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[RP] Mère Castor, raconte-moi une histoire !

Lililith
L'Étoile est à Angers, c'est une surprise pour personne. Dans quel camp elle est ? Elle s'en fout pas mal. Probablement celui du plus offrant, ou celui pour lequel le Clan y voit une meilleure opportunité. Elle, elle suit. Et depuis quelques semaines, elle n'en peut plus. Elle veut partir, parce qu'elle est lasse de se battre, lasse de s'apercevoir qu'elle a grandi trop vite, lasse des fantômes qui la poursuivent encore et encore, et qui ne lui laissent aucun répit dans les trop courtes nuits qu'elle arrive à s'accorder.

Alors, quand elle tombe en taverne sur Erwelyn – alors que, soyons honnêtes, elle entrait juste pour prendre de la bouffe au « mauvais côté » –, la gamine est ravie. Positivement ravie. Et dans son esprit affûté germe aussitôt un autre plan : elle avait prévu de rejoindre Rodrielle, mais elle peut décider plutôt de partir avec cette royaliste de poney rose, qu'elle n'a jamais vraiment connue, seulement vue de loin en loin à quelques très – trop – rares occasions.
Dis bonjour, Maman-Erwe, parce que tu sais pas dans quoi tu t'engages en acceptant.

L'Étoile lui en parle donc et c'est avec joie qu'elle se voit acceptée. Tu vas morfler, Maman-Erwe, mais peut-être moins que cette petite enfant – car elle reste une enfant, quoi qu'on en dise – qui va découvrir un autre pan de la vie. Peut-être plus calme, peut-être plus tranquille... Ou peut-être pas.

Et puis, de dérive en dérive, Erwelyn lui parle de sa vie d'avant, de la vie qu'elle menait à l'âge de Lili, et sa fille-adoptive-mais-pas-trop voit là une occasion de se revoir. Vite, vite, elle saute dessus, et chose est ainsi promise : elles se reverront donc l'après-midi, dans la même taverne.

Lili arrive la première, il n'y a pas grand-monde, aussi commande-t-elle un lait de chèvre pour patienter. Elle est raide, habillée de braies et d'une chemise noirs, le poignard ottoman à la ceinture, le chien devant la porte et le chat sur les genoux. Guerrière, bien plus qu'elle ne l'aurait cru, elle a choisi des vêtements aussi sombres que son âme, et ses traits ne s'adoucissent que lorsqu'elle sourit. Le noir va bien à l'Étoile qu'elle est, faisant d'autant plus ressortir ses cheveux blonds clairs.
Sa démarche est martiale, son visage est fermé, et ne s'illumine que lorsqu'elle voit enfin entrer Erwelyn. Le tavernier l'évite, méfiant, parce qu'elle fait quand même peur avec ses grandes cernes qui vont jusqu'à ses genoux.

Erwelyn vient donc enfin de passer la porte, et l'enfant fait un signe de la main à sa mère pour l'inviter à la rejoindre.

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Erwelyn
Le hasard, des fois... depuis quelques jours, il s'amusait avec elle allégrement. D'abord, Erwelyn avait passé du temps avec sa cousine Corleone en convalescence, Eldara, ensuite, il lui avait fait croiser Axelle et l'avait plongée dans un passé qu'elle avait cru oublier, et enfin, il l'avait poussée à croiser Lili en taverne, qu'elle n'avait pas vu depuis son mariage. Bon, bien sûr, il y avait eu aussi cette longue soirée passée en compagnie de son clair obscur qui était sorti de sa grotte, mais c'était moins une surprise que le reste car il revenait toujours, finalement. En gros, ses journées et ses nuits étaient remplies de papotages en tous genres, à défaut de croiser son époux qui se faisait rare ces temps-ci, guerre oblige. Qu'importe, la Corleone savait s'occuper et en cet après-midi, c'était avec sa fille adoptive qu'elle allait passer le temps. D'ailleurs, il lui faudrait vérifier si sa demande qui datait de plusieurs années déjà avait bien été prise en compte par la Hérauderie à l'époque, et sinon relancer qui de droit. Et en parler à son époux, bien sûr...

Voilà un peu les pensées qui l'occupaient en cette journée d'hiver, en Anjou, parce que oui, ils étaient en Anjou... encore. Lynette avait l'impression que sa vie était un éternel recommencement et que, toujours, il fallait qu'elle revienne aux endroits où elle était passée. Et évidemment, il n'y avait pas de passage en Anjou sans qu'elle se remette à penser à Reese et à tout ce qui s'était passé ici, mais c'était à des années lumières d'aujourd'hui. Tout était propice à lui rappeler son passé et cela la remplissait d'une sorte de nostalgie dont elle n'arrivait à se défaire ces derniers jours, même si les soirées étaient animées et plutôt joyeuses. Bon, à part quand ils se foutaient tous sur la tronche, mais ça semblait se calmer. Du moins pour un temps car fallait pas être sortis de la cuisse de Saint Cyr pour se douter qu'il y aurait une petite surprise à l'arrivée, une fois qu'Angers serait prise.

