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[RP] Le vice sait rendre service.

Eldearde
Y'a Paris, la capitale, qui renifle son trou de bals,
Intra-muros c'est brillant, dehors c'est pour les paysans.
D'ailleurs s'il n'en restait qu'une, ce serait sûr'ment celle-là :
Qu'une aussi con que la lune et prétentieuse, comme il se doit.

Les Ogres de Barback - 3 - 0


Ah Paris. Paris et ses pigeons mutants, aux trois yeux torves et à l'unique patte boiteuse. Paris et le délicat fumet de ses rues, abjectes décharges à ciel ouvert où le risque de s'emmêler les petons dans quelques boyaux charriés par le boucher sur le parcours de votre balade matinale est tout aussi élevé que celui de recevoir l'intégralité d'un pot de chambre sur la trombine pour un shampoing gratuit "Gare !-nierk" senteur urine fleurie. Paris et le délicat parler de ses faubouriens édentés qui, fort de leur supériorité parigote, reniflent le médiocre provincial comme le clébard flaire ses propres déjections. Paris, enfin, la seule cité en ce bas monde qui ferait -presque- regretter à Kierkegaard les bouses de vaches limousines, la châtaigne comme base de l'alimentation et les consanguins tullistes à l'étroit cabochon.
Pourtant, elle y avait vécu, dans cette Capitale aux mille visages, aussi putride que dorée, aussi riche que damnée. Trop longtemps, certes, pour continuer à s'extasier, à l'instar des donzelles tout juste sorties de leurs régions paumées, sur chaque boutique des galeries LaFayotte ("Aaaaaah, tâte moi ce velours"), sur le regard triste d'un moutard unijambiste ("Oooh, c'lui là est à croquer"), sur la plus grande concentration de nobles figures au km² (Iiiiiiih, si, si c'est SON carrosse !"). Trop peu, aussi, pour apprendre à aimer ces petits riens qui font que tel lieu déterminé se voit orner du doux qualificatif de "chez soi" et que même la vision familière d'un troupeau de rats se disputant le cadavre d'un bébé chat a quelque chose de rassurant.

Lors de ses courtes escapades parisiennes, Eldie partageait généralement son temps entre deux adresses qui n'avaient en commun que le trivial de leur appellation : l'Hôtel de Taranne, demeure fastueuse où son Altesse Royale Mélissandre de Malemort se plaisait à recevoir entre petits fours et caquetoires satinés ; l'Hôtel-Dieu où Kierkegaard tâchait de soigner son reste de conscience au milieu des malades, des orphelins, des vieillard, des infirmes, et s'oubliait elle-même en plongeant sans hésiter dans le puits sans fond de l'altruisme et de l'abnégation.
Cependant, pour ce nouveau séjour en la grise Parouart, l'engrossée avait modifié ses petites habitudes pourtant orchestrées à la minute près (en bonne maniaque du contrôle qu'elle était) : elle n'honorait de sa visite qu'une seule maison, petite bâtisse sans prétention rue de l'Eperon où se nichait ce qu'il restait des Mondange, cette famille de braves aristocéliens auprès de laquelle Eldearde avait été introduite lorsqu'elle servait encore feu Etienne de Ligny, à deux pâtés de maison d'ici. Si, autrefois, Monsieur Mondange avait été habile marchand au verbe acéré et à l'escarcelle replète, fortune et bonne fortune s'étaient envolées de concert et ce grossiste débonnaire avait successivement perdu sa femme, son commerce, son chien et ses cheveux. Aujourd'hui, il semblait même qu'il survivrait à son unique fille, plus vénérée qu'aimée, et qui, sévèrement atteinte d'une phtisie foudroyante, vivait vraisemblablement ses derniers jours.

