Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   1, 2, 3, 4, 5, 6   >   >>

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] Ouvert - L'Opium.

Vivia
La Cour des Miracles.


Longtemps considérée telle un furoncle au milieu de Paris. Une décadence comparable à la pire des maladies des siècles de vie sur terre. Pourtant, malgré cela, tous collaborent franchement afin d'entretenir cet espace de vie et de terreurs. Certains en font quelques cauchemars durant la nuit, d'autres vivent ces sinistres choses durant les jours. Enfin, d'aucuns en profitent afin de se marquer dans cette mouvance démoniaque et faire tomber quelques pièces dans une bourse déjà bien remplie. La Cour des Miracles, comme tous lieux de raclures sodomites, est un bon moyen de prestige afin de se faire connaître et pour un business insidieux. Des bordels par ci et par là, des commerces illicites vendants de tout et de rien, des tavernes jonchées de cadavres de quelques affreux ayant tenté de se battre pour une miche de pain ainsi que des lieux où les mercenaires peuvent se faire recruter. Il y a de tout, pour ceux qui le désirent. Il y a même des transgressions d'âmes et de sérieux. La loi y est celle du plus fort et aucun monarque de cette consistance de choses n'ose y mettre le moindre petit orteil. Et, pourtant, il s'agit là de leur ville. À croire qu'il faille bien mieux faire confiance en un Roi Fou que d'un Loup coincé dans son Louvre en un cloître exigüe et puant l'urine, la fiante et l'hypocrisie de quelques nobles encore plus pourris que les bonnes gens de la Cour. Les Miracles se font et se défont et c'est ainsi que nous arrivons à une sorte de Jardin d'Eden flamboyant.

Les bourses sont placées sur la table.
Et le projet est crée ainsi que concédé. La mise en place d'un nouveau bâtiment doit voir le jour. Un nouveau bâtiment qui servira ceux qui savent déjà et qui veulent ainsi que ceux qui souhaitent tester afin de ne pas mourir idiots. Cette dernière catégorie de personne risque de crever la gueule ouverte rien qu'en entrant dans une telle bâtisse. Le projet prend jour et l'on voit déjà les écriteaux fleurir dans les quatre coins de la Cour. On annonce à qui ne sait lire qu'il s'agit là d'une salle d'Opium. Un antre diabolique où les fumeurs invétérés peuvent venir souffrir de quelques plaisirs non admis par la société étriquée actuelle. Il n'y a pas d'endroits plus sécurisés qu'un bâtiment au coeur de la Cour des Miracles, sur Saint-Denis. L'Opium. Drogue magnifique pour ouvrir l'esprit et enrichir celui qui la vend pour le sourire de ceux qui se saignent aux quatre veines ou ceux qui sont assez riches et aisés pour s'en quérir sans risques quelconques. Les bordels sont dépassés. L'alcool est trop chaotique. Pour ouvrir l'imagination et oublier les vicissitudes de la vie, il n'y a que la drogue qui peut entrer dans un bon critère. Et c'est ici, là même, que l'on vend ce que le peuple demande. Les guerres ne sont que là pour rappeler ce besoin important et primaire. Notre engagement et d'apporter du bonheur aux petites gens. Il n'y a pas de risques, n'est-ce pas, à s'évader quelques instants dans la torpeur d'une substance que l'on inhale simplement. C'est le lieu qu'il vous faut.

Un lieu où l'esprit s'égare et où les vapeurs d'Opium errent, insolentes et entêtantes à même les couloirs sinueux et étroits dela Bâtisse. Tel un organisme, il faut à l'Homme parcourir cesveines où nombre de comateux s'entassent dans l'attente de leur dose quotidienne. Passage obligatoire, les portes ne s'ouvrent qu'auxgueux qui au delà de l'esprit, se déchargent de leur défense. Puis enfin, après une bouffée chargée d'ivresse et d'Ailleurs, l'antre se dessine tel un palpitant actif et chaotique. Au cœur de cesalcôves, des coussins, causeuses et autres mobiliers qui épousent les formes de ces gueux pour mieux les priver de leur volonté. A disposition, des tables de chevets en bois anciens à moitié rongés par les années, dans lesquels reposent les herbes tant appréciées. Et enfin, au centre de cette pièce, en un arc de cercle rigoureusement dessiné, un comptoir chargé de liqueurs, d'absinthe et de spiritueux, tous aussi corrosifs pour l'esprit que pour les organes décharnés de ces habitués. Au cœur de ces étoffes,draperies et autres cache misère, les âmes perdues s'abandonnent aux Abysses. Reflet sordide de la Cour, l'Opium corrompt les esseulés, les âmes en peine et les badauds en manque d'Ivresse. Loin des odeurs putrides des ruelles parisiennes, celle du foutrepersiste, comme une flagrance familière et âcre qui attise les ardeurs des Hommes pour d'autres consommations tout aussi perfides et criardes. Ainsi, si d'autres se perdent en gémissement agonisants, d'autres plus téméraires s’enivrent d'une addiction tout aussi corrodante et caustique.

L'Opium n'échappe pas à cette sordide réputation, à ce caractère propre à la Cour des Miracles. Il en concentre sa population, ses vices, ses perditions, pour offrir aux condamnés, un Mirage tout aussi fourbe et cruel. Il se nourrit, anime, alimente ce chaos et cette misère qui leur colle à la peau. Il ronge leur chair et leur esprit pour s'insinuer en eux et s'en repètre. C'est un Abîme où il est bon de se perdre, pour charger son esprit d'une pointe de soulagement et de répit. Mais le Silence et l'Absolution coûte cher, tout autant que l'Addiction...

Bienvenue à l'Opium...


[RP écrit à 4 mains. Merci JD Stradivarius.]


Changement de balisage dans le titre du topic.
MP envoyé. Vous pourrez supprimer mon intervention ou demander à ce que je le fasse.
{Ama}

_________________
Jutta.
    Elle a tenté l'Aphrodite, elle tentera l'Opium.
    C'est décidé, & c'est si bien ancré qu'elle pourrait étriper le premier mendiant à lui saisir la cheville pour réclamer son du. Et le deuxième. Et le troisième. Elle pourrait dézinguer toute la Cour s'il le fallait, juste pour accéder à ce paradis d'absolution dont on lui vante déjà les mérites.
    Oui, oui. Absolution. Vaincre la douleur par l'absinthe. Vaincre les cauchemars par l'opium. Laisser à son cerveau embourbé par l'alcool le répit nécessaire à son propre pardon. Oublier les regrets, les remords et les morts. Et les mots qui ont osé sortir & qui n'auraient pas du, & les cris qu'il n'aurait jamais fallu faire taire, & le sang que l'on n'aurait pas du essuyer. Pardon, faire couler.

    Bref. L'Opium sera son paradis, si l'on daigne lui ouvrir. L'Opium sera son Graal, si l'on daigne lui offrir sa coupe, qu'elle paiera d'un soupir soulagé & d'une bourse lourde. Trop lourde. Suffisamment du moins pour n'être pas sereine en pleine Cour des Miracles, de trop faux estropiés - sans doute armés jusqu'aux oreilles - s'accrochant désespérant aux bottes lourdes de cuir et de boue, quand les morveux à l'unique dent guettent le meilleur moment pour lui faire les poches. La cape est relacée, quelques coups de talons laissent échapper des cris qui ne sortent sans doute pas de ses orteils, & vipère fait glisser ses écailles jusqu'à l'antre rêvée.
    Trois coups. Ou quatre. Ou peut-être cinq, elle ne sait plus & elle s'en fiche. Elle veut tester l'impardonnable, elle veut frissonner d'inconscience, elle veut croire que quelque chose arrivera à couper la langue de cette douleur perpétuelle qui lui taillade le bras. Son visage, tiraillé par le mal & paré de boucles brunes fuyant un chignon bien trop lâche, se laisse couvrir du violet de ces cernes et de la pâleur de sa peau sans rien tenter de masquer. Car elle n'a pas de masque, Jutta. Elle est brute & blasée, brute, & fatiguée, brute & d'humeur suffisamment maussade pour faire valser d'une main gantée les regards intrigués par la condamnation qu'elle porte.
    Trois coups. Ou quatre. Ou peut-être cinq, elle ne sait plus & elle s'en fiche. Elle veut entrer, & qu'on lui file une dose.

_________________
Ludia
Pas vraiment une habituée des lieux, mais n'y étant pas non plus totalement inconnue. Elle était là, allongée sur le flanc dans les coussins d'une causeuse, dont la fumée d'opium n'arrivait pas à masquer l'odeur nauséabonde d'un mélange d'alcool et de fluides dont elle ne voulait pas penser à la provenance. La chaleur de l'endroit l'avait amenée a défaire le lien retenant son corsage au niveau du cou, sa gorge discrète se déployait alors, laissant le rond de ses seins à la vue du curieux si attardant, les pans de sa jupe dévoilant un rien de ses mollets musclés par la marche.

