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[RP] La vérité est purement et simplement question de style*

Louis_marie
    [La meilleure façon de résister à la tentation, c'est d'y céder.*]


Louis-Marie, tu es un fils de pute. Au sens propre. Et ta modeste condition se lit sur les vélins que tu griffonnes. Comme tous les gamins élevés dans la rue, tu n'as appris à écrire que sur le tard. Outre les parchemins systématiquement froissés et tachés, parce que tu n'es pas très soigné, ta graphie est maladroite et lente. Souvent, tu dois recommencer tout un courrier parce que le précédent était trop raturé. Mais tu ne peux t'empêcher de continuer à écrire. Au fond, tu aimes ça. Tu n'es pas très malin, trop impulsif, et l'écrit te permet de te poser. De réfléchir. Les lettres te laissent le temps de peser tes mots et leurs conséquences. C'est donc tout naturellement que le mot laissé par cette jeune fille t'a fait sourire plus que de raison. Même ému, un peu. C'est qu'elle, tu l'aimes bien. Elle, elle n'est pas comme toutes les autres. À moins que tu ne te dises cela à propos de toutes les femmes que tu rencontres...

Désespérément enfermé dans ta chambre d'auberge, la main gauche calée dans tes cheveux, la langue tendue au max, tu t'attelles à bien former tes lettres. Il faut que ça soit lisible, mais il ne faut pas que tu aies l'air d'avoir sept ans. Et surtout, il faut la faire rougir.


Citation:
    De moi, Louis-Marie, homme perdu en Béarn.
    À vous, Juliane, vierge délicieuse.


Bonsoir,

La nuit dernière, faute d'avoir pu vous tenir dans mes bras, j'ai serré contre moi le mot que vous m'aviez laissé. Il avait votre odeur. Et je dois vous avouer que les draps de l'auberge s'en souviennent.
Je ne sais pas encore dans combien de jours je quitterai Mauléon, mais j'espère vous revoir d'ici là. Je me languis de dévorer encore vos merveilleuses pâtisseries. Et de goûter à autre chose, aussi, n'en déplaise à l'ours.

Je pense à vous, je rêve même de vous.

LM


*Oscar Wilde.
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Juliane
Citation:
L’homme est incapable de choix et il agit toujours cédant à la tentation la plus forte.


De moi, Juliane Alina Valassi, pâtissière remarquable,
À vous, Louis-Marie, inextricable charmeur aux milles tentations,


Le Bonsoir.

Bien heureuse de savoir que mon mot est entre de bonnes mains - quoiques trop oisives - je constate vos efforts pour tenter de me compromettre. Tout l'honneur est pour vous, vous avez au moins le mérite de me divertir.
Je conçois votre souhait de me fréquenter à nouveau avant votre départ, et j'en partage le désir. N'y voyez là aucune porte d'entrée, simplement une envie de boire une coupe à vos badineries.
Les seules parties de moi dont vous pourrez vous délecter sont mes pâtisseries. Je crois que j'ai imaginé une recette parfaite pour vous. J'aimerais que ces sucreries puissent caresser votre palais pour que vous puissiez me dire ce que vous en pensez.

Mes rêves appartiennent à un autre, mais soyez assuré qu'une partie de mes pensées vous sont consacrées.

Juliane.

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Louis_marie
    [Discuter avec la tentation, c'est être sur le point d'y céder.*]


Et de cela, tu es persuadé. Tu y crois dur comme fer, fort de la conviction qu'aucune femme ne peut résister à tes charmes. Arrogant. Et surtout, incapable de voir la réalité en face. Parce qu'en fait, elles résistent à tes charmes. Plutôt facilement, d'ailleurs, et sans regret.

Assis dans une taverne béarnaise, seul, tu occupes tes heures d'ennui en t'appliquant consciencieusement sur le parchemin, arrosant de temps à autre tes efforts d'une gorgée de bière. Elle veut parler pâtisserie ? Hé bien soit, vous parlerez donc pâtisserie. Dès les premiers mots écrits sur le parchemin, tu ne peux évidemment t'abstenir de lui rappeler sa virginité. Et tu risques de continuer à le faire dans chacun de tes courriers, trop heureux de cette confession, de l'aveu d'une innocence que tu voudrais tant corrompre. En même temps, quelle idée a-t-elle eu de se confier à toi ? À moins, encore une fois, que tu ne lui aies pas vraiment laissé le choix. La vérité, c'est que tu n'es rien de plus qu'elle. Pas plus expérimenté en la matière. Très renseigné quant à la théorie, totalement ignorant quant à la pratique. Et tu préfèrerais mourir que de l'avouer. Après tout, la vérité est purement et simplement question de style.


Citation:
    De moi, Louis-Marie, divertisseur irrésistible.
    À vous, Juliane Alina Valassi, vierge rougissante.


Avant tout, je me dois de vous remercier de votre missive. Elle viendra se blottir près de moi au cours de mes nuits solitaires - car il y en a, parfois - et les rendre plus douces. L'aubergiste chargé de laver mes draps, lui, ne vous remerciera pas.
Vous me voyez on ne peut plus flatté de parvenir à vous amuser. D'aucuns disent que je suis expert en divertissements de toute sorte. Je vous le dis pour que, le jour où vous aurez envie de distractions ailleurs que sur un vélin, le jour où votre belle et lascive pudeur s'effacera, vous sachiez à qui vous adresser.

Mais trêve de badineries, parlons sucrerie. Vous dites que vous avez imaginé la pâtisserie parfaite. Vous ne pouvez imaginer comme il me tarde d'y goûter. Je ne suis certes pas fin cuisiner, mais je suis fin gourmet. Je sais déguster les pâtisseries les plus ravissantes dans les règles de l'art. L'essentiel, dit-on, c'est de respecter la tendresse de la gourmandise qu'on a entre les mains. Commencer par en apprécier le toucher, sentir la pâte encore chaude frémir sous ses doigts. Éventuellement, tremper ses lèvres dans un verre de jus d'orange, pour se mettre en bouche. La suite n'est que festival de saveurs et délicieuse explosion. J'espère que votre friandise me fera cet effet. J'ai décidément de la chance d'avoir rencontré la remarquable pâtissière que vous êtes.

