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A la guerre comme ŕ la guerre. Mais pas trop.

[RP] Cerbčre m'a tuer *

Satyne
* Titre adapté sur "Omar m'a tuer"
Brave défenseur de l'orthographe, oui, la faute est voulue. Pour les autres, mea culpa, mon chien a mangé le bescherelle.




[22 décembre au soir – Remparts d’Angers]


Le brouillard s’était étiré une partie de la journée au-delà de la plaine angevine. De quoi faire espérer la brune, car qui disait vue réduite, disait baston reportée. Et à l’instant elle ne rêvait que de rejoindre une couche commune, au chaud d’une pelisse, ses petons à l’abri d’une gangue de laine, le reste du corps rendu à la chaleur humaine de son Autre. Mais l’espoir avait été de courte durée, quand Lemerco était venu les quérir pour se mettre en place, rangs serrés sur les remparts d’Angers, elle avait suivi le mouvement avec la mine déconfite des mauvais jours.

Comme plusieurs soirs d’affilé, son Capitaine finissait de placer les troupes. Il tenait ce rôle avec complaisance, et un sérieux étonnant. Certains le disaient inattaquable, d’autres préféraient le terme d’invincible, car depuis le début de sa prise de fonction le bougre esquivait tous les coups. Satyne, elle, se contentait de prier pour qu’il tombe, sans trop se blesser idéalement. Leur présence en sol angevin n’avait que trop duré, et elle désirait mettre les voiles. Cette guerre n’était pas la sienne. Mais avec le brun capitaine, toute retraite anticipée avait été réduite à néant. La loyauté était une sale chose. Elle les pétrissait cependant, et les rendait à des extrêmes parfois compliqués.

Un dernier regard fut échangé entre les deux bruns, rituel immuable depuis le début de leur implication dans cette guerre, et promesse de se retrouver sain et sauf aux lueurs du jour. Il lui semblait alors que ce lien l’accompagnait d’un bout à l’autre du champ de bataille.

Son Seigneur avec elle.



******


Un tambour bat la cadence derrière les lignes ennemies. Il impose un rythme qui se répercute dans ses os. A chaque « boum », elle vibre. Et à chaque vibration, elle avance. Les royalistes fondent encore sur la ville. Et eux, descendent les cueillir jusque devant les murailles. La pratique est rôdée. Satyne est la guerre c’est une histoire d’amour qui dure. Si elle n’a pas la force pour elle, elle a l’expérience et l’agilité. Reconnaître du bon matériel lui est facile. Et ce soir, elle prend conscience que son épée et son bouclier ne sont pas de bonne facture. Qu’importe, elle y est.

Il lui faut peser de tout son corps pour s’ouvrir une brèche dans les premières lignes. Elle se faufile plus qu’elle n’enfonce, et finit presque à quatre pattes pour remonter les rangs adverses. Ici c’est une lance qu’elle évite. Là un coin de bouclier et une botte acérée qui se balade. Plus loin c’est un corps tout entier emporté par le poids de son armure qui s’écrase devant elle. La donzelle louvoie encore avant de refaire surface. Le nez respire l’air, les poumons gonflent, l’esprit se libère. Une bulle éclot autour d’elle, les pensées s’envolent et la machine se met en branle. Vas-y que tu pares, que tu esquives, que tu bottes, et piques. Et soudain, alors que son épée croise le fer avec une lame royaliste, un minois attire son œil.

Il lui semble entendre tous les « r » rouler aux alentours. Une vague d’accent ibérique qui lui tord le cœur. La nausée gagne quand elle reconnaît Shawie sous la bannière de ses ennemis. Foutre dieu, qu'est-ce qu'elle fout là ? Elle pensait l'espagnole sur les chemins des royaumes. Défaite de cet attachement sournois. Rendue à la vie de plein air et ostensiblement moins rangée que celle qu'elle se force à mimer depuis des mois. Un serment ridicule pour qui connaît la bourrique. Force est de constater que son dernier "va te faire foutre" avait plus d'accent de vérité que les autres. Et ça fait mal.

Yeux noirs qui s’accrochent.
Les mentons se dressent en un défi muet.
Et déjà les pieds gomment la distance pour pousser à l’affrontement.

Chérie, ça va trancher.

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Shawie
Il y a des soirs qu'on ne sent pas et celui la, bizarrement, elle le sentait à dix milles. L'assaut avait été donné, et de retour dans les lignes "royalos", l'Espagnole se posait sans cesses la question de savoir ce qu'elle foutait là mais qu'importe, elle y était. Le but était maintenant de ne pas mourir trop rapidement.

La colère d'un camps contre l'autre était palpable. Cela comportait avec elle tant d'ironie. Depuis la frontière jusqu'à des lieues à la ronde, les royalos ne laissèrent ni arbres ni maisons debout. L'incendie exerçait partout ses ravages : hommes, femmes, enfants qui étaient reconnu traîtres, sont mis à mort. Certaines église violemment outragées et la profanation des choses saintes portée aux derniers excès. L'odeur de sang était répandue sur le champs de bataille jusqu'au plus profond des villages. Des épées, des boucliers, de la chair humaine traînent sur les sentiers à qui voudrait bien le voir. Bref, c'était la guerre et l'Espagnole y était jusqu'au cou depuis son rapatriement forcé.



Faites place, ingrat vaurien, jé passe !