Laure Mondange, jadis toute en orbes en et courbes, avait perdu l'opulence de son corsage et l'arrondi de ses blancs cuissots alors que la maladie tissait son réseau de toiles mauvaises dans le sein gangrené de ses poumons d'enfant. Suivant l'évolution inverse d'une Kierkegaard à qui la grossesse conférait quelques formes girondes, la jeune tuberculeuse s'étiolait dans la splendeur revêche d'une carne décharnée, réduite à un amas de tendons douloureux et de nerfs à vif.
Le minois juvénile n'avait pourtant rien abandonné de sa douceur d'antan, malgré le saillant des pommettes, le livide d'un épiderme translucide et les quintes de toux furieuses qui, de temps à autres, torturaient les traits pourtant innocents de cette bouille angélique. Eldearde, qui avait elle même souffert d'un mal semblable, la veillait jour et nuit, dégageant d'un main caressante les bouclettes dorées collées au front fiévreux, lavant les mouchoirs au délicat monogramme et grêlés de mouchetures écarlates, prêtant une oreille attentive aux discours souvent confus d'une mourante apeurée, désireuse de se décharger de ce qu'elle considérait comme les péchés et les fautes d'une existence toutefois irréprochable. C'est lors de l'une de ces confessions improvisées, entre verre de lait et chandelle à l'agonie, que Laure avait soufflé à la gardienne de ses dernières heures ce qu'elle définissait comme son plus grand regret : ne jamais avoir connu, dans cette vie ci, l'amour charnel, le corps d'un homme, la délicieuse sensation de ne plus s'appartenir.

D'abord surprise par cet aveu singulier, la brunette, qui portait la preuve de son expérience dans le domaine sous la pointe nombril, s'était soudain résolue à agir puisqu'il était encore temps et qu'il s'avérait impensable que ce tendron d'à peine dix-sept printemps s'en aille avec, dans le cœur, un semblant d'amertume ou une once de déception. Aussi se mit-elle en quête d'un mâle pour cette toute première et toute dernière étreinte, dans les draps d'un futur lit mortuaire, pour le confort d'une âme déclinante et la paix d'un soupir mortifère. Il le fallait, bien entendu, plus doux que l'arrière-train d'un poussin, plus bienveillant que le regard d'un Saint-bernard, plus tendre qu'un filet de bœuf cuit à point. Or, après quelques visites éclairs dans les maisons de luxure les plus en vue de la Capitale, Kierkegaard dut se rendre à l'évidence : LE courtisan, celui de l'imaginaire collectif, celui dont la seule pensée donnait des sueurs brûlantes aux ménopausées, celui qui pouvait se faire tel qu'on le voulait, dominant ou soumis, amoureux ou violent, ne semblait exister que dans les fantasmes de quelques bourgeoises en chaleur et en mal d'amant.
C'est pourtant chez l'une d'entre elles, Madame X, que notre prospectrice entendit parler d'un dénommé Raphaël, maître des plaisirs féminins, Roy au pays de la Volupté, charmeur de femelles comme d'autres fakirs charment le serpent. Le regard envieux de la rombière enfarinée, brillant soudain d'une répugnante concupiscence au souvenir de ce fameux "Diable blond", comme elle se plaisait à l'appeler, laissait d'ailleurs à penser qu'il ne s'agissait pas là de simples galéjades de bonne femme. Où pouvait-on le trouver, questionna la soignante, sans prêter attention à l'air subitement suspicieux imprimé au faciès de l’infatuée. Il ne donnait pas son adresse et, si l'on désirait nouer contact avec le sieur R., courrier devait être glissé sous le manteau à l'intention de Norbert, tenancier de la "Vache à vin", qui se chargeait de remettre la correspondance à son destinataire.
Et Eldearde, pressée par une échéance inévitable, sans piste aucune d'un gus plus potable, se décida à gribouiller quelques mots au play-boy de Madame X.


Citation:
    𝒜 celui que l'on appelle Raphaël, courtisan de son état,
    𝒟'Eldearde Kierkegaard,

    𝒮alutations,

    𝒱euillez pardonner la concision de ce pli : je ne désire guère m'étendre sur ce vulgaire bout de papelard. S'il tombait entre de mauvaises mains - et Dieu sait qu'elles sont nombreuses à Paris-, la chose vous ferait certes une belle publicité mais ne manquerait pas, par là même, de me mettre dans une situation délicate dont je ne saurais souffrir.
    Rencontrons-nous, si vous le voulez bien, afin de nous épargner la dure communication par vélins interposés. J'ai pour vous une mission qui, si vous l'acceptiez, vous rendrait riche de mille écus pour une seule soirée de labeur, avec en prime le verre de chablis grand cru que je me ferais un plaisir de vous offrir si vous honorez ce rendez-vous :

    L'auberge des Deux Sapins
    Le samedi qui vient
    Lorsque sonnent les cinq heures de l'après-midi


    𝒟ans l'espoir de vous y voir.

    𝓔.𝓚.



