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[RP] Ouvert - La petite boutique des horreurs* - 2e Partie

Merance
On était des enfants sans âge
On en a pris dans la gueule des crochets
Comme les oiseaux s'tirent de leur cage
Pour devenir enfin ceux qu'on était


Claudio Capeo - Enfants Sauvages -








    Assise sur le mur en face de la bâtisse, Mérance observait. Tout comme elle l'avait fait quelques mois plus tôt lorsqu'elle avait eu cette idée saugrenue d'ouvrir une boutique à Paris où l'on pourrait y rencontrer les tourments et la mort. C'était ça qui avait maintenu la sorcière à la surface durant ces longues semaines, c'était ça qui l'avait fait se lever tous les matins afin d'aider sur le chantier et le superviser un peu, du coin de l'œil, car elle savait très bien que Guylhem le faisait pour elle.

    Guylhem justement était encore en retard. Il avait dû s'endormir tardivement la veille, peut être même avait-il était traîner la gueuse pour prendre du bon temps… Mérance sourit malgré elle d'imaginer son ami dans les bras d'une sauterelle et secouant la tête afin de ne pas voir d'images s'imposer à son esprit, elle reprit le fil de sa journée.

    La porte devant elle ne demandait plus qu'à être ouverte et bientôt peut être même que le premier client la pousserait afin de venir réclamer une potion pour rendre amoureux son voisin ou bien rendre malade le bétail du maquignon du coin… un long frisson parcourut l'échine de la sorcière et elle jeta ses deux pieds en avant afin de se laisser tomber du mur quand elle aperçut Guylhem arriver la tignasse en bataille. Un sourire léger flotta alors sur ses lèvres et sa main se leva afin de le saluer.


    - J'ai cru que tu avais perdu ton chemin entre la bicoque du Père Eusèbe et ici. J'ai failli attendre…

    Le regard pétillant en disait long sur ce qu'elle ressentait. Et il était tellement rare de la voir ainsi, sans masque derrière lequel elle se cachait que ces instants restaient précieux. Mais l'instant resta comme à l'accoutumé fugace, Mérance reprit rapidement son visage impassible tout en sortant une clé de sa poche. Elle la fit danser devant les yeux de Guylhem tout en murmurant :

    - Prêt ?

    Deux cliquetis se firent entendre libérant enfin la porte de son interdiction de laisser passer les gens. Mérance fit un pas vers l'avant et s'engouffra dans la grande pièce qui semblait dégager un sentiment de chaleur à peine entré. Les yeux de la sorcière se posèrent partout, d'une étagère à l'autre, des pots en verre qui lui avaient couté une fortune à ceux plus sombre, en poterie, qui dissimulaient des ingrédients dont elle voulait garder le secret.

    Quelques pas et déjà ses doigts fins prenaient possession du comptoir en bois travaillé que Thomas avait mis des semaines à faire sortir de son imaginaire. Il pouvait passer pour banal mais la jeune femme savait que ce n'était pas le cas. En glissant ses mains sur le bois patiné, elle pouvait deviner chaque coup de rabot donné et quand elle passa derrière, elle découvrir des tiroirs à profusion ainsi que certains petits recoins secrets qui ne s'ouvraient que si on connaissait l'astuce pour le faire.


    - Thomas a été ingénieux. Il faudra le remercier en conséquence. Je te donnerais une bourse bien remplie afin de régler nos dettes auprès de lui… ceci avec un petit plus…

    Elle parlait à Guylhem et elle savait qu'il le savait. Merance lui donnait toujours ces missions-là à finaliser. Elle n'aurait pas été de taille à défendre son bien si on avait voulu lui substituer tandis que le blondinet… A cette pensée, la sorcière releva la tête vers son ami et lui sourit doucement.

    - Sans toi, tout ceci n'aurait pas pu prendre vie. Tu as ta place ici maintenant, avec moi. Tu en seras le gardien…

    Elle montra du bout de l'index la porte du fond, là où elle devinait la présence de Moïra à chaque fois qu'elle pénétrait dans la pièce.

    - Et tu pourras même t'adonner à tes propres essais si tu le souhaites. Le père Eusèbe t'a assez enseigné pour que tu puisses te lancer.

    Elle savait qu'il ne versait pas forcément dans les poisons mais Guylhem était doué lui aussi. Et au pire, il passerait pour le gentil de la maison, prêt à proposer filtre d'amour et potion d'attirance. Tout ça serait dans ses cordes, elle n'en doutait pas. A elle incomberait le plus délicat… le commerce des sorts puissants, de ceux qui invoquent la mort ou la maladie…

    Tapotant dans ses mains comme si une armée de farfadets allaient venir illuminer la pièce, Mérance virevolta sur elle-même puis attrapa les avant-bras de Guylhem.


    - Allume le foyer tu veux. Il est temps que le monde sache qui nous sommes !




*La Petite Boutique des horreurs (Little Shop of Horrors) est un film musical américain réalisé par Frank Oz, sorti en 1986, adapté de la comédie musicale de Broadway Little Shop of Horrors.
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--Guylhem


    Ce matin !
    Il fallait que ça tombe ce matin tout pile poil !
    Comme si c’était fait exprès !
    Comme si le sort voulait s’acharner sur eux ! Comme si….
    Ouais, bon, il n’avait pas d’excuse… Mais il avait intérêt à en trouver une EXCELLENTE s’il voulait convaincre Merance que « ce-n’était-pas-sa-faute-mais-celle-du-chat » !

    Courant comme un fugitif dans les rues déjà bien réveillée de Paris, Guylhem manqua à plusieurs reprise de percuter deux autres chats (maudites bestioles !), un boiteux, trois canards, et trois ou quatre charrettes qui forcement avaient choisi leur moment pour s’arrêter au milieu d’une ruelle pour déchargé leur marchandises. Bon, le dernier point lui avait permis de chaparder au passage un morceau de pain frais, chaud, odorant qui lui donnerait peut être l’occasion de se faire pardonner auprès de la sorcière.

    C’est que ce jour-là n’était pas un jour comme un autre ! Apres des mois de travaux, de dur labeur à briquer, épousseté, réparer, consolider, aménager la bicoque, le grand jour était enfin arrivé de l’ouvrir au publique.
    Des mois de travaux, de rêves, de doute aussi, pour en arriver là… Il ne pouvait pas rater ça, pas plus qu’il ne pouvait la laisser ouvrir seul.
      Il lui avait promis.
        Il leur avait promis.
          Il serait là !

            Dernier coin de rue et…


    « Me v’là ! » Voulu-t-il déclarer, mains sur les genoux, tête penché en avant, toussant et crachant pour retrouver son souffle, mais bien entendu aucun son ne sorti de sa bouche et a l’accueil de la jeune femme, Guylhem releva la tête, arquant un sourcil dans une grimace digne d’un gargouille.
    Devait-il lui dire que c’était la faute de sa maudite bestiole s’il était en retard, qu’en plus a cet heure dans Paris c’était l’heure de pointe, et que d’abord elle aurait pu choisir un aut’ jour pour ouvrir, et…
    Oui, mais non, il ne put rien dire du tout en voyant le regard pétillant de son « Aingeal » comme il aimait l’appeler dans le secret de leur retrouvaille.
    Merance avait les yeux pétillant, ce regard malicieux de la petite fille qu’elle n’avait jamais dû être. Il devait surement être le seul, en cet instant, à voir les milliers d’étoiles qui scintillaient dans les prunelles de la sorcière lorsqu’elle était heureuse, le seul à la voir, tel qu’elle était, tel qu’elle devait toujours être, sans masque, sans peur, sans crainte, heureuse, tout simplement. Rare étaient ces moments, furtif également.