La première ligne avait foncé sous les remparts -comme chaque soir- les archers étaient prêts à lâcher leur flèche en flamme, et la cavalerie galope pour tenter de faire un passage entre les lignes adversaire. Tuer le maximum de personne en peu de temps était devenu le maître mot dans les rangs. Les lames ripent les unes contre les autres, les souffles sont courts, les boucliers volent en éclats. Le sang coule à flot, la haine se déverse, les coups pleuvent et les cris raisonnent dans la nuit. n'importe quel Homme ne pourrait dire le contraire. Il fait encore plus froid ce soir là, et tout d'un coup, tout semble s'arrêter. Un coup de botte pour faire valser celui qui se met sur son chemin et elle retrouve un peu d'air frais. Respiration et blam en pleine gueule : c'est elle.

Un vrai bordel.

Elle qui devait se trouver à des lieues d'ici pour justement se retrouver. Elle comprend mieux le lapin posé. Ainsi donc la très Dévouée Gamine donne sa loyauté à un homme. Qui l'eut cru ? Qu'on lui arrache le cœur sur le champs, la douleur aurait été moins douloureuse. A présent, voyant la Gamine s'approcher d'elle, l'Espagnole sait que ce soir, un des deux tombera. Ainsi donc le serment fait il y a déjà des mois, devait prendre effet. Mourir de la main de l'autre. Son cœur lui gueula de ranger cette putain d'épée mais sa raison lui tambourina dans le cerveau de se préparer. Elles n'ont jamais retenu leur coup pendant des chamaillerie enfantine, jamais. Qu'en serait il de ce soir ?

Nul besoin de se parler, le regard en dit long. C'est terminé le temps des duels qui finissent bien. Le sang coulera pour de bon, sans doute pour de mauvaises raisons. Les deux épées s'entrechoquent une énième fois. Inlassablement attirées l'une par l'autre. Le regard est plongé dans celui de la Dévouée, et plus rien n'a d'importance autour. Son regard vert cherche quelque chose dans le regard noir de sa comparse, qu'elle ne trouvera pas ce soir. Alors, les muscles se contractent et le duel peut commencer.

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Satyne
Tu rentres en lice petite.

Le terme lui vient malgré elle. Aux yeux de Shawie elle a été longtemps la gamine récalcitrante qui emmerdait Serrallonga et Fauve lors de leurs voyages interminables. Les chemins elles les ont parcourus ensemble pendant huit longues années. Huit ans. Ça vous fait forcément dire que vous connaissez bien quelqu’un. Les manies de l’Espagnole, sa façon de jouer aux cartes, ses mets préférés, ou encore ce qu’elle déteste. La manière dont elle se tient en selle, ou qu’elle invective les gens. Satyne sait tout d’elle. Ou presque tout. Elle sait huit ans. Le reste il ne lui est pas permis de le connaître car elles se sont substituée l’une à l’autre. Par des mensonges pour commencer, par des faux semblants, un vilain jeu de « je t’aime moi non plus », puis par des claques, des coups de massue, et plus tard des estafilades à l’épée. Elles se sont criées dessus tous les maux des royaumes par des mots aussi tranchants que leurs lames. L’idée était de se faire mal, comme l’autre avait pu blesser. Des baisers échangés vite suivis de morsures. Des caresses et des coups.

Shawie est une grande sœur. Une protectrice. Une compagne de route formidable pour qui aime rire et être désabusée. Elle croque, et avale goulument. Elle avance, quitte à tout piétiner. Elle fait des dégâts comme l’ouragan Satyne sait le faire. Elles se ressemblent beaucoup. Mais parfois elles se retrouvent à bien des lieues. La brune se demande pourquoi elle en veut tant à l’Espagnole. N’a-t-elle pas été elle-même affiliée pendant plusieurs années à une maison noble des royaumes de France ? N’a-t-elle pas porté le tabard à la couleur de la mesnie des Von Frayner Glasmaler ? Elle s’était alors faite lige de la Rouge Scath, et lui avait offert ses services. Elle aussi a tenté cette reconversion inopinée. Cette entrée dans un monde qui n’est pas le leur. Désormais elle sait le dire avec clairvoyance, et c’est une mise en garde qu’elle fait à Shawie depuis des mois. Dans ce milieu-là elle n’y trouvera jamais son compte. Et ses mensonges à répétition n’y feront rien. En fait elle ne lui pardonne tout bonnement pas de l’avoir fait pour une autre femme, et pire encore de s’acoquiner avec des chevalières à l’uniforme blanchâtre. Pour elle c’est une trahison. Et les traîtres doivent payer.

A nouveau les lames se croisent. Les souffles courts se rejoignent par la buée qu’elles échangent dans la nuit froide. Shawie est plus grande, cela lui donne toujours un certain avantage. Satyne campe sur ses appuis, et repousse la lame espagnole. Derrière elles la bataille fait rage.

Cris. Agonie. Sang.


Moi qui t’espérais loin de ce ramassis de nobliaux dégueulasses.

Elle la toise. L’observe des pieds à la tête. La soupèse et la jauge.

Tu me fais culpabiliser pour que dalle bordel ! Shawie a encore frappé hein ! Et c’est quoi que tu m’as dit la dernière fois ? Ha ça me revient… « Va te faire foutre ». Tout ça parce que je ne pouvais pas venir. Tu fais chier Sha ! Regarde de quel côté tu es.

Son bouclier ne la pare plus, elle a déposé la pointe de sa lame au sol. Ce sont des cris rauques qui lui échappent. Une colère sourde qui se mue en rage. Et une tristesse incommensurable qui lui vrille le corps. Foulant son âme. Ses yeux brûlent de larmes retenues. Signe qu'elle se maîtrise à grande peine.

