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[RP] L'Enfer, c'est les Autres.

Gysele
Qu'il fait bon dormir dans les bras de Merance, bien mieux que dans ceux de Morphée ! J'y trouve une réelle quiétude, certainement aidée par le lait de pavot qu'elle me fait boire pour me permettre de me reposer. Depuis ma rencontre avec ce moine diabolique, je ne parviens pas à dormir beaucoup, mes songes envahis par des croix ardentes et des douleurs aiguës qui se ravivent dans mon esprit. Mais la Sorcière a su trouver un moyen pour que mes nuits soient calmes et que j'épargne ainsi tous mes compagnons de route de mes hurlements nocturnes.

Ayant un peu relâché la gestion du groupe en ces jours troublés, Pierre a pris la relève, discret comme à son habitude, mais bien présent. Je sens bien une légère distance depuis le jour critique, comme si il s'en voulait de ne pas avoir pu me protéger cette fois ci, mais nous n'avons pas encore pris le temps de nous voir seul à seul. Ajoutez à cela mes histoires avec mes frères, j'avoue que mes nerfs sont un peu à cran. Tout le monde semble le sentir et ce n'est pas ma dernière discussion avec Evroult qui avait arrangé mon humeur. Mon monde entier est en train de s'effondrer, LM va me quitter je le sens, pour vivre avec Juliane, Evroult me rejette de toutes ses forces, Pierre a repris ses distances, Merance... belle Merance, c'est moi qui ne sais plus dans quelle direction aller avec elle, partagée entre mes pulsions, mes sentiments et ma raison. Je ne suis même pas en mesure de dire comment je vais retrouver le de Courcy, tant je redoute qu'un homme repose un jour sa main sur moi.

Quelques coups toquent à ma porte ce matin, le muet entre doucement alors qu'encore lovée contre la rousse, j'émerge difficilement. Mon corps se remet tranquillement de son traumatisme, les muscles encore un peu douloureux, les plaies moins vives et la brûlure, moins boursouflée. On peut distinguer la peau noircie de nombreux hématomes et le teint encore pâlichon résultat de mon manque d'appétit. Je m'étire, féline, bouge doucement pour ne pas réveiller trop abruptement ma pauvre amie qui me subit toutes les nuits et lorsque mes yeux rencontrent ceux de Pierre, c'est avec beaucoup de tristesse que je le vois détourner le regard et me tendre un pli.


    Citation:
    Evroult veut te parler, retrouve-le chambre n°5 à l'auberge "Le Neptune" dans une heure.

Je le regarde, espérant lire plus d'explications, mais il s'obstine à regarder par la fenêtre. J'ignore alors que commence là toute une machination orchestrée par le muet et que je ne suis pas la seule à avoir reçu ce genre de pli. Un autre avait été donné à Evroult avec un "Hel a des ennuis, chambre n°5 de l'auberge "Le Neptune". C'est important", alors que Louis-Marie recevait "Juliane espère te retrouver dans la chambre n°5 de l'auberge "Le Neptune", il semblerait qu'il n'y aura pas de barrière de coussins aujourd'hui". Chaque membre de la fratrie avait reçu un message différent qui l'attirerait dans un piège bien réfléchi. Pour l'heure, je m'interrogeais surtout sur ce que mon petit petit frère avait bien à me dire. Avait-il changé d'avis ? Ou bien espérait-il me mettre le coup de grâce pour que je ne le retrouve plus jamais ? J'en frissonne d'inquiétude et me prépare avec une certaine fébrilité qui ne me ressemble pas. Je tente de le cacher aux autres, mais depuis Saumur, mes mains tremblent sans cesse et mes angoisses me rendent plus nerveuse d'apparence. Là où je n'étais avant que calme et nonchalance, j'apparais aujourd'hui comme une vraie pelote de nerfs à vif. Je libère enfin un soupir et rejoins l'auberge. A chaque fois que je monte une marche de l'escalier qui mène aux chambres, mon coeur se contracte d'inquiétude. Que me veut-il ? Je crains ses mots qui m'atteignent bien plus que je ne le voudrais et quand je pénètre la chambre n°5 et que je m'apprête à sortir mes griffes et mes paroles incisives en guise de défense, je m'arrête d'un coup net en découvrant la pièce vide. Ah. Il est en retard. Et c'est en m'asseyant sur le bord du lit, croisant mes doigts pour ne pas les voir trembler, que je lâche :


- Quel enfer...

Pour rythmer notre rp, nous avons décidé de tirer au sort des gages que nous sommes obligés d'utiliser lors de nos écrits et des mots à placer dans nos dialogues. Si le rp vous semble parfois un peu décousu et fou, vous comprendrez pourquoi !

_________________
Evroult
    Le muet. C’était un homme étrange, plus bruyant qu’on pouvait le penser, au regard expressif & au sourire rare. Evroult, mauvais à ces jeux-là, ne s’était pas risqué à lui donner un âge, mais il pouvait affirmer sans l’ombre d’un soupçon qu’il était plus vieux que lui. Qu’elle. Qu’eux. Enfin, il était le plus âgé de tous, & son incapacité à lui tartiner les oreilles de jérémiades, de doléances & de reproches l’avait rendu tout à fait appréciable aux yeux du jeune courtisan.

    Oh ! il n’était pas dupe. Collé aux poulaines de rouquine, ce Pierre-là avait sans aucun doute les oreilles traînantes &, quoi qu’incapable de parler, il n’en semblait pas pour autant idiot. S’en faire un allié était tout bonnement impossible aujourd’hui, & n’était, quoi qu’il en soit, aucunement dans ses projets. Lui, voulait s’en débarrasser. Pas les rallier à sa cause.
    Leur accorder un semblant de confiance était tout bonnement impossible. Tous les mots que déversaient leurs lippes semblaient faits de mensonges, & même dans leurs intonations il entendait l’accent trainant de bêtise & de crasse de sa génitrice. Gysèle & Louis-Marie étaient la digne engeance de sa morue de mère, & à chaque fois qu’il s’accordait d’y penser, il se félicitait d’avoir été élevé par une maquerelle bien plus gracieuse & distinguée que cette pitoyable tapineuse de remparts.

