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[RP] D'un jour marqué d'une femme blanche

Evroult
    Citation:
    À toi, Hel,
    De moi, Chasseur impénitent,

    Salut.

    Ne te demande pas pourquoi je t'écris ce jour. Une plume qui démange, l'ennui qui ne ronge pas mon frein autant que je le souhaiterais, l'implacable silence qui m'entoure ces derniers jours. L'envie de te lire, que veux-tu, de retrouver l'abri offert à ma carcasse il y a bien longtemps. En fait, c'est tout comme si c'était hier, & le goût que ta main tendue m'a laissé en bouche me réconforte encore. Et là, vois-tu, j'ai affreusement besoin d'écorcher mes yeux sur la candeur de ta peau, de croire que si tu le voulais bien, tu luirais si fort dans le noir que mon chemin n'en serait jamais obscurci.

    Une maladie idiote me cloue dans la franche Saumur, à quelques heures à peine d'une Blanche qui va mal, je crois. Je crains que mes aventures se soient vengées d'une infidélité à laquelle elles ne pouvaient prétendre. Tu me connais, un peu, & s'il fait bien longtemps que nous ne nous sommes vus, tu sais combien je crève de me contenter d'un seul cœur. Je crois même que ma condition n'a rien à voir avec tout cela : on me dit insatiable, & je suis suffisamment peu idiot pour savoir que ça n'est pas toujours un compliment. Tu vois, le jeûne et l'inertie ne me réussissent pas, je divague & ne sais plus bien pourquoi j'avais décidé de t'écrire.

    Raconte-toi, bel ange. Je m'ennuie de ton immaculé, là où je n'ai trouvé que des peaux burinées des travaux, des peaux cuivrées d'exotisme. Il n'y a pas grand chose dans ces couleurs qui m'excite, tu sais. Elles ne marquent pas si bien que la pâleur rosée, ou mieux ! que la transparence de ta chair.

    Raconte-toi, bel ange. Dis-moi que tu viendras, que je viendrais peut-être, que nous nous retrouverons, grandis. La dévotion que je plaçais en toi ce soir où je me croyais fini n'a pas faibli au fil du temps, tu sais. Toi qui doit être femme, maintenant, comprend combien l'honneur d'un homme, tout aussi courtisan que je puisse l'être, pleure de ne pouvoir encore te rendre la pareille.

    Raconte-toi, bel ange.

    Pieusement, du moins autant qu'on me le permet,

    Evroult.


    Il lui fallut relire deux fois avant de se convaincre du bien fondé de son envoi. Evroult était resté sourd à sa dernière missive, occupé qu'il était à savourer la grasse, fertile & bovine Limousie. Et maintenant qu'il était retenu par la faiblesse d'un corps qui se remettait à peine, il revenait, les oreilles basses, tartinant ses paroles de toutes les simagrées dont il était capable.
    Diable ! que l'amitié était complexe.

_________________



Hel_
Citation:
A toi, Evroult,
De moi, Amie délaissée,

    Salut.


Tes mots sont comme des stylets aiguisés qui s'insinuent savamment en mon cœur affligé par les mois de disette où tu m'as laissé sans nouvelles. Je te sais suffisamment bien pensant pour user de cette verve qui te sied parfaitement pour faire fondre mon âme glacée. Ton silence m'a laissé désœuvrée et l'inquiétude a bien vite fait place à une familière solitude. Faut-il que tu sois esseulé pour daigner me faire parvenir quelques miettes de toi en ce plis.

Enfin. Tes mots me font peine à lire et te savoir mal en point recouvre mon cœur déjà froid d'un givre persistant. Je ne sais que faire pour te venir en aide, si ce n'est coucher sur ce parchemin, l'espoir que tu te requinques rapidement. Je sais que, malgré ton apparence juvénile, tu es de forte constitution. Et je n'ai pas de doute que tu as su devenir homme et ce, même, en ta musculature. Saches que ce jeûne, que tu vis pourtant si mal, pourrait se faire rédempteur et te donner l'occasion de te contenter d'un seul cœur, d'une seule âme. Tâches de mettre à profit cette période si c'est vraiment ce que tu souhaites.

Raconte-toi incorrigible Chasseur. Autant que je me raconte à toi. Noircis de tes secrets, de tes ambitions et de tes aventures, un parchemin aussi immaculé que ma peau.

J'ai quitté Paris depuis peu, décidée à rejoindre l'acolyte de mes rapines dans la quête de sa rédemption auprès de sa famille. C'est ainsi que j'ai connu Lyon et les assauts débauchés d'assaillants décidés à faire régner la Mort. J'y ai été blessé et si mon esprit se voit solidement protégé, ma chair en garde d'affreux stigmates.

Mais ! Lyon ne fut pas que porteuse de sinistres événements, j'y ai trouvé quelques connaissances que je me plais à suivre dans un voyage dont je ne connais pas encore la destination finale. Et, me voilà promue intendante des terres d'un Comte. Intendante à l'essai. J'ai bon espoir toutefois.

Je viendrais ou tu viendras. Et nous nous retrouverons, changés, grandis. Mes yeux s'ennuient de ta chevelure obscure et de ton regard sombre. Je veux encore pouvoir comparer mon derme au tien et m'esquinter les prunelles sur le doré de celui-ci. Je veux voir l'homme que tu es devenu à défaut de dévoiler la femme que je suis. Car, de femme, je n'en ai, je le crains, encore que le caractère.

Raconte-toi mon ami d'onyx. Et soulages ton cœur d'un poids, saches que tu n'es pas obligé de me rendre la pareille, si ce n'est en m'hébergeant le temps d'une visite que j'espère.

Affectueusement, du moins autant que je le peux,

Hel.


La lettre écrite dès réception lui laissait l'amer goût d'une situation dont elle ne sait quel comportement adopter. Si sa déception et sa solitude lui avait fait écrire des reproches qu'elle regrettait déjà, l'amitié qu'elle porte au jeune courtisan avait eu tôt fait de lui faire rédiger l'inquiétude qui vrillait son esprit tourmenté. Que l'amitié était sans pitié pour les pauvres ères peu habituées.
_________________
Evroult
    Citation:
    À toi, amie délaissée,
    De moi, ami navré,

    Salut.

    J'ai ri autant que je me suis mordu la langue à ta lecture. Tu me sais incorrigible... mais tu ne te lasseras pas d'insinuer ce gel à tes paroles, n'est-ce pas ? Qu'importe... Je l'ai bien mérité. Promets-moi- Ne m'en veux juste pas trop longtemps, veux-tu ? Je saurai me faire pardonner de vive voix, à corps vifs, s'il le faut. Je saurai faire oublier mes affreuses bévues auprès de l'implacable intendante que tu dois être.

    Ah ! Que j'en ai été surpris. Dans le bon sens évidemment ! Comme si tu t'approchais d'une vie plus paisible & sensée, une vie de richesses & de bonnes relations : car c'est bien de cela qu'il s'agit, n'est-ce pas ? J'ai grand espoir pour toi.
    Tu me vois désolé pour la rudesse de l'accueil lyonnais, j'en gardais un souvenir plus civilisé que cela. Par quelle folie auraient-ils osé entacher ton immaculé, briser l'innocence & la fragilité de ta beauté ?! J'en suis devenu blême, à l'idée de penser à ce que tu as du traverser, à ce qu'il t'aura fallu de courage & de force. Et moi, me plaignant de cette maladie idiote, que ne suis-je pas idiot moi-même !

    Mais enfin, à savoir que tu te sais bien accompagnée, toute mon inquiétude est étouffée. Je sais bien qu'une amitié n'en remplace pas une autre, mais voilà, te savoir entre de bonnes mains allège un peu la honte de ne pas assez donner de nouvelles. Il m'en faut peu, tu le vois bien, pour me rassurer. Mais décris-les moi, un peu ! De ta réponse naît une joyeuse curiosité & soif d'en savoir plus sur eux, sur toi avec eux.

    Quant à moi... Esseulé, écris-tu. Imagine un peu ! Moi, ton Evroult, oui moi ! cloîtré dans une chambre de bordel qu'il m'aura fallu payer faute de pouvoir travailler, ruiné par les frais d'une putain improvisée médicastre inutile & mauvaise qui m'interdit le froid des ruelles animées de Saumur par crainte qu'il me morde, vanné de ne pas conter fleurette à une fille de chambre bigote qui me fuit comme la peste, comme si j'allais d'un baiser la convertir à une vie de dépravation ou que sais-je encore, elle qui ne voit d'hommes que lorsqu'ils sont trop long à quitter les couches des filles au petit matin... Regarde, comme je suis désespéré de n'avoir aucune conversation digne de ce nom, désespéré de ne pouvoir savourer sur tes joues le résultat du bris de ta frigidité, désespéré d'avoir failli à combler ta solitude après tout le mauvais sang que tu as du te faire.