    Alors non, en voyant son regard, le grand gamin en oublia toute ses protestations et lui adressa son plus beau sourire, affichant toute ses dents et lui attrapa la main pour l’entrainer vers la porte.


    -J’suis prêt oui ! Allons-y avant que tout ne s’écroule.

    Taquin ?
    Juste ce qu’il fallait pour détendre un petit peu sa jeune amie qu’il sentait à la fois impatiente et… angoissée.

    La clé tourna dans la serrure, Guylhem ne put s’empêcher de lever la tête pour s’assurer que les quelques réparations du toit avait tenu et que tout ne s’écroulerait pas sur eux dès qu’ils franchiraient la porte mais…
      Non !
        Ouf !

    Merance avait ouvert, la bicoque tenait toujours, et une délicieuse odeur de bois, d’herbes séchées, de cendres, de vernis et d’alcools mélangées s’échappa vers l’extérieur. Le coin de ses lèvres se leva légèrement en un demi sourire, et il emboita le pas de la jeune femme, juste derrière elle, sans la quitter du regard, guettant la moindre de ses réactions.


    -C’était là ce que tu voulais n’est ce pas ? Demanda-t-il amusé en la rejoignant derrière le comptoir. Et encore, tu n’a pas tout vu.

    Un léger clin d’œil, il lui révélerait le secret un peu plus tard, ils avaient le temps encore avant l’arrivée des premiers clients, pour le moment… il restait encore du travail à accomplir !

    -Ne t’inquiète pas pour Thomas, j’irais lui porter ce qu’il faut, et… Il a eu le droit à autre chose aussi.

    Il avait marmonné les derniers mots, espérant que la sorcière ne les ai pas entendu. C’est vrai qu’il rendait de temps a autre ce genre de petit service mais… Il n’aimait guère s’en vanter. Et puis c’était une histoire d’homme, entre homme, ça ne regardait pas les femmes.

    Machinalement sa grande main maladroite glissa dans ses cheveux, et le grand gamin s’adossa au comptoir en croisant les bras et en poussant un petit soupire d’aise.

    Le gardien…
    Mais savait-elle qu’il était de toute façon son gardien depuis qu’elle avait passé la porte de la bicoque du prêtre cette fameuse nuit ? Dès ce jour il avait promis de veiller sur elle quoi qu’il se passe, quoi qu’elle fasse.
    Et depuis ce jour…
    Il était là.

    Guylhem plongea ses azurs dans ceux de la sorcière, et d’une voix à peine audible, comme un murmure, un chuchotis juste pour elle et… pour l’âme de ceux qui les avait conduits jusque là, il lui souffla doucement.


    -Je s’rais là, tu l’sais. J’ai promis Merance. J’s’rais là.

    Il regarda vers la porte, adressa un sourire au fantôme qu’il crut apercevoir, et satisfait, attrapa une chaise sur lequel il s’installa, à califourchon, les bras repliés sur le dossier.

    -Promis, si j’vois un mâle te tourner autour, j’tent’rais une potion. Pareil si j’vois une jolie blondinette passer.

    Et s’affalant sur son siège, le menton posé sur ses bras, le gamin s’imaginait déjà avec une jolie blondinette dans les bras. Il n’avait jamais tenté le coup, mais l’idée ne lui déplaisait pas. Surtout si la blondinette en question était la fille du capitaine de la garnison.
    Mauvaise idée pas vrai ?
      Il pouvait peut-être tenter d’empoisonner le père avant d’séduire la fille ?

    Nan !
    Meilleur idée !
      Son premier cobaye serait ce satané chat !


    La douce chaleur des mains de Merance sur ses bras l’extirpa de ses envies d’expérimentation et Guylhem cligna des yeux deux ou trois fois, la bouche ouverte, regardant la jeune femme d’un air ahuris du genre : «Pouvez repeter la question ? »
    Comment ?!
    Elle voulait le faire travailler !


    -Mais ?!
    Et l’déjeuner ?


    Mais avant d’essuyer les foudres de la jeune femme, ou d’être transformé en je-ne-sais-quoi, Guylhem se leva prestement en éclatant de rire, et posa sur le comptoir la miche de pain qu’il avait gardé précieusement dans sa sacoche.

    -J’rigole pas hein ! J’ai vraiment faim ! Lâcha-t-il en s’empressant de rejoindre l’âtre sombre et froide de la bicoque.

    Il avait eu la bonne idée de rentrer un peu de bois, près de la cheminée. Le plus gros s’entassait pèle mêle dans la petite cours derrière la bicoque, il construirait un abri pour le ranger au sec un peu plus tard, mais pour l’instant, Merance aurait de quoi faire tourner sa boutique sans problème.
    Le bois bien sec ne tarda pas à s’enflammer et bientôt, une délicieuse chaleur s’éleva du foyer, illuminant d’une couleur d’or et de sang les murs qui l’entourait.
    Guylhem recula de quelque pas, jeta un œil au chaudron posé sur le sol et le souleva sans mal pour l’accrocher sur le crochet de fer au dessus du feu.


    -J’vais t’chercher d’l’eau, au moins, tu auras c’qui faut pour les premiers clients. T’a b’soin d’autre chose ?
Merance
    Trois petits tours et puis s'en vont…
    Mérance observait la bicoque transformée en palais des mille et un tourments avec aux bords des lèvres un petit rictus qui en disait long sur ses pensées profondes quand Guylhem lui fit remarquer que si un homme lui tournait autour, il tenterait les potions. La sorcière s'approcha alors de lui et finit par poser ses doigts délicats sur sa tempe, les faisant glisser contre sa jolie tignasse, remettant en place quelques cheveux rebelles.


    - Tu n'as rien à craindre Guylhem, les hommes ne sont guères inspirés pour me tenir compagnie. Il semblerait qu'ils aient peur de ce que je pourrais leur faire durant leur sommeil…

    Et l'éclat de rire qu'elle offrit à son jeune ami résonna comme une cascade de cristaux qui éclataient sous l'effet du froid. Le rire était de mise tout autant que la sincérité. Mérance ne mentait jamais à Guylhem mais parfois, elle omettait de lui faire part de quelques vérités qui la concernaient. A quoi bon remuer le couteau dans les plaies qui cicatrisaient doucement, cela n'aurait rien changé à leurs deux misérables vies de toute façon.

    Tourbillonnant encore sur elle-même, Mérance prit une profonde inspiration tout en cherchant quelque chose où quelqu'un des yeux quand elle se stoppa en entendant le gamin parler de manger. Lâchant cette fois un soupir long comme un cour d'eau, elle secoua la tête rapidement.


    - Tu es un estomac sur pattes Guylhem ! Tu manges combien de fois par jour, sérieusement ?

