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[RP] De sang & d'alliances.

Louis_marie
[Limoges - 29 novembre 1465]



    [Miss miss
    Je t'aime et je crains de t'aimer
    Encore longtemps chiches
    Que tu ne me laisseras pas tomber
    Qu'on fera du hors piste
    Nus comme des vers sur les sentiers
    De l'apocalypse
    Qu'on va mourir sans s'oublier.*]


Deux chaises, un guéridon, des rideaux, un lit. Dans le genre chambre d'auberge, on fait difficilement plus banal et impersonnel. Pourtant, il y a ici quelque chose de plus profond, un secret et une intimité qui rendent l'observation et la description des lieux troublantes, presque gênantes. Peut-être est-ce dû au silence qui y règne depuis des heures, que seule vient briser la désagréable mais régulière complainte des ronflements masculins. Peut-être est-ce surtout lié à l'étroitesse de la pièce, qui force le regard à se poser sur ce lit aux draps froissés, d'où ne dépassent qu'une tignasse rousse d'un côté, qu'un tas de cheveux et de poils bruns bavant sur un oreiller qui n'avait rien demandé de l'autre. L'atmosphère n'est ni triste ni anonyme, simplement sereine, étrange quiétude à laquelle les protagonistes de cette histoire ne nous ont pas habitué.

Et d'ailleurs, il y a encore quelques heures, c'est l'ivresse plutôt que le repos qui vous habitait, en témoigne cette odeur d'alcool qui plane dans l'air. Cette odeur, tu la connais, elle t'accompagne partout et tu ne la remarques plus. Mais il y a autre chose dans cette chambre, une odeur qui n'en est pas une, quelque chose d'agréable qui pousse tout ton corps endormi à se retourner pour humer avec plus de facilité. Cette odeur n'en est pas une, parce que c'est un parfum. Parfum de chanvre, auquel s'ajoute quelques effluves de jasmin et d'autre chose que tu ne saurais identifier. En tout cas, c'est singulièrement familier. Et tu n'as pas besoin d'être éveillé pour comprendre que, puisque cette odeur n'est pas la tienne, c'est bien qu'il y a quelqu'un qui n'est pas toi dans ce lit. Comme pour confirmer ta déduction, ta paume lourde tâtonne à tes côtés, sous le drap, et finit par s'échouer sur ce qui semble être le tissu d'une chemise. Les paupières demeurent clauses, l'esprit endormi, mais la main s'attarde, caresse, explore un ventre qui, lui aussi, est singulièrement familier.

Combien de temps passes-tu là, endormi, la paume confortablement installée sur un corps qui la réchauffe, à moins que ce ne soit elle qui le réchauffe ? Peut-être quelques minutes, probablement quelques heures. Et enfin, LM, tu entreprends de quitter ce sommeil si confortable et ton oeil, aussitôt ouvert, est ébloui par trois constats, avides de ne pas laisser en paix un esprit tel que le tien. D'une, le jour est bien avancé, et le soleil transperçant les rideaux éclaire la pièce d'une lueur tamisée. De deux, elle est rousse. Pas la lumière, la fille sur laquelle ta main est posée. De trois... bordel, qu'est-ce qu'elle est bonne, ta soeur et néanmoins fiancée. Parce que, si soeur elle a toujours été, aujourd'hui fiancée elle est. Vous allez vous marier. Elle sera à toi, bientôt, très bientôt. Ce soir, pour être précis. Et ton visage n'a à avancer que de quelques centimètres pour venir embrasser la chevelure promise et enflammée, qui n'est pas la seule chose enflammée dans ce lit, à en juger par ta vigueur matinale.

Alors que tu t'extirpes péniblement de tes rêves et t'appuies sur ton coude pour observer à loisir l'endormie, tes doigts froissent la chemise de ta soeur, tâchant d'y deviner chacune des cicatrices qui barrent la peau nue, restes d'une souffrance que tu ne connaîtras sans doute jamais. Tels des adolescents idiots et joueurs, vous avez parié qu'elle te ferait céder avant que vous ne soyez mariés. Elle va perdre, et tu vas gagner. C'est, du moins, ce que tu crois. À moins... à moins qu'elle n'ait déjà gagné et que tu ne t'en souviennes même plus. Ce qui est fort probable, si l'on en juge à cette nuit que vous venez de partager. Mais enfin, aussi flous les souvenirs de la veille soient-ils, on n'oublie pas ces moments-là. Tu fronces légèrement les sourcils et vient consoler ton inquiétude dans le cou d'une Gysèle endormie. À ce rythme, elle va se réveiller, LM. Oui, et c'est bien là ton intention. Devrais-tu assortir ce réveil d'un "bonjour" ? Peu importe, tu y renonces, estimant que la chaleur de tes lèvres dans son cou, de ta paume sur son ventre et de ta virilité contre sa cuisse constituent un salut tout à fait suffisant.