    Car si, comme tu l'écris encore, je suis de « forte constitution », je suis une âme sensible. Je deviens fou, mon opaline, complètement. Je tourne en rond, entre la couche & la fenêtre, la fenêtre & la porte, & dis-toi bien qu'il ne doit pas y avoir plus de deux pas entre chaque. En bas j'entends la guerre qui fait rage, & les femmes qui reviennent du combat doivent se sentir si faibles sans moi réveillant leurs instincts. Tu t'imagines un peu que j'en viens à rêver de guerrières ? Moi qui ne jure pourtant que par la délicatesse de mains qui n'auraient rien de calleux, voilà que j'envie le musc & la force des femelles de combat. J'en viens à tomber bien bas.

    Et toi, je vois que tu as découvert ce délice qu'on nomme humour ! Je n'ai jamais compris ces hommes enfermés dans un amour comme on s'enferme dans les geôles de son plein gré. Autant, tu sais, j'entends la fibre féminine & son besoin de croire en l'unique, au coup de foudre, à l'amour d'une vie... Et si je ne l'envie guère, j'entends, je conçois, pire encore ! j'accepte & m'en accommode plutôt bien. S'il y a la foi, il y a la déconvenue, & la femme n'est jamais si belle que lorsqu'elle s'en remet à celui qui lui fera oublier toute la douleur d'un cuisant échec amoureux. Mais moi, mon amie, je ne vis que pour voir ces visages pétris d'amour, entendre ces cris de joie, sentir ces parfums d'intimité, toucher ces corps brûlant de désir, & goûter, goûter la moindre parcelle de peau accessible à mes lèvres, à mes dents, à ma langue. On ne peut se lasser de jouir de ces plaisir lorsqu'on y a goûté, oh non !

    C'est bien la première chose que je ferais, une fois débarrassé des faiblesses de mon corps. Goûter, à l'en rendre folle de fièvre, à en faire exploser son corps. Ah, si seulement tu étais là, immaculée. Mais donne-moi un peu plus à lire, fais-moi croire que nous sommes tout près l'un de l'autre. Laisse-moi penser qu'à ta prochaine note, j'entendrais ta voix souffler son givre sur mon oreille.

    Ardemment tien,

    Evroult.

_________________
Hel_
Citation:
A toi, Evroult,
De moi, Amie nivéenne,

    Salut.


Ta lettre me laisse l'empreinte d'un rare sourire où se mêle l'amusement que tu sais si bien provoquer et la tendresse que notre amitié m'évoque. Jamais je ne me lasserais d'être honnête avec toi, et si, ces longs mois de disette m'ont laissé meurtrie, j'avoue avoir user des lettres à mon avantage pour faire naître en ton cœur volage quelques nuances de culpabilité. Mais je garde en tête l'idée que tu te fasses pardonner de vive voix.

La nouvelle peut être surprenante, je le conçois, pour toi qui connais les brides d'un passé mouvementé. Mais comme toi, j'ai grand espoir et tes encouragements me confortent encore un peu plus. Ta maladie n'est pas moins grave que les stigmates qui entachent ma peau. Car, vois-tu, pour pouvoir soutenir autrui, il faut déjà s'occuper de ses propres plaies. Une épine sous ton ongle sera toujours plus importante que la mauvaise grippe d'un voisin de chambre. C'est ce que notre amitié me fait percevoir, je te prie d'éviter buissons épineux et courants d'air glacials. Je suis rongée par l'inquiétude de te savoir atteint d'un miasme cuisant. Dis-moi que tu te requinques ou alors dis-moi, ordonne-moi, ce que je peux faire ?

Ils sont si nombreux qu'il me faudrait des pages entières pour te les décrire, aussi j'abrégerais, en attendant de pouvoir t'en faire le récit de vive voix, en te contant seulement celles qui me sont le plus proches. D'abord, le couple qui m'emploie et me donne ainsi l'occasion de faire mes preuves : Madeleine et Dédain Deswaard de Noldor-Firenze. Elle est aussi pleine de joie de vivre et de gentillesse que lui est distant et froid aux premiers abords. J'ai passé la Saint-Noël en leur hôtel à Paris. Il était pleins de vie, entre les familles, les amis, les enfants. C'était un tableau étonnement vivant et, même si, je ne suis pas de nature spontanément affable, j'ai passé un moment agréable. Mais ! C'est un très grand groupe et se faire une place n'est pas chose aisée. Cela viendra je suppose.

Je te sais seul et cela me chagrine. Partout, pourtant, les quidams racontent que l'Anjou n'a jamais été aussi peuplé. La guerre semble encore faire rage et même si tu es malade, je préfère te savoir entre les murs protecteurs d'un bordel que dans les amoncellements de barricade à défendre une place qui ne te concerne pas. As-tu quand même fait quelques connaissances agréables ? Je me refuse à croire que tu vis totalement reclus. Contes-moi tes journées, de quoi sont-elles faites ? Comment est cette chambre où tu loges ? Racontes moi tout comme si j'étais à tes côtés.

La privation te fait divaguer mon ami, à moins que cela ne soit une mauvaise fièvre et te voilà pris à rêver de guerrières dont la peau n'a plus rien de doux. Je sais, au fond de moi, que tu seras bientôt remis et tu pourras combler à nouveau ce vide qui te fait dire de bien énormes bêtises.

L'humour ne m'est toujours pas familier. Mon cœur bien que froid ne peut s'empêcher d'imaginer les mêmes idioties fantasmées par tant de femme. A savoir, un homme enfermé dans cette prison dorée que l'on appelle Amour. Mais, je te connais et je sais. C'est ainsi que je t'accepte mon ami. En somme, seul ton bonheur m'apparaît important. De toute façon, je me sais une petite place en ton cœur, de par notre amitié. Tu pourras toujours me reconnaître de loin, car de femme à la peau et aux cheveux si laiteux, je n'en ai encore jamais croisé.

Mon voyage m'amène à Limoges. Je ne suis plus très loin de toi et si, cette halte se fait longue, j'ose espérer pouvoir te rejoindre et t'arracher, peut-être, à cette chambre emplie de miasmes. Imagines-moi assise au pied de ton lit alors que l'aurore pointe ses premiers rayons.

Tendrement,

Hel.


La lettre savamment rédigée orne un petit paquet enrubanné. Si Evroult se fait curieux, il découvrira diverses pâtes de fruits dont les fragrances sucrées lui apporteront un peu de baume au coeur et un petit pendentif représentant la rune Elhaz qui assure protection, ciselé dans un bois de noyer. Une dernière petite note souhaitant une bonne Saint-Noël est ajoutée.
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Evroult
    C’est d’une pâte de fruit emplissant son palais & de grains de sucre collant à ses doigts fins qu’Evroult se décida à répondre à sa muse. La découverte du présent avait ravi son esprit morose & fiévreux dont il avait encore du mal à se défaire, alors qu’on le disait bientôt prêt à reprendre ses passes. En attendant que son temps soit un peu plus occupé, il s’empressa de saisir la plume que la maquerelle avait bien généreusement mis à sa disposition. La fin de convalescence se révélait d’une douceur finalement agréable.

    Citation:
    À toi, neige imparfaite & pourtant délicieuse,
    De moi, ami convalescent,

    Salut.

    Tu me laisses le bonheur de savoir que je t’ai fait sourire. J’en suis, ma douce amie, parfaitement comblé, d’autant que tes pâtisseries ont ravivé en moi foule d’émotions sucrées. J’avais cru mon palais éteint, mais voilà que toi, tes douceurs & ton porte-bonheur viennent me réveiller. Je ne saurais te remercier assez, je crois. À moins, encore, de te retrouver, & de couler à ton oreille délicate toute la reconnaissance que je te dois. Puisque Limoges est si près, je caresse du doigt l’idée de te revoir bientôt. Voilà que j’en rêve, déjà. Voilà que je m’accroche à cette vision de nous comme si elle allait se réaliser à l’instant.

    Vile que tu es. Je ne peux même pas imaginer seulement t’en vouloir un instant. C’est là une bien douce punition pour la faiblesse dont j’ai fait preuve en te laissant sans nouvelles. Ne t’encombre donc pas de me requinquer aujourd’hui. Tu en as déjà fait tant que je n’ai pas su mériter, qu’il me faudrait des années pour rattraper ta bonté d’âme & ta délicatesse. J’aurai grand-chose à faire lorsque je te verrais : te remercier mille fois & me faire pardonner. J’ai hâte.