    Tandis qu'elle se contentait d'un petit déjeuné frugal et quelques miettes le midi, lui aurait dévoré un bœuf et un sanglier à chaque repas. En même temps, vu la carrure qu'il affichait, elle comprenait qu'il faille nourrir sérieusement la bête. Et tandis qu'elle avait la langue levée pour lui faire part qu'elle accédait à sa requête, elle vit débouler deux boules de poils, l'une blanche, l'autre noire, qui se couraient après. Sautant d'un mouvement leste sur le comptoir, le chat blanc finit par se stopper avant de venir déposer devant Mérance une jolie souris crevée qu'il tenait dans sa gueule. Et voilà que le noir poussait un miaulement de lamentation de voir son péché mignon finir en offrande à sa maitresse. La sorcière finit par tapoter le haut de la tête de Pangur Bán avant de prendre la souris par la queue et de l'agiter devant le nez de Guylhem.

    - Tiens j'ai ton premier repas de la journée si tu le désires. Les chats ont décidé de nous offrir de quoi nous restaurer !

    Et devant l'air de Guylhem peu enclin à partager cet état de joie immense de son amie, Mérance finit par éclater de ce rire si rare et si précieux. Elle s'approcha à nouveau de Guylhem puis lui ébouriffa la crinière comme elle aimait le faire lorsqu'il était plus jeune et qu'elle était déjà si vieille… Bien sûr, le poids des années n'avait rien à voir là-dedans mais son âme pesait parfois si lourd… pauvre petite âme triste et solitaire qui était la sienne…

    Mérance vint à poser ses mains sur les épaules du jeune homme puis le retourna afin de lui montrer la pièce du fond avant de venir lui murmurer quelques mots.

    - Tu peux aller là-bas, il y a de quoi te restaurer. Mais je te préviens, tu ne vas pas passer ton temps à te goinfrer sinon Père Eusèbe viendra te botter les fesses depuis l'au-delà…

    La sorcière se rappelait encore les taloches que le gamin se prenait derrière la tête lorsqu'il faisait quelque chose que le vieux prêtre pensait ne pas convenir. Et pourtant, il y mettait du cœur le petit Guylhem, du cœur et de l'attention. Aujourd'hui, il était le seul juge de sa destinée mais Mérance aimait à l'embêter avec ce genre de petits piques qui le faisaient à coups sûrs râler. Et entendre le bougonnement de Guylhem dans la vieille bicoque mettait du baume au cœur à la sorcière, apportant avec lui ce sentiment de sérénité qu'elle ne ressentait presque jamais. Et aujourd'hui plus qu'un autre jour, elle avait besoin de ça pour faire face à ce qui se passerait dès que le premier client franchirait cette porte. Mais en attendant que cela arrive, Mérance décida de ranger quelques pots qui n'avaient pas leur place sur l'étagère principale tout en houspillant les chats qui recommençaient à se courir après avant d'attraper l'écriteau vierge que Thomas avait déposé la veille. Ce dernier avait pensé à tout ce qui réconforter Mérance de l'avoir choisi lui plutôt qu'un autre. Ce n'était pas facile de trouver de bons ouvriers mais la sorcière avait su se dégoter les perles rares. Et c'était là de bon augure !

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--Guylhem


    Il avait faim !
    Il avait toujours faim !
    Ce n’était pas de sa faute si son estomac réclamait son dû à chaque heure de la journée ! Ce n’était pas de sa faute non plus si les heures des repas étaient toujours trop espacées, si les miches de pains étaient trop petites, et les tranches de lards pas assez consistantes. Il n’avait jamais compris d’ailleurs pourquoi se contenter d’un peu de lard quand on pouvait manger tout le cochon d’un seul coup !
    Et le Père Eusèbe ne lui avait jamais expliqué non plus.
    Et puis normal qu’il ait toujours faim, c’était un homme après tout ! s’il était capable de couper du bois et de réparer une charpente il devait manger en conséquent !
    Et na !


    -J’mange normalement d’abord ! C’est juste que j’ai faim ! Toi t’as un appétit d’oiseau, moi j’suis un loup. Y m’faut d’la viande pour qu’j’puisse travailler !

    Et le jeune homme d’hausser les épaules avec sa mine des mauvais jours. La même bouille du petit garçon boudant quand il n’avait pas ce qu’il demandait.
      Quoi ?
        Qui a dit qu’un homme ne pouvait pas faire de caprice ?


    En tout cas lui, il avait le droit ! Et surtout en présence de Mérance… Ne restait-elle pas, par certain moment, sa fée ? Sa grande sœur ? Celle qui avait veillé un peu sur lui quand il était enfant ?
    Devant elle, il pouvait être tout ce qu’il voulait, à la fois polisson, farceur, homme, enfant, fort et faible (mais pas trop quand même) il était lui, tout simplement. Devant elle, il n’avait pas besoin de se cacher ni de faire semblant, de toute façon il n’avait pas intérêt, Mérance voyait tout, absolument tout. D’un seul regard elle pouvait le déshabiller entièrement ! Et comme il n’avait pas vraiment envie de se retrouver à poil devant elle….

    Les deux bestioles de la sorcière vinrent courir entre ses jambes, obligeant le gamin à lever un pied et puis un autre pour ne pas leur marcher dessus, même si ce n’était pas l’envie qui lui manquait.
    Il avait encore en travers l’attaque surprise du monstre au sous-sol !
    Guylhem maugréa dans la barbe qu’il n’avait pas jetant un regard mauvais vers les bestioles. Il n’avait jamais compris l’attirance de la Sorcière vers ce genre de bêtes. Il les avait toujours trouvés fourbes, faignantes et mauvaises ! Il préférait les chiens lui, plus francs, et surtout plus fidèles ! Et pas le genre à ramener une souris morte en récompense !


    -Heyyy Garde ta bestiole ! J’mange pas d’ses choses-là moi ! S’écria-t-il lorsque Mérance agita la souris devant son nez, puis lançant un regard noir vers les chats, il ajouta.
    -Par contre, tes boules de poils là, j’les verrais bien rôti sur le feu !

    Et faisant mine de vouloir les attraper, le gamin éclata de rire à son tour d’un rire franc et joyeux, se mêlant à celui de la sorcière, abandonnant pour quelques instants les blessures de leurs âmes. La main douce et chaude de Mérance ébouriffant sa tignasse le fit frissonner et instinctivement il pencha la tête sur le côté pour venir à la rencontre de son corps et y puiser juste ce qu’il faut de réconfort et d’innocence.
      Juste un instant en fait.

    Parce que son estomac en avait décidé autrement et le lui fit savoir en se manifestant en un grondement sonore !

    Mais ne l’avait-il pas dit ?
    Mérance sait tout, absolument tout !
    Si bien que lorsqu’elle lui montra l’emplacement du garde manger, le grand gamin s’y précipita sans attendre mais non sans lancer depuis le fond de l’office.


    -Y peut v’nir ! Ch’lui dirais pareich ! Quand ch’ai faim, ch’ai faim !

    Mais n’empêche que…
      Guylhem se retourna quand même pour regarder autour de lui.
        Au cas où…
          Le fantôme du vieil homme ne vienne véritablement lui mettre une taloche !


    Et c’est finalement avec une tranche de pain dans une main, une tranche de lard dans l’autre, et la bouche pleine qu’il revint près de la sorcière.


