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[RP] Les liens du sang ne se fixent que dans la misère.

Gysele
    -Juin 1459, marché de la cour des miracles -

Au milieu des étales, des crieurs, des foules qui s'amassent pour trouver les meilleurs produits, les meilleurs prix, au centre de cette cohue désorganisée, se tient un corps frêle adossé au mur. Il n'a rien d'adulte, la silhouette est menue, les hanches sont fines et encore étroites, la poitrine peu développée est à peine rehaussée par le corset serré démesurément. Ce corps, c'est le tien Gygy, tu as 13 ans et tu as démarré il y a peu ton nouveau métier. Tu n'es plus timide depuis longtemps, tu sais que tu peux trouver des clients si tu prouves à ces messieurs que tu n'as pas que l'apparence d'une gamine. Ta chevelure rousse est relevée grossièrement à l'aide d'un ruban, dévoilant ta nuque gracile et ton décolleté moucheté de tâches de son. Tu n'es pas très appétissante, malgré tous tes efforts, jolie oui, mais pas assez charnue, pas assez femme encore pour être à la hauteur de tes congénères. Tu n'as que ton regard revêche, cette touche d'insolence qui pointe à ton sourire, cette fausse assurance dans ta démarche et ce franc parlé qui s'arrache à tes lèvres comme une épine de rose pour défendre ton pécule.

Ta mère t'a mise à la rue il y a une année, ou était-ce deux ? N'ayant pas les moyens de te garder avec elle et ne souhaitant pas alourdir la dette auprès de sa propre maquerelle. Tu lui en veux, tu la détestes parfois d'être aussi pauvre, aussi décadente, aussi souillée. Tu la hais de te laisser devenir comme elle, mais tu l'aides parfois, quand le travail a été bon, ou lorsque tu as réussi à subtiliser une bourse ou deux, car après tout, c'est ta mère. Et puis tu penses à ton frère, qui erre autant que toi dans cette jungle urbaine, dans ce Paris pourris, ce quartier qui rassemble la peste, le choléra et la pire vermine de tout le royaume. Vous vous êtes élevés tous seuls, vous survivez chacun de votre côté, même si il vous arrive de vous apporter main forte quand les moyens le peuvent. La famille avant tout il parait.

Aujourd'hui t'as besoin d'oseilles, tu crèves la dalle depuis trois jours déjà. Il faut absolument que tu sortes le grand jeu. Tes iris sombres observent les passants, tu imites les catins d'autres rues, prenant cette démarche nonchalante et ce regard que tu espères charmeur. Tu aperçois un homme, vieux, pas ton type, mais dont les vêtements de belle facture te font de l'oeil. Tu le suis un peu, tente de te faire remarquer et l'interpelle d'un
"Mon mignon...d'quoi as-tu envie aujourd'hui ?". Le gus t'ignore, te balance même un
"Retourne à tes langes fillettes !" en passant son chemin. Tu te vexes, lui fait un geste obscène et attaque un nouveau potentiel client. Tu te prends plusieurs râteaux avant que l'un d'eux ne morde à l'hameçon. Tu décèles au regard lubrique de celui-ci, son penchant pour la chair fraîche et cela t'effraie un peu. Mais tu ravales ta peur, tu lui souris et tu minaudes, posant ta petite main sur le bras de l'inconnu pour lui déposer un baiser sur la joue. Ton corps d'adolescente se colle à lui, tu espères qu'il va valider le prix que tu lui annonces au creux de l'oreille et ignores l'odeur d'alcool, de sueur et de crasse qui te chatouille les narines. N'étions-nous pas à la cour des Miracles ?
_________________
Louis_marie
    [J'aimerais tellement t'amadouer
    T'amarrer aux pontons
    Ne plus te laisser dériver
    Et devenir le vieux garçon
    Qui saura te repêcher
    Quand arrivera la grande marée
    Je tiendrai la corde, je te ramènerai
    Dans mes filets.*]


Dans la vie, il y a ceux qui triment chaque jour en entretenant le vain espoir de voir un jour leur condition s'améliorer, et puis il y a les autres. Toi, assis sur les pavés parisiens, adossé à un tonneau comme si te tenir droit était trop fatiguant, tu appartiens clairement à la seconde catégorie. Tes yeux sont encore ceux d'un enfant, d'un gamin qui observe l'agitation du monde avec le vif sentiment de ne pas lui appartenir. Bien sûr, tu connais parfaitement la Cour des Miracles, du haut de tes onze ans. Tu es un habitué des lieux, y traînes depuis ta plus tendre enfance, as eu l'occasion de te cacher dans chacune de ses ruelles. Pourtant, tu restes un observateur extérieur, tu refuses de participer au bouillonnement général. Tu préfères scruter. Admirer. T'amuser.