    Lire ta Saint-Noël finit de me ravir. Je sens comme une pointe de bonheur & ma foi, le croire m’emplit de joie. Rares sont ces choses qui comptent autant à mes yeux que te savoir heureuse, crois-le. Le portrait que tu dresses de ce Dédain – porterait-il bien son nom ? – me rappelle nos tous premiers échanges. Toi qui sait glacer l’esprit d’un homme mieux que personne, tu as du trouver là un maître de talent. J’ose espérer qu’il ne te malmène pas trop, tout autant que son épouse ne te réchauffe pas jusqu’à t’en faire fondre tout à fait. Je t’aime comme tu es, de givre, de gel, & de glace.
    Quant à se faire une place – & j’en sais quelque chose à courir autant les bordels que je coure les routes – mets loin de côté ton inquiétude. Comme tu le dis si bien, cela viendra, & sans aucun doute plus vite que tu n’oses y songer. Tu sais t’affirmer comme je sais baiser, & tu me connais assez, j’aime y croire, pour saisir toute la force du compliment.

    De même, quitte là ton chagrin. Je n’ai fait de rencontre que les autres catins, mais on me dit déjà que je pourrais bientôt reprendre le travail. Dès lors, je ne me laisserai pas plus d’une semaine avant de repartir. Peut-être bien vers toi, si tu t’es rapprochée ?

    De ma chambre, il n'y a pas grand chose à peindre. Je te le disais déjà, moins de deux pas séparent la porte de la couche, la couche de la fenêtre. Ce sont de bien grands mots, d'ailleurs, tant pour une paillasse si courte qu'il m'arrive d'en glisser, tant d'une fenêtre si petite que la lumière du jour peine à s'y frayer un chemin. Il n'y a là pas grand chose, un guéridon de mauvais goût où trônent quelques remèdes inutiles, un écritoire ordinaire généreusement prêté par une maquerelle prise de pitié pour moi, & une petite malle qui ne renferme rien d'autres que deux ou trois tenues de rechange. On me laisse une vasque toujours remplie, mais j'ai grand espoir d'aller demain aux bains, effacer les dernières traces de mon trouble.

    Mes journées ne sont plus jolies à conter. Je vis tant de jours que de nuit, car la fièvre m’a laissé un rythme étrange de sommeil & d’éveil courts & discontinus. Voilà deux jours à peine qu’on me permets de descendre prendre repas avec toute l’assemblée, & leurs piaillements incessants m’ont déjà fatigué. Cet après-midi – car à l’heure où je t’écris la nuit est bien entamée – une des filles m’a rejoint pour vérifier mon état. Je ne l’ai sans doute pas contentée autant qu’une vraie nuit de sommeil me l’aurait permis, mais le moment m’a suffisamment requinqué pour que je me pense, moi aussi, bientôt prêt. Le regain tient en peu de choses, & ces maladies d’hiver n’ont finalement rien qu’un peu de saignées & quelques ébats faciles ne puissent finir par résoudre.

    Cela me fait penser : tu me dis être à Limoges, & mon dernier séjour en cette bien calme ville m’a amené à rencontrer une belle & élégante jeune femme. Eldearde, si elle y vit toujours, pourra t’être de bon conseil en ces lieux, si le cœur & le besoin s’en font sentir. Ne te méprends pas, toutefois : elle n’a rien d’une catin. De paroles en promenades, elle a su s’imposer comme agréable compagnie bien que singulière par sa pruderie. Ainsi, je te la conseille tout comme je te conseille d’éviter la Succube Dorée & ses habitants. Si j’y ai passé d’agréables instants, il règne en ces lieux un relent de malsain qui n’a rien d’excitant.

    Je ne doute pas pourtant que tu saches faire choix judicieux. Et si l’Amour ne l’est pas, j’ose croire tout de même que tu garderas l’esprit sain. Les hommes ont ces besoins que nulle ne peut brider, & les femmes ces passions que nul ne peut taire. Nature est ainsi faite, & qui serais-je pour m’y opposer ? Je t’aime, c’est bien pour cela que j’ose te le dire : tu as le droit d’aimer. Peut-être même le devoir, qu’en sais-je ? Qu’importe si un jour tu te perds en l’Amour. Je serai toujours là, & ta place en mon cœur ne souffrira aucun substitut.

    C’est dit. Je sais mon amitié pour toi bien au-delà de la beauté de ton teint. Une foule d’opalines miroitantes ne sauraient m’empêcher de te reconnaître. Je t’imagine, ma pâle. J’imagine & ma main dans la tienne, & mes pas dans les tiens, & toi me guidant vers ce soleil qui me manque tant.

    De toute ma dévotion,

    E
    vroult.


    PS : J'ai été si long que je crois devoir m'en excuser. Peut-être essayais-je de rattraper mes silences passés. Me pardonneras-tu, encore ?

    Une dernière fois, Elhaz roula entre ses doigts agiles, avant de revenir se balancer à son cou.

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Hel_
*

A la lueur vacillante d'une bougie, la dextre s'acharne à effriter un parchemin de basse qualité du bout d'une plume affûtée. Si lugubre camarde ne laisse rien paraître, cet échange épistolaire lui laisse en son sein, la chaleur réconfortante d'un sourire intériorisé.

Citation:
A toi, Tendre onyx,
De moi, Amie compatissante,

    Salut.


Et tu me laisses le bonheur de savoir que j'ai ravivé en toi quelques souvenirs aux fragrances sucrées et que ses maigres cadeaux aient pu t'arracher à ton morne quotidien. Tu n'as pas besoin de me remercier, je souhaitais simplement que tu jouisses de quelques simples plaisirs. Bien loin des plaisirs charnels, je gage qu'ils t'ont tout autant restauré un moral qui me semblait bien trop bas. Saumur est si proche, que voilà, que comme toi, je caresse également l'idée de bientôt te retrouver et d'offrir à ta silhouette l'amicale étreinte qu'elle mérite.

Cette Saint-Noël, bien qu'inattendue, m'a permis de pouvoir entrapercevoir les prémices d'un bonheur qui pourrait me satisfaire aussi justement qu'un amour sincère comble le cœur épris d'une jeune péronnelle. Et si mon cœur ne demande qu'à fondre un peu, mon âme récalcitrante n'a de cesse d'ériger les mêmes barricades qui ornent les ruelles désespérées de l'Anjou. Mais, je crois que je vais laisser le temps se faire, cette guerre intérieure finira bien au bout d'un temps.
Comme tu l'as si bien remarqué, je crois que Dédain et moi-même sommes assez similaires en certains points. Ainsi, je ne prends ombrage ni ne me sens malmenée. Ne t'en fais pas, mon ami, je ne changerais pas. Et si, pour te rassurer je dois prendre l'austère figure que j'ai arboré au début de notre amitié, je le ferais sans hésiter.

Je saisis toute la force de ce compliment qui me va évidement droit au cœur. Je crois que je te connais suffisamment pour en apprécier l'ampleur. Tout comme je sais, que tu me comprends assez pour savoir combien ce compliment échaude mon âme froide. Je brûle d'apprendre à te connaître encore plus, de passer quelques après-midis dans la chaleur recluse d'une pièce fermée à évoquer des secrets qui ne la quitteront jamais.

J'aimerais beaucoup que tu réduises encore l'écart entre nous, je ne sais pour combien de temps nous sommes à Limoges mais je tenterais d'obtenir quartier libre et avancer vers toi. Te sens-tu mieux ? Ces maux ont-il quitté ta chair qui, à mon sens, a assez subi les assauts rudes des miasmes hivernaux.

Te voilà bien austèrement logé, toutefois, savoir qu'un toit couve ta silhouette malade me rassure et soulage un peu ma conscience de ne pas venir de suite t'arracher à ce morne foyer. Je suis logée dans une petite chambre d'auberge, la paillasse de qualité m'offre même le luxe de ne pas être infestée de parasites. L'absence de chaleur au sein de l’exiguë pièce ne me gêne nullement, l'édredon contentant mes besoins. La vue à ma fenêtre se voit pénalisée par l'absence de relief tant aimé en la contrée du Limousin mais je m'en accommode plutôt bien. Quant à mes journées, elles sont rythmées entre mes devoirs à contenter, les quelques sorties que j'effectue et ce besoin de solitude qui s'avère, malgré tout, viscéral.

