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[RP] La marraine la bonne Fleur

Lucie
Il ne faut pas de tout pour faire un monde.
Il faut du bonheur et rien d’autre.
Eluard


Il est tôt et du ciel de plomb tombe une bruine dégueulasse qui, Lucie en est presque sûre, réussi à imbiber sa peau malgré les quatre épaisseurs de vêtements qu’elle porte mais, toute à sa hâte de retrouver les splendeurs qu’elle est venue visiter, elle ne songe pas à râler, préférant bien enrober de “Mais pressez-vous donc !” le valet trempé nié qui, chargé de paquets, lui colle aux talons. D’un petit bond, Fleurie passe une flaque plus grosse que les autres et rejoint en trois entrechats l’abris du porche d’une demeure cossue, dégageant l'opulence de sa chevelure de sa capuche avant de frapper trois pétulants coups à l’huis. Par le carreau d’une fenêtre, elle entrevoit le foutoir extravagant du salon où quelque domestique prévenant a déjà rallumé la cheminée. Juste là, sur une table, traîne une peluche qui lui arrache un sourire doux, son palpitant s’agitant comme les ailes d’un colibri.

Oh, Nathaniel ! Oh, Eldearde !

Impatiente, la Saint-Jean lève son petit poing serré, toute prête à cogner encore à la porte quand celle-ci s’ouvre sur une cuisinière aux mains blanchies par la farine qui, à peine s’est-elle présentée, l’introduit dans la pièce, la débarrassant de sa cape et de son homme qui, semble-t-il, trouve plus plaisant d’aller se remplir la panse de tartines que de subir sa maîtresse quand, s’improvisant Père Noël au calendrier déconnant, elle répand les cadeaux qu’il portait une minute plus tôt sur tout ce que l’endroit a de surfaces planes en attendant que Belle au nom synonyme d’amour soit prévenue de l’arrivée impromptue de sa copine, la Vicomtesse.

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Eldearde
Il est tôt, et du ciel de plomb tombe une bruine dégueulasse dont les fines gouttelettes s'écrasent mollement sur le vitrage de la fenêtre dans une mélodie un poil tristouille et toute limousine. Mais Eldearde, encore échevelée de la longue nuitée faite de beaucoup de voyage et de peu de sommeil, n'a cure de ce vulgaire crachat régional qui, autrefois pourtant, lui mettait le vague à l'âme : aujourd'hui et comme chaque matin depuis le vingt mai dernier, elle porte le Soleil dans le berceau de ses bras, contre son palpitant toujours agité d'un irrépressible émoi, et se réchauffe à la chaleur des sourires édentés qu'il lui offre parfois, lorsqu'elle lui chatouille le ventre du bout des doigts. Il est l'astre nouveau autour duquel tourne désormais sa vie entière, ellipse maternelle et éternelle que rien ne saurait détourner de son orbite protectrice. Le vaste lit nuptial conserve encore en son sein tiède la silhouette d'un Zolen copinant avec Morphée quand Nathaniel, dodu et babillant, agite ses mimines potelées, pleines de santé, et de ce tableau que l'oeil kiergaardien admire en exsudant de tendresse, se dégage le sentiment d'une insondable paix. Mais le meilleur est à venir, apporté par les phalanges enfarinées de la popotière dévouée toquant légèrement à la porte de la chambrée.

Mére et fils s'arrachent donc à la vision apaisante de l'Homme et Père qui roupille tranquillement, le nez enfoncé dans les plis de Polochon, son oreiller préféré, pour joindre le couloir et une Marianne aux bajoues rebondies et étonnamment guillerettes. Car nul ici n'ignore l'affection qui lie la maîtresse de maison au jeune tendron fleuri qui, bravant l'horizon et la pluie, honore meshui l'humble maisonnée de sa présence jolie. De ce pur amour délicat témoigne le court dialogue retranscrit ci-dessous :

- Madame, nous recevons visite de la Vicomtesse de Barbazan-Debat, elle vous attend au...
- QUOOOA ?
Dévalage d'escalier en règle, marmot chéri fermement calé contre son sein et irruption en trombe dans les cuisines qui n'offrent que l'image décevante quoique pittoresque d'un homme inconnu qui, bouche ouverte -et pleine-, la lorgne un court instant, les doigts luisants de miel. Salon. Copine impatiente laisse sans un brin de remord le valet détrempé en tête à tête avec son estomac pour débarquer dans la pièce principale à toute à allure, mèches folles barrant son minois extatique, robe à peine lacée et petons à l'air.

Tu es là, divine Amie, toute auréolée de la Lumière qu'abrite ton cœur immaculé. Tu fleuris au froid, et moi je m'éveille à ta céleste présence.