Parce qu'ici, tu t'amuses. Il y a ce type, là, qui est déjà passé quatre ou cinq fois devant toi et qui semble totalement perdu au milieu du chaos ambiant. Tu te garderas bien de l'aider, évidemment. Il ne faudrait pas faire disparaître l'expression de panique de son visage, dont tu ne te lasses pas. Et puis il y a ces deux marchands, qui se crient dessus et qui, s'ils n'étaient pas maintenus à distance par leurs étales respectifs, seraient en train de s'envoyer des droites dans la joie et la bonne humeur. Sourire aux lèvres, tu écoutes les insultes fuser et les absorbes comme un môme bien élevé ingurgiterait ses leçons. Mais ce sur quoi tu te concentres véritablement, ce sont les produits anarchiquement disposés sur les tables. Des jambons, des biscuits, des poissons auxquels tu n'as jamais goûtés, des fruits venus de contrées lointaines. Ton ventre vide gronde face à un tel spectacle. Et, tu te vois déjà rentrer en héros dans le palais qui serait ta demeure, retrouver ta mère et ta sœur autour d'une grande table, leur offrant un festin princier. Gamin à l'imagination fertile. Si tu arrives à voler de quoi te nourrir aujourd'hui, tu devras t'estimer heureux. Tu fais partie de ces enfants qui n'ont pas le droit de rêver. Contente-toi de survivre.

Assis là, par terre, personne ne remarque ta présence. Qui s'intéresserait à un misérable gosse des rues, semblable à des centaines d'autres dans ces quartiers ? Cependant, malgré ta petite taille, ta silhouette avachie, ton regard fatigué et ta peau salie par la poussière, tu demeures attentif. Prêt à bondir sur les étalages sans surveillance dès que leurs propriétaires se seront décidés à en venir aux mains.

Quelque chose d'autre attire soudain ton attention. À contrecœur, ta tête se détourne du banquet fantasmé, pour s'intéresser à la scène qui a lieu un peu plus loin. Au milieu de la foule, tu l'aperçois. Cette chevelure rousse. Tu ne la voies pas souvent, mais tu la reconnaîtrais entre mille. Ta sœur. Celle qui partage ton destin. Celle que tu ne chéries pas, que tu ne câlines pas le soir, avec qui tu ne grandis plus, mais à laquelle tu ne peux qu'être fidèle. Question de sang.

Elle n'est pas seule. Les victuailles sont immédiatement oubliées, ton sourire moqueur s'efface, ton corps maigre se crispe, tes yeux se plissent et tu te hisses sur tes jambes afin de mieux voir ce que tu ne veux pas voir. Qu'est-ce qu'elle fait serrée contre cet homme bien plus vieux qu'elle ? Qu'est-ce qu'ils se murmurent ? Qui est-il ? Qu’est-ce qu'il lui veut ? Sans réfléchir, tu t'avances dans la foule, poussant de toutes tes faibles forces ceux qui se trouvent en travers de ton chemin. Et, arrivé à sa hauteur, tu la regardes, évitant soigneusement de croiser le regard de l'homme bien plus grand, plus riche et plus costaud que toi. Et sans leur laisser le temps de dire quoi que ce soit, tu t'adresses à ta soeur. Avec une voix qui se voudrait ferme et autoritaire, mais qui s'avère tremblante et plus infantile que tu ne l'aurais voulu.


Gysèle. Qu’est-c'que tu fais là ?


