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Dans une taverne moulinoise, il y a quelques mois de ça. Arthur Dayne est alors le maire de la ville, où est de passage Maeve Alterac.

[RP] Quand le maire devient nounou

Arthurdayne
Bel après-midi moulinois. Le temps ne faisait pas trop des siennes, ces derniers jours. Sans être resplendissant, le ciel se parait de couleurs qui annonçaient déjà les premières journées estivales. Quoi de mieux pour emmener une petite fille avide de nouveauté à la découverte de Moulins.

Maeve Alterac était le nom de la petite rouquine qui marchait à ses côtés, main gracile glissée dans la sienne. Des yeux remplis de malice, une foule de "pourquoi" plein la tête, et un caractère qui promettait d'être trempé comme une lame à la forge. Iliana les accompagnait dans leur promenade, gambadant devant eux, à la recherche de mystérieux trésors qu'elle seule connaissait.

Arthur ne saurait vraiment dire pourquoi la gamine s'était entichée de lui. Il avait toujours eu un contact assez facile avec les enfants, bien plus qu'avec les adultes, pour preuve la petite Azenora à qui il comptait rendre visite en Bretagne. Mais il savait au fond de lui qu'il y avait quelque chose de différent avec Maeve. Peut-être cela avait-il un lien avec Gaspard.

Le garçonnet était arrivé la veille à Moulins escorté par Sunie. D'emblée, Arthur l'avait reconnu à ses yeux. Il les avait hérité d'elle, cela ne faisait aucun doute. Etait-ce la raison pour laquelle Arthur n'arrivait pas à lui parler? Ce regard empêchait-il les mots de sortir de sa gorge? Malgré plusieurs approches, il n'était pas parvenu à dire à Gaspard qui il était pour sa mère. Incapable de lui dire qu'il avait été le premier, exceptés Thea et sa nourrice, à le prendre dans ses bras. Lui dire qu'il l'avait marqué de son sang, ça, ce n'était pas utile. Bien trop petit pour comprendre. Peut être dans quelques années... Enfin, il faudrait pour cela qu'il commence. Que des mots autres que des belles paroles sur les chevaliers et les dragons ne franchissent la barrière de ses lèvres.

Alors peut-être que Maeve... Oui, peut-être que cette drôle de relation qu'il tissait avec la petite fille était comme une branche de salut. Parce que Maeve savait, bien trop futée pour ne pas avoir compris, ce qu'Apo et lui étaient. Et c'était elle qui se chargerait de Gaspard. Enfin... bien sûr, Marie Alice s'occuperait de son éducation. Bonnes manières, vie en société, et bla bla bla. Mais l'apprentissage de la vie, la vraie, il la ferait avec Maeve. Alors autant qu'elle sache, puisqu'il n'arrivait pas pour le moment à lui dire à lui.

Instinctivement, ses pas les avait menés à la rivière. Là où, tant de fois ces derniers jours, ces dernières nuits, il était venu lorsque les émotions étaient trop fortes. Colère, rage, tristesse, mélancolie, chaque fois il venait là, pour tenter, souvent vainement, de les apaiser. Le ronronnement doux de l'eau qui s'écoulait sans prendre garde au temps qui passe avait cette vertu, parfois. Iliana avait déjà trouvé un compagnon de jeu, Barristan s'étant aventuré jusqu'ici, comme il lui arrivait souvent de le faire. Le chat au pelage gris lui mordillait les mollets alors qu'elle essayait de l'attraper.

Arthur esquissa un sourire devant les jeux de sa petite fée, avant de poser son regard sur Maeve. La petite n'avait pas lâché sa main, ses yeux bleus détaillant le paysage qui les entourait, rivière, arbres, buissons.

C'est l'Allier, notre rivière, à Moulins. C'est moins grand que la mer, mais j'aime bien venir ici, trouver un peu de calme quand... quand j'ai trop de travail.
Maeve.
Enfin... Elle s'était jetée dans les bras de sa mère à Sancerre, ravie de retrouver le refuge de l'étreinte maternelle, le regard rassurant, même si fâché, de Marie sur elle. Immédiatement, elle s'était sentie mieux, plus grande, plus sûre d'elle, prête à tout affronter si tant est que c'est avec sa maman.
La route de nouveau s'est faite, quelques grognements en plus, beaucoup de rires en sus aussi, malgré les disputes que Maeve a clairement méritées... Leandre n'en mène d'ailleurs pas très large non plus, tout futur chevalier qu'il soit.

Toujours est-il que tout le petit groupe arrive à Moulins, où ils doivent récupérer un petit garçon. Marie-Alice lui a dit que c'était le fils de son amie qui était morte, et qu'il allait habiter avec eux. Après avoir rencontré Gabrielle qu'elle considère déjà comme une soeur, elle a hâte de voir ce qu'il vaut, le jeune Gaspard. Et elle n'est pas déçue. Bien sûr, c'est un bébé encore ou presque, mais il veut chasser les dragons, et devenir chevalier, et puis il est gentil... Maeve l'adopte presque aussi vite qu'elle a intégré Gabrielle dans sa famille.
Et autour de Gaspard, tout un groupe, tout un village qui gravite. Et Maeve, curieuse devant l'Eternel, ne se prive pas. Questions sur questions, pourquoi qui succèdent aux précédents... Et une drôle d'amitié qui voit le jour entre un maire et une jeune rouquine. Il a une fille, il a les yeux de la même couleur que Maman, il est gentil et accepte de mettre des fruits dans le lait...

Marie-Alice lui ayant accordé sa confiance, Arthur se retrouve investi de la mission (et c'en est une !) délicate de s'occuper de Maeve quand sa mère doit s'absenter de la taverne où ils ont élu domicile. De pourquoi en comment, elle lui arrache un sourire, puis un deuxième, et des tas d'anecdotes, d'histoires, qu'elle pourra ensuite raconter à ses frères et soeurs, enfin surtout à Gaspard, que cela concerne.
Et puis... Fourmis dans les gambettes, elle propose d'aller faire un tour, il attrape sa menotte et embarque Iliana qui galope devant eux. Maeve, ses grands yeux à la fête, regarde partout autour d'elle, posant encore myriades de questions, ravie des réponses toujours claires d'Arthur, même quand elle glisse sur des sujets plus délicats comme les demi-sourires du maire.

