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[RP] Faits de printemps : des essais conjugaux.

Hel_
    Froide chambre accueille en son cœur éteint, la roide toujours drapée de noir. D'un geste, pourtant, les lourdes fripes se voient délaissées au profit d'une nudité orgueilleuse. Naguère marmoréen, le minois dénonce en ses traits hautains, l'effroyable affliction qui agite son giron. Sous son masque de givre éternel, Camarde accueille pourtant en ses bras, la langoureuse carrure de son soupirant. Qui, pour l'heure, n'expire que son émoi sur la peau lactescente, celui-ci serpentant les accrocs pour venir s'échouer et mourir sur un sein qu'elle porte arrogant. En son étreinte, Nivéenne cherche à émaner ses sentiments secrets et à distiller le réconfort recherché. A défaut de paroles bien placées, ses tendres gestes tendent à rassurer l'esprit agité.


      « - Ne la prends pas, Hel. »
      Il murmure à peine la prière qui s'échoue sur son sein.
      « - Hel ne prend pas les plus vaillant. C'est assuré, qu'elle en est. »
      A l'entente de ces mots, nivéen palpitant ne peut s'empêcher de louper un battement et si la réponse paraît anodine, elle n'en est pas moins éloquente. 
      « - Elle l'est... Elle a déjà tant porté sur ses épaules, je crois.
      Mais si... mais si elle la prenait, tout de même ? »

      « - Alors, en les doux rayons venant échauder ta peau, en ce souffle venant l'enrober, tu pourras toujours la retrouver. »
      « - Tu parles... Tu parles comme s'il y avait quelque chose, après. »

      « - Peut-être. Mais je te parle d'attention et de souvenirs. Tout ce qui peut te faire sourire, peut être un peu d'elle. »
      « - Je ne veux pas de ses souvenirs... je ne veux pas de ses attentions. Je veux... Je ne veux pas qu'on me l'arrache, elle aussi. »
      « - La mort peut paraître bien impitoyable et cruelle. Mais quand les maux nous dépassent, elle prend des allures de libératrice. Mais elle est vaillante, tu le sais. »
      « - Libératrice... Libératrice... Libératrice, elle ne l'est pas pour ceux qui restent. »

      Il pousse un long soupir, les mâchoires crispées, chef cherchant réconfort plus doux dans la finesse de son giron.
      « - Je le sais. Et c'est en ça que les souvenirs importent. Puis.. Tu n'es pas seul. »
      Dans un tendre mouvement, les doigts de la Roide viennent gratifier la joue apparente, d'une caresse imprimée. Evroult saisit ses doigts, retenant la caresse pour mieux presser sa main.
      « - Je ne peux t'infliger ça... Si elle... Si elle part, je... »
      Il se tait, l'onyx un instant levé sur l'oeil céruléen revient au tableau de son corps, peiné.
      « - Tu le peux pourtant. Si notre amour est unique, c'est parce qu'il permet de se reposer sur l'autre. Que feras-tu ? Dis-moi. »
      L'oeillade inquiète s'abaisse trop vitement pour donner le change, sur le regard Aimé. Les bras attentifs resserrent encore l'étreinte.
      « - J'étais fou, lorsque j'ai appris pour... pour Blanche. Te souviens-tu de... Te souviens-tu de Panorea ? »
      « - Était-ce la seule raison à ce jeu que tu as mené ? Et ne sais-tu réagir que ainsi ? Je peux être le réceptacle de tes peines, comme de tes joies. Je ne suis pas qu'un corps sais-tu. »
      Il garde le silence, comme l'enfant qui sait qu'il a fauté. La pulpe de l'index trace quelques arabesques timides sur la marmoréenne.
      « - C'était d'ailleurs ce que nous avions écrit. Nous voulions tout deux être le confident de l'autre. Nous voulions connaître l'autre par cœur. »
      Le cœur de la biche tambourine légèrement en sa cage. Brièvement douloureux à l'idée de ne pas avoir ce rôle espéré.
      Adonis semble loin, & murmure pour lui-même qu'on écrit beaucoup de choses pour n'en faire qu'un brin. Un soupir à nouveau, & le nez redressé vient se heurter à la glace des iris qui le veillent.

      « - Pourquoi te le cacherais-je ? Je suis fait de chair, je réagis de chairs... J'ai besoin de... de ça. »
      Les prunelles céruléennes s'écartent de celles à présent relevées, masquant en leur fuite, la peine provoquée. 
      « - Tu as ma chair alors. N'est-ce pas ce dont tu as besoin ? »
      « - Tu... »
      « ... ne me suffis pas », mais les mots ne sortent pas. Il hoche la tête, sans rien ajouter qu'un baiser sur la pointe d'un orbe opalescent.
      « - Je ? Dis-moi. »
      Elle agite légèrement son buste, soustraignant la petite poitrine à ses lèvres. Craignant trop que la conversation ne soit écourtée par cette distraction.
      « - Tu.... es ce dont j'ai besoin. »
      Il ose même un sourire, effacé par ses lèvres qui reprennent possession quand elle voudrait s'enfuir. Pourtant, il est trop tard, déjà. Il a faim.


    Et, à l'heure où les chastes âmes s'endorment, l'éternelle mélopée s'élève au creux de la chambre assombrie. Les deux amants s’enlacent pour qu'il exulte sa détresse en l'amour provoqué et ressenti.




    Rédigé à quatre mains avec JD Evroult !

_________________
Evroult
    L’ourson venait à lui comme un basset tranquille. Là, il montait sur la jambe longue de l’éphèbe amusé, cherchant la tranche de lard encore sanguinolente en guise de gourmandise pour n’avoir pas rongé sa corde ; ici, il roulait dans la terre encore fraîche des dernières gelées, noircissant une fourrure qui lui donnait trop chaud. Bientôt, il perdrait l’épaisseur de son poil pour mieux supporter les chaleurs, tandis qu’il s’épaissirait de muscles & d’os pour devenir adulte. Déjà, il grandissait trop vite, & les nombreux crans du collier de cuir façonné par la Blanche paraissaient indispensables.

      « - Hel ! Tu irais lui chercher sa ration ? »
      « - Hm. Tu me revaudras ça. »
      Et déjà, Roide délassée se lève, disparaissant derrière l'imposant d'une charrette chargée.
      « - Il n'y a plus de provisions. Il faut écumer marché et boucher. »
      Lui, ne lève pas le nez du jeu & de sa bête. La main s'agite, impose, balaye.
      « - Eh bien, va ! Il a faim. »
      Camarde apparaît, entraînant en son sombre sillon, toute l'austérité de ses traits qu'elle porte hauts.
      « - Non. Je ne suis pas cette domestique que tu peux commander. Rends-toi y. »
      « - Allons, je ne te commande rien. Mais il a faim, enfin, & tu sais mieux que quiconque ce qu'il faut lui chercher. »

      Il pince un peu les lèvres, tentant de radoucir une voix un peu trop impérieuse.
      « - Allons, mon amour... va. »
      « - Tu peux t'en occuper. Cesses donc de déléguer les tâches ingrates pour ne jouir que des bons moments. »

      En signe de dénégation, la petite silhouette ploie pour trouver le confort relatif du sol. Lui se retourne, laissant l'ourson s'agripper au mollet par besoin du jeu, alors qu'il confronte la Blanche d'un regard agacé. Il souffle, clôt les paupières, les rouvre & fait un pas frustré par la bête à son pied.
      « - S'il-te-plaît... Ce n'est pas grand chose que je te demande ! »
      « - Je ne te demande pas plus. Prends donc tes responsabilités. »
      « - Quoi ! MES responsabilités ?! C'est le tien aussi ! Allons, ne t'en désiste pas ! »

