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[RP] Et ça fait des grands plouf !*

Evroult
    [L'HUISNE, LE MANS]

    Quelques petites phrases assassines, un soupçon de cordialité, l’aveu à demi-voilé de ce qu’ils sont, de ce qu’ils veulent, & puis… ah ! & puis Evroult se sentait seul. La Blanche n’irait pas l’accompagner dans ces bains de minuit auxquels il avait pris goût, grâce à elle ; il irait dormir seul dans une couche froide, quand bien même aurait-elle été confortable comme celles de la prévenante Shaomye. Hel ne viendrait pas ce soir, & lui, ah ! lui ! qu’était-il sinon abandonné ?
    « Ça ne vous dit pas, vous ? », lâché sans trop en avoir l’air, insisté d’un sourire mutin, d’un onyx enfantin, c’était l’assurance d’un vent monumental pour cette fille de joie qu’il ne séduisait pas. L’éternel pas de ça entre collègues qu’il respectait à la lettre, du moins tant qu’il trouvait cliente à son goût & qu’on ne lui interdisait pas d’aller se satisfaire chez les demoiselles abandonnées du coin.
    Mais voilà, elle n’avait pas l’air bien occupée, lui s’ennuyait ferme tout en crevant de chaud, & une bonne toilette devenait indispensable à la préservation de sa réputation.
    Elle lui donnait une heure ; il lui donna sa main.

    - Tenez ! voici l’Huisne, on dit qu’on remontant un peu on y trouve un lavoir. L’eau y sera peu profonde, vous aurez votre bassin !

    Et il l’entrainait-là, doigts emmêlés aux siens, riant d’un amusement somme toute assez gamin, ravi qu’elle ait fini par accepter, ravi de profiter de l’air frais, ravi de ne pas devoir paraître & de ne plus avoir peur de la choquer du tout.

    Plus haut, là où la berge plongeait plus brusquement dans l’eau, on avait fait construire un squelette de bâtisse surmonté d’un toit en torchis. On ne faisait pas trois pas sur ce plancher humide qu’on tombait déjà dans les bras de l’Huisne, indolente rivière peu pressée de se jeter dans la Sarthe, & la chute pouvait être douloureuse. Asséchée déjà par les récentes chaleurs, elle devait leur arriver, ici où elle était si peu profonde, à peine aux épaules.

    - Si Madame veut bien se donner la peine d’ôter ses quelques fripes, se fendit-il d’un sourire mutin, histoire que nous ayons une conversation intelligente… voyez ?
    Et disant cela presque sans se gausser, il avait déjà ôté sa chemise & délaçait ses braies.

* Volé à Brel & remanié, en prime.
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Laellie
Une proposition assistée d'un sourire, mais surtout insistante. Quelques arguments, certes bateau mais toujours efficaces, et finalement la rousse avait acceptée. "Une heure. Pas une minute de plus. J'ai à faire ensuite.". La catin avait posée les points sur les I, grognant. Mais elle aussi, se sentait seule, malgré l'invitation de Gysèle et sa présence à ses cotés que Laellie n'avait de cesse de repousser.

Il faut dire aussi que depuis la disparition de Blanche.... SA Blanche, pas la pâle copie qui accompagnait l'homme et ne faisait que l'écho d'une relation terminée trop vite pour la rouquine... Laellie ne restait qu'une enveloppe vide qui déambulait à droite, à gauche. Boule de nerfs sur pattes, elle n'avait plus confiance en quiconque, fuyait les mains tendues en pensant que la seconde tenait un poignard. Le menton haut, le corps dressé, droit, elle ne se vouait qu'à une seule personne désormais : elle même. Et tous les efforts de Gysèle ne suffisaient pas à percer cette armure dont la catin se parait.