Au delà des saignées et des ébats faciles, je gage que la maladie prendra sa réédition sitôt que ton courage reprendra de la vigueur en ton sein. Ces maladies d'hiver, bien que tenaces, ne font pas toujours le poids face à un moral dressé et la chaleur qu'il peut apporter aux corps. Toutefois, tâches de te couvrir, à l'instar des prudes jeunes-filles rougissantes.

J'ai en effet déjà fait la rencontre d'Eldearde. Le hasard faisant généralement très bien les choses, elle est une très bonne amie d'une personne de ce groupe que j'accompagne : Lucie de Saint-Jean. Une feuille à la chevelure constamment fleurie de couronnes odorantes. J'ai eu l'occasion d'échanger quelques paroles avec cette femme, qui m'apparaît au demeurant, très agréable et avisée. Je prend bonne note de ton conseil éclairé, bien que je doute que mes pas me portent un jour au seuil d'un bordel, sauf pour te saluer ou venir te chercher comme je voudrais le faire actuellement. J'admets avoir fréquenté presque à l'usure bouges et tavernes malfamés mais je ne saurais que faire en un lupanar. Je suis... Enfin..

Je ne recherche pas l'Amour, ce ne sera pas ma quête éternelle. Je crains qu'il avilisse trop les pauvres esprits entichés allant même jusqu'à pouvoir rendre folles les femmes spoliées. Bien que réticente et revêche, il me faut constater et concéder que ta place en mon coeur ne sera jamais conquise par un autre. Notre amitié allant, je le pense, bien au-delà de la beauté que tu m'octroie et de l'entraide que je t'ai autrefois offerte. Notre affect me semble évident et je ne peux même pas le nier. Alors, oui, tu as raison, j'ai le droit d'aimer. Et déjà, c'est vers toi que mon affection se porte.

Je t'imagine, j'imagine cet homme que tu es devenu sans toutefois, je le pense, m'approcher de la réalité. Je t'imagine, j'imagine cette main que tu dois porter, à présent, grande et j'espère pouvoir te guider hors des miasmes hivernaux, vers un soleil toutefois discret.

Avec toute mon affection,

Hel.

PS
 : Tu es tout pardonné. Je n'ai pas su être plus brève que toi. Pardonnes-moi si cette lecture use de tes formes nouvellement retrouvées.
Et pardonnes-moi encore, si l'écriture se fait un peu plus incertaine à la fin, Dédain a été honoré d'un cygne en guise de cadeau de mariage, je l'ai guidé vers les écuries. Ces bêtes-là sont bien laides et agressives. Sa couleur, à l'instar des nuances plaisantes de ton regard, lui offre toutefois une part de beauté.

_________________
Hel_
Citation:
A toi, Doux ami,
De moi, Impardonnable amie,

Salut,

Voilà que nous avons quitté Limoges. Je n'ai pu comme je le souhaitais obtenir une permission de quelques jours afin de te retrouver, notre halte étant si courte.

Pardonne-moi mon ami. Je me réjouissais tellement de te retrouver et voilà que ces réjouissances se voient à nouveau reportées.

Je t'en prie, rejoins-moi en Béarn dès que tu le pourras. Je pourrais te rejoindre sur ton itinéraire. Nous marcherons, ainsi, côte à côte vers un soleil qui te fera le plus grand bien.

Je m'en veux de n'avoir pu combler ton visage et ton esprit du goût de ces retrouvailles.

Ton souvenir accompagne chacun de mes pas.
Avec toute ma tendresse,

Hel.

_________________
Evroult
    Citation:
    À toi, ma douceur hivernale,
    De moi, ami lointain,

      Salut.


    Tes derniers mots ont été plus durs que je ne l’aurais pensé. Je me réjouissais tant de retrouver ton pâle & tes blanches caresses que la chute, prévisible pourtant, m’a laissé un goût amer. Ma généreuse, j’en suis tout autant désolé que toi. L’Anjou & le Béarn me semblent déjà à des milliers de lieues, ce qui doit sans aucun doute être le cas, & je n’ose plus espérer des retrouvailles rapides. Quelques mauvais soucis me retiennent à Angers pour les semaines qui viennent, & je ne saurais te dire combien de temps me sera nécessaire. Ne m’en veux pas déjà ! l’annonce de ton départ pour de si lointaines contrées me presse à hâter mes affaires. Je n’ai rien qui me retienne, ici.

    Tes pâtes de fruits ont sans aucun doute eu l’effet escompté, & m’ont remis sur pieds plus vite que je ne te l’écris. Je me suis accordé deux jours en Saumur pour finir la mission que l’on m’avait confié, & suis remonté à Angers pour retrouver ma place au Boudoir de Soi. Si j’y suis mieux logé qu’en la Franche, & que la maquerelle m’y accorde une place de choix, je ne peux négliger que les rivalités attisées par mon embauche rapide pèsent sur ma santé. Tu sais bien que je n’ai en rien l’étoffe d’un bagarreur, & si je n’aime pas fuir, je me détache autant qu’il m’est permis de ces conflits de coqs. Malgré moi, pourtant, me voilà la cause de nombreuses rixes tant féminines que masculines, & les insultes directes envers ma personne & mon travail ont du mal à passer.
    Qu’importe. Comme je te le disais, quelques affaires à régler & je tourne les talons de cette capitale maudite.

    Pardon, mon innocente… Ma convalescence m’a tant fait tourner en rond qu’aujourd’hui je me jette, à corps perdu, dans toutes ces bêtises. Il y a des choses que je ne peux te coucher de cette encre-ci, qu’il me faudrait te glisser à l’oreille, & qui rendent mes paroles pas tout à fait honnêtes. Tu dois me sentir irrité, & je ne pourrais te cacher combien tu as raison. Voilà bien une raison de plus de hâter mon départ de ce pays en guerre pour mieux te retrouver.

    Mais suffisamment parlé de moi. Tu me vois ravi de tes rencontres, qui me prouvent encore une fois ta capacité à savoir t’entourer. Quant au reste, ne crains pas l’ignorance de ces bordels là, ni même de ceux que je juge agréables. Si tu peux me voir pressé de te voir t’ouvrir à une maison close, ce n’est que parce qu’il me tarde trop de te revoir enfin, & que te faire découvrir de plus près mon univers qu’on dit si mauvaisement débauché me serait un honneur. Loin de moi l’idée de te pousser à payer une passe, oh non ! Je sais ta pureté, & les vices dont on pourrait t’affubler ne servent qu’à ne magnifier.
    Je ne suis pas courtisan, avec toi, le sais-tu seulement ? On me reproche tous les jours, ou presque, de trop bien user de mes mots pour faire oublier les maux de toutes les femmes, & de manipuler autant qu’un vendeur de poisson. Si la pique m’est désagréable, elle l’est d’autant plus lorsqu’on m’affirme que je ne peux me défaire de ce qu’induit inévitablement mon métier.
    Mais je ne suis pas courtisan, avec toi, le crois-tu seulement ? C’est ce qui me fait t’aimer autant. Je ne suis qu’homme fébrile à l’idée de retrouver tes pleins & tes déliés sublimés par ta floraison, & tes après-midis posés du bout de ta plume m’ont empli d’une chaleur qui n’avait rien à voir avec le feu de l’âtre. T’ai-je dit, déjà, combien j’avais hâte ?

    De toute mon impatience de n’être plus qu’à toi,

    Evroult.

    PS : Je ne crois pas qu'il m'ait été souvent permis d'admirer ces bêtes-ci, mais l'on dit bien partout qu'elles sont aussi mauvaises qu'elles peuvent être belles. Leur laideur de caractère n'est que le reflet de leurs vices, & la perversité de leur âme se cache derrière la pureté de leur plumage. Si j'étais mauvais, j'aurai osé affirmé que les cygnes sont de bons courtisans. Rappelle-moi, ma blanche, de ne pas les prendre comme exemple.

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Hel_
*

Tourmentée par l'idée d'avoir délaissé l'Ami en des contrées hostiles, Camarde ressasse sans cesse des pensées parasites. En proie à ses démons, elle n'a, hormis ses fonctions, pour unique occupation que la naissance d'une inquiétude grandissante. Et si, s'ouvrir à Evroult peut s'avérer libérateur, d'autres préoccupations viennent s'ajouter, torturant toujours plus ses froides entrailles. Si de par son évidence, l'amitié s'impose, d'autre sentiments viennent secouer un cœur qu'elle a, par facilité, toujours pensé éteint. Devant ses incertitudes, Blanche autruche préfère ne pas s'en ouvrir, attendant que des certitudes viennent ébranler son crâne rempli. Dieu qu'elle aimerait le voir.