    Pierre, alors, n’obtint l’attention du Loupiot que parce qu’il n’était pas de la même portée. Ceci même lui conférait un avantage considérable vis-à-vis des deux autres, & fit, sans aucun doute, qu’au doigt tapotant son épaule le minois rouge d’excitation se détacha de sa proie sans même un grognement & que le pli tendu fut accepté sans peine. L’onyx surpris se releva sur l’homme, interrogeant sans méfiance, ne se heurtant qu’à la face fermée du laquais mal à l’aise.

    - Des ennuis ? quels ennuis ? elle a… elle s’est… hein ?!
    Il ne répondit pas. Bien sûr, il ne pouvait pas parler.
    - Baste. Merde. Crotte. Doucette, je dois…
    - Tu… tu t’en vas… déjà ?


    La fille du forgeron – ou bien était-ce celle du boulanger ? – le couvait d’un regard de braise, de ceux qu’on lance quand on a le poitrail à l’air, les jupons retroussés, & qu’on a dans le cou déjà plus de suçons que pour une séance de sangsue. Chacun poussa un soupir, de concert, l’un par frustration, l’autre par dépit, le dernier par malaise, & Evroult se retourna vers le muet en rattachant difficilement ses braies trop étroites.

    - Tu es peut-être muet, mais je gage que ta langue saura la contenter tout de même, souffla-t-il d’un clin d’œil franchement obscène avant de leur tourner le dos pour dévaler les escaliers.

    Hel n’attendait pas.
    C’est ainsi que Loupiot, qui avait laissé l’angoisse poindre alors qu’il traversait les ruelles déjà étouffantes de la ville, arriva suant, l’œil hagard, le souffle court, & par-dessus tout, frustré. Comme à son habitude, son esprit trop lascif balançait entre l’inquiétude grandissante pour la santé de sa tendre, encombrée d’un parasite dont ils tentaient tous deux de se débarrasser par d’hérétiques moyens mettant forcément en danger la norvégienne, & l’intenable sentiment de privation qu’il reporterait évidemment sur la pauvre albinos dès lors qu’il se serait assuré qu’elle n’allait point trop mal.
    La chambre fut trouvée dans un regard pour le tenancier. Il se souvenait comme si c’était hier – & peut-être était-ce véritablement hier – avoir retrouvé au Neptune une de ses clientes, une riche bourgeoise grasse d’un trop bien vivre, dont le mari en campagne avait laissé le terrain en friche. Elle avait bien payé, & lui était reparti serein d’avoir dégagé d’un coup de rein bien senti les derniers souvenirs d’un époux trop absent. Il ne fallait rien de moins, pour le mettre de bonne humeur, qu’apposer sa marque sur toutes les femmes qui passaient sous ses mains.

    Et rien de moins, pour le mettre de sacré mauvaise humeur, qu’une chambre vide de sa tendre & emplie d’une rousseur toute sororale.

    - Que… quoi ?! où est-elle ? qu’en as-tu fait ?! c’est ta sorcière ?!
    Plus tôt dans la semaine, rouquine avait évoqué être en compagnie d’une sorcière dont la présence, pour les deux jeunes amants, semblait tomber à point nommé. Evroult, déterminé, avait convaincu sa blancheur d’aller quérir les sorts de cette sorcière inconnue pour se débarrasser de l’engeance malencontreusement implantée au giron norvégien.
    Ainsi donc, il était évident qu’Hel y était allée, que Merance avait officié, & que Gysèle y avait mis son grain de sel. Coupable, avant tout autre chose, pour la simple & bonne raison qu’elle était née de la mauvaise cuisse.

    - OÙ EST-ELLE ?!

    Et se jetant sur elle d’un élan digne d’un film d’action très salement noté au box-office, les deux mains agrippant les épaules endolories & torturées, il la plaqua contre la couche en grognant entre ses mâchoires crispées : OÙ EST-ELLE ?! DIS-MOI ! QU’EN AS-TU FAIT ?! Tu ne t'en tireras pas d'une de tes sacrées acrobaties, funambule de malheur ! Dis-moi, catin !
    Sous la violence de l’éphèbe agressif & rendu fou par la panique, une latte craqua, un pied rongé de capricorne finit de se fissurer, & la couche pas bien haute s’effondra dans un nuage de poussière & un résonnant vacarme alors qu'il se prenait la tête de lit tombante sur le coin de la tronche, désarçonné.
    Si toute l’auberge n’avait pas été réveillée par ses cris, c’était désormais chose faite.


- gage : un meuble qui s'effondre & se casse sous son poids ;
- mot à placer : funambule

_________________
Louis_marie
C'est une belle journée qui commence. Tu n'as pas croisé Evroult la veille, et cet heureux hasard te comble de joie. Espérons que tu ne le rencontreras pas aujourd'hui non plus. Et puis, il fait beau, c'est agréable. Depuis que tu es dans cette ville, tu n'as absolument rien fait, te vautrant dans la plus agréable des paresses, et tu comptes bien démarrer cette nouvelle journée exactement comme la précédente, en sirotant une bière dans un coin de taverne. Il est encore tôt car, même si tu n'es pas coutumier du réveil de bon matin, tu as passé l'essentiel de tes derniers jours à enchaîner les siestes. Et tu es seul. Pour une fois, ça ne te déplaît pas, fatigué que tu es de regarder avec une impuissance inquiète ta grande sœur abimée, de serrer les mâchoires face à ton détestable petit frère, d'essayer d'avoir un peu de prestance devant Juliane et de bredouiller à la vue de jeunes demoiselles peu vêtues. Nonchalance, alcool et paix. Que demander de plus ?

