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[RP] Hic jacet lupus

Evroult
*
« Ici est le loup »
au sens de il y a un loup, il y a un problème
ou plus communément y a une couille dans le potage.

    Les lupanars se ressemblaient tous, ou presque. C’était des maisons hautes écrasées entre les murs épais d’autres bâtisses plus discrètes, qui surplombaient la rue & les passants d’encorbellements sévères. De grosses arches sans charmes paraissaient vouloir avaler le client, qui s’il n’avait pas compris où il mettait les pieds ne pouvait pas louper les lanternes rouges ballotées par le vent. En fait, l’extérieur n’avait rien d’excitant. De lourds volets de bois paraissaient perpétuellement fermés & ne laissaient entrer l’air qu’au petit matin, pour ne se confronter qu’aux paupières tombantes des paysans matinaux, & les effroyables portes de bois verni étaient seules indices du faste aléatoire des lieux. En somme, on n’y mettait pas les pieds par hasard.
    Une fois seuil franchi, il incombait au tenancier seulement d’assurer, ou non, la fouille par un portier. Souvent, les maquerelles exigeaient cette patte blanche comme l’unique assurance du bien-être de leurs filles, parfois les maquereaux se jugeaient assez solides pour s’en passer franchement. Il n’y avait là pas de règles, si ce n’est qu’on insistait volontiers pour que chacun laisse ses armes en l’entrée. On laissait les bagarres aux tripots d’à-côté.

    En l’enceinte étouffante des bordels communs, parfois un peu huppés mais jamais bien fréquentables, Evroult évoluait comme un poisson dans l’eau. Il y avait grandi, il y avait mûri, & il y officiait avec tout l’art de ceux qu’on disait doués de naissance. À défaut de sang bleu, il avait l’humeur chaude des ambiances calfeutrées des alcôves & des chambres, & sa démarche féline épousait royalement les pleins & les déliés de ces atmosphères-là. Il y avait sa place comme l’aiglon dans son nid : c’était une évidence.

    C’était aisé, de fait, de s’y faire accepter. À peine posait-il un pied en ville, sachant qu’ils y resteraient quelques jours, qu’il s’empressait d’aller frapper au premier bordel tenable qui ne souffrait pas les morpions & la chaude pisse, proposant ses services contre maigre rétribution. Rares étaient les fois où on le refusait, parfois seulement un maquereau réservé n’autorisait l’éphèbe qu’à jouer portier ou domestique. Cette fois, le souteneur était avide d’écus, & accepta les passes d’Evroult d’un œil où miroitait déjà les pourcentages honteux qu’il allait s’octroyer. Nombreuses étaient les clientes à en faire la demande : désormais, l’offre était bien présente.

    C’est donc joyeux qu’on retrouva le jeune Loup, sortant tout juste d’une chasse, la mèche encore frivole & timbale à la main, riant pour les beaux yeux d’une veuve baronne. Il descendait les marches avec elle à son bras, & elle ne prit pas même la peine de se voiler les traits : on disait l’établissement discret & bien assez soigneux pour étouffer les rumeurs. De fait ils se feraient discrets plus tard. Pour l’heure, ils étaient là chez eux.

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Theodrik
Dans la famille af Nærbøfj-Røykkness, je demande le fils.
Ouais, v'là, le grand avec pif de piaf, là-bas.


    Les ruelles se ressemblaient toutes. Petites, sinueuses, elles se fendaient de toutes parts en de nouvelles, tout aussi sombres. Géant, s'y rendant avec la motivation attribuée à un escargot cramé en plein soleil, eut bien vite fait de s'y perdre. S'il dominait la foule d'une bonne tête, les frénétiques aller-retours des bourgeois lui empêchèrent de trouver point de repère pour s'orienter. Il se résignait donc à suivre un gus qu'il désignait au hasard, songeant qu'aucune demoiselle de bonne famille ne le conduirait en ce lieu qu'il cherchait. S'il venait à vous conter l'aventure, sûr qu'il vous expliquerait combien il était attentif à ce gus sûrement désigné par les dieux d'obscures légendes, mais de vous à moi, cher lecteur, il n'en fut rien. Son esprit, aussi fixe qu'une feuille de papier prise dans une bourrasque, voguait de silhouettes en silhouettes, sans réussir à s'ancrer à l'une d'elles.
    Trois élus plus tard, le pas scandinave s'arrêta face à une devanture qui, sans lui inspirer une franche confiance, s'approchait de ce à quoi il pouvait s'attendre. Lanternes rouges lui apportèrent la preuve de son flair (imposant, le flair).