Deux pas plus tard, Kierkegaard, le pif enfoui dans les bouclettes cuivrées et parfumées, enlace Crocus de son aile libre, l'âme emplie d'une gratitude sans borne pour la force, la main, le hasard, qui, un jour de février, avait fait se poser sur sa pauvre carcasse ces deux perles mentholées.

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Lucie
Elle entend le cri, sourit largement et, très exactement dix-neuf secondes plus tard, voit arriver l’un des plus précieux de ses trésors qui, feu-follet merveilleux, s’en vient remplir ses bras et son cœur de sa présence. Incapable de retenir un petit « hiii » de souris dont le ridicule n’a d’égal que sa joie, Lucie la presse doucement contre elle, soufflant baiser à l’orbe de la joue, humant bien volontiers le noble parfum qui se dégage de sa chevelure défaite pour s’en fleurir les poumons. Sait-elle, la poupée russe, comme elle apaise les muscles noués et l’esprit douloureux de Saint-Jean ? Sait-elle que partout où elle va, la vicomtesse berce les autres du portrait qu’elle dresse de l’Amie qui, elle l’assure, le jure même, est la femme la plus belle, la plus brillante, la plus épatante du monde ?

    - Surprise, fait-elle, amusement faisant frémir ses cordes vocales, alors qu’elle s’éloigne d’une courte longueur de bras, une irrépétible risette accroché à la goule, les mirettes brillant du plaisir de voir Kierkegaard à qui, plus que jamais, elle trouve la splendeur d’une Diane Chasseresse. Je ne vous réveille pas j’espère… J’étais arrivée en ville et, Dieu me le pardonne, je n’ai pas su attendre que le jour soit plus vieux pour venir vous voir.

Arrangeant d’un doigt l’une des boucles qui pendent à ses oreilles, la Fleurie se penche ensuite sur le petit homme qui, accroché à l’épaule de sa mère, l’observe d’un air qui lui semble vaguement curieux, mimine potelée se tendant vers le ressort d’une de ses mèches de bistre. Elle n’est pas particulièrement sensible aux marmots habituellement. La maternité, si elle souhaite la connaitre pour le bien de ses terres, ne lui semble pas être le plus attirant des états. Toutefois face à cette petite bouille ronde et charmante, face à ces grands yeux aussi clairs que ceux d’Eldearde, elle fond de tendresse, réalisant à quel point elle tient déjà à lui et ce même si elle ne l’avait jamais vu auparavant. Et là, dans le silence sérieux de cette première rencontre, marraine se jure de tout faire pour que cet enfant-là soit le plus heureux du monde.

    - Bonjour mon tout petit séraphin, murmure-t-elle, effleurant de la pulpe de l’index le front fragile de l’enfançon. Je vous ai ramené quelques présents. Œil se lève sur la mère, lippe est rongée. Je l’ai un petit peu gâté… Mais enfin, cela compense à peine le temps que je n’ai pas pu passer avec vous ! S’exclame-t-elle, englobant d’un geste de la main toute la pièce où traînent ses paquets les uns contenant cubes de bois peint ou petites figurines d’animaux finement sculptés, les autres layette monogrammée et livres de contes précieusement enluminés qu'au fil des semaines elle a accumulé.

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Eldearde
Eldie finit par libérer le petit trésor bourguignon de son étreinte possessive, non sans avoir préalablement apposé ses lèvres aimantes à la tempe diaphane. Son ravissement frôlant dangereusement l'euphorie, ce n'est qu'à grande peine que Kierkechou, naturellement si spartiate, se retient de sautiller gaiement, telle la gamine de cinq ans qu'elle était encore il y a une éternité de cela. Ce n'était pas une surprise que lui offrait la Barbazan aussi magiquement apparue que l'une de ces fées bienfaitrices des contes pour enfants, mais LA surprise, le souhait formulé au génie de nos rêves, tant Eldearde avait pu se languir d'elle et de la beauté étincelante de son être. Le manque de l'Amie ne pouvait s'appréhender qu'à l'aune de la joie limougeaude en cet instant de retrouvailles, suintant par tous les pores de la peau, accroché au gris-bleu de l'iris, au coin de la bouche rieuse, aux narines frémissantes, distillée dans chaque battement de cils, chaque mot échappé, chaque geste léger.

