes que n'importe quel soldat s'en serait senti châtré. Car à quinze ans tout juste, Evroult était déjà un coureur avisé.

    Ses ablutions faites & son bain délaissé à regret, il descendit alors remplir ce ventre qui grognait d'être resté noué une grande partie de la journée. L'auberge n'était pas encore remplie des rires & des voix grasses des piliers de comptoir, mais l'odeur qui montait des cuisines le faisait trop saliver pour qu'il attende qu'arrive cette ambiance qui le mettait tant à l'aise. Il se fit servir un brouet de cannelle qui lui piqua le nez tant on avait eu la main lourde sur l'épice, & complimenta si bien l'aubergiste sur la tenue de son établissement qu'il finit par se dire qu'avec un peu de chance, il arriverait même à se faire payer la prochaine bolée de bière.


[DÉBUT DU PRINTEMPS, 1462]

    Des lupanars qu'il côtoyait, peu étaient ceux réellement impacté par les premières chaleurs. Oh, bien sûr, il y avait souvent là la fin des campagnes & leurs hommes rendus fous par les disettes de sexe, & les jeunes en fleurs qui venaient éclore entre des cuisses trop chaudes & trop vieilles pour eux. Mais enfin, la saison se prêtait plus au renouveau qu'à une véritable explosion de la fréquentation des bordels. Délaissés même parfois au profit des catins de remparts, loin des ambiances calfeutrées & étouffantes des tentures rouges, leurs habitants retrouvaient peu à peu le goût de l'extérieur. Evroult alors, libéré souvent plus tôt de ses contraintes d'aide-à-tout-faire, se laissait à flâner, seul ou en compagnie de Blanche Aliénor, dans les ruelles encore fraîches, profitant tant qu'il le pouvait encore de cette rare impression de liberté. Il la laissait parler de ses ambitions, acquiesçait à chaque phrase en rêvant avec elle de richesses & de lettres de noblesse, alors qu'ils traînaient leurs poulaines abîmées sur les pavés inégaux.

    Il travaillait beaucoup, c'est vrai. Fils de catin, épargné des tisanes, il avait trouvé sa place au sein de ces seins débordants en apportant un soutien sans faille à la bonne tenue de l'établissement. Il y faisait tout, ou presque : ménages, rangements, lessivages, approvisionnements, jusqu'à même aider souvent les artisans que l'on appelait à la rescousse pour de menus travaux de bricolage. Il était partout, sans qu'on le voit souvent. De l'arrivée du client, qui lui confiait armes & pelisses lourdes, à l'estimation des recettes de la soirée en compagnie de la maquerelle qui en profitait pour lui donner leçons de gestion. Il venait voir les filles à la fin de chaque mission, s'enquérir de leurs besoins, vider les bassines, changer les draps souillés, les aider à renfiler leurs pans de charme. Il aidait en cuisine, nettoyait le comptoir, se chargeait du courrier & des missives sensibles de clients importants qui se voulaient discrets. Parfois, quand il le fallait, il allait mander la matrone pour les bâtards solides qui avaient survécus aux tisanes abortives tout comme lui, ou se chargeait de faire venir le médicastre lorsqu'un client indélicat malmenait une fille.

    Alors, tout particulièrement quand il se retrouvait seul à déambuler en ville, Evroult se jetait à corps perdu dans la découverte de choses qui pourraient le faire rêver, plus loin, plus fort encore. Il avait bien tenté de négocier avec quelques tripots enfumés pour participer à leurs banquets de thériaque, jusquiame, & autres envolées, mais s'était fait chasser manu-militari, ses joues hautes & roses & ses longs cils noirs finissant de le cataloguer comme un enfant. Il n'était pas un enfant, pourtant ! De tout le haut de ses treize ans, il faisait partie de ces tous jeunes éphèbes prometteurs, taillés finement mais solidement, aux sourires gourmands & aux regards charbonneux. On lui disait souvent, d'ailleurs, qu'il serait bientôt beau. Quelques hommes, au bordel, avaient même tenté de savoir s'il était à vendre, mais la maquerelle, si vorace d'écus qu'elle pouvait être, avait balayé les propositions d'un revers de main dédaigneux : « J'fais pas dans l'puceau, mon brave. Mais r'gardez-moi celle-ci, encore en fleur, à peine qu'elle y a touché la coquine, voyez donc comme... ».

    Bref. C'est donc à force de vadrouilles & de curiosité traînante qu'il finit par entendre que des gitans venaient de s'installer, & qu'ils trimballaient avec eux une jeune cartomancienne prometteuse. On lui parla de lire l'avenir, de tirer des cartes, & de lignes, & de vies, & Evroult qui n'y connaissait rien sauta sur l'occasion sans attendre. Il fallait qu'il sache, il fallait qu'on lui dise, il fallait que ses rêves deviennent réalité.

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