Le titre de ce RP nous a gentiment été offert par LJD Evroult.
*Benjamin Biolay.
Gysele
Aujourd'hui est un grand jour. Un jour que toute jeune femme espère voir venir pour accomplir et sceller son destin. Dû moins, ce que toute demoiselle autre qu'une putain peut espérer pour sa vie. Tu n'as jamais imaginé pouvoir te marier un jour. Ce n'était certainement pas dans tes plans et tu ne t'étais jamais permise d'y rêver, toi, la fille de joie, la dépravée de Paris. Et pourtant, c'est aujourd'hui que tu l'épouses, lui, celui qui te fait faire cette folie par on ne sait quel sort lancé sur ton palpitant. Cela pourrait ressembler à un conte de fée, celui où la fille de rien sort de sa mauvaise condition pour épouser un prince qui l'aime. Mais tu n'es toujours qu'une traînée, ton fiancé n'a rien d'un prince et cela n'a rien d'un conte, car vous risquez tous deux d'être pendus, brûlés ou autres petits plaisirs mortels que l'Homme pourrait inventer pour vous punir. Celui que tu aimes, celui que tu épouses ce jour du vingt neuf novembre mille quatre cent soixante cinq, n'est autre que ton propre frère, ton propre sang. Mais pour l'heure, tu n'as pas la tête à cet hymen. Pour l'heure, tu es profondément endormie, l'esprit ensuqué par l'alcool ingurgité la veille. Même les ronflements de ce frère qui partage ta vie, ne parviennent pas à te sortir des brumes qui te tiennent profondément installée dans un rêve plutôt agréable. Tu as déjà vécu ce rêve des dizaines de fois, de toutes les manières possibles et imaginables, LM et toi entrelacés dans les draps, vos soupirs vibrant à l'unisson d'un désir trop longtemps inassouvi. Il a réussi à ne pas te céder, par une volonté et une résistance que tu pourrais saluer si elle ne soulignait pas ta perte à ce pari stupide et peut-être aussi une baisse de séduction – ce qui égratigne ton égo en prime -.

La lueur faiblarde d'une journée de novembre perce les rideaux grossièrement tirés par les propriétaires. La chambre est silencieuse, troublée parfois par le ronflement masculin d'un des deux corps endormis sur le lit. Dans cet enchevêtrement de tissus, de bras, de jambes, ta crinière rousse, Gysèle, balaye l'oreiller comme une toile directement tissée de fils de feu. Tes paupières s'agitent, signe du rêve que tu es en train de vivre, rêve qui est tout sauf désagréable. Ton illusion te place sur une plage du sud, le parfum des embruns chatouille tes narines, un goût iodé titillant ta langue que tu passes sur tes lèvres quand, l'homme alangui contre toi, embrasse ton cou. Tu as chaud, ce n'est pas seulement grâce au soleil estival, mais aussi par la présence masculine qui n'hésite plus à dévoiler ta peau et éveiller tes sens de par des centaines de frissons. Cet homme-là, tu n'ignores pas son identité, son odeur suffirait à te dire qui il est, mais chaque baiser déposé est reconnu. Oui, tu reconnais l'empreinte d'un baiser, comme propre à chaque individu. Ceux-ci ont leur propre goût, leur propre trace sur ton épiderme et laissent une douce brûlure teintée de frustration bien trop souvent accumulée. Louis-Marie. Là, contre ta cuisse, tu sens toute l'étendue de son désir à lui et comme tu es dans un rêve, tu n'hésites plus à venir te presser contre lui. Ta vision se trouble, un peu quand tu remues, mais ton soupir lui, sonne si profondément que tu doutes sur la véracité de cette illusion. La fournaise s'accentue, tu brûles, Gysèle. Tu brûles de lui, de le sentir, de le toucher encore et tes doigts malmènent sa chemise froissée, tes lèvres rejoignent les siennes et tu émerges doucement dans cette position, la plage s'effaçant pour votre chambre, l'iode remplacée par le sel de sa peau et les embruns par le feu qui se meurt dans l'âtre de votre cheminée.

[The cracked bells and washed-out horns
Blow into my face with scorn,
But it's not that way,
I wasn't born to lose you.
I want you, I want you,
I want you so bad,
Honey, I want you.*]


As-tu seulement envie d'arrêter ça ? Bien sûr que non. Tu profites de cet état d'entre-deux, pour poser ta main sur la sienne et la faire glisser d'autorité le long de ton corps. Si jupons, chemises, braies font obstacles, tu ne tardes pas à t'occuper de ces étoffes envahissantes qui t'empêchent de profiter de la chaleur que tu recherches presque comme une nécessité. Tu es affamée Gysèle. Il te tient abstinente depuis si longtemps que même vos derniers jeux ne suffisent plus à te satisfaire. Tu as faim, tu as soif, tu le veux, là, tout de suite, et rien, de ce que ton corps lui témoigne, ne peut le laisser douter de tes envies. Aucune parole n'est nécessaire, tu sais qu'il fait face aux mêmes désirs et tu ne cherches plus à le ménager. Dans un roulement de corps, tu le chevauches, tes lèvres n'ont en aucun cas quitté les siennes et ton cœur semble battre d'un rythme plus effréné. Et c'est là, l'esprit encore vaporeux, l'alcool parfumant encore vos soupirs, que tu viens murmurer tes vœux tout contre sa bouche.

    - Oui, je le veux... je te veux.