Au fait, d'où vous vient votre nom ? Seriez-vous italienne ?

Je ne me fâche pas que vos rêves appartiennent à un autre, je peux rêver pour deux.

LM


*Miguel de Unamuno.
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Juliane
Citation:
Discuter avec la tentation... et y résister.


De moi, Juliane Alina Valassi, rougissante, certes,
À vous, Louis-Marie, résistible.


Laissez-moi vous dire que si vos draps s'en souviennent - tout autant que votre aubergiste - juste à cause d'une simple lettre, c'est que votre expérience n'est pas si tentatrice que cela.

Quant à vos divertissements, gagez que j'en suis satisfaite, mais uniquement pour la part qui m'intéresse, à savoir vos pirouettes amusantes pour me séduire, en vain. L'acharnement est une qualité que je vous concède, Louis-Marie.

Il me semble que mes sucreries inspirent votre plume, et pas seulement celle qui vous sert à écrire. Joie pour vous, si, à mon tour, je peux vous divertir. Vous gouterez mes pâtisseries, celles fabriquées de mes mains, avec ma farine et tous les ingrédients nécessaires pour former leur arrondi avant de les cuire à la châleur du feu de cheminée.

Mon nom ? Valassi. C'est italien, en effet. De mon souvenir, je n'y ai jamais vécu. Mais j'en ai probablement le caractère, parfois. Louis-Marie n'est pas de formule étrangère, je suppose que votre famille est issue du Royaume de France.

Rêvez pour deux, mais ne prenez pas vos rêves pour des réalités.

Juliane.

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Louis_marie
    [Car tu es loin et moi je crève
    De ne pouvoir te baiser.*]


"Allez directement en prison, ne passez pas par la case départ, ne touchez pas vingt mille écus". Bon, les vingt mille écus, tu n'y comptais pas trop. Mais comment as-tu fait pour te retrouver là ? Maintes fois coupable d'insultes à l'égard des grands de ce monde, ton insolence n'a jamais été capable d'impressionner qui que ce soit, et personne n'a donc jamais pris la peine de t'envoyer en prison. Bon, soyons honnêtes, là tu n'es pas en prison, mais c'est tout comme. Avec les fûts, en bonus. Que s'est-il passé ? Tu n'en sais rien. Ce que tu sais, c'est que tu sirotais tranquillement une bière et que, quelques instants plus tard, la porte se refermait. Impossible de l'ouvrir. Tu as fini par vider presque totalement les réserves d'alcool de la taverne pour parvenir à t'endormir.

Au petit matin, tu te réveilles avec une vraie tête de vainqueur. Le visage cerné, les cheveux encore plus emmêlés que d'habitude et l'haleine chargée. Constatant que tu es toujours enfermé, et que tu risques de dépérir ici, tu explores de fond en comble ta cellule de prison, et finis par mettre la main sur quelques bouts de parchemin moisi, une plume et un peu d'encre. Pour résister à l'ennui, tes mains s'activent pour répondre à la lettre de celle que ton imagination ne transforme plus, pour une fois, en images peu aristotéliciennes, trop occupé à la fantasmer en carte "vous êtes libéré de prison". Et ce n'est qu'une fois le courrier achevé que tu réalises que, de là où tu es, il te sera difficile de le lui transmettre. Peu importe, il sera envoyé à ta libération. Bien que devenu inutile, peut-être la fera-t-il venir.


Citation:
    De moi, Louis-Marie, désespérément prisonnier.
    À vous, Juliane Alina Valassi, vierge omnipotente.


Que de dureté dans votre dernière missive. Un ours serait-il passé par là ?

Je suis perdu sans vous. Et le suis d'autant plus que l'on m'a enfermé dans une des rares tavernes de votre village. Sans doute une plaisanterie de mauvais goût d'un gamin qui passait par là. Ou bien le tavernier a-t-il cru qu'il pouvait fermer son établissement sans vérifier la possible présence d'un voyageur. J'ai bien évidemment tenté de forcer la porte, mais je me révèle peu doué dans l'exercice. On ne peut pas être doué dans tous les domaines.
J'ai passé ma nuit ici, et ait bien cru y mourir d'ennui, de désespoir et de faim. J'ai trouvé de quoi me sustenter derrière le comptoir, et ne m'en prive pas. Mais je préfère d'ordinaire manger en bonne compagnie. Tant de choses sont plus plaisantes à faire en bonne compagnie.

Jolie Juliane, pitié, venez à mon secours. Accourez. Et si, par malheur, vous n'avez pas le temps de vous habiller, soyez assurée que je ne vous en tiendrai pas rigueur. Je préfère que vous ne perdiez pas de temps à vous encombrer de vêtements qui, j'en suis sûr, nous paraîtront bientôt superflus.

LM


*Même s'il le pense très fort, ce n'est pas LM qui le dit, c'est Miossec.
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Juliane
Citation:
De moi, Juliane Alina Valassi, à la douloureuse tête,
À vous, Louis-Marie, remède.


La journée m'a apparu durer une éternité. Et ce pour deux principales raisons, voire trois.
Tout d'abord, j'ai passé les dernières heures au lit, accompagnée. Ne prenez pas vos jambes à votre cou, j'étais seulement accompagnée d'un mal de tête collant. En cela, il vous ressemble.
La deuxième raison est simple : je ne vous ai pas vu depuis hier. Trop d'heures sont passées sans que je ne puisse vous voir. Il ne tarde de vous rencontrer de nouveau, votre "barbe" - si on peut appeler ces trois poils une barbe - me manque.
En dernier point, je tiens à vous avouer mes doutes quant à la nuit passée, une nouvelle fois. Evidemment, j'étais alcoolisée et donc, je ne me souviens plus. Alors je me demande... Est-ce que nous avons... Rien que d'y penser je suis toute mouillée - sueurs froides.

Libérez-moi de mes peurs,
Dites moi tout, je vous en prie.

Juliane.