- Vous n'êtes pas surprenante, vous êtes magicienne, d'objecter doucement, des trémolos dans le timbre grave de sa voix, à mi-chemin entre le rire et le trop plein d'émoi. Vous auriez pu venir me jouer de la cornemuse à l'oreille au milieu de la nuit que je vous aurais pardonnée, et le Très-Haut aussi. Il aurait même été criminel de demeurer plus longtemps séparées en étant aujourd'hui et pour une fois dans la même cité, m'est d'avis, ajoute-t-elle dans un brin de sourire malicieux, alors que Fleurie ploie sa fragile échine vers le filleul qu'elle rencontre pour la première fois. Lucie, Nathaniel; Nathaniel, Lucie, la marraine, la gardienne, accessoirement la Beauté personnifiée et la Déesse des champs de Coquelicots, présente-t-elle d'un ton se voulant solennel, faisant ainsi de ce face à face si attendu un moment officiel.

Le chérubin gigotant, fidèle à sa passion toute capillaire, tend déjà son poing minuscule et rondelé vers une bouclette caramel qui lui aura tapé dans l'oeil, y allant même de son petit regard mi-inquisiteur mi-frondeur qui faisait de lui une copie miniature de son père. Et c'est alors que la fabuleuse sylphide dévoile à la jeune mère, qui jusqu'à présent n'avait rien vu que le scintillement luminescent des feux de la Saint-Jean, l’armada de cadeaux, de paquets et autres largesses sous laquelle la table du salon avait littéralement disparu. Quinquets écarquillés devant cette débauche de générosité, quelques balbutiements incompréhensibles échappent à la bouche églantine avant que la maîtresse des lieux ne parte d'un grand et franc éclat de rire.
- Par Dieu, ma Lucie, vous faites de mon fils l'Empereur au pays des enfants rois ! Votre bonté est à l'image de toutes vos autres qualités : grandiose. Merci, merci mille fois. Le temps de déballer tout ça, Nathaniel aura déjà du poil au menton ! Et de tendre le bout de chou en question, très occupé à manger sa mimine droite en bavouillant abondamment, aux bras du Crocus prodigue. Vous voulez le tenir un moment ? Je vais nous chercher de quoi trinquer à cette journée aux allures de rêve éveillé.
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Arry
    La carcasse frileuse enveloppée dans une tartine de draps/couvertures/couvre-lit et la trogne baignée par les premiers rayons du soleil, le Zolen bavouillait paisiblement sur Son Polochon, tout abandonné qu’il était aux bras de Morphée. Ayant bavassé sec avec Brise-jumelles jusqu’à très tardivement puis profité du nocturne trajet Bourga-Limoges pour batifoler avec sa donzelle dans leur nouvelle calèche tout confort, il avait sombré comme une souche dans son plumard et ne comptait pas s’en extirper avant (au moins) le milieu du tantôt. M’enfin, le Destin en avait visiblement décidé autrement.

    - QUOOOA ?

    Esgourdes qui vrillent, gus qui sursaute, et ronchonnements assurés. Putinasse. De. Berdol. Grasse-matinée ruinée. Si tout fiancé attentionné et inquiet serait certainement sorti en trombes de la chambrée pour voir de quoi il en retournait, Arry préféra par la force de l’auto-conviction, imaginer que sa fiancée s’était écorché les cordes vocales en croisant un rat, en braillant sur une servante qu’aurait eu le malheur de bousiller un vase et/ou en constatant que le palefrenier avait gracieusement tapé dans sa réserve secrète de Chablis, et ce, afin de grappiller encore un peu de sommeil. Sauf que sommeil ne revint point. Il se perdit alors en jurons tandis que, de mauvais poil, il enfilait fripes qui traînaient ci et là par terre. A savoir, une chemise froissée et des braies nouées à l'arrache. Des cernes violacés lui bouffaient les joues et sa tignasse brune s'avérait encore plus anarchique que d'accoutumée.

    « Vous ne pouvez pas vous présenter ainsi. » l’interpela la vieille rombière que son ex-presque-future-épouse avait embauché pour préparer la popote quand il la croisa dans le couloir. D'un œil inquisiteur, elle la détaillait maintenant de la caboche aux petons ce qui renforça le froncement de sourcil du jeune homme. « Vous avez de la visite. » Merde. Long soupir. « Quel est le fini à la pisse de chaton qu'a radiné sa trogne d'andouille d'aussi bon matin ? » Pourtant habituée au langage fleuri du couple infernal, Cerbère ne manqua pas d'afficher une mine outrée au vu des termes employés. « Mais enfin ! Vous devriez surveiller vos propos. C'est de la Vicomtesse de Barbazan-Debat dont il est question. Mademoiselle Eldearde l'aime beaucoup, c'est une jeune femme charmante et la marraine de votre fils. Elle est très... » Bla bla bla. Il avait suffisamment de Kierkegaard qui le bassinait régulièrement avec les 42 756 qualités de la béarnaise pour ne point avoir besoin que quelqu'un en rajoute une autre foutue couche. Fichtre.