Mais cette fois, ce n'était pas Gysèle qui l'invitait, mais son frère. La chaleur assommante avait eu vite fait de briser ses refus. Un bon bain ne lui ferait pas de mal, et ce n'est pas la pudeur d'une catin qui allait la retenir de plonger, même accompagnée d'un homme. La main dans la sienne, rouquine s'était laissée emmener, l'air désabusée, ne s’intéressant à rien de ce qui l'entourait.

Un instant elle hésita à fausser la compagnie d'Evroult le temps d'aller chercher Gysèle et l'inviter, pour être trois. Finalement, elle se ravisa, puis haussa l'épaule avec fatalisme devant son idée qui lui paraissait fort peu lucrative. Or, c'est tout ce qui intéressait la rousse pour l'instant. Même si, au fond, sentir l'autre rousse à ses cotés lui faisait du bien, et même si elle voulait devenir l'amie de Gygy.. Mais elle ne l'avouera pas.

Alors tranquillement, sans se presser, sans même un regard au corps de l'homme qui se dénude, elle retira ses vêtements, un à un. Sans même le regarder, elle lui adressa un simple avertissement.


Si tu me touche, t'es mort.

Nul besoin de s’embarrasser en promesses de mille et une tortures. Le message passait mieux sans fioritures. Une fois sa peau douce exempt de cicatrices - mis à part les restes d'une fine entaille du nombril à la naissance de sa poitrine - offerte aux rayons de la lune, et sa longue chevelure détachée pour la laisser tomber en cascade dans son dos, la jeune femme se glissa dans l'eau dans un soupire. Au bord, les coudes en arrières reposant sur le sol dans son dos, elle poussa un long soupire d'aise. L'eau était fraîche, même froide, et que c'était agréable!

Les yeux clos, la tête en arrière, elle reprend, toujours sur le même ton, toujours simplement, sans sourire, sans le regarder.


Je pensais que tu m'offrirais un bassin royal.. ta galanterie atteint bien vite ses limites..

Et quelle... conversation intelligente... Veux-tu mener?


Si les yeux n'étaient pas clos, ils se seraient levés au ciel d'exaspération devant une excuse aussi simpliste et dénuée d'intérêt que celle-ci que lui avait avancée l'homme.
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Evroult
    S’il ne prit pas la mouche à l’évidente menace, c’est qu’en ôtant ses braies il contemplait encore le corps souple & allongé de sa consœur catin. Après tout, il n’y touchait pas, ou bien qu’avec les yeux, ce qui ne comptait pas.
    On ne coupait pas des mains pour quelques regards affamés sur une cagette de pommes.

    Et puis, baste ! c’était devant ses yeux. Qu’aurait-il dû faire, sinon profiter de cette liane sublimée par les reflets d’une lune presque pleine, de ces rousseurs enflammées dansant des vaguelettes de l’Huisne bien trop calme, de ces rondeurs faites pour faire bander les hommes ?
    Ces dernières d’ailleurs eurent raison de lui, & c’est en soupirant, non pas d’extase, mais de frustration, qu’il glissa à son tour dans l’eau sombre & trop fraîche.

    Si elle était taillée pour plaire & pour séduire, Evroult n’en était pas moins bien loti. Long & fin, il se targuait d’un cuir tout aussi impeccable que le sien, dont le léger doré laissait à penser qu’il pouvait noircir vite une fois au soleil. Mais l’éphèbe, ambitieux, ne se risquait pas à trop tâcher sa peau de ce bronze paysan peu plaisant pour les nobles. Il se gardait donc blanc, imberbe malgré lui, & heureux étaient ses tifs sombres qui le vieillissaient un peu.
    Autrement, avec ses pommettes hautes & ses muscles fins de jeune Adonis, il aurait été toujours jugé trop jeune pour contenter ces dames.

