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Naissance du plus parfait des filleuls

[RP] La Mort est douce.

Don.
" Ils sont sciés !
- Quoi m'dame ?
- Mes reins. Voilà quelques jours que je saigne et cette banquette, n'aura fait qu’aggraver mon état. Faites renvoyer cette voiture en ville. Je ne veux plus y faire pénétrer un seul pied.
- Mais m'dame Dôn ! C'est qu'on est d'ja loin maint'nant! On n'peut pas !
- OOooh, ça ira. Cinq jours, cinq jours qu'il ne se passe rien, j'ai déjà eu trois mômes, ne croyez-vous pas qu'il me serait facile de détecter la moindre anomalie ?
- Ben. Si vous l'dites alors.
- Faites-moi un peu confiance. Et Baissez-vous, il y en a un là. "


Aux abords d'une Auch trop peu connue, deux femmes parcourent les fins de sentiers à la recherche des couronnés les plus affluents en ce mois d'Octobre, les tant aimés Bolets. Dôn et Mélodie collectionnent les feuilles bigarrées, qui toutes débordent d'un panier en osier acheté uniquement pour l'occasion. La seconde s’exécute lorsque la première ordonne à coups de "par-là, plus haut, mettez-vous à genoux, ramassez donc celui-ci, non pas celui-là." Il faut dire, que l'humeur de Dôn s'accorde avec la particularité du jour, chaque année ce dernier semblait être synonyme de fête et dépenses illimitées. Pour la première fois, en cet an spécial, aux yeux de la Kerdraon, le quinze ne serait qu'une journée comme les autres et il lui fallait trouver de quoi se distraire pour ne pas penser qu'ici, perdue au beau milieu d'une contrée inconnue, il n'y aurait rien de prévu, si ce n'est de boire une soupe au lait, devant un feu de cheminée bien trop faible pour réchauffer le cœur et les souvenirs de notre mélancolique.

Et pourtant, le sort en avait décidé autrement, prenant en témoins les couleurs d'un automne bien loin d'être préparé au spectacle qui se profilait tout bas.

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Isaure.beaumont
Le tapis de mousse amortissait l’écho des sabots de l’étalon qui, lancé à vive allure, écumait, sans doute un peu trop. Ivre de vitesse, Isaure ne prêtait pas attention à ces petits nuages de bave mousseuse qui s’élevaient brièvement dans les airs, avant de retomber sur l’herbe, déjà loin. Si elle y avait accordé ne serait-ce qu’un œil, sans doute aurait-elle ralenti la course, au souvenir des mots de Cassian lus quelques jours auparavant.

Voilà plusieurs jours qu’elle était partie d’Auch, laissant sur place ses compagnons, pour se rendre à Ste Illinda où elle avait suivi sa licence d’Aristotologie. Depuis qu’elle les avait quittés, obsédée par leur dernière conversation pour elle ne savait quelle raison, elle n’avait jamais cessé de songer à la mort. Mort, douce mort. Se pouvait-il que la mort soit douce ?

Elle avait alors repensé à toutes ses danses, celles qu’elles avaient pensé être les dernières, et plus précisément à cette nuit de tourmente, lorsque Judas avait scellé son sort. Il lui apparaissait aujourd’hui, étrangement, que dans toute sa violence, cette mort aurait pu être douce. L’esprit anesthésié par la drogue, le corps par la morsure du froid. Seul son cœur avait enduré mille souffrances, mais n’était-ce pas plus l’époux que la mort, qui les lui avait infligées ?

Et si parfois la promesse d’une mort douce et libératrice se faisait séduisante, le besoin de vivre se faisait plus impérieux encore. Vivre, mais sans jamais s’acquitter de cette peur sournoise, qui lui vrillait si souvent le ventre. Car chaque pas qu’elle faisait la rapprochait irrémédiablement de cette mort certaine sans qu’elle n’en connaisse l’heure et avec l'angoisse de n'avoir pas su profiter de la vie, de n'avoir rien accompli.