Depuis? depuis... même elle ne le savait plus, résultat des pouvoirs féroces de l'opium, son esprit avait déconnecté avec la réalité, il vagabondé dans des réflexions qui aurait pût relevé de la philosophie si elle avait eut un compagnon de dérive avec elle. Seulement cela devait faire des dizaines de minutes ou peut être bien des heures, qu'elle attendait un ami. Mais celui ci tellement addicte à cette douce fumée âpre et à l'absinthe l'accompagnant si bien, qu'il devait encore être à demi en vie ensevelie dans le mou d'un vieux matelas, jeté dans le coin de appartement miteux d'une gourgandine, si nombreuses dans les rues avoisinantes.

Sa main vint doucement ramener la pipe à ses lèvres, l’enivrant un peu plus à chaque bouffée, elle était là regardant autour d'elle aller et venir, parfois les bruits lointains d'une main toquant à la porte parvenait jusqu'à elle. Elle imaginait les geste répétitifs, du portier dégageant le lourd rideau couvrant la porte, pour laisser entrer ou sortir, prenant ou rendant à chacun leurs défenses.

Les écus allaient et venaient mais ne manquez pas ces temps ci, alors la deuxième ou peut être bien la troisième pipe terminée, elle entreprit de s'en préparer une nouvelle, elle avait mit du temps pour y arriver sans l'aide d'une tierce personne. L'exercice n’étant pas si aisé surtout quand on débute et que les effets des premières aspirations se font sentir. Elle plongea donc l'aiguille dans le flacon d'opium avant de porter la goutte qui perlait au dessus de la chaleur de la lampe, aussitôt qu'elle a refroidit elle la tâte, la travail avant de la replonger dans le pot pour augmenter la dose, une fois puis deux, puis trois, jusqu’à ce que la boule ainsi formée atteigne la taille d'un bon gros petit pois frais bien dodu. Alors la faisant tourner doucement entre ses doigts elle donne à la boule la forme d'un cône, comme une souffleur de verre travaillerait sa matière à l'aide de ses pinces, le cône d'opium ainsi formé, elle le glisse délicatement dans le trou du fourneau, et maintenant la pipe à l'horizontal elle porte extrémité à sa bouche pour en absorber la divine fumée de petites inspirations avant que ne vienne la grande et finale bouffée, aux effets si multiples.

Était passé pour elle, les premiers temps où les vertiges, les insomnies de la nuit suivante, puis plus tard les impressions d'araignée tissant sa toile sur son visage lui faisant faire des frottements de main sur sa face, faisant rire les plus initiés. Elle était devenue pour le plus grand plaisir et surtout la plus grande bourse des teneurs de fumeries une habituée de la chose. sûrement pas assez par rapport à tant d'autres qui de leurs quinze pipes par jours faisaient fructifier leurs affaires.

Le corps alangui par les effets de la drogue, son esprit lui devenait de plus en plus vif, attendant impatiemment son ami, pour évacuer ce trop plein d'idée qui fourmillé en elle, et qu'elle aimerait tant pouvoir partager par la parole. Son regard se baladait autour d'elle et du bar qu'elle apercevait à peine dans cette épaisse fumée, et limité par les petits murs de l’alcôve où elle était affalée, à la recherche d'un interlocuteur solitaire lui aussi, pour faire passer le temps lui paraissant de plus en plus long.
Carensa.
Si quelqu'un veut se dévouer pour jouer avec moi le temps d'un rp, je suis partante..je m'ennnnnnuiiiiie ! elle peut entrer, sortir, aller ailleurs..selon votre envie ! je veux juste écrire.. ! merci d'avance








Il y a des jours où l'on est plus personne


Il y a de ces instants où seule la solitude peut vous sembler être l'amie qu'il vous faut. Elle avait pris l'habitude depuis son départ de Flandres, d'abuser de quelques drogues récupérées auprès des marins. Les ports étaient devenus de solides alliés dans cette dépression qui s'était accentuée avec le temps. Chaque matin elle se levait pleine d'espoir, se jurant d'avancer, d'aller mieux et puis, au détour de la table de nuit elle posait son regard sur ce qui la faisait oublier son mal et venait s'en abreuver comme un assoiffé en plein désert. Insidieusement la vilaine amie s'était muée en elle, la terrassant et la faisant se terrer dans cette chambre qui était devenue une pale imitation d'elle même : vide et désordonnée.

Elle tentait de donner le change à ses compagnons de route qui n'étaient pas dupes de sa supercherie. L'un et l'autre tentant à sa façon de lui distraire l'esprit. Ils y arrivaient l'espace de quelques minutes voire de quelques heures avant de l'abandonner de nouveau à son triste sort, sa terrible réalité. Elle ne leur en voulait pas, la seule à qui elle pouvait en vouloir s'était à elle. Elle était habitée par cette terrible facilité à tomber plus bas qu'elle n'était à chaque fois que quelque chose n'allait pas dans son sens. Cette fois pourtant il ne s'agissait pas d'une simple crise passagère puisqu'elle durait depuis quelques semaines maintenant.

Ce matin là, lorsqu'elle s'était levée elle s'était faite encore cette promesse, pour elle, pour Sasha et Niki mais l'inconscient féminin n'avait pas du tout l'intention d'obéir et alors que la main se dirigeait déjà vers la pipe, la rousse dévia son chemin pour aller enfiler une tenue. Prendre l'air, ça lui ferait du bien, il fallait sortir de cet endroit et vite.. mais au passage, sa hanche heurta violemment la chaise qui remua la table. C'est alors que lentement, sans pouvoir agir elle regarda la fiole tomber sur le coté..rouler..rouler encore et encore jusqu'à finalement exploser en de petits morceaux sur le rebord de la cheminée. Le destin se jouait d'elle encore cette fois et à quatre pattes elle tentait de ramasser l'irrécupérable.

Consciente de ce manque qui lui tenaillait déjà l'esprit et le corps, les mains tremblantes elle se redressa pour trouver de quoi se vêtir. Sa balade aurait lieu, coûte que coûte...ne serait ce que pour trouver de quoi épancher son besoin d'ailleurs..

Elle se regarda un instant dans le psyché, les courbes appétissantes laissant place aux plis de ses braies qu'elle ne remplissait plus, les joues roses parées d'éphélides s'étaient creusées anormalement, seule l'opulente poitrine demeurait ou semblait demeurer intacte, prise au piège dans un corset trop serré par punition d'où elle cherchait à s'échapper. Elle enfila ses cuissardes, en lissa avec application le cuir. Elle aimait cette matière vivante, chaleureuse et froide à la fois, du corset où des lanières qui s'abattent sur le derme, elle l'aimait sous toutes ses formes, dans toutes les situations.

Un dernier regard sur elle, elle releva sans application la tignasse rougeoyante pour y piquer quelques épingles à chignon avant de laisser ses doigts descendre sur sa nuque, dessinant le sillon encore douloureux laissé la veille par la caresse un peu brutale d'un martinet.

Quelques gouttes de jasmin déposées derrière les oreilles, sa rapière à la taille, elle était parée pour une visite de Paris.

Elle quitta l'auberge sans se soucier des regards qui se posaient sur le déhanché naturellement affriolant. Les bottes martelant les pavés finirent bientôt par s'enfoncer légèrement dans la terre du quartier qu'elle venait de rejoindre. Les pavés aux riches, la terre aux pauvres.

La Vicomtesse n'était à cet instant, plus que l'ombre d'elle même, marchant sans réellement savoir vers quels endroits. Voulant simplement se vider la tête, et essayer d'oublier cette maudite pipe qui la menait pourtant au bien être depuis tout ce temps. Mais chaque fumet qui s'échappait des tavernes, chaque odeur lui rappelait que la fiole, l'unique fiole qui lui restait, n'était plus.
Main posée sur le pommeau de sa rapière, les quelques mèches indomptables flottant au gré du vent parisien, elle paraissait prête à pouvoir en découdre avec le monde entier et pourtant..

Elle passa devant l'Aphrodite, un bordel notoire....moment d'hésitation devant la porte avant de se raviser..ce n'était pas vraiment ce qu'elle cherchait et pour la satisfaire il faudrait plus qu'un simple courtisan.

Elle poursuivit sa marche jusqu'à atterrir devant une maison qui attira son attention... Elle avait quitté sa chambre pour sa pipe et se retrouvait devant la porte d'un établissement qui pourrait répondre à ses attentes.

Elle frappa et ouvrit la porte tout en restant sur le perron tentant d'accrocher quelqu'un du regard qui lui, semblait murmurer un : à l'aide...

_________________

Couturière à l'Atelier des Fées Tisserandes
Ansoald
Il flânait dans les rues de Paris, accrochait à son regard tout et n'importe quoi, une valériane sise sur un encorbellement, une statue de saint logé dans sa niche au chaud sous les fientes de pigeons, un gamin coiffé d'un béret tapant ses grolles sur un chasse-roue, une porte cochère qui baille sur un bourgeois méfiant, des cuissardes noires élancées à l'assaut de jambes féminines, femme dont il saisit le regard suppliant....