    -Tu veux que che fache quechque chose d’autre ? Demanda-t-il alors en enfournant le morceau de lard.
Merance
    Qu'il était bon de se sentir enfin chez soi, que tout était à sa place, que chaque personne, même les absents du monde des vivants, tenaient leur rôle à la perfection. Mérance enveloppa l'échoppe de son regard verdoyant aux reflets d'or avant de se tourner vers Guylhem et de lui sourire doucement. Ce gamin avait bien grandi et elle était fière de ce qu'il était devenu. Oh bien évidemment, il ne serait pas un sorcier mais s'il y mettait du sien, il pourrait devenir un excellent herboriste et concocter de merveilleuses potions. Car son savoir, il l'avait acquis auprès du plus talentueux professeur qu'elle-même eut connu. Les prêtres avaient la réputation, non erronée, de détenir le savoir. Et père Eusèbe avait laissé au gamin un héritage considérable. Encore fallait-il qu'il se bouge et arrête de manger à tout bout de champ !

    Posant le bâtonnet de braise qu'elle tenait, Mérance regarda son œuvre sur le panneau que Thomas lui avait laissé et satisfaite, elle fit un signe affirmatif de la tête. Il n'y avait plus qu'à le mettre en place aussi, se leva-t-elle puis se dirigeant vers la porte, elle tourna la tête vers son acolyte.


    - Tu penses pouvoir bouger un peu tes fesses pour m'aider ou bien penses-tu finir la journée dans le cellier à compter voir gouter tout ce que j'ai acheté comme provision ?

    Les yeux s'étaient plissés légèrement signe que cette question n'admettait aucune réponse ni contrariété d'ailleurs et Merance releva le menton en signe de légère provocation. Même si elle n'en voulait pas souvent à Guylhem, il y avait des fois où elle aurait aimé lui tordre le cou. Mais bien vite, cette idée farfelue la quittait, se chassant bien loin d'elle-même car sans lui la sorcière ne serait pas là. Combien de fois l'avait-il porté à bout de bras, combien de fois avait-il séché ses larmes et fait taire ses peurs et ses regrets ? Combien de fois avait-il lavé son corps, effacé ses bleus, rattrapé sa petite âme pour qu'elle n'ait plus jamais mal ?

    Guylhem était celui dont elle avait le plus besoin. Jamais elle n'avait accordé autant d'attention à quelqu'un à part à lui. Ses frères, sa sœur… oubliés dans un coin de sa mémoire depuis que Loghan avait jeté sur elle un regard d'une méfiance éternelle et que les mots d'Aellune étaient venus se fracasser contre son esprit. Jamais ils n'avaient été une famille, jamais mais avec Guylhem, tout avait été différent. Peut être parce qu'un jour, il avait cru qu'elle était une fée…

    Tournant son visage vers la porte, Merance montra à Guylhem l'endroit où elle voulait qu'il plante un clou afin d'accrocher ce foutu écriteau qui disait que la boutique était ouverte. Ce n'était pas compliqué, juste un marteau, un clou et le tour serait joué. D'ailleurs, la sorcière posa son index là où elle voulait que cela soit.


    - Et ne te tape pas sur les doigts, de grâce…

    La petite phrase qui faisait du bien quand elle était dite ! Et comme si de rien n'était, les deux chats de la sorcière arrivèrent en courant histoire d'assister au spectacle. Se frottant dans les jambes de leur maitresse, ils attendaient patiemment, à croire qu'ils se doutaient de ce qui allait arriver. Merance se retint de rire, sachant très bien que Guylhem et les animaux ça fait au moins douze et que Cueille-souris et Pangur Bán allaient certainement le déstabiliser. D'un geste du pied, elle tenta de repousser l'un des deux comparses mais ce dernier revint à la charge.

    - Je crois que tu as des admirateurs secrets !

    Offrant un sourire de toutes ses dents, Merance se faisait épineuse volontairement. De toute sa vie, elle ne faisait que se défendre contre les autres car rares étaient les personnes qui désiraient entrer dans son monde. Guylhem était le seul avec lequel elle pouvait lâcher prise et se laisser aller. Sans doute que cela serait ainsi toute sa vie, seul l'avenir le lui dirait.

    - Allez, accroche ça qu'on en finisse !

    Une fois le travail terminé, l'échoppe serait belle et bien ouverte !

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--Guylhem


    Entendant les paroles de la sorcière, Guyhlem enfourna d’un coup tout ce qui lui restait en main et se retourna pour faire face à Mérance, les joues gonflées comme celle d’un hamster tout en émettant un grognant digne d’un petit porcelet cherchant après sa mère.

    -MmmMmmhhmMmmh !

    En d’autres termes cela voulait dire : « Tu m’casse les pieds, tu m’laisse jamais l’temps de manger ! Je vais finir tout maigre et malade et tu s’ra bien avancé quand j’pourrais plus l’bouger mon derrière ! »
    Enfin… à quelque chose près.

    Guyhlem fini enfin par déglutir, non sans mal, manquant presque de s’étouffer avec une miette de pain qui avait visiblement choisi de faire bande à part en empruntant le mauvais tuyau. Il se frappa la poitrine comme un forcené pour faire passer l’intrus puis se tourna vers la sorcière les yeux rouge et larmoyant.


    -J’arrive ! J’arrive ! M’presse pas comme ça, j’ai failli mourir !

    Et dès qu’elle eut le dos tourné il lui adressa une grimace digne de la plus affreuse gargouille surplombant Notre Dame avant de la suivre, les mains dans le dos, mine de rien.
    Gamin le blondinet ?
    Juste de temps à autre pour apaiser le cœur de sa sorcière et lui offrir un peu de soleil et de chaleur.


    - Tsss comme si ça m’arrivait souvent ! pesta-t-il à la remarque de sa chère fée, transformée pour l’heure en véritable dragon !

    Haussant les épaules en mode « boudeur », Guyhlem attrapa un clou, qu’il cala entre ses dents, juste le temps d’attraper ensuite le marteau et jeter un œil vers l’endroit précis, celui-là même, ici et pas ailleurs qu’elle lui avait montré et y posa le clou.
    Il ferma un œil, l’ouvrit, ferma l’autre et leva la main prêt à foutre une raclée au pauvre clou quand…


    -Non mais tu peux pas dire à tes bestioles de r’garder ailleurs ? Ça m’deconcentre !

    Il se garda bien de lui dire qu’il mourrait d’envie de les clouer tous les deux sur la porte de chaque côté de la pancarte pour décorer un peu la boutique, mais craignant de se prendre un pied au séant (ou pire) il se contenta de lancer un regard noir vers les bestioles espérant leur faire assez peur pour qu’elles se sauvent.
    Mais…
    Nan !

    Poussant alors un grand soupire, résigné à servir de spectacle à deux boules de poils et leur maitresse, Guyhlem replaça le clou, et sans réfléchir d’avantage donna un grand coup de marteau.
    Quelques instants plus tard, il plaça enfin la pancarte, se recula pour contempler son travail.