Consciente de ses pensées noires, comme un mauvais présage, elle pressa un peu plus les flancs de l’animal qui dut encore accélérer la cadence, hésitant entre les caprices de sa cavalière et ceux de son palpitant. Aller vite, toujours plus vite, pour chasser toute cette noirceur, toute cette obscurité effrayante. Laisser la vitesse vider son esprit de tout cela, et se concentrer sur des choses plus joyeuses : Dana, par exemple.

Elle ne l’avait pas prévenue de son retour, elle avait voulu lui faire la surprise. Car aujourd’hui était jour de liesse : celui de fêter la naissance de la plus adorable créature bretonne que le monde ait porté.

Elle se concentra sur son image, et c’est comme s’il lui semblait entendre sa voix, si réelle. Trop réelle ! C’est alors qu’elle vit cette silhouette comme sur le point d’éclater. Tirant soudainement sur les rennes, elle fit négocier à sa monture un virage serré avant de la faire ralentir jusqu’à l’arrêt total.


- Dana !!

Il ne lui fallut pas plus d’une seconde pour mettre pied à terre et rejoindre en quelques enjambées sa siamoise.


- Dana ! Quel bonheur de vous voir là ! Mais que faites-vous ici, si loin de la ville ?

Et si la pudeur ne l’avait pas tant tenue en laisse, sans doute l’aurait-elle serrée dans ses bras, contre son cœur, chassant de son esprit pour un temps toutes les idées noires de ces derniers jours. Mais elle se contenta de rester à quelques pas d’elle, le visage rayonnant, tandis que le regard s’assurait du bon état physique de cette sœur improvisée.

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Don.
Mélodie ?
Mélodie !!!
Où est encore passée cette bécasse !?


La mine renfrognée, la toute jeune mariée peste dans une messe qu'elle veut basse. Elle gronde, gronde et marmonne jusqu'à entendre une voix, qu'elle n'espérait pas.

Dana !!
Dana ! Quel bonheur de vous voir là ! Mais que faites-vous ici, si loin de la ville ?


Contenant et contenance laissent tout tomber, qui reste ?
Certainement pas les récoltes automnales qui roulent au sol, retrouvant les fougères qu'une Dôn exténuée avait étalées tantôt dans l'unique but de trouver le confort, douloureux séant calé dans la verdure. Adieu les efforts de tout un jour mais bonjour la surprise.
Et quelle surprise ! La Champenoise est là, face à elle quand soudainement tout s'enchaîne, car si depuis de longues minutes, la servante déserte son poste dédié à supporter insultes et ordres de sa vilaine maîtresse, cette dernière n'aura pas fuit la mauvaise humeur d'une Maëlweg pour rien, la mamelue s'épargnait le sanglant épisode à venir.
Brunette fulmine et se tord de douleurs depuis des heures, refusant l'aide de la ronde compagnie et voilà qu'enfin, la providence se pointe. Jumelles liées à jamais, la plus âgée tombait à point nommé.


Oh, ma doué, Isaure, Isaure, venez.
Aidez-moi à m'asseoir, je cherche cette idiote depuis.. depuis... Je, enfin me voilà abandonnée depuis quelques temps déjà et je crois que jamais je ne pourrais rentrer seule.


Et de toute évidence, c'est délestée d'un poids qu'elle quittera les lieux, impliquant fatalement un retour à deux personnes minimum, le fameux mouflet ayant décidé d'imposer sa présence sans tarder. Mais ça, têtue qu'elle est, elle refuse encore de l'admettre.

Beaumont, sous les ordres doucereux de l'amie de plus en plus gémissante, se hâte et vient presser l'épaule amicale. Les azurs se croisent, échangent et font qu'elles se comprennent. Il n'y a plus à espérer monter Brocéliande et rentrer au galop. l'évidence est là, l'enfant naîtra au beau milieu d'une étendue boisée, entre deux cèpes et trois girolles, avec pour accueil, un linceul végétal.

Désormais installée, le constat ne peut être nié et les sensations qui s'y prêtent ne permettent plus de douter.
D'une main tremblante, Bretonne tire sur les étoffes découvrant deux cuisses à la teinte pourpre. Le sang à coulé, plus qu'elle ne l'imaginait et comme si le sol n'était déjà pas assez humide, le travail de la parturiente impose un changement de sa couche en tourbe, tant elle inonde la mousse sur laquelle la lourde silhouette est assise.