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Louis_marie
Fidèle à toi-même, tu ne fais rien. Adossé à un pommier avec ta nonchalance habituelle, les jambes étendues devant toi, tu lis et relis la lettre reçue, t'amusant de chaque mot. Drôle de pratique que de s'écrire alors qu'on se voit tous les jours. Mais pourquoi pas ? Tes courriers contribuent sans doute davantage à la réussite de ton entreprise de séduction que tes bégaiements et tes effleurements tremblants. Et puis, puisque tu ne peux pas la voir en permanence, et encore moins l'avoir, ses lettres te donnent l'impression d'avoir un peu d'elle avec toi. Alors tu souris. Une fois n'est pas coutume, tu es de bonne humeur. À cause du soleil, de ses baisers, et de ce qu'elle t'a dit. Elle t'a dit qu'elle t'aimait. Et qu'elle te détestait aussi, mais bon, ça, on n'est pas obligé de le préciser. L'idée te plaît bien. Même si, au fond, tu ne sais pas vraiment ce que ces mots signifient, ni ce qu'ils impliquent. Et il faut le dire, là, ils ne te donnent pas un air très intelligent, assis dans l'herbe avec un sourire béat sur les lèvres. Il ne manquerait plus que quelques fleurs dans tes cheveux et le tableau serait parfaitement ridicule. On dirait un adolescent qui découvre l'amour. En même temps, on ne peut pas vraiment te le reprocher.

Il ne fait pas chaud. D'autant que tu as eu la stupidité de te mettre à l'ombre, et maintenant tu n'as pas envie de te lever pour aller te réchauffer au soleil. Heureusement, tu n'es pas frileux. Vraiment pas. Tu gagnerais sans doute à l'être un peu plus, d'ailleurs. Tu restes donc là, observant les alentours. Après plusieurs heures de rêveries, dans l'oisiveté la plus totale, tu sors de ta besace un vélin, un encrier et une plume, et pose le tout sur la souche la plus proche. Déjà qu'en temps normal, tu n'es pas très talentueux pour écrire, ta table improvisée n'améliorera sans doute pas la qualité de ta graphie. Mais l'idée que ta jolie brune devra approcher son minois de ton vélin et l'examiner avec soin tant tu écris mal t'amuse au plus haut point. Et tant pis si, pour ce plaisir, tu dois te concentrer davantage sur chaque trait pour que ça reste lisible.


Citation:
    De moi, Louis-Marie, merveilleusement bien accompagné.
    À vous, Juliane, vierge adulée.


Jolie Juliane,

Dieu qu'il fait beau, aujourd'hui. C'est un temps à aller courir nus dans les champs, vous ne croyez pas ?

Puisque je vous avais promis de vous l'assurer par écrit, je vous l'écris : vous êtes vierge, Juliane. Toujours. Et si vous saviez comme cette idée m'attire. Tout comme de savoir que je suis plus au courant que vous de votre état. J'ai tellement envie de venir briser cette innocence qui me plaît tant chez vous. C'est mal, n'est-ce pas ?

Il faut que je vous dise à quel point je suis heureux de vous avoir près de moi. Vous n'êtes évidemment pas assez près à mon goût, si ce n'est dans mon imagination. Je vous préviens néanmoins, il est possible qu'au cours de notre périple, nous ayons à dormir dans la même chambre. S'il n'y a plus assez de place dans une auberge, par exemple. Ce ne serait pas de chance, vraiment. Si cela nous arrive, je devrai sans doute vous consoler de cette déconvenue. Ne vous inquiétez pas, je m'acquitterai consciencieusement de cette tâche.

Je suis terriblement inquiet, aussi. Deux semaines que vous me connaissez, et vous avez déjà un poignet et une hanche meurtris. Quelle sera la suite ? Malgré cela, ce que je vous ai dit hier était vrai. J'avais bu, certes, mais je ne mentais pas. Et si vous vous avisez de le répéter à qui que ce soit, je nierai tout. Je n'ai jamais dit ça. Ne rêvez pas.

Moi, en revanche, je continue de rêver. De vous. Et l'idée que vos pas accompagneront les miens ne fait que m'encourager.

LM

P.S. : Notre périple jusqu'à Montpellier démarre ce soir. Avant de partir, embrassez votre soeur de ma part. Mais prenez garde à ne pas vous prendre une gifle. Et si vous avez besoin d'aide, pour préparer vos affaires ou pour enfiler votre tenue de voyage, vous savez où me trouver.

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Juliane
Entre deux disputes, Juliane prit le temps d'écrire à sa soeur bien-aimée...

Citation:
Ness,

Il est des jours où la douleur est tellement forte que j'ai envie de revenir en courant vers toi. Ce manque créé un vide en moi et il est difficile de le supporter au quotidien.
Ton sourire apaisant m'est resté en mémoire, mais j'aimerais le revoir de mes yeux. J'espère que tu vas bien et que tes occupations se déroulent comme tu le souhaites. Quant à moi, je suis heureuse d'avoir pris la décision de prendre mes distances avec la politique et le Béarn.
Aujourd'hui, et depuis quelques jours, je suis à Montpellier. Cette ville est horrible. Les gens se comportent étrangement. Malgré tout, tu ne me reverras pas de si tôt. J'ai décidé d'accompagner Louis-Marie et sa soeur Gysèle jusqu'en Normandie. Je n'y suis jamais allée, même avec notre frère. Crois-tu que c'est beau ? Il me tarde de le découvrir.

Donnes-moi de tes nouvelles, je t'en prie.

Je t'envoie plein de baisers.
Prends soin de toi pour moi, s'il te plait.

Ton petit biscuit.

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Juliane
    L'effondrement


    La soirée avait à peine commencé - et elle était plutôt bonne, cette soirée - jusqu'à ce qu'Elle lui révèle tout. Il a été se baigner, avec elle, en pleine nuit, et la goutte d'eau : nus. C'en était trop pour elle, après toutes ces belles paroles, et la Ju craqua. Après avoir avalé quelques verres de cognac et avoir vidé son corps de ses larmes, la Douce rédigea rapidement une lettre pour sa soeur. Énervée, triste, brisée, les lettres ne se formaient pas comme elle l'aurait souhaité, et ses larmes dispersaient l'encre sur le vélin. Sans même la relire, elle fut envoyée à Aure, qui, elle l'espère, saurait lui pardonner ses erreurs, encore une fois.