Bref, voilà, la porte était ouverte maintenant et il lui fallait repérer Lili au milieu des personnes présentes. Elle avait grandi, la gamine, mais son visage n'avait finalement pas changé. C'est elle qui avait eu plus de mal à la reconnaître, et ça lui avait fichu un coup au moral parce que malgré ce que tout le monde pouvait lui dire, la princesse savait qu'elle vieillissait. Revêtue elle aussi d'habits qui convenaient plus à une campagne militaire qu'à des salons mondains, à savoir bottes, braies, chemises et cape, mais bien évidemment de la meilleure facture qu'il se pouvait, vu son rang, la Corleone louvoya entre les tables pour rejoindre Lili qui venait de lui faire signe, le sourire aux lèvres. Elle avait toujours cru que leurs retrouvailles seraient un vrai fiasco, vu qu'elle n'avait jamais été présente pour elle, mais contre toute attente, tout s'était très bien passé. Et c'était avec un réel plaisir qu'elle la retrouvait encore en cette après-midi brumeuse. Un baiser sur la joue plus tard, Lynette avait pris place et demandé au tavernier de leur apporter une cruche de vin épicé avec deux hanaps, du saucisson avec des bouts de noisettes dedans et du pain.


Bon, on va pouvoir causer !

Parce qu'elles en avaient, des choses à se dire, les Corleones mère et fille.
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Lililith
Les cheveux détachés – puisque de toutes façons ils commencent à peine à être suffisamment longs que pour être attachés –, la blondinette se détend un peu en voyant sa mère s'asseoir.

C'est vrai, leurs retrouvailles auraient pu être un fiasco, et si Lili en a voulu au poney rose, elle a un cœur bien trop grand que pour être rancunière à vie, surtout depuis qu'elle a appris que la vie pouvait être si courte – et pourtant vous jouer des sales tours –. Du coup, la gamine ne lui en tient plus rigueur, et préfère prendre tout ce qu'Erwelyn est capable de lui offrir ; même s'il est possible que ce ne soit que peu, vu leurs éducations ô combien différentes. L'enfant a ses yeux qui pétillent de joie de la voir, et elle est d'autant plus ravie de la marque d'affection. Elle n'en a pas eu souvent, ces derniers temps, à part une nuit qu'elle a passé avec Jeni, à part le câlin-surprise à Maryah qu'elle venait tout juste de rencontrer, à part Maï, plus tôt dans la matinée, qui l'avait serrée contre elle.
L'Étoile manque cruellement d'amour, d'amour palpable et pas uniquement de la fierté des adultes de voir qu'elle se débrouille parfaitement bien une arme à la main, ou encore de la confiance qui est placée en elle, alors même qu'elle tremble devant des fantômes le soir venu.

Alors non : elle ne repousse pas Erwelyn, mais gênée sans doute par un orgueil tout corléonien, elle s'abstient de la serrer dans ses bras. Pas encore. Pas tout de suite.

Elle délaisse son lait, prend le vin, et entreprend de couper le saucisson.

Elle aime bien le saucisson aux noisettes. Surtout quand il y en a plein. Comme dans celui-ci : si elle coupe une tranche, et qu'elle additionne les éclats de noisettes, elle arrive à une moyenne de une quarante ; si elle fait vingt-cinq tranches dans le même saucisson, en tenant compte que les tranches des extrémités sont plus petites, elle a entre trente-deux et trente-quatre noisettes par saucisson. Ce qui la poussera peut-être à en recommander un deuxième, vu que la farce est la même pour tous les saucissons. Seulement, avec le hasard de la coupe, il arrive que les noisettes soient mal réparties et qu'elle ait donc l'impression qu'il y en ait moins dans celui qu'on vient de lui servir. **


- Causons, alors.

Elle a un visage rieur, parce qu'elle est joyeuse de retrouver sa mère. Et si ces deux mots ont pu paraître rudes, c'est que parler, elle a oublié un temps, et renouer lui en a pris le double, alors les mots, si elle les a apprivoisés, elle préfère toujours le silence.

Lili s'empare d'un bout de saucisson et d'un morceau de pain avant de lancer :


- Bon ! Tu d'vais m'expliquer comment t'étais à mon âge.

Et hop ! elle enfourne le tout dans son gosier.


** Réplique légèrement modifiée de Perceval, dans Kaamelott, livre VI épisode 5.
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Erwelyn
Ce qui était bizarre avec le hasard – oui, toujours lui – c'est qu'il était impossible de s'imaginer le matin en se réveillant qu'il vous faudrait déballer votre vie devant quelqu'un que vous n'avez pas vu depuis des années. Non, vraiment, au réveil ce matin, Lynette s'était tout imaginé, sauf ça. Elle avait imaginé que son après-midi serait ponctué d'une balade à poney pour visiter Angers et sa cathédrale, d'un passage en taverne pour vider deux ou trois hanaps, d'une visite dans le camp des Lames pour retrouver son époux et faire les couillons comme ils avaient pu le faire quelques semaines auparavant, et enfin d'un temps au calme pour écrire à leur nourrice et savoir comment les mioches se comportaient alors qu'ils étaient tous deux loin, en pleine campagne militaire. De tout ça, il n'y eut rien, sauf le passage en taverne et la picole, comme quoi, certaines choses étaient forcément inéluctables. La princesse se mit à sourire en étudiant le visage de Lili, cette petite âme qui, à à peine quatre ou cinq ans, l'avait prise pour sa mère un jour de marché et n'avait plus voulu la lâcher. Celle-là aussi qui lui avait annoncé, quelques mois plus tard, qu'elle voulait rester avec les Corleones une fois que ces derniers lui avaient été présentés et qui avait disparue de sa vie aussi vite qu'elle y était entrée. Et puis Erwelyn n'avait pas refusé, cette idée l'avait même séduite et elle l'avait encouragée, pour plusieurs raisons, dont une avait été la mort d'Ygerne quelques mois plus tôt. Heureusement, elles n'avaient jamais vraiment coupé les ponts toutes les deux, et c'était avec plaisir qu'elle la retrouvait là, avec quelques centimètres en plus et le sourire aux lèvres.