Et puis, devant eux, soudain, de l'eau. Un fleuve qui s'écoule, tranquille, éloigné des vicissitudes bassement humaines, de son rythme... Déjà elle cherche des coquillages. De l'eau... des coquillages... Non ? Non. Semblerait que non... Minois qui se lève vers le brun au regard triste.


C'est l'Allier, notre rivière, à Moulins. C'est moins grand que la mer, mais j'aime bien venir ici, trouver un peu de calme quand... quand j'ai trop de travail.


Moi si j'étais toi, je viendrais aussi quand je suis triste, parce que c'est très... calme et joli.


Naïveté flagrante de l'enfance, à chacun sa vérité. Celle de Maeve tombe rarement à côté. Et puis elle entraine déjà le père et la fille un peu plus loin, longeant la rive, rejoignant le village aussi. L'architecture l'a toujours intéressée, elle aime bien voir les poutres, les murs, se demander comment ça tient debout.
Arthur, en bon guide, lui indique les masures de chacun, puis les maisons au fil des quartiers qu'ils traversent. Iliana courant toujours devant, avant de revenir prendre la deuxième main du maire, pour mieux repartir chahuter les cailloux et le chat un peu plus loin. Alors qu'ils repassent dans le coin des tavernes, Maeve a soif.


Dis Arthur, tu nous fais un verre de lait avec des fruits dedans ?


Petit sourire contrit, et elle ajoute :

S'il te plait.


Les portes se franchissent rapidement, pas comme si elle ne connaissait pas le coin la petite Alterac, trois jours qu'elle use le fond de ses braies sur les chaises de l'auberge. Enthousiaste, toujours, elle trottine sur le plancher de la taverne, pourfendant dragons et bretons imaginaires pendant qu'Arthur file dans la réserve chercher une bouteille de lait et quelques fruits. Iliana, juchée sur le comptoir, observe cette étrange petite rouquine qui se dépense sans compter dans son entrainement de chevalier.
Un peu gênée dans ses mouvements, elle s'arrête un instant, pour sortir de ses poches un nombre impossible de coquillages qu'elle pose sur la table, les alignant par ordre de couleurs, très important ça, l'ordre... jusqu'à ce que son préféré, le rose, s'échappe des menottes empressées. Léger cri de stupéfaction avant que les prunelles azurées ne se dépêchent à la poursuite du coquillage perdu.
Elle ne chougne pas, parce qu'un chevalier ça ne chougne pas, mais à quatre pattes sur le plancher, elle arpente la taverne, rampant sous la table. C'est qu'il est petit ce coquillage, c'est pour ça que c'est son préféré, en plus de sa jolie couleur rose...

Et là, entre deux lames du parquet, ça brille. Elle se relève brusquement.


Aïeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee!

Exclamation aussi violente que le choc du bois contre sa petite tête, menotte qui vient masser le point d'impact, et son menton commence à trembler. Douloureux....

_________________
--Iliana
Chouette de chouette, une promenade. C'est qu'elle aime bien Moulins, les petite ruelles et le bord de la rivière, Iliana. Même si papa ne veut pas vraiment qu'elle y aille toute seule. Faut pas le dire, mais il y va quand même. Elle désobéit même pas, parc qu'elle est pas vraiment toute seule, elle y va avec Maë. Pas sûr que l'argument vaille aux yeux de papa, alors dans le doute, elle se garde bien de le dire. Pis Maë dit tout le temps qu'il faut rien leur dire, aux grands, que moins ils en savent, mieux ils se portent. Et comme elle est un peu grande, Maë, plus qu'Iliana en tout cas, ben elle doit avoir un peu raison.

Mais Maë est pas là, aujourd'hui. Aujourd'hui, Ili se promène juste avec papa et Maeve. C'est drôle, son nom commence comme Maë, mais un peu plus long. Enfin, pas tout à fait, parce qu'en vrai, Maë elle s'appelle Maëline, mais faut pas trop le dire, elle préfère Maë.

Maeve, elle est encore plus grande. Et elle a toujours de belles robes, même si elles restent pas propres très longtemps. Sa maman a l'air un peu sévère, pis un peu triste, surtout, un peu comme papa, tiens. Papa, il est jamais vraiment sévère, sauf quand il se met très en colère, ce qui arrive pas si souvent, heureusement. Par contre, il est triste.

Tout en vagabondant dans ses pensées, Iliana s'en alla courir après Barristan, ce chat tout gris qui aimait bien, comme papa, venir s'allonger au bord de la rivière.

Il est triste, papa, et c'est pas évident de comprendre pourquoi. Il y a pleins de choses bizarres, ces derniers temps. D'abord, maman est revenue vivre à la chaumière. Ca lui a fait bizarre, à Iliana, parce que maman, elle avait toujours été loin. Même quand elle était rentrée à Moulins, elle avait sa maisonnette à elle dans le village. Et puis il y avait eu la méchante attaque des brigands, et papa et maman avaient été un peu blessés. Et puis il y avait Apolonie. Elle faisait un peu peur, elle, à toujours grogner quand on passait dans ses jambes, et à nous regarder comme si on pouvait pas aller loin hors de sa vue.

Mais papa, il l'aimait bien. Alors elle devait pas être si méchante. Même qu'une fois ou deux, Iliana l'avait entendue rigoler, d'un vrai rire pas comme elle faisait d'habitude, où on voyait bien que c'était un rire pour de faux. Maë, elle avait jamais voulu croire qu'Apo le dragon elle pouvait rire pour de vrai.