    Passer la lourde porte s'avérait toutefois plus compliqué que dans les tavernes que Scandinave fréquentait quotidiennement : point de demoiselottes à attendrir du regard, il y avait là un portier aussi massif qu'avisé. L'énergumène au profil courbé n'attisait que rarement la confiance chez ses compères ; il aurait ainsi été étonnant que le garde brilla par sa bienveillance, et l'Théo eut à se délaisser d'un couteau et d'un peu de salive pour mettre un pied dans le bordel. Un discours pacifiste et nonchalamment déballé, af Nærbøfj-Røykkness passait l'étape vigile-mécontent haut la main, et trouvait la chaleur étouffante d'un lieu où s'amassaient les corps, si possible les uns sur les autres.

    Le rachitique norvégien n'eut grande peine à se fondre, malgré sa taille, parmi les douteux zozios déjà présents. Les mêmes regards envieux devant une tapineuse bien en chair, la même discrétion dans les mouvements calculés. Il y semblait tout à fait à son aise ; trahi par son expérience. Aujourd'hui, pourtant, ça n'était pas les cuisses tièdes d'une catin qui motivait sa haute carcasse à côtoyer les vices des bourgeois du Sud. Et nul, pas même vous, n'aurait su distinguer à la lueur des onyx ce qu'il y recherchait avidement. Grand dadais se faisait patient, ou peut-être fainéant, noyé dans le confort d'un fauteuil en la pièce principale. Les billes noires firent un tour de salle, s'attendant sûrement à tout, sauf à ce qui allait suivre.


    Ah ben mon vieux, si j'aurais su, j'aurais pô v'nu*. (*La guerre des boutons.)
Evroult
    Il avait été convenu, d’un accord tacite mais néanmoins évident, que l’Adonis talentueux n’exercerait pas à la vue & au su de tous. D’abord, pour lui, parce que bien qu’adorant pavaner & étaler ses charmes, il lui fallait louvoyer entre toutes les donzelles qu’il ferait succomber sans jamais trop se faire prendre. Ça lui était arrivé plus de fois qu’il n’aurait su le dire, & se sortir de ces mauvais pas-là était loin d’être une chose dans laquelle il excellait. Il fallait choper beaucoup, & tout en discrétion. Ensuite, parce que si sa réputation n’en restait pas moins faite & assumée, sa favorite & seule présente en son cœur méritait mieux qu’un étalage de ses fréquentations. Après tout, tout comme lui, Hel avait l’ambition qui seyait à son port, & faire savoir qu’elle aimait un catin lui nuirait forcément.

    Ainsi, peu étaient au courant. En fait, mis à part une Limousie retranchée dans un sommeil lourd d’une bataille qu’elle livrait à la Mort, seul l’avisé angloys mûr de trop d’expériences esquissait un sourire de connivence à chaque pique salace. Peu bavard toutefois sur les histoires des autres, il n’avait même pas semblé exhiber à son innocente conquête qu’Evroult draguait encore sans plus de cérémonie. À bien y regarder, sans doute n’aurait-elle de toute manière pas compris. Dans un autre registre, l’instable bretonne & son compagnon trop muet n’avaient pas eu d’intérêt à creuser des secrets dont ils ne se doutaient sans doute pas, quand le freluquet à la voix de crécelle était trop occupé à pousser la chansonnette pour saisir l’évidence. Rouquette elle-même n’avait pas succombée – encore – aux charmes de l’Éphèbe &, candide qu’elle était, n’aurait pu emprunter seule cette pente glissante.

    Restait donc le frère. Facile à l’emballement, Loupiot avait manqué moult fois déjà de lâcher cette bombe, avant qu’un regard lourd de blâme & de gel ne censure son élan. Sans le haïr vraiment, Evroult vouait à cet homme, par le sang lié à sa belle, une douce rancœur simplement justifiée par des excès d’orgueil mal placé. Leurs combats de coqs n’étaient jamais allés très loin, mais il fallait être idiot pour ne pas croire que lever le voile sur le béguin de la af Nærbøfj-Røykkness rendrait les rapports familiaux compliqués. Au moins.

    - Evroult ? Vous m’écoutez ? brama-t-elle, outrée par l’affront qu’il lui faisait de ne plus la regarder. De sa pince acérée elle pressait le bras du sclérosé, réclamant l’attention. Lui s’était pétrifié d’une bouche grande ouverte, & alors qu’il crût voir l’onyx du scandinave se tourner vers eux, il fit prestement demi-tour.
    Oui, demi-tour. Il entraîna la veuve dans un demi-tour raide, s’agrippant à sa taille comme un désespéré, le souffle lui manquant & l’œil exorbité.