    - Moi galant ? je suis catin, pas grand seigneur.
    Disant ça, il avait la lippe remontée dans un sourire tordu, comme si cette blague était tout particulièrement drôle & qu’elle était trop fine pour mériter un grand éclat de rire. Si de ses paupières elle se voilait la vue, lui, trop curieux & gourmand du paysage, la détaillait longuement.
    Un instant, il avait eu envie de parler de la blanche, de SA blanche, à lui, qu’elle semblait trop mater, & puis… & puis la prudence l’avait emporté, comme si son instinct de Loupiot s’était enfin réveillé, & il avait effacé le sujet comme on balaierait un mouton de poussière encombrant.

    - Et si nous parlions… tiens ! parlons de toi. Comment en es-tu arrivée à devenir catin, comment as-tu connu Gysèle, comment… pourquoi… enfin, tout ça, tu vois ?
    Et sans en avoir l’air, sans même en avoir conscience, il s’était rapproché de quelques pouces, curieux malgré lui d’en savoir plus sur cette sœur qu’il refusait si bien. Finalement, ses questions n’avaient rien d’anodin.

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Laellie
Rouquine l'écoute d'une oreille distraite, les yeux clos. N'allez pas croire que la perspective d'un corps masculin la révulse, au contraire. Néanmoins ce corps là ne payait pas, et ça faisait une grande différence. De plus, elle en avait vu passer d'autres, suffisament pour ne plus avoir besoin de fixer avec fascination le petit truc en plus que les hommes ont et qu'elle n'a pas.

Aussi, elle profitait plutôt de la paisible nuit et de la fraîcheur de l'eau plutôt que du corps de son voisin qui ne l'intéressait pas davantage qu'un autre. Un léger sourire d'amusement s'étira tout de même sur ses lèvres de la rousse à la première réponse. Sourire qui disparu aussi rapidement qu'il était venu, en entendant les questions. Dans un nouveau soupire, elle haussa les épaules, provoquant quelques remous dans l'eau.


Devenue catin car j'avais faim.

Rencontrée Gysèle sur la route.


Court, net, concis. Le premier sujet était rarement agréable à évoquer pour une catin. Ce n'est pas comme herboriste qui s'oriente vers son métier parce qu'il apprécie les plantes. Bien que certaines catins aiment réellement ça. Comme c'était un peu le cas pour... Blan.... Non. Ne pas penser à elle.

La seconde question est plus innocente. Gysèle avait été attrapée en vol, lorsque le groupe passait par là et l'avait rencontrée. A l'époque, Laellie avait vraiment appréciée la rencontre avec la rouquine, et elle avait été demander à Blanche de.... NON. NE PAS PENSER A ELLE.

Alors finalement, la catin grogne. Les souvenirs affluent, plus que de raison, plus que nécessaire, plus qu'elle ne peut en supporter. Un poing rageur se soulève et s'abat dans l'eau à coté du pauvre Evroult qui ne doit rien comprendre. Les mâchoires crispées, rouquine se tourne vers lui, les yeux grands ouverts cette fois.

De ce fait, elle note la proximité de l'homme et grogne encore.


M'approche pas!

D'un geste d'humeur, elle lui jette de l'eau, mécontente. Puis elle s'éloigne de quelques pas. Elle doit penser à autre chose, changer de sujet, parler d'un truc qui n'a rien à voir avec Blanche. Vite, très vite. Sans quoi elle va exploser. Alors elle se tourne vers l'homme, l'air féroce, et demande d'un ton agressif, bien plus qu'elle ne le voudrait.

T'as quoi contre Gygy? Elle t'as fait quoi, ta mère?!
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Evroult.
    Un bref hochement de tête fit écho aux réponses de Laellie sans qu’il ne cherche à pousser plus. D’abord, parce qu’il avait un ego tel qu’il n’était véritablement curieux que pour ses propres affaires. Ensuite, parce qu’élevé au sein rond & lourd des put*ins de Bourgogne, il ne savait que trop bien combien les primes raisons qui poussaient à se vendre ne rendaient pas ses lettres d’or à la profession.
    Oh, il s’en était douté en formulant ses mots, comme on se doute d’avoir une chance sur deux de poser la question qu’il ne faut pas. Mais voilà, Evroult avait un don certain pour mettre les deux pieds dans le plat, d’autant plus qu’il s’était détendu dans l’eau fraîche, loin des masques & parades exagérés pour ferrer ses clientes & conquêtes.