Alors que tu n'as même pas fini ta première chope de la journée, Pierre fait irruption dans la taverne, l'air pressé et la mine préoccupée. Une fois n'est pas coutume, tu poses ta bière, abandonnes même le contact visuel avec elle, pour regarder Pierre. Et tu as beau te hisser sur tes jambes, il te faut quand même lever la tête vers le ciel pour regarder le muet dans les yeux. Que c'est agaçant. Aujourd'hui, il n'est pas très disposé à parler - l'a-t-il un jour été ? -, alors il va falloir décrypter. Bon, qu'est-ce qu'il peut bien te vouloir ? Il ne s'agit pas de jouer aux cartes : tu as été bien clair sur ce point, tant qu'il continue à gagner, et donc à te faire perdre, tu ne veux plus jouer avec lui. Alors il n'y a qu'une raison pour que le protecteur attitré de ta soeur vienne te voir. Gysèle. Qu'est-ce qu'elle a ? Elle est où ? Elle ne va pas bien ? Merance est avec elle ? L'évidence t'assaille : le moine l'a retrouvée. C'est forcément ça. Et cette fois, elle va mourir. Ta soeur va mourir. Il faut la retrouver avant qu'elle meurt. Sauf que, voyant tes sourcils se froncer, Pierre sourit un peu, bizarrement. Enfin il étire son visage dans une moue étrange qui te fait penser à un sourire, mais c'est pas très clair.

    P'tain mais parle, abruti de muet !

Et voilà qu'il te tend un mot. Plus malin que toi, le Pierre. Tu le déplies dans l'urgence, et pousses un soupir de soulagement.
Citation:
Juliane espère te retrouver dans la chambre n°5 de l'auberge "Le Neptune", il semblerait qu'il n'y aura pas de barrière de coussins aujourd'hui.

Oh. Petit passage de main dans les cheveux - parce que rien que d'imaginer Juliane dans un lit sans coussin, ça t'excite - et tu congédies le muet d'un geste des plus impolis. Ton coeur commence à battre bien trop vite pour que ça soit raisonnable. On se calme, et on élabore une stratégie. D'abord, pas de précipitation. Évidemment, tu crèves d'envie de rejoindre cette chambre en courant. Mais se faire désirer, voilà le secret. Surtout, éviter tout empressement.

Alors tu retournes dans ta chambre d'auberge, celle que tu occupes depuis votre arrivée ici, et ton regard se pose immédiatement sur la bouteille d'alcool qui trône sur la table de chevet. Boire ou ne pas boire, telle est la question. Tu as soif, c'est évident, tu es frustré en te rappelant que tu as même laissé ta chope à la taverne, oubliant de la finir. Mais ta brune adorée a dit qu'elle était fatiguée de te voir ivre en permanence. Si le mot donné par Pierre ne ment pas, et que tonight's the night*, alors il ne faudrait surtout pas manquer cette belle occasion à cause de ton haleine avinée. Aujourd'hui, tu seras donc sobre. Voilà une sage décision. Ou pas, quand on sait ce qui t'attend.

Tu as du temps, LM. Il faut la faire poireauter... heu, non : il faut te faire désirer, on a dit. Alors tu prends un bain. Et si tu avais quelque part dans tes affaires du parfum, tu serais certainement en train d'en mettre. Mais, à défaut, tu te contentes d'enfiler ta plus belle chemise - enfin, ne nous emballons pas, il s'agit seulement de la moins rapiécée de ta garde-robe. Et, pour la première fois depuis des siècles, voire des millénaires, tu fais l'effort de te recoiffer et de donner - dans la limite de tes capacités, évidemment - une forme respectable à cette tignasse brune qui vit au sommet de ton crâne. Maintenant, il faut que tu ailles la retrouver. Avant de quitter ta chambre, tu te regardes quand même un peu dans le miroir. Et tu souris en coin. Tu as l'air réveillé, mais pas bourré. Ta petite chemise blanche est mieux taillée que celles que tu portes d'habitude. T'es beau, LM. T'es carrément sexy. En tout cas, tu en es persuadé.

Le pas déterminé, l'effluve moins alcoolisée que le reste du temps et un sourire coquin aux lèvres, tu rejoins le lieu indiqué. Il y a clairement du bruit, et des cris, mais tu n'y prends pas garde, tu t'en fous, tu vas rejoindre celle qui sera bientôt totalement et irrémédiablement tienne. Et tu te plantes devant la porte. C'est le moment où tu dois toquer. Oui, mais tu es pris d'un doute terrible et soudain. Tu ne sais pas quoi dire, ni quoi faire. "Bonsoir." Non, ça ne fait pas assez personnel : "bonsoir vous", c'est mieux, ça sonne plus intéressé. Ou "bonsoir Juliane". Et après, tu lui demandes comment elle va. Et puis ensuite, puisqu'on ne va quand même pas passer la journée à faire des mondanités, on n'est pas là pour enfiler des perles - enfin, dans un certain sens, si, mais passons -, tu lui roules le patin de sa vie. À cette agréable perspective, tu ouvres fièrement la porte, au moment même où un violent fracas se fait entendre.

Bon. Pause. État des lieux. Pas de Juliane. Pas de roulage de patin au programme, encore moins d'enfilage de perle. En tout cas, pas pour toi. Mais pour les deux allongés là, dont tu ne vois que les ombres, il y a eu plus que du roulage de patin. Ils ont carrément brisé le lit pendant leurs ébats. Et à ce spectacle, persuadé de t'être simplement trompé de chambre, tu exploses de rire.

    Hé dites donc, z'avez carrément cassé l'lit ! C'pas bien malin, ça ! Va falloir s'calmer sur la saillie, hein. Z'êtes pas des bêtes...

Tu t'apprêtes à ressortir en rigolant, pour aller raconter ta découverte à ton amante, quand un truc attire ton attention. Dans le nuage de poussière, il y a clairement une rousse. Qui a les mêmes cheveux que Gysèle. La même coiffure ravagée que Gysèle. La même taille que Gysèle. La même silhouette que Gysèle. Non mais LM, en fait je crois que c'est Gysèle. Et le type qui est sur elle, c'est Evroult. Devant cette évidence, et sans prendre le temps de réfléchir davantage, tu fonces dans le nuage de poussière pour attraper le jeune homme par les épaules et le pousser loin de ce qu'il reste du lit, en beuglant de toutes tes forces :
    P'tain ! Enculé de raclure de merde, tu vires tes sales pattes de MA soeur ! T'arrêtes de dévorer toutes les gonzesses qu'tu croises ! J'sais qu'elles sont bonnes et appétissantes, mais va baver ailleurs !** En plus, celle-là, c'est la famille, connard ! Alors tu gardes ta langue dans ta bouche, et tu touches à ton cul !