    - Ah mais quel con ! Mais quel… mais quel… mais quel con !
    - Mais… que… Evroult ?
    piailla-t-elle d’une voix par trop aigue, se retournant d’elle-même pour tenter de saisir ce qui le rendait fou. Sur la pointe des pieds, telle une femelle suricate en chaleur, elle avait déjà fait retourner deux personnes. Mais qu’y a-… Ah !
    Il l’avait replacée d’un mouvement trop sec, le sourcil froncé & la mâchoire tremblante.
    - Taisez-vous ! Baissez-vous ! Faites comme si… Tiens !
    Une idée lumineuse lui traversa l’esprit.
    - On va jouer à un jeu. Baronne, vous allez… vous allez jouer la courtisane !
    - Qu…
    - Jouez bien ! Ce sera amusant. Et si vous me convainquez, vous aurez une ristourne. Non, mieux ! Je vous offre une nuit ! Chez vous ! N’est-ce pas… n’est-ce pas magni-
    - Oh comme c’est amusant !
    en tapant dans ses mains. Déjà, elle se dirigeait vers le premier mâle qu’elle trouva à son goût.

    Théodrik.
    - Mais quelle cruche… siffla-t-il entre ses dents, se parant pourtant vite d’une allure qu’il connaissait assez bien pour les fréquenter tous les jours : il faisait le client.
    - Eh bien, Théodrik… si je m’attendais à vous voir ici-bas ! Je ne vous pensais pas homme à… Voyez.
    Quitte à se faire choper, autant ne se faire prendre que pour le côté le plus acceptable. La gêne évidente passerait pour le malaise de se faire attraper à payer de la fille quand il baisait sa sœur, & si la découverte souffrirait sans doute un jugement sévère, elle s’inscrivait assez bien dans les mœurs de leur époque pour que scandinave finisse par fermer les yeux. Désastreuse baronne, elle, agitait son décolleté plongeant sous les yeux des deux hommes. Ah, quelle bonne idée il avait donc eu là !

    - Alors, mon mignoooon…
    - Chasseur, y a la Marie, celle qui aime les pieds, là, qui t’attend.

    La fille de joie s’éloignait déjà, roulant joyeusement des hanches comme si de rien n’était.

    Onyx versus onyx. Sourire con. On rembobine.
    Comprend pas mec. J’t’en supplie, sois naïf, comprend pas.

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Theodrik
"Je suis un homme solitaire dans un Jean-Pierre Melville."
Lucio Bukowski, L'art raffiné de l'ecchymose.


    Théodrik n'était pas animal social. Les bavardages ricochaient sur l'indifférence enveloppée sous quelques bonnes manières qu'on pouvait attribuer à la rude éducation dont il était le fruit. S'en foutre sans en donner l'air, s'intéresser sans en avoir l'envie. Théo était Samouraï (cf film éponyme de Melville) solitaire, éternel vagabond courant après une vie qu'il ne pouvait même se représenter. Carapace solide et glissante sur un corps - avouons-le - bien maigrelet, Scandinave ne se laissait que rarement approcher au-delà de ses plaisanteries sèches et ses sourires badins. Renfoncé dans la solitude confortable de son fauteuil, il se faisait spectateur averti, onyx papillonnant d'une silhouette à une autre. Aucun visage ne lui semblait familier, et c'est pourtant à chacun des gus envieux qu'il s'identifiait. Devant le corps courbé offert, ils étaient tous égaux, tous si faiblement captivés.
    Au sein de la luxurieuse assemblée, l'on trouvait un florilège de carrures, renvoyant à Théo la vicieuse image d'un marché aux attributs. Pommes, poires, fines coupes de champagne aux jambes déraisonnablement longues, faîtes votre choix. Une seule pourtant captiva notre Géant bougonnant, au point de fixer les onyx sur cette furtive ombre. Vous, lecteur, vous imaginez sans doute une pulpeuse rousse (puisqu'il est évident que c'est là son pêché mignon). Détrompez-vous, pourtant, le mystérieux objet d'attention nordique détient les courbes musculeuses et allongées que l'on attribue davantage aux hommes. L'onyx alors teinté d'une passivité contemplative se pique d'intérêt pour l'ébène fuyant, se mouvant bien trop vite pour le lieu de la langueur et de l'assoupissement de la raison. Il lui semblait comme un fantôme, une illusion, un mirage de méfiance. Nordique haïssait-il l'éphèbe accroché aux côtés de sœur au point de l'imaginer dans ses instants de réclusion ? L'intriguait-il tant qu'il trouvait une similitude étrange entre les manières d'une catin et les moues mutines de cet adversaire actuel ?