      Il s'agace, s'agite, en sachant qu'il a tort. La fierté le perdra.
      « - Comment peux-tu oser me dire ça ?! Quand, chaque jour, je le nourris et je me charge d'acheter sa nourriture. Occupe-toi en. »
      Nivéenne garde sa position et son jugement intact. Les bras, même, se croisent contre ce petit buste qu'elle arbore.
      « - Tu n'as qu'à faire le marché & penser à ramener ton panier ! Ne me dis pas que c'est trop vous demander que de faire ce pour qu... Rha ! Moi, je fais toute son éducation ! »
      « - Il suffit. Je ne suis pas ton esclave que tu manipules comme tu le veux. Je ne le ferais pas, cette fois encore. »

      Le ton s'assèche quand le regard se durcit clairement. Les prunelles ne dardant que du givre sur son interlocuteur.
      « - Tu te... »
      Il se tait, interrompu par l'ourson qui manque de le faire tomber. Le col est accroché, l'animal durement reposé au sol, & l'agitation le conduit à s'accroupir près d'elle pour saisir son poignet.
      « - Tu te fiches de moi. Et qui le fera, hein ?! Je n'ai pas le temps pour ces absurdités, tu te dois de m'aider ! »
      Elle se détache sèchement, clairement énervée à présent. Le corps se redresse pour cabrer sa colère. »
      « - Toi. À quoi destines-tu donc ton temps si précieux ? Le mien, ne compte donc pas ? C'est TON ourson, plus que le mien. TU dois t'en occuper. Je le fais TOUS les jours. C'est TON tour. »
      « - Ah ! & que fais-tu donc de ton temps ? Tu écris & tu comptes pour un domaine dont tu ne jouis même pas ! »

      Il s'est redressé d'un même élan, opposant tout son corps au refus qui le glace. Le sourire mutin s'est mué en un rictus railleur qui dit tout de l'estime qu'il voue aux femmes qui travaillent.
      « - C'est un travail pour lequel je suis grassement payée, mieux que toi probablement. Cesses donc. Tu ne fais qu'éloigner le problème. Tu iras acheter cette nourriture car je ne le ferais pas. »
      Un rire gras accueille la réplique féminine.
      « - Mieux que moi ? Sais-tu seulement ce qu'une passe me rapporte ? Sais-tu seulement ce que je gagne lorsque je voue mon corps à d'autres qu'à toi ? Tu voudrais quoi, que je cesse & que tu nous nourisses ? C'est moi, qui te nourris ! »
      « - Tu me nourris ?! Allons bon. Ce qu'il ne faut pas entendre. Je me fous de ton travail, tout comme de ce que tu gagnes. Je gagne suffisamment et généreusement ma vie pour m'entretenir. Cessons de tergiverser. Tu ne fais qu'éviter ce qui te dérange. »
      « - Ce qui ME dérange ? C'est toi, que tout dérange ! Tu ne supportes ni mon métier, qu'avant tu voulais accepter, ni mes besoins, qu'avant tu voulais accepter, ni mes femmes, qu'avant tu voulais accepter, RIEN ! Tu ne veux même pas soulager toutes mes tâches d'un détour au marché ! »
      « - Encore. J'accepte ton métier. Ainsi que je te l'ai dit. Je ne savais qu'il te fallait bon nombre de femmes pour te satisfaire réellement et tu t'es clairement gardé de me le dire. »
      « - Tu le savais très bien ! Oh, tu l'as toujours su, ne fais pas l'innocente & la trompée avec moi, Hel ! Je ne t'ai rien caché ! Je t'avouais toutes mes nuits, toutes ! »
      « - Non. Tu n'avouais que tes passes. Que j'accepte sans ciller. Tu n'as pas avoué tes conquêtes. Si je suis si mauvaise et ingrate avec toi, pourquoi restes-tu ? »

      Roide se détourne de son interlocuteur, clairement blessée et attristée.
      « - Tu ne sais donc pas... »
      Il se tait. L'onyx fou d'une impétuosité qu'il ne maîtrise pas s'abaisse & s'accroche à la silhouette fine. Un pas, une main tendue, un geste sur son épaule pour mieux calmer leurs âmes. Instable, il l'est. Une seconde charmeur, l'autre sage, l'autre fou. L'amour n'arrange rien.
      « - Je t'aime. Je t'aime de toutes mes tripes. Voilà, pourquoi je reste. Voilà, pour j'accepte. Toi, tu n'acceptes pas. Passons. Oublions cette histoire. »
      « - Ah. Et que voudrais-tu que j'accepte ? Me faire ridiculiser chaque soir, à te voir séduire d'autres et te savoir en leurs cuisses ? J'accepte ton métier. J'accepte que tu voues ton corps à d'autres au sein du bordel. Ce n'est pas assez ?! »
      « - Arrête. »

      Entre ses mains habiles il saisit son minois, le corps tout entier vibrant d'être échauffé. Front à front, souffle à souffle, il veut taire la dispute.
      « - Assez. J'irai nourrir moi-même. »
      « - Réponds-moi ! Tout de suite. Que veux-tu que j'accepte encore ? »

      Poupée de son entre ses doigts, Hel se laisse faire, le regard toujours rétif s'accroche au sien, y dardant brusquement sa colère. Les souffles coléreux s'échangent, quand le corps entier crie à la réconciliation.
      « - Assez... Assez mon âme. »
      « - Oh non. Réponds-moi. »

      Un instant d'hésitation lui fait plonger l'onyx au fond de sa prunelle. Il se sait croincé. Pourtant, sans prévenir plus, il vient baiser ses lèvres avec toute l'ardeur des flammes qui les agitent. Il la fera plier. Le baiser est accepté et échangé. Petite biche cherchant à calmer l'ardeur de l'Aimé, sans toutefois renoncer.
      « - Dis-moi. Réponds à cette question. Je ne lâcherais pas. »
      « - Baise-moi. »
      « - Non. Pas avant que tu ne me répondes. »

      Il ne lâche rien non plus, plus pressé, plus pressant. Il ne l'épargne pas, & qu'importe l'affront qu'ils feraient au Soleil de se prendre en clairière, à la vue des promeneurs.
      « - Baise-moi ! »
      « - Non.. Attends.. Réponds-moi, s'il te plait. »
      « - Je n'attends pas... Je n'attends plus... Baise-moi, là. Je te veux. »
      « - J'ai dit non. Réponds-moi, ça ne prendra que peu de temps. »
      « - Accepte... »

      Il se recule d'un pas, détachant son emprise, la mâchoire crispée de trop de frustration.
      « - Accepte que je foute partout. »
      Et d'avoir lâché ça, il tournera le dos, pour dépasser le marché & retrouver le bordel. Travail ou non, il y éteindra sa peine.
      « - Je ne peux pas... »
      Et d'avoir entendu ça, petit corps se repliera pour mieux exulter silencieusement la douleur affolant son giron. Dans le même temps, les doigts regagnent la blessure ouverte, la douleur invoquée expiant des fautes dont elle se pense responsable.


    Et l'ourson dans tout ça ? Quel ourson ?