Et tu es encore en train de hurler comme un damné, poings agrippés aux bras d'Evroult, lorsque la porte que tu avais ouverte claque, et qu'on entend un bruit dans la serrure. Vous êtes enfermés. Le plan machiavélique de Pierre a fonctionné. Les trois dignes enfants de Marie-Gertrude sont là, tous ensemble, et ils ne peuvent plus s'échapper. Bienvenue en enfer.


*Est-il vraiment nécessaire de traduire ? "Ce soir, c'est le bon soir", ou un truc du genre. Dexter, toussa.
**Ceci est une métaphore approximative entre femmes et morceaux de viande. C'est pas ma faute, c'est LM.

Gage : faire une métaphore dans un dialogue.
Mot : saillie.

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Bannière & avatar by LJD Gysèle. Merci ♥
Gysele
Mes frères. Aussi différents que lune et soleil. Deux astres de ma vie, l'un qui me réchauffe, l'autre qui me refroidit. Je tente, depuis nos retrouvailles, de trouver un terrain d'entente avec cette lune hostile, tout en cherchant à adoucir mon soleil récalcitrant. Ah, je déteste être celle qui modère, qui valse de l'un à l'autre en essayant à tout prix d'avoir enfin la paix. Evroult me voue un tel mépris, qu'il me donne encore plus envie de lui prouver qu'il a tort, que je ne suis pas cette femme qu'il veut maudire coûte que coûte, que je suis quelqu'un de bien. Merde ! Je vaux la peine d'être connue, non ? Il égratigne si fort mon ego que je reviens, coups bas après coups bas, pour tenter une nouvelle approche. Alors, quand je reçois la lettre que Pierre m'a transmise, forcément, l'espoir nait. Et dans cette chambre, assise sur ce lit, je me surprends à imaginer qu'il viendra s'excuser, se mettre à genoux pour me dire qu'une vierge lui a annoncé dans un rêve qu'il devait se réconcilier avec moi. Vierge qu'il aura certainement eu vite fait de déflorer, une fois la promesse faite. Mais j'ignore alors combien je suis loin de la vérité.

Une exclamation me sort de ma torpeur, suivie par des rugissements -que dis-je - des beuglements même qui m'en laissent pantoise de stupeur. Mais qu'ai-je encore fait ? Et à qui ? Et pourquoi il m'agresse ? Et... Pas le temps de lui poser mes questions que mon petit frère est déjà sur moi, m'arrachant un cri de surprise suivit d'un gémissement de douleur, alors que mes blessures encore fraîches subissent les brutalités des doigts fraternels. Un vrombissement sonore vient faire vibrer la couche, mes mains qui s'apprêtaient à repousser Evroult se cramponnent finalement aux draps quand les lattes cèdent sous notre poids. Voilà un lit qui n'accueillera plus personne, ni amants, ni frères et soeurs ennemis. Je tousse, tâchant de m'extirper de ce nuage de poussière, mais mon sanguin de frère me coince encore contre le matelas et lorsque mes yeux cherchent une issue, un objet qui ferait office d'arme, c'est la voix d'un autre membre de la famille qui me surprend. Je me fige en entendant la première exclamation, priant pour que Louis-Marie s'en aille, ne voit pas qui nous sommes et reste sur cette première fausse impression de deux amants un peu trop enthousiastes. J'espère tellement qu'ils se réconcilient tous les deux, que je préfère encore régler mes comptes discrètement avec le benjamin. C'était sans compter sur la poisse qui me colle aux bottes depuis quelques jours. Bien entendu LM se rend compte, LM déboule comme un boulet de canon, arrache Evroult à notre "étreinte" et lâche une accumulation de grossièretés digne des plus grands vauriens de la Cour des Miracles. Ah, y'a pas à dire, nous formons une belle famille. Pour couronner le tout, la porte se ferme, la clé verrouille et je lâche un juron. La journée va de mal en pis.

Et pendant que je tente de me redresser, sans leur aide puisque aucun ne semble préoccupé du fait que JE suis la fille blessée, que JE suis en difficulté et que JE galère comme une mamie à m'extirper de ce foutu lit défoncé, bref, pendant ce temps donc, un quatrième protagoniste entre en scène. Dérangé par le fracas et par le bruit, un rongeur file à une vitesse folle entre mes jambes pour se cogner à mes chausses et m'arracher un hurlement strident. Oui non mais, comprenez bien : je suis une foutue froussarde. Oui, j'assume et alors que je me jette dans les bras de Louis-Marie dans l'espoir d'échapper au même sol que cette ignoble et énorme et monstrueuse bestiole, je finis par m'exclamer :


-Z'avez pas fini oui ?!!! P'tain !! On est enfermés avec une SOURIS !!!

J'en démords pas, ça reste vachement plus important et prioritaire sur nos affaires de mère prostituée et irresponsable, ou sur nos "conflits" familiaux. Voir Mickey Mouse tourner en rond me rend nerveuse et quand enfin le pauvre animal se planque sous le lit, effrayé par mes cris, je me détends un tout petit peu. Mais vraiment un petit peu hein, faut pas déconner.

-Bon... je crois avoir géré ça avec dignité. La prochaine fois qu'tu sors de là petite saleté, j'te transforme en casse-croûte !

Et d'hocher la tête avant de revenir à mes frères. Si la parenthèse "Souris" a passé un froid sur les démonstrations de testostérone ? Absolument. Mais à en voir leurs corps crispés et leurs mâchoires tendues, je sens déjà que la moindre étincelle pourrait les faire exploser l'un comme l'autre. Mon regard passe de l'un à l'autre et je lâche :

-Vous n'voulez pas vous cogner dessus une bonn' fois pour toute qu'on puisse causer ? Pas sur moi, j'préviens... Ev' tu calmes tes ardeurs, j'suis une femme bordel !

Oui et comme je suis une femme, je n'oublie jamais rien ! Ce n'est pas parce qu'une foutue bête m'a changée les idées quelques minutes que j'ai totalement occulté le fait qu'il a essayé de me faire très mal et sans raison en plus. En enfer, les souris dansent et les hommes valsent...dans tous les coins.