Citation:
A toi, Onyx de mes jours,
De moi, Amie déjà trop lointaine,

    Salut.


Tu n'imagines combien ces mots m'ont coûté, j'ai longuement souhaité ne jamais les avoir écrit et être, à présent, à Angers, à tes côtés. Nos retrouvailles m'emplissaient d'une joie si rare que je la chérissais pour mieux l'entretenir. Ne reste plus que la tristesse d'une promesse non-tenue. Oh mon Ami, si tu savais combien je m'en veux et je gage que cette fois-ci quelques pâtes de fruit ne t'ôteront pas le goût amer que j'ai laissé en ton sein. L'Anjou et le Béarn sont à des lieues de distance mais je sais notre lien suffisamment solide pour tenir la distance. Sitôt tes affaires réglées et tes pas te portant en ma direction, je tâcherais de venir à ta rencontre pour ainsi avancer nos retrouvailles tant espérées.

L'annonce de ta santé nouvellement retrouvée me laisse l'empreinte d'un sourire soulagé et tenace. T'ai-je déjà dis combien te lire, inonde ma froide silhouette d'une chaleur jusqu'ici encore inconnue ? Mon tendre, les rivalités n'ont de cesse à chercher à discréditer les âmes parfaites. Je ne saurais que trop bien te conseiller de les ignorer, tu ne perdras ainsi, rien de ta superbe. S'ils te jalousent, n'ai de cesse à leur donner des raisons de le faire. Mais saches que mon épaule et mon oreille, bien que lointaines, seront toujours prêtes à se faire le réceptacle de tes peines. Confies-toi à moi, jamais, je ne te trahirais, ni ne te jugerais. J'espère que tu le sais.

Je te sens irrité, je te sens lasse et tout ceci renforce l'idée de t'ouvrir mes bras plus d'une fois à nos prochaines retrouvailles. J'attendrais le temps qu'il faudra, le temps que tu sois prêt, pour me faire ces révélations. Patience est mère des vertus.

La seule perspective qui me pousse à vouloir pousser la porte d'un bordel est celle de pouvoir t'y retrouver vitement. Bien que, je serais ravie de partager avec toi cet univers dans lequel tu évolues. Il me tarde de t'écouter en faire quelques récits embellis ou non. Je veux tout connaître de toi.

Oh mon doux confident, je le sais. Et si mon cœur fébrile et idiot aime à semer le doute, tes mots si justement placés savent l'enrober pour mieux le rassurer. Tu n'es pas courtisan avec moi et c'est ça qui me fait tant t'aimer. Je perçois au travers de tes lettres l'homme fébrile et impatient que tu es devenu. Je ressens le manque que tu cherches à faire transparaître.

Je ne suis plus de glace avec toi, le vois-tu seulement ? Quand tous les jours, je m'aperçois qu'il est si difficile de se lier aux autres, je songe à toi, à notre amitié et cela me réconforte.
Je ne suis pas insensible à avec toi, le comprends-tu seulement ? C'est ce qui me fait t'aimer autant. Mon cœur s'agite, à l'instar de celui d'une jouvencelle trop pressée, à l'idée de te revoir bientôt.

En attente de l'instant où nos bras se seront ouverts l'un à l'autre,

Hel.

PS : La rumeur est vrai, leur beauté n'a d'égale que la mauvaiseté d'un caractère qu'elles portent en plus de cela fier. Les médisants affirmeraient qu'ils sont à l'image des femmes trop belles. Je me garde bien de cette beauté imparfaite. Et je crois, mon Onyx, que tu n'as pas besoin d'exemple à suivre. Tu es unique et ainsi parfait.

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Evroult
    Citation:
    À toi, céruléenne de mes nuits,
    De moi, ami infidèle,

      Salut.


    J’ai peur de t’avoir rendue coupable d’une absence qui n’est pas de ta faute. Ne t’en veux, mon tendre givre, ne te fais pas la coupe d’un tort qui n’incombe qu’à des maux qui sont miens. Tu as poussé ta chance jusqu’à espérer nos rapides retrouvailles, & moi, malade puis torturé, n’ai pas fait un pas en ta direction. J’ai cru qu’il me suffirait de t’attendre, & voilà qu’aujourd’hui je pleure de ne pas t’avoir tendu la main plus tôt. Je me rattraperais sais-tu ? Mais d’ici, amie, laisse reposer ton cœur malmené par ma faute, & saisit à pleines mains l’opportunité qui t’est offerte & qui te transporte loin de moi, mais si près d’un bonheur paisible & mérité.

    Quant à moi, désormais rétabli, je goûte les maux que l’on place dans l’âme de ceux qui savent être infidèles. Si tes mots me bercent toujours, ils me rappellent combien je faillis si bien à notre précieuse amitié, combien mon être tout entier me pousse loin d’une sagesse que ma jeunesse seule ne suffit à expliquer. Je me révèle plus impétueux que jamais, facile à l’emportement, & tes mots seuls savent calmer mes humeurs. Je relie tes lettres, & les relis toujours avant de sombrer dans un sommeil poudré de ta voix, de tes traits, de ton corps. Je ne peux que t’imaginer grandie, alors que mes souvenirs ne retiennent qu’une enfant que tu n’es plus, désormais. Je crève de retrouver la brûlure de ton gel.

    Quant à toi, je te sais plus fidèle que je ne pourrais jamais l’être. J’ai une confiance en toi qui dépasse l’entendement, sans doute, & ai peur malgré tout de te laisser scruter des recoins de mon âme dont moi-même j’ai honte. Je le sais, pourtant, je sais combien tu sais m’accepter comme je suis. Le plus dur, finalement, est de me conter à toi sans avoir honte de moi. Cet exercice difficile, néanmoins, je m’y plie à chaque réponse, le courage venant avec l’amour que je te porte. Vois, comme je suis tien, vois, comme je pourrais me renier pour le plus bref de tes regards, aussi froid puisse-t-il être, aussi indifférente pourrais-tu l’être. Tu te vois si profondément ancrée en mon cœur que j’en viens à ne même plus tiquer alors que tu me parles de vertu. Vois !

    On m’a dit récemment homme d’honneur. J’ai noté la chose comme un subtil sarcasme d’une femme qui se protège. Plus tard, elle m’aura affirmé que les principes & les valeurs qui s’inscrivaient en mes gestes prouvaient plus mon honneur que toutes mes dérobades. J’ai ri.
    Toi, tu sais, & tu le dis si bien, que je suis homme fébrile & impatient. Et si tu n’oses encore me l’écrire, peut-être par peur de te tromper, tu sais au fond de toi, à travers mes lignes, que je peux être aussi immoral & déloyal que ma condition peut l’exiger, & que seul ton dos tourné à ces mots-là pourrait m’empêcher de dormir. L’ambition exige souvent de cruels sacrifices, & je ne crois pas avoir déjà tenté d’y échapper. La vertu, alors, l’honneur & la pudeur sont des traits qui m’ignorent, & l’on me dit souvent qu’il faut être ainsi fait pour être bon courtisan.

    Mais comme je l’ai dit déjà, je ne suis pas courtisan avec toi. Si je n’embrasse pas soudainement ces qualités à tes côtés, je reste bien incapable de te tromper sur mes intentions & mes actes. Je chéris l’idée que tu sois seule à me connaître sous mes angles les plus vilains, dans la totalité de ce que je peux signifier, & que tu m’aimes encore. Le temps t’a donné une bonté qui, si elle ne m’étonne pas, me transporte de joie. La femme que tu me laisses lire est plus patiente qu’elle ne le croit, & sait se protéger tout autant qu’elle m’aura protégé. Je vois en toi rien de moins que la chaleur d’une glace qui nous entoure & nous défend de la rigueur qu’elle laisse aux autres. Tu neiges pour mes sourires, & sais geler tes larmes pour en faire des lames plus solides que le fer.
    Mon cœur brûle, & ne saurait se calmer qu’en ton sein.

      De tous mes vices & mes vertus,


    Evroult.


    Une fois n’est pas coutume, il tint à relire plusieurs fois ce qu’il avait couché pour elle. Sans y penser seulement, il laissait le temps arrimer l’immaculée à son cœur sans être même capable de la repousser. Oh ! il l’avait aimé dès le premier regard, comme aime un jeune garçon effrayé, par reconnaissance & par désir, un peu. Sa main tendue alors qu’il risquait sa vie à nettoyer des tripots malfamés, battu à outrance par un maraud trop ivre, lui avait fait la voir comme une divine apparition. Lui qui ne croyait que trop peu s’était entiché d’un ange abrupt, & l’amitié tissée à cette époque-ci était aujourd’hui beaucoup moins innocente.