Ansoald fit halte pour se confronter à cette inconnue au visage émacié. L'élégance de sa mise jurait avec l'austérité de la sienne, pourpoint noir sur chausses noires, à la mode de Bourgogne. Le rouge lui seyait mieux mais il avait décidé, pour une première visite de Paris, de passer inaperçu autant que possible. Il ne savait pas les possibilités, les plaisirs et les dangers que cette ville, capitale du Royaume, offrirait. Aussi, restait-il prudent....

Cependant, cette femme le dévisageait en quémandant son aide. Un provincial comme Anso ne restait pas facilement insensible à cet appel. Bien sûr, au fil des batailles, au cours des embuscades ou tout simplement lors de ses errances, bien des malheurs s'étaient présentés devant lui. La faim était le mal le plus terrible, privant l'homme de sa raison, jusqu'à manger ses enfants, la chair de sa chair, pour assouvir son appétit de vie....Ou repousser sa crainte de la mort dans les tréfonds de sa conscience. Les yeux de cette femme exprimaient bien la faim, mais de manière différente....

Ansoald leva les yeux sur l'enseigne de l'établissement. L'Opium. Quelques années auparavant, dans les montagnes suisses, il trafiquait de cette drogue avec des italiens pour la revendre plus cher aux gens blessés lors des croisades menées par les gênois. Ironie de la guerre...Mais s'il goûtait à l'ironie, Ansoald n'avait jamais réellement consommé de cette substance. Kachina avait sa réponse pour le sicraite: il avait peur des effets de la drogue, quand les forces s'effacent sous les puissances spirituelles du chaos de notre âme. Kachina, encore elle, avait acheté à la petite Gobelin des graines étranges, d'une plante inconnue, dont la décoction promettait au voyageur des rêves d'infini. Ansoald, par vantardise, acheta lui aussi son billet, mais ne l'utilisa pas, repoussant si bien les propositions de Kachina qu'elle finit par ne plus évoquer la question.

La porte entrebâillée menaçait à tout instant d'engloutir la femme dans cet univers inconnu. Une main déjà se posait sur son bras, pour l'inciter à entrer. Ansoald n'hésita pas. Il s'avança d'un pas résolu et chassa la main insolente qui s'aggripait à elle, pour lui offrir le repos de son bras. Ansoald était un renard désargenté, mais il devinait aux atours de cette dame que l'or ne serait pas un souci. Elle lui offrirait l'expérience d'une bouffée délirante de fumées opiacées, et il la regarderait s'adonner avec passion à sa gourmandise, maintenant qu'elle avait la détermination d'un homme pour la guider vers ses noirs desseins. Peu lui importait en vérité qu'elle se tue à la tâche: Ansoald n'était mû que par la curiosité. Une curiosité malsaine, perverse, dangereuse.
En outre, il espérait que les connaissances de Carensa lui seraient utiles dans cet établissement dont il ne maîtrisait pas les codes. Il pensait qu'elle était une habituée des lieux et qu'on remarquerait à peine le novice qui se tenait à ses côtés.

Pour forcer sa volonté à le suivre, il se pencha légèrement devant elle et lui offrit une esquisse de sourire, une ébauche de présentation, sans la quitter des yeux, sans le moindre battement de paupières:


Salutations...Vous vous préparez à entrer? Une femme seule ne doit pas fréquenter ce genre d'établissement. Je vous accompagne. Regardez-moi...Comme votre caution de moralité, en quelque sorte.

Un rire léger accompagna cette remarque, comme pour consacrer la naissance d'une complicité nouvelle au seuil de cette porte. Il sonnait faux, bien entendu, mais Ansoald attendait que Carensa soit trop faible pour le comprendre.
_________________
Carensa.


Juste une dernière ..transe..

Que faisait elle là ? Pourquoi était elle venue ? Simplement pour se perdre un peu plus dans cet engrenage qui rendait sa vie plus légère, enfin c'est sûrement ce qu'elle pensait et pourtant plus elle se perdait, plus la Mignonne se détruisait.

Une odeur nauséabonde remonta des quartiers, si par le passé elle n'y aurait pas prêté attention, aujourd'hui, à fleur de peau, la bile lui remonta à la gorge. Elle en aurait vomi ses tripes si une main ne s'était pas posée sur son bras presque rassurante dans ce quartier maudit. Ironie..

Elle tourna le visage vers l’entrebâillement de la porte où une silhouette impressionnante se tenait. Aucun mot ne parvint à ses oreilles, juste le frôlement de cette épaisse main sur l'étoffe blanche de sa chemise qui l'invitait, avec un minimum de vigueur, à entrer dans le lieu.

L'enseigne claqua au vent, la faisant tressauter, tandis que le ciel s'assombrissait dangereusement. Au loin déjà des nuages safranés se dessinaient et indiquaient la probable venue de grêle. Elle serait mieux à l’abri et puis les saveurs opiacées l'appelaient de plus en plus ardemment. Le corps tout entier transpirait le manque, les tremblements incessants de ses mains trahissant l'état dans lequel elle était.

Elle allait rentrer lorsque une autre main la débarrassa de l'autre. Elle se détourna légèrement de la porte et posa son son regard sur les nouveaux doigts, remontant lentement, sur le poignet, le veston, jusqu'au visage. Elle s'attendait à voir une connaissance et là, ce fût un tout autre constat.

Un homme, l'homme croisé plus tôt, se tenait légèrement penché devant elle. Les lèvres ourlées d'un fin sourire, elle écouta, ne comprenant pas encore tout l'enjeu de cette rencontre.

- Oui, je me préparais à entrer mais .........vous m'en avez empêché.

Elle tentait en vain de remettre ses idées au clair mais il semblait que les vapeurs opiacées de la nuit passée n'avaient pas totalement disparu. Les mots s'entrechoquaient dans sa tête lourde pour se remettre dans un ordre "normal" à la sortie de ses lèvres. Malgré l'état, elle paraissait avoir encore toute sa tête.

- M'accompagner au titre de « gardien de moralité »..c'est bien ça que vous m'offrez à cet instant ? Ma foy, autant partager ce moment si vous le souhaitez..

Ses yeux se levèrent une nouvelle fois sur la porte puis sur l'enseigne.

- Je ne connais pas l'endroit mais le nom paraît explicite.


Elle posait sa main sur son veston, en retirait une bourse bien remplie tandis qu'elle ouvrait déjà la porte de l'autre main et invitait d'un signe de menton, son comparse du moment à la suivre en ajoutant

- Puis-je savoir à qui ai-je l'honneur ?

_________________

Couturière à l'Atelier des Fées Tisserandes
Ansoald
"Vous m'en avez empêché."
"gardien de moralité"
...Ansoald goûta ces phrases comme des friandises. Les lèvres pulpeuses de la rousse enrobait les mots d'un velouté délicieux à entendre. Car il n'avait rien empêché, sauf qu'on la traîne à l'intérieur de la fumerie, et se considérer comme une caution morale avait peu de rapport avec un rôle de gardien. Aux oreilles d'Ansoald, pareils aveux s'appréciaient comme des petits arrangements avec la vérité, des petits mensonges, des mignardises avant le "festin nu". Il se sentait fort en face d'elle. Il se sentait d'autant plus fort qu'au fond de lui, il avait peur. Et comme tout homme qui a peur, il décida de mentir, de colorer la vérité, et ses noisettes cherchaient avec appréhension l'approbation de Carensa tandis qu'il se livrait:


Je m'appelle...Archibald, je viens d'une lointaine province pour goûter aux charmes de la capitale, mais je suis un habitué de ce genre d'endroits...Bien que, comme vous, je ne connaisse pas l'Opium. Ravi donc de partager cette première fois avec vous.

Les portes s'ouvrirent devant eux, béance ténébreuse sur l'antichambre de ce palais des rêves. Un homme taillé comme une armoire, les cheveux gras, le front court, les narines bombées, les dévisagea de ses petits yeux gris, avant de s'apesantir sur la bourse pleine d'écus tendue par Carensa. Sans un mot, il fit un pas de côté et d'un geste nonchalant de la main, les invita à entrer. Un deuxième gars se trouvait derrière lui, assis derrière un bureau, la tête chauve et brillante sous la lueur d'une chandelle, seule lumière dans ce noir univers. Des feuilles épaisses et boursouflées étaient éparpillées sur la table, à sa droite une plume gouttait de l'encre fraîche, à sa gauche une dague tirée au clair menaçait les imprudents. Carensa déposa la bourse devant lui, et lentement, presque sensuellement, défit les cordons pour verser quelques pièces sur la table, le tarif de l'entrée pour elle et pour son invité, son gardien de moralité. L'homme n'avait cure de ses explications. Il croqua une à une les pièces pour vérifier leur authenticité puis aboya un ordre bref à l'adresse du videur des lieux. Celui-ci ordonna qu'Ansoald et Carensa leur confient leurs armes car elles étaient strictement prohibées à l'intérieur de l'établissement.