Gage : Faire entrer un nuisible dans la scène.
Mot : Croûte

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Evroult
    Il n’avait entendu, ni les gémissements de sa catin de sœur écrasée sous son poids, ni les rugissements des gonds d’une porte ouverte suivis de ceux de son vierge – ou presque plus – de frère. Sans doute la rougeur qui partait de ses joues pour remonter aux esgourdes, gonflant les veines & les canaux d’une humeur sanguine, n’y était-elle pas pour rien ; il n’y avait plus qu’un intense sifflement qui lui vrillait les tempes. Ou bien, peut-être, était-ce à cause de cette tête de lit ramassée en pleine poire qui lui laissait une drôle de coulée humide tout près du tympan.
    C’est qu’on ne commençait pas une journée de merde sans faire couler un peu de sang.

    Sonné donc, il ne comprit que bien trop tard ce que signifiaient ces doigts comme des serres vissés à son épaule & ce geste violent qui l’extirpa des ruines. Dans un vieil instinct de vétéran de guerre qu’il n’était pas, Loupiot s’était mis sur ses pieds pour ne pas se faire trainer, titubant, pauvre diable, déjà prêt à en découdre alors même qu’il gardait la main de Louis-Marie accrochée à son bras. Il en fit même de même, un partout balle au centre, en refermant ses doigts sur le col de son affreux de frère, comme un alcoolique invétéré sortant d’une nuit de débauche.

    Il grogna un « t’as vraiment l’air d’un con, tu sais », qui fut sorti comme un :
    - T’as de beaux yeux, tu sais.

    Il n’en fut pas surpris, puisqu’en fait il ne s’entendit pas, l’oreille encore sifflante & les cris de Gysèle résonnant dans la pièce. Et puis il avait bien l’onyx qui lançait des éclairs dans les émeraudes fraternelles, & les joues rouge colère, & les poings blanc serré, & le ton qu’il fallait pour faire peur aux enfants.

    D’ailleurs, sans doute sa phrase s’oublia-t-elle dans le saut ni léger, ni gracieux, d’une rouquine effrayée, terrifiée par plus petit que soi. Il en tituba en arrière, s’accrochant à la commode survivante du carnage comme un désespéré. Il y a avait deux Gysèle, un Louis-Marie taché de gros points noirs, & diable ! les artisans d’aujourd’hui n’étaient-ils capables que de faire des murs flous & gondolés ?! Il lui fallut claquer la langue pour l’arracher à ce marasme pâteux qui étouffait sa bouche, sans même être capable de sortir de cette purée de poix encombrant son esprit. Ça s’embrouillait un peu, là-dedans.

    - Et toi… toi ! dit-il en pointant un doigt tremblant & inquisiteur sur l’une des deux Gysèle.
    Tu ne perds rien pour attendre, je vais pas me gêner pour finir de te défoncer la trogne !
    - T’as de la chance d’avoir un minois si mignon, ça me fendrait le cœur d’avoir à l’abimer ! Oh & puis ce cul… merde ! à s’en damner. C’est pas Louis-Marie qui me contredira, hein ?!


    Un rire faible & perdu accompagna la dernière réplique, alors qu’il manquait de s’éclater à nouveau la tronche sur le rebord de la commode, chancelant comme il l’était. Ça n’allait pas. Non, ça n’allait pas du tout. Il avait beau avoir la tête comme un gros chat, ce qui sortait de sa bouche ne venait définitivement pas de son esprit.
    Du moins, jamais il ne l’aurait avoué.
    Plutôt crever que de complimenter sa fratrie, n’est-ce pas ?

    Et là que faisait-il ?! sinon lâcher quelques flatteries insensées quand il ne pensait qu’à les menacer un peu plus. Son doigt, plus tôt inquisiteur, vint tâter cette tempe qui le lançait tant, & l’œil s’écarquilla au rouge pur tartinant la pulpe du majeur. Le lit qui craque. La tête de lit. Le coup de bois.

    Je vous hais ! vous, & votre sang pourri ! allez donc brûler en enfer, emportez votre mère, & rendez-moi ma femme !
    - Vous êtes beaux ! vous, & ce sang qui vous lie ! je ne vous souhaite que le paradis, emportez votre mère mais rendez-moi ma femme !


    Ça n’avait aucun sens. Qu’avait-il dit vraiment ?
    Il en ouvrit la bouche, comme pour tenter de reprendre le cours de sa pensée, la referma tout aussi bien, le regard bourré d’incompréhension, & puis, vexé comme un poux, parce que c’était forcément de leur faute s’il débitait un tel tissus d’atrocités, il tourna les talons, tourna la main, & tourna même la poignée.

    La porte ne s’ouvrit pas.
    Et balançant un coup de pied furieux dans le bois de la porte, il hurla :

    Espèce de muet de mes deux ! Ignoble personnage ! Pleutre ! Crève en enfer, bâtard de toi !
    - Ah il est malin comme pas deux ! Rouvre, je promets de ne plus être ignominieux ! Pierre ! Crève en enfer, bâtard de…

    Ah, bah voilà.
    Il était redevenu lui-même.


- gage : ne faire que des compliments dans les dialogues ;
- mot à placer : ignominieux

JDLM, JDGy, je vous hais. Cordialement.

_________________
Louis_marie
      [Juin 1450]

Quelque part, dans une chambre en grande partie moisie, un garçon qui ne doit pas avoir plus de deux ans dort paisiblement au fond de son lit. C'est toi. Mais, en réalité, tu n'es pas paisible, et tu ne dors pas. Allongé sur le dos, les yeux fixés sur le plafond, tu inspectes les toiles d'araignées, essayant d'apercevoir dans la pénombre ces petites bêtes. Tu voudrais bien dormir. Il fait nuit, c'est donc l'heure où tu devrais laisser le sommeil te vaincre. Mais c'est impossible : il fait trop chaud, et la pluie qui cogne sur le toit de la bâtisse résonne dans la chambre, provocant un bruit irrégulier et agaçant. Tu aimerais te lever, quitter ce lit trop chaud et partir à l'aventure. Mais il fait trop sombre pour jouer, et tu sais que tu ne dois pas faire de bruit. Tu te contentes donc de poursuivre ton inspection du plafond, l'index pointant chaque endroit où tu crois déceler une bestiole.