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[Blason en construction]
Niallan
Les gens raisonnables se lèvent toujours à l'heure*
Étouffant un grognement lorsque la gentille donzelle parisienne tente vainement -et comme je le lui avais demandé- de me réveiller, j'en viens à maudire ma curiosité. Celle-là même qui m'a poussé à accepter un rendez-vous à Paris et ce, à cinq heures de l'aprem. Elle n'aurait pas pu choisir cinq heures du matin, non, bien sûr, personne ne pense aux gens exceptionnels qui, comme moi, sont en décalage avec la masse.
La nana me secoue un peu plus fort l'épaule, me donnant du Monsieur Niallan à tout va. Manque de bol, le monsieur Niallan n'est pas décidé à se lever. Même que je maugrée et enfouis ma tête sous le coussin une nouvelle fois. Après quelques autres essais tout aussi infructueux que les précédents, elle finit par partir, recevant par cette simple initiative ma gratitude éternelle.

Seul souci : Morphée me fait la tronche. On aurait pu repartir pour un bon gros câlin mais plus ça va et moins j'ai envie de roupiller. Je repense à ce bon vieux Norbert, arrivant essoufflé pour me donner une missive. J'avais tiqué quand il m'avait dit que la bonne femme était engrossée jusqu'aux yeux mais après tout j'en avais vu des vertes et des pas mûres dans le métier -quoique c'était plutôt des blanches et des trop mûres-. J'avais donc fait l'effort de lire les quelques mots qu'une donzelle au nom imprononçable s'était donné la peine de marquer. Ma première réaction avait été de bailler et de flanquer la lettre sous une pile de vélin. La pile à brûler en hiver. Je venais de vendre mon champ, je recommençais à tanner ma frangine pour qu'elle m'envoie ma part et j'arrivais à supporter la mine un peu mieux. Non, décidément, j'avais pas besoin de thunes. Mais j'étais curieux. C'est pourquoi de la pile à brûler, la lettre était passée à la pile à étudier. Et de la pile à étudier à la pile présentant un intérêt.

Tournant et virant encore un peu, je finis par balancer couverture et coussins d'un mouvement rageur. J'ai clairement fini de roupiller. Repenser à la lettre m'a aussi ramené à LA question. Cette dernière étant : pourquoi une telle somme ? Deux hypothèses me semblent vraisemblables pour le moment. Soit la donzelle a des penchants franchement crades, soit la donzelle est le plus gros cageot du Royaume. Dans les deux cas, ça m'intrigue.
La toilette est rapide mais bien faite. Un baquet est utilisé, la barbe est rasée comme il faut et les dents sont nettoyées. Une chemise blanche est rapidement passée, suivie de près par des braies noires et des bottes tout aussi noires. Sobre, efficace.
Persuadé d'être indéniablement beau, je décoche un sourire enjôleur à la jeune fille que ma flemmardise a malmené précédemment et quitte l'auberge parisienne. J'ai encore une heure pour être à l'heure. C'est parfait. Ou plutôt, ça aurait été parfait s'il n'y avait pas eu d'incident.

Un incident banal mais le genre qui vous fout en rogne pour la journée. Je me baladais le plus innocemment du monde dans Paris, évitant soigneusement les divers immondices jonchant le sol quand soudain... Non, quand même, c'est pas un pot de chambre que j'ai pris sur la trombine, arrêtez vos fantasmes mesquins. C'est plus classique comme incident. Une carriole est passée près de moi. Trop près. Trop près aussi d'une flaque de saletés gluantes difficilement identifiables. C'est donc très logiquement que toute la saleté de Paris s'est trouvée étalée sur ma chemise blanche.

Les gens raisonnables ne font jamais comme bon leur semble
Ils ne traitent personne de minable *


Espèce de minable petit troufion ! Attends que je te chope, je vais t'offrir un ravalement de façade !

Sitôt dit, sitôt fait. Je saute sur la carriole, terrorisant ceux qui sont à l'intérieur mais surtout le cocher qui, miracle, a sensiblement la même carrure que moi. J'esquisse un sourire torve, me défais de ma chemise et tends la main en tapant du pied. L'autre semble hésiter puis se départit de sa propre chemise. Je lui tapote l'épaule, l'air de dire « c'est bien mon gars » et ensuite, parce que je lui ai promis un ravalement de façade, je lui administre un bourre-pif de mon meilleur cru. Suivi d'un autre, un peu moins corsé mais tout aussi efficace.
Et puis, avant que la garde ne soit prévenue, je descends fissa de la carriole, vêtu de ma nouvelle chemise, et pars en courant vers l'auberge des Deux Sapins. Quand j'y parviens, je ne mets pas beaucoup de temps à repérer la nana qui m'a contacté. Enceinte jusqu'aux yeux. Mais pas moche du tout. C'est donc forcément une tordue. Poussant un soupir, je m'approche de sa table et la salue d'un mouvement du menton.