*Miossec.
Gysele
    “Toute innocence se souille inéluctablement.” - Gilles Leroy / Champsecret

Quand as-tu perdu la tienne Gygy ? Quand as-tu choisi de vendre ton âme au diable et ton corps aux hommes ? Tu ne te souviens pas de cet infime moment où, vacillante, oscillant entre deux eaux, le minois creusé par la faim, ton amie presque morte à tes côtés, tu as choisi de survivre. Prenant la main qu'un inconnu te tendait, te murmurant des promesses de richesse, de liberté, de vie heureuse si seulement tu lui offrais ton maigre corps. Qu'en avais-tu à faire alors ? Tu mourrais de toute manière, autant ne pas résister et donner tout comme ta génitrice, cette enveloppe charnelle à celui qui en paierait le prix. Depuis ce jour là, tu as fait le choix de rompre avec l'innocence de l'enfance, d'éclater cette bulle protectrice pour satisfaire chacun de tes clients, te concentrant à ta tâche comme pour ne plus penser, ne plus pleurer, ne plus trembler. L'esprit embrumé par l'opium que l'on te procure ou par l'alcool, les deux parfois, quand un seul ne suffit pas. Défoncée à l'espoir de voir vos vies changer, shootée à ce fantasme de liberté.

Accrochée à ta proie, tu négocies avec lui, tu glousses, tu joues la jeune fille intéressée, feignant de trouver drôles les paroles belliqueuses, mimant l'intérêt quand tes prunelles transpirent le mépris. Tu es si jeune, tu ne parviens pas à trouver le plaisir que ces hommes te promettent. Tu frémis lorsqu'il te touche, mais point de désir, seulement d'effroi, les mains baladeuses ne sont ni douces, ni tendres. Tu sais déjà que tu devras passer un moment difficile pour gagner ta croûte. Oui enfin, ça... c'était sans compter l'intrusion d'un spectateur. Tu ne remarques pas immédiatement sa présence, ton nez enfoui dans le cou de l'homme que tu cherches à convaincre et qui semble disposé à te payer. Tu t'apprêtais à l'emmener dans un coin tranquille quand une voix te tire de ta comédie, te ramenant inéluctablement à ta condition de sœur, d'enfant.


- Gysèle. Qu’est-c'que tu fais là ?

Tu sursautes et tourne un minois déconcerté vers ton jeune frère. Louis-Marie de son prénom, tu te demandes encore ce qui est passé par la tête de ta mère en l'affublant d'un prénom aussi complexe. Ne pouvait-elle pas choisir juste Louis ? Il fallait qu'elle ajoute son propre nom derrière, histoire de bien marquer son premier fils né vivant. Tu n'es pas proche de lui, pas non plus éloignée, vous avez ce lien impérieux du carmin qui coule dans vos veines, vous avez cette même envie de survivre, mais pas par les mêmes moyens. Ton nez se retrousse en une moue mécontente, bien que ton cœur semble soulagé. Tu sais déjà que l'obstination du gamin, cet entêtement commun à votre sang, te fera perdre ton client et pour autant, tu t'accroches à son bras, comme pour ne pas laisser partir le savoureux morceau de pain chaud que tu t'étais imaginée. Loin de visualiser un festin comme Louis-Marie, tes visions sont un brin plus terre à terre et pourtant pas beaucoup plus accessibles. Tu mordilles tes lèvres et hausse les épaules avant de lui répondre.

- C'est Gygy ! Puis va-t-en LM, j'ai d'choses à faire !

Tu as changé de nom depuis que tu as commencé ce métier, préférant oublier Gysèle pour ne jouer que Gygy. D'une certaine manière, la première est restée derrière avec ce qu'il te restait de ton innocence. Tes yeux s'écarquillent afin d'essayer de lui faire comprendre de bouger de là, bien entendu sans succès. L'homme grogne et s'impatiente. Il ne comprend certainement pas ce qu'un mioche décharné et débraillé peut bien chercher à obtenir de sa jeune catin. Tu le vois donner un taquet à l'arrière du crâne fraternel sous tes yeux impuissants. Il s'exclame tout en t'attirant à lui.


- Dégag' morveux. Va jouer, j'dois m'occuper de... Gysèle c'ça ? Mmh... j'vais t'régaler t'vas voir.
_________________
Louis_marie
    [Y'a un mariole, il a au moins quatre ans
    Il veut t'piquer ta pelle et ton seau
    Ta couche-culotte avec les bombecs dedans
    Lolita défends-toi fous-y un coup d'râteau dans l'dos.*]


- C'est Gygy ! Puis va-t-en LM, j'ai d'choses à faire !