Et puis papa était parti. Maman avait pleuré, beaucoup, papa aussi, tout le monde, quoi. Iliana, elle avait dormi chez Lili, puis chez Ninon, puis à la taverne, puis à la chaumière, un peu comme une voyageuse. Sauf que c'était pas très marrant, comme voyage. Maë, elle disait que c'était des histoires de grands, et que les grands, ils font toujours des histoires pour rien, et que s'ils étaient pas là, ça serait plus facile à vivre. Mais Iliana, tout ce qu'elle voulait, c'est que papa et maman, ils arrêtent d'être triste. Elle voyait bien que c'était un peu à cause d'Apolonie, tout ça, mais papa, il était bien que quand il était avec elle. Pour ça qu'un jour, elle était grimpée sur ses genoux, au dragon, et qu'elle lui avait fait un gros bisou sur la joue, avant de courir jouer dans la réserve, des fois que Maë ait raison, et qu'elle aurait vraiment été un dragon. Elle lui avait fait un bisou pour lui dire merci que papa soit content avec elle, même si elle comprenait pas vraiment tout à leurs histoires de grands.

Pis elle était retournée avec maman, pour quelques jours, et elle lui avait fait encore plus de bisous. Parce que faut pas rigoler, quand même, sa maman elle l'aime encore plus du monde entier. Mais maman, elle est repartie en voyage avec Ninon. Elle a pas trop compris, encore, Iliana, et elle avait beaucoup pleuré. Marre des trucs de grands qu'on comprend rien. Alors avec Maë, elles avaient commencé à s'installer une cachette dans la grotte secrète de Maë, parce que papa, il voulait partir de Moulins aussi.

Mais ça, faut pas le dire. Surtout depuis que tout le monde est encore plus triste. Même Grid le grognon, ben elle a bien vu dans ses yeux tout brillants qu'il était très triste. Parce qu'Apolonie, elle est partie. Loin, très loin elle a dit, Maë. Papa, il avait jamais trop su bien expliquer, ça se voyait que ça lui faisait mal. Quand elle lui avait demandé pourquoi Lili devait lui soigner ses mains et mettre tout plein de bandages, il avait dit que c'était à cause qu'il était très triste qu'Apolonie soit partie. Maë disait qu'il avait du se battre, mais elle y croyait pas trop, Ili. Le seul truc qu'elle avait pu attraper dans leurs histoires de grand, c'était qu'il avait combattu un tronc d'arbre. Il est pas toujours très malin, mais quand même pas aussi bête, papa...

Alors elle s'était contentée de ce qu'on avait bien voulu lui dire, et elle avait décidé de faire comme Maë. De s'en ficher, de leurs histoires de grands qui servent à rien qu'à être triste.

Et encore raté... Barristan, il était beaucoup plus agile que le gros Oswell. Et il se laissait moins faire que Gerold ou Ashara... Même qu'il venait lui mordiller les jambes par derrière. Iliana courut vers son père et Maeve, qu'il tenait par la main, et attrapa son autre main. Elle ne serra pas trop fort, parce que même s'il avait plus ses bandages, elle savait qu'il avait encore mal, parfois.

Et puis Maeve demanda du lait fraise. Chouette! C'était bon, le lait fraise! Bien meilleur que le lait bière d'Azenora... bouah...

Elle lâcha la main d'Arthur et fila vers la taverne. Elle alla se percher sur le comptoir, en attendant que papa revienne avec leurs boissons. Maeve, elle, elle recommença à se battre contre rien du tout, comme elle faisait tout le temps. Elle voulait être chevalier, elle avait dit. Maman, elle était soldat, mais pas chevalier. Ili avait jamais vraiment compris la différence, sauf que les chevaliers, ils avaient l'air plus important. Peut être leur épée était plus grande... Pour le moment, elle était invisible, son épée, à Maeve.

La petite rouquine s'arrêta et sortit tous ses coquillages de ses poches. Elle en avait plein, tous jolis, et même qu'une fois, elle avait bien voulu qu'Ili en prenne un dans sa main. Elle l'avait vite remis, parce qu'il avait l'air tout fragile et qu'elle avait pas voulu le casser. Et puis en plus, elle a un drôle de caractère, parfois, Maeve... Peut être parce qu'elle est un peu grande...

Quand un des ses petits trésors glissa sous la table, Maeve s'y précipita à quatre pattes. Et soudain...

Bang!

Iliana ouvrit de grands yeux de surprise. Ca doit faire mal, ça... Elle bondit de son piédestal et courut aussi vite que ses petites gambettes les permettaient jusque sous la table. Maeve, elle se frottait la tête d'une main, et dans ses yeux, y'avaient plein de larmes qui voulaient à tout prix s'échapper. Aïe aïe aïe...

Alors Ili fit comme papa faisait quand elle se faisait mal, comme l'autre jour quand elle était tombée dans l'escalier, tiens... Elle déposa une bise sur le nez de Maeve.

C'est un bisou qui guérit... papa il dit que ça marche, mais ça marche pas vraiment... enfin, un peu, mais ça guérit pas tout quand t'as très mal...T'as pas trop mal quand même?
Arthurdayne
Iliana abandonna bien vite sa bataille contre Barristan. Le chat au pelage gris n'était pas un adversaire des plus dociles... C'est le regard pétillant d'une joie toute simple qu'Iliana revint vers eux, et attrapa la main libre d'Arthur. Encore un peu raides, ses doigts semblèrent irradier d'une énergie réparatrice au contact des deux petites menottes. Ses six phalanges brisées sur ce maudit tronc lui rappelait chaque matin, lorsqu'il fallait détendre ses doigts engourdis par la nuit sans sommeil, cette rage stupide et dévastatrice qui l'avait envahie lorsqu'elle était partie, et qu'un autre avait cueilli son dernier baiser.

Mais pour l'heure, Arthur se sentait étrangement... bien? Non, pas tout à fait. Il y avait toujours ce vide atroce en lui, ce gouffre béant dans lequel il craignait sans cesse de disparaître corps et biens. Non, il était plutôt comme... rassuré. Oui, là, sur ce chemin de terre, tenant deux petites filles par la main, Arthur avait le sentiment que rien ne pouvait plus arriver, qu'une sorte de pause faisait barrage à son désespoir. Iliana avait cette faculté de lui permettre de toujours se raccrocher à une branche de salut. Maeve était comme une seconde branche, comme si d'un coup, il avait pu s'assurer deux prises sur la vie qui menaçait de s'échapper de lui.