    Citation:
    Ma soeur,

    Pourquoi as-tu toujours raison, comme ça ?
    Oui, tu avais raison. Il m'a blessé, jusqu'au plus profond de mon être.
    Je t'écris alors que je viens d'apprendre qu'il s'est baigné nu avec une "amie", elle aussi nue.
    L'autre nuit, il devait dormir avec moi, pour m'apaiser, et en pleine nuit, je me suis rendu compte qu'il n'était plus là. Ness. Pardonne moi. J'aurais du t'écouter. Nous sommes à Lodève en Languedoc. Je sais qu'il est avec elle dans la taverne d'à côté en ce moment... Tu me connais, je suis trop gentille et je laisse passer. Mais j'en souffre. Oh si tu savais combien j'en souffre... Je ne sais plus quoi faire... Aide-moi, je t'en supplie.

    J.


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Juliane
    De la tristesse à la colère


    Il l'avait prévenue. Si, si. Au début, au tout début, il lui avait dit de ne pas le fréquenter. Qu'il ne lui apporterait que du mal, qu'il n'était pas un garçon pour elle. Mais Juliane n'en croyait pas un mot. Ou alors, elle était trop aveuglée par ce joli jeune homme un peu rebelle pour s'en rendre compte. Au final, brunette la même suivi jusqu'à Montpellier. Jour après jour, dispute après dispute, elle avait comme l'impression de le perdre à petits feux. Cependant chaque fois, ils finissaient par se réconcilier et s'embrasser. Ah, ces lèvres...

    Mais voilà. Il a décidé de franchir le pas en dehors de ce cercle protecteur et fleuri. Sa fragilité n'a pas failli à sa réputation, l'anneau se brisa. Il était passé de l'autre côté. De la terre, il est passé à la mer, en oubliant l'italienne sur le ponton, emportant avec lui ce qui lui restait de son cœur.

    La tristesse fut le sentiment prédominant quand la jeune femme apprit la "bonne nouvelle". Comme d'habitude, des gouttes d'eau salées perlaient sur ses joues, accoutumées à cette inondation amer. Mais après de longues minutes passées à se morfondre et à se consoler sur le cognac - un délice, d'ailleurs, trouvé au fond de la cave d'une taverne - son humeur changea à une vitesse inconsidérée.

    De cette affliction naquit l'effervescence. Et, dans sa fureur infernale, une nouvelle lettre allait être rédigée, cette fois beaucoup plus luciférienne. Il le mérite. Enfin... Oui, il le mérite.


    Citation:
    Louis-Marie . Non, vous ne méritez même pas que je vous nomme.

    Vous êtes devenu pour moi, et ce en quelques jours, un être adoré contre qui je ne sais résister. Vous êtes devenu un être cher pour lequel j'aurais tout fait (ou presque). Je crois que je n'ai jamais accordé une telle confiance en un autre être humain - si on ne compte pas ma sœur jumelle. Je vous faisais entièrement et pleinement confiance. Mais vous. Vous, vous avez tout détruit. En une nuit. Vous me dites que ce n'est pas arrivé la nuit où nous dormions ensemble, mais j'en doute. Et honnêtement, je crois que je préférerais que ce soit cette nuit-là. Parce que Dieu sait quel acte vous auriez bien pu faire encore si ce n'était cela. Vous êtes un monstre, une bête Sans Nom, et je vous déteste. Je vous déteste tout autant que je vous aimais, et mes sentiments ont basculé au moment où cette satanée femme m'a avoué vos méfaits. Je vous hais, vous tout autant qu'elle, et je ne veux plus vous revoir. Jamais.


    La lettre fut rédigée sans même être signée, puisqu'il saurait assurément quel était l’émetteur de cette lettre incendiaire.

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Juliane
Sa soeur lui répondit et aussitôt, elle reprit un vélin pour lui répondre. Qu'ils étaient rapides ces pigeons à l'époque !

Citation:
Ness,

Tes mots me tentent et j'ai envie de revenir vers toi. Mais sans escorte, je ne donne pas cher de ma peau.
Je dois les suivre, jusqu'à ce que je trouve un moyen de repartir autrement...
Il ne mérite même pas que ton contact épistolaire vienne s'en occuper...

Merci d'être là, comme toujours.
Ce soir, je vais boire jusqu'à n'en plus pouvoir.
Mais je t'aime. Ô que je t'aime, ma Ness.

Ju, petit biscuit en miettes.

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Louis_marie
    [Do I wanna know
    If this feeling flows both ways ?
    Sad to see you go,
    I've started hoping that you'd stay.
    Baby, we both know
    That the nights were mainly made for saying things that you can't say tomorrow day.*]


Colère ou tristesse ? Tristesse ou colère ? Toi-même, tu ne le sais pas très bien. Ce que tu sais, c'est que la lettre a été trimballée partout, froissée, défroissée, déchirée, reconstituée. En l'espace de vingt-quatre heures, tu t'es promis un million de fois de la détruire et de ne plus la lire, conscient que la douleur qu'elle te cause finira par te tuer. Et un million de fois, tu l'as ramassée et tu as relu ces mots meurtriers. Ces mots qui te brûlent, qui t'anéantissent, et que tu aimes. Juste parce que ce sont les siens.
Pourras-tu la récupérer ? Te pardonnera-t-elle un jour ton attitude haïssable ? Tu es persuadé que non. Elle a déjà trop enduré, et trop pardonné. Alors à quoi sert-il de lutter ? Tu relis encore son courrier. Tu connais maintenant par coeur la façon dont elle a dessiné chacune de ses lettres, et tu réalises à quel point elle a raison. Tu ne pourrais la contredire sur aucun point. Tu la détruis. Tu l'as déjà détruite. Tu es un monstre, LM. Et comment pourrais-tu lui en vouloir de te demander de disparaître de sa vie ? Si tu étais sa sœur, tu lui aurais conseillé de se tenir à distance. Si tu étais elle, tu aurais fui dès le premier jour. Mais tu es toi. Et dans un élan de désespoir, tu laisses tomber sur le sol la lettre que tu tiens entre tes doigts froids depuis le lever du jour et tu griffonnes quelques mots sur un vélin.