Salut. Je vous préviens, je fais rien avec des animaux. Ni avec des hommes. Et si vous vous avisez de sortir un fouet ou je ne sais quel truc pour me frapper avec, je sors moi-même votre mioche de votre bide et je vous le sers en civet.


*Mickey 3D - Les gens raisonnables

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Eldearde
La cliente d'un jour n'eut aucun mal à reconnaître le fameux Raphaël lorsque celui-ci finit par passer le seuil des Deux Sapins d'une démarche nonchalante. Chez ce corps voué aux plaisir de la chair, flegme et beauté s'alliaient subtilement de telle sorte que les attraits évidents habillaient leur porteur comme un simple quoique somptueux pourpoint et que la décontraction dont il se parait prenait des allures d'humilité. Le hâle de l'épiderme contrastait avec le cheveu doré et la pupille cerclée de bleu dignes d'un ressortissant nordique, le tout laissant deviner quelques imbroglios géographiques dans l'arbre généalogique. De la liquette dont Eldearde ignorait les aventures passées, elle appréciait la coupe saillante dissimulant une armature sèche bien que déliée, se mouvant avec la placidité du gus confiant que rien ne peut contrarier. La description de la rombière s'avérait plus fidèle qu'escompté et, bien qu'une seule silhouette fut en mesure d'affoler les sens -et la libido- de l'engrossée, cette dernière ne pouvait que constater, de façon tout à fait objective, le charme indéniable de ce blondinet.

Selon toute vraisemblance, la recognition s'avéra réciproque puisque le nouvel arrivé, après avoir embrassé la salle d'un regard circonspect, s'hasarda d'un pas assuré dans la direction de la Kierkegaard attablée....pour lui débiter d'un air tout à fait sérieux ce qui semblait être le "Cahier des charges du parfait petit greluchon", énumérant d'un trait ce que son prude fessier ne saurait souffrir. Se parait-elle des traits fanés d'une mal-baisée pour que le blondin ait pu songer qu'elle se livrerait à l'immonde exercice d'une copulation adultère enceinte jusqu'aux yeux ? L'idée la fit sourire, les manières masculines un peu moins : la délicatesse se devait d'être la première vertu de "l'heureux" élu et elle s'imaginait fort mal la pauvre Laure recevoir le discours anti-zoophilie avant d'écarter les cuisses au premier homme de sa courte vie. Finalement, le minois pâlot se para d'un léger sourire badin alors que le chignon impeccable se voyait réajusté d'une main experte.


Quel dommage ! Que vais faire du poney loué pour l'occasion et du bellâtre dont j'ai payé fort cher les services ? Sans parler de la cravache de pur cuir achetée spécialement pour notre rencontre...
, railla la prospectrice en désignant la chaise face à elle d'un geste ample qui fit tinter les perles de ses manches.
A dire vrai, elle avait un instant douté d'avoir mentionné quelques motivations suffisantes en l'objet d'une bourse bien garnie et d'une bouteille de grand cru classé, peu au fait des us et coutumes de la profession, et se trouvait donc soulagée par le soudain débarquement du gigolo en puissance, protagoniste principal de sa délicate entreprise. Restait plus désormais qu'à se montrer convaincante. Et Dieu sait que la conviction vient plus vite lorsqu'elle est précédée d'un accès de largesse. Aussi se pressa-t-elle de commander la fiasque la plus coûteuse de l'établissement somme toute respectable, à savoir un Châteauneuf du Pape 1460, ainsi que deux verres à pied.