[À quatre mains.]
_________________
Hel_
    Il ronfle encore, main pleine d'un doudou de chair blanche, museau enfoui sous la crinière nivéenne. En leur étreinte tenue, les afflictions agitant son giron se voient calmées. D'un mouvement, Roide lui fait face, osant hausser la voix.

      « - Evroult ? Min kjærlighet*... »
      Le ronflement se perd, s'étouffe dans la gorge qui grogne, déjà. Tendre sourire s'esquisse sur l'austère minois, délicatement, les lèvres viennent baiser celles du geignard.
      « - Evroult... »
      Il tend les lèvres, encore, coulant une senestre vive sur le fessier marmoréen. De là, il grogne à nouveau comme seule réponse. Aimablement, les carminés concèdent plusieurs baisers à l'endormi. L'accolade se resserre, offrant quelques caresses pour lui assurer un réveil agréable.
      « - Je t'aime, fait esquisser un sourire bête & doux sur les lippes masculines.
      « - Jeg elsk... ke... eehr... eggue...** »
      L'essai s'étouffe dans un bâillement grave. Un rire naît en sa gorge, bien vite interrompu toutefois.
      « - J'ai besoin de te parler... »
      La paupière lourde qui espérait encore un réveil en douceur finit par se lever. L'onyx encore éteint interroge, luttant contre le jour.
      « - Mhm... ? »
      De ses maigres bras, elle l'accole à nouveau, nichant son nez en son cou, pour mieux s'y cacher.
      « - C'est à propos d'hier. »
      « - J'ai... »

      Il s'éclaircit la gorge, voix trop rauque encore.
      « - ... déjà oublié. »
      Nul doute qu'il voudrait échapper à la scène. L'illustrant, senestre se saisit mieux de la chair à sa portée.
      « - Moi non. Mais je n'ai pas envie de batailler avec toi. Laisse-moi parler. »
      D'un soupir long & lasse, il acquiesce. L'onyx déjà s'est revêtu de chair pour profiter encore. Camarde porte à la chevelure, une petite main, pour mieux y distiller ses caresses.
      « - Va... Je t'écoute. »
      « - Je ne peux pas accepter ce que tu as demandé. Mais je peux redoubler d'ardeur, me plier à tes désirs, devenir gironde s'il faut. Même, m'affubler convenablement. Je t'aime Evroult mais ça, je ne pourrais. »

      Nivéenne, dans un mouvement, courbe sa silhouette pour mieux s'accrocher à la musculature aimée. Lui, d'une oreille qu'il voudrait attentive, s'amuse pourtant à découvrir ce cuir marmoréen qui finit de le tirer de son sommeil de plomb.
      « - Sinon... je...je. »
      « - Tu... ? Tu, quoi ? »
      « - Si ça ne suffit pas.. Je peux... peut-être m'éloigner.. ? »

      A la prononciation, les prunelles céruléennes, déjà bien trop brillantes, ne peuvent contenir la larme s'échappant de ces cils clairs. Celle-ci brisant en son sillon damné ce masque d'austérité si bien rodé.
      « - Hel, souffle-t-il sans même voir la larme, la pulpe de ses doigts pressant la chair tendre qu'il voudrait rassurer. Je ne veux pas te perdre... Tu es parfaite ainsi. Je ne veux pas que tu changes, je ne veux pas que tu partes, je veux t'aimer encore comme je t'aime aujourd'hui. Les autres ne comptent pas... Je te l'ai dit, déjà. Pourquoi... pourquoi t'obstines-tu ?
      Tu sais... tu sais ce que je suis. »

      Il prend le temps de dire, en caressant ses courbes, le calme de l'instant tranchant avec les mots de la veille.
      « - J'ai besoin... d'expériences. J'ai besoin de ces autres, quand tu auras pourtant toujours le dernier mot. Toi première, toi dernière, toi toujours... il n'y a que toi qui compte. »
      « - Je n'en supporte pas l'idée... Je suis désolée.. Je.. »

      Les mots restent en suspens, interrompu par un silencieux sanglot. A ses joues, se mêlent les derniers remparts d'un masque à présent éclaté et les larmes expiatrices. Enfin il daigne soulever ses paupières pour faire face à Douleur, les doigts quittant les courbes pour rejoindre ses traits teintés de sel & d'eau.
      « - Ô mon amour, je t'en prie... Vois... vois les choses autrement... Tu les surpasses toutes & tu tiens en ta poigne d'albâtre toute mon âme & mon coeur. Elles n'auront rien quand toi, tu auras toujours tout. Tu n'as rien à prouver, & elles te jalousent plus que tu ne les jalouseras jamais. Tu leur es supérieure. Tu le seras toujours. »
      « - Cesses tes cajoleries.. »
      « - Non. Je dis comme je le pense. Je dis comme je le sens. J'ai plus besoin de toi que d'elles toutes réunies. »

      « - Alors cesses.. Et ne garde que moi. Je ne supporte pas l'idée de te savoir entre leurs cuisses ni celle de te savoir attiré. Je n'ai pas envie de te voir chercher à les séduire pour mieux les baiser quand je serais délaissée et esseulée. Tu.. ça me fait du mal. »
      Froid minois se détourne, évitant d'exposer le spectacle de sa douleur quand les cils ne cessent de laisser couler ses larmes.
      « - Ô ma douce, sèche donc... Tu me fends le coeur, là. »
      Il n'ajoute rien de plus, sachant ce combat-ci perdu pour la journée. Au moins. Mains reviennent à son corps, pour apaiser la roide.
      « - Soit, soit... Soit, je n'en ferais plus rien. »



    La promesse s'essouffle dans le tendre de l'étreinte qu'il impose, ne laissant aucun doute quant à ses intentions. L'homme est ainsi fait : il se parjure mille fois sans même tressaillir lorsqu'il sait la chair à sa portée. Il la veut, il la prend. La promesse ? Faux-serment.




    *Mon amour en norvégien.
    ** Tentative d'un « Jeg elsker deg » norvégien qui voudrait dire Je t'aime s'il était articulé.
    Rédigé à quatre mains avec JD Evroult !

_________________
Evroult
    Courbé sur son ouvrage, petit écritoire en équilibre sur sa cuisse qui accueillait le parchemin, la plume, & l’encrier, assis à même le plancher de bois comme si nulle assise présente ne l’avait mérité, Evroult s’appliquait à répondre à celles qui, sans être amies, partageaient ses couches & ses passions. Jour de veille, nuit de passes, il espérait diluer désormais, en ces mots frivoles & légers, la peine qui l’étreignait encore. De son côté, Nivéenne délaissée passait le temps, fin séant vissé en un bouge quelconque. De cette joyeuse soirée, elle n'a seulement profité du vin offert généreusement. L'alcool aidant, Roide s'en voyait délassée et chemin faisant, maigre silhouette trouva et retrouva la petite chambre exiguë. En son sillon, elle referma hâtivement la porte, s'y adossant pour mieux observer l'Ephèbe occupé. Lui, releva le nez, à peine surpris d'une arrivée saisie dès l'escalier tant elle s'était faite peu discrète. Le sourire qu'il s'apprêtait à lui offrir s'étouffa dans l'inquiétude qui naquit de voir le teint étrange de l'immuable roide, & il délaissa sa lettre pour se dresser déjà, tachant d'encre braies & doigts.