Le travail s'accélère, et étrangement Dana panique. Pour la première fois.
Ses trois autres garçons étaient nés dans la quiétude et la sérénité, à chaque naissance, matrice s'assurait une surveillance non négligeable et savait faire sans qu'aucune personne ne soit dans l'obligation de venir égarer les doigts, là où elle ne le souhaitait pas. Et pourtant, aujourd'hui la peur pouvait se lire sur un visage qu'elle espérait garder neutre, lorsqu'elle sollicite son amie afin de lui confier une mission.


Trésor, vous ne pouvez pas rester.
Vous ne me seriez d'aucune utilité, il ne me reste plus qu'à faire. Et faire bien.
Prenez ce foutu canasson et.. Et allez chercher une voiture. Il.. Il nous faut penser avec pragmatisme. Une fois né, il faudra l'emporter.
Filez ! Filez vite et ne revenez que lorsque vous aurez déniché de quoi le ramener à son père !


La phrase se meurt dans un sanglot. Il lui faut pourtant ne plus subir cette lancinante douleur qui lui prend les reins en saccade.
Les paupières closes et obstruées de larmes, la jeune femme commence à pousser. Elle ne voit pas si l'Isaure est encore là, elle ne cherche plus à savoir où est la bonniche, qu'il lui faudra songer à congédier, elle ne sait plus rien de la lande muette, où elle siège. Seul le vent vient accompagner les quelques hoquets qu'elle laisse s'échapper, expulsés par un diaphragme alarmé.


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Isaure.beaumont
- Dana ? Dana ! Mais Dana ! Non, non vous ne pouvez pas ! Ressaisissez-vous ! Nous ne sommes pas le vingt ! Ce n’est pas encore mon anniversaire ! Ce n’est pas ainsi que cela devait se passer !

Mais déjà la parturiente s’était enfermée dans sa douleur. Cette douleur qui suspend tout, qui vous laisse hors du temps. Cette souffrance qui vous propulse par-delà la mort et vous laisse entre deux mondes. Vous n’êtes plus tout à fait vivante mais pas encore morte non plus. Et le cri de l’âme qui se distend, le hurlement du corps qui enfante. Isaure ne connaissait que trop bien, mais c’était une chose de la ressentir et une autre d’assister impuissante à la délivrance. La mort était douce, à côté de ce spectacle.

- Je ne vous laisserais pas ainsi Dana, seule dans la nature, à devoir supporter seule ce que Theodrik vous a infligé !

Elle le maudissait, en cet instant, alors que la peur la tenaillait. Et si Dana mourrait ? Tout ce sang, toute cette vie qui s’échappait de son corps. Et ses cris, terrifiants, qui vous glaçaient le sang. Désemparée, elle ne savait que faire, que dire. Agenouillée à ses côtés, elle regardait autour d’elles, frénétiquement. Mais elles étaient seules, désespérément seules.

Et de nouveau, l’assaut d’une contraction fit chanter Dana, alors Isaure se saisit de sa main, espérant qu’au travers du brouillard qui l’enveloppait, elle ressentirait sa présence amie. Mauvaise idée : sa main fut broyée à en faire pâlir les phalanges bretonnes, l’alliance norvégienne venant marquer profondément la peau martyr d’une Isaure dévouée.

- Foutredieu Dana !! DANA !!! Bordel de petite pute vérolée ! Vous me faites maaaaal !


Elle s’était redressée sur ses genoux, essayant d’extraire sa main maltraitée, se tortillant dans tous les sens et tirant dessus pour la délivrer.

- Démone, souffla-t-elle une fois sa main récupérée qu’elle massa quelques longues secondes avant de se reprendre. Depuis quand étaient-elles ici ? Depuis combien d’heures, le travail avait-il commencé ? Combien de temps cela prendrait-il encore ?

Pourquoi donc cela lui semblait-il si long ? Elle regarda inquiète la bretonne qui restait digne dans sa souffrance. Si certaines femmes hurlaient comme des possédées, Dana était aussi discrète qu’une petite souris. Les souris criaient-elles en mettant bas ?