    Il était tant de choses qui, dans l'esprit scandinave, justifiait une haine envieuse. La sale manie qu'avait le Loup plus tôt cité de tourner autour de toutes les femmes, et plus particulièrement l'affriolante Roussette dont le norvégien s'évertuait à surveiller les compagnies masculines. L'affreuse habitude de se planter près de sa pâlotte de sœur, lui indiquant qu'ils n'échangeaient pas que de chastes baisers à chaque regard échangé. L'expression mutine constamment dessinée sur ses traits bien trop finement taillés, en comparaison à ceux plus secs de l'homme du Nord.
    Ces malheureuses pensées venues chambouler un calme apparent, le faciès se durcit dans une mine glaciale, quoi qu'habituelle. Déjà, l'ombre s'est évadée dans un coin, et l'observation reprend son cours. Un mirage. Ca n'était qu'un mirage. Quelques minutes et digressions intellectuelles plus tard, c'est une silhouette féminine qui survient dans le viseur scandinave. Rachitique comprend bien vite que la demoiselle l'a établi pour cible, et se tasse davantage sur son siège. Il n'est pas ici pour elle. Les regards lancés par la donzelle sont évités par le glaçon de peu de chair composé, mais l'ignorance ne suffit pas à écarter l'infortune conquérante. Et ça n'était pas la seule présence à déplaire...


        - Eh bien, Théodrik… si je m’attendais à vous voir ici-bas ! Je ne vous pensais pas homme à… Voyez.


    Il y eut nombre de jurons qui auraient pu convenir à l'écoute de cette-voix là. Les onyx inquisiteurs trouvèrent l'ombre finalement bien réelle. Il était donc là, avec cette catin présumée. Traître aussitôt couronné d'un mépris grandissant, l'œil grondant inspecte celui qu'il déduit être, à son image, client. La poitrine exhibée ne bénéficie - une fois n'est pas coutume, d'aucun coup d'œil du Géant, qui illustre son surnom en étirant l'échine. Le confort n'a plus lieu d'être pour ce corps crispé, dont chaque étroit muscle se tend. Ca n'est pas tant la l'infidélité qui anime cette colère progressive. C'aurait presque été jouissif, de trouver une excuse de l'écarter des bras jugés trop chétifs de l'adolescente affiliée au Théo. Néanmoins, catin supposait la possibilité de lui refiler toute sorte de maladies, et de souiller l'innocence de la sœur. Intolérable, donc.
    Alors qu'un sermon se préparait dans la cabèche haute perchée, l'esprit tilte à l'intervention d'une éphémère interlocutrice. Chasseur. Ce mot transcende les neurones endormis. Il n'est pas client. Il n'est pas qu'un débauché perdu parmi les autres. Il n'est pas celui qui paie. Il est l'égal de ces femmes de petites vertus avec lesquelles l'Scandinave s'amusait, lorsque l'argent ne lui faisait défaut et que Gaston l'entraînait à chaque escale. Tout devenait ainsi plus clair, et pourtant plus sombre : y avait-il autre fin possible qu'un pétage d'arcade sourcilière en règle pour celui qui, non content de posséder sa sœur, extirpait des écus aux riches bonnes femmes en monnayant son corps ?

    La voix rauque tombe lourdement.


        - Evroult. Que foutez-vous ? D'quoi parle-t-elle, celle-là ?


    Donne-moi une bonne raison de ne pas t'envoyer mon poing, là. Donne-moi une excuse pour me voiler encore davantage la face, pour soulager ma conscience d'une énième violence. Evite-moi les réprimandes d'une glaciale sœur.
    Les phalanges blanchies par la crispation, le ton est donné. Il va falloir la jouer fine pour éviter les coups. Il serait bien jouissif d'imposer à l'éphèbe un nez aussi tordu que celui made in Norvège. Le long squelette se plante bien trop près du courtisan, prêt à le saisir entre ses pognes indélicates.

    Sauve tes petites quenottes, l'parisien.
Evroult
    - Euh…

    Il n’avait évidemment pas grand-chose à répondre. Le regard fuyant vibrait de toutes les excuses qui s’enchainaient, s’entremêlaient, s’entrechoquaient au creux de son esprit trop volage. Il y avait bien l’excuse du quiproquo, que le visage aux pommettes hautes était assez banal pour que la catin maladroite l’ait confondu avec un autre. Il y avait bien celle de l’oreille sale, que Théodrik avait pu mal entendre & que la main appuyée sur le poignet de l’Éphèbe n’était qu’une tendre affection pour l’habitué. Il y avait l’idée d’une Marie qui n’était pas ce qu’on croyait être, qui vendait des alcools, des massages, des chaussures pour les jolis pieds.

    - En fait…

    Il aurait voulu se foutre une claque de n’avoir pas fui en ne laissant qu’une ombre vague & chimérique, quand le norvégien n’avait pas encore eu le temps de s’assurer de la réalité de la présence de l’Adonis en ces lieux de débauche & de stupre. Evroult pourtant avait beau être des plus délicats lorsqu’il s’agissait de séduire une femme, il était encore trop jeune pour savoir quand ne pas mettre les deux pieds dans le plat. La question ne s’était pas posée, en fait, & il avait suivi l’indécente baronne comme le prisonnier se sachant condamné avant même son procès. Il allait à l’échafaud, priant pour que la présomption d’innocence rattrape sa course vers son bourreau, taisant rumeurs & tumultes à la place & en lieu des lippes gauches du Loupiot. Allons, il ne pouvait pas avoir la langue habile à tout.