    Il était presque prêt à tenter de la convaincre qu’un petit coup rapide leur ferait à tous les deux du bien, qu’il reçut en sa bouche entrouverte une demi-tasse d’eau. Il toussa, le corps éloigné d’une brasse, hébété de sa mauvaise humeur.
    Avant qu’elle ne lui retourne ses questions indiscrètes, il retint avec peine un commentaire désobligeant sur ses menstrues & l’hystérie des femmes, franchement vexé. Ah baste ! c’est qu’il en avait connu des plus douces, de la flamboyante Solange des bordels angevins à la Jeanne blondasse au poitrail débordant, amies catins à la cuisse facile & efficace, loisirs des journées sans conquêtes & des fins de service. Laellie, aussi charmante pouvait-elle être, ne faisait pas partie de cette catégorie.
    Son esprit, un instant, s’attarda sur les soirées limousines & les filles de Serance, maquereau à la main de fer & au sourire absent, tenant serré le collier de toute sa marchandise au point qu’elles en devenaient toutes frigides, & puis…

    - T'as quoi contre Gygy? Elle t'as fait quoi, ta mère?!

    Il en garda le silence. C’est qu’Evroult, quoi qu’on en pense, n’avait jamais été du genre à s’épancher. Hel, elle-même, luttait perpétuellement contre ses silences trop longs & ses humeurs mauvaises, & ah ! qu’ils s’étaient bien trouvés ces deux-là. Chacun d’eux s’épanchait toujours moins que l’autre.

    Plus, même, qu’un trait de caractère, c’était des années d’enseignement prodigués par la maquerelle qui l’avait éduqué qui s’étendaient ici, des critiques aux menaces, aux conseils avisés. Il avait donc appris à ne jamais trop en dévoiler, à passer sous silence ses passes & ses conquêtes, & puis dans le même temps, à défendre bec & ongles sa profession, ses choix. Comme un enfant brimé, il angoissait toujours qu’on le juge sur ses choix, & ne point trop en dire limitait les critiques.

    Alors à ce ton agressif & ces questions directes, l’impétueux courtisan détourna le regard, fixant un arbre mort & fendu par la foudre dont la moitié couchée trempait dans l’eau de l’Huisne.
    - Ça ne te regarde pas.

    Un silence s’installa, & s’en voulant déjà d’avoir été aussi sec alors qu’elle-même ne lui était pas tendre, il rajouta d’un souffle :
    - Je n’ai rien contre eux, tant qu’ils me laissent en paix.
    Et toi ? qu'as-tu contre elle ?

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Laellie_
La catin fit la moue à la réponse offerte par Evroult. Non pas que la réponse l'intéressait tant que ça, au fond, les problèmes de leur famille ne la regardait effectivement pas, et dans tous les cas ça ne changera pas sa vie! Non, c'est plutôt le principe qui lui arrache une telle grimace. La rouquine est de mauvaise foi, et de fait elle gromelle un...

T'es pas bavard...

C'est l’hôpital qui se fout de la charité, elle le sait bien, mais elle s'en moque. C'est vrai quoi, ce n'est pas parce qu'elle, elle ne parle pas, qu'il doit en faire autant! Mauvaise, la rouquine fait encore un pas ou deux dans le lit de l'Huisne pour prendre un peu plus de marge par rapport à l'homme et être plus tranquille.

Décidément, la sociabilité et elle, ça fait deux. Tout lui rappelle Blanche, et tout ce qui lui rappelle Blanche est un ennemi qu'elle doit écraser. Le problème, avec le chagrin, c'est que dans l'esprit humain, tout a une relation. Parlez à Laellie de fleurs, elle vous dira que Blanche lui en avait offert une un jour. Parlez à Laellie de maïs et elle vous retrouvera un dîner en compagnie de Blanche. Parlez à Laellie de fissures elle se remémorera l'origine de la cicatrice qui lui barre le ventre.