Les cloches fêlées et les cors délavés
Soufflent leur mépris sur mon visage,
Mais ça ne se passera pas ainsi,
Je ne suis pas née pour te perdre.
Je te désire, je te désire,
Je te désire si ardemment
Chéri, je te désire.

I Want You - Bob Dylan

_________________
Louis_marie
    [L'enfer est doux, l'enfer est chaud. Et parce qu'on en sort toujours moins fier qu'on y est entré, on s'en trouve déjà de moitié pardonné.*]


Oui, aujourd'hui est un grand jour. Vous allez vous marier et il aurait été plaisant de décrire les préparatifs habituels d'un matin de noces, vous écouter parler voile, noeud de cravate et bouquet. Mais ce n'est ni de ce noeud ni de cette fleur dont il est question maintenant, et les draps qui vous recouvrent font un piètre voile à une situation que tu n'avais pas prévue. Tu voulais réveiller ta promise, certes, mais tu n'avais pas pensé que ce réveil serait aussi brûlant, stimulant et tentant. À vrai dire, tu as rarement été aussi brûlé, stimulé et tenté. Et à cette tentation, tu ne sais plus dire non, si tant est que tu aies un jour su le faire.

Aujourd'hui, Gysèle gagne. Gysèle gagne toujours. Pourrait-il seulement en être autrement ? T'es-tu vraiment imaginé que tu parviendrais à lui résister ? Comment as-tu pu croire que ce pari, c'est toi qui le gagnerais, dusses-tu t'imposer les pires tourmentes et opposer toutes tes forces à ta propre volonté ? Lorsque vous étiez enfants, déjà, elle gagnait chacun de vos jeux, et lorsqu'elle ne gagnait pas, c'est parce que tu trichais, ou bien parce qu'elle te laissait le plaisir du triomphe, faisant d'elle un vainqueur encore plus admirable. Et le secret de ses victoires successives, ce sont tes yeux verts qui, depuis qu'ils se sont ouverts sur elle, le jour de ta naissance comme celui de ton mariage, ont vu en elle la maîtresse de chacune de tes pensées, asservissant ton coeur sans que tu n'oses le lui avouer ni te l'avouer. Chacune de vos étreintes enfantines était emprunte d'une loyauté, d'une admiration et d'un amour qui ne sont pas ceux que l'on porte à sa soeur. Tu l'aimes. Tu l'aimes et c'est bien pour cela que tu ne peux que perdre ta raison, ton âme et ton honneur. Mais y a-t-il plus grand plaisir que de perdre raison, âme et honneur lorsqu'on y gagne son bonheur ?


    - Oui, je le veux... je te veux.

Tu ne dors plus, LM, plus du tout. Tu as même rarement été aussi éveillé. Et pourtant, ta conscience est anormalement silencieuse, pacifiée et tranquille. Tes pensées n'en sont pas moins agitées, mais le temps de la lutte est définitivement achevé. Les barrières ont été détruites, méthodiquement, l'une après l'autre, jusqu'à aujourd'hui, où il ne reste plus la moindre poussière du barrage que tu avais maladroitement construit. Plus de retenue, plus d'interdit. Au jour de tes noces, les baisers ont un autre goût, plus libre et moins coupables, et le regard posé sur Gysèle irradie d'un désir qui s'est jadis voulu dissimulé et qui ne se cache plus désormais. Oh, ne t'en fais pas LM, tu auras droit aux flots de culpabilité, parce que tu es mauvais et qu'elle mérite mieux, parce que tu es frère et que tu la condamnes, parce que tu te fais amant là où tu t'étais promis d'être d'abord époux. Tu y auras droit, mais pas tout de suite, pas ici. Ici, rien ne compte, exception faite de ces deux corps nus et enlacés que peine à dissimuler le voile trop léger des draps. Et à ses voeux répondent tes aveux.

    - Moi aussi. Je te veux.

Pas davantage de mots, ils seraient impossibles à aligner dans le bon ordre. Et de toute façon, qu'y a-t-il de plus à dire ? Tes mains se sont perdues depuis bien longtemps sur la silhouette féminine, se laissant docilement guider par la femme qui les embrase. Elle est la seule interdite, et la seule possible. L'évidence n'en est que confirmée lorsqu'elle vient se placer sur toi. Et les souffles se font plus saccadés lorsqu'enfin, tu consens à tout lui offrir et qu'un coup de rein souverain vient au-devant de celle qui domine ton âme, ton coeur et, maintenant, ton corps.

Et alors ? Alors rien. Ni foudre divine s'abattant sur vos corps unis, ni scrupule venant te déchirer ne t'arrachent à cette étrange et si exquise impression de ne faire plus qu'un avec elle. C'est mieux, mieux que la drogue, mieux que la meilleure cuite de ta vie, mieux que les meilleurs instants partagés, mieux que le plus doux de vos baisers, mieux que toutes les émotions du monde, mieux que la liberté, mieux que la vie**. Si la douceur est la seule à habiller tes sentiments, tu n'as pourtant jamais appris à les exprimer autrement qu'avec brutalité, et ainsi ta main abandonne la moiteur de ce qui se passe plus bas pour agripper les cheveux roux et porter le regard gris au tien. Tu l'embrasses, encore et encore, ne te lassant pas de ces lèvres, et peu importe si vos baisers en deviennent douloureux. Elle a gagné, et jamais tu n'aurais pensé qu'il soit si délicieux de te perdre en elle. Heureux échec dont vient témoigner le soupir rauque libéré entre vos lèvres jointes.