    - Ce n’est pas ce qu-
    - Ah ! Mais vous vous connaissez ? brailla-t-elle d’une voix rendue suraiguë par la surprise. Vous m’aviez caché que vous faisiez aussi les hom-
    Elle se tut, menton pris entre les doigts fermes d’un Loup définitivement piégé. Si peut-être il avait cru pouvoir encore se sortir de cette mauvaise passe, Baronne avait veillé au grain. Un peu brutal, trop mal à l’aise, il glissa quelques mots à la noble esgourde, prenant le temps de la regarder glousser & s’échapper de la confrontation pour aller finir de se remplir, d’un bon verre de vin, cette fois.

    De là, alors qu’elle disparaissait tout à fait de son champ de vision, il lui fallut tout son faible courage pour soutenir l’onyx sévère & brûlant d’aigreur porté par le Géant. C’est que oui, il était grand, plus grand qu’un Evroult à la jambe haute malgré tout, surplombant lourdement le prédateur devenu proie. L’audace mue par un instinct ridicule de préservation, qui lui ordonnait de ne pas faire d’esclandre & de calmer l’affaire, lui fit poser une main, qu’il pensa stable & qui tremblait pourtant comme une feuille d’automne, sur le plastron nordique.

    - Desserre ce poing & viens… Je vais tout expliquer.

    Il se faisait assuré mais ne trompa personne. Tournant le dos comme un ultime affront à la colère évidente du frère aux sentiments protecteurs, ses pas filèrent jusqu’à la première alcôve libre qui disposait, ici, d’un récamier intimiste & d’un simple guéridon, de laquelle il rabattit les tentures d’un coup sec. Au passage, il avait saisi l’inhabile putain pour ordonner qu’on ne le dérange plus, que c’était imprévu & que Marie attendrait ou en choisirait un autre. Sans doute jaserait-on sur le point d’honneur qu’il mettait à refuser les hommes quand il s’enfermait soudainement avec l’un d’eux sans aucune résistance.

    Là enfin, après tous les efforts qu’il avait cru faire pour éviter cette désagréable confrontation, il lâcha en s’écrasant mollement sur le bord de la méridienne trop étroite.

    - Je ne suis pas tavernier.

      J’pourrais t’en donner mille, des vertes & des pas mûres, des blettes, des avariées, & puis même des parfaites, celles qu’on accepte en fermant fort les yeux, incapables de douter d’elles, trop convaincus par l’évidence. J’pourrais t’en donner cent, longuement réfléchies, travaillées, affinées, de celles qui draguent, qui donnent envie, qui forcent la bave aux lèvres & l’ardeur aux braies, de celles qui envoûtent & qui mentent d’une couche épaisse de fard sur les joues, pour mieux tromper, pour mieux faire oublier. J’pourrais t’en donner dix, arrachées de mes entrailles, gerbées par mon effroi, des précipitées, des haletantes, des lâchées à la hâte qui ne vaudraient pas dix sous mais qu’on prendrait quand même à défaut d’autre chose.
      Mais une, une seule, une bonne ? Non, franchement, pète-moi la tronche maintenant qu’on en finisse.

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Theodrik
      Aviez-vous déjà entendu ce claquement étouffé sous l'épaisseur de la carne ? Connaissez-vous ce fracas faisant vibrer les os concernés par le choc ? Aviez-vous déjà ressenti douleur pareille, aussi brève qu'traître ? Connaissez-vous cette satisfaction malsaine d'avoir cogné quand l'idée vous est venue, sans même réfléchir aux conséquences, sans penser à la suite ?


    Quelques instants plus tôt.
    Il ne disait mot. Le cerveau furieusement bousculé par la compréhension et l'analyse de la situation. Aucune présomption d'innocence pour l'éphèbe déjà fichtrement agaçant d'ordinaire. Certes, il aurait dû fuir. Il aurait dû prier pour que la vue déplorable du Théo lui épargne la suite. Le bourreau était là, grand, maigrement étendu, droit comme un piquet, l'accent norvégien plus tranchant que jamais, la haine ouvertement exprimée sur le visage colérique. Si bien qu'il n'en remarquait pas la supposition vicelarde de la baronne sur la relation complexe qui réunissait le rachitique et l'adonique. Tout de la baronne est d'ailleurs ignoré ; il s'en fiche présentement autant que de la première catin qu'il a soulevé, dans ses égarements de jeunesse. La main contre le poitrail nerveux ramène Géant à la réalité, d'où ses méninges semblent se murer dans un silence profond. Le temps n'est pas encore à la réflexion.