    Se tournant alors vers la Sorcière, il lui adressa alors un grand sourire complice suivit d’un petit clin d’œil.
    Cette fois… C’était bel et bien parti !
Gysele
Lorsqu'on exerce mon métier, on a intérêt à couvrir ses arrières niveau accidents. Déjà que même en prenant des précautions, des pépins arrivent, je ne prends pas le risque de vivre plus d'horreurs que nécessaire. Le taux de mortalité chez les catins est élevé, si nous ne mourrons pas de maladies, de violences ou de suicides, nous avons toujours le risque de crever d'une fausse couche, d'un avortement mal réalisé ou d'un accouchement crasseux. Je m'attends d'un jour à l'autre à ce que ma mère meure, rien d'exceptionnel chez les putains ! Je suis soulagée d'avoir un peu changé de direction en ne m'offrant qu'à un homme pour éviter de rejoindre la tombe trop tôt.

Pour éviter tout désagrément et rester dans la promesse que j'ai faite à Ursula, je découvre, lors de mon passage à Paris, la nouvelle adresse de la sorcière Merance qui a ouvert à la Cour. Je ne connais pas bien la rousse, seulement quelques sourires, quelques mots échangés lors de nos transactions. Mais la discrétion dont elle a toujours fait preuve me rassure et je suis ravie de retrouver cette boutique. Mes pas s'arrêtent devant, je jauge la façade d'un air songeur et découvre la pancarte annonçant que l'endroit est ouvert. J'ai à faire à Paris, je dois retrouver le bâtard d'Ursula. Mais je me permets ce petit détour qui m'évitera peut-être d'engendrer à mon tour un bâtard. J'ouvre la porte, laisse mes yeux s'habituer à la luminosité des lieux alors qu'une douce chaleur m'enveloppe. Je glisse un regard sur l'intérieur, j'observe quelques bocaux, toujours impressionnée par cet art que je ne maîtrise pas le moins du monde. Je souris enfin aux deux présents et m'avance au comptoir.


-Bonjour... Merance c'bien ça ? Vous n'vous souvenez peut-être pas d'moi, mais j'venais vous voir avant dans vot' bicoque. Félicitations pour cette nouvelle boutique.

Je scrute Guylhem autant que la sorcière, m'interroge sur l'effet de certains flacons, ma curiosité mise à mal car je n'ose pas forcément entendre la réponse qu'on me donnera. Ici, il est de bon ton de se faire discret, pour ne pas risquer qu'on vous désigne comme prochaine victime d'un incident quelconque. Je rajoute presque précipitamment l'objet de ma venue :

- J'souhaite à nouveau des herbes ou autres d'vos préparations pour éviter d'me faire engrosser. Donnez-moi c'que vous avez de plus efficace, j'payerai l'prix.
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Merance
    - Cueille-souris arrête ça tout d'suite ! Cueille-souris lâche cet oiseau… mais tu vas me le donner sale bête…

    Et la sorcière de courir après son chat qui venait de lui piquer l'oiseau mort qu'elle avait ramener quelques minutes plus tôt avec la ferme intention de le déplumer et lui arracher le cœur mais son chat, premier né de la famille, s'autorisait quelques familiarités. Et des familiarités qui ne lui plaisaient absolument pas à Merance. Brandissant un couteau, elle menaça sa bestiole préférée.

    - Si tu ne me le redonnes pas, c'est toi que je coupe en morceaux pour te mettre dans mes potions. Tu verras comme c'est agréable saleté !

    La Maudite adorait ses chats mais elle ne supportait pas qu'on vienne marcher sur ses plates-bandes. Et il avait du le sentir le noiraud car délicatement, il déposa l'oiseau aux pieds de sa maitresse en miaulant comme s'il voulait se faire pardonner. Merance, incapable de rester en colère contre son compagnon, lui donna une caresse sur la tête et fila avec son oiseau mort jusque dans la petite pièce du fond de la boutique, mettant à l'abri son trésor puis revint chercher quelques pots aux noms mystérieux dont elle avait besoin.

    - Toile d'araignée… lezards séchés… poudre de pattes de grenouilles… ah te voilà… poils de chèvres… c'est exactement ce qu'il me faut pour…

    La porte venant de s'ouvrir dans un petit cliquetis reconnaissable que Merance s'interrompit afin de se retourner et voir qui entrait. Elle avait toujours une certaine appréhension quand un inconnu pénétrait dans son échoppe. Bien qu'elle ne redoute nullement l'inquisition et ses conséquences, elle voulait épargner à tout prix Guylhem de ce qu'il pourrait se passer aussi, essayait-elle d'identifier les inconnus rapidement. Et pour l'heure, l'inconnue lui disait vaguement quelque chose. Se retournant complètement, la sorcière lui fit face, un léger sourire de mise sur les lèvres. Et lorsque les premières paroles sont dites, tout lui revient en mémoire. La bicoque du père Eusèbe, le bordel, les filles plus ou moins jolies du quartier et puis la belle Gysèle qui sortait du lot. De celles qui venaient la voir pour expédier un marmot ou s'en prévenir, elle avait la préférence de la sorcière. Les affinités ne s'expliquaient pas à ce que l'on disait.

    - Et bien, je ne m'attendais pas à te revoir par ici, bien que, je suis heureuse que tu ais encore besoin de mes services.

    Le sourire se fit plus large et sincère. Merance ne faisait rien gratuitement certes et un client restait un client. Mais la plupart du temps, elle faisait surtout payer les filles de la haute société plutôt que celles de la rue. Sa façon à elle de les aider à sortir de leurs conditions misérables en ne les enfonçant pas avec des écus qu'elles auraient dû dépenser et qu'elles n'avaient pas.

    Le regard de la sorcière glissa sur la silhouette de la rousse, remonta jusqu'à son visage et plongea ses mirettes dans celles de sa cliente.


    - Des herbes et des potions, j'ai les deux. La potion pour prévenir et les herbes pour au cas où cela soit trop tard. Bien que dans ce cas-là, ce ne soit pas une science exacte, il arrive que parfois, ça ne marche pas. Mais…

    Merance commença à fouiller dans les pots qu'elle avait sur l'étagère à côté d'elle avant d'en sortir une fiole au liquide sirupeux et verdâtre.

    - Il te faudra boire ceci tous les jours afin que ton corps ne soit plus fertile.

    Merance s'approcha de Gysèle et lui glissa la fiole dans les mains.

    - J'ai essayé d'affiner le gout et c'est moins terrible que ça n'y parait… bien que…

    Le sourire que la sorcière afficha essayait d'être convaincant bien que sa pensée l'était moins car finalement, le remède était exécrable à prendre mais c'était là un mal pour un bien et quand femme le veut…


    *De l'enfant tu t'en préviendras mais de l'écœurement, sauras-tu y faire face belle enfant ?*


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Gysele
Tu as bien changé depuis la dernière fois Gysèle. De chat sauvage des rues parisiennes, tu t'es transformée en chatte d'apparat, vêtue d'une robe de belle facture même si tu l'as choisie simple pour venir ici. Le tissu tombe justement sur tes courbes qui se sont étoffées légèrement, car tu n'es plus une adolescente mais bien une jeune femme aujourd'hui. Tes cheveux sont toujours un peu sauvages, mais plus maitrisés, ta posture moins provocatrice et plus raffinée. Infimes changements qui t'ont fait troquer ta mue de gamine pour ta peau de femme.