Ce qu'elle s'apprêtait à lui raconter, la Corleone s'était dit que seuls ses enfants en auraient la primeur, une fois qu'ils lui poseraient des questions. Finalement, c'était ironique que ce soit elle qui réussisse à le savoir en premier. La princesse chopa une tranche de saucisson, avec plusieurs éclats de noisettes dedans qui lui fit penser qu'elle en recommanderait un autre s'il était du même acabit, croqua dedans, mâchouilla, réfléchit par quoi elle allait commencer, but une gorgée de vin, avala le reste de la tranche, tapota ses mains gantées l'une contre l'autre pour enlever des miettes imaginaires, réfléchit encore, puis enfin commença. Tout ça avait dû durer assez longtemps pour que la blondinette, en face d'elle, commence à s'impatienter.


Comment j'étais à ton âge ? Mais mon foie, une enfant modèle, sage comme une image et qui faisait la fierté de sa mère !

Voilà, c'est fini. Un regard à Lili, amusée, avant de continuer.

Jusqu'à mes quinze ans...

Un clin d’œil plus tard, elle reprit tranquillement.

Pour tout de dire et commencer par le commencement, il faut savoir que Floraine, ma mère, qui était donc la sœur de Sadnezz, était en France quand elle est tombée enceinte. Sad m'a raconté qu'elle s'était repointée quelques mois plus tard, la mouille enfarinée, et qu'elle avait annoncé à la famille sa grossesse. Apparemment les deux sœurs avaient une relation assez conflictuelle... Toujours est-il que plusieurs engueulades plus tard, dont une costaud avec ma grand-mère Corleone, ma mère a pris la décision de repartir pour le Nord de la France afin de s'y installer et de donner naissance à son bébé, c'est à dire moi. Et franchement, je sais pas ce qui s'est passé mais elle devait être sacrément remontée pour m'élever comme elle l'a fait.

Est-il utile de préciser que son récit était ponctué de mangeage de saucisson et de buvage de vin ? Non, pas forcément.

En gros, nous vivions dans une petite maison, enfin c'était plutôt une cabane, dans la forêt des Ardennes. Ma mère, donc ta grand-mère, était herboriste, et les quelques pièces qu'elle glanait c'était en vendant des remèdes et en soignant des gens qui osaient s'aventurer jusqu'à nous. Parce qu'il faut dire qu'on ne sortait pas beaucoup, voire même jamais ! Elle m'interdisait de m'éloigner de la maison et m'y tenait enfermée dès qu'elle sortait. Oh, c'était pas un monstre, non, elle m'a montré et appris plein de choses, dont tout ce qu'elle savait sur les plantes. Mais je crois qu'elle avait juste peur que je côtoie des gens, et en particulier les hommes. Elle mettait un point d'honneur à me répéter qu'il ne fallait surtout pas leur faire confiance et que je devais m'en méfier comme la peste. Donc, tu vois, je n'avais qu'elle comme repère, aussi je la prenais pour mon modèle et était extrêmement sage, j'écoutais tout ce qu'elle me disait et le prenait pour argent comptant. Je ne connaissais rien d'autre qu'elle, ses préceptes et notre petite vie tranquille dans cette forêt. J'étais, réellement, d'une sagitude absolue, d'autant que dès qu'elle piquait une colère, c'était justement pas piqué des hannetons, elle me collait une trouille bleue ! Alors bon, je filais droit et j'évitais de faire des conneries.

Erwelyn se mit à rire à cette évocation et s'arrêta là dans son récit, un regard interrogatif sur le museau, se demandant si Lili avait des questions, ou si elle avait envie d'en savoir plus. Et puis aussi, il lui fallait reprendre un pichet de vin, car celui-là était presque terminé. Ben oui, causer, ça donne soif !
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Lililith
Impatiente ? Oui : Lili l'est, mais les nombreux pillages lui ont appris à tenir ses muscles bandés, prêts à bondir, mais à attendre un signal pour agir. Dès lors, elle ne montre aucun signe d'énervement. Trop jeune, et pourtant déjà trop vieille.

Elle attend donc, se contentant de décortiquer méthodiquement le morceau de pain, picorant les morceaux de noisettes tombés sur la table, savourant chaque bouchée, persuadée que la délivrance viendra bientôt. Et c'est le cas :


Comment j'étais à ton âge ? Mais mon foie, une enfant modèle, sage comme une image et qui faisait la fierté de sa mère !

Quoi ? Mais, non ! Ça a un goût de trop peu ! Lili se retient de justesse de trépigner et heureusement ; la poneytte poursuit.

Alors, Lili écoute, apprécie chaque mot à sa juste valeur. Elle est attentive à ce qui est raconté. C'est, dans le fond, un peu son héritage. L'histoire de cette famille Corleone à laquelle elle n'aurait jamais cru appartenir. Il faudrait peut-être qu'elle consigne tout cela, pour les générations futures. Pour les suivants. Si jeune, et déjà si vieille...