Un coup porté derrière la tête et puis…

- Dégag' morveux. Va jouer, j'dois m'occuper de... Gysèle c'ça ? Mmh... j'vais t'régaler t'vas voir.

Sourcils se froncent. Poings se ferment. Mâchoire se serre. Colère. Tu sais très bien ce qu'il veut lui faire. Si ces appétits humains te sont encore extérieurs, ils ne te sont pas pour autant inconnus. Tu les connais, tu grandis au milieu d'eux. Nul besoin d'un compte-rendu détaillé des activités maternelles pour savoir en quoi consiste sa profession. Mais, en ce qui la concerne, tu n'as jamais cherché à lutter tant cette situation t'es habituelle. Tu n'as jamais connu autre chose, elle est comme ça, cela fait désormais partie d'elle. Mais ta sœur n'est pas comme ça. Pas encore. Alors pourquoi reste-t-elle près de ce salaud ? Pourquoi te dit-elle de t'en aller ? Pourquoi veut-elle obstinément se faire appeler Gygy ? Gysèle, défends-toi, fous-y un coup d'râteau dans l'dos.

Ta main vient instinctivement frotter l'arrière de ton crâne, tandis que tes yeux fixent ceux de ta sœur. Surtout, ne pas le regarder lui. Tu aimerais le faire dégager, lui hurler que c'est à lui d'aller jouer ailleurs. Tu aimerais le tuer, lui détruire sa sale gueule de pervers. Une droite dans les côtes, un coup de genou entre les jambes, on va voir qui régale qui. Mais on ne mène pas une guerre que l'on est certain de perdre. Et, crois-moi, tu perdras, coincé dans un corps trop petite, réduit à l'impuissance par une silhouette qui ne grandit pas assez vite à ton goût. Tu es faible. Et ta frustration se lit dans tous tes muscles tendus mais maintenus immobiles.

Tu ignores tant que tu peux le client potentiel pour continuer de foudroyer la rousse du regard, pendant de longues secondes. Comme si tu voulais une autre réaction de sa part. Une réaction plus satisfaisante. Mais à quoi tu t'attendais ? "Hey frangin, comment ça va ? C'est sympa de te voir ici ; mais je t'en prie, vas-y, viens discuter avec nous." Avoue que ça n'aurait pas été très approprié. La main collée dans tes cheveux finit par se tendre pour agripper le bras féminin et le tirer vers toi comme un gamin tirerait sur les jupons de sa mère. Il faut l'éloigner de cet homme, de cette situation, de cet endroit décadent dans lequel la petite fille que tu voudrais qu'elle reste ne pourra pas survivre. Et il faut la forcer à parler, à t'expliquer. Si tu n'as jamais été très proche d'elle, si vous n'avez pas grandi main dans la main, elle reste ta sœur. Comment pourrais-tu un jour comprendre et accepter qu'elle ne balance plus des coups de râteaux dans le dos des marioles qui lui veulent du mal ? Obstiné, indifférent à l'idée de lui faire perdre sa seule source de revenus, tu ne regardes pas l'objet de ton dégoût, parce qu'il te faudrait alors lever la tête et assumer ta petitesse.


Pousse-toi. Gysèle est pas à vendre. Trouve-toi quelqu'un d'autre. Viens, Gysèle, on va ailleurs.

Gysèle elle est, Gysèle elle restera. À tes yeux, en tout cas.


*Renaud.
Gysele
    Roxanne
    You don't have to wear that dress tonight
    Walk the streets for money
    You don't care if it's wrong or if it's right*

Et toi Gygy ? Es-tu obligée ? Tu observes la trogne fraternelle, ce regard désapprobateur, cette détermination dans le regard. Tu le trouves fort ce petit frère, fort de caractère, mais surtout fort de volonté. Il est plus jeune de deux ans. Deux ans c'est rien du tout et tu le vois se comporter en petit homme, en grand frère malgré son corps qui ne suit pas encore. Bientôt LM ! Bientôt frangin, tu seras plus fort que cette enflure, plus fort que tous. Tes poings seront habiles, tes muscles affermis, ton corps grandi. Peut-être seras-tu alors en mesure de la défendre, ou peut-être qu'il sera déjà trop tard. C'est l'intention qui compte pas vrai ?