Citation:
Juliane,
Je vous aime.
LM

Il est tard. Tes compagnons de voyage doivent tous dormir. Tu sors silencieusement de cette chambre où tu étouffes, t'accroupis devant celle de Juliane pour aller glisser ta lettre sous sa porte. Tes joues rougissent de l'aveu que tu lui livres. Tu n'aimes pas parler de tes sentiments, et tu es comme un enfant qui vient de déposer un mot doux à son amoureuse. Tu as honte. Mais tant pis. Tu ne la reverras plus. Elle rentrera à Mauléon. Alors tu n'as plus rien à perdre. Et il vaut mieux ne pas la laisser partir sans cette ultime preuve de tes sentiments.



Non.
Tu mens. Encore. Tu triches. Ça suffit. Écrire trois mots sur un parchemin, ça n'est parler ni de soi, ni de ses sentiments. C'est baisser les bras. C'est choisir la facilité. Et depuis quand choisis-tu la facilité, LM ? Tu te battras. Toujours. Quitte à te fâcher avec le reste du monde, quitte à en mourir. Tu la suivras, tu la hanteras, mais tu ne la laisseras pas partir aussi facilement. Parce qu'un homme raisonnable la laisserait en paix, la laisserait rentrer en Béarn, la laisserait se reconstruire tant qu'il est encore temps. Et que tu n'es pas un homme raisonnable. Tu es une bête sans nom. Sans doute croira-t-elle que ce que ce second courrier laissé sous sa porte est encore un instrument de ta ruse, encore une manipulation, que tu mens pour qu'elle revienne. Et tu la laisseras croire cela, tu ne lui diras pas le contraire. Tu es bien trop orgueilleux pour reconnaître que tu es faible et que tu l'aimes.



Citation:
    De moi, qui ne mérite pas d'être nommé.
    À vous, Juliane, ma déraison.


Jouons cartes sur table. Pour une fois.
Cette nuit où je suis allé me baigner avec Gwenn, c'est la nuit où je dormais avec vous. Je vous ai abandonnée. Deux heures. Deux heures de trop. Je n'essaierai pas de me justifier ou de m'excuser, car je n'ai pas d'excuse. Je suis un con.

Je vous déteste. J'aimerais ne pas écrire cette lettre. J'aimerais être raisonnable et vous laisser en paix. Mais vous m'en empêchez, je n'arrive pas à me résigner, je ne parviens pas à être raisonnable avec vous. Vous n'y pouvez rien, je le sais. Mais je vous en veux tout de même pour cela.
Je vous déteste. Depuis que je vous connais, je me sens faible. Je vois l'homme que je devrais être. Il est toujours devant moi, il me regarde, il me nargue parce que je suis si petit par rapport à lui. Je suis minuscule face à l'étendue de ce que je devrais être. Face à l'étendue de ce que vous mériteriez.
Je vous déteste. Je ne vous ai pas vu de la journée, et j'ai mal de ne pas vous voir. J'ai mal à cause de vous. Vous me manquez terriblement. Je suis vide. Je me sens incomplet. Je suis angoissé. Et vous n'êtes plus là. Quelque chose manque à ma vie. Vous me manquez, et j'ai l'impression que je ne suis plus que manque.
Je vous déteste, parce que j'ai peur. Peur de vous perdre. Que ferais-je si vous disparaissez ? Mais pourquoi resteriez-vous pour un menteur et un lâche qui ne vous aime pas comme vous devriez être aimée et qui vous déteste autant ? Je n'attends pas de vous de la pitié. Je n'en veux surtout pas. Ne restez pas parce que vous avez peur que je ne survive pas sans vous. S'il reste en vous le moindre soupçon d'affection pour moi, promettez-moi que vous ne resterez pas parce que vous avez pitié de celui que je suis et de celui que je pourrais devenir.
Je vous déteste. J'étais bien, sans vous. Tout était tellement plus simple. Et vous étiez bien, sans moi. Alors nous devrions nous oublier. Je devrais laisser tomber. Je ne devrais pas vous écrire. Je devrais vous laisser rentrer chez vous, retrouver votre soeur.
Et pourtant, je vous écris, je vous attends, et je pense à vous. Tout le temps. Je vous supplie de m'aimer. Ou de me détester. Mais de rester près de moi. De me pardonner.
Je vous déteste, parce que depuis que je vous connais, je ne comprends plus ce que je fais, ce que je dis, ce que j'écris, ce qui m'habite. Je ne suis plus maître de moi-même. Alors, je suppose que je dois me résigner à ce sentiment nouveau et reconnaître ce qu'il est.

Je vous aime. Et vous, est-ce que vous m'aimez ?

LM



*Arctic Monkeys.
Traduction : Est-ce que j'ai envie de savoir
Si ce sentiment est réciproque ?
Je suis triste de te voir partir,
J'avais commencé à espérer que tu resterais.
Bébé, nous savons tous les deux
Que les nuits sont faites pour se dire des choses qu'on ne pourra pas se dire le lendemain.

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Louis_marie
    [Hier ils s'étaient jurés de se donner des nouvelles. Gwenn était prête à parier sa chemise neuve que dans deux mois, il aurait oublié jusqu'à son nom.*]


Et Gwenn devrait songer à arrêter les paris. Parce qu'elle va perdre sa chemise neuve.

Si elle croit que tu ne lui écriras pas et que, dans quelques jours, tu l'auras oubliée, elle est bien loin de te connaître. Et elle te sous-estime. Force est de constater que les gens ont souvent tendance à te sous-estimer. Tu n'es certes pas bien grand, pas bien adroit et pas bien sérieux. Mais il y a en toi quelque chose de bien pire que ton insolent sourire en coin. Il y a en toi quelque chose de bien plus puissant que ton esprit mal tourné, et - disons-le - toujours orienté vers des fesses féminines. Il y a en toi une détermination folle. Un dangereux penchant pour l'obsession. Et, au fond, c'est ce qui fait la force de ton caractère autant que ce qui fera ta perte. Si tu dois mourir pour qu'on cesse de te sous-estimer, tu le feras. Sans hésiter un seul instant. Alors non, tu n'oublieras pas Gwenn. Jamais. Et tu ne la lâcheras pas, du moins pas tant qu'elle ne te l'aura pas ordonné.