Elle cligne des paupières et fait donc sporadiquement disparaître les ambres derrière leurs voiles, mais ne vous méprenez pas : elle ne pique pas du nez, elle recueille chaque parole prononcée, espérant la graver en elle... et s'étonne de la ressemblance qu'elles ont toutes les deux.

L'Étoile se marre quand Erwelyn raconte les roustes prises, et fait signe pour recommander à boire.


- Floraine... Et t'as jamais rencontré ton père ? T'sais qui c'est ?

C'est peu, mais si pour elle jusqu'à il y a peu la question ne se posait pas, depuis qu'elle a retrouvé Flaminia, elle a dû se rendre à l'évidence qu'elle aussi avait un père.
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Erwelyn
Oh la vache, voilà que la gamine l'attaquait direct sur son paternel. Elle pensait avoir quelques instants de répit avant de devoir parler du moment où elle s'était barrée de la maison, laissant sa mère seule pendant deux ans, et il lui fallait affronter une autre question, tout aussi embarrassante. La princesse se resservit donc à boire, s'enfila deux longues gorgées, attaqua encore le saucisson un peu plus avant de s'y recoller.

Ah, mon père... Oui, je l'ai rencontré, il y a quelques années de cela. Mais...

Les yeux dans le vide quelques instants, elle se remémora la manière dont leur première rencontre s'était faite, puis les suivantes. Il lui avait fallu un moment avant de réaliser qu'il était son paternel, et lui aussi d'ailleurs. Et il leur avait fallu un hasard monstrueux pour se trouver et se reconnaître.

Tu sais, ma mère ne m'a jamais parlé de lui. Enfin si, les seules fois où j'avais osé poser la question, les réponses qu'elle m'a données m'ont juste fait imaginer le pire à son sujet. T'imagines, je m'étais dit qu'il l'avait engrossée exprès, qu'il avait profité d'elle, qu'il l'avait abandonnée et que c'était rien d'autre qu'un goujeon, puant avec un gros nez. Oui parce que les goujeons ont tous des gros nez, ça faut le savoir ! Franchement, a-t-on idée de coller enceinte une Corleone et de se barrer sans demander la poudre d'escampette ? Ben non, mais lui, il l'a fait.

Oui, se remémorer tout ça la recollait dans la colère qu'elle avait connu à l'époque. Mais ça, c'était avant.

Bref, quand j'ai eu un peu plus d'une vingtaine d'années et que Floraine avait disparu, j'ai voulu le retrouver, pour lui expliquationner ma façon de penser. Mais bon, impossible à retrouver le bougre, d'autant qu'elle m'avait dit qu'il s'appelait le Michel et qu'en vrai, c'était pas du tout ça. Je me suis donc imaginé le pire, et ce pendant des années. Jusqu'à il y a... oulà, je ne sais plus combien d'années en arrière.

Et hop, le pichet de vin descendait, descendait, et les joues de Lynette rougissait de chaud et de tous ces souvenirs.

Un jour que j'allais à Vincennes, je crois, j'ai fait un malaise et je suis tombée de cheval, paf, dans la boue ! J'ai perdu connaissance et quand je me suis réveillée, y avait un homme là, bien fringué, sur un beau cheval. Il m'a aidée, m'a relevée, et m'a accompagnée jusqu'aux écuries, où je me rendais. Je te dis pas dans quel état j'étais, c'était pas beau à voir. Mais bon, il a été très chevaleresque et a fait comme si de rien n'était. J'ai appris que c'était le grand écuyer de France, par la suite. Et puis, nous nous sommes revus, plusieurs fois, à chaque fois par hasard, enfin sauf une fois où je lui ai ramené des rillettes pour le remercier. La suite, tu t'en doutes, plusieurs mois plus tard, on a appris le lien de parenté qui nous liait. Je suis restée sur le cul ! Ben oui, moi qui pensait que mon père était un gros dégueulasse qui avait profité de ma mère, voilà que je me retrouvait avec un paternel duc et chevalier de la Licorne... Et chose assez marrante, à mon premier mariage, alors que je ne savais pas encore qu'il était mon père, il s'est retrouvé à devoir m'emmener jusqu'à l'autel, c'est étonnant non ? Bref, mon père, c'est donc Guillaume de Jeneffe, un homme d'armes, de courage, et qui mérite d'être connu... Maintenant, je l'aime beaucoup, nous avons appris à nous connaître et je... chuis pas en train de te saouler au fait ?

Non parce que, à son âge, Lynette avait fini par piger qu'elle causait beaucoup.
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Lililith
Re-commande de saucisson par la gamine. Non parce qu'au train où ça va, il va être fini avant même qu'elles n'aient le temps de le réaliser. Elle reprend sa chope, attentive à ce que la poneytte lui raconte sur son père. Le presque-grand-père de Lili, donc.

Franchement, a-t-on idée de coller enceinte une Corleone et de se barrer sans demander la poudre d'escampette ? Ben non, mais lui, il l'a fait.

Elle se marre, parce que même sans l'avoir connue, la réputation de Sadnezz reste bien présente au sein du Clan. Ses colères aussi. Alors certainement qu'elle a dû être furieuse de voir sa sœur tomber enceinte, d'un homme qui sans scrupules se sauve aussitôt.

Pichet de vin est descendu, Lili fait signe, pour ne pas couper Erwelyn dans ses explications. Elle en profite pour les resservir toutes les deux, et hop, nouveaux morceaux de saucisson coupés, en prime du pain. La gamine savoure tout.