    Elhaz roula une dernière fois entre ses doigts fébriles, & réponse fut scellée.

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Hel_
*

Et tandis qu'en son sein bouillonne les affres d'Amour encore inconnues, Camarde glace les traits d'un visage s'attendrissant à la vision de la fine écriture tant aimée. La chaleur de ses mots, bien que réconfortante, fendille brutalement le buste aux déliés naissants à chaque inspiration douloureuse. Lugubre peine à saisir toute l'ardeur des afflictions qui égrène sa silhouette maltraitée et par désespoir, se couvre d'un givre faiblard mais rassurant. L'esprit n'ordonnant plus qu'à demi-mot à un corps refusant la sévérité d'ordres contradictoires. Le foyer éteint de son âme brûle à présent d'un feu nouveau, terrorisant l'Innocente qui se terre encore au creux de son être. Naguère, son sort s'était scellé à l'instant même où sa blanche main s'était tendue, offrant une aide dénuée de pitié à la silhouette encore chaste d'un Evroult, tout à fait homme à présent.

      « Prends ma main, je vais t'aider. Laisse-moi soigner tes plaies... »



Citation:
A toi, Chaleur en ma vie,
De moi, Amie bien cruelle,

Salut.

Je crains mon ami que nos torts ne soient, en réalité, partagés. A cœur vaillant, rien n'est impossible. J'ai failli à une doctrine qui est, je le crois, de moins en moins mienne, malgré mes efforts. Je reste désœuvrée de ces entrevues avortées et mon cœur n'a de cesse de brûler à l'idée de te revoir un jour. Cette ardeur se voit, toutefois, rapidement glacée par la distance nous séparant à présent. Aussi, ais-je longuement réfléchi. Je me laisse quelques jours afin de découvrir les terres dont j'ai à présent la gérance et pour m'imprégner de mon nouveau rôle. Après quoi, je battrais les chemins encore humide d'un givre persistant pour mieux venir te retrouver. Nous pourrons, ainsi, voyager ensemble jusqu'aux terres ensoleillée du Béarn.

Je crains, encore, n'avoir jamais assez le loisir de te dire que tu n'as pas à rattraper ni même à te faire pardonner, mon tendre. Ta présence auprès de moi suffira à combler un vide que je crois pour l'instant, impossible à contenter.

Ne te flagelle, ni ne punie pas. Je te sais suffisamment fidèle à notre amitié pour éveiller en mon sein, une chaleur que je ne sais expliquer. Je connais ma place en ton cœur et, comme je me plais à l'imaginer, je la sais réserver à mon unique personne. Je crève, toutefois, de t'entendre dire que je suis plus qu'un écrin parmi tant d'autres. L'emportement est propre à une jeunesse que tu portes si fièrement et je crois que tu es de ces caractères. Ceux, prompt à l'animosité et à l'ardeur des hommes passionnés et passionnants. Je t'écrirais tous les jours si mes mots peuvent te faire trouver un repos que j'espère salvateur. Bientôt, peut-être, j'accompagnerais tes nuits de ma voix et de quelques caresses égrenées en ta soyeuse chevelure. Je serais la roide gardienne d'un calme sommeil.

Doux ami, ma confiance en toi dépasse un entendement certain. Je me laisserais guider par toi, yeux clos, au travers de mes pires peur sans même frissonner. Et je sais cette confiance bien placée, si tu te dis sans honneur, je sais que tu t'évertueras toujours à honorer cette confiance accordée. Je crois que jamais, tu ne me feras de mal, même sans le vouloir. N'ai pas peur de te confier à moi, mes oreilles, que tu te plais à imaginer chastes, savent écouter sans juger. Je t'accepte dans ton entièreté mon amoi.

Je sais. Je te sais tout à fait homme fébrile et impatient, tout comme je te devine immoral et déloyal. Et cela ni me répugne, ni me choque. Jamais mon dos ne se tournera, si ce n'est pour t'ouvrir et te montrer la voie vers une région ensoleillée et où nous aurons le loisir d'apprendre à nous connaître à nouveau. Tu es bon courtisan, je le crois, du moins ton caractère et tes attitudes font de toi un bon courtisan. Cependant, au delà de ce rôle que tu t'es donné et auquel tu étais destiné, je suis certaine que tu es un homme à part entière.

Tu n'es pas courtisan avec moi et je ne suis pas insensible avec toi. Je t'avoue à bout de plume que je chérie l'idée d'être seule à te connaître sous tous les angles possibles, même les plus vilains, que je me garderais bien, de ne jamais juger. Et, malgré toutes les découvertes et les récits que tu me feras de toi, jamais, je ne cesserais de t'aimer. Au delà même de ce que tu peux imaginer je le crains. Je chérie l'idée de m'avoir conté à toi et qu'ainsi, tu puisses me connaître sur le bout des doigts, de mes réactions, en passant par mes expressions et ce que recèle mon esprit.

Pour toi, je serais forteresse givrée et reine de glace pour te protéger, encore.

Mon tendre onyx, le temps t'a offert une place de choix en mon sein et te voilà profondément et ardemment ancré en mon cœur à présent vivant de ton souvenir. Je tremble d'écrire les affres agitant mon corps et mon esprit. Je brûle d'envie de te voir, de te sentir et d'accoler ce corps sûrement changé. Et, malgré mes efforts, je n'arrive à contenter, à combler ce besoin.

Jeg elsker deg..*

Hel.



Longuement, les prunelles s'abîment à détailler le contenu d'une lettre qu'elle n'ose envoyer. Armée d'un courage qui semble, pourtant, lui faire défaut, elle scelle ce parchemin d'un ruban aux nuances sombres, enfermant en ses plis savants l'espoir d'un amour réciproque. Dans ses mots hésitants et naïfs, Nivéenne avoue à demi-mot le maux qui semble ronger son âme, l'ardeur de ses sentiments trouvant son apogée dans les quelques lettres à consonance norvégienne. Elle sait qu'il ne comprendra pas mais s'en trouve, toutefois, tout de même soulagée. Fébrile, elle ne trouvera pas le sommeil cette nuit.


*En norvégien et avec beaucoup de mignonnerie : je t'aime.

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Evroult
    « Si la mort est si belle, je veux mourir maintenant. »
    ***


    Il n’avait jamais autant espéré revoir Blanche Aliénor à ses côtés. L’absence de sa sœur de lait était aussi présente que la lettre qu’il humait en s’imaginant retrouver les complexes contours d’une peau hyaline. Sans barrières & sans chaînes, sans la main sereine de l'éternelle amie, le si parfait courtisan sombrait sans résistance dans les affres d’un amour véritable.

      - Trésor… que sais-tu de l’amour ?
      - Les pleins & les déliés… les courbes & les chairs.
      - Et les cœurs ?
      - Ils ne comptent pas pour nous, Trésor.
      - Et s’ils comptaient seulement ? Si elle comptait seulement…
      - Reviens à la raison, Evroult. Tu te perds… L’amour ne contente que les cœurs qui ne savent pas le corps.
      Reprends-toi, Evroult. Ces tourments-là te passeront bientôt.

    Le spectre d’une rousse aimée s’effaça alors que les onyx reposaient sur les mots que Camarde avait inscrit pour lui. Trésor aurait été de bon conseil, peut-être. Trésor aurait pu faire taire d’une secousse joyeuse les tourments d’un cœur jeune, peut-être. Trésor aurait su apaiser ce qui le glaçait tant, peut-être.
    Peut-être, seulement.

    Citation:
    À toi, lactescente lueur d’espoir,
    De moi, ami dévoré par tes mots,

      Salut.


    Je m’étonne à chaque réception de combien tu sais trouver les mots pour apaiser mon âme, pour embraser mon cœur. Pourquoi te le cacherais-je encore, quand tu couches des paroles aussi vraies dans un écrin d’encre & de cuir savamment protégé par un nœud. Je brûle, tout autant que toi, de sentir sous la pulpe de mes doigts les contours d’un visage que je n’ai pas oublié, & que je chéris plus que je n’ose me l’avouer. Tu me berces d’une affection qu’on ne me réserve pas, à moi, courtisan, & pourtant… Pourtant tu sais que je porte envers toi les mêmes sortes d’affection, que je tremble à tes silences comme je renais à ta plume.