    Débraillé, les petons à l’air et sans grande conviction, Monsieur Nonchalance pointa sa truffe dans le petit salon envahi de présents où les deux tendrons tapaient bavette. « Saint-Jean. » La voix est traînante alors que ses mirettes bleutées se posent sur l’exilée sudiste. « Evitez de le laisser choir, c’est notre seul exemplaire. » rajouta-t-il en référence au Miniature qui changeait de paires de bras. Puis son regard dévia jusqu’au brin de femme qui faisait palpiter son enragé de palpitant depuis bientôt deux piges et le sourire de gamine euphorique qu’elle avait de crocheté jusqu’aux oreilles lui fit (presque) oublié sa mauvaise humeur. Et lui rappela surtout le pourquoi du comment il avait promis d'être (à minima) agréable avec Lucie.
Eldearde
[Dimanche 30 octobre, quelques heures avant le départ de pétulant Crocus]

Colis et lettre étaient arrivés à l'aube, récupérés au "Relais courrier" par l'un des domestiques de la maisonnée avant d'être sagement déposés sur le bahut où s'amoncelait déjà le fatras innommable d'une correspondance à la traîne dont le couple de procrastinateurs avérés ne s'occupait que très sporadiquement. Toutefois, le large paquet adroitement ficelé avait su attirer le regard endormi d'une Kierkegaard tombée du lit et qui, une tasse de tisane à la sauge collée au bec, déambulait tel un fantôme raté parmi les couloirs de la demeure, secouant parfois l'hirsute de sa crinière pour accélérer un réveil qui peinait visiblement à aboutir. Le pli joint au ballot et décacheté d'une brève escarmouche du coupe-papier avait dévoilé l'élégance d'une signature qui eut tôt fait de lui apporter l'effet énergisant que l'eau chaude aux relents de verdure n'avait pas su lui procurer. Et pour cause, le nom tracé au noir d'une encre de qualité appartenait à la blondeur blasonnée qui régnait tyranniquement sur le palpitant d'un Crocus brisée, fine fleur d'hiver trop de fois flétrie à l'ombre de la même âme masculine pour se laisser encore appâter par les attraits miroitants d'une passion subversive.

Citation:

    A vous, Hiver du Printemps ami.

    Eldearde,

    V
    ous et moi n'avons jamais appris à nous connaître assez pour seulement entrevoir de l'autre ses quelques rares qualités. Un jour, peut-être, concéderai-je que ce simple fait ajoute poignée de sable sur mienne dune de regrets. En attendant, il me faut indulgence, pour quelques lignes, à Protectrice de crocus demander.

    Je gage qu'Elle sera auprès de vous venue trouver refuge et si je me fourvoie, tant pis. Qu'importe quand, s'il vous plaît, remettez-Lui. Dites que le cadeau est de vous, qu'il aura été commandé à la souvenance de votre rencontre première, entre soie et froufrous: inventez, pourvu qu'Elle l'ait.

    Voyez, Kierkegaard, c'est pour Elle qu'on l'a, jusqu'à la cape, voulue et faite. Si je peux et dois accepter de ne plus imposer rapace silhouette à la vue de muse parfaite, Artiste à mon contraire mérite de voir sa plus réussie création par Elle portée. J'espère que vous en conviendrez.

    Allez en paix, tornade jolie! Vous et votre fils, que l'On m'a amoureusement décrit.

    Vale,





La veille, Lucie lui avait conté les réelles motivations de sa fuite lyonnaise, dans le silence ouateux d'une taverne vidée de toute oreille indiscrète. Dès lors, meilleure amie concernée n'ignorait rien de ces quelques heures qui avaient vu Von Frayner et Saint-Jean réunis pour une ultime étreinte avant que cette dernière ne mette un terme définitif à tout ce qui avait été et tout ce qui aurait pu être entre ces deux caractères si éminemment antinomiques que la violence de leur bonheur comme de leurs déchirements ne les avait pour l'heure menés qu'à l'auto-destruction la plus insidieuse. Mais malgré l'antipathie assumée de Kierkegaard pour cet être évidemment diabolique puisque incapable de concevoir l'insigne honneur que lui faisait la plus pure créature en ce monde incarnée de ne serait-ce que lever le vert de son iris vers sa mortelle personne, l'haridelle n'avait guère éprouvé de joie à l'annonce de la chute douloureuse du bouffon qui se croyait Roy. Car il y avait dans la résignation féminine, dans son dédain soudain pour les frémissements du cœur, dans son discours dithyrambique en faveurs des unions raisonnables et raisonnées, une ombre désabusée sur fond de désillusion profonde qu'Eldie n'avait jusqu'alors jamais perçue chez sa rêveuse et tendre Amie. Ou alors était-ce l'écho de sa propre vie matrimoniale qui la poussait à se faire l'avocate des grands sentiments, afin de se convaincre du bien fondé de ses propres choix, elle qui n'avait jamais eu le courage, le culot ou la folie de partir ?