Assis par terre, à l'ombre d'un arbre, ton regard parcourt plusieurs fois l'horizon pour t'assurer que Juliane n'est pas dans les environs. Est-ce que Gwenn mentait ? Est-ce qu'elle disait la vérité en affirmant qu'elle aurait été prête à te céder ? Est-ce que tu as bien réagi ? Est-ce que tu n'aurais pas mieux fait de la repousser ? Est-ce que vous vous retrouverez, en Normandie ? Est-ce que tu as eu raison d'accepter qu'elle s'éloigne ? Les questions qui s'accumulent dans ton esprit sont balayées d'un geste de main agacé, tandis que tu saisis plume, encrier et vélin. Au fond, peu importe qu'elle t'ait dit la vérité ou non. Tu lui écriras, parce que tu le lui as promis. Et surtout, parce que si votre relation doit disparaître et que vous ne devez plus jamais vous revoir, ça ne sera pas de ton fait. Si elle ne te répond pas, c'est que votre amitié était un mensonge, autant que la soirée de la vielle. Et alors, elle ne mérite pas d’être l'objet de ton obsession, tu la regarderas s'éloigner de ta vie sans un mot. Mais, même dans ce cas-là, tu ne l'oublieras pas. De toute façon, c'est quelque chose dont tu es incapable.


Citation:
    De moi, Louis-Marie, le plus beau des meilleurs amis.
    À toi, Gwenn, intrépide voyageuse.

Gwenn,

Tu es à peine partie, et tu me manques déjà. C'est agaçant. Et maintenant, à cause de toi, toute ma vie j'aurai peur que ma soeur me balance une chaise dessus un jour de grande colère.
Comment se passe ta route ? Je ne m'inquiète pas trop, je sais que tu sais te défendre. Pense à garder une chope avec toi lorsque tu marches, au cas où tu rencontrerais quelqu'un à assommer. J'espère que tu trouveras ce que tu vas chercher en Bretagne. Même si en fait, je ne sais pas vraiment ce que tu vas y chercher. Un futur mari ? Je croyais que tu n'en avais pas besoin. Tu veux voir l'océan ?
Quelque chose me réconforte tout de même dans mon malheur. C'est que j'ai chaud, beaucoup trop chaud, et je me dis que si tu étais encore là, près de moi, ce serait bien pire. En ce qui nous concerne, je crois que nous partons ce soir. Mais je sens que marcher dans cette chaleur va me tuer.
Reviens vite, d'accord ? J'attends encore que tu me fasses goûter à tous les plats de ton pays.

Que le Très-Haut veille sur ta route.

LM



*LJD Gwennegh.
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Gwennegh
    « Et ensuite, il dit un truc du genre: "Je serais prêt à mourir pour toi. Mais je refuse de vivre pour toi.". Un truc comme ça.
    Je crois que l'idée, c'est que chacun doit d'abord vivre pour lui-même et ensuite faire le choix de partager sa vie avec d'autres gens.
    C'est peut-être ça qui fait que les gens "s'impliquent". »

    Le monde de Charlie - Stephen Chbosky
    Et en musique s'il vous plaît


𝒢wenn avait reçu une lettre. Elle n'avait pas pris le temps de regarder qui la lui envoyait, parce qu'elle était intimement convaincue qu'elle était de sa grand-mère. Elle avait envoyé une lettre à sa famille deux jours après son arrivée en France et forcément, ce ne pouvait être que des Cadwell. Déception lorsque ses yeux noirs tombèrent sur une série de mots qu'elle ne déchiffra pas ! Ce n'était pas les Cadwell. Mais que faisait donc Mam-Gu de si important pour ne pas écrire à sa petite-fille chérie ?

𝓔n colère, furieuse et agitée, la Galloise tapota le bois de la table du bout des doigts. Elle était énervée parce que quelqu'un lui avait écrit et qu'elle ne savait pas qui. Et encore moins ce qu'il lui racontait. Elle ne supportait pas de ne pas pouvoir faire tout par elle-même. D'être obligée de demander de l'aide. C'était à ses yeux un aveu de faiblesse et, en pays étranger, pouvait-on se permettre d'être faible ? Non. Non, évidemment. C'était un si grand déshonneur d'avouer qu'elle ne savait pas lire le français... À coup sûr cet homme, là-bas, qui rédigeait un papier, allait se moquer d'elle. Rigoler devant tout le monde. La pointer du doigt. Et le pays tout entier, bientôt, se rirait de Gwennegh Cadwell, la rousse Galloise qui n'avait pas appris le français.

𝓔lle se gifla intérieurement. Est-ce qu'elle n'en faisait pas un peu trop, par hasard ? Juste par hasard, bien sûr. C'était assez dur de reconnaître ses torts, surtout quand on s'appelait Gwenn Cadwell, qu'on avait seize ans, et que nom d'un petit dragonneau, on se sentait bien seule dans cette taverne.

𝒢wenn se leva d'un bond et fonça droit vers l'homme qui écrivait. Il s'agissait d'un personnage brun aux cheveux assez courts, raides, et épais. Il devait avoir vingt-cinq ou trente ans, avait le teint un peu mat, les traits ouverts et un air calme et patient qui tranchait particulièrement devant la frimousse froncée et boudeuse de la jeune fille.

    - Tu ! Aide-moi. J'ai ce. Je sais pas lire.

'homme sursauta et laissa tomber sa plume. Il remarqua aussitôt que son interlocutrice n'était pas là pour sucrer les fraises — il aimait secrètement cette expression qu'il employait à tout va — et se saisit du vélin qu'elle lui tendait. Il lui lut chaque mot d'une voix mesurée et basse, que Gwenn apprécia. Il ne se donnait pas de grands airs et n'articulait pas démesurément, ce qui tendait à prouver qu'il ne considérait pas les illettrés comme des idiots. Un bon point pour lui.

