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[RP] Le bleu de sa Mère, le noir de son Père.

Amadeus.von.frayner
    Il a six ans.


C'est l'âge de raison. La raison des autres. Celle qui, forgée par les hommes, donne la conscience du monde qui l'entoure à l'enfant qui joue, insouciant.

Les mains enfantines ont jusqu'ici eu l'habitude d'échafauder des forteresses de bois à l'équilibre fragile, gardées par des cailloux vengeurs, inventer des armées impitoyables et des héros de ficelles. L'enfant est un être que l'on croit sans conscience, passif au regard de ce qui l'entoure. L'on imagine que posé là; il y joue. Sans porter d'intêret à ce qui l'environne. L'enfant serait un petit être en devenir, que l'on forgera bien plus tard...

Mais l'enfant est une fourmi qui construit sur le sable. Ses jeux s'étendent au delà du royaume des hommes. Lorsqu'une nourrice quelconque vient réprimander le désordre causé par ses constructions alambiquées et y mettre un terme d'un coup de balais comme une bourrasque de vent meurtrier, rien n'est perdu. De par sa seule volonté, travailleuse, créative, sans limites et aux désillusions si éphémères. Tout est reconstruit le lendemain. Sous son oeil étonné, et sa main au balais n'osant plus rien toucher, la nourrice comprend alors le territoire sacré de l'enfance, léger et apatride. Depuis ses premiers battements de coeur, l'enfant a pris tout ce que le monde qui l'entourait offrait pour se construire. Dans le ventre de la vie, l'enfant a pris le bleu de sa Mère. Et dans le tumulte des cuisses desquelles on l'a extrait, des bras desquels on l'a enlevé, l'enfant a pris le noir de son Père. Son monde intérieur est plus puissant que mille galaxies, constellé de rêves et transpercé par le feu fulgurant de comètes frappeuses... Les réalités adultes.

Et lorsque sa réalité rencontre la réalité des adultes, l'enfant se lève. Fait un pas devant l'autre, conscient, plus que l'on ne l'imagine, de ce qui se passe. De ce qui l'environne. L'homme n'a jamais été aussi loin de la réalité en sous estimant l'impact de l'environnement sur son enfant.

Il a six ans, Amadeus Foulques Von Frayner. Et son nom ne sera jamais aussi long que l'histoire de sa naissance, l'histoire de sa vie. L'histoire future, de son adolescence. La journée est belle pourtant. Un pas devant l'autre, l'enfant avance dans le tumulte. Il entend autour de lui les cris d'effroi qui écarquillent ses yeux, dans lesquels il a puisé le bleu de sa Mère. Il observe l'homme qui s'effondre, agonise, empoisonné par un convive, un invité. Une main l'écarte, le soustrait à la violence de la scène en baillonant ses yeux, froissant sans ménagement ses cheveux noirs, le noir de son Père.

Les comètes des hommes laissent toujours les traces de leur passage dans le monde de l'enfance. Elles impactent, positivement ou non, l'univers malléable du petit enfant. Elles le modèlent, s'éclatent parfois sur ses contours, pour en définir l'aspect et la profondeur. Amadeus est né sans le vouloir, vivra comme il pourra, mourra sans qu'on lui demande son avis. Pour l'heure, c'est la fin de l'insouciance. Le début de la seconde exctraction. L'Atmosphère est pesante. Les silences peuplés de sanglots. La maisonnée porte un deuil que l'on n'attendait pas. Lui, a compris qu'il ne verrait plus jamais ce géniteur qui se montrait présent de toutes ses absences. L'enfant qui idéalise son parent cristallise, lorsqu'il en manque. Il se souvient l'odeur de ses fourrures, lorsque l'hiver, il traversait le Clos loti contre son torse, à l'abri du froid parmi les zibelines, au rythme lent d'un cheval fatigué. Il se souvient de la rigueur de son pas qui l'intimidait, lent et décidé, lorsqu'il traversait le jardin. Mais les chevaux ne quittent plus l'écurie depuis plusieurs jours, et le jardin est un cercueil que personne n'ose plus traverser. Lui même n'est plus autorisé à y jouer, pour un temps bien mystérieux.