"Tu me fais honte" claque dans l'air. C'est un seau de douleur qui se déverse. Elle l'a perdu. Perdu. Il lui prend l'envie de chialer et de se rouler en boule. D'être loin et échappée. Pourquoi donc voulait-elle à ce point partir ? Aurait-elle du y poser des mots quand Lemerco lui soutenait de rester ? Quand les autres ne voulaient pas comprendre son besoin d'être ailleurs ?

Rester c'était risquer de la toucher elle.

Il est désormais trop tard.

Son épée se lève et elle avance encore, avec rage et désespoir.


Crève !
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Shawie
Putain de douleur qu'elle doit arriver à surmonter, espérer qu’elle disparaisse d’elle-même, espérer que la blessure qui l’a causée se referme. Mais quand la cause est devant soi, c'est vachement compliqué. Il n’y a pas de solution, pas de remède miracle. Respirer à fond, et attendre qu’elle s’estompe.


Je né suis pas assez Blanche pour être avec elles mais pas assez Pègre pour être avec toi !


Repoussée, elle recule légèrement, agacée par ce qu'elle entend.


Et toi, tu donnes la loyauté à un homme ? Teo merde ! Jé suis ravie qué tu sois accouplée avec lui, mais j'ai tellement envie de vomir en vous imaginant.


Et de le buter en option.


Tu donnes ta lame à quoi ? Des angevins ? Cette race dé merde qui te chies dans la bouche, et toi, tu ouvres lé bec, satisfaite ? C'toi la honte entre nous deux. Regarde ce que tu deviens Sat, mais regarde !


En apparence, elle le prend bien ce "tu me fais honte". En intérieur, c'est tout son monde qui s'écroule avec fracas. Une douleur comme jamais qui lui ferrait venir les larmes aux yeux. Le temps n'est plus à pleurnicher mais bien à défendre convictions et honneur. Quel honneur ? Pensa t'elle. Rejetée d'un côté et non désirée de l'autre, vraiment, plus elle regarde Satyne, plus elle avait envie de la prendre dans ses bras et lui dire que tout ira bien. Sauf que rien n'ira bien. Satyne c'est la personne du commencement, celle qui fait les cents coups sur les chemins sans regarder derrière, celle qui crie à la relaxe en plein procès de Haute Trahison. Des soirs de geôles au froid et qui le lendemain étaient totalement oubliés pour mieux recommencer. C'est cette audace et ce panache qui plait à l'Espagnole. Des journées sans fin, des mois, des années d'amitié -et plus si affinité- des querelles de donzelles qui se transforment aujourd'hui en guerre. Le pays est à feu et à sang, tout autant que peu l'être le cœur d'une "Ex Pègre". Une âme sœur qu'on que n'importe qui puisse penser, elle en est certaine.

Le bruit des épées raisonnent encore une fois. Elles s'entrechoquent une nouvelle fois avec plus de violence ou plus d'amour. Et dans le combat qui fait rage désormais, tous les coups sont permis, même les plus filous. Quand on connait quelqu'un depuis longtemps, on sait où il faut taper pour lui faire plier le genou. En l’occurrence, Satyne avait été dégommé en Armagnac et sa cuisse avait goûté aux joies locales.



C'pas aujourd'hui qué tu viendras a bout dé moi.


Son épée tapa dans la cuisse déjà meurtrie, du moins essaya. Nul besoin d'y mettre toute la puissance possible, en plus, l'envie n'y était pas du tout. A partir de ce moment, la presque Blanche disparaît et le masque d'une Taulière qui roule les R refait surface -entendez une Grotteuse- Son visage devient calme et apaisé, comme si tout ceci était normal alors qu'intérieurement, plus rien n'a de base.
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Satyne
La douleur irradie sa jambe. Cuisante. Aigüe. Elle lui remonte en bouche, et la bile qui vient la fait se plier en deux. Garce. Elle connaît ses points faibles. Elle la sait fragile de la gambette. La chair avait peiné à refermer les ravages d’une séance de torture armagnacaise. Et voilà qu’elle s’appuie sur ses acquis pour la défaire. Nul doute qu’elles vont y arriver à se buter l’une et l’autre. Les paroles sont aussi douloureuses que son corps qui essaie de lutter. Et ses oreilles sifflent à l’entendre prononcer le nom de Teo. Dans sa bouche ça sonne comme une insulte. Et Satyne sait que ça en est une. Qu’importe, le fil qui les relie se tend, et d’imaginer le Balte qui abat son épée quelque part, elle se sent gagner d’une vigueur nouvelle. L’Espagnole ne peut pas salir cette trame. Elle y veillera avec soins. Et si elle a gardé tout ceci bien longtemps pour elle, ne prononçant jamais le nom de son compagnon devant quiconque c’était bien pour s’éviter ce genre d’échanges. Ils se préservent. Et tout ceci n’appartient qu’à eux.

Ho ça, tu le paieras.
Dans ma main ta vie qui palpite.
La chaleur de ce cœur qui s’efforce de battre.

Un genou posé au sol, l’épée plantée dans la terre et l’herbe retournée, Satyne cherche à reprendre son souffle. Quand Shawie a cessé de se sentir brigande et libre ? A l’époque où Ophélie avait pris le pas sur Satyne, et où elle s’était terrée avec son petit frère en Béarn. Là, loin des affres des royaumes elle avait coupé les ponts brutalement. Elle ne répondait plus aux lettres, ou aux invitations. Et parler finissait par trop lui coûter. Sa flamme s’était éteinte et elle était tombée malade. Le cœur lui avait-on dit. Plusieurs mois chez les médicastes l’avaient remise un peu d’aplomb. Puis c’est Shawie qui était venue la prendre par la main pour la sortir de son silence. Elle s’était consolée de la perte d’êtres chers. Et avait accepté de ne plus revoir un marin. L’amour douloureux avait failli avoir raison d’elle. Les doigts enlacés elles avaient fait route quelques temps ensemble. Puis Shawie s’était échappée. Déjà Satyne gommait Ophélie à grands coups de bottes, et se rendait compte que quelque chose clochait chez l’Espagnole.