Après une brève hésitation, Ansoald s’exécuta. Il avait hâte de découvrir les moindres recoins de ce lieu de débauche et ne souciait pas d'être dépouillé de ses richesses, vu qu'il ne possédait rien. Il supposait enfin que les clients, hâves et léthargiques, soient incapables de la moindre action contre lui. Au contraire, il flairait de bons coups, des patients accrochés à leur médecine au point de ne pas se soucier de la santé de leurs bourses, faciles à duper, faciles à voler. De nouvelles perspectives s'ouvraient à lui. L'excitation chatouillait le bout de ses doigts. Carensa elle-même disposait d'une somme énorme, le prix à payer pour de tels voyages. L'or se blottissait entre ses doigts fébriles et son éclat ne diminuait pas malgré la pénombre ambiante. Mais il suffirait d'une hallucination pour le sublimer, de métal en gaz sous l'effet de la drogue, et Ansoald se faisait fort de l'accumuler dans ses poumons, tel un pêcheur de perles en apnée, jusqu'à devenir riche, très riche, fabuleusement riche....

Une bourrasque soudaine claqua la porte de la fumerie. Ansoald sursauta et regarda l'entrée d'un air courroucé, comme s'il en voulait au vent de l'avoir ramené à la réalité des lieux. Dehors, les nuages s'amoncelaient dans le ciel. Ici, ils s'entassaient depuis des lustres, vapeurs d'éther, parfums d’outre-monde, billets pour l'oubli. Ansoald, délesté de ses armes, s'avança à pas comptés jusqu'au seuil de la grande pièce centrale, pour contempler en spectateur les alcôves scellées, les tables en désordre, et cette foule d'individus en extase. Les piliers de la salle s'irisaient de flammes bleues dont les désinences formaient des langues tendues vers le ciel, un plafond chatoyant de rubans colorés, d'arabesques étirées par la main paresseuse d'un artiste, vaincu par les fumerolles collantes, accumulées au zénith, que crachaient inlassablement sous la voûte les gueules géantes des buveurs d'infini.

Il se tourna vers Carensa. Laisserait-elle sa rapière pour que le gaillard lui permette d'entrer? Il s'avança derrière elle et pressa une main dans son dos, plissant la douce étoffe sous les doigts. Il voulait par ce geste la rassurer, lui signifier qu'au cours de son voyage elle n'aurait pas besoin d'armes, mais peut-être bien d'un gardien pour veiller sur sa plongée. Un doux et bienveillant gardien, chargé de débrouiller les fils de ses hallucinations, quand l'apnée est trop longue, trop profonde. Il perçut sous la caresse la boursouflure d'une cicatrice et il aventura l'index au fil de la blessure, par curiosité. Il découvrait ainsi, sous sa carapace de soie, les tourments qu'elle s'infligeait par jeu, ou bien par pénitence, ou bien simplement par plaisir. Pour Ansoald, qui avait appris à rendre chaque coup, la soumission était un art étrange...Tout aussi étranger à lui-même que l'abandon de son corps aux manèges de l'esprit.

_________________
Carensa.





Elle déposa la bourse en cuir sur le comptoir avant d'en tirer le fin cordon et, d'en déverser le contenu qui tinta sous les yeux appréciateurs de l'homme qui se trouvait devant elle. Il songea sans nul doute qu'il venait de gagner sa journée en voyant la somme s'étaler sur le comptoir avant de les vérifier une par une avec une satisfaction vibrante. Elle en aurait presque sourit de voir des écus faire plus d'effet à un homme que son décolleté. Les petits globes porcins brillaient de mille éclats satisfaits. Tentant de prendre une voix sûre d'elle, la rousse demanda sur un ton qui ne laissait aucune marge d'erreur

Une alcove tranquille pour deux..et de quoi nous faire plaisir, votre meilleur « cru »...et du vin aussi...blanc..


L'homme, tout occupé à croquer ses pièces, lui répondit d'un signe de tête avant d'ajouter.

Aucun souci ma p'tite dame, on va vous mener au..Paradis.


Du Paradis ou des Enfers, à vrai dire, elle n'était pas certaine de préférer le premier au deuxième.

On pouvait lire dans le regard masculin tout l’intérêt qu'il portait aux écus qu'elle venait de lui laisser, grâce à Dieu, l'argent n'était pas la chose qui lui manquait, à vrai dire..il ne lui restait plus que ça aujourd'hui.

La porte se referma bruyamment dans son dos, la faisant sursauter. Par chance le comptoir était là et c'est une main posée sur celui ci qui la retint debout.

Elle se délesta de sa rapière qu'elle déposa également sur le comptoir tandis qu'une main frôlait dans le creux de ses reins, le derme surpris n'eut d'autre réflexe que de frémir sous l'étoffe légère et la pression d'un doigt un peu trop audacieux. Tournant son visage vers son compagnon de « voyage », elle fronça légèrement les sourcil mais n'ajouta rien sur ce geste familier. Il se voulait sans doute « protecteur » avec elle, enfin c'est ce qu'elle imagina sur l'instant. Elle lui échappa d'un pas troublé par les restes de la nuit, pour rejoindre l'homme qui allait les mener à leur « table ».


Entre les différentes tables et corps alanguis, ils se dirigèrent vers des tentures rouge et or, l'homme en écarta les pans dévoilant une alcôve composée d'une table basse et entourée, en partie, de longs coffres recouverts d'épaisseurs confortables de tissus aux couleurs chatoyantes.

Parfait.. annonça t'elle avant de s'installer sur l'un d'eux tandis que l'homme quittait les lieux pour aller chercher ce qu'il fallait pour leur voyage.

Elle regarda Ansoald et songea qu'elle ne s'était même pas présentée. C'est à cet instant peut être, dans un sursaut de lucidité, qu'elle se demanda si elle pouvait lui faire confiance. Elle hésita un instant à lui dévoiler son identité et puis finalement jugeant qu'elle ne craignait pas grand chose, ajouta

Anaïs de Vandimion..de passage dans la capitale également. Enchantée Archibald. Je ne sais pas si je dois vous dire merci de m'avoir accompagné, c'est peut être un peu prématuré mais..je crois que ça me rassure un peu quand même de ne pas être seule dans ce genre d'endroit. C'est une première, j'aimerais en garder un bon souvenir si c'était...possible.

Elle tenta de sonder les profondeurs du regard d'Ansoald, l'azur hypnotique ne se délogeant pas des noisettes, jusqu'à ce qu'un nouveau serveur fasse irruption à leur tablée.
Le vin arriva en premier sur la table et les deux verres furent remplis de blanc sous le regard, happé par le mouvement, de la rousse.

Je ne vous ai pas demandé si vous aimiez le vin.

Elle releva les prunelles azuréennes sur son compagnon de voyage.

Mais vous aimez le vin n'est ce pas ? Et puis si vous n'aimez pas, tant pis, vous ferez semblant.

Le premier sourire de la rencontre ourla les lèvres gourmandes de la Sublime, tandis qu'elle retirait les pinces dorées de son chignon une à une pour les glisser soigneusement dans l’aumônière accrochée à sa ceinture. Les longs doigts fins vinrent se perdre dans la chevelure avec une candeur surprenante pour lisser les boucles rousses et indomptables au demeurant. Une fois le semblant de mise en forme terminé, la rousse attrapa son verre et trinqua d'une main tremblante, le liquide manquant de déborder à tout instant.

A cette rencontre et à ce qui va suivre..

_________________

Couturière à l'Atelier des Fées Tisserandes
Ansoald
Leurs coupes s'entrechoquèrent dans un son cristallin et quelques gouttes du breuvage coulèrent sur leurs doigts. Loin de s'en formaliser, Ansoald lécha sa propre main plutôt que de se servir des serviettes de fine batiste mises à leur disposition. Il savait que ce geste trahissait un manque évident d'éducation, mais ne regretta pas cet élan naturel en coiffant de sa langue joueuse l'auriculaire taché, sous les feux du regard céruléen d'Anaïs de Vandimion....Brillait-il par séduction ou par effet du manque, il ne pouvait le savoir. Un mystère nimbait leur relation d'une aura particulière en ce lieu de débauche.

Allongé sur le flanc, les jambes étendues sur le coffre matelassé, il caressait des yeux, à défaut des dents, les lanières de cuir du corset d'Anaïs. Il se demanda, de manière impromptue, s'il s'agissait de son véritable nom. Son aveu semblait sincère, d'une naïveté commune pour une jeune femme de la noblesse évoluant dans un monde bien en-dessous du sien. Pensait-elle que le prestige de son patronyme la protégerait d'éventuels prédateurs? Ansoald songea que cette richesse répandue avec impudence devant leurs yeux était la preuve évidente de sa témérité, autrement dit un courage né d'un sentiment d'impunité face au danger. Il jugea donc qu'elle disait vrai, qu'elle ne lui cacherait rien et l'orgueil s'enflamma dans sa poitrine à cette idée.