Les longs doigts exsangues, à l'instar d'un esprit volubile, avaient flotté quelques minutes au dessus du paquetage, avant de se décider à délivrer le contenu de son enveloppe de toile grossière. Chaisne ivoire à manches longues et coutures dorées; cote et surcote myosotis aux doublures verdoyantes fort joliment travaillées; cape blanc cassé sur laquelle fleurissaient moult broderies étudiées : telles étaient les pièces sublimes qui composaient le trousseau et que la jouvencelle émerveillée s'était dépêchée de remballer à l'identique - après tout de même cinq minutes de contemplation égoïste.
Il était bien sûr impensable de priver Fleurie de si beaux atours et nobles tissures dont les teintes savamment sélectionnées s'accorderaient à merveille avec la pâleur de son minois aimant. Mais fallait-il dissimuler l'identité du bienfaiteur à l'origine de cette somptueuse panoplie faite sur mesure pour son petit corps frêle ? La souvenance des traits tourmentés creusant la bouille de la déesse chlorophyllée à chaque "Maximilien" prononcé avait finalement fini par convaincre la dépositaire : Von Frayner verrait son souhait exaucé afin d'épargner le front adoré de tout sillon douloureux.
La réponse avait donc été rédigée sans atermoyer sur un vieux bout de vélin déniché entre deux piles de bouquins et quelques morceaux de nougats. Inutile de faire traîner la chose.


Citation:
A Maximilien, l'Aimé,
D'Eldearde, l'Amie
,

      Von Frayner,

    La profonde affection qui me lie à cette connaissance commune et sujet de notre dilection motive seule cette épître à vous parvenue. Il est vrai que les tourments dont vous accablâtes son cœur trop tendre et son âme ingénue condamnent ad vitam aeternam tout balbutiement de sympathie que, jadis, j'avais pu voir naître pour vous...Mais, nonobstant l'éternelle rancœur que je vous dédie, je respecte votre amour et la détresse qui sans doute, meshui, vous meurtrit.

    Adoncques, parce qu'Elle mérite ce qu'il y a de plus beau et que votre offrande est, ma foy, des plus jolies ; parce que je ne saurais me faire obstacle à l'humble vœu d'un homme détruit, je m'engage à lui délivrer votre présent sous couvert d'un mensonge qu'ordinairement je ne pourrais souffrir, espérant secrètement qu'un jour vous puissiez vérité rétablir. Crocus quittera ce soir notre terne cité avec, sous l'aile, votre glorieux paquet.

    Je prie le Très-Haut de vous pardonner et de vous guider vers un destin paisible, Von Frayner. Une pensée, aussi, pour votre progéniture puisque, si je ne m'abuse, vous êtes également père.



Ainsi, lorsque Crocus débarqua sur les coups de midi, sourire aux babines et pommettes élégamment rosies, elle trouva sa grande perche de copine campée au milieu du salon, un verre de son meilleur liquoreux dans une main et un imposant paquet dans l'autre.
- Derniers instants en notre grise Limousie, veinarde que vous êtes. Tenez, ceci est pour vous. Je l'ai fait faire en souvenir de ce moment de grâce où, parisienne de quelques jours, vous aviez défilé en amante de l'Océan sous nos yeux ébahis, à Deswaard et à moi.
_________________
--Luluche
C’est la fin des jours douceurs, la fin des jours de paix. Déjà Lucie doit repartir vers Lyon où son inconscience amoureuse lui sera reprochée et où, quand bien même elle ne le sait pas, l’attend une demande en mariage qui finira de sceller son destin : à l’amour grandiose de Maximilien elle n’aura plus jamais le droit. C’est son choix évidemment. C’est elle qui, face à l’impossible ultimatum qu’on lui a imposé, a opté pour la raison plutôt que pour les sentiments. Parce qu’elle a peur d’Eux. Parce qu’elle a eu trop mal par le passé. Mais déjà elle souffre du manque de Lui et seule la lumineuse tendresse de Kierkegaard, de sa progéniture et, en dépit de tout ce qui peut les opposer, les facéties du terrible Zolen lui permettent de rester droite et de se souvenir qu’il est dans sa vie plus de beauté que dans celles de bien des êtres. Adoncques, alors qu’elle passe la porte et que ses mirettes séduites se posant sur la séraphique assistante du Père Noël, un sourire s’ancre à la pâleur de ses lèvres.