Mais ce sang, tout ce sang. Le regard migra vers le bas ventre, sans vraiment oser s’y attarder. Il faudrait pourtant bien qu’elle s’y intéresse, quand le moment serait venu, car de matrone il n’y avait pas ici. Il n’y avait qu’elle.

Et subitement, ses pensées morbides des derniers jours l’assaillirent de nouveau. Et si c’était un présage ? Et si c’était la fin ? Elle se souvint alors qu’elle avait une petite fiole dans sa poche intérieure. S’en saisissant, elle commença à prier.


- Seigneur, mon Dieu, toi qui n’es qu’Amour, donne-lui la force nécessaire pour cette épreuve. Insuffle-lui la vie. Ne la laisse pas mourir, Ô Seigneur. Entends ma prière et laisse les vivre !

Elle déboucha le précieux petit flacon et dans un geste désordonné aspergea Dana d’eau bénite, puisée à Sainte Illinda. C’est alors que tout sembla se précipiter.

- Amen ! .... Foutredieu, mais qu’est-ce donc !

Penchée devant le breton entrejambe, elle put constater l’avancée hésitante d’une masse sombre. La Nærbøfj-Røykkness poussait et Isaure avec elle, intensément.

- Dana, il arrive, je vois sa tête ! Poussez Dana aussi fort que vous m’aimez ! Ah mon dieu, comment est-ce possible d’avoir tant de cheveux ! Aaaah ! Gniiiiiiiiééééé. Oui ! Oui ! Oui ! Poussez. OH mon dieu, mon dieu, mon dieu, il arrive. Je fais quoi !! Je fais quoi Dana !!!! FOutredieu ! Ayez pitié de moi Seigneur ! Ne me laissez pas seule !

Et de réceptionner maladroitement le petit corps encore chaud des entrailles maternelles. Les gestes étaient maladroits mais plein de tendresse. Si petit, si fragile. Elle ramena le petit être sanguinolent contre elle, sans songer un instant à ses vêtements, et dépossédant la mère, sans doute dans l’attente de découvrir la chair de sa chair. Plongée dans sa contemplation, l’émotion gagna Isaure. Dans le creux de son bras reposait la parfaite petite tête, étonnamment surmontée d’une épaisse toison, du petit être tout neuf. Les gestes raides et désordonnés accompagnaient les protestations vives du nourrisson. D’un doigt léger, elle vint découvrir le faciès inconnu, le caressant doucement, s’attardant sur le nez épaté, avant de venir redessiner le contour d’une petite oreille ronde. Cet enfant était la perfection même et elle se prit à l’aimer instantanément.

- A qui ressembles-tu le plus, merveille de mon cœur ? lui chuchota-t-elle. Et quand les cris de l’enfant redoublèrent d’intensité, s’enorgueillissant de la vigueur de ses gestes, elle prit conscience qu’il était nu, aussi nu qu’Adam et Eve, dans la brise d’automne. Et les émotions la submergèrent, laissant échapper une cascade de larme.

- Je n’ai même pas pris les draps ! Mon dieu, je n’ai même pas de draps !



Se défaisant de sa cape, elle enroula le nouveau-né dedans avant de le confier enfin à celle dont il avait entendu le cœur battre pendant neuf mois.

- Mon dieu, tant de sang, Dana. Vous saignez tant !
- Peut-être parce que je viens de mettre au monde un foutu bébé de géant !!
- Olalala ! Ca ne s’arrête plus, ça coule, ça s’écoule, vous vous videz !!
- Gast*, Isaure, pitié, Serr da veg**! Je n'en peux plus d'entendre vos putains de conneries !!


Impressionnée par une telle quantité, elle essaya de faire cesser le saignement avec les pans de la robe de la suppliciée du jour. Mais il fallait se rendre à l’évidence. Il était temps d’aller chercher de l’aide, et des draps. C’est donc couverte de sang, de la tête aux pieds, en passant par la robe imbibée, qu’Isaure remonta en selle après avoir rassurée Dana : elle serait de retour bien vite.

Galopant comme jamais encore elle n’avait galopée, fébrile, poussant Brocéliande-Burgondae dans ses derniers retranchements, elle arriva enfin à Auch. Une fois à terre, abandonnant son étalon qui peinait à se remettre de sa folle course, elle s’engouffra dans l’auberge qui abritait la petite troupe à la recherche de Theodrik.