Il but une gorgée, lentement....Non, il cisela ses lèvres sur le bord de la coupe, autant pour savourer le goût exquis du vin (il n'en avait jamais bu de meilleur) que pour modérer sa consommation. Se faisant, il ne détachait pas les yeux de sa...proie? Qui était-elle pour lui, cobaye ou pourvoyeuse? Il était, pour l'heure, son invité et même, son gardien de moralité. Pour un peu, cette alcôve ressemblait à un confessionnal, baignée par les odeurs capiteuses de l'encens des Miracles. Il serait un confesseur très attentif, soucieux de ses métamorphoses sous les puissances conjuguées de l'ivresse, de la drogue, et du fouet. Il lui vient à l'esprit qu'elle consommait de l'opium en buvant du thériaque, par souci d'apaiser les douleurs cuisantes causées par les lanières de cuir dans sa chair. Il la vit soudain nue et attachée par les bras à une poutre horizontale, à gémir des excuses contre les passions coupables qui enflammaient son corps. La vision accapara si bien son esprit qu'il but une deuxième gorgée de vin pour se redonner contenance. Décidément, les confessions réveillaient chez lui bien des souvenirs intimes.

En l'écoutant, il s'était rendu compte qu'elle tissait les questions....Et brodait les réponses. Fi de la contradiction! Le vin coulait dans sa gorge parce qu'elle avait décidé qu'il en serait ainsi, et encore avait-elle pris le soin d'être impeccablement belle avant de s'adonner à la dégustation, comme on se prépare chez les nobles avant de s'adonner aux plaisirs du nectar et de l'ambroisie. Soit elle jouait admirablement un rôle de composition, soit elle révélait une autre preuve de sa haute condition. Il se rembrunit en s'apercevant que sa barbe accusait un retard de trois jours et qu'il n'avait jugé bon de se parfumer avant d'arpenter les rues pavées de Paris. C'est qu'il n'avait pas agi préméditation mais sous le coup de l'inspiration, en improvisant, au hasard d'une rencontre, son approche de la Mignonne. Car elle se révélait plus belle ici, sous le jeu des lumières tamisées, que dans le gris des ruelles de Paris. Le trouble de son regard bleuté, la fébrilité de ses gestes et le tremblement de sa voix soulignaient sa beauté de manière...Surprenante. Elle était à l'instar de ces jeunes phtisiques aux traits pâles dont les gestes évanescents semblent être des virgules posées sur les lignes du temps. Elle grandissait, dans les secrets de son âme tourmentée, son existence, en inventant d'autres univers où il n'irait jamais...Où il ne pensait jamais se rendre.

Anso se sentit soudainement déstabilisé par l'insoutenable légèreté de cette âme*, sur laquelle il devait pourtant exercer son emprise. Il but une troisième gorgée en priant les Enfers de ne pas le tenter avec les délices de la luxure, mais la vérité contenue dans le vin confirma le danger: la préparation de son piège souffrait d'indéniables carences. Il n'avait jamais dépouillé un voyageur en se dépouillant lui-même. Il lui faudrait alors des habits de lumière, pour rompre l'équilibre des forces. Chose peu aisée. Il pouvait se consoler par une pensée amusante: elle se nommait Anaïs de Vandimion et lui Bandit de Grand chemin: l'égalité, en toutes circonstances, butait sur les particules, sauf ici. Les particules de fumée liaient les clients aux chaînes de l'ivresse et ils dansaient unis dans une ronde macabre, éblouis par les couleurs trop vives d'un onirisme décadent. Mais il délaissa les pensées issues de l'astre noir de son imagination pour se concentrer sur les lèvres purpurines de la jeune femme aux cheveux flamboyants. Il huma profondément la fragrance de ce vin merveilleux avant de répondre


Adolescent, je n'aimais pas le vin, il...Troublait mon caractère.

Un frisson glacé lui parcourut l'échine. Pourquoi une telle confidence, ici, maintenant? Ce simple aveu arrachait à la mémoire d'Anso des lambeaux de souvenirs morbides. Mieux valait poursuivre sans rien paraître de sa brève exaltation, une main passée sur son front coiffa les boucles brunes et découvrit ensuite un sourire affiché comme un masque sur son visage:

Adulte, j'apprécie l'alcool, en toutes ses déclinaisons. J'aime la force brutale de la gnole paysanne comme l'ivresse subtile d'une bonne bouteille de vin.

Il mentait. Il n'était pas un grand buveur. Il aimait à garder la maîtrise de lui-même en toute circonstance. La guerre en Anjou, où il avait participé aux combats contre les troupes royales, fût à ce titre une mauvaise expérience et il en avait payé le prix, par des désordres mentaux désagréables.

Je suis un négociant en biens de toutes sortes, marchandises en vrac ou produits de luxe, il suffit de me le demander et aussitôt l'objet de vos désirs vous tombe dans les mains. Enfin...Il suffisait...J'ai tout perdu à la guerre, rançonné par des angevins traîtres à la Couronne de France. Mes gardes, au nombre de 4, gisaient morts autour de ma charrette, tués par des carreaux d'arbalète. Pour finir, ils ont achevé le chien à la hache. C'était une belle bête, intelligente et racée. J'ai cru qu'ils me tueraient aussi, mais je m'en suis sorti en leur proposant un tour. Au départ, ils étaient méfiants. L'un d'eux a même demandé si j'étais un sorcier. Que nenni, ai-je répondu, je suis simplement un homme habile de ses mains. Et là, après quelques paroles banales, j'ai soudain fait apparaître dans ma main une primevère. Ne me demandez pas comment, c'est un secret....Bref, cela peut paraître extravagant, mais ils ont ri si fort que leur haine avait fondu comme neige au soleil. Ils m'ont laissé partir, en m'offrant, dans leur grande bonté, la possibilité d'emporter quelque chose avec moi. Ce ne sont pas des provisions de bouche que j'ai pris, mais ma pipe à opium....Alors l'un d'eux s'est avancé, a confisqué ma pipe et l'a cassé devant moi. Un honnête sujet du Roy ne doit pas faire ce genre de choses, qu'il a dit! J'étais trop stupéfait pour rire, heureusement. Sinon, ils m'auraient coupé la langue.

Il enjoliva la fin de son récit d'un sourire complice, espérant qu'il ponctue avec charme ce tissu de mensonges. Il allait d'ailleurs poursuivre par quelques questions à son endroit, quand une femme, le teint café, le torse nu, les seins habillés seulement par une longue chevelure brune dont les mèches tombaient sur son ventre comme des pétales de rose, entra, en tenant dans les mains un plateau d'argent, sur lequel était disposé des pipes chryséléphantines avec de longs tuyaux de bambous, et tout le matériel nécessaire à cette étrange expédition.



*Milan Kundera ou presque^^

_________________
Carensa.




       Plus douce qu'un velours très doux, ma lampe éclaire
       Le lit rouge, où la drogue amuse mon ennui ;
       Et la pipe d'écaille et d'argent, dans la nuit,
       Brille d'une beauté fugitive et stellaire.


Il distillait les informations le concernant bien plus par sa posture et ses manières, que par les mots. Que pouvait elle croire de lui ? Rien puisqu'il n'était qu'un homme et qu'elle connaissait suffisamment la nature masculine pour la savoir menteuse, voleuse et fourbe. Qu'importait, à cet instant elle avait juste envie de se laisser bercer par le murmure de sa voix, les délicats mouvements de ses boucles brunes sur son visage lorsqu'il s'agitait, et puis la tiédeur des lieux.

Elle l'écouta, longuement, le laissant parler de lui. Elle le découvrait petit à petit sans réellement retenir les informations qu'il donnait, sauf peut être lorsqu'il lui fit part d'une bribe de son adolescence. Le visage détendu se figea un instant. Le regard impénétrable semblait vouloir garder secret des souvenirs désagréables ancrés au fond de lui. Il agissait comme une lourde porte dont il lui faudrait peut être trouver la clef. La nature curieuse de la jeune femme referait surface à un moment ou un autre mais le moment n'était pas venu. Pas encore.


       Sur la chauve-souris, présage tutélaire,
       Incrustée en opale au milieu de l'étui,
       Un signe d'or sur la transparence reluit,
       D’un prince disparu trigramme sigillaire.



Les pupilles masculines se baladaient sur ses courbes, elle en fût amusée, flattée peut être un peu. Depuis quand n'avait elle pas vu cette lueur dans le regard d'un homme ? Quelques mois maintenant. Çà ne lui manquait pas vraiment à vrai dire, mais c'était plaisant d'autant qu'ils n'étaient pas ici pour ça. Pourtant, l'espace de quelques secondes, elle eut l'impression de sentir une main caresser sa hanche puis remonter sur sa taille. Elle frissonna légèrement, les pointes des seins se redressant sous l'étoffe soyeuse de sa chemise jusqu'à ce que son regard lui fasse prendre conscience de son hallucination passagère.

Elle porta à nouveau son verre à ses lèvres, faisant rouler le vin contre son palais avec un plaisir lisible dans l'azur et tenta de cacher son malaise passager.