    - Un présent mon Elde ? Allons bon, je ne le mérite guère, répond-elle, voix fluette s’élevant à peine plus haut que le murmure alors que mimines s’en viennent saisir le paquet offert, petit doigt effleurant au passage la fraicheur de la main amie, contact infime et joli entre celles qui s’aiment comme seules des âmes trempées au même acier peuvent le faire.

Prudente, Saint-Jean pose le paquet sur un coin de table n’étant pas surchargé du bazar abandonné, elle est prête à en jurer, par l’enfant dans un corps d’homme que l’Adorée a élu, et le défait avec lenteur, se délectant de la saveur enfantine de la surprise. Quel miracle de soie se cache sous le papier ? Quelles couleurs, quelles textures ? Le présent aura-t-il les grâces gelées de l’automne, la légèreté d’azur d’un ciel dénué de nuage ou encore…

    - Oh… Fait la Fleurie, alors que de la pulpe de se doigts, elle effleure l’une des croix d’alcantara brodées à la lourde cape dont la nuance lui évoque l’élégiaque beauté des cierges pâles que l’on allume pour accompagner ses prières les plus désespérées avant de découvrir, son regard mentholé saturé d’étoiles, le reste de la mise qui, entre teintes chères à son cœur, vernale douceur et petites fleurs a été si parfaitement choisie pour elle. Eldearde, Seigneur… C’est bien trop beau, bien trop précieux. Je ne suis pas sûre de pouvoir accepter pareil cadeau, murmure-t-elle, étonnamment émue, se redressant pour enlacer la limougeaude, faisant dangereusement tanguer l’alcool dans le verre de la coupe que tient la céleste créature. Merci ma très chère. Pour ce présent comme pour le reste ; Dieu sait que je ne pourrais imaginer un monde dont vous ne faites point partie.


_________________

Eldearde
𝓓ouce ou grave, tendre ou sévère,
𝓛'amitié fut mon premier bien :
𝓠uelque soit la main qui me serre,
𝓒'est un cœur qui répond au mien.

Alphonse de Lamartine



    CALAMITEUX, EUSE, adj.
      A. - [En parlant d'un moment du temps] Qui est marqué par les calamités :
        Ex : Le retour de Guéret fut absolument calamiteux pour le couple infernal qui regagnait ses pénates.
      B. - [En parlant d'une pers.] Pitoyable :
        Ex : Le tire-laine qui détroussa le duo Zolen était un pauvre diable piteux, miteux, marmiteux et calamiteux...ainsi qu'un putinasse de fini à la pisse de chaton.

En bref, après une première rapine exécutée sur un Arry en plein soulagement d'un besoin naturel, 24h à dégobiller façon chutes du Niagara pour son engrossée de donzelle, un second chapardage dû cette fois ci à la seule connerie de Madame (qui avait fini par fermer les vannes) et un trajet Bourga-Limoges animé par le son mélodieux que fait généralement un chiard en pleine poussée de quenottes...La famille Zolen était finalement parvenue à franchir le palier de son pied-à-terre limougeaud sans qu'aucun des deux adultes responsables et matures n'ait eu la bonne idée de sauter du coche en marche pour courir vite et loin vers un monde meilleur. Les jeunes parents faisaient donc montre de significatifs progrès en matière de sang-froid et de sérénité, même si leur stoïcisme de façade s'écroula comme un vieux château de sable une fois le peton posé entre les murs familiers du salon, Eldearde filant passer ses nerfs sur un petit personnel accoutumé aux savons quand Arry évacuait sa hargne refoulée sur la montagne de chouquettes préparée à son attention.

Une nuitée, quelques câlins crapuleux et une orgie de tartines confiturées plus tard, Kierkegaard s'appliquait à faire son chez-soi plus accueillant, le séant enfoncé dans un sofa et l'ordre cinglant accroché à la lippe, dans l'attente d'une étincelante visite : il était convenu que Saint-Jean débarque dans la matinée pour un étalage de nigauderies en bonne et due forme sur fond d'amour avéré. Car lumineux Crocus, après avoir enfin échappé au sinistre (quoique béni) lyonnais, avait joint les bras cajoleurs d'une Amie fébrile venue l'attendre à la frontière berrichonne, entraînant dans son sillage tout un assortiment d'êtres plus singuliers les uns que les autres et dont la majorité des spécimens manquait encore à l'appel. Au milieu de ce chambard bigarré, les opportunités d'un précieux tête-à-tête version bécots-ragots-cadeaux avaient cruellement manqué, si bien que cette rencontre vitement organisée s'apparentait aux véritables retrouvailles, celles qui se font à coups de tendresse contenue et de secrets chuchotés.