Le garçon cherche la portée née dans la nuit, des chiens de Judas. Il pressent les déloger derrière un tas de bois, dans les réserve. Mais la meute est nerveuse, et les bêtes sont craintives à son approche. Les chiens ont leur propre langage corporel, que l'enfant capte avec intuition. L'accueil est froid dans la vènerie, et derrière le tas de bois, une flaque de sang a séché. Il n'y aura pas de portée née d'un jour si noir. Le noir de son Père. Et lorsqu'Anaon appelle son fils, soucieuse de ne plus le voir dans les environs, l'enfant revient bien vite dans son giron. Dans l'attente bileuse, la main maternelle et fébrile vient replacer les mèches brunes d'Amadeus. Son visage se lève vers le sien, peint de ses désillusions. Ses yeux sont vides, béants. Captés par le garçon. Il y lit dans un silence d'après-guerre, sur un visage aux longs sillons... Tous les bleus de sa mère.

    Même a six ans, la vie est une leçon.

Anaon

↬ 𝔐𝔞𝔯𝔰𝔢𝔦𝔩𝔩𝔢, 𝔞𝔲 𝔧𝔬𝔲𝔯 𝔡'𝔥𝔲𝔦 ↫      
         


       La mer se pâme d'une colère grise, faisant jaillir au ciel l'éclat de ses embruns furieux. Une nappe sombre remplace peu à peu le bleu céruléen. L'éther se prépare à l'orage et telle une épousée soumise, la mer se fait l'écho de sa clameur. Elle n'a pas la démesure de l'océan, ni sa puissance, ni sa majesté. Et pourtant, comme une enfant désireuse d'être à la hauteur de son parent, elle fait montre de tout le tumulte qui loge au fond de ses entrailles et qu'elle laissera éclater tel un caprice quand le ciel l'y forcera. Du haut de son rempart, d'aucun dirait qu'elle a les mêmes yeux. Bleus comme ses eaux, sombres comme ses abîmes, tellement muets et mus parfois d'une expression si violente qu'ils rendraient ridicule n'importe quelle parole. Le poudrin balayé de plein fouet par le vent comme une poignée de gravier lui larde le visage d'une myriade d'épines. Elle ne cille pas sous le cinglant de cet assaut. Elle en admire la véhémence. Elle l'envie. Elle y déverse par catharsis l'espoir de ses propres défoulements. Le réceptacle, le réservoir de ce qu'elle ne peut libérer. Elle se déchaine par procuration. Au fond de sa poitrine s'est congestionné un flot de rancœur et de venin qu'elle garde comme une mer muselée d'impitoyables remparts. Et comme eux, elle demeure d'une austérité choquante, d'un calme presque insolent. De cette apathie, on en fait un jugement. On l'admire, on s'en offusque. On la plaint, on la méprise. Digne, insensible, lâche, forte, résignée ou froide. Passive ou patiente. Chacun choisira la vérité qui l'arrange quand la Dame dérange. Mais qui connait les eaux sait que jamais elles ne sommeillent... Elle aime ces temps mauvais qui calment le monde par son tumulte, les têtes qui courent à l'abri des chaumières, les vies qui se taisent et la laissent enfin seule, elle et ses tourments qui se calment de s'exprimer… Seule ?
       La tête se tourne. Une soudaine réminiscence dans l'absence de sa contemplation. Un crochet dans l'évasion. Des cheveux noirs comme son père. Des yeux bleus comme sa mère.

    Et l'âme entre les deux.