Elle n’était plus vraiment avec elle.
Mais comment le lui reprochait ?

La brune lui en voulait surtout d’avoir tu ses projets et son désir de voir ailleurs. Déjà elle la savait avec Samsa quand Shawie prétendait le contraire. Elle sentait en son amie une dualité qu’elle n’avait que trop connu. Pourquoi ne rien dire ?

Sa jambe repliée donne la pression nécessaire à son bond, et la donzelle se lève brusquement, faisant flancher l’Espagnole. Ses yeux ne voient plus quand elle abat l’épée. Haut monte la pointe. Haut se fait le bras vengeur.

Elle se refuse à voir le résultat.
Elle n’assume pas.
Disparaît. Distraite.
Ailleurs.

Et dans son dos "ça" charge déjà.

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Samsa
    "Je comprends qu'il y a des problèmes
    Et je ne suis pas trop aveugle pour le savoir,
    Toute la souffrance que tu gardes en toi,
    Même quand tu penses ne pas la montrer.
    Si je peux m'excuser de ne pas avoir été à la hauteur,
    Alors ce sera juste moi qui aurait honte;
    Je serai la raison de ta douleur
    Et tu pourras me rejeter la faute."*



Anjou de merde. Terres de merde. Temps de merde !

La capitaine, accroupie quelques temps plus tôt, a tâté le sol avec un air concentré, préoccupé même. Sa main gantelée de combat s'enfonçait trop facilement dans la terre détrempée et l'éternel champ de bataille, labouré chaque soir autant par les sabots des chevaux que par les pieds des combattant, devait être pire encore. Samsa s'était redressée et l'avait d'ailleurs observé, ce terrain jonché de corps et d'équipements, rougeoyant aussi du sang qui a coulé. La terre ne s'en abreuve plus, c'est à croire même qu'elle le vomit. Samsa s'était retournée vers l'homme l'aidant à transmettre ses ordres et avait soupiré avant de prononcer ces mots qu'elle détestait tant.


-Le terrain est trop mauvais pardi. Pas de cavalerie ce soir té.

Énervée, la cavalière était rentrée au camp en maugréant. Pour ce soir, elle ne sentirait pas la puissance de Guerroyant entre ses jambes, son souffle fort et ses muscles travailler. Elle ne sentirait pas le vent rouler dans sa barbute, voler dans les mèches semi-rousses qui s'en échappaient derrière, pas de choc à l'inouïe violence, pas de risque accru de mort.
Les soldats en rang n'avaient pas tous vu la capitaine lorsque, comme avant chaque assaut, elle avait fait son discours de motivation. Le sujet avait porté sur la protection pour éveiller en les combattants cet instinct particulièrement fort, celui-là même qui pouvait rendre la Cerbère destructrice et meurtrière.
Sa voix s'était appuyée sur ses intonations naturellement graves pour porter, compenser sa taille moyenne qui, à cause de sa carrure charpentée et trapue, était très loin de pouvoir dominer les soldats présents. Elle s'était époumonée pour se faire entendre des dernières lignes, l'étendard des Crocs du Basilic II ne s'était déployé qu'aux bons grés du vent ambiant et elle n'avait pu parcourir l'armée de long en large qu'une seule fois à cause du fait qu'elle ne galopait pas.

Elle avait sonné la charge et les lignes s'étaient ébranlées, d'abord disciplinées puis, finalement, leur harmonie s'était brisée et leur efficacité n'était plus maintenue que par les rangs serrés. Comme toujours, Samsa était en première ligne, là où elle aimait être, là où une capitaine se devait d'être. Les royalistes marchent afin d'économiser leurs forces, grignotées chaque minute par l'équipement qu'ils portent et quand bien même Samsa est très habituée au sien, cela ne l'avantage que de très peu. Sous son tabard en damier noir et bleu, décoré d'une fleur de lys d'or à la poitrine et dans le dos, se trouve sa cotte de maille. Ses avant-bras sont protégés par des canons, ses tibias par des grèves, ses cuisses par des cuissots et ses mains par les éternels gantelets de combat. A son épaule gauche se trouve sanglé son bouclier car Samsa faisait partie de cette école aussi rare que méconnue préférant garder main libre. Sous sa barbute, deux petits yeux sombres abrités par des arcades sourcilières marquées flamboyaient du choc à venir.
Les foulées s'accélèrent, deviennent plus aériennes, plus lourdes aussi, alors que les soldats commencent à courir pour charger. Les souffles se font profonds et les voix qui le peuvent se mettent à crier. La Cerbère sait charger mais elle ne le fera pas vraiment cette fois, il s'agit d'encaisser le choc qui va se faire; l'épaule protégée se rentre, se met en avant et la capitaine évite ainsi tout coup mortel qui s'abat pour la repousser quand elle entre en contact avec les ennemis.