Alors pour se calmer, pour souffler, pour s'isoler, elle se laisse couler. Elle s'enfonce dans l'eau, plonge la tête, quitte à mouiller sa longue chevelure. C'est seulement après quelques secondes sous l'eau et quelques minutes de calme à inspirer avec la tête émergée, qu'enfin elle daigne reprendre la parole et s'adresser à Evroult.


Si, tu as quelque chose contre elles. Ca se voit. C'est encore plus visible que ton p'tit truc entre les cuisses.

Haussement d'épaule, ce qui déclenche de petites vaguelettes. La catin observe l'onde se propager, avant de reprendre.

J'ai rien contre elle. Gysèle est mon am.... Est une bonne connaissance. Tant qu'elle ne dit rien sur Blanche, tant qu'elle ne se moque pas, je n'ai rien contre elle. Si elle recommence par contre, c'est son corps qui flottera dans cette rivière...
Evroult.
    Un profond soupir fit clapoter l’eau contre le cou à demi immergé. C’est qu’il s’affaissait, de plus en plus, comme si le but ultime de toute cette soirée était de se noyer soi-même. Il sentit une algue contre sa cuisse – ou bien était-ce une carpe, un monstre marin ? – & il s’agita un brin tout en fermant les yeux. Quelque chose, dans cette nuit presque pleine, lui échappait tout à fait.

    D’abord, il y avait cette pudeur exagérée, incompréhensible pour lui lorsqu’elle n’était pas payée, lorsqu’elle n’était pas voulue. N’étaient-ils pas de la même trempe ? n’avaient-ils pas été façonnés de la même argile molle, perpétuellement humide pour mieux remodeler ? qu’avaient-ils de différent, sinon les raisons qui les avaient poussés à embrasser le couloir moite de la luxure ?
    Elle se voulait insaisissable, elle en devenait frustrante. Non, il ne comprenait pas qu’elle pique encore, qu’elle creuse encore, qu’elle touche encore là où tout le monde sait que ça fait mal. Et sous ses paupières closes, tandis qu’elle s’épanchait un peu, pas trop, tout juste, lui s’évadait déjà vers d’autres chevelures flammes, vers d’autres corps catins. Plus pénétrables.
    Elle dit « Blanche », & comme s’il aspirait son chagrin, il entendit un « Blanche-Aliénor » qui lui fit crapoter quelques gouttes, à la limite de boire une nouvelle tasse.

      Lui, si tactile, si présent, crevait de ne pouvoir la prendre dans ses bras, d’apposer à son front un baiser, de faire ployer son corps sous le sien pour mieux se protéger. Ne faire qu’uns, contre tous les autres, eux qui se comprenaient, eux qui se sublimaient. Catins contre le reste du monde.
      Son échine frissonnait d’un corps contre le sien, blanc tacheté de roux, à l’odeur écœurante de rose & de stupre chaud quand l’haleine lourde soufflait à son oreille. Elle dansait contre lui, frottait son corps rompu à l’effort sur son torse glabre, aliénait, l’Aliénor, le moindre des songes masculins à ses mouvements envoûtants & uniques.
      Son corps avait-il flotté dans cette rivière ? une autre ? ou avait-il chu lourdement au fond d’un fossé creusé pour d’autres morts, creusé pour d’autres guerres ? était-elle morte noyée, étouffée par l’eau croupie d’un seau, dégobillant son propre sang, mordant le lin épais d’un coussin écrasé sur son angélique minois ?


    Il n’avait rien contre eux.
    Il avait tout contre eux.
    Ils n’étaient pas Elle. Et ça, suffisait amplement à les rendre haïssables.