Alors pardonnez-le, lui qui souille ces deux âmes pour n'en faire qu'une. Pardonnez-le, mais sa faute est si bonne. Pardonnez-le, mais l'objet de son péché est si beau. Pardonnez-le, mais reconnaissez que sa damnation est sublime. À n'en pas douter, quelque chose de divin enveloppe l'étreinte passionnée et coupable d'un frère et d'une soeur. Et s'il n'est pas étonnant que Dieu se soit fait femme, il y a peut-être un brin d'ironie à penser qu'Il se soit fait putain. Mais quelle importance lorsque cette putain, c'est Gysèle ?



*J'ai lu ça (ou quelque chose qui ressemblait à ça) quelque part. Mais impossible de retrouver où.
**Lointainement inspiré de cette merveilleuse scène, dans Jeux d'enfants.
Gysele
[f you're not the one for me
Then I'll come back and bring you to your knees
If you're not the one for me
Why do I hate the idea of being free?
And if I'm not the one for you
You've gotta stop holding me the way you do
Oh if I'm not the one for you
Why have we been through what we have been through*]


Lui. Tu ne vois que lui. Frère qui n'a ce statut que de nom, car c'est sous celui de fiancé que tu le préfères le plus. Là, emprisonné sous toi, tu l'observes comme la septième merveille du monde. Car si lui t'a aimée dès tout petit, toi, tu découvres jour après jour depuis quelques mois seulement, ce sentiment qui semble peser de plus en plus sur ta vie tout en allégeant ton corps d'une émotion envolée. Si tu l'aimes, c'est parce que ton regard sur lui a changé, que tu as découvert l'homme qui se cachait derrière ses grands yeux verts. C'est pure folie, mais c'est trop bon. Tu adores lire ce qu'il se passe dans sa tête, car ton frère est un livre ouvert et tu ne te prives jamais de le pousser dans ses retranchements pour l'obliger à te montrer ce qu'il ressent. La sincérité. Tu aimes ça. Tu es tellement la reine des mirages, que tu te méfies du monde entier et que tu as fait de ta vie une quête à la vérité. Nul doute sur la véracité des émotions de Louis-Marie. Il t'aime irraisonnablement. Mais qu'importe la raison quand le plaisir est présent.

Dehors, les rues de Limoges sont animées, tu peux percevoir les sons du marché, les foules qui négocient, les charrettes qui circulent ou encore le monde qui discute dans la taverne au rez-de-chaussée. Les sons sont atténués et ne te distraient en rien, toi, Gysèle Ponthieu, tu n'as d'yeux que pour lui en cet instant précis. Votre bulle est un vrai cocon mêlé d'excitation et de douceur. Quelque chose d'insolite pour toi, petite fille de joie qui offre souvent ton corps, mais jamais avec autant d'émotion. Là, l'instant est si intense, que tu pourrais en pleurer. Mais autant éviter de donner une raison à ton frère de s'éveiller de ses envies et de risquer de le voir te rejeter une fois encore. Non, ces larmes là, tu les gardes, tu les préserves dans tes yeux si sombres qui s'illuminent davantage à chacune de ses caresses. Dieu que tu les attendais, ses gestes. Voilà des mois que tu veux le sentir tout à toi, que tu cherches à lier enfin amour et amant sous le seul visage de LM, des mois qu'il te résiste pour protéger vos âmes d'une punition divine...comme si vous n'alliez de toute manière pas brûler en Enfer pour avoir commis l'inceste. Ton âme à toi était déjà fichue de toute façon et, égoïste, tu n'as pas cherché à préserver celle de ton frère. Dès lors que tu l'as voulu, tu n'as plus jamais hésité à le tenter de toutes les façons possibles tel le serpent proposant la pomme. Et encore aujourd'hui, alors qu'il espérait se cacher derrière vos noces pour alléger vos péchés, même là, tu n'es pas capable de préserver ses volontés, trop impatiente, trop désireuse de le voir s'unir à toi de toutes les manières. Et il te cède. Il lâche enfin ses dernières résistances si proche pourtant de remporter son pari. Ce pari est loin d'être dans vos pensées à cet instant précis et d'ailleurs, tu ne cherches même pas à gagner quoique ce soit, juste dévorée par un feu pressant qui naît au creux de ton ventre et qui semble s'embraser lorsqu'il se glisse en toi.