Deux petites fées, en somme. Maeve avait de grands yeux bleus, qui scrutaient le moindre détail insolite, le plus petit prétexte à s'interroger sur la marche du monde. Une couleur qui rappelait vaguement l'azur qui brillait dans le regard d'Apolonie, sans être tout à fait du même bleu. Dans les yeux de Maeve, on ne trouvait nulle trace de blessures profondes et impénétrables. Nul éclair de méfiance, ou de la violence d'une créature aux abois, sur la défensive. Juste un bleu clair, presque translucide, brillant des mille découvertes qui lui restait à faire, et encore vierge de toute tristesse. Iliana avait elle hérité du regard émeraude de sa mère. Ce vert qui masquait tant de choses, derrière lequel on ne savait jamais vraiment quelles pensées se cachaient. Elle surprenait d'autant plus par des réflexions inattendues que ses yeux ne trahissait que rarement ce que les rouages de son esprit faisait naître en elle. Ce vert si profond était, héritage de son père cette fois ci, légèrement pailleté d'or, donnant parfois au regard d'Iliana, lorsque le soir l'assombrissait un peu, des aspects de ciel étoilé.

Arthur fut sorti de ses rêveries par la voix de Maeve. Un verre de lait avec des fruits dedans? Direction la taverne, alors. Cette promenade avait redonné comme un avant gout de bonheur à Arthur. Les deux filletes, aussi insouciantes qu'elles pouvaient l'être, Maeve s'interrogeant sur chaque chose du monde et son contraire, intarissable de questions, Iliana explorant des coins connus et inconnus, semblant toujours découvrir quelque chose de nouveau là où elle était passée déjà mille fois, avaient été comme un possibilité d'échapper quelques instants à la douleur sourde qui résonnait en lui depuis des jours. Parcourir le village avec elles donnait à Arthur, pour la première fois depuis longtemps, la sensation que la vie pouvait être juste ça: une promenade avec des gens qu'on aime, emplie de calme et d'un brin de sérénité.

Pourtant, il ne pouvait ignorer que derrière ce tableau idyllique se cachait des souffrances sourdes et difficiles à exorciser. Comment expliquer à sa fille le pourquoi de tous les évènements récents qui avaient bouleversé leurs vies? Comment lui faire comprendre que sa mère, une nouvelle fois, était partie, et qu'elle n'y était pour rien? Que ce n'était que de sa faute à lui... Comment reconstruire quelque chose sur les ruines d'un amour qu'il avait détruit pour en vivre un autre arraché bien avant qu'il n'ait pu créer autre chose que des rêves avec elle?

Iliana comprenait tout ça, bien sûr, à sa façon. Avec ses armes de petite fille, à travers son regard enfantin et encore naïf sur le monde qui l'entourait. Elle appréhendait, sans vraiment saisir tous les tenants et aboutissants. Maeve avait un peu plus de prise sur la situation, même si elle ne l'avait pas directement vécue. Ou peut-être grâce à ça, du reste. Il semblait à Arthur que, parfois, les rouages de l'esprit de la petite rouquine se mettait en marche, et déduisait bien plus que ce qu'elle ne disait. Bien plus que ce qu'elle ne pouvait formuler, qui sait. Une sorte de logique intuitive.

Arthur était en fait accompagnée de deux petites filles extrêmement futées. Iliana avait hérité de la sensibilité de ses deux parents. Elle ressentait les évènements, les changements, les blessures de son entourage au plus profond d'elle même, sans toujours vraiment en saisir le sens. Maeve avait une approche plus globale, mais nourrie d'une curiosité telle qu'elle cherchait toujours à comprendre les causes et les conséquences, certes avec ses mots et sa vision de petite fille, encore émerveillée par les chevaliers et les créatures légendaires, mais avec une acuité bien à elle et parfois plus que surprenante.

La porte de la taverne poussée, et Maeve et Iliana investirent les lieux aussi vite qu'il était possible, la première pourfendant des ennemis invisibles et pourtant diablement résistants, et la seconde grimpant sur son promontoire préféré, sur le comptoir. Arthur, lui, fila réunir dans la taverne les ingrédients nécessaires au breuvage demandé par Maeve, lait et fraises. A peine revenu, il suspecta quelque chose d'inhabituel. La petite rouquine ne se battait plus, soit elle avait vaincu tous ses adversaires, ce dont Arthur doutait, soit elle avait été mise hors d'état, ce dont il doutait plus encore. Iliana n'était plus sur le comptoir. Entrant dans la pièce, après avoir posé les verres, Arthur découvrit sa fille sous une table, occupée à... à consoler Maeve?

La petite se frottait la tête, les lèvres tremblantes, les larmes menaçant au coin de ses yeux bleus.


Et bien... Il semblerait qu'un dragon t'ait surprise, finalement... Pouce qui vient lui caresser doucement la joue. Mais dis moi, qui allais-tu combattre là dessous?
Maeve.
Les coquillages pour Maeve sont les fleurs pour une abeille, les bulles pour un poisson clown, le sel pour un marais de Guérande ou le sens de l’accueil pour un Moulinois. Indispensable. Depuis ses quatre ans, et son arrivée à Dieppe, elle les collectionne précieusement. Chaque promenade sur la plage de galets du village normand avait été pour elle une occasion de découvrir et ramasser un coquillage.
La plupart sont rangés dans une boite de bois qu’elle conserve avec ses affaires, mais les éléments les plus représentatifs et appréciés de sa collection cliquettent dans sa poche, jusqu’à ce qu’elle se décide à les aligner sur une table de taverne ou l’herbe d’un coin tranquille, pour les compter, recompter, admirer. Elle ne se lasse pas de détailler sur chacun les rainures qui le rendent uniques, les reflets changeants selon la lumière…
Si tous sont importants, certains d’entre eux revêtent pour la petite fille une signification particulière. Comme celui qui a une forme de cheval, taillé par Camisard dans une taverne dieppoise à son intention. Ou encore le bleu dont elle s’était pourtant séparée, sans regret, en espérant qu’il rendrait ses sourires à Arthur à qui on les avait volés.