𝒢wenn se balança sur sa chaise en se tordant les mains. L'homme la regardait patiemment. Il n'avait pas l'air pressé, et attendait calmement qu'elle aille au bout de sa réflexion.

    - Tu peux aider ? Je veux répondre. Je sais pas les mots.

𝓔lle soupira.

    - J'ai une accent. Je suis Galloise et... Je confonds les mots. Tu peux... écrire ce que je vais dire mais tu corriges si je me trompe ?

𝓘l acquiesça en lui assurant que cela ne le gênait pas le moins du monde. À dire vrai, il adorait les étrangers. Ils avaient un petit côté exotique qui tranchait sur son morne quotidien de clerc de notaire. Et cette fille et son drôle d'accent étaient à deux doigts de le faire éclater de rire. Mais quelque part, dans les tréfonds de son inconscient, son instinct de survie l'implorait de ne surtout pas rire. Parce que cet instinct de survie avait parfaitement repéré l'arme qui pendait à sa ceinture, et que dans le doute, mieux valait prévenir que guérir. Surtout que, quand on est mort, on guérit nettement moins bien, bizarrement.

    - Alors, tu mets déjà après les lignes de présentation... « Cher Louis... »


Citation:

    De moi, Gwennegh Cadwell, sauvageonne et têtue,
    À toi, Louis-Marie, petit prétentieux buveur de bières,

      Cher Louis,


    Ce n'est pas moi qui écris parce que je ne sais pas. J'ai demandé à un homme — il dit qu'il s'appelle Gauthier Lebrun et c'est vrai, il est brun — de bien vouloir me lire la lettre et y répondre pour moi. Je sais qu'il écrira les bons mots et qu'il ne se trompera pas. Mais je crois que cette lettre sera longue à écrire, parce que rien que pour ce paragraphe, il m'a demandé deux fois d'expliquer une idée générale parce que le mot n'était pas le bon. Paragraphe, notamment.

    Tu me manques aussi, un peu, je dois le dire. Ne sois pas vexé par ce « un peu », je vois déjà ton air boudeur. Je dis « un peu » parce qu'avant j'aurais dit « beaucoup » mais qu'en quittant Anglesey, j'ai appris la véritable signification du mot « beaucoup » et je ne l'utilise plus que pour des choses qui me déchirent le ventre quand j'y pense. Comprends-tu ce que je veux dire ? Toi au moins, même si au coeur de cette ville étrangère, je me dis que les gens bougent trop et qu'on ne se reverra plus jamais parce que tu seras trop occupé à courir après la bière/les filles/le soleil/tes rêves (raye les mentions inutiles) et moi après mon destin, je me dis que j'ai quand même une chance, même infime, de te retrouver, qu'il m'est plus facile de te retrouver ici, que je n'aurais jamais de mer à franchir pour te revoir. Mais j'ai peur qu'on n'y arrive jamais. Ce n'est pas ce que je souhaite. Je voudrais te revoir, mais comment faire ? Comment font les gens pour se revoir quand ils se sont quittés ? Rentrer chez moi, c'est facile, je sais exactement où aller et comment y parvenir. Mais toi ? Tu me sembles à peine plus accessible que la lune. Est-ce que je peux y croire un peu ? Tu me chercherais si je ne parvenais pas à mettre la main sur toi ?

    La Bretagne. Non, pas pour un mari. Tu n'es pas sans ignorer que je ne veux pas. Ou alors pas tout de suite. Je dois d'abord savoir ce que je vaux en tant que moi-même. Ce que je suis capable de faire toute seule. Jusqu'où je suis capable d'aller pour trouver ma place dans le monde et dans cette vie. Quand je saurais qui je suis, alors peut-être tenterai-je de trouver un époux. Mais pas pour l'heure. Pas avant d'avoir été jusqu'au bout de moi. Est-ce que tu comprends ? C'est aussi et surtout peut-être, pour cela que je suis partie. Avec vous ça m'était impossible. Avec vous je commençais à me plaire, à cesser de chercher ce que je suis venue chercher ici. Et ça aussi, ça m'a fait peur, un peu. L'esprit féminin est compliqué, déjà, alors pense un peu à celui d'une fille dans mon genre, et tu auras une idée peut-être, de la folie qui m'habite parfois.

    Cette lettre est longue et Gauthier n'en peut plus. Tu le crois si je te dis que cela fait quatre heures qu'on rédige cette lettre ? Dis-moi, pourquoi ta langue est-elle si compliquée ?

    Écris-moi une autre lettre. Je te répondrai toujours. Où que je puisse être dans ce vaste monde. Et si les dieux anciens m'ont emporté avec eux... Je déclencherai une telle tempête dans les cieux que tu sauras que je vais bien.

    Cael trip gwych.
    Byddaf bob amser yn caru chi, fy ffrind.


    Gwenn

    PS : Je te laisserai toujours un mot en gallois. Ceux-là sont de ma main. Si tu veux en connaître le sens, tu n'auras qu'à venir me le demander.





Cael trip gwych. = Bon voyage
Byddaf bob amser yn caru chi, fy ffrind. = Je t'aimerais toujours, mon ami.

_________________
Louis_marie
    [Mon docteur m'a dit qu'on ne peut pas choisir d'où on vient, mais qu'on peut choisir où on va.*]



Ce n'est pas une belle journée pour toi, LM. Tu t'ennuies, tu es fatigué, tu ne vois pas assez Juliane à ton goût, et tu as l'impression que ton voyage en compagnie de ta soeur n'en finit pas. Non que tu n'aimes pas la présence de ta soeur à tes côtés, loin de là. Mais parfois, tu t'inquiètes de ne pas savoir ce que tu feras, après. Que deviendras-tu, une fois qu'elle sera en Normandie ? Est-ce qu'elle sera heureuse, là-bas ? Est-ce que son noble prendra soin d'elle ? Est-ce que tu vas rester là-bas et vivre près d'elle ? Est-ce que tu vas repartir ? Est-ce que Juliane sera là ? Est-ce qu'elle reste avec toi uniquement parce qu'elle ne tiendrait pas longtemps sur les routes, seule ? Est-ce que, si tu la raccompagnes en Béarn, une fois en sécurité, elle te demandera de partir ? Est-ce que tu reverras Gwenn, un jour ? Qu'est-ce que vous ferez, alors ? À quoi ressembleras ta vie dans un an ? Dans dix ans ? Dans trente ans ?