Enfin, cheminée garnie de l'incandescence d'un brasier, tablée égayée de branches de houx fraîchement cueillies, coupes de cidre dûment remplies, bambin apaisé d'un bout de céleri habilement mâchonné, nouvellement Zolen pouvait recevoir future Marquise sans avoir à rougir d'un domicile traditionnellement en fouillis. Bigre, qu'est ce qu'elle ne ferait pas pour la douce amitié de Lucie. Du coin de l’œil, cheffe de maison zieuta la bonne présence, auprès du foyer, de l'azur d'un caisson agrémenté de liserés dorés et destiné à la délicieuse invitée : oui, tout était fin prêt.

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Lucie
Ce matin Amour avance sur des guiboles fragiles, tout enroulé de fourrure immaculée. Il sautille, glisse sur les plaques de verglas, se rattrape à d’invisibles prises à grand renfort de ridicules moulinets. Il se sent moineau s’ébrouant à l’eau claire d’une fontaine et jonquille s’ouvrant aux primes rayons de vernal Phébus. Il pépie, il pétille. Il brille, il éclate. Et s’il n’a point de voix tant pis car depuis le palpitant frémissant de Saint-Jean et jusqu’à son regard transparent il se répand, tonitruante et céleste traînée de poudre qui prête à la joie éthérée plus sûrement qu’une ivresse travaillée à l’eau-de-vie et à l’opium.

Elle va retrouver Eldearde et Nathaniel. Juste eux. Rien qu’eux. Cette seule idée étire un peu plus le sourire qui orne sa trombine depuis le levé et que rien, pas même la bise qui lui claque les pommettes, ne saurait défaire. Longeant la Vienne, Fleur contourne un groupe de religieuses avançant en rang d’oignons puis tourne deux fois à gauche et une fois à droite. Elle passe devant trois boucheries et deux boulangeries dont une où elle s’arrête pour se fournir en chouquettes fraîches et, plus anecdotique, un magasin de porcelaine avant d’apercevoir les pignons de la chaumière cossue qui abrite ses limougeauds miracles. Pressant le pas, elle rejoint rapidement le pas de la porte puis le salon dont elle note le pimpant arrangement.

Les talons de ses bottines s’enfonçant dans le molletonné d’un tapis, demoiselle aux boucles pour l’occasion domptées en une lourde tresse de fleurs couronnées s’approche dans un premier temps du filleul chéri qu’elle recueille prudemment contre sa poitrine, oubliant tout des craintes qu’elle a face aux autres enfants pour souffler des baisers un peu trop frais à ses joues rebondies et des mots pleins de douceur à ses toutes petites oreilles. Puis, rassasiée du parfum délicieux du poupon, elle se glisse auprès de sa mère, cueillant l’une de ses mains pour, armée de la plus absolue et la plus discrète des tendresses, y arrimer ses doigts trop fins.


    - Merci de m’avoir invitée. Sans cela je crois que nous n’aurions pas eu droit à un seul tête à tête alors que nous avons une foultitude de choses à nous raconter, n’est-ce pas ? Fait la chuchoteuse avant qu’un sourire mutin ne s’en vienne grignoter ses joues. Mais avant cela, Noël, d’accord ?

Et Lucie de faire signe à son page qui, encombré par des paquets aux larges rubans dorés, n’attend que de s’en débarrasser pour aller se goinfrer à la cuisine.
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Eldearde
Lorsque Saint-Jean passait, de son gracile peton, le seuil d'une pièce, elle faisait invariablement le même effet, que l'on y soit habitué ou non : l'air ambiant se trouvait soudain embaumé de suaves fragrances fleuries, l'atmosphère se chargeait d'une volupté tranquille qu'exsudait le céladon de sa prunelle, la bouche des heureux présents s'étiraient d'un irrépressible sourire séduit et, le temps d'une seconde ou deux, l'univers suspendait sa course vers l'avant pour saluer, lui aussi, la Grâce incarnée en cette femme-enfant. Bigre, ce qu'elle était radieuse, parée de la natte mordorée échouée au dessin de sa clavicule, de l'incarnat que la froidure du matin avait déployé à ses joues, de la toilette toujours judicieusement choisie et qu'elle arborait avec une élégance toute naturelle. Et si le bout de son petit pif rosi avait d'abord taquiné les bajoues potelées de son vigoureux poupard, descendance rondouillarde dont chaque babillement suraigu était une fierté, hôtesse attendrie ne s'en était aucunement offusquée, trop occupée qu'elle était à estamper en son âme le tableau joliet d'une Chloris portée au pinacle de la beauté et dont les lèvres vermeilles ornaient le front d'un angelot aux mimiques frondeuses, spectacle dont l'harmonie suprême aurait sans doute inspiré Jean Fouquet lui-même.