Si Satyne est du genre à se faufiler, Samsa, elle, est du genre à se créer elle-même un passage. Pourtant, sans Guerroyant, la chose est beaucoup plus malaisée que d'habitude et la Bordelaise s'échine sans succès, comprenant pourquoi, chaque nuit, ils étaient repoussés. Retournée en ses lignes, la Cerbère observe de plus loin, elle cherche la faille dans laquelle elle s'engouffrera, l'ordre qui pourrait changer le cours de la bataille et leur offrir la victoire. Ou la défaite. Non loin d'elle, elle remarque la haute silhouette de Shawie, aux prises avec une petite ennemie qu'elle ne connait pas. Samsa connaissait tout le monde, mais elle n'avait pas rencontré tout le monde. Un sourire satisfait et féroce se dessine sur les fines lèvres royales en constatant l'avantage espagnol, belle corrida où le taureau s'apprête à être mis à mort d'un coup d'épée de la matador. Il n'en sera pourtant rien.
La Cerbère efface son sourire quand l'adversaire, dans un sursaut d'on-ne-sait-quoi, se relève subitement, déstabilisant celle qui aurait dû rester maîtresse du combat. L'épée brigande se lève et les pupilles de Samsa se dilatent, comprenant le danger pour Shawie qui risque bien d'y passer.

L'Espagnole fut fauchée dans les jambes pour commencer, ce qui eut pour conséquence de la faire se baisser. Comme si elle venait de foutre le pied dans un trou, un simple réflexe que de lever son bras droit ainsi que sa main comme pour retrouver son équilibre. C'est ainsi qu'elle se retrouva avec l'épée de Satyne plantée de toute part dans sa main droite. L'effet fut instantané et douloureux, d'autant plus lorsque la lame se retira. L'épée dans l'autre main ne lui sert qu'à ne pas tomber au sol mais justement pour se retenir en avant, plantée dans la boue.

Cerbère bondit.

Les cuisses courtes de la semi-rousse libèrent leur force dans une explosion surprenante, le corps carré s'élance, emmagasine de la puissance à chaque mètre parcouru, il bouscule quelques soldats tant ennemis qu'alliés sur le chemin. L'épée est repliée sous le bras gauche quand l'épaule se met en avant et le cri de charge, célèbre pour tous ceux l'ayant vu dans cette manœuvre, retentit :


-WÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂÂ !

Boum.

Le bouclier royal frappe Satyne avec violence, la repousse plus loin et il ne serait guère étonnant que l'équilibre lui manque. Samsa n'y prête aucune attention car cela n'a aucune importance à ses yeux; elle la tuera. La lame bordelaise reparait, luit d'un éclat meurtrier et entame un mouvement circulaire dont la fin semble inéluctable.

L'Espagnole n'eut pas le temps de se morfondre qu'elle vit un chien enragé courir aveuglement vers les deux comparses. Nul doute qu'il doit s'agir de son "dog royal". Merde. Les dent sont serrées et c'est tout un effort pour se relever -prenant appuis sur son arme- pour se mouvoir vers la mise à mort. Shawie se met entre les deux -entre Satyne blessée et Sam enragée- L'arme est prête à être utilisée.


- Sam, ne la tue pas !
- Bordel de merde pardi écarte-toi té !
- Je t'interdis dé faire ça ! SAM, putain, j'avais pas bésoin dé toi !
- Regarde ta main pardi ! Maintenant pousse-toi té.


Emportée dans sa folie meurtrière et pensant à un caprice d'égo, la capitaine écarte l'Espagnole d'un coup d'épaule, ignorant tout du drame qu'elle s'apprête à jouer, qu'elle n'aurait jamais fait si seulement elle avait su. Quand bien même Samsa n'aime pas Satyne pour milles raisons, elle sait combien elle compte pour Shawie; elle sait qu'on ne doit pas tuer ceux qui comptent à ce point pour autrui, c'est plus qu'une obligation, c'est une volonté, un principe, une valeur : on ne s'en prend pas aux êtres chers de ceux qu'on aime. Hélas.
La lame de l'épée bâtarde tranche l'air dans un sifflement sinistre, reprend le mouvement où il l'avait laissé et s'abat sans pitié sur la petite silhouette blessée.


- Si tu la tues, tu mé tues aussi cria Shawie.

Au ralenti, tout se passe au ralenti désormais. Comme c'est étrange de dégainer son arme contre sa compagne. Au moment même où elle voit l'épée s'abattre sur la Gamine, l'Espagnole intervient et plus rien n'a de sens ni d'importance. Si le cas se présente, elle aurait été capable de blesser Samy. Quitte à être détruite autant le faire jusqu'au bout. Poussée, Samsa sera juste déséquilibrée pendant la prise de vitesse de la lame meurtrière mais bien trop tard. Malgré l'intervention espagnole, le fer pénètre les chairs ennemies, simplement dévié d'un palpitant sans doute affolé de mourir maintenant. Le coup, légèrement affaibli, suffira cependant et Satyne gît maintenant sans plus forme de vie sinon le sang qui s'échappe d'une plaie dérangeante à regarder, plus encore à subir sans doute.


- C'est Satyne putain, c'est Satyne, qu'est ce que tu fais ? Sam, qu'est ce que tu as fais ?
- Hein ? Pourquoi tu m'as pas dit té ?!


Anjou de merde. Terres de merde. Temps de merde. Ennemis de merde !

Le fracas des armes alentours ne semble plus les concerner, elles sont deux alliées regardant le même corps ennemi avec le même dépit, la même incompréhension peinte sur le visage. Les jurons aussi inventifs qu'invectifs s'échappent par flots de la bouche bordelaise alors qu'elle se penche sur Satyne, lui tapote les joues à la recherche de vie. Le bon signe, c'est qu'elle saigne encore. Un cœur mort ne bat plus, il ne fait plus pulser le sang dans les veines, dans les artères. Il n'est pas trop tard, pas encore; quoique. Peut-être que Satyne est maintenant vouée à mourir, quand bien même ce n'est pas encore le cas.