      - Hel ? Tout va bien ?
      Il s'approche déjà.
      - J'ai trop bu, déjà.
      Elle vrille son regard hagard, levant une petite main, rendue hésitante par son état, pour saisir sa peau d'une caresse. Mais la main est saisie, retenue par le poignet, alors que l'onyx sévère se pose sur nivéenne.
      - Bu ? Trop ?
      Il semble vouloir juger, & pourtant un sourire moqueur nait au coin de sa lippe.
      - Toi qui criait scandale quand j'ai été ivre une fois ?
      - Aucun scandale. Et je n'ai fait les yeux doux à personne.
      Camarde s'approche maladroitement de son vis-à-vis, cherchant l'étreinte et sa chaleur.
      - Ce que tu dis.
      Le sourire est présent, & pression se relâche pour baiser tendrement la main marmoréenne. Il en profite encore, attire l'enivrée en ses bras, & d'un rictus orgueilleusement satisfait lui offre ce qu'elle quémande.
      - Et cet état, pour quel honneur est-il ?
      Hel se perd en son accolade, les petites mains s'accrochant par automatisme au col de sa chemise.
      - Aah. Mais on m'a fait les yeux doux, l'autre soir. La fin de mission des autres. L'alcool coulait .... à flot.
      Elle réussit, encore, à faire froncer les sourcils de l'éphèbe qui, reculant un peu, saisit du bout de ses doigts encrés le menton féminin.
      - Vraiment ? Qui donc ? Quand... raconte-moi cette histoire.
      - Je voudrais déjà m’asseoir…
      Roide se détache de sa carrure et rejoint à pas titubants la couche partagée. Les jambes manquent de fléchir tant l'échine est endormie par l'alcool. Elle n'en a pas le temps pourtant que déjà les mains, prévenantes, sont venues saisir la taille fine pour l'aider à s'asseoir. Il esquisse un rire bref, de ceux qui ne sont pas joyeux, & s'installe près d'elle en l'observant longuement.
      - Tu voudrais une bassine ? Manger quelque chose peut-être ?
      Elle prend ses aises en leur couche, l'épine de son dos prenant appui en l'édredon moelleux. Elle tapote lentement ses cuisses, l'invitant à s'installer, quand, déjà, elle reprend la parole.
      - Oh non. Viens, je te conte.
      Plus un mot, & le corps qui obéit au désir féminin. Le nez s'est bien plissé, mais l'ivresse de sa douce fait ployer ses barrières. Les doigts féminins distillent avec une nette maladresse quelques caresses à ses ténébreux cheveux.
      - C'était hier. Il a dit être saoul de mes paroles et qu'il s'en abreuverait volontier. Tu vois.... Les yeux doux.
      - Les yeux... doux ? Ah !
      Il roule des yeux, agacé mais moqueur.
      - Ses mots n'ont rien de doux, ni rien de romantique... Ils sont... ah, baste ! & qu'as-tu dit ?
      - Ah, que m'aurais-tu dit alors ? J'ai dit que ci-bas, il ne s'abreuverait que de godet. Théodrik est venu ensuite. Il a su calmer les ardeurs.
      - Théodrik, lui, a calmé les ardeurs ?
      Il ne semble retenir que ça, tournant les yeux sur la Blanche.
      - Mais j'ai su le faire aussi.
      - Su faire quoi ?
      - Eh bien. Calmer ses ardeurs ! Suis donc.
      - Toi ?
      - Mais oui. Tu ne m'en crois pas capable ?
      Il rit, détourne les yeux.
      - Bien sûr, bien sûr... ça se saurait si les femmes...
      - Si les femmes ?
      - Allons, mon ange...
      Il se redresse sur le coude, main glissant sur la hanche de la roide dans une caresse tendre.
      - Si tu me dis que ton frère est intervenu, ça me suffit pour être rassuré.
      Épaules brièvement haussées, il assure l'étonnement que lui provoque sa propre phrase.
      - Je sais me débrouiller seule. Il y avait aussi cet homme-là en Anjou...
      Nivéenne ne termine pas sa phrase, trop engourdie par l'alcool en son corps. Elle s'agite légèrement, cherchant à s'allonger tout à son côté.
      - Eh bien ! Dis ! Finis donc...
      - Oh.. Il voulait me visiter tu sais. Je m'en suis occupée seule. Pas de preux chevalier pour calmer ses ardeurs à lui.
      - Ah. Lui.
      Il hoche vaguement la tête, les mâchoires se crispant imperceptiblement.
      - Une fois n'est pas coutume, il en faut bien qui confirment la règle. Soit.
      - Tu dis n'importe quoi...
      - Dis l'ivre...
      - Tu ne me fais pas confiance...
      Elle s'allonge, tournant le profil abîmé en sa direction pour mieux l'observer. Le regard, bien que trouble, se gorge de tendresse.
      - Je te fais confiance. A toi plus qu'à toutes les autres. Mais de nature...
      Il se tait, hausse à nouveau les épaules en laissant sa phrase en suspens. "Les femmes ne sont pas faites pour résister", dirait-il.
      - Mais de nature, les femmes sont plus raisonnables. Et je ne suis pas femme. Je suis moi.
      - Mais oui... mais oui ma douce.
      Il esquisse un sourire, lui ouvre ses bras en préférant se taire.
      - Aime-moi mon amour.
      Ça semble plus facile, quand elle est ivre.

[À quatre mains.]
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Hel_
    A l'aune d'une neuve journée, les rayons délaissés de leur timidité hivernale, élancent leur chaleur pour mieux surprendre et cajoler les silhouettes encore entrelacées. Sitôt éveillée, Nivéenne se permet de détailler le visage délassé. Pourtant incommodée par un mal inconnu, elle tente de juguler le dégoût éreintant son estomac encore vide de vivres. D'un geste et n'y tenant plus, elle s'extirpe de la plaisante accolade pour allouer au parquet, quelques pas hagards. Esseulée au coin de la pièce, un haut le coeur la prend et rend à ce pot nonchalant ce qu'il reste en son corps. Lui qui profitait encore de l'étreinte matinale se cale sur ses coudes en entendant la Blanche. D'un sourcil froncé & encore endormi, il grogne :


      « - Tu as bu à ce point ? Et ça se moque de moi... »
      « - Non. Je me sens mal depuis plusieurs jours déjà. »
      Roide silhouette à présent éreintée se laisse glisser, maigrelet séant trouvant en cette occasion le réconfort sommaire du sol froid. Il s'enfonce dans la couche, les yeux fermés, tentant de retrouver le calme d'un sommeil qu'il voulait réparateur.
      « - La nourriture te dérange encore ? Tu as l'estomac bien fragile. »
      « - Allons bon... J'ai l'estomac solide. Je ne.. sais pas. Tout me dégoûte. »
      A ces mots, elle fait de l'effort de se lever à nouveau, laissant sa carrure s'échouer au travers du lit. Le visage aux traits tirés s'affiche plus pâle encore. Evroult finit par se redresser, enfin, fixant de son onyx à peine ouvert la carrure de la frêle.
      « - Une bonne saignée, &... »
      Il s'interrompt, enfin tout à fait assis sur la couche, deux doigts venant soutenir le menton féminin.
      « - Tu as bien pris tes herbes ? »
      Le ton s'est fait accusateur avant même qu'elle ne réponde.
      « - Chaque jour. Pourq.. »
      Hel relève son regard froid, soutenant les accusations silencieuses qui, pourtant, abîment son giron.
      « - Chaque jour, en es-tu bien certaine ? N'as-tu pas oublié ? Pas une fois ? Pas une seule ? Si tu as oublié...
      « - Je n'ai pas oublié. Je ne suis pas sotte. »
      Le ton se durcit tant et si bien que ses paroles ne distillent que gel. A la fois, désœuvrée à l'idée que son ventre puisse être habité et dépitée de son attitude. Lui ne desserre pas les mâchoires, le doute s'insinuant malgré tout.
      « - Si jamais tu... ah non ! Ne me fais pas un coup comme ça. »
      « - Il suffit ! Ne me parle pas comme ça. Jamais, je ne ferais ça. Nous n'y avons pas intérêt.. »
      « - Non, nous n'y avons pas intérêt. Lève-toi. »