Et le rose. Le rose est encore plus particulier que les autres. Il faut dire que le jour où elle l’a ramassé est très particulier lui aussi. C’est celui où pour la première fois Leandre était venu la rejoindre sur la plage après avoir reçu la lettre qu’elle avait fait écrire. A l’époque, elle ne savait pas encore, et c’est sa nourrice qui avait rédigé la missive pour son chevalier. Et il était venu. Elle l’avait vu arriver et elle avait souri. La première d’une longue série de ballades qu’ils avaient faites. Maeve avait grandi depuis, elle avait huit ans maintenant. Mais ce coquillage restait le fleuron de sa collection. Hors de question de le perdre. Rien que l’idée lui faisait mal au ventre.
Quoiqu’à cette minute précise, ce n’est pas son estomac qui la tiraille mais plutôt le haut de sa tête qui la lance. Si elle a la tête dure, c’est toujours moins que le bois contre lequel elle vient de cogner. Et même si elle n’est pas du genre à chougner ou se plaindre, il faut avouer que pour le coup, elle se laisserait bien aller à une ou deux larmes, parce sous ses petits doigts se fait déjà sentir la bosse qu’elle aura pendant quelques jours. La petite Alterac n’en a pas le temps. Déjà à son cri a accouru Iliana qui dépose un baiser sur le bout de nez. Léger écarquillement des yeux, surprise de la réaction de la fille du maire.


Merci Ili…

La voix est un peu tremblante tout de même. Les lèvres esquissent malgré tout un sourire à l’intention de la fillette. Et puis un pouce sur sa joue et la voix rassurante du moulinois qui résonne drolement sous la table.

Un dragon je ne sais pas Arthur, mais la table en tout cas m’a bien eue… Et je ne combattais pas pour une fois… c’est mon coquillage, il est tombé…

Menotte qui désigne l’endroit où il aurait du tomber, et le regard azuré qui soudain tique sur ce qu’elle avait aperçu entre deux lattes du plancher inégal de la taverne municipale. Cet éclat qui l’avait attirée, qui lui avait fait perdre toute prudence. Là, dans le creux, il brille encore, appelant des étoiles dans les prunelles bleues de la jeune fille qui oubliant soudainement sa bosse, Iliana, et Arthur, tend sa mimine vers ce morceau éclatant qui promet une jolie découverte.
Défiant les échardes, écartant le danger, sûre d’elle, elle glisse ses doigts dans l’interstice. Si fin que d’autres doigts que ceux d’une enfant n’aurait pour sûr pas pu y pénétrer. Maeve peut encore y glisser les siens… Elle essaye d’entourer l’objet, index et majeur, pouce et index, index et auriculaire… Frolant, effleurant, titillant la chose sans jamais s’en saisir.


Il y a quelque chose là…

Préoccupée par sa quête elle en avait presque oublié son coquillage qui se rappelle à sa mémoire soudain, échoué un peu plus loin sur le parquet. Sourire ravie de la petite rouquine qui s’en empare d’une main empressée avant de le brandir, mais pas trop haut, pour ne pas cogner la table de nouveau.

A y est ! je l’ai retrouvé !

Minois victorieux qui se referme. Il reste ce truc à attraper. Elle ne va pas lâcher son graal si facilement. Rangeant dans sa poche son précieux trésor, elle avance un peu plus vers le trou dans le plancher, et de nouveau trifouille de ses doigts la cavité qui ressemble de plus en plus à une cave au trésor qu’à une aspérité du sol. Dans son effort, elle tire la langue, elle veut attraper cette chose qui brille si fort avec les rayons du soleil, même sous la table.
Les doigts curieux se remettent en action, et enfin, après plusieurs longues minutes d’effort, elle parvient à saisir entre deux doigts fins l’objet de sa quête. L’enfermant dans son poing, elle rampe jusqu’à l’air libre, et se redresse, invitant la fille d’Arthur et le maire à l’imiter. D’un sourire large comme l’océan, elle accueille la fillette aux yeux émeraude et l’homme aux noisettes tristes. Puis elle tend la main.

Sans savoir si ce qu’elle va découvrir est un crouton de pain poli ou un joyau sans prix, Maeve, d’un air théâtral, détache un à un ses doigts de son poing, dévoilant en sa paume… elle n’en revient pas. Les prunelles s’écarquillent de surprise, et elle lève les yeux vers Arthur. Sur la paume de sa main repose un saphir. De la taille d’une noix, il est poli, travaillé, et est surmonté d’un fermoir en or visiblement cassé.
De son regard mer changeante, elle interroge Arthur dont le visage a changé de couleur. Est-ce un trésor maudit qu’elle aurait découvert ? Ou un secret enfoui ? Grimace marquée, regard vers Iliana, qui connait mieux son père que la rouquine… Une idée ?

_________________
--Iliana
Voilà papa qui arrive. Drôle de drôle, d'être tous les trois sous la table, comme ça. On se croirait dans une caverne, surtout avec la voix de papa qui résonne un peu, comme dans la grotte secrète de Maë quand elles rigolent toutes les deux, et qu'on dirait qu'il y a d'autres gens qui rigolent avec eux. Ca fiche un peu la trouille, parfois...

Mais là, pas de trouille qui tienne, papa est là. Et puis Maeve va un peu mieux, on dirait. Sa voix ne tremble presque plus.


Un dragon je ne sais pas Arthur, mais la table en tout cas m’a bien eue… Et je ne combattais pas pour une fois… c’est mon coquillage, il est tombé…

Et la revoilà qui bondit sur le plancher, essaie de glisser sa main entre deux lattes du plancher.

Iliana haussa un sourcil et s'approcha de la petite rouquine qui s'évertuait à farfouiller dans sa mystérieuse cachette au trésor.