       A côté d'elle et de sa fureur muette, un petit garçon immobile, comme un petit écueil dans la mer en pleine déferlante. Impuissant mais implacablement présent, contraint de faire face à ce qui le dépasse. Les prunelles délaissent leur insondable rudesse pour se parer d'une aura un peu plus inquiète. Un peu plus tendre. Un peu plus coupable. Pour les enfants, il faut se travestir en joie, telle est le rôle d'une mère. Mais elle oubliait bien plus souvent d'en endosser le déguisement… Des gouttes éparses éclatent mollement sur le visage juvénile. Petite victime collatérale des intrigues et turpitudes des Grands. Que comprend-t-il du monde ? De la violence des mensonges qui entourent sa vie... Si jeune et déjà parasité par les toiles des secrets et des manigances. Comment façonne-t-il son amour, entre cette mère que l'on dit "feue Isaure" et cette "mammig" au rôle bâtard qui l'élève aujourd'hui ? Lui, que l'on dit désormais orphelin. Quels stigmates l'assassinat d'un père peut-il laisser sur une terre si malléable…
       Le ciel roule dans un mugissement sonore et le vent s'emballe, faisant vrombir la mer d'une ire mal contenue. Elle cherche l'hadal de ses yeux, ces yeux qui lui ressemblent.
       L'esprit d'un enfant est une mer que les vents adultes façonnent, au gré de leurs leçons aux prix de leurs erreurs. Ils ont tant et tant l'habitude de cheminer le monde, de leurs humeurs de brises et leurs coups d'ouragan, qu'ils en oublient souvent les étendues innocentes et tranquilles qu'ils déforment et malmènent. Et a trop souffler le bon et le mauvais, ils rendront la mer plus secrète. L'enfant se peuplera de vies sur lequel le vent n'aura que peu d'emprise. Il se creusera d'abysse qu'il ne sondera jamais. Et quand après ses tempêtes, même involontaires, il comptera sur la grève les cadavres des illusions et des rêves que l'enfant aura recrachés au monde, il regrettera avec amertume d'avoir soufflé si fort.
       Elle, elle connait la mer, le vent et l'océan. Elle sait construire des falaises pour contenir les déferlantes. Elle a emmuré cet évènement, dans une inexplicable forteresse de flegme et de distance. Et elle aimerait tellement garder pour elle seule l'image et l'odeur de ce sang qui n'aurait jamais dû entacher l'esprit de cet enfant. Elle voudrait, plus que tout au monde, lui construire des digues, des murailles et des montagnes. Annihiler ce souvenir, qu'il en demeure à jamais candide. Mais elle ne doit pas, même si l'erreur serait belle. En ce monde, la naïveté est une vertu mortelle. Elle sait le danger de la mer que l'on musèle. La rage que l'on contient. Les ressentis qui se gangrènent. Et l'explosion du trop-plein. Elle ne pourra pas brimer son océan.
       La main maternelle se tend et se pose doucement sur les ailes noires de ses cheveux que la pluie commence à battre à plein torrent. Elle l'attire à elle pour le mettre à couvert sous sa cape et le tenir dans son étreinte. Elle ne pourra empêcher les cadavres d'affluer sur la grève. Ni effacer de son âme le venin qui empoissait la bouche de son père. Alors il faudra lui apprendre les vérités de ce monde. Sans mensonges lui avouer avec des mots d'enfants l'absurdité des âmes et le travers des corps. Elle sait, la farouche difficulté de l'enseignement. Le gravier jeté dans la mare qui crée les raz-de-marée. Il faudra creuser les canaux qui écouleront ses eaux tumultueuses, canaliser sans jamais frustrer. Influencer sans jamais ordonner. Guider, sans jamais façonner. Espérer qu'il ne soit pas irrévocablement empoisonné. Et que le mal qui a pu germer dans sa poitrine cette nuit-là ne devienne qu'un sarment futile et stérile. Que rien d'autre ne croisse que les baliveaux de la compréhension et de la mesure. Et qui si un jour la violence doit se faire, qu'elle ne s'exempte pas de sagesse et de rédemption. Quelle imagine lui renvoie-t-elle ? Elle, la sicaire, marginale de la morale, paradoxe de douceur et de férocité. Perpétuelle dualité et complexité. Seul horizon-modèle aux yeux de son petit. Que les dieux le préserve de se modeler à son image. Il lui faudra toujours veiller à ne pas en faire le reflet de sa rancœur et l'instrument de ses vengeances, inconsciemment. Le complice de ses douleurs et de ses desseins. Que son imperfection et son ignominie ne deviennent pas son exemple.
       Et que le Noir jamais n'évince le Bleu.


Mammig = Maman en breton
Musique : "S.T.A.Y" dans "Interstellar" composée par Hans Zimmer

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