      Lui-même se lève, l'inquiétude ayant oté les dernières traces de sommeil. Il cherche ses braies, agacé déjà.
      « - Tu es... »
      Camarde retient la fin de sa phrase, dressant lentement son échine, évitant le regard masculin pour ne pas se sentir plus coupable de ce qu'elle ne peut contrôler.
      « - Nous n'aurons jamais l'intérêt. »
      « - Non, jamais. »
      Il ne mesure pas la portée de ses mots, trouvant enfin les braies & la chemise qu'il enfile prestement. D'une senestre vive, il la presse.
      « - Allons, avance, nous allons trouver quelqu'un qui vérifiera... ton état. »
      « - Doucement. Tu.. Cesse de me trouver des reproches. »
      Nivéenne se détourne, cherchant en les plis des draps ses fripes oubliées. Par ce geste, elle cache vitement l'émoi agitant subitement son visage autrefois austère.
      « - Je ne te reproche rien ! »
      Il se retourne d'une traite, les poings serrés, l'angoisse d'une annonce à laquelle il ne sera jamais prêt réveillant colère & impétuosité. Pourtant, l'onyx fixé sur elle s'attendrit bien vite, le corps tout entier revenant lui offrir ses bras comme excuse.
      « - Je... pardon. »
      Elle se laisse faire, appuyant son dos contre son torse chaleureux. En son étreinte, elle tente de se délaisser des angoisses l'agitant. Dans un souffle, elle ajoute.
      « - Moi aussi, j'ai peur. »
      « - Ce n'est pas... ce n'est pas envisageable... Du tout... tu comprends, n'est-ce pas ? »
      Il hésite à continuer, & la serre un peu plus contre lui, déposant un baiser sur le haut de son crâne.
      « - Je ne suis pas homme à... eh bien, à... à être père. »
      « - Je... Je sais.. Mais... Enfin.. Si.. »
      Pourtant certaine de faire une mauvaise mère, la tristesse ne tarde pas à venir agacer ses traits, s'octroyant une place sans qu'elle ne résiste vraiment. Il hoche la tête sans répondre, lisant en elle comme dans un livre ouvert. A défaut de pouvoir lui offrir une réponse qui apaise sa peine, il souffle un dernier baiser sur le front de la roide.
      « - Allons. »


    Et dans la quiétude de cette matinée, les deux silhouettes entrelacées s'extirpent à l'aimable chaleur de cette chambre complice. L'angoisse borde leurs pas et se love à l'ombre projeté, empoisonnant de son fiel les esprits agités.



    Rédigé à quatre mains avec JD Evroult !

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Evroult
    A la seule lueur de la lune blafarde, deux silhouettes esquissent les pas malicieux, de ceux qui se rendent complices de lubriques incartades. Là, entre deux rangées d'arbres feuillus, l'onde soyeuse et tranquille du lac apparaît. A cette heure-ci, les alentours délaissés offrent aux regards enamourés, le fabuleux diorama d'une eau, à présent, sybilline. Véritable miroir, elle réfléchit l'image d'un monde empli de noirceur aux badauds attardés. En la rive bordée d'une kyrielle de pavés sirupeux, ils s'avancent, bercés des fragrances de brochet fort & frais emplissant leurs narines, finissant de dresser le portrait pittoresque d'un bain de minuit sous la lueur astrale.

      « - Ah ! »
      Déjà, il déboutonne sa chemise, peu frileux ce soir d'avoir assez ri. Dans un même mouvement, lactescente abandonne la chemise couvrant sa peau. Exposant blancheur et arrondis aux yeux ténébreux et aux astres lumineux.
      « - Tu n'as pas intérêt à faire le frileux, encore ! »
      « - Eh bien ! Tu ne vois donc pas, je me déshabille pour toi & tes folies du soir. Vois ! »

      Et il fait tomber chemise & braies d'un geste, les bottes ayant été balancées à peine plus tôt, fier & beau de se dresser sans honte, sans crainte d'être vu. Loin de ces habitudes, un rire léger et tintant perce la noirceur environnante. D'un geste, elle l'attire dans une étreinte alors que ces mains trop hâtives peinent à délester entièrement son corps.
      « - Folies que tu encourages ! Ce n'en sont donc pas vraiment. »
      « - Je n'encourage rien... je me laisse porter. »

      Il l'aide pourtant, virant les fripes encombrantes pour mieux retrouver son corps blanc. La nudité orgueilleuse s'expose aux onyx envieuses. Les courbes et les déliés ne craignant nullement le regard des tardifs désœuvrés, quand seule compte l'œillade de l'Aimé.
      « - Continues d'encourager alors. J'aime ces moments. »
      A la lueur faiblarde des galaxies, les deux ombres s'enlacent un instant, avant que Roide ne quitte sa chaleur pour trouver l'onde froide. Un pied, curieux et prudent, s'y glisse, mesurant la froideur de cette nuit. Mais le loup déjà s'est glissé derrière elle, & à l'hésitation lui prend la décision : la taille fine saisie est emportée dans l'élan qui les trempe jusqu'à l'os. Lui, rit comme un benêt, de jeux d'enfants aisément retrouvés.
      « - Et c'est moi le frileux, dis-tu ! tousse-t-il en recrachant la bolée d'eau claire qu'il a manqué de boire. Ralenti par la flotte, il rattrape sa taille & la tient contre lui. Tu vois, tu illumines. »
      De son côté, Blafarde, complétement immergée, refait surface. La blanche chevelure est rejetée en arrière en même temps qu'un rire enfantin, de ceux qui jamais n'ont été exclamé encore, s'échappe de sa gorge nue. L'étreinte protectrice est savourée, la fine carrure prenant appui contre celle, plus musculeuse de son amant.
      « - Et c'est entièrement grâce à toi. Mais c'est toi qui rayonne. »
      Joueuse, elle rejette l'accolade et s'éloigne de quelques brassées rapides. Devenue souris fugueuse, elle fuit sans même se retourner, initiant une poursuite aux enjeux espiègles. Il lâche un rire encore, se laissant entraîner dans le jeu à grands coups d'éclaboussures & de brasses légères.

      Voilà qu'ils sont heureux & qu'ils ne pensent qu'à eux. Voilà qu'ils sont heureux & qu'ils s'aiment sans honte. Suffisamment rare pour être apprécié à sa juste valeur, ce bonheur fugace en ces temps bien trop troubles vient animer leurs âmes encore espiègles d'enfants mûrs trop tôt. Voilà qu'ils sont heureux en conjuguant le présent.