Tu sens l'homme refermer sa prise sur ton maigre bras, demain tu auras un bleu c'est sûr. Tu perçois toute la tension de son corps, il est agacé de voir son coup lui échapper à cause d'un gamin. Toi, tu regardes Louis-Marie, le fixant autant qu'il te fixe, cherchant à comprendre pourquoi il veut tellement te sauver et surtout, ce que ça peut bien lui faire que tu en arrives là. Tu ne veux pas défoncer l'homme à coup de râteau dans le dos, car alors, que ferais-tu pour vivre ? T'es paumée Gysèle, perdue dans cette incroyable cour des Miracles, aussi égarée que tous ces gosses de rue sans éducation. Tes pupilles se dilatent légèrement, l'adrénaline grimpant le long de ton échine, remontant par tes veines, hérissant ta peau. L’œil averti peut remarquer ton pouls accélérer, car tu cherches rapidement une solution pour te sortir de cette situation et éviter que ton frère frondeur ne se fasse passer à tabac. LM t'attrape le bras, tire dessus, tu hoquettes de surprise et résiste un peu. Tu sens que le client va lui faire du mal, qu'il compte bien le tabasser, défouler ses élans de violence sur lui pour pouvoir ensuite le faire sur toi. Tu finis par abandonner l'idée d'un bon repas, incapable de laisser tomber ton propre sang et relâche un long soupir avant de regarder le gus colérique.

- J'suis désolée, il doit m'em'ner chez l'médicastre, parait qu'j'suis malade !

Tu le feras payer cher au frangin. Te faire passer pour malade peut te mettre un sacré frein niveau réputation. Mais c'est bien la seule idée qui te sois venue à l'esprit à ce moment là. T'as du mal à gérer la pression Gygy ! T'encaisses le dégoût du client, le rejet lorsqu'il t'envoie valdinguer contre LM et ses insultes. Tu restes collée au frangin, frêle petite chose impulsive que tu es et tu retrousses le nez de mécontentement en répondant.

- Ouais c'ça ! T'me supplieras un jour, tell'ment j'serais riche et belle !

L'homme a déjà disparu dans la foule quand tu termines ta prédiction à la noix. Tes iris sombres se tournent alors vers les beaux yeux verts de ton fouteur de merde, tes poings gagnent tes hanches en une posture de mégère en colère.

- J'te déteste ! T'pouvais pas jouer dans ton coin et m'laisser tranquille ? Trouv'moi de quoi grailler j'ai faim.

*Paroles issues du titre "Roxanne" de The Police.
Traduction :
Roxanne, tu n'es pas obligée de porter cette robe ce soir
De marcher dans la rue pour de l'argent
Tu n'en as rien à faire de savoir si c'est bien ou si c'est mal


_________________
Louis_marie
    [So when you're down and out from your troubled life
    I will be dying for you, dying for you
    When all you have is doubt, know that I'm around
    I will be dying for you, dying for you.*]


Non mais vous êtes dingues ? Jamais tu ne diras ça à qui que ce soit. On ne dit pas ce genre de choses. Encore moins à sa soeur.

- J'suis désolée, il doit m'em'ner chez l'médicastre, parait qu'j'suis malade !

Malade ? Gysèle est malade ? Mais enfin, tu le saurais si elle était malade. Et puis qu'est-ce qu'elle a ? Et puis comment elle a attrapé ça ? Et puis elle ne va pas s'écrouler là, quand même ? Et puis elle ne va pas mourir, hein ? Et puis pourquoi elle ne t'en a pas parlé ? Et puis quel médicastre ? Tu n'as pas prévu de l'emmener chez le médicastre, toi. Et puis t'es un petit peu con, toi, aussi. On ne peut pas vraiment t'en vouloir, tu as onze ans et tu es encore bien naïf. Si la vie dans la rue t'as appris à ne pas te fier au premier venu et à toujours agir avec beaucoup de méfiance, Gysèle n'est pas la première venue. Alors aussi sûr de toi sois-tu, tu bois ses paroles comme si elle était la détentrice de la vérité pure et absolue. Dans un élan miraculeux, tes neurones se connectent tout de même et t'empêchent de t'offusquer en criant : "mais enfin, de quoi tu parles ? quel médicastre ?". Ce serait dommage quand même, que tu détruises la stratégie gysélienne pour vous débarrasser du sale type.