-Prends-la pardi, je t'ouvre le passage té, on la ramène chez les siens pardi. T'appuis et tu lâches pas pardi.

Il y a plus fort que la colère, la haine et la violence de Samsa, il y a sa loyauté, son dévouement et son amour, cet instinct protecteur dont elle a tant parlé à ses hommes avant la charge. La Cerbère se relève, carre les épaules et joue de la lame comme jamais auparavant, beuglant à ses hommes de s'écarter quand ils le peuvent, dégageant sans ménagement tout ennemi se trouvant sur son passage. Peut-être avance-t-elle droit vers sa mort, avec sa belle fleur de lys doré à sa poitrine, son bel insigne de capitaine, mais il y a plus important que penser à elle en l'instant, plus important que de penser aux coups qu'elle se prend.

Ce soir, il faut sauver le soldat Satyne.

"Je t'interdis de la toucher" aurait voulu crier Shawie sur Sam, pourtant remplie de bonnes intentions. Intentions qui venaient peut être de tuer Satyne. L'Espagnole se retrouve au dessus de Satyne sans rien dire ni faire. Le temps que tout monte au cerveau, elle se retrouve en train de balbutier toute sa haine contre la Capitaine. Une main protectrice vient se poser sur la joue de la blessée et une pression est faite sur la blessure.


- Sat', t'as pas intéret de mourir, je serais obligée dé venir té chercher ... comme on avait dit.

Enfin soulevée, Sha passe devant Sam et fait barrage.

- Sam, jé t'interdis dé venir avec moi. Jé passerais sans problème alors qué toi, tu as une cible dessinée sur la tronche. J'ai pas bésoin d'avoir deux "mortes" ce soir. Reste ici, t'en a déja assez fais.
- Tu portes les couleurs royalistes pardi, t'iras pas loin sans pouvoir te défendre té.
- NON !


"T'inquiète pas pour moi, je m'en sors toujours, mes hommes sont là" qu'elle aurait pu dire mais là, en l'instant, ça aurait été très déplacé. Rien n'est répondu à l'Espagnole. De toute façon, Shawie ne pouvant rien faire pour l'en empêcher, la Cerbère part dans la mêlée et ouvre le passage; elle sait que sa compagne la suivra et profitera de ses efforts qui ont, un peu quand même, vocation à se faire pardonner. Il en va de la vie de Satyne après tout, cette gamine que Samsa ne connait pas autrement que de nom, que de réputation, que du passé pas passé de Shawie; Satyne est à la brune ce que Zyg est à Samsa, la vie en plus. Alors, pour la cambrésienne morte, pour l'Espagnole, pour l'histoire de Samsa, pour elles, au nom de ce qu'elle est, sacrifice sera fait ce soir.

L'ignorance, quelle connerie.




* = paroles traduites de Akon - Sorry, blame on me

22/12/1464 04:11 : Vous avez frappé Satyne. Ce coup l'a probablement tué.
22/12/1464 04:11 : Vous avez engagé le combat contre l'armée "Justiciers Expéditionnaires Urgentistes" dirigée par Finn, l'armée "Les bonnets rouges" dirigée par Teo_le_balte, et l'armée "La Camarde" dirigée par Ladyphoenix.


Poste écrit à 4 mains avec JD Shawie

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Satyne
Son épée figée dans la main de l’Espagnole, Satyne bloque dessus un instant. Autour d’elle la bruine tombe au ralenti, les chocs du combat sont sourds, et les alentours s’effacent. Son cœur a raté un battement quand elle a pensé l’avoir visé d’un peu trop près. Elle s’en serait voulue de lui causer une meurtrissure sérieuse de plus. Elle aurait crevé de l’avoir crevé. Et l’endroit ne se prête pas vraiment à leur querelle. Cependant ainsi réduite et blessée Shawie ne va pas lâcher l’affaire, et la brunette sait d’avance que ça va encore s’envenimer.

Elle est presque décidée à prendre sur soi.
Presque.

Puis d’un coup ses pieds quittent le sol en un impact violent. Son corps entier plie vers l’arrière, les reins menaçant de céder. Elle tombe avec fracas, rebondissant sur quelques mètres. Déjà elle ne sent plus son bras gauche, et ses cotes enfoncées rendent pénible sa respiration. Quelle est la chose qui a pu la percuter avec cette force ? Un bélier foutre dieu ? Les royalistes ont donc autorisé les animaux dans la bataille ! Elle avait bien dit à Lemerco qu’une horde d’oies pourrait labourer les chairs exposées des culs dorés. Il l’avait fixé avec un air empreint de désespoir, et elle avait laissé tomber son idée. La mort dans l’âme.

Hébétée elle tente de se relever, cligne des yeux plusieurs fois, et cherche à rassembler ses idées. Ses coudes sont enfoncés dans la boue, et le tout est douloureux. Son armure de cuir fin pend par endroit, les harnais ayant quitté leurs boucles. C’est une protection sommaire qu’elle a là. Une matière bouillie, détrempée de cire d’abeille, qui permet tout de même de faire glisser quelques lames. Aucun ouvrage de ferraille. Elle n’arriverait pas à le porter. C’est pourtant ce qui fond sur elle, ou du moins ce qu’elle pense reconnaître. Dans le brouillard de sa vision c’est un chevalier tout entier qui surgit l’épée au clair. Merde. Elle croit bien qu’elle va se faire buter. Et le rempart ibérique n’y suffit pas. Alors qu’elle expire de crainte, ne pouvant prendre le temps de se protéger de son bras une lame glaciale lui fouille le flan et pique ses entrailles.