      « - Jeg elsker deg, min kærlighet. »
      Rongeur fuyeur s'évade des griffes félines, quelques giclures s'échouent à son visage, érigeant par là-même, d'éphémères et ridicules remparts protecteurs. L'instant heureux est intériorisé, le bonheur ainsi ressenti échaude doucement sa silhouette. Celui-ci prenant naissance en le creux de ses entrailles pour s'évader et irradier jusqu'à ses doigts fins. A la révélation, bien qu'énième, la course se stoppe et le visage se couvre d'un hâle rosé et bienheureux.
      « - Jeg elsker deg, min anbud. »
      Dans ces mots étrangers qu'il apprend & qu'il boit, il y la douce vérité qu'il juge, trop souvent, altérée par sa langue grossière. Lui qui se parjure tant à toutes les aimer laisse couler dans cet accent du Nord ce qu'il ne sait plus dire sans le penser vraiment. Là, Evroult couvre d'un regard ruisselant de sentiments la favorite, la seule, l'unique, pour qu'il aura appris à dire "je t'aime" dans des langues imprononçables. Pour elle, il aurait même pu les inventer, si leur romance souvent n'était pas si terre-à-terre. Pour elle, il lui réserverait, comme un secret qu'elle seule aurait l'honneur de partager. Redevenant sérieuse, Roide se perd en sa contemplation, son regard glacial se couvrant d'une tendresse exposant l'entiéreté de ses sentiments. Subjuguée par l'intensité de ce simple moment, elle reste statique, tâchant de graver en sa mémoire, la beauté de l'instant. Elle fait fi des incompréhensions et de la douleur passée, cette soirée s'annonçant comme une énième découverte encore.
      « - Offrons-nous toujours ce bonheur, mon amour. »
      « - Toujours. »

      C'est un "toujours" qui sonne comme un serment, juré sous la prunelle immuable de la Lune, froide matronne berçant son engeance précieuse. En première réponse, les traits de la Camarde ne se font plus si austères, un sourire venant réchauffer ses lèvres charnues. D'un geste, enfin, elle s'approche pour nouer ses bras à ses épaules. Les lippes frôlent leurs homologues.
      « - Toujours. »

[À quatre mains.]
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Hel_
    Tout était parti d'un malheureux concours de circonstances.
    La veille, d'une discussion tendre & mielleuse était sorti l'aveu qu'il aurait pu, si l'Église avait pu l'y autoriser, lui, courtisan, épouser roide pour finir de prouver son amour. Ce jour, l'œil attentif & inquiet d'une Isaure candide s'était accroché aux états de la Blanche qui masquait peu le mal qui voulait l'habiter, lâchant légèrement une question lourde d'innocence : Evroult, allez-vous l'épouser ? La réaction du jeune Loup piégé ne s'était pas fait attendre. Alors que le frère scandinave jouait la camaraderie en sauvant les fesses échauffées de l'Éphèbe, ce dernier vrillait un regard sombre sur l'oiselle évidemment responsable de l'embuscade. Elle avait piaillé auprès de ses comparses qu'il aurait pu être mari convenable.
    Voilà. Il avait fallu si peu pour relancer méfiance, colère & désespoir en leurs cœurs fébriles.

      « - Jamais, je ne te piègerais. Pourquoi le ferais-je ? »
      « - Pourquoi ? Pourquoi ?! Parce que tu voudrais que je te sois enchaîné & que je me renie tout entier, pour toi ! Parce que tu ne supportes pas de ne pas avoir la chaîne qui m'empêcherait de les séduire encore. »

      Hel passe une main sur son visage, les yeux trop brillants pour oser le regarder.
      « - Mais je n'ai rien fait. Entends ça ! Je n'ai rien dit ! Sauf à toi. Mais oublie. »
      « - Parce que tu n'as pas conscience que c'est d'un courtisan, dont tu t'es entichée, & que de là même tu ne peux oser dire que tu voudrais d'un "couple simple" ! »
      « - Oublie. Oublie. Oublie. Oublie. Tout. Je ne veux plus. »
      « - Quoi ? »

      Evroult a les sourcils froncés, l'onyx sombre vissé sur les traits de la roide.
      « - Maintenant, tu ne veux plus ? »
      Hel écrase la larme d'un geste qu'elle voudrait discret en son bandage. Les lèvres s'y apposant.
      « - Je ne veux plus qu'on s'épouse, si c'est pour que tu penses cela. »
      « - Tout ça pour... »
      « - Je ne veux plus que l'on partage ces moments simples, si tu penses que je ne comprends pas. »

      Evroult se tait. Il prend conscience qu'il va trop loin, & tente de se reprendre.
      « - Tu... »
      « - Je ne veux plus rire avec toi, si tu ne penses tout de même pas que nous sommes un couple. »
      «- Hel... »
      « - Je ne veux plus partager avec toi, si tu penses tout cela. Je ne veux plus me confier. Je ne veux plus tenter d'être ta confidente. »

      Evroult inspire & délaisse sa chaise pour s'agenouiller aux pieds de la roide, les doigts se saisissant des poignets féminins.
      «- Tu ne me crois jamais et n'a de cesse de me reprocher des choses. »
      « - Hel... Hel... pardon... pardonne-moi... Pardon... Ce n'est pas... Non, arrête, arrête ça. Ce n'est pas ce que je voulais... »
      « - Non.. Tu ne m'autorises pas à être autre chose que ce corps que tu envies. Je veux juste qu'on partage. Tout. Quand tu... »
      « - Hel... Mon ange... mon opaline, Hel, ce n'est pas vrai... Ce n'est pas vrai... »

      Hel n'a pas décollé le poignet abîmé de son visage, trop fragile encore.
      « - Prouve-moi le contraire. Prouve-moi le contraire quand déjà, tu voyais mes simples demandes comme un fardeau. Quand, tu juges et casses mes envies. »
      « - S'il-te-plaît, mon amour, mon unique, pardon... tu n'es pas... Que veux-tu que... Comment me rattraper ? »
      « - Peut-être même t'en moques-tu de ces envies. Je ne sais pas.. »

      Hel détache finalement le poignet, tombant son regard sur lui.
      « - Oh, Hel, je t'en prie... Tes envies sont les miennes... Je ne vis que... »
      Evroult se tait à son regard, l'onyx troublé cherchant à lire les pensées de la roide.
      « - Tes envies ne sont pas les miennes. Tu ne penserais pas ainsi sinon. »
      Hel plonge son regard douloureux en le sien, les pensées n'exprimant que la tristesse de se sentir rejetée et incomprise.
      « - Tes... je... Oh ma douce... Pardon.... pardonne-mes mots & mes gestes... »
      « - Je t'accepte. Je t'accepte comme je peux. Ton métier m'est égal. Je me contrefous de te savoir en train de baiser d'autres au bordel. Je fais l'effort de ne pas être tant jalouse. Mais tu ne t'intéresses pas même à mes envies. Ni même en leur raison. Tu penses tous mes gestes, toutes mes paroles comme des pièges, comme des reproches, comme des coups calculés.
      Je sais tout ce que tu es. »
      « - Ce... Ce n'est pas vrai, amour, allons... Regarde ! Regarde, j'ai... j'ai nourri Thorbjörn toute la semaine sans plus rien te demander, je t'ai laissé... je n'ai pas... je suis resté... »