Mon marmot ne finira embroché ni au bout d'une pique, comme votre barbare énoncé laisse le supposer, ni au bout de votre pine car, aussi étonnant que cela puisse paraître, ce n'est point pour ma personne que je fais appel à vos supposés talents. Il avait opté pour la franchise d'un parler sans fioritures ? Elle en ferait de même, avec l'impassibilité de celle qui ne saurait être que ce qu'elle veut bien montrer. L'écarlate du pinard remplit bien vite les ballons de cristal ; tout à fait généreusement pour la coupe assignée au courtisan, plus modestement pour celle de la brunette qui ne se destinait qu'une lichette du merveilleux breuvage. Bien : ainsi abreuvés et le ton lancé, les choses sérieuses pouvaient commencer.
Que savez vous de la phtisie, Raphaël ?
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[Blason en construction]
Niallan
Ça roule ma boule.
Dès qu'elle me répond, je me détends. Bon, je vous l'accorde, ma crainte d'être face à la pire tordue de l'histoire ne s'est réellement envolée qu'après l'énumération de ses accessoires factices. Parce que, quand même le « quel dommage », j'avais tiqué. C'est donc en appréciant l'ironie de la donzelle que je me suis assis en face d'elle dans un sourire. Ce dernier s'est d'ailleurs élargi quand elle a commandé à boire. Et encore plus quand elle a repris la parole. Comme quoi, je peux très bien menacer une mère de tuer son enfant puis me montrer tout à fait charmant, et tout ça en moins de cinq minutes. Entamant mon verre sans me départir de mon air amusé, j'allais répondre que si j'avais parlé de civet, je n'avais pas parlé de pique ou de pine et que je savais assez bien me servir de cette dernière pour éviter de rendre le môme borgne. Mais elle a dit un truc, un truc qui a ruiné ma soirée.

Voyez, au final, j'étais plutôt content. Elle est jolie, elle a de la répartie et elle n'a pas pour projet de révolutionner le terme « perversion ». On aurait pu passer une très bonne soirée. Pour une fois, j'aurais eu une donzelle intéressante dans mon plumard de courtisan. Pour une fois, Niallan aurait été plutôt d'accord avec Raphaël. Je la regardais remettre son chignon en place en me disant que bientôt celui-ci ne ressemblerait plus à rien. Je la zyeutais par-dessus mon godet en me disant que vraiment, elle me plaisait. Et puis elle a tout cassé ! Ce n'est pas pour elle qu'elle fait appel à mes services. Fronçant les sourcils et procédant à un grattage de tête propice à la réflexion, je cherche à camoufler que je suis blasé du ukulélé. Et c'est quand je commence à me dire que c'est pas si grave, qu'elle a peut-être une pote à tomber, qu'elle m'assène le coup de grâce.

Phtisie... Nouveau grattage de tête, j'esquisse un sourire. Un faux sourire, évidemment, parce que ce mot je le connais pas mais il m'inspire pas. Je pense brièvement à ces histoires d'oracle dans un temple à Delphes. Et puis je secoue la tête, ça c'est pythie. Alors je plisse les yeux et fouille dans mon cabochon. Ce mot-là, il m'inspire la maladie. Comme la vérole, un truc bien dégueulasse. Un truc qui bousille ta vie si tu le chopes. Je siffle le contenu de mon verre d'un trait à cette pensée, m'imaginant difficilement crever avant d'avoir découvert de nouvelles terres de l'autre côté de l'océan Atlantique. Ensuite, je la regarde, inclinant la tête sur le côté.

J'en sais pas grand chose, à vrai dire. Même rien du tout. Mais j'imagine que c'est une maladie bien moche qu'a la personne pour laquelle vous m'avez fait venir. Et que je peux l'attraper en usant des talents qu'on vous a cité.

Ignorance avouée, je me fends d'un nouveau sourire.

Bon, on va pas repartir sur le même dialogue où je menace d'embrocher votre enfant et où vous me rassurez par quelques piques acerbes. Mais tout de même, vous vous doutez bien que je vais préférer m'asseoir sur mille écus plutôt que de risquer de clamser si connement.
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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Eldearde
Et merde, le gourgandin s'avérait bien moins stupide qu'il s'en donnait l'air et ça, ça n'arrangeait pas ses affaires. Un délicat mouvement de la dextre portant le cristal à sa lippe lui offrit le temps d'une courte réflexion : surtout, ne pas se départir de ses grands airs de bourgeoise confiante et tempérer subtilement les affirmations d'un blondin qui, pourtant, n'était pas loin d'avoir tapé dans le mille. Kierkegaard opta donc pour le cocktail sécurisant d'un léger rire prompt à détendre l'atmosphère, d'un sourire version parfaite zénitude et d'une posture tout à fait dédramatisante : coude pointu déposé sur la table et menton anguleux nonchalemment enfoui dans la paume de sa menotte.