    Les deux hommes s'écartent. Le dos tourné lui fait presque oublier toute envie de défigurer l'affreux, mais chaque pensée pour la pâle ranime la rage. Il la croit naïve, ignorante de la vie que mène son amant. Il la croit trompée, humiliée, et bientôt blessée lorsqu'il aura l'audace de tout lui raconter. L'esprit ainsi occupé, le corps ne fait que suivre docilement l'échine masculine jusqu'à l'alcôve. Aucune réaction, aucune expression, ce qui n'annonce rien de bon. Dans l'aveugle haine, l'Evroult rejoint l'image peu estimée du pater violent. S'il n'avait pas agit autrefois, il estimait qu'on lui portait ce jour la chance de le faire. Qu'il ne pouvait se dérober, cette fois, et ce même si le parisien n'avait la carrure de son père. Qu'il ne voulait pas d'explications, pas tout de suite, pas maintenant. Pas avant d'avoir pu agir, agir bêtement, agir enfin. Il lui pardonnerait plus tard. Il se ferait raisonnable plus tard.

    L'éphèbe avoue à demi-mots.


    - Je ne suis pas tavernier.

    Silence.
    J'avais compris, grand malin.
    Silence.
    Onyx contre onyx.
    Silence.
    Quelques pas de plus, pour rejoindre l'accusé.
    Silence.

    Le poing retrouve toute sa crispation. Le sévère faciès sa dureté. Il vise la mâchoire. Et il lui porta le coup.



        - Maint'nant, on peut parler.


    Estime-toi heureux que j'aie attendu que tu sois assis.

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By JD Dôn.
Evroult
    Ainsi donc, il s’y attendait.
    Il n’y eut qu’un grognement qui échappa à la lippe choquée, un « putain d’toi… » dont l’ironie ne le fit même pas tiquer. Senestre s’appliqua à masser la mâchoire malheureuse qui tremblait d’une sourde colère bien mal refoulée. À son palais, l’âcre goût de son sang avivait la douleur, l’intérieur de la joue trop violemment mordue au coup retentissant. Il aurait pu se lever, laisser libre cours à cette haine grandissant dans le bouillonnant de ses veines, retourner l’affront en se croyant vainqueur quand il perdrait à coup sûr. Quoi ! L’aîné scandinave le surplombait d’une longue tête, & quand bien même fût-il maigre ! Evroult n’était pas taillé au combat & se targuait d’un corps souple, fin, aux muscles faibles pour ce qu’il s’agissait de lutte, suffisants pour ce qu’il s’agissait d’amour.

    Ainsi donc, il s’y attendait & ne broncha pas plus. Doigts pressés contre la joue, l’onyx releva sa noirceur sur l’homme qui, courbé & haineux, encaissait la découverte comme une trahison. La crainte s’envolait sous la pulsation d’un carmin impétueux, qui n’espérait plus qu’un juste retour de bâton pour l’affront d’avoir blessé le parfait d’un visage coûteux. À l’angoisse succédait le mépris, à la haine s’opposait l’insolence. Bientôt, la voix rendue rauque d’aigreur répondit à l’appel.

    - Certain ? Tu as fini ?
    Qu’il alterna le tutoiement & le vouvoiement ne lui ressemblait pas, lui qui s’amusait tant à vouvoyer celles qui lui étaient pourtant les plus intimes, mais cette situation-là ne ressemblait finalement à aucune autre.
    - Je devrais vous en vouloir d’abîmer une marchandise que je vends si bien.

    Il n’y avait qu’une humeur bileuse pour expliquer un tel revirement d’attitude. Là où il s’était fait si petit, pris en faute & perdu, voilà qu’il se tenait fier & arrogant, d’un hautain palpitant de tension, trônant d’une pointe de canaillerie sur le récamier. Quoi ! n’était-il pas chez lui, entouré par ses semblables, sœurs & amies, amantes & clientes, protégé de ce même genre de murs qui l’avaient vu grandir ? Quand bien même serait-il fautif… & puis, fautif de quoi ?

    - En fait, je vous en veux… Je sens le bleu qui pointe.
    Pis merde ! qu’est-ce qui vous a pris ? ça fait un mal de chien !


    Il s’échauffait, se redressant sans s’en apercevoir du bord de son siège. Sans plus savoir quelle attitude adoptée désormais qu’on l’avait poussé dans ses retranchements, il laissait libre cours à son humeur maligne & versatile. Et puis soudain, il se leva, repoussant le torse norvégien d’un coup du plat de la main, optant pour l’irritation nerveuse.

    - Vous mériteriez que je vous retourne la même pour vous pointer ici dans le dos d’Héloïse. Avec un fessier comme le sien on mérite bien mieux qu’un pleutre qui fuit au bordel avant d’avoir appris à la connaître tout à fait. Diable ! quelques secrets ne méritent pas un coup de poing.
    Et puis, quoi ! Allez calmer vos humeurs comme vous l’aviez prévu, je vous la paye. On discute toujours mieux les bourses vides. Allez, allez.