Il poursuivait son récit, elle continuait de l'écouter, caressant la mâchoire des prunelles elle remarqua la légère barbe naissante.

Lorsqu'il eut terminé, une jeune femme arrivait pour déposer sur leur table le nécessaire à leur voyage chimérique. La rousse ne manqua pas de détailler celle-ci d'un regard connaisseur et appréciateur. Après tout, pourquoi se priver de regarder, lorsqu'une telle vue s'offre à vos yeux ?


        Le parfum est subtil, chaud, délicat, ambré.
        Or, le chef des Coden, le Maître au front d'ivoire,
        A rêvé de l'amour, et l'oubli de la gloire,
        Dans ce tube, où dormait le népenthès sacré ;


       

Elle se redressa légèrement, les boucles rousses se replaçant de chaque coté de son visage, lui donnant un air angélique, puis croisa ses avants bras sur la table avant de se pencher vers le jeune homme et de murmurer, un léger sourire aux lèvres :

- Deux choses, la première


Elle tendit le bras vers lui et caressa la joue barbue du bout de l'index

- Lorsque vous venez à la rencontre d'une jeune femme, passez chez le barbier dit elle d'un air amusé avant de se fermer comme une huître et d'ajouter La deuxième, ne me parlez plus de l'Anjou, je..déteste les Angevins, je hais l'Anjou et tout ce qu'il représente. Mais je suis désolée pour votre chien et votre pipe à opium.

La demande ne souffrait d'aucune contestation et le regard pétillant malgré l'annonce, l'alcool s'insinuant lentement dans ses veines, plongea dans celui de son partenaire de jeu d'un air entendu.

- Bien, je crois que nous allons pouvoir débuter, vous êtes mon invité Archibald, je vous laisse commencer dit-elle avec une étrange assurance

L'azur s'était porté sur la jeune femme et plus précisément sur ses mains qui s'appliquaient avec méticulosité à préparer la pipe.

Elle déroula le tube et adapta une boule percée qui communiquait avec l'intérieur du tube. Puis la jeune femme déposa la pipe afin de préparer l'opium. Elle planta une aiguille dans une portion de pâte noire et visqueuse de la grosseur d'un pois puis la fit cuire et gonfler à l'aide d'une bougie. Lorsque la consistance lui parue correcte, elle la disposa au-dessus du trou de la boule qu'elle avait préparé plus tôt. Elle travailla l'opium de sorte à ce qu'il prenne une forme de cône et le perça avec l'aiguille pour qu'il y ait communication avec la cavité du tube.

La rousse s'allongea de nouveau de sorte à pouvoir savourer pleinement cet instant lorsque son partenaire aurait pris ses premières bouffées...


       Parmi l'opium légué, mon sang bat de ses fièvres ;
       j'aspire son esprit, au métal demeuré,
       Et je sens, sur le bord, la douceur de ses lèvres.




"La Fumée" tiré de "Rîmes d'Asie", Lemerre, 1912

_________________

Couturière à l'Atelier des Fées Tisserandes
Ansoald
"C'est la première fois qu'est la meilleure. C'est celle qu'on veut toujours retrouver." Marie-Josée Croze dans "les Invasions barbares"


"Quel enlèvement de l’esprit! Quels mondes intérieurs ! Était-ce donc là la panacée, le phannakon népenthès pour toutes les douleurs humaines ?" Baudelaire, les Paradis Artificiels.



La chasse au dragon commence.

Elle lui donne l'initiative, le désavantage de lancer la sarabande, alors qu'il ignore les manières de la danser. C'est un imprévu fâcheux. Il escomptait que la faim de la dépendance pousse la jeune femme à ne pas se soucier davantage de son invité, par une sorte de réflexe de meute, où le mieux nourri est celui qui mange le plus vite. Or, il n'avait pas misé sur ce goût aristocratique pour la provocation, ou encore sur sa méfiance....Serait-elle prudente, alors qu'il a tout fait, ou presque, pour provoquer le désir, et donc, la témérité?

Grands dieux, songe Anso, donnez-moi un bordel et je l'attache aux rideaux, et l'on finirait sur les draps blancs de la jouissance plutôt qu'emportés par les fumerolles grises et incertaines des opiacés; transformez donc cet alcôve en une chambre, ces banquettes en lit double et cette pipe en olibsos! De fait, il avait décelé, en fin connaisseur de ces choses, l'exaltation passagère de la jolie rousse, et la moue appréciatrice esquissée à la vue de la jolie servante. Des tableaux colorés murissaient dans sa tête, d'autant qu'il crut entendre, au loin, le soupir d'extase d'un buveur d'infini.

Or, ils ne sont pas là pour ça. Anaïs désire l'évasion, Ansoald s'évader avec des gains et la servante aux seins nus un joli pourboire. L'opium est au centre de tout. Par des gestes gracieux qui trahissent l'habitude, la jeune rousse s'occupe elle-même de préparer la piste de danse. Les doigts d'Anso caressent le duvet de sa barbe naissante en l'observant. La minutie de ses gestes le rassure, comme si l'ordre de ce rituel écartait les voiles du chaos pour découvrir une réalité pas si différente. Puis, l'apparence minable de cette boulette brune le réconforte. Il a d'assez grands poumons pour absorber cent boulettes comme celle-ci et l'esprit assez large pour tenir le plateau du monde en équilibre sur ses esgourdes. S'il se fortifie assez, il repassera les portes de la fumerie avant de sentir les vertiges de la drogue lui gâter la raison.

En outre, le souvenir lui revient d'avoir consommé cette substance, quelque part dans les Apennins. Il en avait mangé avec des piémontais qui s'enorgueillaient d'en tartiner leurs panisses au petit déjeuner. La torpeur avait engourdi ses membres jusqu'à l'endormir comme un loir jusqu'au petit matin. Pas de quoi fouetter une chatte...Sauf qu'il s'agissait du produit d'une décoction de racines de pavot, nommé rachacha, bien moins puissant que l'opium véritable.

Quoi qu'il en soit, pensait Ansoald en saisissant la pipe à opium, je suis un homme, un mâle né sous le signe des volcans. Elle est peut-être rouée à ce genre de loisirs, mais c'est une frêle jeune femme dont les limites de la sobriété ne dépassent pas deux doigts. Si je tiens assez longtemps l'effet, rien ne sera plus facile que de la dépouiller, quand bien même elle aurait un anneau en or dans un endroit inavouable en bonne société, il serait pris et mis dans ma poche. A moi les plaisirs de Paris, dans des habits meilleurs que cette pauvre tunique!

Ce petit laïus achève de conforter l'assurance d'Ansoald, au moment où ses lèvres embrasse le bouton de la pipe. Il se tient, à l'instar de Carensa, allongé sur la banquette, appuyé sur un coude, les pieds nus, la chemise largement ouverte à l'échancrure, à cause de la chaleur régnant dans cette antre des paradis artificiels. L'odeur, suave et puissante, le surprend, mais il n'aspire pas moins une large, une longue bouffée. La fumée opiacée envahit sa gorge et ses poumons. Il voudrait rester impassible. Il ne le peut pas. En voulant expirer la fumée comme la Renommée souffle dans sa trompette, une quinte de toux déchire sa fierté.


Un chat dans la gorge...

Parvient-t-il à articuler avant que la première vague ne frappe son esprit et balaye les pauvres obstacles disséminées par sa conscience. C'est une pierre jetée dans les eaux tranquilles d'une âme féconde. Elle bouleverse l'équilibre stagnant et se propage par une vibration intense dans tout son corps, accablé. Il s'étale de tout son long, la nuque reposant sur le coussin blanc, le temps que la vague emporte sur la grève les souvenirs inutiles, les regrets éternels, les babioles du passé. Et, quand elle se retire, c'est un sable immaculé sur lequel il étend ses pas, dans une démarche sereine. L'Univers, enfin, respire l'Ordre et l'Harmonie. Tout s'explique, nulle tâche n'est impossible, ou vaine, ou angoissante. Revenant à la rousse, il lui sourit enfin, en songeant combien il serait facile de dénombrer les cheveux qui peuplent sa jolie tête ou de mesurer la circonférence des aréoles de ses seins, ou encore...Encore...

Il attire la pipe à sa bouche pour une deuxième bouffée. La voler, d'accord, mais voler, d'abord. A pleins poumons.

_________________
Carensa.


Rien ne va plus, faites vos jeux..

La drogue c'est un peu comme la roulette russe, soit la petite bille vous donne le bon numéro et c'est la joie, un bonheur intense, jouissif presque pour certains, soit elle vous rend fou, vous déstabilisant, vous rendant violent parfois..

Pour la rousse la chasse aux dragons avait souvent l'effet de la calmer, de l'ensuquer délicieusement pour tomber comme dans un bain de barbe à papa doux et moelleux, collant et sucré..ou encore dans un état de légèreté qui aurait pu l'amener à se voir pousser des ailes. C'est ainsi qu'une fois, l'un de ses amants l'avait rattrapé de justesse lorsque, se prenant pour un volatile, elle allait se jeter dans le vide. Elle se souvient encore du moment où elle était retombée dans les bras masculins et qu'elle s'était mise à rire bêtement. Pour lui faire passer l'idée d'une telle connerie, il lui avait rappelé qu'elle avait deux jambes, deux bras et sûrement pas d'ailes, en les lui attachant fermement aux barreaux du lit, la suite de l'histoire ne regardait qu'elle..