- Comme vous y allez Raphaël ! Bien que contagieux ce mal ne s'attaque que bien rarement aux grands gaillards tels que vous, suintant la santé par tous les pores de la peau
, répliqua-t-elle rieusement pour entamer sa délicate campagne de minimisation d'une opération potentiellement mortelle. A ces fins, il lui sembla judicieux de flatter un tantinet les talents de déduction du client réfractaire en exposant dès à présent les grandes lignes d'une demande somme toute originale. Puisqu'on ne peut rien vous cacher....Elle se prénomme Laure, elle a dix-sept printemps et ne verra probablement pas le mois de mai, déclara-t-elle donc sans s'appesantir sur la situation de la malade et en laissant de côté les petites anecdotes tragico-bouleversantes qu'elle avait soigneusement préparées : faire appel à l'empathie de ce gus là c'était pisser dans un violoncelle. S'il y avait une corde sensible à titiller ce n'était point sur le versant compassionnel qu'il fallait farfouiller. D'abord, le convaincre qu'accepter sa périlleuse mission ne signifiait pas -forcément- jouer avec les vis de son cercueil : Son père et moi-même la veillons depuis des jours sans qu'une seule quinte de toux ne nous ait égratigné la trachée. Les infections poitrinaires, finalement, ne font de victimes que parmi nos contemporains les plus fragiles. L'organisme sain et non sujet au déséquilibre des humeurs ne saurait se voir aisément contaminé par quelque incommodité que ce soit, affirma-t-elle gravement en prenant soin d'user d'un vocabulaire approprié, emprunté aux quelques médicatres dont elle avait pu entendre les simagrées.

En débitant son discours de toubib improvisé, l'engrossée détaillait l'air de rien la trombine de son vis-à-vis à la recherche d'un indice, d'une piste à exploiter au service de son argumentation bancale. Quelle faiblesse sous le blond des mèches striant ce grand front de traits dorés ? Quelle fêlure noies-tu dans l'océan de ton œil, vendeur de charmes ? Comment faire tanguer tes certitudes d'homme libre, sans attaches, sans valeurs ? Si même l'éclat d'un millier d'écus ne parvient à t'éblouir, alors quoi ? Le cérulé du regard, balayant les traits mâles avec attention, finit par s'abîmer à la finesse d'une bouche facétieuse dont le sourire dessinait au glabre de la joue une fossette badine ; bouche qui, infailliblement, avait connu des centaines d'autres bouches affamées, avait baisé pléthore de lèvres pleines et quémandeuses.

Adoncques, si aucun bien ne saurait justifier de risquer si petitement ta vie, une autre vie que la tienne serait-elle digne de ce léger péril ?


- Nous parlions d'embrocher mon enfant, mais si nous causions de bichonner les vôtres ? Car vous avez des mioches, j'imagine. Mille écus, cela constitue une dot conséquente pour une fille de courtisan. C'est aussi un joli pactole pour permettre à un jeune garçon de s'élancer dans le monde,
amorça-t-elle à tâtons sans pour autant renoncer à son masque d'assurance, index glissant machinalement sur les bords de son verre de pinard. Ceci, je vous l'offre pour une seule passe. Mieux, si vous êtes père d'une bambine, je m'engage à lui trouver une place au sein de ma propre maisonnée et à lui fournir la plus complète des éducations afin, qu'à l'avenir, elle puisse trouver grâce aux yeux du meilleur parti possible, de rempiler d'emblée en le jaugeant de sa prunelle trop claire. Réfléchissez, Raphaël.

Six mois de délai, j'pense qu'on est bien là.

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[Blason en construction]
Niallan
[If I had my time again, I know I'd be a learned man,
An artisan in high demand, a Doctor or a Teacher,

If I had my time again, I know I'd be a rovin' man,
I'd rove away to far Japan to court the Emperors daughter*]



Avouez que ce serait quand même bien plus fun que de négocier avec mes congénères le prix de mon derrière pour une grabataire qui pourrait me conduire au cimetière. Mais c'est une chimère. Trop de frontières pour la fille de l'empereur, faut que je me contente des ménagères, mémères et mégères. Soyons sincères, c'est la misère. La future mère pratique la surenchère, je peux plus faire marche arrière.

L'atmosphère.
Oui, j'ai oublié de vous prévenir : on prend la terre comme repère. Là on est en surface, elle teste un truc qui marcherait que sur vos compères les phacochères. Les compliments qu'elle me refourgue sont dignes du « ton père a volé toutes les étoiles du ciel pour les mettre dans tes yeux ». Comme je suis poli, je la laisse débiter ses conneries mais ça ne m'empêche pas d'afficher un sourire narquois. Je suis pas particulièrement grand et vu la fréquence de mes ateliers « ivrogne sans vergogne » et « fumette carpette », il n'est pas sûr que je sois en bonne santé. De même, ces ateliers m'empêchent d'avoir une réactivité prompte à dénicher tous les secrets. Mais soit, attendons de voir ce qu'elle a d'autre.