Puis vint la jonction des paumes amies, aussi transportée qu'innocente, et à laquelle l'intimité de cet entretien conférait une touchante dimension : les plus douces pensées ne s'échangent que dans le silence ouateux d'un tête-à-tête, pudique solitude que les deux tendrons avaient eu grande peine à s'accorder au sein du brouhaha continuel d'une assemblée guillerette. Aussi la joie battait-elle aux tempes alors que l'entrelacement des lignes fuselées de leurs doigts précédait celui de leurs âmes, cette croisée intermittente de leurs vies respectives où, le séant posé sur le même récamier, elles se confiaient l'une l'autre des bribes d'existence dont la distance avait privé leur vive amitié.
Mais, lors de la Saint-Noël, l'échange de quelques attentions matérielles prélude toujours à celui des secrets et autres confidences, et ce fut donc tout naturellement que la limougeaude accéda au souhait de son éblouissante invitée.

Vous êtes ici chez vous, voyons : l'invitation n'est depuis bien longtemps plus requise pour voir votre joli minois égayer cette maison, confia l'engrossée avec l'empressement de l'évidente sincérité, mais vous avez raison, gâtons nous puisque nous vouer au blabla dès à présent risquerait de nous mener jusqu'à l'aube en un rien de temps. Ce coffre et ce qu'il contient vous reviennent, ajouta-t-elle en désignant le caisson de smalt d'un geste de senestre.

Déjà Kierkegaard qui n'avait, malgré les apparences, point encore tout perdu de la petite fille qu'elle avait été, se saisissait d'un des présents abandonnés par le domestique affamé, même si, désireuse de demeurer l'archétype de la mère exemplaire, la primeur fut offerte au paquet orné d'un "Nathaniel" scintillant. S'en échappa un assemblage de mailles ouvragées dont le cerceau métallique s'avérait être celui d'une gourmette miniature adornée d'une plaque en argent, icelle gravée au nom séraphique du filleul chéri. Un "O" charmé ourlant les lèvres maternelles, le tout jeune destinataire, fièrement assis et fort occupé à mâchouiller l'une de ses figurines animalières en bois de noyer, fut vitement rallié et son poignet rondelet habillé du riche ornement. L'enfançon abandonna la tête du poney défiguré à coups de petites incisive pour agiter son bras rond avec la vigueur qui le caractérisait, visiblement enchanté par cette nouvelle bizarrerie au cliquetis hilarant et peu soucieux des explications que la daronne mettait pourtant beaucoup de cœur à articuler en ce qu'elle supposait être le "langage bébé" (et qu'elle maîtrisait fichtrement moins bien que le grec ancien).

Ce qu'il demeurait d'emballage brillant fut délicatement dévoilé, avec l'impatience retenue de ces grands enfants qui jouent aux adultes pondérés mais dont le brillant de la prunelle ne trompe personne. Le premier paquet ne contenait rien de moins qu'un attirail de pigments digne des fresques de Benozzo Gozzoli et qu'effleurèrent les doigts hésitants d'une modeste enlumineuse dont l’émerveillement écarquillait les quinquets à la façon d'une fuligineuse chouette : l'Orpiment, la gaude, et la très onéreuse "graine d'Avignon" pour les jaunes, du doré à l'orangé ; le lapis-lazuli et le bleu de cobalt dont la qualité surpassait de beaucoup le smalt et l'indigo dont Kierkegaard usait jusqu'alors ; la cochenille Kermes vermilio et la garance pour le pourpre et le rouge ; la malachite et la "terre verte", venue tout droit de Vérone, pour les tons verdoyants. Ces petites fioles cristallines n'avaient certes l'air de rien, avec leurs humbles bouchons de liège et leurs poudres bariolées, mais l'esthète qui avait déjà expérimenté le plaisir du badigeonnage, sur toile ou sur vélin, ne pouvait qu'entrevoir l'univers de Création contenu dans l'étroit de ces simples burettes. Et alors que l'haridelle pensait avoir atteint le comble de l'éblouissement, la langue françoyse n'ayant déjà plus de vocable à la hauteur de sa gratitude, l'ultime ballot libéra les étoffes somptueuses qu'il gardait prisonnières : une cotte de soie au bleu de Prusse brodée au fil d'or dont les manches coupées au coude laissaient voir une chainse au tissu moiré et enserrée à la taille d'une étroite ceinture dorée*. Un instant mutique, Eldearde s'abîma à la contemplation du brocart aux teintes si proches du turquin qu'elle affectionnait tant, avant que, enfin, un semblant de phrase ne daigne franchir le charnu de sa lippe :

Par Dieu, ma Lucie...C'est trop, c'est mille fois trop.


* Description de JD Lucie : je ne m'y connais point tant en vêtures moyenâgeuses. Keur.
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