Un grondement. Tu sursautes et t'arraches à ton observation nocturne. Dehors, il pleut plus fort. À l'intérieur, de violents coups de vent s'infiltrent par chaque faille du mur. Où est ta mère ? Qu'est-ce qu'elle fait ? Nouveau grondement. C'est un orage. Le ciel t'engueule, LM. Parce que tu es un sale gosse, que tu balances des coups de pieds aux animaux et que tu passes ton temps à te servir gratuitement dans les étals du marché qui sont à ta portée. Encore un grondement. Cette fois, tu as peur. Furieux de te faire ainsi disputer, et craignant que ça ne soit que le début, tu te tournes vers le mur, te recroquevilles dans ton lit et ramène le drap sur toi - car peu importe la chaleur, l'important c'est que tu sois planqué. Ton pouce vient se loger dans ta bouche. Fais semblant de ne pas l'entendre. Si tu lui fais croire que t'as pas peur, le ciel te foutra peut-être la paix.

Une minute. Nouveau grondement, plus puissant que les précédents, et la pluie continue de s'abattre sur le toit en mauvais état. Après une grande inspiration, les petits pieds abandonnent leur cachette pour courir sur le parquet, et rejoindre un autre lit installé à quelques mètres du tien. Tu t'y glisses et t'y allonges, toujours silencieux. Ici, tu te sens mieux. Le ciel ne pourra plus t'engueuler. Dans ce lit-là, il ne peut rien t'arriver, tu es protégé par la rousseur des cheveux qui reposent sur l'oreiller. Est-ce qu'elle aussi, elle a peur ? Est-ce qu'elle dort ? Non, elle ne dort pas, elle s'agite lorsque tu t'installes tout près d'elle. La fillette finit par se tourner vers toi, et te sourit. Un sourire d'enfant. Un sourire à se damner. Dans un regard empli de fascination pour cette soeur à qui tu dois tout et à laquelle ta vie se résume, tu contemples le visage gysèlien. Et elle te fait momentanément oublier toute inquiétude, elle te fait oublier l'orage et la peur, la solitude et l'ennui, tes angoisses et le mépris de ta mère, les heures dans la rue et...

Un nouveau grondement vient faire trembler les murs de la chambre. Tu ouvres la bouche, pour te mettre à crier, mais quelqu'un d'autre exprime à ta place ta terreur et un hurlement se fait entendre, suivi par des sanglots étouffés.

    Ev' ! I' pleure ! I' dort p'us !

Et toi, perspicace petit LM, de quitter le lit de ta soeur pour courir jusqu'au berceau qui occupe le reste de la chambre. La rousse se précipite avec toi et tu la vois se pencher pour libérer un bébé qui continue de pleurer. Elle l'assoit sur le parquet, et vous, aînés responsables, vous asseyez à ses côtés. Vous voilà tous les trois, en pleine nuit, les deux plus grands observant avec un intérêt tout enfantin le petit dernier qui s'époumone. Gysèle murmure des mots rassurants qui sont autant pour votre frère que pour toi. Et, yeux grands ouverts et pouce en bouche, tu la regardes faire des miracles. Elle lui caresse la joue, lui sourit : l'orage s'éloigne, le petit Evroult se tait, et finit par bâiller.
Et toi de tapoter le crâne du bonhomme, comme pour le féliciter de s'être calmé, puis de te tourner vers ta soeur, douceur rassurante et héroïne de ta vie :

    Ev', mignon. Gysèle, merveim... merveimeu... merveinieuse.


      [Juin 1465]

Comment en êtes-vous arrivés là ? Alors qu'il y a quinze ans, tu t'attendrissais devant le minois fraternel, te voilà prêt à le démolir. Alors qu'il y a quinze ans, tu ne pouvais pas dormir sans être sûr de la présence de ta soeur près de toi, tu fais fi de ce qu'elle pourrait penser de toi, trop préoccupé par ton obsession de la protéger contre ce monstre qu'elle veut aimer. Monstre qui, empoignant ton col et te jetant un regard plein de haine, perd toute rationalité et t'annonces que tu as de beaux yeux. Il a vraiment dit ça ? Non. Sans doute pas. En même temps, tu n'entends rien, Gysèle pousse des cris, victime d'une attaque de souris. Terrible. Et enfin, tu quittes Evroult du regard pour récupérer dans tes bras ta soeur tant aimée et l'interroger d'un regard méfiant, sourcils froncés. Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce que vous faisiez avant que j'arrive ? Merde, qu'est-ce qu'on fout tous les trois enfermés ici ?

Le cadet a l'air plus perdu que tu ne l'aurais cru. Et qu'est-ce qu'il raconte ? C'est incompréhensible. Il parle du mignon minois de Gysèle. Oui, très bien, c'est vrai qu'elle est la plus belle de la fratrie. Et après ? Son cul ? Comment ça, son cul ? À ces mots, l'idée d'écraser la tête brune sur le mur, histoire de s'assurer qu'il ne laisse plus jamais son regard traîner sur les fesses sororales, te traverse l'esprit. Mais son air désorienté, son pas hésitant et ses paroles insensées t'en dissuadent. Le fait qu'il soit ton frère aussi, un peu.

    L'est fou.

C'est un constat. Maintenant, il faut une solution. Et une seule solution te semble possible. Vers qui, toi, jeune homme sincèrement superstitieux et bon croyant, te tournerait lorsque tu es persuadé d'être au fond du trou et de ne plus jamais pouvoir sortir de cette maudite pièce ? Vers Dieu, évidemment. Ton frère a dit, entre autres inepties, qu'il vous souhaite le paradis. Mais le paradis, ça vient pas tout seul. Alors tu te tournes vers la rousse afin de lui faire part de tes conclusions, ignorant totalement Evroult qui, dans ton cerveau, vient de faire son entrée dans la catégorie "cas désespérés".

    Evroult d'vient fou. Y'a une souris. On est enfermés. On va mourir. On s'en sortira pas. Faut qu'on prie. Tu veux pas t'retrouver à pourrir en enfer, cuite à la broche par des enfoirés de créatures à cornes, hein ? Alors c'est cantiques, confessions et oraisons jaculatoires. Pas l'choix. On n'a pas d'prêtre pour nous confesser, mais on fera comme si. Merde, aide-moi à trouver un putain de cierge dans c'te chambre.