Guillaume de Jeneffe, donc. Elle aimerait bien le rencontrer, à l'occasion. Pourquoi pas ?


Maintenant, je l'aime beaucoup, nous avons appris à nous connaître et je... chuis pas en train de te saouler au fait ?

Nouvelle rasade d'alcool. Sourire de l'Étoile à sa mère adoptive et adoptée.

- Nan, du tout. J'suis contente d't'entendre parler d'ta vie. J'en connais si peu sur toi... Ceci dit, la royaliste pourrait lui causer du temps de dessalage des morues que l'enfant l'écouterait avec autant de plaisir. P'quoi tu t'es barrée d'chez toi ?

Non, parce que Lili, elle a jamais eu vraiment de chez-soi, à part peut-être cette maison de Venise, chez Flaminia. Après, le reste, ça n'a été que des gîtes de passsage, de la Bicoque aux Orphelins à Blois aux quelques auberges qui ont pu l'accueillir alors qu'elle sillonnait les routes de France...
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Erwelyn
Lynette n'avait pas le temps de dire tarte à la myrtille ou de questionner Lili sur ce qu'elle avait vécu depuis qu'elles étaient séparées, que la petite blondinette lui reposait une question. Et celle-là était de loin la plus difficile, parce que, même plus de trente après, la Corleone s'en voulait encore d'avoir lâché sa mère, et de ce qui s'était passé ensuite. Un voile triste passa sur son visage, comme à chaque fois qu'elle se remémorait ce moment là de sa vie. Mais en même temps, Erwelyn avait coupé le cordon, n'était-ce pas la suite logique ? Ou aurait-elle dû rester avec sa mère jusqu'à la fin ? De toute manière maintenant, c'était fait, et elle ne pourrait jamais revenir en arrière. Elle offrit un sourire à sa fille adoptive, heureuse aussi de partager tout ça avec elle.

Et moi si peu sur toi aussi... après c'est à ton tour de me raconter tout ce que tu as pu faire avec la famille depuis que tu es partie avec eux !

Même si bon, la poney rose s'en doutait, tout ne serait pas si facile à entendre. Une rasade plus tard, ce qui commençait à bien lui chauffer le cerveau, à force, elle continua son récit, se replongeant plusieurs décennies en arrière.

Bah... comme tous les gamins qui réalisent qu'il y a autre chose que leur propre environnement à explorer ! Et puis, comble de l'ironie, c'est justement à cause de ce que ma mère a voulu que je fuis que je suis partie... Un jour où j'étais allée cueillir des simples, j'avais une quinzaine d'années, j'ai croisé un jeune homme dans la forêt. Il chantait tout seul et mon foie, imagine, j'avais jamais trop vu un homme de si près ! Bon à part des fois le fils du boucher ou du paysan du coin, mais c'était pas pareil. Je me rappelle l'avoir observé sans dire un mot, pendant qu'il passait à côté de moi. Et puis d'un coup, voilà qu'il s'est mis à me parler ! Je devais trembler de peur, à coup sûr. J'ai à peine répondu et je suis rentrée chez moi fissa, si je me rappelle bien.

Et finalement, en le racontant, un étrange sourire lui monta aux lèvres. C'est que cet homme là avait été sacrément important pour elle.

J'ai rien dit à ma mère, sinon elle m'aurait interdit de sortir de là, j'en étais quasiment sûre. Et puis de toute façon, j'étais même pas sûre de le croiser encore. Mais il est resté dans le coin, et le lendemain, en pleine balade, voilà que je suis tombée à nouveau sur lui. On s'est mis à parler, enfin surtout lui ! Il m'a raconté qu'il voyageait de villes en villes, il était musicien, et chanteur, il chantait des chansons de geste. C'était un ménestrel, et voilà qu'il me faisait découvrir des choses totalement inconnues pour moi. On s'est vus tous les jours et... ben, je me suis rendu compte que je l'aimais au bout d'un moment, voilà tout.

Lynette haussa les épaules. Après tout, tomber amoureuse, à son âge, c'était normal, mais sa mère ne le voyait pas du tout ainsi.

Quand ma mère l'a appris, je sais pas trop comment, elle a complètement explosé. Elle est repartie dans son délire sur les hommes, des dangers, qu'il allait m'engrosser et partir et blablabla. Mais bon, rebelle attitude, j'avais quinze ans, j'avais envie de vivre ma vie, enfin ! Du coup, je me suis barrée, avec Meiryl. On s'est mis à voyager tous les deux. Oh, c'était pas toujours facile, on crevait souvent la dalle et puis on était pas toujours bien accueillis, mais c'était pas grave, ça me changeait tellement de ce que j'avais vécu depuis toute petite. Ça a duré deux ans, et durant ces deux années, je n'ai jamais donné de nouvelles à ma mère...

La Corleone s'arrêta là quelques instants, s'enfilant la fin de son godet, se resservant et buvant encore, les yeux perdus dans son contenu. Puis elle releva le museau et regarda longuement Lili, un sourire désolé sur le visage.

Je voulais pas lui faire de mal, tu sais, j'avais juste envie de vivre ma vie.

Elle prit enfin une longue inspiration et conclut.

Il ne m'a pas quittée, comme Floraine l'avait si souvent dit sur les hommes. Il est mort, tout simplement, et je te passerai les détails car c'était pas très joli à voir. J'étais effondrée, c'était impossible pour moi de continuer seule. Nous étions dans le Bourbonnais à cette époque, il m'a fallu un moment pour remonter vers les Ardennes, à pied, ou parfois sur une charrette lorsqu'un paysan acceptait que je m'y assois. Et quand je suis enfin arrivée... j'ai appris que ma mère était morte, deux mois auparavant.