Tes baisers se font plus sensuels, plus chauds, les soupirs s'extirpent à vos souffles dont vous vous nourrissez comme deux affamés. Tu laisses planer l'instant, l'univers pourrait se figer et seul ton cœur tambourine dans ta poitrine collée à la sienne. Vos corps impatients reprennent, cette fois complètement unis dans une danse lascive où toi, Gygy, tu domines ce jeune homme qui te confie jusqu'à son âme au creux de cette chambre limougeaude. Et toi ? Qu'as-tu à lui offrir ? Si la tienne est damnée, que donnerais tu pour lui ? Ta vie ? Ce n'est certainement pas assez. Alors, tu t'emploieras à le combler autant que possible, dans l'espoir de racheter ta note. Tu ne le mérites pas. Tu as chaud, Gysèle et tu savoures cet instant comme si c'était le dernier. Comme si il allait te plaquer et ne jamais se présenter à l'église, comme si il allait t'écrire "J'rigolais, c'était une blague". Bien sûr qu'il ne te ferait jamais ça. Toi ou Evroult en seriez capables, Louis-Marie n'est pas celui qui sait jouer d'un cœur ouvert et heureusement car le tien n'a jamais été aussi vulnérable qu'en cet instant.

Tes doigts courent sur sa peau, tes baisers glissent dans son cou, tu le goûtes comme jamais tu ne l'as goûté auparavant. Sans plus de barrières, sans plus de tabous ni de règles. Ton bassin ondule, tes cuisses enserrent ses hanches comme si tu ne souhaitais plus jamais l'en laisser filer et c'est peut-être ça ton vœu le plus cher d'ailleurs. Ne plus jamais le voir disparaître, t'imprégner de cette délicieuse vision et la préserver comme un trésor dans un coin de ta mémoire pour les moments moins heureux. Les frissons font frémir ta peau qui, vibrante de désir, se réchauffe encore. Tu pourrais prendre feu que ça te serait égal, tellement grisée, embrumée par ce réveil tout particulier. Aucun mot ne sort de ta bouche, tu n'en as pas la force, tu crains de briser l'instant, toi qui pourtant sais habilement libérer des phrases coquines à qui en réclame, il n'y a pas de jeu ici, juste une boule d'exaltation qui ne demande qu'à s'attiser encore et encore dans les bras de ton frère, de ton homme, de ton futur époux. Voilà que tu te ranges, Gysèle, serais-tu en train de t'assagir ?


*Si tu n'es pas celui fait pour moi
Alors je reviendrai et te mettrai à genoux
Si tu n'es pas celui fait pour moi
Pourquoi est-ce que je hais l'idée d'être libre?
Si je ne suis pas celle faite pour toi
Tu dois arrêter de me tenir de la façon dont tu le fais
Oh si je ne suis pas celle faite pour toi
Pourquoi avons-nous traversé ce que nous avons traversé

Adèle - Water under the bridge

_________________
Louis_marie
    [Au-delà de nos différences
    A force d'échanger nos silences
    Maintenant qu'on est face à face
    On se ressemble sang pour sang.*]


Les émotions, tu sais les maîtriser, un peu, lorsqu'il n'y en a qu'une, ou deux, et des petites. Un peu de frustration, tu encaisses. Une pointe d'affection, tu contrôles. Une once d'envie, tu la fais taire. Mais le problème, avec les émotions, c'est quand il y en a trop. Alors ça dépasse, ça déborde, ça inonde, et ça en fout partout. C'est ce qu'il se passe avec ta soeur, maintenant et tout le temps. C'était rien, au départ. Un brin de reconnaissance et de fidélité. Mais il y a eu ce soir, où le hasard t'a offert de voir ses seins, et où ce brin de reconnaissance s'est métamorphosé en ouragan d'excitation, cette fois où elle t'a dit "je t'aime", avec une voix emprunte d'une sincérité neuve, et où il s'est fait tempête d'émerveillement, et puis toutes ces fois où vous vous êtes embrassés, et où la miette d'amour est devenue amour tout court. Tous ces moments où tu ne sais plus gérer, et où, comme ce matin, une petite, seule et éphémère syllabe parvient, après avoir parcouru une distance extraordinaire, bravé tous les obstacles et zigzagué entre tous les agglomérats d'émotions dans ton cerveau, à franchir tes lèvres :

    - Je...

Ce n'est pas une phrase, même pas un vrai mot. C'est rien, deux lettres, et ça n'a aucun sens. Il ne faut sans doute pas chercher à en donner une quelconque interprétation. La seule chose que l'on peut en tirer, c'est que tu ne penses qu'à toi. "Je", c'est ce que tu dis toujours, quand tu as trop bu et que toutes tes cellules nerveuses puent l'alcool, ou bien quand ta soeur est trop près et que désir et culpabilité prennent toute la place dans ta tête. Mais ce matin, puisque tu es en elle, puisque tu es un peu elle, peut-être que ce "je", c'est un peu elle aussi.

Tu les lui laisses, à elle, ces émotions qui t'échappent et qui se refusent à rester sagement dans ta paume souveraine. Tu la laisses mener une danse que tu ne parviens pas à suivre, tu la laisses diriger, et jamais tu n'aurais cru pouvoir ainsi te livrer, toi d'habitude avide d'une position dominante et rassurante. Et que c'est bon, de ne plus chercher à contrôler ce qu'on ne peut contrôler. Il y a ses lèvres qui te font frissonner, où qu'elles soient, sur le tiennes ou dans ton cou, et qui semblent être l'épicentre d'un plaisir qui se diffuse dans tout ton organisme. Et là, entre ses cuisses, au fond d'elle, tes yeux se ferment et ta main glisse des cheveux roux à la nuque, descend le long de sa colonne vertébrale jusqu'à s'arrêter sur ses reins, pour parcourir le chemin inverse. Ce n'est pas humain de brûler ainsi. Là, en bas, ça s'agite, et tu as du mal à te concentrer sur ce que tu fais, ce que tu veux donner, ce que tu dois ressentir et découvrir. Malgré tout, tes doigts parviennent à remonter le long du flanc féminin pour s'installer tout contre le mont offert et...