Allongée, une jambe légèrement repliée, la Sublime regardait Ansoald faire ses « premiers pas » vers son univers..Univers, le mot pouvait paraître fort, mais depuis des mois, cette drogue lui permettait d'avancer, non plutôt de rester debout, de poursuivre cette route qui lui semblait de plus en plus sinueuse.

Le bec de la pipe se porte alors aux lèvres masculines tandis que celles de la rousse s'entrouvrent et qu'un soupire s'échappe. La poitrine s'abaisse comme satisfaite de cette vision céleste jusqu'à ce qu'il tousse et qu'elle retienne un rire en tournant son visage sur son avant bras.

- Attrapez lui la queue Archibald à ce satané chat et aspirez lentement..imaginez que la fumée enveloppe chaque partie de vos organes, qu'elle s'insinue partout, que vous flottez..

Le jeune homme reprend alors une nouvelle bouffée et la rousse séduite de voir le plaisir sur le visage masculin tend sa main vers la pipe, les doigts graciles et légèrement tremblants se posent sur ceux d'Archibald. La pipe est attirée vers ses propres lèvres et lentement elle aspire sans quitter son compagnon de jeu du regard, une lueur joueuse dans les prunelles azuréennes.

Une deuxième bouffée est aspirée avant que la seconde ne se soit dissipée dans l’alcôve. Les paupières se referment et la rousse de s'allonger, laissant la pipe aux bons soins d'Archibald. Les résidus de la nuit passée se réveillent lentement, d'ici quelques minutes, toute la machinerie se sera remise en marche et elle s'octroiera cet instant de légèreté.

Déjà les gloussements, paroles et autres bruits provenant des alcôves voisines ne se font plus que murmures d'outre tombe. Loin, tout est loin, elle s'est enfermée dans une cage qui lui convient bien, pour combien de temps encore devra t-elle se protéger, ou plutôt se détruire de la sorte.

Pourtant le visage se tourne à nouveau vers Archibald et la main d'attraper à nouveau la pipe pour tiser une troisième fois dessus.

- Pensez-vous que la mort ressemble à ça Archi ?
dit elle en expirant lentement les volutes bleutées

Elle semble tout à fait sérieuse en posant sa question. Comme si la mort pouvait ressembler à cette douceur, à ce flottement, à cet oubli du reste..comme si la mort pouvait tout résoudre..



_________________

Couturière à l'Atelier des Fées Tisserandes
Ansoald
Il la regarde évoluer au sein des nuées, sa bouche exhale la poussière des rêves opiacés, les lueurs crépusculaires de sa conscience nimbent le duvet céruléen de ses yeux. Elle s'abandonne dans le confort de la nuit blanche. Les fumées étouffent les brûlures de ses tourments. Il le voit, Il le sent, Il le partage. La deuxième bouffée a tapissé d'ouate ses poumons. Il ne tousse plus, il ne ressent plus rien, sauf le ciel qui les couvre, le monde plat qui les entoure, et elle qui s'étend à l'horizon. Le drapé de sa chevelure est une coulée de miel, comme si la pipe d'opium avait percé le soleil. Elle lui confie cet instrument maudit, l'arme du régicide, et s'oublie devant lui, en fermant les yeux, offerte à ses rêves et à ceux qui les crèvent.

Elle reste ainsi un bon moment. Ansoald pourrait en profiter. Il tend à le faire. Il se sent léger, si léger. Son poing traverserait les murs. Sa tête est une bulle et son corps une nacelle. Aucun mur ne l'obsède. Or, il regarde sa main en se demandant si la main le regarde, ou si un fil invisible tire la main brandie, ou si elle n'est qu'une diversion du chemin vers la vérité, ou si cette dernière est un peu de tout et un peu de rien de ces trois hypothèses. Par conséquent, il reste immobile et elle revient à elle et elle revient à lui.

Sa question est un appel au vertige. Elle ouvre ses mots pour lui confier sa peine, désormais qu'elle peut la partager en toute quiétude, droguée. Son interrogation pour Ansoald n'a aucun sens, mais il n'y a pas de réponse vaine quand la drogue afflue dans le cerveau et forme un coussin moelleux aux pensées les plus anxieuses. Alors, il se redresse, il se voit porté par le rouleau d'une vague, la tête emmaillotée d'écume, jusqu'à parvenir sur la grève où se tient la serveuse aux seins nus, qu'il congédie d'une pression de son doigt contre son ventre, avec une oeillade qui veut dire "plus tard".

Ensuite, il se retourne, le port impérial, le front de marbre, une main posée sur sa hanche comme un danseur qui prend son élan. Il s'avance, et de sa main libre parcourt les courbes indécentes de la jeune femme rousse allongée sous les charmes opiacés. Elle est l'eau et il est le vent, l'onde frémit sous la caresse, et il s'en faut d'un souffle pour qu'une vague de plaisir ne vienne déformer ce miroir des sens. Un sourire complice naît sur son visage, tel un serpent qui se loverait contre sa lippe.


La mort est un abysse...La drogue un vertige.

Mille vérités qui se rejoignent en une seule pour en former mille encore, indéfiniment.
Il lui reprend la pipe, en tire une large bouffée, et, au moment d'expirer, plaque ses lèvres contre sa bouche, pupilles noires dilatées tombant au fond des siennes, mais leurs langues hésitent à entrer en scène, tant le souffle est puissant. Anso parviendra-t-il à résister aux charmes de la rousse, bouleversé qu'il est par les beautés de la femme et les sortilèges de l'opium?




Baiser de la mort: 1-3
Baiser de l'amour: 4-6
09/08/1464 10:12 : Vous avez défié Carensa. aux dés et vous avez obtenu le résultat suivant : 1.


Son regard divague au-delà des boucles emmêlées. Il aperçoit la bourse aux contours enflés et les lourdes pièces qui s'amoncellent dans l'ouverture des cordons déliés. Cela ne dure qu'un instant, car il revient vite s'immerger dans les profondeurs de l'azur pour ne pas éveiller les soupçons de sa partenaire, sans compter qu'il pourrait, sait-on jamais, se prendre une baffe monumentale pour tarif de son audace. Simplement, pour renforcer son emprise, il pose une main, les doigts écartés, sur le ventre de Carensa, une position d'attente, entre les rondeurs de ses seins et le vallon de ses cuisses. Il veut qu'elle se concentre sur cette main, ne sachant où elle va se risquer, pendant que lui, Ansoald, étire l'autre bras vers la cible de sa convoitise, cette bourse qu'il happer pour la dissimuler derrière son dos.



Habile ou malhabile? Ce tirage est une simple indication, JD Carensa peut en disposer comme elle le souhaite
Habile : 1-3
Malhabile: 4-6
09/08/1464 10:32 : Vous avez défié Carensa. aux dés et vous avez obtenu le résultat suivant : 1.

_________________
Carensa.





La drogue est une maîtresse, la mort une libération



Elle se perd, délicieusement dans les tréfonds de son mal, il est là, au creux de ses reins à crever d'envie de tout dévaster sur son passage, il est là, elle le couve, comme pour ne jamais oublier ce qu'il s'est passé, comme pour se punir d'avoir été ce qu'elle a été. Bonne mère nourricière du Malin qui s'est insinué dans son sang, dans son âme, dans son corps. Elle le vit tout entier jour après jour, elle ne le subit plus puisqu'elle l'a accepté, non elle a juste signé à contrat de colocation avec cette douleur qui la détruira sans doute à petit feu. D'ailleurs n'a t-elle pas commencé ?

La rousse n'était plus l'ombre que d'elle même dehors, à présent elle ressemble à un poisson sorti de l'eau, cherchant l'oxygène en vain. Elle le regarde, ferme les yeux, elle sent ses membres engourdis, bien trop engourdis pour bouger, d'ailleurs elle n'en a pas envie non, elle veut rester ici et errer dans son monde magique, loin de toutes ses inquiétudes et de ses démons.

Elle le sent, il n'est qu'à quelques centimètres d'elle, elle le regarde, lui sourit, torturée un peu avant de refermer les yeux et savourer la caresser de ses onyx. Un souffle s'approche, elle le sent glisser sur le haut de sa gorge, les lèvres s'accostent, se découvrent, s'apprivoisent jusqu'à ce que la rousse réactive un noyau de conscience en elle parce qu'il n'y a qu'un nom qui lui vient en tête à cet instant et qu'Ansoald n'en est pas le porteur.




Calotte glacière : 1-3 
Courtoise et polie : 4-6 
20/08/1464 18:46 : Vous avez défié Ansoald aux dés et vous avez obtenu le résultat suivant : 6.