Passant une main dans ses cheveux, défaisant quelques mèches de sa coiffure savamment étudiée par sa chambrière, princesse oblige, elle soupira.

Peut-être qu'elle est morte de chagrin ? Qui sait... Je m'en voudrai toujours, en tout cas, j'ai pas été super comme gamine je trouve ! Du coup je me suis juré de faire gaffe avec les hommes, pis j'avais toujours une trouille bleue de tomber amoureuse et qu'il m'arrive encore un malheur.

Attrapant encore une fois son godet, elle le leva en regardant Lili.

Aller ! A Floraine ! Une sacrée Corleone encore celle-là !
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Lililith
Oups.

Si Lili, en devenant silencieuse, a bien appris une chose, c'est l'observation de ce qui l'entoure. Facile quand on ne dit plus rien, de regarder d'une manière simple son environnement. Elle était déjà un peu rodée à l'exercice de par sa nature guerrière, mais l'avait bien involontairement accentué en se murant dans le silence.
Alors, elle voit bien qu'Erwelyn s'assombrit, et devine que va être évoquée une période moins heureuse pour l'adulte.

Elle écoute, sereine, sa mère lui causer de l'espèce animale « homme » – celle-là même que Lili n'approchait pas, parce qu'elle ne voulait pas connaître cet aimant à ennui qu'était l'amour – qu'elle ne connaissait manifestement pas beaucoup non plus à cette époque-là.

Et voilà donc sa mère qui lui raconte son histoire avec un ménestrel, et la gamine qui écoute, sourire ému aux lèvres d'imaginer sa mère bien jeune tomber amoureuse d'un homme.


Je voulais pas lui faire de mal, tu sais, j'avais juste envie de vivre ma vie.

On y est. Le voilà, le moment douloureux. Celui qui flétrit tous les bons souvenirs qu'on peut avoir d'une période. Lili le connaît bien, ce sourire ; elle aimerait tendre ses petits doigts vers Erwelyn et lui toucher les lèvres comme pour l'effacer, mais elle n'ose pas. Du coup, elle se contente de couper un morceau de saucisson en plus. Mange, bois.

Et comme souvent, la Forme n'est pas loin dans le paysage. Lili se retient d'en parler, parce que Tigist, un jour, lui a dit qu'il ne fallait pas, que ça effrayait les gens : l'enfant l'a bien vue, plusieurs fois, à chaque fois qu'il y a eu un décès, en fait.

Et c'était bien pour ça, pour éviter ces regrets, que l'enfant préfère prendre chaque moment qui vient avec qui voulait bien lui offrir de son temps. Peu importe au final les brouilles passées, l'Étoile a bien vite appris que la vie était trop courte que pour rester éternellement sur des rancœurs.


- À Floraine, alors ! Hop, rasade. Allez, à moi, un peu ? Au final, que ce soit oui ou non... Faut bien inverser les rôles, un peu ! J'suis même pas sûre qu'tu saches comment j'ai atterri en France.

Ah, oui, c'est compliqué. Regarde, je te tends une perche. Montre-moi que ça t'intéresse un peu, ma vie !
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Erwelyn
Et hop, les godets s'entrechoquèrent, laissant le breuvage éclabousser la table. Une bonne rasade et le regard de Lynette s'éclaira.

Oh oui, à toi ! Je veux tout savoir ! Je me rappellerai toujours le jour où tu m'as sauté dessus dans Paris, mais on a jamais trop eu le temps de parler de ton passé... Vas-y, raconte !

Oui, la princesse était toute ouïe, trop heureuse de partager ce moment avec sa gamine. Elle se cala mieux dans son siège, un certain soulagement l'envahissant après avoir fait toutes ces confidences, godet en main et saucisson dans l'autre. Ses mirettes allèrent se poser sur Lili, qui lui rappelait par certains côtés Ygerne, qui avait le même âge que la blondinette quand elle l'avait connue. Et c'est avec un sourire sur le visage que Lynette se mit en écoute intensive, prête à tout entendre.
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Lililith
Oh oui, à toi ! Je veux tout savoir ! Je me rappellerai toujours le jour où tu m'as sauté dessus dans Paris, mais on a jamais trop eu le temps de parler de ton passé... Vas-y, raconte !

La gamine a un grand sourire ravi. Elle a pour l'heure encore ses cheveux qui lui tombent un peu plus haut que les épaules, et passe donc une main dedans après avoir trinqué de l'autre.

- Oui, c’vrai…

Les ambres observant un peu la princesse qui lui fait face, et Lili se demande si elle serait prête à tout entendre ; mais genre, vraiment tout. Enfin, elle boit une gorgée, avant de se racler la gorge. Une vraie comédienne :

- Quand j'étais gamine, j'ai été él'vée en Italie, à Venise. Ma mère était une courtisane, 'fin, j'le savais pas, à l'époque, j'jouais surtout avec les belles dames d'là où elle travaillait sous l'égide de son affreuse mère, Fiammetta. 'Fin, quand j'pouvais y aller. En général, j'avais pas l'droit... J'crois que maman voulait pas qu'j'voie c'qui s'passait là-bas. Puis Fiammetta m'aimait pas, ça s'voyait dans son r'gard. Un instant. L'Étoile boit une nouvelle gorgée. Alors, j’étais bien contente de pas voir cette vieille ronchon !