Il y a quelque chose là…

Oh que oui... il y avait toujours pleins de trucs cachés partout dans la taverne... Une fois, elle avait même déniché un anneau en or, un vrai, tout rond et tout brillant, entre les lattes du plancher, là bas, près du comptoir. Alors sûr de sûr, Maeve devait avoir repéré un truc vraiment chouette. Sauf qu'elle sembla soudain se rappeler d'autres choses... Son coquillage... Elle revint pourtant aussitôt après explorer de ses petits doigts l'interstice qui, Ili en avait profité pour se rapprocher encore et jeter un coup d'oeil, recelait bel et bien un petit objet brillant.

Iliana regardait, attentive, Maeve s'échinait à attraper ce petit trésor qui semblait chaque fois mieux se faufiler entre ses doigts. Soudain, le visage ravi de la petite rouquine indiqua à Iliana qu'elle avait enfin mis la main sur le mystérieux objet.

Ili se démancha le coup pour tenter de l'apercevoir, mais Maeve avait refermé tous ses doigts dessus, et sortit de sous la table. Elle se pressa de la suivre, les yeux fixés sur le petit poing fermé. Papa aussi était sorti de là dessous et regardait Maeve. Finalement, alors qu'Ili n'y tenait plus, Maeve desserra un doigt après l'autre, pour laissait apparaître le trésor.

Et là, Ili ouvrit grand la bouche sans pouvoir la fermer avant quelques longues secondes. Un gros diamant, le plus gros qu'elle ait jamais vu, un gros diamant tout bleu comme le ciel, et un peu comme la nuit quand le soleil a disparu depuis pas très longtemps. Elle finit pas fermer la bouche, mais ses yeux, eux restaient rivés sur le diamant. Elle entendit vaguement le bruit d'une chaise qu'on tire maladroitement. Puis elle leva le regard et rencontra celui de Maeve. Il y avait plein de questions dans les yeux bleus de la fillette. Iliana revint au diamant, à Maeve, puis se tourna vers son père.

Papa était assis sur une chaise, le visage tout blanc. Enfin, assis... on aurait plutôt dit qu'il était tombé de tout son poids sur la chaise, et que si elle n'avait pas été là, il se serait écroulé sur le sol. Et son visage tout blanc était toujours décoré par ses grands yeux noisettes qui ne lâchaient pas le diamant dans la main de Maeve. Une de ses mains étaient perdues dans la broussaille de ses cheveux qu'il coiffait pas vraiment depuis plusieurs semaines. Iliana haussa un sourcil. On aurait dit qu'il avait peur, papa, avec ses yeux grands ouverts, sa bouche ouverte et sa lèvre qui tremblait. Y'avait un truc, là, quelque chose qu'elle ne comprenait pas. Un truc de grand?

Elle revint à la pierre précieuse. Oui, décidément plus grosse qu'elle n'en avait jamais vue. Jamais? Attendez... peut-être pas, en fait. Elle se souvenait d'en avoir vu des énormes, de diamants. Au mariage de Gals, y'avait pas très longtemps, pleins de jolies dames avec de belles robes portaient des diamants en parure. Comme au bal chez Marty. C'était la première fois qu'elle voyait un château d'aussi près, c'est dire si elle s'en souvenait. Ils étaient même rentrés dedans, avec papa, et c'était encore plus gigantesque à l'intérieur. Et dans la grande salle de bal, il y avait eu pleins de dames très belles avec de grandes robes et pleins de bijoux. Y'avait même Ninon, qui était là et qui avait dansé avec papa. Et puis elle avait vu pleins de gens de Moulins aussi, comme Bettym et...

Attendez une seconde... y'a un truc bizarre, là, comme quelque chose qui tique dans un coin de sa mémoire. Ninon, Bettym, et aussi... oui... attendez... Apo était là? Mais oui... elle était au bal chez Marty. Ili n'avait jamais fait le lien, mais aucun doute maintenant, cette belle dame en robe, elle était à Moulins à l'époque. Et c'était Apo. Diable de diable, comme dirait papa... Comment avait-elle pu oublier ça? Ou plutôt, comment aurait-elle pu se souvenir que c'était Apolonie, elle qu'elle n'avait jamais vu en robe, ni avant, ni après. Et surtout... cette belle dame brune, avec des yeux très bleus et une grande robe... elle portait une pierre précieuse en pendentif. Aussi bleue que ses yeux...

Alors tout se mit en place dans les petites méninges d'Iliana. Voilà pourquoi papa avait l'air d'un fantôme tout d'un coup. Elle posa ses yeux sur lui, et trottina jusqu'à grimper sur ses genoux. Il ne réagit pas, le regard toujours happé par le diamant dans la main de Maeve. Ili déposa une bise sur la joue piquante de son père, et il sembla revenir un peu à la réalité. Il passa son bras autour d'elle et souffla:


Maeve... A... Approche... s'il te plaît...
Arthurdayne
A peine consolée, Maeve repartit à l'aventure. Lorsqu'une idée titillait son esprit, rien ne semblait pouvoir l'en détourner. Arthur comprit donc ce qu'elle faisait sous la table. Elle était partie à la recherche de son coquillage. Et surtout, avait repéré autre chose. Il esquissa un sourire en la voyant se dandiner dans tous les sens pour parvenir à chiper ce fabuleux et mystérieux trésor coincé entre deux lattes du plancher.

Arthur attendit patiemment que Maeve, sous les yeux captivés d'Iliana, parvienne enfin à se saisir de cet objet qui l'intriguait tant. Son visage se fit d'un coup radieux, et naquirent dans ses yeux un bon nombre d'étoiles qui trahissaient sans équivoque qu'elle avait enfin atteint le but ultime de sa courte quête. Elle rampa alors hors de leur cachette, suivie d'Ili, plus impatiente que jamais. Pour sa part, il éprouva un peu plus de difficultés que les deux fillettes à s'extraire de sous la table. Non pas qu'il était si vieux. Mais plus qu'elles... Et puis sans compter ses doigts, la sale blessure reçue à l'épaule lors de l'attaque des brigands sur Moulins savait se réveiller aux pires moments. Une fois sorti de là dessous, Maeve les regarda tour à tour, un sourire savamment énigmatique étirant ses lèvres, et tendit solennellement le bras.