Gage : faire un flashback.
Mot : jaculatoire (du coup, forcément, le RP part en sucette)
(ahem ahem).
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Gysele
Mais dans quelle famille je suis tombée ? Je vais tuer Pierre. Si si. Je vais le faire pour de vrai. J'en reviens pas qu'il m'ait piégée. Mes frères, à la limite, mais moi ? Je sens que je vais le fatiguer au point qu'il voudra réciter l'alphabet à l'envers plutôt que de me supporter encore, dans son mutisme. C'est peut-être ça d'ailleurs, la clé de la thérapie. Rappelez-moi de tenter l'expérience quand je sortirai d'ici... SI je sors d'ici. Toujours dans les bras de Louis-Marie, je n'ai ni envie de lui donner d'explications, ni envie de risquer de perdre Evroult. Peut-être que cette entrevue forcée finira par nous réconcilier ? Ou pas.

Evroult délire. Quand je dis qu'il délire, c'est pas comme moi avec ma souris. Ça encore, ça se gère. Non, lui dit des choses insensées, me désigne en visant à côté, ne semble pas tout à fait stable sur ses pieds. Le pire, c'est qu'il me dit que je suis mignonne et que j'ai un beau cul. Je crois que je ne suis jamais restée aussi longtemps stupéfaite de ma vie. Je m'interroge encore sur la santé mentale du benjamin de la fratrie, quand le cadet s'y met aussi, proposant d'allumer un cierge et de prier. Non mais il a vu des vierges celui-là ! Beaucoup même. Il croit peut-être qu'après ce que je viens de vivre avec un moine, j'ai envie de prier et me confesser ? Vraiment ? Ah elle est belle la famille.

Il fait chaud, la pièce mansardée se transforme en fournaise à mesure que les heures avancent. Je laisse Louis-Marie fouiller la chambre à la recherche de son cierge divin et Evroult tenter de persuader Pierre de leur ouvrir à coup d'insultes, pour me diriger vers la petite fenêtre que j'ouvre en grand. Malheureusement l'air dehors est tout aussi lourd que dedans, c'est un temps à aller se rafraîchir à la rivière, pas à subir les nerfs de ses frangins. J'attrape ma besace qui gît sous les décombres du lit et récupère ma pipe et mon calva. J'ai besoin de ça. Vraiment. Et une fois assise sur une chaise d'allure fragile, à l'image de tout le mobilier de cette auberge, je bourre la tête de ma bouffarde de mes herbes magiques avant de l'allumer. Là, je me sens mieux. Je libère la fumée, ferme les yeux et me détends à chaque bouffée, me laissant imprégner par les propriétés foutrement relaxantes de ces herbes améliorées. Je décolle une mèche courte de mon front en sueur et rapproche la bouteille de calva de mes lèvres amochées pour en vider une rasade. J'ai l'air d'une mauvaise fille, d'une bagarreuse, sauf que je ne sais pas me battre, je suis contre la violence. Voyez où ça m'a menée ! Je suis des yeux les deux fauves dans la pièce, avec cette impression d'être dans une bulle. Tout à coup, je ne les entends plus, ne les écoute plus. Je vois sans réellement comprendre, leurs mouvements, leurs regards noirs, leurs poings crispés et leurs mâchoires serrées. Une nouvelle gorgée vient empirer la chaleur que je ressens tout en me désaltérant. J'esquisse un sourire béat, me remémorant des souvenirs passés où ensemble, dans une chambre, nous étions bien plus détendus et heureux.

Ma pipe coincée entre mes lèvres, je repose la bouteille et écarte un peu le laçage de ma robe, boudiou ce que j'ai chaud ! A croire que l'Enfer est descendu sur Terre juste pour nous. Je me refais la scène des retrouvailles dans ma tête, Evroult qui nous agresse, Evroult qui nous insulte, Evroult qui nous renie, Evroult qui nous hait. Je fume, tire quelques lattes et renverse la tête pour libérer mon agacement en un nuage de fumée vers le plafond. L'incompréhension laisse place à la colère. Evroult qui m'attaque bassement et moi qui tente de ne pas répliquer à chaque fois de peur que notre rupture soit irréparable. Mon regard se pose sur Louis-Marie, s'adoucit malgré lui quand il redessine son profil connu par cœur. Ne puis-je pas me contenter d'un seul ? N'est-il pas déjà parfait ? Il se soucie de moi autant que moi de lui. Il me protège tout comme je le couve. Il me fait rire plus que pleurer. Oui, il est parfait, mais incomplet. Un sourire amère déforme mon minois fatigué et je m'insulte parce que je sens bien que ça ne me suffit pas. J'ai besoin de l'autre aussi. Je déteste avoir besoin.

- Pauvre conne.

Mes mots font éclater ma bulle. Je réalise que non seulement je me suis oubliée à parler à voix haute, mais en plus, je me suis levée, rapprochée de cet odieux jeune homme qui me sert de benjamin. Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé, mais l'alcool et la fumette n'ont rien arrangé à mon état. Je cligne des yeux, posant un regard froid sur Evroult, le dédain glisse dans mes veines et remonte jusqu'à ma pupille et finalement je crache :

-Non, c'est toi plutôt. Pauvre con. Tu gâches tout. J'ai jamais vu un loustic aussi déterminé à bousiller nos vies !

Et avant même que je réalise ce que j'avais fait, mon poing, si pacifique, si doux, si neutre, s'était abattu sur la gueule d'ange d'Evroult. Douleur dans mes phalanges, remords immédiats qui s'emparent de moi, confrontés à mon orgueil blessé de sœur bafouée. Mains relevées dans mes cheveux que je tire de frustration. Oui, décidément "Pauvre conne".

Mot imposé : Loustic
Gage : Donner un coup de point à Evroult

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Evroult
    Mignon. À ça oui, qu’il était mignon. Pommettes écarlates & mèche collée au front, la chemise débraillée dans des plis qui n’avaient rien de lascif, les jointures abimées à force de frapper dans une porte qui ne voulait rien entendre. Ou plutôt était-ce Pierre, derrière, qui en plus d’être muet s’était décidé à faire le sourd. Alors il s’était rendu à l’évidence, Loupiot. Depuis quelques minutes, une demi-heure tout au plus, il avait donc cessé de se briser la voix sur l’indésirable fratrie, cessé d’écorcher ses poings sur le bois insensible, cessé de se démener pour sortir de cet huis-clos de malheur.