Les yeux brillent, perdus dans le vague de cette époque heureuse, mais se ternissent bien vite à la pensée de la suite, que l’enfant évoque presqu’aussitôt :

- J’la prenais pour quelqu’un d’exceptionnel, d’jà parce qu’elle était ma mère ; mais aussi parce qu’elle manipulait les plantes, et faisait des trucs qui sentaient trop bons. J’parlais peu, d’jà à l’époque. Mais je l’aimais, beaucoup. Plus que j’aurais jamais été capable d’lui dire. Et puis, un jour… Sa voix se perd et Lili la cherche quelques instants : … Un jour, un homme est v’nu. Il l’a traitée de sorcière, et maman m’a dit d’partir. Elle m’a donné des écus, du pain, et j’possédais une mèche de ses ch’veux dans un médaillon. Et… C’est la seule fois où j’lui ai dit que j’l’aimais. En partant, j’ai vu l’homme et son visage déformé par la haine m’a toujours poursuivi. J’suis allée m’cacher, j’étais assez forte à c’jeu ! Mais j’avais pas l’droit d’me montrer tout d’suite. Alors, j’ai attendu. Et quand j’suis r’ssortie, et qu’j’ai voulu rentrer, Fiammetta était là. Y’avait une odeur de brûlé, j’comprenais pas, ça sentait pas si fort d’habitude. Et puis elle m’a dit que maman était morte. J’suis restée sur le pas d’la porte un bout d’temps. À six ans, tu penses… Et puis Fiammetta est v’nue m’ordonner d’rentrer ‘vec elle. J’me suis rel’vée, et j’me suis sauvée. J’ai couru, couru, jusqu’au moment où j’ai estimé qu’j’avais mis assez d’distance avec cette horrible vieille femme. Et j’suis arrivée à Blois. J’parlais pas beaucoup français, ‘videmment. J’ai appris, un peu. Et y’en a qui m’ont prise en affection.

L’histoire n’est pas finie, elle s’est poursuivie il y a moins d’un an, mais là, Lili a besoin d’une pause. Pourtant, elle prend la peine de préciser, avant de se taire le temps de boire quelques gorgées, manger un bout et attendre les éventuelles questions :

- J’m’appelle Giuliana, en vrai. Mais j’ai pris l’surnom d’Lili parc’qu’Fiammetta aurait eu plus d’mal à me r’trouver. Pis « Lili » est resté.

Aujourd’hui, elle ignore si elle préférerait qu’on l’appelle par son vrai nom. Sûrement pas : Giuliana, c’est celle qu’elle aurait pu être, la jeune fille sage et bien élevée, polie, loin de tous les soucis de la vie d’errance.
Lili, c’est celle qu’elle est aujourd’hui, avec ses questions, ses angoisses, ses fantômes. Son « elle » qu’elle aimerait bien ignorer quelques instants en partant avec la ponette…

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Erwelyn
La chance, se dit-elle, d'avoir été élevée en Italie. Malgré qu'elle ait des racines italiennes du côté de sa mère, elle n'y avait jamais posé les poulaines et trouvait ça bien dommage. Et puis, quand elle entendait le joli accent chantant d'Eldara, elle l'enviait. Au lieu de ça, Lynette avait grandi dans un coin paumé de France où on se caillait même en été. Quelle misère... Enfin, elle se mit en mode écoute et faillit s'étrangler dès les premières paroles. Courtisane, sa mère ? Cornecul, fallait franchement pas avoir la lumière à tous les étages pour élever une gamine dans un bordel, pfff. La princesse leva les yeux au ciel discrètement, déjà fâchée contre la génitrice de la petite. Bon, point positif, la daronne savait des trucs sur les plantes, et en plus ça leur faisait un point commun. Au fur et à mesure du récit de Lili, la bouche de la Corleone se tordit, désolée de ce qu'elle était en train d'entendre. Finalement, elles avaient le même passé, sauf que pour la blondinette, le décès de sa mère était arrivé beaucoup plus tôt que celui de la sienne.

Oh ma pauvre chérie, mais c'est horrible ! T'as bien fait de te sauver, cette Fiamachin était sûrement une horrible rombière qui t'aurait obligée à... enfin tu vois.

Lynette profita de ce temps de pause pour resservir les deux godets déjà vides, c'est que ça donnait soif toutes ces émotions.

C'est joli Giuliana, ça fait vachement plus italien du coup... Mais comment t'as fait pour traverser tout le royaume en étant si jeune, c'est fou ça.

Elle était mi-désolée, mi-impressionnée, et re mi-désolée derrière d'apprendre tout ça. Parfois les gens avaient un sacré destin, et ce qui était encore plus hallucinant était de savoir qu'ils étaient encore là, debout, à vivre. D'un geste, la Corleone se leva et se pencha au-dessus de la table pour serrer sa fille adoptive dans ses bras et déposer sur sa joue encore enfantine un baiser, avant de s'asseoir à nouveau face à elle.

C'est une sacrée histoire, tu as de la chance d'être arrivée en vie jusqu'à Blois, t'aurais pu tomber sur des gars patibulaires, mais presque.

Deux bonnes gorgées plus tard, Erwelyn l'interrogea à nouveau.

Et après, c'est là que tu m'as trouvée ?
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Lililith
Saucissoooon ! L'enfant prend le temps d’en avaler un peu plus.