    - La tuer ! & puis quoi d’autre ? vous autres êtes prêtes à tant d’extrémités pour soulager vos peines, ah ! Tuer pour qui ? pour quoi ? pour la haine ? Tu ne la hais pas. On ne tue que quand on hait. Sinon, pourquoi ?
    Tuer n’a jamais ramené les morts. Les morts sont morts. Elle ne reviendra pas. Gysèle ne mérite rien que ton mépris. La tuer même, ça ne la ramènera pas.
    Si on pouvait échanger les places, ah ! crois-moi, je ne serais pas là.


    Il se tut, regard ouvert sur les étoiles troublées par les feuilles agitées au-dessus de leurs têtes. Il n'y avait pas de place pour la Blanche de Laellie, dans son esprit, ni même pour la blanche nivéenne qui l'avait délaissé pour cette nuit. Il n'y avait plus que Blanche-Aliénor, papillonnant de ses yeux rieurs & roulant de ses hanches jeunes entre Céphée & la Grande Ourse.

    - S’il était si petit, tu ne l’aurais pas remarqué.
    Au passage.

    Comment avez-vous fait, vous qui êtes né si doux, pour tuer en deux minutes un Juif et un prélat ?
    - Ma belle demoiselle, répondit Candide, quand on est amoureux,
    jaloux et fouetté par l'Inquisition, on ne se connaît plus.

    Candide, VOLTAIRE.

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Laellie_
A son tour de couler. Et si elle n'avait pas peur pour sa chevelure, elle qui doit être prête pour plus tard dans la nuit, elle aurait prit une grande inspiration avant de plonger un moment sous l'eau. Elle se contenta d'un énième soupire. Bien sur qu'il avait raison, elle le savait. Au fond d'elle, elle en était convaincue également. Et puis franchement, tuer Gysèle? Comme si elle en était capable, alors que la rouquine était l'une de ses seules.... amies. L'une des très rare à lui tendre sans cesse la main, à revenir encore et encore chaque fois que Laellie la repoussait.

Peu de temps après leur rencontre, Lael s'était demandée si Gysèle voulait passer une nuit dans son lit. Mais non, jamais. Ca n'a jamais été le cas, et c'est sans doute en partie par respect pour Blanche. Alors non, elle ne voulait pas tuer Gygy, et pourtant... Un accès de rage est si vite arrivé... C'est plus fort qu'elle, si l'on parle mal de la Blanche, la féline devient lionne.

Ce n'était donc pas une menace qu'elle proférait, mais un avertissement. Elle ne sentira plus jamais le corps de la blanche contre elle, son odeur enivrante et si rassurante qui pouvait guérir tous les maux. Ses excès de folies, son caractère bouillant qui conduisait souvent à un câlin ardent. Ses envies parfois singulières mais auxquelles Laellie se pliait presque toujours, parce qu'elle avait une totale confiance en Blanche.

Tout ça elle ne le vivra plus. Jamais. Et cette pensée, trop douloureuse pour être supportable, poussait Laellie à la folie. Chaque jour un peu plus, elle sentait des mains l'étreindre, lui dire de se laisser aller, que tout ira mieux ensuite... Tout ce qu'elle a à faire, est de fermer les yeux et de laisser ces mains la guider, être l'instrument de sa vengeance. Parce que la petite voix, sournoise, qui murmure à son oreille lui dicte clairement que tous sont coupables. Tous doivent mourir. Sans exception...

Mais non, elle ne cédera pas. Elle revient à elle, et pose un regard fatigué sur l'homme à ses cotés. Dans un soupire, elle acquiesce.


Je sais. La tuer ne sauvera pas Blanche. Tout au plus, ça soulagera ma peine pour quelques secondes.
Mais toi, pourquoi veux-tu sauver Gygy? Tu dis la détester, et pourtant tu es là, à me convaincre de ne rien lui faire...


Puis à la remarque suivante, Laellie a les yeux qui roulent dans leurs orbites. Vraiment, ces hommes...