Elle défit un à un ses doigts de son poing, sous les yeux émerveillés d'Ili, qui se rapprochait à chaque doigt ôté. Le faible sourire d'Arthur, quant à lui, s'affaiblit un peu plus à chaque doigt ôté. A mesure que la couleur, puis la forme, puis le sertissage dévoilèrent un saphir que ses yeux ni son esprit n'avaient oublié. Diable de...

Quelque chose. Vite. Ses jambes ne tiendraient pas longtemps. Toute son énergie semblait le quitter, s'évanouir par le bout de ses doigts de pieds. Ses genoux tremblaient, comme les pieds d'une chaise prête à s'effondrer sous le poids d'un occupant trop lourd. Bien trop lourd... Une chaise... vite, une chaise...

La main, comme mue d'une vie propre, saisit le premier dossier de bois qui passa sous sa coupe. Elle tira la chaise, qui arriva juste à temps pour recueillir un Arthur qui chuta comme chute une feuille d'un arbre, l'automne venu. Sans vie, avec une lenteur presque poétique. Le regard se vida lui aussi, dernier refuge d'une chaleur qui semblait s'échapper comme l'eau s'infiltrant entre les fissures d'un barrage de bois. Plus aucune autre image ne s'imprima dans les prunelles d'Arthur que le bleu de ce diamant. Ni pensées logiques, ni souvenirs précis. Aucun son ne lui parvenait non plus. A peine si, aux abords de sa conscience, il parvenait à déceler la présence d'Iliana et de Maeve.

Peu à peu, quelques rouages se remirent en marche. Ce saphir... elle le portait autour de son cou. Il reposait là, juste à l'échancrure de son corsage, juste à la naissance de sa poitrine. Il ne l'avait découvert que cette nuit lorsque, leurs regards noyés l'un dans l'autre, ses mains avaient osé pour la première fois effeuiller le tissu qui la parait, comme pour mieux faire tomber les derniers remparts dressés entre eux. Il s'était posé la question alors, de la présence de ce saphir, caché aux yeux du monde. Il s'était demandé combien avant lui avait eu l'honneur de le découvrir. Question toute masculine... Mais qui avait son sens. Il avait su, à ce moment là, alors que le bleu du diamant créait un écho surprenant avec l'azur de son regard, l'importance qu'il avait pour elle. Pour l'avoir laissé approcher si près.

Et le mécanisme poursuivit son déroulement difficile et ralenti. Que faisait-il là? Peu d'explications possibles... de ce qu'il en savait, elle ne s'en séparait jamais. Il aurait pu savoir pourquoi, si seulement il lui avait posé la question. Si seulement il avait eu le temps...

Il était tombé là lors de... Forcément, oui. Si elle l'avait perdu avant, elle s'en serait rendue compte. Elle l'avait donc perdue alors qu'ils... Diable de diable... C'était lors de leur dernière nuit. La veille de l'enterrement d'Alayn. De la naissance de Gaspard. La veille de...

La dernière fois qu'il l'avait serré contre lui. Que sa peau avait senti la chaleur de sa peau, que ses lèvres avaient gouté ses lèvres, que ses yeux s'étaient reposés dans ses yeux. Que le parfum de sa chevelure avait envahi ses narines, que ses mains avaient fait naître des frissons tout au long de sa peau. La dernière fois...

Le premier contact avec l'extérieur fut comme une déchirure. Comme lorsque qu'un bébé arrive au monde, pousse son premier cri, que l'air vient lacérer ses poumons. Parait-il...

Arthur eut l'impression de revenir au monde. Qu'on l'avait arraché à une bulle dans laquelle, pour instant, elle avait vécu à nouveau à ses côtés. Les couleurs réapparurent à ses yeux. Une sensation, celle qui l'avait fait revenir, prit soudain du sens. Quelqu'un était grimpé sur ses genoux... Qui?

Iliana... oui, il était avec sa fille. Dans la taverne municipal, aux Ailes. Et Maeve était là, aussi. Et elle avait trouvé... Ili déposa un bisou sur sa joue. Les couleurs et les formes se firent plus précises, les sons aussi. Arthur esquissa un sourire qui se voulait rassurant en découvrant le visage inquiet de sa fille. Il passa un bras autour d'elle et fit signe à Maeve.

Maeve... A... Approche... s'il te plaît...

La petite fille s'exécuta. Il y avait dans ses yeux bleus un soupçon d'inquiétude, et beaucoup d'interrogations retenues. Au creux de sa paume reposait toujours le saphir. Maeve grimpa sur le genou libre d'Arthur, et son regard ne quitta pas le visage du maire.

Ce... ce diamant, tu vois... il appartenait... à la maman de Gaspard... Je... je ne sais pas trop comment il est arrivé là... et je ne sais pas non plus par quel hasard tu es tombée dessus... mais...

Mais quoi? Est-ce que c'est un signe? Arthur, crois-tu réellement qu'elle te transmet quelque chose, par delà la mort? Pauvre imbécile... Tout ça n'est qu'un hasard.

Peut être... peut être, mais je m'en fous. J'ai envie de croire qu'il y avait une forme d'intention, là dedans. Qu'elle ne l'a pas perdu tout à fait par hasard. Pas ici, dans cette taverne, là où nous avons tant parlé, là où nous avons... Elle ne l'a pas perdu ici par hasard.

Mais merci, Maeve. Merci d'avoir déniché ce trésor, tu n'imagines pas à quel point il est précieux.
Maeve.
Elle ne comprend pas bien. Que doit-elle lire dans le regard d'Iliana ? Que doit-elle penser de l'attitude d'Arthur ? Un instant, juste le quart de seconde qu'il lui faut pour vérifier, elle se demande si à la place du saphir qu'elle croyait tenir, ce ne serait pas une souris morte ou autre chose de peu ragoutant, vu les têtes des deux moulinois. Mais non... C'est bien une jolie pierre qu'elle tient dans sa menotte qui se met à trembler légèrement.