    - Je...

Bravo, LM. Tu as perdu. Pris dans l'étau des jambes de Gysèle, tes muscles se tendent, ta main entreprend le galbe avec une plus grande fermeté et son épaule est la victime malheureuse des crocs qui s'y attachent. Tu tressailles, tu défailles. C'est long, c'est bon, et ça n'en finit pas. Si l'ascension fut rapide, la descente, elle, est d'une lenteur infinie. Tout a été si intense que tu n'as pas pu réagir et un soudain relâchement vient faire retomber tête et bras sur le matelas. LM exténué, LM défait, mais LM libéré.

Alors tu voudrais t'excuser, même si elle n'aime pas ça, parce qu'avec elle tu t'excuses toujours, d'être son frère, d'être maladroit, d'être allé si vite quand tu aurais aimé que le bonheur dure des heures, et que tu sais qu'elle aussi l'aurait voulu. Et pourtant, aujourd'hui, tu ne t'excuses pas, trop occupé à savourer une transe nouvelle, à laquelle tu n'avais encore jamais eu droit, ou du moins pas avec une telle intensité. Bien sûr, il y a un certain désarroi. Mais tu n'as pas envie de l'exprimer, de lui offrir cette place là. En fait, tu as envie de rire, de dire la joie qui te traverse, de sortir hurler au monde ton bien-être, de leur dire à quel point tu l'aimes, ta soeur, ta fiancée, ta femme et ta damnation. Et puis tu voudrais dormir, aussi, pour laisser tes songes prolonger à jamais ce qui vient de se passer, pour faire de cette si jolie note une éternité et ne plus affronter le monde. À défaut d'avoir la force de dire quoi que ce soit, c'est un sourire plus grand que celui que tu laisses apparaître au quotidien qui vient se dessiner sur tes lèvres, tandis que tes yeux se rouvrent, posant un regard attendri, marqué d'un certain trouble et pourtant rieur, sur ta soeur.

Et maintenant, on fait quoi ?



*Johnny Hallyday.
Gysele
As-tu seulement déjà connu ça, Gysèle ? Toi, la vendeuse d'amour, la professionnelle, l'expérimentée, voilà que tu découvres pourtant une nouvelle définition de l'acte charnel. Toute cette tension accumulée durant plusieurs mois, tout ce désir et cette impatience, mués en une étreinte si intime et si douce qu'elle t'en donnerait le tournis. Tu es fascinée par Louis-Marie, ses expressions de plaisir, ses pulsions, ses soupirs. Là, tu crois tomber amoureuse une seconde fois. Est-ce seulement possible ? Le visage du frère est définitivement masqué par celui de l'amant et vos corps unis scellent enfin cette union trop attendue. Les draps se froissent, ton corps frémit à chaque caresse, à chaque ondulation, c'est bon, mais pas encore assez. Ce n'est que le début.

    - Je...

Tu ne te laisses pas distraire par cette amorce de perte de contrôle. Tu le connais, tu sais que lorsqu'il est en proie à une vive émotion, il ne trouve plus ses mots. C'est une réaction que tu traites d'habitude avec brutalité, lui rentrant dedans pour l'obliger à parler. Sauf que là, tu ne veux pas qu'il cède, tu veux qu'il se retienne encore un peu et tu te fais plus douce. Tes baisers mordants s'atténuent en effleurements, ton corps lui même ralentit la cadence, cherchant à ménager les ressentis de ton fiancé peu expérimenté. Ah, si tu pouvais, tu lui dirais bien de penser à sa mère, mais tu n'as aucune envie de mêler votre génitrice à cet ébat, à ce moment précieux qui ne regarde que vous. Tu aspires son "je" dont tu ressens tout l'abandon qu'il y laisse transparaître avec beaucoup de tendresse. Tu n'as pas envie que ça se finisse, pas tout de suite, pas encore, mais tu sens les prémices de l'extase se propager dans son corps, les reconnaissant à force d'expérience. N'est-il pas magnifique ? Là ? Offert entièrement à toi si follement qu'il ne peut contrôler le plaisir qui l'assaille. Tu sais que tu ne peux plus rien pour empêcher l'envolée imminente et lorsqu'il appose sa main à ton sein, tu lui offres le plus doux des gémissements, le plus sincère peut-être de ta vie. Un son presque trop intime, trop pudique qui ne ressemble en rien à ceux délivrés à tes clients. Celui-ci n'a été que rarement offert et jamais avec autant d'amour dans le regard.

    - Je...
    - Pas encore mon am...