La douleur la cloue sur place. Dans l’humidité de la terre. Ne faisant qu’un avec la froideur de ce sol angevin. Ce qui se passe au-dessus de sa tête lui échappe. Elle est déjà ailleurs. File. Son cœur ralenti par le manque de sang qui s’y engouffre. Sa tunique devient carmin.

Carmin.
Elle a toujours aimé cette couleur.

Lui revient en mémoire le chignon de Scath quand elle s’attaquait à son ouvrage de broderie en plein conseil ducal. La Rouge disait toujours que les nerfs ainsi occupés s’évitaient des soubresauts de rage. La donzelle rit de cette phrase. Là, le flan ensanglanté, une espagnole et un dogue se rudoyant au-dessus de sa couronne noire, elle se voit agiter de légers soubresauts. Ses lèvres bleuies se fendent encore d’un sourire quand le visage de Shawie apparaît dans sa lucarne. Tiens, elle est encore là ?


Tu me mènes à la Grotte hein.

Sa voix est rauque. Croassante.
Le souffle est laborieux.

Elles se sont promis la crypte quand elles trépasseraient.
Elles se sont promis de venir se chercher.
Et il lui semble que c’est l’heure.
C’est un peu tôt tout de même. Merde hein.

La Grotte est ses rêves. Ses nombreuses rencontres dans les boyaux de pierre. Bien souvent des souvenirs fantômes, prisonniers des sous-bassements humides du lieu. C’est là-bas qu’elle l’a croisé pour la première fois. Celui que rien ne destinait à elle. Une chaleur subite l’envahit tandis qu’on la soulève. Et derrière ses paupières désormais closes dansent des instants chéris.

Elle voudrait dire à l’Espagnole qu’elle a plus de chance du côté royaliste qu’angevin. Qu’elle y connaît plus de monde. Qu’il y a bien une grande courge flanquée d’une particule qui s’occupera d’elle. Elle veut lui dire qu’elle veut lui éviter du chagrin. Et en éviter aussi aux autres. Qu’elle devra planquer sa carcasse pour qu’on ne la mouille pas de larmes inutiles. Pleurer c’est dégueulasse.

Il y a ses mains sur son visage.
Son odeur au matin.
Sa douceur dans l’étreinte.
Ils se sont choisis.

D’un coup une goulée d’air la transperce et elle pousse un cri. Au-dessus d’elle Shawie s’assure qu’elle respire encore.


Lâche rien Gamine !

Si on peut plus crever en paix hein !



22/12/1464 04:11 : Votre bouclier a été détruit.
22/12/1464 04:11 : Votre arme a été détruite.
22/12/1464 04:11 : Samsa vous a porté un coup d'épée. Vous êtes mort au combat.
22/12/1464 04:11 : Vous avez été attaqué par l'armée "Les Crocs du Basilic II" dirigée par Samsa, l'armée "L'Occitrogne : de Becs et de Ferrailles" dirigée par Ingeburge, l'armée "LaDiva" dirigée par Lothart, l'armée "Les Lames d'Amahir" dirigée par Astana, et l'armée "Ultima necat !" dirigée par Davor.

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--Louis_pierre



Garde la porte.

Voici à peu près tout ce qu’on lui a dit. En retrait de la porte principale, d’où on peut déjà entendre le vacarme des combats, Louis-Pierre attend patiemment. L’ouverture qu’il surveille n’est pas très large et marque généralement l’entrée de la garde de nuit. Quand les hommes de faction angevine reviennent de leur tour, s’assurant le long des remparts qu’aucun maraud ne traîne. Connue seulement des soldats et autres membres de l’OST, elle n’a pas lieu de faire l’objet de toutes les attentions. Aussi, le pauvre bougre à s’y coller pendant des heures a été choisi à la volée. Il faut cependant reconnaître que le manchot du coin n’est pas bien utile durant une guerre. D’office Louis-Pierre était promu.

L’homme gratte son moignon, crachant une chiquenaude de l’autre côté. Qu’est-ce qu’il s’emmerde. Et tous les matins il a droit au même récit surexcité des copains, tandis que lui moisi sur son tabouret de bois. C’est ainsi que l’on vous traite quand vous devenez d’une inutilité flagrante. Il aurait aimé se retirer chez lui, et profiter de sa maigre solde de combattant. Mais voilà bien longtemps que l’inactivité de sa blessure lui avait fait perdre argent, maison et famille. L’alcool lui avait alors profité un temps, et le jeu avait tâché de grignoter les restes.

Perdu dans ses pensées, sa langue se remémore le goût de la bière. Si les Angevins sont des pingres, ils n’en restent pas moins de sacrés soiffards, et tous les soirs ce sont les tournées générales qui se succèdent. Tout d’un coup, un son étouffé lui parvient, suivi d’un grattement à la porte. SA putain de bon sang de porte ! Le sang afflue à son visage avant de redescendre tout aussi prestement, et c’est d’une main mal assurée qu’il se saisit de son épée. En même temps, une mimine, il n’en a qu’une, le choix de la garde est vite fait.


Qui… qui va là ?
Satyne
Comment a-t-elle été traînée jusque dans Angers ? Comment a-t-elle pu survivre à la nuée humaine qui partait dans tous les sens sur le champ de bataille ? Comment se retrouvait-elle bandée de frais, figée sur une paillasse sous la tente des blessés ?