C'est joli Giuliana, ça fait vachement plus italien du coup... Mais comment t'as fait pour traverser tout le royaume en étant si jeune, c'est fou ça.

Elle hausse une épaule. Elle l’a fait sans avoir conscience de l’exploit que c’était. Elle s’est arrêtée quand ses pieds ne pouvaient définitivement plus la porter, et quand son ventre en a eu assez de ne manger que des racines et parfois, par chance, un mulot.

L’Étoile apprécie le contact avec sa mère adoptive ; elle savoure l’instant précieux, la chaleur diffusée par la peau maternelle, le geste spontané. L’envie de rester blottie contre la ponette se fait impérieux, mais la Minusculissime a pris pour habitude de réfréner tout ce qu’elle voulait pour ne laisser rien filtrer et être mieux à l’écoute des autres.


Et après, c'est là que tu m'as trouvée ?
- Presque. J’dû d’abord apprendre à causer plus correctement. Ninouchka m’a appris, un peu. Pis Jeanne, aussi : c’est celle qui gérait la Bicoque aux Orphelins, où on m’avait mise. Pis Pandou… Pandou, j’l’ai eu grâce à Clesa. J’voulais absolument un chat roux – « rouge » que j’disais à l’époque – parce que j’trouvais qu’c’était trop la classe. Et pis un jour, j’voulu partir pour voir un peu c’qu’y avait autour d’Blois. C’est là que j’t’ai vue et qu’t’as cru qu’j’allais t’voler ta bourse Airmaiss. C’était pas du tout mon genre à l’époque, en plus !
Elle rit, beaucoup, parce que c’est l’époque bénie où rien n’avait commencé. Après… La suite, tu la connais, plus ou moins. J’y r’viendrai, s’tu veux en savoir plus…

Et là, on passe au moment difficile. Ça vous ennuie si je me taille les veines ? Lili prend donc son temps, non pour faire durer le suspens mais parce qu’elle craint que même si elle l’évoque, en public et en plein jour, le fantôme de celui qui avait tué sa mère n’apparaisse et l’emmène. Même si la Forme n’était pas là ? Oh, la Forme, elle avait bien été là pour Rodrielle qui pourtant était encore bien vivante, alors…

Apeurée bien plus qu’elle ne voudrait l’admettre, l’Étoile triture sa serviette, se trémousse un peu sur la chaise, jette des regards circulaires pour s’assurer que personne ne va lui tomber dessus, et enfin, annonce la couleur :


- J’ai jamais oublié l’visage d’celui qu’avait tué ma mère. J’connaissais son nom, Giacomo Ghisi. J’l’ai fait chercher, ‘vec mes moyens, au fil des voyages qu’on a fait en France. J’ai découvert qu’il y v’nait souvent, pour des marchandises j’crois. C’tait un mec pédant, imbu d’lui-même parce que fils d’un type très riche. Tu la sens, toute ma rancœur ? Pis, un beau jour, alors qu’j’étais avec Azu’ – Azurine, la vraie fille d’Rodrielle, ma d’mie-sœur en quelque sorte – et son compagnon, et que j’me baladais en ville, j’l’ai trouvé. J’me suis assurée que c’était bien lui. Puis on a fait irruption chez lui. Sa voix se durcit. J’l’ai torturé avant d’le laisser crever. Il a souffert c’que j’suis d’venue à cause d’lui. Il a souffert c’que j’ai souffert. Et c’est pas peu. Tu la sens, toute ma haine ? Même Giuliana était contente d’voir ça.

Elle choque, peut-être même que plus jamais Erwelyn ne la regardera de la même manière. Lili ne s’appesantira pas sur les tortures commises ; elle ne sait pas à ce jour si elle a aimé, si elle a détesté, ou si c’est un mélange doux-amer des deux, voire d’autre chose. Elle porte sa chope à ses lèvres alors que ses yeux n’expriment plus rien ; mais cela fait longtemps qu’ils sont vides, cela fait deux ans qu’elle l’a tué et qu’il la poursuit dans ses nuits. En le laissant agoniser devant elle, en se délectant du spectacle, elle a achevé ses derniers rêves de pureté ; mais le sacrifice sur l’autel de la vengeance était nécessaire pour lui permettre d’oublier. Ah, oublier, oui, si seulement…

Elle aurait peut-être préféré que ses parents soient fromagers, tout ça ne serait jamais advenu.


- J’cru en avoir fini à tout jamais ‘vec cette partie d’ma vie. Mais, à Bordeaux… J’ai découvert qu’ma génitrice était ‘core en vie. C’t’elle qui m’a r’connu. Elle ignorait qu’j’étais vivante, Fiammetta lui avait dit qu’elle m’avait envoyée dans une ferme pis qu’j’avais fini par y mourir, j’crois bien. J’avais fait tout ça pour rien… Tu la sens, toute mon amertume ? Toute ma lassitude ? J’ai découvert, du même coup, qu’j’suis la bâtarde d’un noble, aussi. J’crois qu’il est d’venu traître à la couronne ‘vec l’temps, mais j’plus d’nouvelles d’lui d’puis un sacré bout d’temps.

Elle passe rapidement sur le père : non qu’elle s’en fiche, mais ses yeux s’activent enfin et tremblent de voir surgir le Ghisi fantômatique devant elle.

Alors, tu comprends mieux pourquoi on voit à travers ta fille ?

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