- Theodrik !! Theodriiiiik ??!



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*Gast : Putain
**Serr da veg : ferme la

Dialogue avec JD Dôn
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Theodrik
    Les cartes pleuvaient. Autour du norvégien, vilaines gueules et paysans tremblotants jouaient leurs dernières récoltes et leurs lopins de terre à la bonne volonté du hasard et de la triche. Géant inexpressif n’avait pour lui rien de très précieux, il faisait partie de ceux qu’une défaite n’aurait foutu sur la paille. Car ses seules possessions se situaient en Kalmar, et aucun parieur n’aurait voulu y foutre la pointe de la botte. Assuré qu’il était de gagner plus que de n’en perdre, il trônait de sa hauteur plombante, la hure mal aimable et rude. Intimidant, il l’était davantage de la froideur de ses regards, nids d’autorité hérités de son père, que de l’épaisseur de son attirail musculaire.

    Toujours est-il qu’il se fondait miraculeusement dans ce rustique décor, où même les cartes suintaient l’alcool. Rien n’aurait su troubler l’instant décisif où, la poigne en l’air, Norvégien allait abattre son jeu. Rien, si ce n’est Beaumont. Ou plutôt, les beuglements stridents de la Beaumont.

    Première réaction : exaspération profonde. L’habitude n’a fait son œuvre : les crises hystériques d’Isaure le blasent autant qu’un chiard se pendant aux bras paternels pour réclamer un jeu (et la métaphore ici a toute son importance).
    Seconde réaction : mais que fait la Beaumont exilée à Auch, alors qu’elle s’illustrait en comédienne dans des adieux larmoyants il y a quelques jours à peine ?
    Et enfin, tangible réaction : le géant de quitter partie en pleine action, pour répondre aux hurlements d’Isaure.



    - Calmez-vous, Beaumont. Que s’passe-t-il ? Vous avez couru ? Té, Cassian vous a r’filé d’la fiente de ch’val, ça n’à rien d’étonnant.

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By JD Dôn.
Isaure.beaumont
Essoufflée, sans doute l’était-elle par cette petite course entreprise entre les écuries et l’auberge. Mais peut-être plus encore par la situation unique qu’elle venait de vivre, se remettant à peine de la vive émotion des dernières minutes. Une main passa sur son visage, ajoutant une peinture de guerre de plus sur celui-ci. Le constat de ses mains l’interpella.

- Tout ce sang, mon dieu, tout ce sang ! Tant de sang ! Non, non ! C’est Dana Theodrik ! C’est fini !


Elle aurait pu ajouter que l’enfant était né et qu’ils semblaient tous deux en suffisamment bonne forme pour couper à tout malentendu, mais sa lucidité était aux abonnés absents pour les prochaines heures. Elle jeta un rapide coup d’œil à la tablée derrière elle, fronça légèrement les sourcils avant de se souvenir qu’elle avait tant à faire encore.

- Faites préparer une voiture, une charrette, ou que sais-je encore. J’arrive avec ce qu’il faut.

Elle disparut un instant à l’étage, dans cette chambre qu’elle avait réservée, même sans l’occuper ces derniers jours. Elle y récupéra une pile de linges achetés en prévision et à moitié brodés. Constatant son triste état, elle prit le temps de se laver bras, mains et figure pour paraître un tant soit peu plus présentable, quand la robe, elle, restait souillée de la naissance qui l’avait prise de court.

Regagnant la pièce principale, elle fit demander qu’on lui porte de grosses outres d’eau, un récipient pour la réchauffer ainsi qu’une gourde d’alcool quelconque. Le tout fut confié à Theodrik le temps de charger une partie du barda sur sa monture. S’il posait des questions, elle était bien trop occupée pour vraiment les comprendre et y apporter la réponse attendue.


- Elle est au Nord d’Auch, à l’orée du bois, vous savez, peu avant ce carrefour où trône ce magnifique calvaire. Je vais prendre Brocéliande-Burgondae pour aller plus vite. Restez au bord du chemin, attendez que je vienne vous rechercher. Je vais les rendre plus présentable pour que la vue de tout ce sang, – mon dieu tant de sang ! – ne vous fasse pas tourner de l’œil !