    Je veux que tu me reviennes comme je veux te revenir. Angers ne tourne pas vraiment en ma faveur, & peut-être devrais-je laisser reposer les maux qui m’y retiennent encore pour rejoindre tes pas. J’y songe, plus que jamais, comme si savoir tous tes efforts effaçait comme un rien l’ardoise des dettes angevines. Ce Dédain dont tu me parlais plus tôt, pourtant, laissera-t-il ta si précieuse silhouette échapper à sa vue ? Son épouse ne sera-t-elle pas peinée de te voir courir le danger sur des routes qui n’ont rien de sûres, alors que toutes les armées semblent avoir désertées leurs devoirs de protection pour se rassembler en Anjou ? On me rapporte, de toute part, l’explosion des attaques sur les routes, les brigands profitant que les troupes aient le nez dans les procès pour reprendre des forces.

    Car si je sais ta force & ton courage, je ne peux m’empêcher de craindre tes blessures. Dis-moi que tu ne seras pas seule. Dis-moi, quand tu partiras, que je scelle mes bagages pour mieux venir te rencontrer. Dis-moi seulement, que plus rien ne nous retiendra.


    Il ne sut pas écrire la suite. Les mots qu’il voulait lui offrir étaient ceux d’un amant, étaient ceux qu’un courtisan n’aurait jamais su prononcer.

      Pour toi, je pourrais me renier.

    Et son cœur malmené n’osait l’écrire vraiment. C’était avouer sa faute que d’écrire qu’elle seule importait, bien au de-là de ses rêves de grandeur, de richesse, de pouvoir. Le voulait-il seulement, ou l’emballement du jeune homme qu’il était froissait ses pensées & ses sens ?

      Pour toi, j’aimerai comme un homme.

    Deux mains habiles vinrent assouplir les nodosités d’une nuque raide de se pencher sur l’écritoire, ramenant l’éphèbe à la réalité, à sa réalité, qui ne tenait alors qu’à une collègue courtisane qui lui faisait passer les frustrations d’une nuit pleine de clientes. La dextre répondit en s’emparant du poignet pour le flatter doucement, avant d’y poser un baiser.

    - Tu sembles tourmenté, Chasseur.
    - Solange… Que sais-tu de l’amour ?


    Citation:
    Je ne sais lire les mots que tu me couches ici. Jeg elsker deg. Ils sont bien doux pourtant & font sourire mes lèvres sans même savoir pourquoi. Me les conterais-tu ? Mieux… Il me tarde plutôt d’entendre ta voix si fraîche les murmurer pour moi. Et moi, si tu me le permets bien, j’aurai d’autres douceurs à glisser à ton oreille fine. Des choses qui, je crois, ne s’écrivent pas ainsi.

      Mes nuits sont hantées de tes mots.


    Evroult.

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      Hel_
      *

      Autrefois porteuses d'espoir et maternelles conseillères, les ténèbres d'une nuit profonde n'avaient inspiré à la maigre silhouette que l'anxiété d'une affliction impossible à combler. En proie à l'agitation d'une jeunesse évidente, Camarde s'était vue renaître et torturée par l'émoi suscitant l'emportement en son sein pourtant toujours si calme. Les heures s'égrenant lentement, forteresse glacée s'est peu à peu reconstruite, dissimulant sous l'aune d'un regard pédant, les faiblesses de son être innocent. Seule, au creux d'une pénombre caressante, l’œillade éteinte s'échine à décrier ce corps abhorré qu'elle jure toujours inchangé. Les discrets déliés n'étirant en son corps que la parodie d'une femme qu'elle ne semble toujours pas être. Et, ses démons triomphants s'installent au creux de son être, secouant d'un soupir empli de doute cette anatomie qu'elle ne s'est toujours pas appropriée. Sciemment, il emplie son poumon, craquelant en son sillage, les derniers remparts faiblards. La vérité éclate sans qu'elle n'arrive à la retenir et du bout de ses lèvres froides, le mot enfle pour mieux résonner au sein de la petite pièce mise à sa disposition : « Jeg elsker deg, Evroult».

          « Que connais-tu de l'amour après tout ? »


      Rien. De son enfance solitaire, seuls les souvenirs stériles d'une violence continue peinent à ressurgir, étirant en ses traits givrés, le même mépris qu'on lui avait toujours accordé. Du reste de sa vie, Lugubre ne s'est jamais autorisée à aimer. Il aura fallu la ténacité d'un courtisan qui pour elle, n'est qu'homme passionnant. Camarde s'effraie tant l'appréhension malmène son esprit déjà fatigué. Et la réponse ne tarde pas. L'éphèbe semble saisi d'empressement et son âme renaît à la lecture d'un plis qui offre le bonheur d'un Amour qui semble partagé. Le cœur bouillonne de cette chaleur encore nouvelle que l'Innocente peine à apprécier et à reconnaître.


      Citation:
      A toi, Éphèbe de mes pensées,
      De moi, Amie dévorée par une ardeur nouvelle,

        Salut.


      Tes mots bercent mon âme et embrasse mes afflictions d'une chaleur semblable à ces baisers aimés. Mon cœur s'agite vitement à l'idée que tout ceci est partagé. Je brûle et je crève de sentir sous la froideur de mon corps, la douloureuse chaleur que tu provoques en mon sein. Je brûle à l'idée de te revoir bientôt et sous couvert de ces retrouvailles attendues, de t'offrir l'aune de mes bras tendus.

      Pour moi, de courtisan, tu n'en es rien. Je ne vois qu'en tes mots, l'homme que tu es devenu et que tu seras toujours pour moi. Et je chéris l'idée que tu ne te dévoiles qu'à moi. Je te porte une affection dont les limites me sont pour l'instant imperceptible. Il ne me manque qu'un courage fuyant pour oser, devant toi, avouer les quelques mots que tu devines peut-être.

      Je veux que tu me reviennes et qu'ensemble, nous arpentions les froids chemins pour mieux nous découvrir. Je tâcherais de me faire escorter afin de calmer les peurs secouant ta silhouette. Ne t'en fais pas, je saurais convaincre mes employeurs, sitôt que j'aurais saisi l'ampleur de ma tâche et de leurs terres. Je tâcherais de te donner la date de mon départ et je sais déjà qu'un peu plus d'une dizaine de jours nous sépare.

      Dis-moi qu'Angers ne te fait pas trop de mal ? Dis-moi que tu te portes bien mon tendre onyx.

      Jeg elsker deg, Evroult. Ce sont de bien doux mots qui ont toutes les raisons de faire sourire tes lèvres et échauder ton cœur. Sitôt que mes prunelles pourront couver ta chevelure d'un regard, j'aurais le loisir de te susurrer ces quelques mots en Norvégien comme en Français, j'aurais bien d'autres choses à oser te murmurer. Si, dans ces moments, tu oseras souffler à mes oreilles ces douceurs que tu m'écris ici, elles se feront toujours le réceptacle attentif de tes émois.

      Pour toi.. je serais femme.

      Mes nuits et mes jours sont hantés par ton souvenir.

      Hel.


      Encore une fois, elle avait osé. Tremblante, la lettre est cachetée et savamment enrubannées d'un ruban similaire. Le plis, cette fois, emporte l'ardeur et le courage d'une jeune femme en fleur.
      _________________
      Evroult
        Citation:
        À toi, apaisante doulceur,
        De moi, ami, & tout ce qu’il me sera permis d’être,

          Salut.


        Mes maux vont te sembler abrupts, mais il fallait que je te les couche, que je te les conte. Tu m’écris qu’à tes yeux, je ne suis courtisan, ma candide… je dois te détromper. Je le suis, tout entier, & nulle vérité ne se nappe de mes jolis discours & de mes mots trop doux. Ne voile pas la profondeur de tes yeux des rêves qui en resteront là, comme je le faisais plus tôt en pensant que je pouvais dissocier moi l’homme, de moi le courtisan. Pour toi. Ne laisse pas ton cœur croire en une rédemption qui ne me viendra pas. J’accepte, comme je te l’écris, ce que j’ai fait de moi & de ma vie, & je sais combien les sacrifices en seront durs. J’y suis prêt. Mais toi, mon ange ?

        À l’heure où je t’écris, je fatigue & je peine. Tu trouveras sans doute mes déliés tremblants, & tu auras raison. Hier, vois-tu ma belle, j’ai été courtisan. Du moment où ma bourse glissait dans les mains du marchand qui vendait ses poudres & ses parfums, jusqu’à celui où l’homme trompé calmait ses poings glacés & rougis de mon sang. Ne te tourmente pas, je vais bien & la migraine qui vrille encore mes tempes promet de renoncer dès lors que j’arriverais à trouver le sommeil. S’il faut tout t’avouer, je porte bien des plaies qui n’ont rien d’important, & qui se soigneront d’elle-même d’ici cinq ou six jours. En attendant, Mathilde me tolère en ses murs, malgré que je ne lui rapporte plus grand-chose désormais, & qu’elle ait été folle de rage en me voyant revenir des courses qu’elle m’avait commandées.