Merance, elle, ne semble pas avoir changé. Comme dans ton souvenir, elle possède la beauté du mystère, un visage angélique qui te trouble autant que cette lueur qui valse dans son regard. Du danger ? La connaissance ? Autre chose ? Tes iris s'attardent un peu plus que ce que la bienséance le voudrait, fascinée par tout ce que représente cette "sorcière". Tu sais combien son métier est difficile, pire que le tien peut-être car ce genre de réputations se terminent souvent sur un bûcher. Tu lui dois beaucoup pourtant et bon nombre de grandes familles lui doivent la modération du nombre de bâtards nés, sans quoi les arbres généalogiques seraient encore plus bordéliques qu'aujourd'hui.

Un miaulement te sort de ta contemplation et tu te rends compte qu'elle a fini de te parler et que tu as oublié de lui répondre. Tes doigts se sont refermés sur la fiole qu'elle t'a donnée et tu baisses ton regard sur le flacon pour en observer le contenu. La couleur t'intrigue et tu l'ouvres pour en renifler le contenu. Aussitôt ton nez se retrousse en une grimace de dégoût et tu regrettes d'avoir inspiré si fort quand l'odeur semble rester accrochée à tes sens. Tu en oublies ton vouvoiement instantanément et t'écris :


- Foutredieu ! Ça pue ! T'es sûre qu't'as affiné ?

Tes bonnes manières s'oublient très vite quand tu te laisses emporter par tes émotions Gysèle. Tu es comme ça, entière, un peu brut de décoffrage, mais ça n'en appuie que davantage ta sincérité. Sans attendre la réponse, tu portes la fiole à tes lèvres et boit une gorgée en cessant de respirer. Tu déglutis et tu crois d'abord que ce n'était pas si dur. Puis vient le relant nauséabond qui t'arrache un haut le cœur, ta langue claque sur ton palais, cherchant à se défaire de ce goût désagréable sans succès. Ta moue dégoûtée ne peut pas tromper l'herboriste : tu détestes son produit.

- Tous les jours ! J'ne vais jamais...

Tu t'interromps quand une pensée te vient. Elle est soudaine, pas forcément affolée, mais présente.

- Est-c'qu'à force d'en boire j'serai plus du tout fertile ?

Non pas que ça t'inquiète plus que ça. T'es pas spécialement pour faire comme ta mère et avoir des mioches pour les balancer à la rue par manque d'argent, par manque d'amour à offrir. Le seul amour que tu connaisses est celui qui se joue au creux d'une couche et il n'a rien de très sentimental ni rien qui concerne la famille ou le foyer. Cela dit, tu préfères t'informer histoire d'être totalement consciente de ce que tu fais à ton corps et des choix de vie que tu prendras. Tu souris à la rousse et tu te demandes alors à quoi ressemblent les enfants d'un ange-sorcière.
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Azazel_l_encapuchonne
« Sur la cédule, devant être remise à Satan, n’insinuez que votre supplique ; lui-même jugera regardant dans votre âme, si, étant assez dégradé, vous avez renoncé à tout autre qu’à Lui. » Jules Bois**



    La torpeur hivernale ainsi que printanière avait eu raison de Luxure, ce dernier se terrant lamentablement dans les tréfonds de l'Antre, à l'image d'un reptile attendant son heure pour remonter en surface afin de profiter des bienfaits de la saison nouvelle. Il était temps. Temps de revenir à la vie -si tant est que cette existence en était véritablement une. Si le repère était plongé dans un silence ecclésiastique, la Cour, pour sa part, était toujours cette représentation parfaitement chaotique d'un poulailler en pleine effervescence. Le moment de sortir le grain pour nourrir tout ce petit monde était bel et bien là. Reprendre du poil de la Bête et redevenir l'un des dignes Princes dont le Nom n'était plus que le pâle reflet d'une réalité lointaine. Eux, si fiers, si puissants, qu'étaient-ils aux yeux d'autrui aujourd'hui, sinon des inconnus ? Et quoi de mieux pour refaire parler de soi que quelques apparitions furtives ? « Ainsi soit-il, et que le Sans Nom nous garde, Frères ! » avait-il clamé haut et fort avant de disparaître à l'extérieur.

    Ce qui ne devait être qu'une balade de santé se mua progressivement en une recherche forcée de mets de choix. L'un, plus que d'autres. Il lui fallait trouver putain à son vit, mais qui aurait cru qu'au sein de la Miraculée, et plus généralement de Paris, il deviendrait si difficile de trouver ce qui, par le passé, grouillait comme la pire des vermines ? Ah ! L'époque lointaine où l'on croisait plus de puterelles que de rats était bien révolue, au grand dam de l'Encapuchonné. Aux grands maux, les grands remèdes. Son idée était vile, mais quoi de moins étonnant que cela de sa part ? Après tout, froisser les jupons d'une catin était peut-être plaisant, mais s'emparer d'une innocente sans qu'elle ne puisse rien y faire, sinon hurler après coup n'en était que plus succulent. Ainsi donc, le Prince avait erré un temps, se remémorant les on-dit glanés plus tôt au sujet d'une boutique ayant ouvert ses portes, ou devant les ouvrir incessamment sous peu.

    Et bientôt, la bâtisse attendue se dévoila au-devant du Masque d'ivoire blanc. Nul ne pouvait percevoir le fin sourire s'esquissant aux lèvres de l'homme, et pourtant il était là: Carnassier, assoiffé et désireux d'obtenir ce qu'il souhaitait. L'adresse ne lui était pas tant inconnue, puisque par obligations parallèles il se devait de toujours être au courant de tout. Curieuse situation que celle-ci néanmoins. Finalement, la bure s'agita après une courte pause sur les pavés voisins à la boutique. Les pas lourds sur le sol résonnaient à tout va, accompagnés par la frappe d'une canne et d'un fredonnement d'abjects psaumes à la Gloire de l'Infernal. Rien n'aurait su le faire se stopper, pas même la porte de l'endroit s'ouvrant sous sa main gantée pour dévoiler à ses yeux les quelques âmes présentes. Le seuil passait ne fit pas changer l'attitude de l'invité qu'il était. Il continuait à psalmodier tout en scrutant ce qui composait l'endroit accueillant sa divine personne.



    « Ne redeviens pas ce petit enfant, que laisse venir à lui le Très-Haut, mais sois le vieillard abruti que le Sans Nom appelle ; non pas le bégayeur des divines syllabes ingénues, mais le bafouilleur immonde, dont l’obscénité rabâche, dont le pied titube, dont la main salie d’excrémentiels contacts ébauche l’hypocrisie d’un geste innocent.
    Contrefais l’ignorance pure et tout illuminée de Dieu par l’ignorance percluse et saugrenue, l’impudence, l'éhontément, l’extravagance machinale, — l’inaltérable stupidité !
    **

    Un responsable. Maintenant. »

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Gysele
Tu n'as pas le temps d'attendre la réponse de ton interlocutrice, que la porte d'entrée s'ouvre à nouveau sur une silhouette d'allure peu commune. Tu plisses les mirettes, comme si ça allait mieux te dévoiler l'identité de l'inconnu masqué et un vague frisson s'immisce le long de ton échine. Ta méfiance est immédiatement en marche, car à la cour ou ailleurs, on porte un masque lorsque l'on compte faire des choses pour lesquelles on ne souhaite pas être reconnu. Tu le détailles de haut en bas et ses paroles à peine audibles ne font que renforcer ta parano. Tu refermes la fiole, étrangement le goût nauséabond passe lorsqu'on te change les idées, bien que ta langue en garde encore quelques bribes. Ton regard passe de l'inconnu à Mérance lorsqu'il réclame le responsable et tu ne sais pas bien pourquoi, mais tu ne dis pas immédiatement laquelle des deux l'est, comme pour protéger la sorcière si jamais le masqué espérait accomplir une vengeance quelconque. Il n'est pas bien difficile de savoir laquelle des deux l'est cependant, l'une d'un côté du comptoir et l'autre en face. Tu te retournes sur l'inconnu, glissant ta fiole dans ta besace et tu penches la tête d'une allure faussement nonchalante. Catin un jour, catin toujours, t'es pas à ton premier homme étrange que tu rencontres et tu gardes tes vieilles habitudes de la rue.