Tu grimaces aux insultes du client frustré et acquiesce à la réponse de la jeune rousse, comme s'il allait de soi que dans un futur proche, elle serait riche, belle et attirerait les supplications de ces messieurs. Tu serais alors le garde du corps qui, assis à ses côtés, bras croisés, regard scrutateur, refuserait d'un signe de tête chaque prétendant qui se présenterait. C'est que tu n'es pas partageux : ta sœur, c'est ta sœur, et puis c'est tout.


- J'te déteste ! T'pouvais pas jouer dans ton coin et m'laisser tranquille ? Trouv'moi de quoi grailler j'ai faim.

L'aînée t'engueule. Tu devrais baisser la tête, jouer nerveusement avec tes mains comme un enfant mal à l'aise. Au lieu de ça, tu soutiens son regard et ne peux empêcher le coin de tes lèvres de se soulever dans un sourire taquin. Comment pourrais-tu ne pas te moquer en la voyant comme ça, le visage râleur, les mains sur les hanches, pour jouer à la maman en colère ? Alors qu'il y a quelques instants encore elle était Gygy, la fille de joie en devenir qui te semble si éloignée, si étrangère, tu retrouves déjà ta Gysèle, la gamine qui a toujours fait partie de ton paysage environnant, la demoiselle aussi insolemment franche et butée que toi. Et ça te rassure. Et tu continues de sourire en répondant à la rouquine secrètement adorée.

Madame voudrait pas que j'lui récure ses bottes non plus ? Trouve toi à grailler toute seule. T'as cru que j'avais que ça à faire de t'rendre service ?

Ha, l'affection fraternelle ! Bon, par contre, il faut reconnaître que tu n'es pas très logique. D'abord, parce que tu mens : fais pas genre, on sait très bien que tu n'as rien d'autre à faire. Ensuite, non, tu ne veux pas aller lui trouver à manger, parce que tu as déjà du mal à te nourrir toi-même et que de toute façon, tu es trop fainéant, mais non, tu ne veux pas non plus qu'elle aille gagner de l'argent par elle-même. La réalité est dure à accepter pour le môme que tu es. De toute façon, tu n'as plus faim et la nourriture ne t'intéresse plus pour le moment. Enfin plus vraiment. Tu as toujours un peu faim, quand même, mais ce n'est plus ce qui occupe ton esprit. Ce que tu veux, c'est comprendre. Alors tu fais quelques pas avec Gysèle pour rejoindre un coin un peu plus reculé, où le bruit et l'agitation se font moins sentir, et tu t'assois sur les pavés avec nonchalance, comme si tu avais fait ta dose d'exercice physique pour la journée. Le sourire disparaît. C'est que la question n'est pas facile à formuler.

Tu faisais quoi avec lui ? Enfin… j'veux dire… T'as pas un aut' moyen de gagner des écus ? Tu vas pas d'venir comme maman, quand même.

L'accusation est lancée. Tu aimes ta mère, évidemment, c'est ta mère. Mais tu l'as vue souffrir. Tu l'as vue rentrer en larmes. Tu as vu son visage se fermer lorsqu'elle comptait l'argent gagné et les dettes accumulées. Tu as vu le regard des hommes sur elle. Comment pourrais-tu accepter le même sort pour ta soeur ?



*Otto Knows.
Traduction : Alors quand tu es au plus bas et que tu cherches à sortir de ta vie perturbée
Sache que je mourrai pour toi, mourrai pour toi.
Quand le doute est tout ce qui te reste, sache que je suis dans le coin
Sache que je mourrai pour toi, mourrai pour toi.