      Éphèbe s'embourbe dans des excuses dont il ne suit pas le fil lui-même. Ses doigts enserrent les poignets fins, tentant vainement de ramener le bras blessé loin des lèvres destructrices de Camarde.
      « - Tu.. Si je voulais que tu m'épouses, c'était uniquement pour la promesse de cet amour quasi immortel. Je voulais perpétuellement continuer à partager ces bonheurs simples. A l'instar de ces couples. Bien que tu sois courtisan, rien ne t'empêche de former un couple. C'est toi, qui mets toutes les barrières. Je voulais... »
      Roide délaisse son poignet fragilisé à sa pogne, trop chagrinée pour combattre réellement.
      « - Laisse. Je ne veux plus. Contente-toi de me... »
      « - De te quoi ? Te laisserais-tu croire que je ne pense qu'à te baiser ? »

      Ce mot qu'il aime tant, pourtant, a ce soir des accents d'injure.
      « - Hel... Je t'en prie, écoute-moi quand je te dis combien tu es unique. Je... »
      Il pousse un soupir, prenant le sol pour siège sans lâcher les poignets, l'onyx baissé sur les genoux nivéens.
      « - Je suis un... con... avec toi. »
      « - À quoi bon quand tu ne veux partager quelques envies avec moi. Ces moments au lac, ces rires, ces tendresses échangées, ce sont là des bonheurs que les couples partagent. Je voudrais toujours le ressentir ce bonheur. Je voudrais que nous profitions du simple fait d'être ensemble, enlacé. Je voudrais que tu me fasses l'amour, plus que de me baiser. Je voudrais que tu comprennes que, déjà, nous sommes un couple. Ou du moins, que tu l'acceptes. Mais, va, je ne te demanderais, ni n'attendrais plus. »
      « - Et nous les partageons ! »

      Il s'accroche à ces mots comme à une bouée en mer.
      « - Mais nous les partageons, n'est-ce pas... N'est-ce pas ce que nous avons, déjà ? »
      Il lève un onyx tendre & calmé sur la silhouette gelée, ne semblant pas comprendre.
      « - Mais je ferai... je ferai plus. Je ferai plus pour toi. »
      « - C'est toi même qui a dit que nous n'étions pas un couple... Non, ne fais rien. Ne te renies surtout pas pour moi.. »

      Blafarde détourne le regard, les prunelles trop brillantes pour oser s'apposer encore aux onyx accalmées.
      « - Je... Tu... Nous... »
      Je, tu, nous. Voilà bien une rengaine qu'à trop chanter pour toutes, il ne peut plus comprendre lorsque c'est trop sérieux.
      « - J'ai eu tort... Je voudrais... »
      Il se redresse, à genoux, les poignets de la roide prisonniers d'une étreinte tendre, relevant tout à fait son visage pour confronter la Blanche.
      « - Je voudrais passer ma vie entière à tes côtés. »
      Camarde réprime difficilement un sanglot, celui-ci secouant longuement son échine. Sous son impulsion, le visage trop émotif à présent, se tourne en la direction de l'Éphèbe, lui faisant ainsi face.
      « - Est-ce une fausse promesse ou une réelle envie ? »
      Il soutient & confirme, la voix enrouée d'un trop plein de sentiments.
      « - Jusque même après ma mort je voudrais d'une vie près de toi. Près de... tes rires discrets si durs à t'arracher, de ta légendaire froideur qui ne me trompe plus... Près de ta sagesse & ton flegme, ton don précieux pour écouter & entendre les non-dits... Près de toi & ta silhouette d'ange, parée de ce blanc si pur & si... »
      À ses mots, la pulpe du doigt glisse sur la paume nivéenne, illustrant s'il le fallait encore la tendreté de la scène.
      « - Je voudrais toute ma vie de ta voix, de tes gestes, de l'acéré de ton esprit & même de tes faiblesses pour les pâtes de fruits. Je voudrais ne les perdre jamais & mourir mille fois pour les protéger. Pour te protéger toi, ta beauté & ton âme... Mon amour, je ne suis... je ne suis pas courtisan avec toi. Tu sais me rendre mes sentiments quand je ne suis fait que de chair & de vice... Tu sais... Tu sais, toi. »
      Sans un mot de plus, raide silhouette glisse lentement de sa chaise, le séant se réceptionnant durement sur le sol glacé. L'émotion, sous forme de larme unique, point, morcelant son faciès inexpressif en une infinité d'expressions différentes. Tristesse, douleur, confusion et timide affection. Nivéenne biche craignant trop d'être, par la main de l'homme, blessée à nouveau.
      « - Si tu n'es pas courtisan avec moi... Pourquoi est-ce l'excuse de tout ? Protège-moi, mon amour, de ces paroles parfois trop dures. Je ne veux que toi. Je veux cet avenir à tes côtés pour mille fois provoquer ton rire, ton sourire et tes regards. Je veux toujours partager ces moments heureux et insouciants, ces instants uniques où nos confidences sont recueillies par l'oreille de l'autre. Tu sais si bien faire naître des émotions en mon cœur. Mais je n'ose plus espérer. Rien. »


    Dans le silence entrecoupé de leur douleur, les deux corps jumelés osent enfin se rencontrer dans une étreinte aux effluves de rancoeur encore. L'amertune rongeant longuement l'espoir et les désirs d'une Roide meurtrie par les paroles hâtivement prononcées.

    Il y aura des pardons, encore, & des lèvres quémandant l’indulgence & l’oubli. Il y aura les promesses, encore, les serments, les parjures, les mensonges. Il y aura les corps nus des réconciliations, les baisers pansant d’une couche de sentiments les cœurs saignants & les blessures de l’âme. Tout partait d'une étincelle, & tout s'en étouffait dans l'âtre.
    Le printemps fleurirait, & avec lui la fourberie des tous premiers émois.



    Rédigé à quatre mains avec JD Evroult !

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Hel_
    Esseulée au creux de l'agréable moiteur de sa chambrée, Roide se désosse pour mieux s'arquer. Les mains décharnées viennent brusquement cueillir le ventre devenu stérile, afin de panser de tendresse la brûlure étreignant son corps. Le vermeil emportant en ces flots versatiles, les impiétés d'un couple désaccordé afin de les mener à une rédemption totale. Pourtant inconsciente, Camarde emporte la vivacité d'une vie nouvelle. Elle guide, implacable et insensible, la chaleur habitant ses entrailles vers une mort salvatrice. A cette douleur devenue physique, s'ajoute celle plus pernicieuse d'une âme à présent morcelée par une énième déconvenue.

      « - Je pars, Evroult. »
      « - Je reste. »
      « - Soit. Très bien. »


    Drapée de son linceul de givre, Faucheuse lactescente n'a offert, en guise de dernière vision, que la chute de ses reins s'éloignant. Emportant en son air austère et froid, toutes les affres d'un amour qu'elle juge à sens unique. Sitôt, le seuil franchi, les répercussions d'une veille agitée engourdissent sa silhouette amaigrie et les pensées découlant. Recluse en son amertume, elle ne sait songer qu'aux paroles trop dures et à ses désirs, dès à présent, refoulés. Avec les premiers émois impulsifs s'ajoutent les déceptions d'une réalité et d'envies non-partagées.

    Haineuse et d'une plume rapide, elle couche sur un vélin vierge, non pas l'entièreté de ses sentiments, mais bien celle plus fielleuse de son âcreté.


    Citation:
    A Evroult,

    De salut, tu n'en mérites pas,

    Tu m'as blessé. Tu m'as brisé. Encore.

    Dans mes demandes que tu as balayé d'un revers de dure éloquence, c'est moi que tu as rejeté. Et cet énième refus n'est qu'une preuve de plus.