        Tu sais, c’est une de mes clientes qui, connaissant le cornard, lui a fait entendre raison & maîtriser ses poings. Tu sais, c’est une de mes proies qui s’est interposée, prenant un coup pour moi sans que je ne sois prêt à lui avouer ma chasse, à lui avouer ma traque & combien elle en souffrira sans doute. Tu sais, être cocu par le bordel, c’est pire que d’être cocu tout court. C’est pire, & ça se raisonne bien mal, & si je ne crains pas pour mon corps, quand bien même serait-il tout mon fonds de commerce, je crains pour mes amis, je crains pour mes amours. Un jour arrivera où l’on ne viendra plus me trouver pour faire passer le goût âcre de l’infidélité d’une épouse insatisfaite, & qu’on ira chercher mes amis, mes amours. Ils sont peu &, ma foi, peut-être leur rareté rendra la douleur plus insupportable encore.

        Je…
        J’avais dans l’idée de t’écrire mes soucis sans m’épancher de trop, & voilà que je te conte tout, que je te conte beaucoup. J’ai peur, mon amie, mon amour. J’ai peur que tu viennes, j’ai peur de retrouver tes bras & ton apparente fragilité, j’ai peur de lire ton refus de me laisser partir & l’assurance que tu sais te défendre. Je sais. C’est toi qui m’a sauvé. Je sais que tu crains peu de choses, si ce n’est ce qui agite nos cœurs ces dernières semaines.

        Jef elsker deg, Hel. Je crois deviner ce qu’ils signifient, & si je me trompe, tant pis ! je prends le risque. Mais n’oublie pas, mon ardent givre, n’oublie pas que ces mots ne sont pas écrits pas un homme, mais par un courtisan. Je t’avoue tout, ma tendre, j’ai le cœur si lourd de ma journée d’hier, si lourd des pensées qui ont hanté ma nuit. À ma dernière lettre, j’ai voulu t’écrire… tant de choses qui ne peuvent pas sortir, désormais. Je me trompe sur moi, & je te trompe à toi, je suis si plein de mes charmes & de mes appâts que je ne sais plus m’en défaire, même pour toi.

        Et je te cache encore ce que je ne saurais même pas te dire en face, tu vois. C’est Blanche, les maux qui me retiennent, c’est Blanche, que je ne savais t’écrire qu’à grands coups de « plus tard ». C’est Blanche qui disparaît, que je ne retrouve pas, c’est Blanche qu’on me dit morte, & moi, je n’y crois pas. Je crève en la cherchant, & entre toutes les cuisses c’est à elle que je pense, à ma sœur, à mon ombre. Et toi, toi qui est mon âme, toi, je ne peux te le dire, je ne peux te l’avouer. Je n’y arrive pas. C’est trop dur… beaucoup trop dur pour moi.

          De toute la honte de ma défaite,


        Evroult.

        Et parsemée de larmes, de ratures & de peines, missive partit rejoindre la tourmentée Camarde. Et lui, cloîtré dans une chambre qu'il ne voulait plus quitter, tentait de panser les blessures de son corps : de son âme, il n'osait pas encore.

      _________________

      Hel_
      *

          « Que connais-tu de l'amour après-tout ? »


      Rien. Et quand Camarde croit l'Amour enfin partagé, la réalité ne tarde pas à secouer sa roide silhouette d'un soupir douloureux. L'incompréhension marque ses traits tandis que les yeux désillusionnés parcourent l'hésitante écriture. Les maux déposés sont couvés d'un regard ourlé de givre, l'esprit n'a pas l'occasion d'en saisir toute l’ampleur, que déjà Lugubre agitée se sent rejetée. Les mièvreries dissimulées n'égrènent plus l'ombre d'un sourire sur ses lèvres à présent défraîchies et en son poumon, la brûlure d'un souffle court serpente le long d'une maigre échine, brutalisant en son sillage un buste au calme apparent.

      Citation:
      A toi, Mon doucereux amour,
      De moi, Tout ce que tu me permettras d'être, peut-être,

        Salut.


      Si j'écris que de tes mots, je ne perçois que l'homme, ce n'est pas pour autant oublier le courtisan que tu es, réellement. Jamais, je n'aurais pas la prétention de vouloir te voir changer. Je n'en ai de toute façon ni l'envie, ni l'espoir. Ainsi, que je te l'ai déjà écrit, je t'accepte dans ton entièreté. Mes mots seront vains si tu n'y portes aucune confiance.

      De candide, je n'ai que les déliés naissants et les reins innocents. Du reste, je n'ai pas le caractère émerveillé d'une péronnelle tout juste née. Mes yeux sont, depuis trop longtemps, ouverts sur les affres d'une vie ardue pour les cœurs trop tendres. Ne l'oublie pas. Et si je ne l'ai pas pointé en mes lettres, je n'en fais pas pour autant abstraction. Je te sais courtisan. Je te sais traquant des proies aux rondeurs équivoques pour le tintement rassurant d'une poignée d'écus. Je te sais bouffé par l'ambition de ces hommes passionnés et prêt à tout. Je te sais à l'affût de ces déliés, appréciant au delà de ta profession, les femmes. Vois, comme je n'ignore rien.

      J'avais espoir d'un am... Je ne demande rien de plus qu'être le réceptacle privilégié de tes soucis, de tes secrets et de tes espoirs. Je veux apprendre à te connaître si bien que je saurais déceler le moindre de tes haussements de sourcils ou sautillement de lèvres. Je voudrais me dévoiler à toi, t'apprendre ce que personne ne sait encore. Je souhaite simplement être plus qu'un simple écrin à l'instar de ceux que tu contentes chaque soir. Je n'ai pas la prétention d'user de jalousie tant qu'en ton sein et en ton cœur, ma place reste toujours.

      Je voulais que tu sois la chaleur en ma vie et en profiter dès lors que j'en aurais l'occasion. Ces instants, je le pense, suffisant à un bonheur palpable. Je n'aurais pas dû, peut-être..

      Je ne te demande rien, si ce n'est de ne pas te jouer de moi. Que tu uses de tes charmes et de tes appâts pour mieux serrer en tes filets les écus sonnants ou les cons accueillants de ces donzelles, cela m'est bien égal. Je te demande simplement de ne pas te jouer de moi, que je ne sois pas un corps de plus dont la brève chaleur échaude le temps d'un souvenir fuyant. Toutes ces belles paroles, autrefois écrites, les penses-tu ?

      Panse tes blessures et soigne tes bleus mon tendre. Je te sais suffisamment bien entouré pour t'en remettre sans garder de séquelles. M'est avis que ces femmes que tu réduis à simple rôle de cliente et de proie, prennent plutôt l'allure d'amies. Mais je n'ai de cesse de me tourmenter et de m'inquiéter. Par pitié quitte Angers et sa malsaine atmosphère. Dis-moi que tu te portes un peu mieux. Ne crains pas pour ceux ayant fait le choix de t'entourer, ne crains pas pour d'hypothétiques choses qui peut-être ne se passeront jamais. Pour ma part, ce choix est fait en tout état de causeet si tu ne perçois que la fragilité apparente, j'ai toujours su me dépêtrer des pires situations.

      N'hésite jamais à me conter tes soucis et ton quotidien. J'y prêterais toujours une oreille plus qu'attentive. Tout de toi, m'intéresse et m'interroge. Je voudrais recueillir ces paroles dans la moiteur d'un bouge, à la lueur vacillante d'une bougie.

      J'ai peur.. J'ai peur que cette lettre que tu as écrite rejette ce qui agite nos cœurs ces dernières semaines. J'ai peur que finalement, tu ne souhaites plus ma présence auprès de toi. Je ne saurais te rassurer autrement qu'en te disant que je n'attends rien de toi, si ce n'est l'accolade méritée pour une retrouvaille enfin espérée.

      Dois-je te rejoindre ?

      Ce paragraphe raturé me laisse l'amer goût d'une révélation que tu n'oses me faire. J'aurais la patience d'attendre mon ami, amour.

      Jeg elsker deg, Evroult et je crois que tu ne trompes pas.

      Hel.

      PS : Ne m'en veux pas si j'ai été rude.


      Du reste, parchemin dûment scellé emporte en ses plis répétés, l'unique larme que ses yeux ont délaissé. Dieu que l'incompréhension est douloureuse.
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