    Il s’était tu. Carcasse adossée au mur, il avait posé ses coudes sur ses genoux repliés, & ses doigts sensibles malmenaient sa mèche brune dans un silence froid qui semblait irrévocable. Quand bien même aurait-il eu l’envie de parler à nouveau, la chaleur suffocante lui en ôtait le droit. En lieu & place, tête contre le mur & paupières à demi closes, il détaillait l’engeance de sa catin de mère.

    Les mèches courtes & anarchiques, Gysèle avait l’air d’une enfant du soleil, vive & éclatante malgré les bleus & écorchures lui rongeant encore le visage. Il s’étonnait que, malgré tout ce qu’elle avait subi, elle ait toujours au fond du cœur la même flamme qui colorait ses cheveux, comme si la pire des crasses se trouvait toujours sublimée auprès d’elle. Parfois, lorsqu’elle semblait si frêle & qu’elle posait sur lui le pétillant iris avec lequel elle ferrait ses clients, il se sentait idiot de la détester tant. Et puis, d’un roulement de hanches & d’un pas trop catin, elle ouvrait la fenêtre & en se retournant, figeait au bord de ses lippes l’expression maternelle si profondément détestée. Dehors, ça sentait la chaleur & le poisson de trois jours, & il lui fallut crisper les mâchoires à s’en péter les dents pour ne pas à nouveau grogner contre sa sœur. Il détourna le regard.

    Louis-Marie, lui, se révélait bigot, comme s’il n’était pas suffisamment détestable pour le Loupiot qui le fixait ici. Il portait la barbe là où Evroult peinait à ce que trois poils poussent, portait à demi le prénom de leur mère, Marie-Gertrude pour ne pas la nommer, & comme si ce n’était pas assez, ah ! il s’obstinait à porter la même mèche folle, le même sourire mutin, le même amour des femmes. Buvant la mer & les poissons comme pour mieux ressembler à leur génitrice ivrogne, Loupiot aurait mis sa main à couper que cet aîné-là se sentait, dans ce bocal qu’était la chambre, comme un poisson dans l’eau. Il s’était persuadé que son frère était idiot. C’était bien plus facile que d’accepter l’idée qu’ils auraient pu s’entendre tels larrons en foire. Il détourna le regard.

    Les volutes de fumée formaient de longues traînées blanches parsemées d’éclaircies, comme un banc de poissons filant vers d’autres mers moins chaudes, plus agréables. L’onyx entraîné par la danse de ces vaporeux nuages sembla s’absenter, oubliant leur présence pour mieux s’évader vers des bains frais & froids à l’ombre des pleureurs des rivières.

    Loin d’avoir une mémoire de poisson rouge, Evroult n’en avait pas moins un esprit sélectif. Les bons moments passés en compagnie de sa fratrie, lorsque Marie-Gertrude se décidait à lui faire l’honneur d’un vague manège maternel, l’arrachant aux bras doux & attentionnés de sa mère – maquerelle – de substitution pour l’amener découvrir les bassesses parisiennes, avaient été totalement occultés pour laisser place aux agréables souvenirs d’une enfance bourguignonne. Oh ! celle-ci n’avait certainement pas été plus tendre, mais à ces yeux encore, elle était restée précieuse.
    La Bourgogne, c’était Blanche Aliénor, ses bras blancs, ses mèches rousses, la liane de son corps, & leur amour, intense, inaltérable, démesuré, & plus chaste & virginal qu’on n’aurait jamais pu le croire. L’amour platonique sans doute n’avait-il jamais aussi bien porté son nom qu’en présence de ces deux enfants-là. La Bourgogne, c’était les Saint-Jean, l’amitié de Simon, l’adoration pour Lucie. La Bourgogne, c’était… ah ! c’était révolu. Blanche & Simon étaient morts, Lucie le haïssait, le bordel de leur enfance avait brûlé déjà.

    Un soupir franchit les lèvres collantes d’avoir été trop closes. Résigné, il avait fini par se dire qu’il arriverait bien le moment où Pierre ouvrirait enfin, sinon pour les libérer, au moins pour leur amener de quoi boire & grailler, & qu’il suffirait alors d’assommer le muet & de l’enfermer, lui, avec Gysèle & Louis-Marie. La scène avait un air si drôle & si réel qu’il en lâcha un rire en redressant le nez, à temps pour voir le désordonné d'une courte coupe rousse se dresser soudainement.
    Malgré la bosse pointant à sa tempe & les pérégrinations chimériques dont il s’extirpait durement, la méfiance à leur égard n’avait pas disparue. Sa douceur & son irrépressible besoin de créer entre eux un lien indissoluble ne suffisait pas, pour le jeune courtisan, à noyer le poisson. Tout catins qu’ils étaient, n’étaient-ils pas les mieux placer pour embrouiller leur monde, faire briller les yeux d’histoires à coucher dehors – ou dans leur lit plutôt – & mieux, pour simuler en maître les sentiments les plus profonds & les plus doux quand ils ne ressentaient qu’une puissante haine couplée d’un profond mépris ?

    Banco.

    Il reçut le coup de poing comme on prend une baffe inattendue, la fierté piétinée de ne pas l’avoir vue venir, de se faire ramasser autant ces derniers mois & puis, surtout, le pire ! parce que c’était une femme. Et ça… ah, ça ! c’était pire qu’une gifle. La main sur sa mâchoire, qui mine de rien, vibrait du coup porté, il retroussa les lippes dans un dégoût qui ne laissait nul doute quant à ce qu’il en pensait.

    - Je n’ai même pas besoin de me faire l’avocat du diable, hein ? tu es encore pire que ta mère !

    Et dire que Pierre avait pensé réussir à les réconcilier.
    Cette journée était un foutu poisson d’avril. En juin.


- gage : écrire sept fois le mot poisson ;
- mot à placer : avocat

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