Autant de questions que Satyne se pose, l’esprit encore embrumé par les derniers événements. Elle se souvient bien du visage de Shawie. De l’angle imparfait de sa mâchoire quand elle serre les dents un peu trop fort. De la façon dont elle l’a soulevé, ce qui lui a alors donné l’impression de n’être qu’un fétu de paille. Ce n’est pas une sensation inconnue quand il s’agit de l’Espagnole. Elle régit son monde avec autant de délicatesse qu’un teuton en armure dans un magasin de porcelaine.

Cette nuit Satyne a pris conscience de tout ce qui se tramait. De ce qu’elle se refusait à laisser derrière elle pour l’inconstance d’une amitié qu’elle croit bien perdue aujourd’hui.

Elle lui a préféré la royauté.
Ça ne se pardonne pas.

Tartinée d’onguent de cerise, la brune essaie de calmer sa respiration laborieuse. Il y a encore des êtres chers dehors. Encore un qu’elle n’est pas prête à voir tomber. Et quand le dernier assaut sonne pour les « Bonnets Rouges » la donzelle se fait patience. Au matin la sentence tombe « il va bien ». La respiration se libère entre les lèvres craquelées et elle attend qu’il vienne l’enlever à cette ville qui pue la mort et la mauvaise victoire.

Oui, il y a deux nuits de cela Cerbère l’a tuée.
Elle a coupé un lien douloureux.
Elle lui a fermé les yeux sur des souvenirs et une nostalgie qui crève.

Il y a deux nuits de cela, Cerbère l’a rendue à une vie plus simple.
Et c'est Shawie qui est morte.

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Samsa
    "La vie n'est pas toujours ce qu'elle paraît être
    Tourne la tête une seconde et le jeu change
    Et je sais, je sais que je t'ai déçu
    Mais me croiras-tu quand je te dirai que je rattraperai ?"*


Droite. Gauche. Feinte, parade en quarte, coup d'épaule, pas en avant.
Rotation, protection, coup de poing, esquive, pas en avant.
Coup de baton, pas en arrière, charge, pas en avant.

Ainsi avançait Samsa dans la petite marée humaine angevine qu'elle contournait par le flanc, Shawie sur ses talons. Elle avance mais elle ignore où elle va, ce qu'elle fera une fois dans les lignes arrières quand dix angevins lui sauteront dessus parce qu'elle porte non seulement les couleurs royalistes d'une officier royale, mais en plus l'insigne de capitaine. Tout ce qu'elle veut, c'est trouver un coin tranquille où Shawie pourra laisser Satyne, où celle-ci sera rapidement prise en charge, mais dans ce champ de bataille, cet espoir semble vain et la gamine condamnée.
Une épée vole et la Cerbère la pare à temps. Loin de renoncer, l'angevin la bouscule, la plaque lourdement contre les pierres de la muraille qui ceinture Angers. Samsa est surprise de la force mais plus encore de l'existence de ce mur; elles y sont déjà ? Elles ont fait tant de chemin ? Bordel. C'est un coup à ne jamais revenir vivantes ça. A ne jamais revenir tout court car la Prime Secrétaire Royale n'a aucune illusion sur la destinée de son corps s'il tombe entre les mains angevines : décapité, écorché, trainé dans toute la ville et ainsi de suite. Celui de Shawie aurait sans doute la chance de finir en fosse commune, et celui de Satyne dans une tombe individuelle, peut-être même pas anonyme. Aux pays des clochards, les brigands sont rois.

Elles ne sont pas seules. Suivant leur capitaine, des royalistes sont à leurs côtés, occupent les ennemis et aident la Cerbère à se défaire de la prise angevine. Là, une porte. Samsa étouffée par une précédente poigne masculine s'y appuie un peu, le temps que son corps fasse de nouveau circuler de l'air dans les muscles en manque. Elle n'entend pas la question du garde derrière et, d'un coup d'épaule protégée par son bouclier, elle enfonce la porte pas verrouillée. Il n'y a pas à chipoter, demain, elle aura l'épaule raide et bleue.


-Oh merde pardi.

Un homme se dresse devant elle mais Cerbère surprise note rapidement sa faiblesse : manchot. Elle passe aussitôt à l'attaque, gênée cependant de l'étroitesse du lieu. S'il n'avait pas été manchot, Samsa aurait sans doute perdu le duel, incapable de pouvoir exprimer sa puissance, qu'elle soit dans ses coups de lame ou dans ses coups d'épaules, à cause des murs trop proches à son goût. Elle n'est pas assez souple et agile pour être supérieure, elle n'a rien d'autre que son expérience et sa propre technique. Et elle en usera.
Il assène un coup d'épée que la capitaine bloque de sa propre lame. Son poing gauche s'envole alors vers la mâchoire masculine et la carrure charpentée de Samsa parle lors du choc, accentué par le port des gantelets de combat. Le fer royal met l'homme déstabilisé en joue et enfin, elle peut parler.


-On vient rendre une combattante angevine pardi. Fais-la soigner té, et tout de suite pardi.

Tu me dis quand on y va Sha pardi.


Bon Cerbère chien de garde, Samsa fixe le garde pour s'assurer qu'il ne les étripe pas pendant que l'Espagnole fait ses au revoir et dépose là la célèbre brigande.
Après, il faudra rentrer et espérer y arriver entières et en vie.



* = paroles traduites de Imagine Dragons - I'm so sorry

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