Trop de questions. Pas assez de réponses. Tu sais d'où tu viens, et ça n'est pas une fierté. Tu ne sais pas où tu vas, et ça t'inquiète. L'inverse serait tellement plus facile. Tu aimerais n'avoir aucune idée de ton passé, de l'endroit d'où tu viens, avoir totalement oublié les dix-sept années précédentes, mais être absolument certain de là où tu vas, de la vie que tu veux vivre et de la vie que tu vas vivre.

Une carte étalée sur la table, les traits tirés dans une expression de concentration intense, tu comptes, tu évalues. Il y a ces noms inscrits, qui te rappellent des endroits où tu es passé, des endroits qui étaient tellement plus grands, plus riches et plus intéressants que le petit point qui les représente sur la carte. Et puis il y a tous ces noms qui ne t'évoquent rien, que tu découvres et vers lesquels tu te sens irrépressiblement attiré. Ton index, jusque là posé sur Poitiers, se déplace jusqu'à Rouen. Puis il bifurque vers la gauche, et se fixe sur la Bretagne, avant d'en tracer les contours. Gwenn, elle, elle a choisi où elle va. Sans doute qu'elle n'a pas plus de certitude que toi quant à son avenir, mais elle avance, elle y va, elle fonce tête baissée.

Si tu as bien compté, et si elle a marché d'un bon pas, elle doit déjà être sur les terres bretonnes, ou en tout cas ne pas en être très loin. D'ici à ce que ta missive arrive, elle y sera sans doute. La Bretagne. L'inconnu. L'ivresse de la découverte. L'angoisse, aussi. Ta vie a toujours été faite de Nord et de Sud. Pas d'Est, pas d'Ouest. Tu ne te sens chez toi qu'à deux endroits sur terre, Paris et le Sud. Paris, ton douloureux berceau. Le Sud, ta terre d'adoption, ton terrain de jeu. Malgré ton humeur maussade, il est l'heure d'écrire. Parce que si tu sais trop bien d'où tu viens et trop peu où tu vas, tu sais où tu es, le présent t'appartient, et il s'agirait d'en faire quelque chose.


Citation:
      Poitiers, le 31 mai 1465


    De moi, Louis-Marie, frère trop clément.
    À toi, Gwenn, libre, indépendante et trop éloignée.


Gwenn,

J'aurais dû t'apprendre à écrire français. Voilà ce que je me dis depuis que tu es partie. J'aurais dû t'apprendre à écrire français, comme ça tu n'aurais pas à demander de l'aide à qui que ce soit, et en plus, tu pourrais utiliser tes propres mots plutôt que d'emprunter ceux d'un autre. Mais aurions-nous eu assez de temps pour que tu apprennes ? Je crois te connaître assez pour penser que tu apprends vite, ou en tout cas, que tu es suffisamment butée pour obtenir ce que tu veux, et si tu veux savoir, alors tu sauras. Mais nous n'avons sans doute pas passé assez de temps ensemble pour que je t'apprenne quoi que ce soit. Et puis, avouons-le, j'aurais été un très mauvais professeur : je sais écrire, certes, mais j'écris mal, il paraît. Pas assez soigné, qu'ils disent. Et puis tu verrais l'orthographe de ma soeur, elle qui te reprenait sur ton vocabulaire...

Tu me demandes comment faire pour nous retrouver. La réponse est simple : je serai à Rouen, dans trois semaines au maximum. Je te tiendrai au courant, si je ne reste pas en Normandie, je te dirai où je suis. Et tu pourras venir me retrouver, quand tu en auras envie. Alors oui, tu peux espérer que nous nous revoyons. Tu peux y croire. Tu y as même intérêt. Sinon, si tu n'y crois pas, alors je te retrouverai, sois en sûre. Je suis obstiné et pas du genre à lâcher les gens, tu n'as pas remarqué ?

Es-tu arrivée en Bretagne ? C'est comment, là-bas ? Même si j'ai parcouru pas mal de chemin, je n'y suis jamais allé. Un jour, on m'a raconté qu'il y avait de petits lutins malicieux qui s'y promenaient. Du genre qui te croquent les orteils pendant ton sommeil. Ou qui viennent te rendre des services lorsque tu es fatigué. En fait, je ne sais plus s'ils sont censés être gentils ou s'ils ont mauvaise réputation. Tu en as rencontrés ? Ils sont comment ?

De notre côté, nous avançons lentement mais sûrement, malgré le soleil pesant. Ma soeur a trouvé un nouveau camarade, depuis ton départ. Et il est vraiment pire que toi. C'est un enfant. Un môme. Un chiard. Je ne te cache pas que je ne l'aime pas. De toute façon, je n'aime pas les mouflets, ça fait trop de bruits, ça sent mauvais, ça ne sert à rien et en plus il faut veiller sur eux parce qu'ils ne peuvent pas le faire tout seul. D'autant que celui-là bat tous les records, il est aveugle et il lui manque un bras. Je me demande vraiment ce que Gysèle lui trouve. Mais, puisque ça fait tant plaisir à ma soeur, il va nous rejoindre à Poitiers et nous allons le garder un petit moment dans nos pattes. J'espère qu'il marche vite, sinon je sens que ça va m'énerver. Tu crois que si je lui balance une chaise dessus, ma soeur sera fâchée ?

Ils veulent dire quoi, les mots que tu as écrit en Gallois ? J'ai cherché un Gallois pour me les traduire, mais je n'en ai pas trouvé. C'est dingue comme la France manque de Gallois. Et comme tu me manques, aussi.

Que le Très-Haut éclaire chacun de tes pas, et te permette de trouver ce que tu es partie chercher.

LM


*Stephen Chbosky, encore.
Et en musique s'il vous plaît.

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