- Originale la tenue mon mignon ! Z'avez raison, l'masque c'est mieux qu'certains visages. On d'vrait plus souvent l'dire.

Tu affiches un air amusé et pourtant ce sourire ne va pas jusqu'aux yeux, qui eux, restent en alerte. Pourtant, insolente, tu reprends.

- L'bonjour à vous aussi.

La trainée polie, vous connaissez ? En voilà une.
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Azazel_l_encapuchonne
« La femme, souffrante et vidée de religion par l’ambiant scepticisme des hommes, enfanta le Diable. [...] La femme règne dans l’empire de la chair, parce que l’Esprit la dévaste sans cesse, s’y blottit, profite de ses entrailles pour y devenir vivant. » Jules Bois




    Si le Masque était inévitablement dénué de mimiques inopinées et révélatrices, la main gantée, elle, n'eut plus de cesse que de se resserrer lentement sur le pommeau de sa prise, signifiant l'agacement même dont Luxure était en proie à l'instant. Colère aurait-il eu quelques dégorgements néfastes sur son Frère de par sa simple présence à l'Antre ? Le regard avide opta pour quelques va-et-vient entre les individus dès lors où une femelle plus grande-gueule que nécessaire avait trouvé bon de l'ouvrir. Il n'avait pourtant pas souvenir d'avoir demandé à ce qu'on la ramène inutilement. S'il était un genre de créatures reconnaissables entre toutes à la Cour, c'était probablement celui-ci: Les forts en gueule; ceux dont le claque-merde ne faisait silence que lorsqu'il se faisait remplir d'une façon ou d'une autre. L'idée était intéressante et la principale concernée appétissante. Quel dommage que l'heure ne fût plus à la simplicité. Plus tard, peut-être, afin de rassasier l'appétit dévorant dont lui et les Autres ne parvenaient jamais à se défaire pleinement. Azazel d'abord, bien évidemment. Il ne faudrait pas balancer dans les pattes des Membres une bonne à rien après tout.

    Le maintien était parfait. Droit comme un piquet, seul le Masque tourna lentement de côté afin de faire pleinement face à la diablesse à la chevelure aussi flamboyante que celle de sa voisine. S'il était un nid regorgeant de mets goûteux dont il faudrait se souvenir de l'emplacement à l'avenir, ce serait probablement icilieu. D'abord mutique, le Prince se contenta d'approfondir l'ébauche faite jusque là à l'aide de quelques oeillades, par les fentes du Masque, se voulant appuyées au possible. On ne perdait pas si aisément ses habitudes, sans compter que tout brin de femmes était bon à dépeindre. Bien que, paradoxalement, il n'était pas difficile. Qu'importe la chair, seul ce qu'on comptait en faire était sujet à une quelconque réflexion ou à un certain attardement. Encore que. Si Bélial avait jadis eu pour Temple le Silence, il en était bien autre sous la bure présente. Azazel ne savait tenir longuement sa langue.


    « Si nombreux soient les visages qu'il ne faut contempler, ce n'est jamais que par leur laideur. Ca n'est pas mon cas, comme ça n'est pas plus le tien. Mais si ton minois m'est plaisant, je n'ose imaginer ce que la vision de ton cul ferait à ma personne.
    Sois mignonne, et ferme-la. Je les préfère silencieuses si ce n'est pas pour les entendre hurler. Ton tour viendra bien assez tôt, en supposant qu'un responsable daigne accueillir son Prince avant que sa patience ne s'égraine. »


    Ah, Luxure... Toujours un mot doux pour se faire apprécier des femmes.

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Merance
    La sorcière observait sans aucune honte le joli brin de fille qu'elle avait devant elle, étudiant chacun de ses traits comme un peintre l'aurait fait. Bien qu'elle n'y connaisse rien aux pinceaux et aux couleurs, elle aurait aimé être plus érudite en ce domaine afin de garder un souvenir de la jolie rousse qui se tenait devant elle. Car même si Gysèle travaillait dans la rue, elle gardait de ses traits une fraicheur qui avait depuis longtemps disparue de ceux de Merance et cette dernière aimait cette beauté féminine qui se drapait d'innocence autant que de malice.

    Souriant à Gysèle, et sans y prendre garde, les doigts de la sorcière vinrent à se poser sur le bras de la jeune cliente, goutant du bout des doigts à cette peau qui avait une douceur à la faire frémir légèrement sous sa robe. Et Merance se mordit légèrement la lèvre tandis qu'elle réalisait que ses pensées, trop longtemps emprisonnées dans la douleur de se tenir hors de portée de toutes et de tous, vagabondaient vers des contrées qui lui étaient interdites. Il y avait bien longtemps qu'elle avait mise une croix sur un semblant de sentiment, quel qu'il soit. De l'amitié à l'amour, fermée elle serait… enfin ça c'était dans le principe car le cœur savait outrepasser les commandements de l'être pour mieux lui compliquer la vie. Mais revenons les pieds sur terre. La sorcière retira ses doigts joueurs tandis qu'elle répondait à la question posée.


    - Il y a des risques effectivement que tu ne puisses plus jamais devenir grosse. En ce domaine, je ne pourrais te l'assurer. Certaines femmes sont plus porteuses que d'autres. Tu as la jeunesse pour toi et donc la facilité de porter la vie…

    Elle-même s'était contrainte à ces propres médications durant de longues années lorsque son répugnant mari ou l'un de ses fils l'obligeaient à faire son devoir conjugal. Et les quelques fois où son corps avait accueilli la vie, elle s'en était débarrasser comme on chassait une mouche sur un bon bout de viande. D'un geste de la main, elle avalait ses herbes et se rendait malade quelques jours durant à espérer crever une bonne fois pour toute. Mais la Morrighan ne le permettait pas. Merance devait vivre et continuer à œuvrer. Les dés en étaient jetés, le flambeau passé.

    Merance ferma les yeux quelques secondes pour chasser tout ce qui revenait du passé. La vie ne l'avait pas épargnée mais c'était ainsi, rien ne pouvait être changé. A Gysèle de savoir ce qu'elle voulait faire des cartes qui lui avaient été données.


    - Tu envisages d'avoir un enfant un jour ?

    Idée saugrenue pour la sorcière qui savait que pour elle, c'était là la plus grande frayeur de sa vie. Et puis il aurait fallu qu'un homme puisse l'approcher et ça, c'était autrement plus compliqué. Mais alors qu'elle attendait une réponse de sa jeune amie, la porte s'ouvrit afin de laisser entrer l'encapuchonné. Et un long frisson vint à parcourir l'échine de la rousse. C'était là les joies de la cour des miracles qui apportait son lot de personnes hautes en couleurs et celui-là l'était. Alors Merance se détacha de Gysèle non sans lui avoir glissé un "je reviens" puis s'avança à pas comptés, avec une certaine déférence elle salua le nouveau venu.