Les mains se sont posées sur le torse masculin et le visage tourné pour écourter le baiser. Elle n'en est pas à son premier amant, sans doute pas à son dernier, mais il y a ce prénom qui revient sans cesse tambour battant contre sa poitrine et puis, il y a cette chose qui dérange et qu'elle ne peut expliquer chez son compagnon d'instant. Sans doute est-elle trop méfiante, sans doute veut il juste s'amuser un peu d'elle, comme beaucoup d'hommes.

Aumônière féminine : 1-3 
Bourse aux trésors  : 4-6 
21/08/1464 12:14 : Vous avez défié Ansoald aux dés et vous avez obtenu le résultat suivant : 3.


Le bras masculin, qu'elle n'a pas vu, s'est tendu pour attraper son aumônière avant de se cacher dans le dos d'Ansoald.

Il a été habile mais il sera sûrement dépité de découvrir ce qu'il s'y cache. Tout l'or qu'elle avait sur elle a été déposé sur le comptoir du tenancier, dans cette aumônière, mouchoir, miroir de poche et ses trois cailloux porte bonheur seront trouvés.

- Allons Archibald, la neige est là, il faut sortir la calèche du fossé, nous allons être en retard aux joutes nautiques de Paris !

Bien que tout à fait sérieuse, la voix est instable, tremblante, les mains sont à l'identique. Elle sourit bêtement, certaine de la cohérence de ses propos. Un baiser est posé sur la joue du jeune homme alors qu'elle retombe lourdement sur le velours dans un état demi comateux. Esprit saint, elle se serait sans doute félicitée de ne porter en ce jour aucun bijou. Elle connaissait Paris et ses dangers, ça n'était pas la première fois qu'elle y mettait les pieds, mais peut être serait-ce la dernière..

Le corps se meut dans un retournement, offrant son dos collé à chemise de soie à son interlocuteur. L'air est chaud, et rajouté à ça l'emprise de la drogue sur elle, la sueur perle déjà sur la tempe laiteuse. Un oeil s'ouvre à nouveau tandis que la main blanche se glisse dans celle d'Ansoald, les doigts se lient, elle a besoin de lui pour passer le Cap, celui de la perte totale de conscience, celui dont on ne sait jamais si l'on reviendra ou pas mais qu'importe puisqu'on en a plus conscience... Un sourire difforme sur les lèvres bleutées remplacé bientôt par les larmes au coin de ses yeux, du rire aux larmes, ombre et lumière, Carensa & Anaïs, deux êtres en Un, destructeurs pour l'autre et tellement complémentaires.


_________________

Couturière à l'Atelier des Fées Tisserandes
Ansoald
Elle lui tourne le dos et l'attache à sa main, comme une cordée en montagne, sauf qu'elle ne le guide pas vers les sommets mais le prépare à sa chute. Les doigts liés sont faiblement tenus, car l'opium coule ses muscles dans une chape de coton. Alangui auprès d'elle, il contemple sa nuque en songeant avec amertume qu'elle a refusé l'étreinte de ses lèvres. Pis encore, elle l'a consolé comme on cajole un gamin, par la tendresse d'un bisou sur la joue. Ansoald n'aime guère les aristocrates et les drogués, et encore moins les bisous sur la joue ou les bourses garnies de colifichets....

Or, à l'abri du regard d'Anaïs, sa main libre dénouant fébrilement les fils de l’aumônière découvre un pauvre larcin. Des cailloux à se mettre sous la dent, un miroir pour contempler son infortune et un mouchoir encore sec. La déconfiture est totale. Il rêvait de richesse et de stupre, et le voilà tombé dans la stupéfaction, à veiller sur une rousse qui tombe dans l'oubli. Lui-même ne se sent pas très bien. A la fois léger comme un ballon gonflé par de l'air chaud et lourd comme une bille de plomb au fond d'une bouteille. Dichotomie du corps et de l'esprit. Sa colère altérée par l'opium est une déception, une immense tristesse qui submerge sa conscience, car il n'arrive pas à contrôler ses sentiments, à les mesurer l'un à l'autre. Le constat de cet échec patent noie toute envie, toute joie. Il n'est plus, à ses côtés, qu'un chien pour aveugles qui a pour mission de l'accompagner au pays des rêves, là où il ne veut pas surtout pas se rendre. Pour Anso, il n'est pas possible de se laisser aller à s'endormir dans ce type d'endroit, une alcôve discrète mais non celée dans une maison inconnue, dans ce drôle d'état, les réflexes engourdis et l'esprit mal assuré. Un drôle de souvenir remonte à la surface, quand il piquait les grolles des ivrognes et les revendait trois rues plus loin et recroisait ces pauvres types, nus-pieds et hagards et imbéciles.

Son regard quitte l'albâtre de sa nuque pour se perdre dans la chute de ses reins, creusés par la cambrure que les frissons opiacés procurent. Mais ce n'est pas la luxure qui le tente à présent, plutôt le luxe de cette chemise de soie. Jetant l’aumônière inutile dans un coin, il entreprend de lisser l'étoffe entre ses doigts. Jamais il n'a touché matière si délicate, aux couleurs chatoyantes sous la lueur des chandelles. L'idée de lui voler son habit est séduisante, fascinante même. L'influence de la drogue impose d'une manière absolue ce projet à son intelligence. C'est là le moyen de se venger d'Anaïs, pour tout ce qu'elle est, tout ce qu'elle représente, et tout ce qu'elle ne lui a pas donné.
Ensuite, il pourra se tirer, partir loin de cette rousse envoûtante et fuir les délices que sa bouche exhale en petits ronds de fumée. Il ne sait pas encore qu'il y reviendra, dans un endroit intime et aux plafonds bas, pour nourrir le souffle de son existence de ces griseries opportunes. Mais, pour l'heure, il se blottit contre elle, lève leurs mains enlacées à hauteur de sa bouche, effleure le revers de ses doigts d'un baiser, puis les embrasse carrément sans se gêner, l'amoindrissement des sens comme l'exaltation des sentiments bannissant toute subtilité. Il lui souffle à l'oreille sur un ton badin:


La calèche est prête, ma tendre amie, bientôt nous assisterons aux joutes sur la Seine. Nous verrons les coques noires de ces bateaux fendre l'écume, nous entendrons les mariniers héler des ordres et les lances s'entrechoquer avec fracas, nous serons portés par les clameurs de la foule, du rire, du bon vin et du soleil...

Il porte aux lèvres de la belle la pipe encore fumante, qu'elle aspire à pleins poumons les fumées de l'oubli. Il l'encourage à plonger plus profond encore, à s'abandonner totalement. Déjà il s'avise de la meilleure manière de la déshabiller sans qu'elle ne donne l'alarme. Reposant la pipe sur la petite table, il établit ensuite sa main contre l'épaule de la rousse....

Mais c'est une autre main qui vient se poser sur la sienne et soudain le tire brutalement en arrière. Il est jeté en bas du coffre sans même avoir le temps de protester. Abasourdi, Ansoald se tourne vers son agresseur. La lenteur de ses gestes l'empêche de parer une violente bourrade qui lui tance le crâne. Il reconnaît néanmoins la carrure imposante du videur de la fumerie, dont une mèche grasse lui balafre le front. Le bougre apparaît en colère, et favorablement excité de l'être:


Voleur, tire-laine, salopard! Tu te crois où ici? Dans un clapier de ta campagne? Dès que je t'ai vu à l'entrée, j'ai flairé le coup-fourré! Foutredieu, j'ai eu le nez creux!

Et d'orner sa phrase d'un coup de pied dans les côtes qu'Anso ne peut éviter, mais sans interrompre son petit discours d'auto-satisfaction:

J'ai dit à la fille de te surveiller tout particulièrement! J'ai eu raison! Te voilà à cracher de la fumée à la gueule d'une cliente pour lui tirer son or! Je vais te donner envie de cracher, moi, tu vas voir!

Le gaillard de saisir Anso par la chevelure pour le redresser, et le coup de poing donné en réponse ne l'émeut guère, pas plus que les coups de pied qu'il pare avec une facilité déconcertante. Ce spectacle pitoyable le fait rire grassement:

On dirait un rat qu'on vient de saisir par la queue! Voilà ce qui arrive quand on mélange plaisir et travail: te voilà incapable de te défendre, tout mou et désarticulé! Tu sais quoi? J'aime pas les voleurs et les fils de pute.... Et on va tellement te mettre la misère, moi et mes gars, que tu vas sentir ta douleur, avec ou sans opium, je t'en fais la promesse!

Le voilà qui, sans même accorder un regard à Carensa, propulse l'Anso en-dehors de l'alcôve. Tout entier il se consacre à la mission qu'on lui a confié, débusquer et punir les malandrins et leur faire cracher assez de dents pour leur faire passer l'envie de mordre à nouveau. Autant dire, malgré ses paroles, qu'il mélange avec allégresse travail et plaisir, se fichant des victimes tant qu'il a des coupables à rosser.
_________________
See the RP information <<   1, 2, 3, 4, 5, 6   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)