_________________

Bannière & avatar by LJD Gysèle. Merci ♥
Gysele
T'as jamais su résister bien longtemps à ton frère Gysèle. Il y a quelque chose en lui, dans ce regard frondeur, ce sourire taquin ou juste cette posture de petit homme, qui te rend toujours plus conciliante que tu ne voudrais l'être. La colère s'efface presque aussitôt et pourtant tu tentes de garder cet air fâché sur le minois, les lèvres vibrantes d'un sourire qui pointe et que tu t'échines à retenir. Il y a une envie mutuelle de vous protéger l'un l'autre, un petit reste d'humanité et de lien dans votre famille décomposée et vous vous y accrochez comme à un maigre espoir de voir votre avenir changer. Tu l'aimes cet emmerdeur. Tu le dis jamais, tu ne sais pas dire ces choses là, car les sentiments ne sont pas de rigueur à la Cour. Seule la loi du plus fort règne ici.

- Madame voudrait pas que j'lui récure ses bottes non plus ? Trouve toi à grailler toute seule. T'as cru que j'avais que ça à faire de t'rendre service ?

- D'jà, on dit "Mad'moiselle". Puis en plus j'suis plus grande, c'l'ordre naturel... t'dois me servir !

Gygy, ou comment transformer n'importe quelle règle à sa sauce. Es-tu sûre que ce n'est pas à toi de subvenir aux besoins de ton cadet ? Peut-être, mais pour l'heure ton déjeuner s'est carapaté avec la fuite du client et ton estomac gronde, ce qui ne t'aide absolument pas à dire des choses sensées. Tu te détends un peu et lui adresse un sourire, signant ainsi la paix provisoire entre vous. Vous vous mettez en marche, tu lances un dernier coup d'oeil au marché, là où tu aurais certainement retrouvé un client, mais tu reviens à Louis-Marie, tu le vois trop peu souvent pour ne pas profiter d'un moment avec lui. Il s'installe sur le pavé, toi sur une marche, précieuse Gygy qui refuse de poser sa robe au sol... seul outil de travail que tu possèdes et qui déjà ne sent pas la rose, tu évites donc d'y rajouter de la crasse volontairement. Tu ajustes tes jupons à la manière des dames que tu vois faire, mimant leurs gestes, leurs manies, car tu les as observées longtemps ces coquettes. Tu t'arrêtes quand tu te rends compte que le sourire fraternel s'est effacé, laissant place à un regard plus soucieux et les paroles ne font qu'accentuer l'impression : la conversation allait être sérieuse. Tu soupires légèrement, tu le trouves si innocent parfois, si naïf, pas sur les mêmes choses que toi et tu sentirais presque le jugement pointer derrière la phrase de LM. Ton nez se retrousse légèrement et tu te redresses plus fièrement, car tu ne veux pas que LUI te juge. Tous les autres tu t'en moques, tous sauf lui.

- Tu faisais quoi avec lui ? Enfin… j'veux dire… T'as pas un aut' moyen de gagner des écus ? Tu vas pas d'venir comme maman, quand même.

-T'sais bien c'que je faisais LM, t'fais pas plus bête que c'que tu es. Tu trouv' facil'ment des écus toi ? Non parc'que si t'as un super coup qui m'évite d'me faire couper une main au passage ou si t'as une planque pleine d'or... dis le tout d'suite car j'fais pas ça d'gaieté d'cœur. M'man elle a pas l'choix et moi non plus. T'vas pas m'foirer tous mes coups parc'que ça gêne ton ego !

Tu débites vite et fort. Tu articules mal, d'autant plus quand le sujet te pique à vif. Pourtant tu sais qu'au fond, il se préoccupe de ton sort, tu sais que la question est plus la démonstration d'une inquiétude que d'un procès. Mais qu'il te trouve la solution ! Qu'il t'aide ce frère adoré, à te sortir de là, à vivre comme une jeune fille de ton âge, à ne plus penser à juste te nourrir, mais à jouer, rire, apprendre ! Ta main se tend pour ébouriffer la crasseuse tignasse de LM, d'un geste qui se veut tendre à mesure que tu redescends de tes grands chevaux. Un nouveau soupir, un silence et tu lui dis.


- J'ai pas d'autre choix pour l'instant... mais un jour, toi et moi on f'ra c'qu'on voudra. J'aurai assez d'argent pour nous. C'est promis. Croix d'bois, croix d'fer, si j'mens... j'vais en enfer.

Et tu lui tends ton petit doigt. Les jeux d'enfants ont cette capacité à adoucir toute situation.
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