    - Bienvenue dans L'Antre du mystère et j'en suis la propriétaire.

    Et Mérance leva enfin ses mirettes sur l'un de ceux dont on lui avait parlé. Les Princes Noirs, fils du Sans-Nom qui œuvraient en silence, une main sur chaque cœur qui battait le rythme de la cour des miracles. Et la sorcière sentit les doigts froids et putrides venir entourer son cœur pour l'étreinte joyeusement… Quand on croisait l'un d'entre eux, il valait mieux prier le Sans-nom qu'ils détournent leur regard de vous sinon… sinon… rien. Elle était sorcière et de cet état de fait, elle se redressa pour imposer sa loi et chasser cette oppressante contrainte qui voulait la faire sienne. Elle était ici chez elle et que cela soit lui ou un autre, aucun n'aurait de prise sur elle. Et son regard s'obscurcit au point que toute teinte céladon ait disparu pour n'être plus qu'un champ obscur.

    - Que puis-je faire pour vous être agréable ?

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Azazel_l_encapuchonne
    S'il était des personnes donc l'Encapuchonné avait malgré tout appris à se méfier c'était bel et bien de celles que l'on disait Clairvoyantes, Ensorceleuses, ou plus généralement celles qu'on surnommait Sorcières. Non pas que toutes avaient été affublées de ces sobriquets par quelques raisons valables, sinon suffisantes, et pourtant une once de suspicion demeurait toujours. Dans le cas de la présente Sans Âme, il en allait différemment. En effet, si Luxure avait trouvé bon de venir s'égarer au sein de la bicoque de celle-ci, c'est qu'il avait quelques justifications appuyant sa décision d'honorer par sa présence l'endroit.

    Nombreux étaient les ragots s'écoulant au travers de la Cour des Miracles, pareils à un flot de merdes joyeusement brassé par la Seine voisine; celui-là même que tous entretenaient et approvisionnaient quotidiennement par leurs défécations. Les repas de chaque couriens étaient semblables à un plat de gerbe; maigre apport nutritif, mais nécessaire à l'entretien de chacun, ainsi donc il n'était en rien étonnant que chaque parole des résidents se rapprochât d'une immondice informe et puante. Maigre considération de la pitance parisienne qu'Azazel avait là, n'en déplaise à ceux dont l'oreille était trop cireuse pour admettre que tout n'était en ces bas-fonds qu'un énorme ramassis de conneries bonnes à jeter au feu.

    Sous le Masque, le sourire n'avait pu que s'élargir aux mots froids et parfaitement pesés prenant forme sous le regard dénaturé de Mérance. L'amusement aurait pu être à son comble si sa venue était à but purement lucratif. Hélas. Que ses esprits lui soient rendus, et vite, qu'ainsi il puisse s'en retourner à ses occupations précédentes, après s'être débarrassé de cette course obligée et nécessaire au bon déroulement des choses se dessinant subjectivement dans l'ombre.

    Être intermédiaire n'était pas des plus habituels; coursier pire encore. Mais le jeu en valait la chandelle. La récompense, elle, ne serait qu'un délice gustatif pour la langue inépuisable et le fin palais dont il était le possesseur. Sa main se ferait une joie sans nom de caresser les chairs froides et inanimées. Si tenté que la commande l'ayant conduit ici soit obtenue et efficace. Sans quoi, tout le stratagème tomberait à l'eau et il se verrait dans l'obligation de revenir icilieu afin de purifier par les flammes l'affront fait.

    Finalement, et après un long silence suivit par quelques oeillades intéressées sur la rousse, l'Encapuchonné daigna répondre à sa nouvelle interlocutrice. Non sans s'incliner brièvement, petit signe d'un certain respect qui ne devait être caché. Après tout, il n'était pas Orgueuil et pouvait se permettre de faire preuve d'une certaine courtoisie lorsque l'envie lui prenait -quand bien même il n'était jamais que la représentation masquée d'un péché honteux; inavouable. Blasphématoire.


    « Vous pourriez sans doute m'être aimable de bien des façons, mais je crains de n'être ici pour quelques divertissements propres aux corps.

    Un philtre. Voilà ce qui m'amène. Une quelconque potion pouvant faire passer du statut de vivant à celui de trépassé. »


    Jusque là, rien de bien difficile à trouver. Un jeu d'enfant, même, et ce sans avoir à passer par une forme de sorcellerie. Mais le point important restait à venir.

    « Pour une certaine durée tout du moins. Le coeur ne doit se stopper. »

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Merance
    Le regard de la sorcière s'assombrit. Encore heureux qu'il ne voulait pas profiter de quelques divertissements. Elle aurait été fort mal à l'aise de le voir se rapprocher d'elle un peu plus que raisonnablement. Et la maudite ne put s'empêcher de frémir à ce qui aurait pu arriver et comment elle aurait dû batailler avec lui. D'un geste de la tête, la jeune femme chassa ses horribles idées pour se concentrer sur ce que lui disait l'encapuchonné. Il faisait appel à elle et pas pour n'importe quoi. Elle devrait montrer tout son savoir et même se surpasser parce que l'encapuchonné, lui, ne la louperait pas. Redressant le visage, elle opina du chef en réfléchissant déjà aux plantes qu'elle avait en stock. Elle passait en revue ce qu'il lui faudrait et déjà elle savait qui lui manquait un élément majeur.

    Passant le bout de sa langue sur la lèvre inférieure, elle déglutit légèrement. Elle savait qu'elle ne devait poser aucune question mais la curiosité était faite femme et cela la titillait. La jeune femme finit par se mordre sévèrement l'intérieur de la joue. Et la langue se leva pour laisser le son doucereux de sa voix s'élever.


    - Je vous serais agréable de la seule façon qui me soit possible de l'être… en créant ce que vous me demandez.

    Voilà, ça c'était mis au clair et elle n'était pas peu fière d'avoir usé de sa franchise.

    - Mais il vous faudra revenir demain, plutôt tardivement car il me faut quelques heures pour confectionner la potion. Elle doit macérer afin d'être active et non pas… mortelle…

    Le sourire presque jubilatoire étira les lippes de la rousse. Elle savait qu'elle maitrisait son sujet quand il s'agissait de choses exceptionnelles. Et puis cela lui faisait du bien qu'on puisse reconnaitre son pouvoir… orgueilleuse Mérance ? Pas du tout ou alors juste un soupçon.

    - Je vous invite donc à revenir à partir de minuit demain. Et passez directement par la porte arrière, nous serons plus tranquilles.

    Et qu'il n'aille pas croire à une quelconque invitation à finir autre chose que ce contrat sinon il allait être servi l'encapuchonné. Inspirant doucement, elle inclina légèrement la tête et tourna le visage vers Gysèle afin de s'assurer qu'elle était toujours là. D'un pas, elle se rapprocha de cette dernière indiquant l'homme qu'il pouvait prendre congés. La maudite avait encore quelques conseils à donner à la jolie rousse.

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