Une fois prête, elle fit signe à Theodrik de l’aider à se mettre en selle, et sans lui laisser le temps d’ajouter quoique ce soit, d’une pression assurée sur les flancs de la bête, elle la fit partir à vive allure. Le rythme imposé à l’animal était à la hauteur de son impatience, de son excitation et de son inquiétude. Et si Dana avait succombé entre temps ? Et si un animal sauvage en avait profité pour emmener le nourrisson et le dévorer ?

Une pression prolongée indiqua à l’étalon qu’on attendait de lui une plus grande vitesse encore. Ce n’est qu’une fois arrivée sur place que son cœur, sur le point d’éclater, trouva le repos. Mère et enfant semblaient toujours animés.


- Dana ! Me voilà. Comment vous sentez-vous ? Et l'enfant ?


Elle mit pied à terre, détacha le matériel dont elle aurait besoin et après avoir recouvert rapidement l’accouchée d’un drap pour préserver sa pudeur tout en admirant le joli profil poupon, elle s’attela à faire naître un feu. Une petite prière fut prononcée rapidement pour Hyacinthe, sans qui jamais, elle n’aurait su allumer un feu si promptement. Ni même un feu tout court. Le contenant fut rempli d’eau et placé sur le feu. Quand l’eau serait suffisamment tiède, il serait temps de prodiguer à la bretonne une première toilette.
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Don.
Jamais elle n'avait été seule lors d'une situation similaire. Aussi, quand le départ d'Isaure laisse place au silence, la jeune femme peut enfin se laisser aller à quelques attendrissements maternels.

Un quatrième petit mâle venait de compléter une fratrie déjà conséquente bien qu'amputée du dernier cadet né. D'un geste appliqué, le dos du pouce vient caresser la joue encore meurtrie du tout petit. L'index à sa suite parcourt l'humble nez rondelet de l'intéressé. Et cette bouche ! Ronde et dont chaque coin finissait en une virgule capricieuse. Tous les fils Kerdraon dévoilaient de beaux yeux céruléens, quand est-il du petit Nærbøfj-Røykkness ? Pour l'heure, le mystère reste entier, l'enfançon garde les paupières closes, permettant à sa mère d'oublier un instant la douce contemplation dans laquelle il serait bien trop facile de se perdre, pour enfin ajuster ses jupons. Les dégâts irréversibles entamant ses étoffes n'eurent pas l'air de dépiter la grande amatrice de robes qu'était Dana. Au mieux, Mayeul saurait quoi faire. Au pire, il faudrait réclamer à Théodrik une nouvelle garde robe qui serait capable de les endetter sur plusieurs millénaires.

D'étranges secousses vinrent tirer Maëlweg de ses étranges pensées. Le vent claque, et après pareille épreuve, il fallait à l'accouchée la chaleur d'une couche salutaire. Apeurée, par la sensation glacée prenant en otage l’entièreté de son échine, le retour de Beaumont fut accueilli par une activation de la mandibule, plutôt conséquente.


Oh, Isaurore !
Comme vous arrivez à point nommé. Où est la voiture ? Chose va bien, mais il ne faudra guère tarder à l'emmener.
Je.. j'ai froid et je crois qu'il me faut rentrer.


La suite des événements s’enchaîne. Toilettage, débarbouillage, astiquage, essuyage, savonnage... Et bien vite, repérage. Car si Isaure n'avait pas encore évoqué la venue du principal concerné par la naissance d'un héritier, l'amoureuse espérait qu'il vienne à la rescousse, pour au moins rencontrer son hoir.
Les sens à l'affût, et enfin relevée, la louve improvisée guette.