Tu n'as pas le temps de tenter de le maintenir à cette frontière, qu'il est déjà trop tard. Il cède et que ne ferais-tu pas pour qu'il savoure ce moment jusqu'au bout ? Rien. Il n'y a rien que tu ne ferais pour qu'il soit heureux à cet instant précis. Tu accompagnes donc cette jouissance de quelques déhanchements lascifs et tes lèvres viennent se nourrir de ses râles, les cueillant à la pulpe comme le plus savoureux des mets. Tu l'enlaces, l'accompagnes, écoutes son cœur battre à tout rompre puis ralentir tranquillement. Tu observes ce visage apaisé, ce regard rieur qui fait manquer un battement à ton palpitant et qui te donne l'impression d'exister, d'être vivante et invincible. Tu te noierais bien, dans le vert de ses yeux pour l'éternité si tu pouvais être assurée que vous n'en mourriez pas. Et si ton ventre pulse encore d'envie non assouvie, tu sais que vous ne manquerez pas d'occasions de recommencer encore et encore jusqu'à plus soif.

Tu te blottis dans ses bras et vous vous laissez emporter par une sieste post-coïtale, oubliant jusqu'à votre mariage qui se rapproche à grand pas. Tu sombres, là, dans le doux cocon que vous vous êtes forgés, abandonnant le monde, les autres, le temps d'un moment qui n'appartient qu'à vous. Un "Je t'aime" murmuré à l'oreille, quand tes paupières se scellent et Morphée t'emporte pour quelques heures.


[Heure du mariage moins quinze minutes]

Tu te réveilles dans la béatitude la plus totale. Tes doigts déjà furètent sur le corps de Louis-Marie, encouragés par une envie encore présente et renforcée par un rêve plutôt agréable. Tu peines à sortir des brumes du sommeil, tu ne sais même pas combien de temps vous avez dormi, ni quelle heure il est et tu t'en fiches un peu à ce moment précis. Tout ce qui t'intéresse, là, c'est d'éveiller ton frère pour continuer ce que vous avez commencé, insatiable, tu veux déjà recommencer. Alors, tu embrasses son torse, longe sa peau et t'égares contre son ventre. Tu inspires contre son derme, te nourrissant de son odeur si familière. Te voilà déjà plus éveillée et tu le sens bouger un peu sous tes baisers. Un fin sourire malicieux égaie ton visage tandis que tu cherches à stimuler cet amant, amour, fiancé...Fiancé !!

Tu te redresses soudainement en lançant un coup d'oeil par la fenêtre. Le soir est déjà bien entamé et tu viens secouer avec beaucoup moins de douceur le bel endormi.


    - P'tain ! P'tain ! On va rater le mariage ! LM ! On va rater NOTRE mariage ! Bouge-toi ! J'vais m'habiller ! Tu m'rejoins là bas...t'as intérêt ou j'te le ferai payer !

Tu as déjà sauté du lit, nue comme un ver, tu manques de te vautrer en te prenant les pieds dans les draps, mais tu fonces déjà vers la porte non sans avoir vérifié que ton cadet s'était effectivement réveillé. Déjà, tu disparais dans le couloir, te moquant comme de ta première chemise, que Pierre, Elise ou un client de l'auberge puisse te voir à poil. Tu as d'autres préoccupations. Rejoignant ta chambre, tu t'assures que Magdelon ne s'y trouve pas avant de te précipiter sur le coffre où dort la robe prévue pour cette occasion si spéciale. Rien de trop fastueux, tu gardes les riches étoffes pour l'Aphrodite et pour la catin qui y travaille. Pour Louis-Marie, autant rester simple, rester Gysèle, la modeste parisienne qu'il aime. Alors, comme tu sais qu'il est attaché aux traditions, c'est une robe rouge sans fioritures qui vient habiller ton corps. Un bustier de cuir teinté de la même couleur vient ceindre ta taille et tu arranges ta crinière de quelques doigts glissés dedans à la va vite. Tu es tellement stressée, anxieuse et angoissée, que tu ne prends même pas le temps de vérifier ton allure et déjà tu dévales l'escalier en direction de l'église.

[Arrivée à l'église]

Véra, est déjà là sur le parvis. Toi, essoufflée, les joues rougies par ta course, tu fais mine de monter les quelques marches tranquillement, mais votre marieuse doit certainement voir que tu t'es précipitée et que tu trembles de peur à l'idée de pénétrer dans l'édifice. Et pourtant tu la salues avec un sourire et lui adresses des mots chaleureux, de ce qu'une bonne courtisane doit être capable de sortir en toute circonstance.

    - Le bonsoir Véra ! C'est une belle nuit pour célébrer !