Ili ne dit pas un mot, et Arthur chancelle. Maeve, elle, zieute éberluée le bijou. Comment une si petite chose peut-elle avoir le pouvoir de provoquer tant de réactions chez deux personnes qui ne savaient même pas qu'elle était là ? La rouquine aurait pu, dans d'autres circonstances, s'imaginer démarrer une nouvelle collection. Pour pallier le manque flagrant de coquillages en Auvergne, et, elle a demandé à sa mère, en Bourgogne et Limousin également, elle aurait pu commencer à entasser les pierres précieuses. Après tout, on dirait que ça se trouve entre les planches des tavernes. Ce qui tombe plutôt bien, puisque la petite Alterac y passe pas mal de temps, dans les auberges et tavernes de tout bois.
Ainsi, elle aurait pu rapidement augmenter son petit trésor. Maeve sait déjà parce que sa mère en porte parfois, qu’il en existe de toutes les couleurs et de toutes les formes. Peut-être qu’elle-même pu faire des échanges, si Marie-Alice en avait eu en double. Varier les plaisirs, et le rangement. Avouez qu’aligner sur les tables des tavernes des pierres précieuses plutôt que des coquillages, ça aurait de la classe non ? Non ? Pffff….

Mais tous ces plans n’ont même pas le temps de naitre dans la tête de la jeune rouquine. La petite moulinoise a déjà rejoint les genoux de son père. Et collé une bise timide sur la joue d’Arthur qui semble vraiment mal… Ecarquillement légitime des prunelles de Maeve qui ne comprend pas. Du tout. Va-t-on lui expliquer un peu la scène qui se déroule sous ses yeux, et dont elle se sent terriblement exclue.


Maeve... A... Approche... s'il te plaît...

A gestes mesurés, elle obéit. Que veut-il lui expliquer, le maire ? Que compte-t-il lui dévoiler comme secret ? Parce que vu la tête qu’il fait c’est au moins un secret, minimum. Voire un truc encore plus important, comme un serment. Mais là elle ne verrait pas le rapport. Fronçant légèrement les sourcils, elle prend place sur les genoux d’Arthur. Dans l’azur de ses yeux, une myriade de questions et une étincelle d’inquiétude. Elle a un peu peur de le voir si pâle, et presque tremblant.
Et se demande si elle n’a pas encore fait une bêtise. Si ça se trouve c’est ça. C’est une cachette spéciale de grands, sous la table, et elle n’aurait pas du trouver ce saphir. Si c’est ça, pourvu qu’il ne le dise pas à Maman, parce que si elle a encore fait une bêtise, elle sent que Marie le prendra mal, très mal.


Ce... ce diamant, tu vois... il appartenait... à la maman de Gaspard... Je... je ne sais pas trop comment il est arrivé là... et je ne sais pas non plus par quel hasard tu es tombée dessus... mais...


Rouages qui se mettent en branle dans la tête de la petite Alterac. Gaspard, oui, ça elle sait. C’est le petit garçon qui vit avec eux désormais, parce que Maman en est la marraine et la tutrice. Parce qu’il n’a plus de parents. Et si Maeve n’a jamais entendu parler du père de Gaspard, en revanche depuis qu’elle est arrivée à Moulins elle entend beaucoup parler de la chasseuse de dragons qui est partie avec les sourires d’Arthur. Et qui vient d’en voler encore un, d’outre-tombe. Pupilles assorties à la pierre qu’elle tient toujours serrée dans sa menotte qui sonde le visage chamboulé du maire. Elle n’y saisit pas grand-chose, la rouquine, à tout ça.
L’air encore tiède d’un début d’été se fait plus léger, brise qui traverse la salle, secouant la poussière sur les poutres de la taverne municipale. Iliana ne quitte pas des yeux son père, imitée par Maeve. Les remerciements sonnent étrangement à l’oreille attentive d’une enfant qui ne mesure absolument pas ce qu’il vient de se passer.
Doucement, elle attrape une des pognes abîmées d’Arthur, dont elle ouvre les doigts avec l’application qu’elle mettrait à écrire une lettre à son chevalier. Glissant un sourire avec le saphir, elle referme la main du maire.


Moi j’y suis pour rien tu sais, il était là, et c’est mon coquillage qui…
Mais il est à toi. Peut-être qu’il contient les sourires… Peut-être qu’elle ne les avait pas tous emportés, et qu’elle te le rend, maintenant qu’il est temps que tu sois heureux.
Tu crois pas ?


Le sourire étire plus franchement les lèvres de la jeune fille. Elle apprécie Arthur, d’une étrange façon, de celle qu’elle a de s’accrocher à des étrangers qui n’en sont rapidement plus, de cette façon entre l’enfance et une certaine maturité acquise en cotoyant sa mère et en voyageant.
Mais elle est encore jeune, la petite rouquine. De plus, elle n’a pas connu Celle qui vole les sourires. Elle ne mesure la portée de sa trouvaille qu’à l’orée des ambres d’un moulinois plus ému qu’il ne le laisse paraitre et ce n’est pas peu dire. Mais elle a du mal encore à se concentrer sur quelque chose plus de quelques minutes d’affilée. D’autant moins si ça n’a aucun rapport avec la chevalerie, ou les armes, ou les chevaux, ou les coquillages. Ou Leandre. Ce qui constitue l’univers de Maeve Alterac, en somme. Pas réellement égoiste, juste jeune.

D’un saut de puce, elle a retrouvé le sol, après avoir flanqué un baiser sonore sur la joue piquante de son nouvel ami. Son regard déjà vagabond, elle cherche comment occuper la prochaine dizaine de minutes. Quand tout d’un coup elle se souvient. Etoiles dans l’azur qui s’anime de gourmandise.


Et le lait ? Et on dirait que tu me montres tes autres chats ? Froncement de sourcils soudain. Tu vas en faire quoi de la pierre ? Tu peux pas la porter, c’est un truc de fille…
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