    Pour toi, j'accepte. Beaucoup. Trop. Tant est si bien que cette relation te semble acquise, sans qu'aucun effort n'affleure ton esprit. Ainsi, tu balayes mes souhaits et envies sans même te soucier des éventuelles répercussions. Ainsi, tu promets sans penser vraiment. Ainsi, tu me traites insolemment comme celles qui ne méritent pas mieux.

    Quand je n'ai de cesse de quémander une attention unique que je ne partagerais pas avec des milliers d'autres.

    Dans un courrier dont je me souviens encore les pleins et les déliés, je t'ai promis de ne jamais te changer. C'est ce leitmotiv que je tâche de toujours suivre. Je me souviens de cette même promesse tracé à l'arrondi de tes lettres. Mais, c'est moi qui change. C'est moi qui suis astreinte à changer. Sans que cela n'émeuve ni n'effleure un esprit que tu portes trop obtus et centré sur tes propres intérêts. Quand les miens sont moqués et délaissés.

    Ce n'est pas d'un autre pardon dont j'ai besoin.

    Tu m'as fait du mal. Encore.

    Hel.


    En ses replis, la lettre emporte l'espoir d'une jeune femme ne craignant que le rejet, devenu trop familier avec les années. Hâtivement, celui-ci étend son ombre pour étreindre la blafarde.

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Evroult
    Entre les doigts tremblants, parchemin se froissait & laissait baver l’encre d’avoir été trop malmené. Une nuit de labeur avait tout à fait réussi à effacer le tourment qui avait pris son être à la porte claquée, & à la silhouette de givre quittant le nid qu’il pensait former à lui seul ; & maintenant qu’il tenait fermement le fruit de son orgueil, il vacillait, comme la bougie bavant son reste de cire, écrasée par la lueur d’un soleil levant. Elle était partie.

    Là, elle était partie.
    Lui, si attentif aux tourments de toutes les femmes, n’avait su voir le tourment de la femme. Dressé par la fierté de posséder sans avoir à donner, lui qui se savait si bon à séduire & à prendre, n’avait rien vu venir. Un instant, il s’était même étonné de ne pas la voir endormie, éplorée, au sein d’une couche qu’il délaissait trop souvent à l’excuse du travail.
    Et là, elle était partie, sans un mot de plus que l’annonce évidente de son départ imminent, l’offensant jusqu’à n’envoyer qu’un vélin griffonné de haine & de dégoût.
    Là, elle était partie.

    Et lui, prostré là, hébété comme si rien n’avait laissé pressentir ce retournement de situation, digérait douloureusement la sensation de n’être plus dominant, mais dominé. Plus maître, mais soumis. Plus chasseur, mais proie. En proie, en fait, à ce que de si nombreuses âmes appelaient, d’un air mièvre & dégoulinant des brisures d’un cœur faible, Amour. Et lui qui se targuait de savoir ses nuances sur le bout de son vît, restait abruti de ne pas en connaître ce recoin-là. N’avait-il pas tout fait, pourtant ? Ne l’avait-il pas hissée sur le piédestal que toute femme rêvait de fouler du bout d’un pied d’albâtre, surplombant telle une reine toutes les prétendantes à l’objet de son désir ? N’avait-il pas promis, n’avait-il pas juré, n’avait-il pas protégé ses parjures d’attentions, de silences, de prudence ? Qu’avait-il fait, encore ! Quelles humeurs malignes s’étaient emparées d’elle, qu’attendait-elle de plus que ce qu’il offrait si gracieusement ?

      Ton orgueil, Trésor… ton orgueil te perdra.
      - N’a-t-elle pas tout déjà ?
      Tout même ne suffit pas. Il faut l’aimer beaucoup, lui montrer plus encore. Tu la prends pour acquise…
      - Ne l’est-elle pas déjà ?
      Ce n’est pas une proie… Elle n’est pas surannée dès lors ton corps passé sur le sien. Ne le comprends-tu pas ? Toi qui brûle plus que je n’aurai jamais brûlé, ne sens-tu pas ce qu’impliquent tous tes sentiments ? Trésor, Trésor, Trésor… garde-toi de la prendre comme si tu la laissais le lendemain à peine, laisse le temps vous forger, laisse-la te faire confiance. Garde-toi de trop la rejeter.
      - Tu parles comme si… comme si j’en souffrais.
      Ne fais pas l’innocent. Ne te voile pas à moi. Tu me sors de tes tripes, & tes tripes sont crispées de douleur. Tu l’aimes bien au-delà du désir que tu brandis partout, & je n’irai pas croire que tu ne sais pas pourquoi elle est partie ainsi.
      - Ses humeurs…
      Ton orgueil. Il vous bouffe tous les deux. Arrête-donc, Trésor.
      - Blanche…
      Rattrape-la. Garde-toi de la perdre.


    ***
    [PAU. DEUX JOURS PLUS TARD]

    - Hel, je voulais te dire que…
    Une main fébrile redressa la mèche folle qui lui barrait le front.
    - Mon amour, j’ai un cadeau pour…
    Il défroissa les manches de sa chemise, en rajusta le col qu’il portait toujours ouvert sur la pierre d’Elhaz.
    - Je viens m’excuser d’avoir été si aveugle à tes…
    Un nœud ferme vint attacher ses braies, comme si paraître moins nonchalant pouvait l’aider.
    - Je… Eh merde !
    Lacet se déliait, frondeur d’être trop habitué à la lâcheté. Ses doigts s’activèrent à nouveau, bougon ne cessant de siffler son incapacité à lui trouver les mots, les bons. Mais lesquels ? Prendre conscience de son propre échec, en accepter la cuisante conséquence, relever le menton pour confronter la peine & le chagrin qu’on engendre soi-même n’était pas chose plus facile pour un courtisan que pour un autre. Peut-être même était-ce plus délicat pour ceux qui se savaient parfaits à remédier aux déceptions des autres. Les affres d’émois déçus n’étaient-ils pas leur fonds de commerce ? N’était-il pas plus doué à écraser celui qui poussait la blessée en ses bras luxurieux, caressant la donzelle pour qu’elle revienne encore, affamée du désir & de l’oubli si impudiquement prodigué par l’habileté des doigts, des langues, des corps ?

      Et toi si fier, si beau, si haut, tu iras tout penaud retrouver ta donzelle. Là, le paquet sous le bras, le pendentif au cou, l’orgueil laissé à d’autres, tu iras angoissé reconquérir ta belle. Tu seras moins superbe, mais tu seras plus beau, sincère & sans théâtre, sans ta vaine assurance, les veines bouillonnantes. Tu brandiras la robe, d’un bleu proche de ses yeux, incapable d’articuler ces mots si mielleux dont tu suintes souvent, & tu rougiras vite, pommettes hautes, cœur battant, affligé de la crainte du rejet, de la crainte du refus, de la crainte de la haine. Tu te sentiras con, tu le seras sûrement, & pis encore ! Tu te feras bégayant, maladroit, fissuré de ce que tu ne maîtrises pas. Tu la laisseras dire, tu la laisseras faire, tu la laisseras croire & puis tu t’affaisseras, là, les deux genoux à terre, prostré à la longueur de sa jambe d’albâtre, écrasé par ta honte, pantelant à son socle.

        Et tu la feras reine, Evroult, sans vouloir être roi.
        Et tu la feras reine, Evroult, & tu seras son roi.

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