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Theodrik
Et elle le plantait là, comme un con.
Un con. Un grand con, avec sa gueule alarmée et ses cartes tombées des paluches. Le jeu étalé au sol, à découvert. La trogne tout aussi exposée. Et là, le néant. Que fait-on, lors d'un accouchement ? Qu'emporter ? Le sang étalé sur le faciès affolé de la Beaumont lui revient, et la vieille angoisse renaît. Il la revoit, le corps froid de sa mère portant celui chaud et sanglant de sa cadette. Il visualise son père, les hurlements de rage et la maisonnée tremblant sous ses pas. Etait-elle déjà morte ? Le sang, était-ce le sien ? Et le silence de Beaumont ? Etait-ce pour ne pas le lui dire ? Autant de questions qui se bousculent sans que la bouche n'en laisse s'échapper. Stoïque, il ne l'est plus, même s'il doit s'apparenter à un automate, lorsqu'il aide machinalement la jeune marraine à grimper sur sa monture. A sa suite, il fait acheminer la voiture jusqu'à l'endroit décrit par l'amie, achevant le pauvre animal de coups secs et empressés.

Elle n'est pas morte. Il le sent.
Lorsqu'il arrive sur les lieux, siamoises sont déjà réunies. Il lui semble que bataille est déjà menée et que sa présence est plus qu'attendue. L'angoisse, pourtant, le prend et le lacère. Plus que jamais, Mère est présente et son fantôme plane sur l'aîné. Refreinant peur & appréhension, le grand dadais fait père s'approche à grandes enjambées pour contempler l'épouse épuisée. Sur ses épaules est largué sa lourde veste. Parce qu'elle tient debout. D'une pogne, Nærbøfj-Røykkness attire à lui sa femme, et respire. Sa peau est chaude. Elle est vive. Elle est en vie.
Soulagement l'envahit plus vite que la joie. Un baiser est porté à ses lèvres.


- Dana. Vous êtes... En vie ? Peut mieux faire. Belle. Même achevée par la fatigue. Même lourde de la douleur à peine évacuée. Vous pouvez marcher ? Laissez-moi vous porter. Est-ce douloureux ? Bien sûr que ça l'est, grand idiot. Regarde ses yeux. Regard dévie sur l'enfant. C'est...Ton fils, Norvège. Il est... vivant. Ouais, là, c'est tout ce qu'on peut réellement en dire. Père se penche sur sa progéniture, le poitrail gonflé d'un sentiment poignant qu'il ne connaît encore. Et c'est sûrement à cet instant précis, que Géant comprit que de cette petite chose au pif empâté et à la gueule constipée, sa vie dépendrait désormais. Le gouailleur en a perdu le verbe.
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By JD Dôn.
Isaure.beaumont
Les retrouvailles. La rencontre.

Isaure était de trop, c’était évident. La naissance d’un enfant procurait beaucoup de joie, une certaine euphorie mais aussi son lot de questions pour les parents. Il était l’heure de s’effacer et de laisser la place à ce duo devenu trio. Elle observait la scène, heureuse pour ces deux âmes qu’elle s’était prise à aimer, et le fruit de leur fusion, si petit, contre eux.

Brynjar, enfant du bonheur, enfant de l’amour. Enfant de l’espoir pour Isaure. Elle ne lui avait pas donné la vie, mais elle sentait déjà grandir pour lui un amour semblable à celui qu’elle avait porté à ses enfants : sans faille, sans condition. Et pourtant, il y a aussi cette envie, qui s’insinuait, cette jalousie sourde qui rôdait.

Il faudrait bientôt leur laisser plus d’espace. Il serait temps de se séparer. Ce serait d’ailleurs le thème de leur prochaine dispute, mais elles l’ignoraient. Une dispute qui entraînerait Isaure sur d’étranges chemins. Si elle savait, sans doute ce serait-elle dit : sauve qui prie !

Elle se dirigea vers Brocéliande-Burgondae qui semblait encore en train de récupérer de sa dernière course. Se saisissant des rênes, elle se tourna une dernière fois pour les regarder Et alors qu’elle s’attendrissait de nouveau devant le tableau de cette nouvelle famille, le sol trembla sous ses pieds tandis qu’elle manquait d’être emportée.

BLOM.

Brocéliande-Burgondae venait de s’écrouler au sol, évitant de justesse, dans un dernier sursaut d’intelligence de l’écraser. Abasourdie et impuissante, Isaure regarda l’étalon couché sur les flancs, les quatre fers s’agitant en parfaite synchronisation le temps d’une dernière convulsion. Puis tout fut calme de nouveau.

Une vie pour une mort. Fut-elle seulement douce ?

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