La lithosphère.
Elle gratte un peu la surface, elle titille la corde sensible. Offrir la première petite mort avant la grande, c'est une occasion qui se présente rarement. Je pourrais en être fier, raconter ça à mes potos. Et puis j'ai de la peine pour cette Laure, on le lui a pas laissé le temps d'éclore. C'est moche, les grosses loches sont solides comme la roche et les mioches prennent des coups de pioche, à quelques variantes près. Y n'empêche que, peiné ou pas, ça le fait toujours pas.

L'asthénosphère.
Les explications prolifèrent, je galère et risque l'ulcère. Ou presque. Qu'est-ce qu'une infection poitrinaire ? Qu'est-ce qu'un organisme sain ? Qu'est-ce qu'un déséquilibre des humeurs ? Non parce que des fois, je tousse, la sanité -ce mot est moche- de mon organisme est ambiguë et je change d'humeur comme de gonzesse. Pas besoin d'être un génie pour comprendre qu'il vaut mieux pas que j'accepte, pour ma survie. Mon génie à moi me fait dire que l'emploi de tous ces termes savants dissimulent des risques sérieux -plus il y a de baratin de médecin, plus ça craint!- et qu'elle a la comparaison facile. D'accord, elle et le père sont pas à l'agonie mais eux se contentent d'être auprès d'elle, moi je vais être en elle. Définitivement, c'est un avertissement.

Le père.
Le père Jules Verne qui va au centre de la terre, suivez un peu. De mon côté, j'y suis pas allé mais j'ai été père. J'ai pas été à la hauteur, ça a entraîné douleur et malheur. Ma môme est morte. Lèvres pincées, je ressasse le passé. Dans un futur proche, je prendrai en charge l'éducation de mon fils et aurai un enfant d'Alaynna. Si j'ignore ces données dans le présent, je suis réaliste. J'ai soulevé trop de jupons pour être seulement tonton. Si j'ai un autre enfant, j'ai envie de faire les choses bien.
Vaincu et sans aucun breuvage pour me rétablir, je lui livre vite le produit de ma réflexion :

Quel genre de père je serais si je refusais une telle proposition ? Sourire au coin des lèvres, je pianote un bref instant sur la table. J'ai pas envie d'être seulement le géniteur, peut-être pas tout à fait génial mais pas trop mal quand même. Alors j'accepte.

N'y tenant plus, j'attrape la bouteille pour me resservir. Quelques gorgées dans le gosier plus tard, j'incline légèrement la tête sur le côté et croise les bras, posture idéale pour observer.

Dites, pourquoi vous faites tout ça ? C'est par pure bonté chrétienne, l'amour de son prochain à son apogée ? Ou c'est un poil plus égoïste ? Une manière de chasser l'ennui, comme...

Je baisse les yeux sur l'arrondi de son ventre.

...celui qu'entraîneraient les absences d'un mari peut-être pas aussi présent qu'il le devrait ?

J'esquisse un nouveau sourire, relève les yeux pour les planter dans les siens.

Bien évidemment, je comprendrais que vous ne répondiez pas et m'envoyiez sur les roses. Cependant, le contraire me plairait beaucoup. Après tout, vous connaissez ma faiblesse, me livrer les contours de l'une des vôtre serait...votre deuxième bonne action de la journée ?

Allez, fais pas ta radine.


*Paroles The Rumjacks - My Time Again

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Eldearde
 
    Courtisans ! attablés dans la sublime orgie,
    La bouche par le rire et la soif élargie,
    Vous célébrez César, très bon, très grand, très pur ;
    Vous buvez, apostats à tout ce qu'on révère,
    Le chypre à pleine coupe et la honte à plein verre... —
          Mangez, moi je préfère,
          Vérité, ton pain dur
    .
    *
Ainsi donc, comme pour nombre d'hommes de bien, là résidait le talon d'Achille du psylle : la paternité est un fardeau par la Nature donné, surtout quand on souhaite le bien porter. Doigts agités imprimant aux bords de la tablée toutes les tracasseries qu'il ne disait pas, l'homme, vaincu par le père, balança finalement son accord par dessus le bord de son verre. Engrossée attacha un sourire victorieux à ses yeux, à défaut d'en habiller la finesse de sa bouche, optant pour la discrétion d'un triomphe modeste, chose qui ne lui ressemblait guère, du reste. Peut-être l'égo certes doucereusement flatté par le consentement accordé avait-il la décence de se souvenir qu'on papotait ici de décès imminent, de passe morbide, d'enfants de putain et que, conséquemment, ses motifs de fierté étaient somme toute relatifs voire franchement mesquins. En sus, il n'était pas encore exclu que le bonhomme exécute soudainement un 180 et revienne dare-dare sur ses positions, rebroussant sagement chemin.