    Déjà, il tournait le dos, agité.
    - Et voilà mon service fichu !
    Ne me dites pas que vous allez aussi bastonner votre sœur pour avoir gardé de ce dé...


    Et enfin, il se tut, réalisant trop tard que sans doute Théodrik pensait sa sœur aussi candide & niaise qu'il avait pu l'être.
    Double oups.

    - Bon. Je vous la paye. La bouteille avec.

_________________
Theodrik
    C'est là qu'il s'attend au choc.
    Il y avait là une logique de cause-conséquence bien ancrée dans l'esprit du scandinave. Tu frappes, on te frappe. Tu cherches, tu trouves. Tu oses, on t'enterre. Tu défies, on te bat. Et malgré l'illusion qui voile ta vue, cependant, ça n'est pas le Père qui fait face. Ca n'est pas un autre poing qui vient ravager ta joue, faire danser tes molaires, ou saigner ton arcade. Il n'est rien de tout cela, sinon toi, perdu et perdant à ce jeu de mains. Perdant, puisque seul à combattre. Là où tu attendais un contre-coup que tu crois mériter, il ne laisse que la frustration de n'avoir cogné qu'une fois. De n'avoir pu contenir ta colère, de n'avoir pu déverser ta rage contre ce trop beau faciès, tu trembles à peine. Tu rêves qu'il t'en mette une, car tu sais que cette fois, ce n'est pas ton nez qu'on cassera : tu sais que celui-là, tu peux l'avoir. Tu te reprends, efface ta moue insatisfaite pour dissimuler ta rage sous un masque de dédain. Tu es si prévisible.

    L'échine se redresse, assumant plus facilement qu'à l'accoutumée la hauteur de son crâne. Théodrik fait face à ce regard méprisant. Qui des deux hait le plus ? Evroult parle. Pourquoi le hait-il, déjà ? La question se perd entre les sons rauques divulgués par l'interlocuteur bastonné. Il provoque. Là s'étale la ressemblance avec l'être aimé du courtisan : la carapace impavide transmise par Lennart rayonne sur les traits durs et sèchement dessinés du norvégien. Une main s'appuie à la longue carcasse, la repousse. Théo fait, inconsciemment, un pas en arrière, ne s'y attendant pas le moins du monde. Lui qui croyait avoir le dessus, avoir frappé juste, se surprend à trouver adversaire teigneux. Il se surprend même à lui concéder un bref rictus d'amusement. Dans ce silence qu'il conservait se tramait le combat interne entre dégoût et sympathie, entre reproches et complicité.

    Deuxième round.


        - "Vous mériteriez que je vous retourne la même pour vous pointer ici dans le dos d’Héloïse. Avec un fessier comme le sien on mérite bien mieux qu’un pleutre qui fuit au bordel avant d’avoir appris à la connaître tout à fait. Diable ! quelques secrets ne méritent pas un coup de poing.
        Et puis, quoi ! Allez calmer vos humeurs comme vous l’aviez prévu, je vous la paye. On discute toujours mieux les bourses vides. Allez, allez."


    Fausse note. La mention d'Héloïse déclenche à nouveau la sourde colère, la mêlant cette fois de culpabilité. S'il n'est pas agneau comme la plupart des amoureux transi, il n'est pas amant gâchant ses écus dans un bordel, comparable pourtant à ceux qu'il avait fréquenté autrefois. Et ça n'est pas à son meilleur ennemi, cependant, qu'il expliquera sa venue. Quels comptes a-t-il à rendre lui ? Sa présence le rendrait-il aussi coupable que le courtisan lui-même ? La réponse ne tarde pas à tomber, cette fois, brisant un mutisme habituel.

        - J'vous conseille d'garder vos yeux et vos considérations bien loin du séant d'la Roussette, ou j'pourrais être tenté d'faire valser vos molaires. Et faîtes-vous des économies d'cette passe, j'n'en ai pas l'besoin. Rester en c'lieu n'm'aidera en aucun cas à m'calmer, si vous y respirez l'même air. Et merde, pourquoi ?!


    La dernière intonation, discordant avec la froideur du discours, se fait plus vive. Pourquoi fallait-il que ça tombe sur lui ? Pourquoi ce métier, pourquoi cette vie ? Et pourquoi cette colère, finalement ? L'agitation renait, dans un mouvement similaire à celui des vagues, qui à chaque réplique déposent dans leur sillon le goût âpre de l'amertume.

    Et c'est l'ultime erreur.


        - "Ne me dites pas que vous allez aussi bastonner votre sœur pour avoir gardé de ce dé..."


    Nouvelle montée d'adrénaline.
    Règles essentielles de survie : ne pas approcher, ne pas mettre à portée des courtisans, pas agiter le géant, ne pas (symboliquement) mélanger avec son géniteur, ne pas mettre en contact avec le sujet explosif de sa jeune soeur.
    Attention, scandinave fragile : à utiliser avec précaution.