Je ne le remarque pas, je le devine. Tu es encore un homme, il me semble. Et à ma connaissance, ils ont tous quelque chose dans ce coin là.

Joignant le geste à la parole, elle tend machinalement le bras pour désigner grossièrement les cuisses d'Evroult.
Evroult.
    - Ah ! cruelles sont les femmes. Je ne suis pas tous. Je ne suis pas n’importe quel homme. Quel homme banal embarquerait une courtisane pour un bain de minuit en se contentant de papoter ? mhm ? allez, baste. Je ne t’en veux pas. Je n’ai pas besoin que tu me réconfortes sur la taille de mes attributs.

    Il avait lâché ça sans cesser sa contemplation céleste, d’une voix passive & profondément détachée. En d’autres temps, sans doute aurait-il bondi pour prouver à cette impertinente combien la nature l’avait bien pourvu, & l’incisive Laellie l’aurait sans doute bien vivement envoyé bouler en constatant, si ce n’était pas déjà fait, qu’il était doté tout à fait banalement. Inébranlable, il aurait rétorqué ce que tous disent en ces instants-là, que l’important n’est pas la taille mais ce qu’on sait s’en servir & convaincu qu’il n’avait rien à prouver de ce côté-là, serait reparti fier & pompeux.

    Ce soir pourtant, ses pensées s’accrochaient désespérément à la danse immobile de son propre fantôme, silhouette à l’éther accentué par l’épais de ses longs cils noirs, & les attaques à sa constitution n’obtenaient qu’une faible riposte, soufflée entre deux lèvres presque closes, balancée sans grande conviction. Loin, il était loin l’Evroult. Trop pour se retenir, trop pour se maîtriser, & la langue se déliait quand la conscience s’effaçait. Il laissa place à de vagues souvenirs, Loupiot, à un passé enjolivé ou encrassé, fonction des lieux, fonction des gens, & dans ce tas lourd & complexe de réminiscences retaillées il y eut Gysèle, Louis-Marie, des bribes d’enfance en plein Paris.

    - Je ne les déteste pas. Leur sort m’est égal.
    Les onyx reflétaient si bien les points de lumière blanche qu’on aurait cru les étoiles gravées dans les yeux de l’éphèbe. Perdu, alors, emporté par la profondeur impalpable d’un ciel noir & tacheté, il détendit la raideur de sa mâchoire.
    - Mais les aimer, pourquoi ? quel intérêt. J’ai choisi ma famille, ils n’en font pas partie. Ils ne pourraient pas. Ils n’étaient pas là, eux. Pourquoi chercher, maintenant ? ça n’a aucun sens, tu vois ?
    Minois se pencha à peine, sans décrocher des étoiles, pour chercher l’approbation de rouquine. Il n’attendait pas de réponse, & de fait ne lui en laissa pas le temps.
    - Plus tôt, peut-être. Et encore. Et puis, quoi ? chacun sa route. Chacun ses besoins. Ma route se trace bien, mes besoins sont satisfaits… pourquoi m’encombrer ? ça finira forcément mal. Faut voir leur mère, en prime.
    Tiens, tu veux tuer ? elle s’appelle Marie-Gertrude. Ponthieu. Défoule-toi, si elle n’est pas déjà morte de lèpre ou de ses vices. Ça ne soulagera pas ta peine. Gysèle, non plus. Quiconque, en fait. L’absence ne se comble pas. Il reste un trou, tu vois, béant, comme une plaie grande ouverte qui se nécrose, en prime. L’absence, ça bouffe, mais personne tu vois, personne ne la comble. Elle absorbe, tout, mais elle ne se comble pas. L’absence est gourmande. Oui, gourmande.


    Non, vraiment, cette soirée était singulière.
    À contrecœur, il abaissa les paupières pour tourner ses pupilles brillantes sur le profil délicat de rouquine.

    - Pourquoi tu veux « sauver » ta… Blanche ? Pourquoi es-tu si… en colère ?

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