Vous seriez un père tout ce qu'il y a de plus banal : absent, insensible et bancal. Encore une dose de miel : personne ne veut ressembler au commun des mortels. La coupe qu'elle poussa vers lui d'un geste qui demandait sa part de vinasse laissa une bavure incarnat sur l'étendue de bois vert qui séparait les deux protagonistes de cette sordide affaire.
Un contrat chichement négocié dans le pinard.
Le sang viendrait plus tard.
Le gigolo buvait comme il dégoisait : exempt de toute tergiversation inutile, à coups de grandes lampées incisives, sans rien de pudique ou de subtil. Trouva-t-il dans le fond de son godet, l'aplomb qu'il semblait y chercher ? A l'aune de la question débitée lors du retour à la surface, il apparut que le bougre d'huluberlu y avait aussi pêché quelque semblant d'audace. L'image du fiancé évoqué vint se coller façon affiche bariolée à la rétine d'une gestante qui n'avait rien demandé, creusant le sillon de ses traits au trop pâle de la cornée.

Maintenant qu'il avait été mentionné, Arry était partout, infiltré dans la pièce comme un mauvais courant d'air. Partout jusque dans les lignes de la trombine courtisane à la faveur desquelles Zolen semblait se dévoiler parfois, planant sur l'aile d'un nez droit ou créchant vilement dans l'angle joliet d'un menton carré. L'ombre furtive paraissait vouloir lui rappeler que c'était elle qui, autrefois, recevait les offres sulfureuses de dérangées du bocal que leurs grabataires de maris ne sautaient pas assez ou bien trop mal. Pour la Reyne des cul-serrés, le passé professionnel du futur épousé avait été motif d'une éruption de glapissements immodérés suivie de près par une sombre contrariété muette, le tout s'achevant dans l'amère résignation que colorait un poil de curiosité secrète. Or se présentait devant elle l'heureuse possibilité d'abattre le mur de mystères, par l'aimé érigé, du front d'une tête blonde et passablement avinée.


Vouloir s'acheter l'amour du Très-Haut en foutant, dans le lit d'une donzelle mourante, le corps bouillant d'un greluchon...Si l'intellect vous fait défaut vous ne manquez pas d'imagination. Elle ria un peu et le resservit beaucoup. Là, je vous connais à peine, Raphaël, mais je n'ignore déjà plus que vous feriez montre d'autant de philanthropie s'il s'agissait de satisfaire les lubies d'une de vos amies à l'agonie. Ici, elle laissa le quasi-cadavre d'une bouteille dont il ne restait que la lie retrouver la surface plane de la table avant que dextre et sénestre ne viennent conjointement lisser de leurs paumes la soie azurée que le ventre énorme faisait craquer. Bigre, et moi qui songeais que la preuve des attentions effrénées de mon époux était suffisamment évidente...

Deux coudes saillants trouèrent la surface de la console innocente et déjà souillée des cercles de rouge barbouillés par les pieds des hanaps vitement sifflés. Gambettes s'enroulèrent dans un léger chuintement de tissu quand la gorge se gonflait d'un petit ricanement léger qui fit frémir le cristal ciselé.
Dois-je donc vous plaire, l'ami ? Il me semblait jusqu'ici que c'était moi, qui proposais l'embauche. Contez-moi un peu ce gagne-pain dont je ne sais rien. Les femmes sont-elles si promptes à se vautrer dans la débauche ? Comment fichtre désirez-vous celles dont les seins pendent jusqu'aux genoux ? Prenez-vous votre pied en plus de leur prendre leur oseille ? Filez-vous avant que ne vienne le sommeil ?

A ton indiscrétion, spécieux incube, je n'opposerai que la mienne.
Sauras-tu voir tout ce que j'y mets de ma faiblesse, Raphaël ?


* Victor Hugo, Chanson.
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