        - Dis-moi qu'j'ai mal entendu. Dis-moi qu't'es pas si con.


    C'est cette fois le col qu'agrippe le géant, sans plus menacer d'aucun coup, que celui d'un agacement rendu presque las par l'accumulation de bourdes. Cette journée pouvait-elle seulement ajouter pire à la liste ?

        - N'crois pas qu'parce qu'ma soeur et toi blablatez d'vos vies, tu connais la mienne. Et maintenant, sois plus précis. C'quoi, l'arrangement ? Comment peut-elle seul'ment accepter c'la ? T'as pensé à elle ?


    Y'a forcément une explication. Ou il va falloir m'en inventer une.

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By JD Dôn.
Evroult
      Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Pourquoi ce métier, pourquoi cette vie ? Pourquoi cette voie, & cette passion ? Allons, n’fais pas l’enfant. Tu sais, toi. Tu sais bien combien les chairs sont envoûtantes, combien la femme est désirable, combien l’homme de nos jours se réfrène & s’en rend fou. Moi, j’ai la chance que tu n’auras jamais. J’ai ce dont tous les hommes rêvent sans toujours oser l’avouer. Je suis né de ces pulsions & j’en mourrais aussi sûrement que j’ai vécu pour elles. J’ai dans l’ombre de mes pas le désir de toutes les femmes. J’ai dans le creux de ma paume le corps de toutes les vierges. J’ai dans le fond de mon onyx l’orgasme de toutes les prudes.

      Allons, remballe ces poings, finis ta rage, c’est la jalousie qui te guide. Tu veux te croire plus grand, tu veux te croire plus fort, tu veux te croire au-dessus d’une condition qui te dépasse. Mais tu sais bien, au fond, n’est-ce pas ? Tu sais que je te domine parce que je les ai toutes, parce que je les prends toutes, parce qu’elles me sont toutes offertes & qu’elles me désirent toutes. Vois, elles me dévorent du regard quand je les bouffe sans honte. Écoute, elles supplient mon amour quand je n’en aime qu’une. Sens, elles suintent de tous leurs pores pour une caresse de moi.

      Pire, elles me payent pour ça. Elles s’affaissent à mes pieds en versant leurs offrandes, & moi je suis leur dieu, & moi je suis leur maître. Tu veux croire que je leur suis soumis, mais qui tient entre ses doigts la puissance féminine ? Que crois-tu, pauvre fou ? Souffle & songe un peu à ce qui guide ton sang dans les méandres d’un amour volatile ? Chut… là. Vois, tu commences à comprendre. Elle veut être l’unique là où elles sont multiples. Elle est la singulière là où elles sont plurielles. Et toi, maigre Géant, tu n’auras jamais autant que ce qu’on me donne. Et toi, piètre Hercule, tu n’auras jamais autant que ce qu’elle me donne.

    Pourtant, il ne sortit de ses lippes asséchées de tension qu’un inaudible gargouillement étouffé par le col trop fermement agrippé. Deux balbutiements de surprise & d’orgueil piétiné plus tard, la faible résistance qu’il opposait à l’offusqué se durcit en son œil.

    - Tu risques de payer cher si tu m’abimes encore ! Foutre-dieu, mais contrôle-toi !
    Puisque la première poussée avait si bien fonctionné, il réitéra tout aussi fermement, espérant obtenir quelques souffles de répit avant la nouvelle poussée d’hystérie du norvégien. C’est qu’il avait le sang chaud pour un type du nord.

    - Il n’y a pas d’arrangement. Elle sait, s’en accommode, & pis ! en jouit sans honte, elle.
    Pour une fois loin de calculer ses mots, il dut se rendre à l’évidence que ce genre de déformation professionnelle ne pouvait, ici-même, que lui porter préjudice. Encore.
    - Tu crois peut-être, grand chevalier, que je lui mens, que je la trompe ? Elle sait, je te dis ! Elle sait & elle accepte, & si tu l’aimes ne serait-ce qu’une once de ce que tu prétends grossièrement, tu devrais respecter son choix & là où ses sentiments la guident.

    Un silence. Peut-être deux. Si Théodrik avait pu être attentif à cet instant, il n’aurait pu louper la braise vive & irrécusable d’une profonde fascination au cœur de la prunelle courtisane.

    - Et moi, je l’aime.
    Fichez-moi le camp, avec vos bienséances, vos pudeurs & vos retenues. Vous ne pourriez pas comprendre. S’il vous prend l’envie de profiter de cet aveu, ça ne prouvera, encore une fois, que combien vous la méprisez & vous ne la méritez pas.


    Et là, s’il n’était pas aussi rouge & coincé, il lui aurait bien craché à la figure.

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