Lui dis-tu en prenant l'air le plus détendu qu'il soit alors que tu es morte de trouille. Un signe de tête et tu te décides enfin à passer la porte en voyant qu'Elise attend déjà à l'intérieur. Et si tu es foudroyée, au moins tu pourras dire au Très-Haut "oui...mais j'ai gagné mon pari !".
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Louis_marie
    [It’s a beautiful night
    We’re looking for something dumb to do
    Hey baby
    I think I wanna marry you.*]


Aujourd’hui, Louis-Marie, tu te maries. Et malgré cela, tes songes ne sont faits que des murmures de ta sœur et de son corps alangui près du tien. Tu n’aspires qu’à retrouver sa chaleur, qu’à l’aimer encore et encore, et ton rêve te semble bien proche de la réalité lorsqu’à moitié conscient, tu sens la douceur des caresses puis des baisers de Gysèle te parcourir. Ce second réveil n’est pas différent du premier, si ce n’est que c’est elle qui joue le rôle de l’étincelle allumant les poudres, et que tu te laisses faire d’autant plus volontiers que les images fraîches et précises de ce qu’il s’est passé le matin même défilent sans interruption. En quelques secondes, en quelques gestes savamment calculés, le sommeil laisse place à une ardeur et à un désirs dévorants. Tu es amoureux d’une experte de l’amour, c’est évident, et si tu regrettes parfois de la sentir si professionnelle quand tu es si malhabile, tu dois admettre que c’est aussi pour ses talents et son aisance qu’elle te plaît. L’effet qu’elle a sur toi, aussi travaillé soit-il, n’en est que plus intense. Et tu ne connais pas de plaisir plus grand que celui d’être, dès le réveil, la victime de chacune de ses caresses et l’objet de toutes ses attentions. Au fur et à mesure que tu t’éveilles, ta respiration se fait plus profonde et tu laisses tes phalanges glisser dans les mèches rousses. Sauf qu’elles n’ont pas le temps d’y rester bien longtemps, car déjà ton geste est interrompu. L’abandon est soudain, le secouage désagréable. Merde. Tu étais bien, là.

La tête lourde et embrumée, tu te redresses sur un coude pour comprendre ce qu’il vient de se passer. Ta sœur s’agite et prononce des mots avec un débit bien trop rapide pour que tu puisses en comprendre le sens. Mais qu’elle est belle. Pourquoi s’en va-t-elle ? Tu voudrais la retenir, mais elle s’éloigne, échappant à ton regard, brisant votre bulle de sérénité, et c’est en vain que ton bras reste quelques secondes tendu vers la porte, avant de retomber sur le matelas, emportant avec lui tout ton buste.

Un bref regard sur les draps qui te recouvrent t’arrache un soupir dépité. Les femmes sont décidément bien cruelles. Te moquant bien de l’heure et du fait que tu as traîné au lit toute la journée, tu te décides à fermer à nouveau les paupières pour contempler le souvenir de la silhouette nue que tu as vu sortir de ta chambre. Et tu l’entends encore, ce « je t’aime », murmuré au creux de ton oreille, abandonné là par une catin rousse pour devenir le bien le plus précieux d’un Louis-Marie qui, peu apte à chérir les objets, chérit les mots sans difficulté. Tu n’es pas loin de te rendormir, mais quelque chose t’en empêche. Quelque chose qui, après t’avoir occupé pendant des mois, a été soudainement oublié, la faute à une matinée agitée et à des émotions nouvelles. Quelque chose d’important. Tu vas te marier.

Sans parvenir à te laisser gagner par la vivacité gysèlienne et sans que l’idée d’un potentiel retard ne te traverse, tu quittes ton lit et finis par t’habiller avec ta nonchalance habituelle. Rien de fastueux, rien d’exceptionnel, exactement les mêmes vêtements que ceux que tu portes au quotidien. D’abord, parce que te mettre sur ton trente-et-un risque d’alerter les gens que tu croiseras et d’éveiller quelques soupçons. Ensuite, parce que tu t’en fous et qu’en enfilant une chemise blanche et relativement propre, ça n’est pas le mariage à venir qui occupe ton esprit mais plutôt l’éternelle image d’une Gysèle nue, lèvres posées sur les tiennes, corps ondulant sur le tien. Tu devrais arrêter de ressasser, LM. Concentre-toi un peu. Tu vas te marier.

Tu vas te marier. C’est ce que tu te répètes sur le chemin qui te sépare de l’église, et c’est ce que tu ne parviens absolument pas à assimiler. Tu les as voulues, ces noces, tu les as imaginées, tu les as rêvées, tu en as parlé. Et à l’heure d’épouser celle que tu aimes, cet hymen est le grand absent de tes pensées, le souvenir de son préambule les monopolisant toutes entières. Le parvis est atteint, la porte de l’église franchie sans grande hésitation, sans vraiment y prendre garde. Tu ne partages pas les craintes de ta sœur. Quant à savoir si ce que tu t’apprêtes à faire ne va pas te fournir un billet direct pour l’enfer, tu te rassures en te disant qu’après tout, si le Très-Haut avait voulu qu’il en soit autrement entre Gysèle et toi, il ne l’aurait pas faite sœur, ni toi frère. Ou alors, il ne l’aurait pas faite si belle, ni toi si faible.

Tu vas te marier. Tous les protagonistes de l’événement sont là et tu jettes sur eux un regard un peu perdu, évitant avec soin de croiser celui qui, pourtant, est le seul à t’intéresser. Un mot est bredouillé, pure formalité, et il est flagrant que tu penses à tout autre chose :


    - Bon… bonjour.

Alors c’est ainsi ? Le voici, le moment où l’on doit faire semblant ? Faire semblant d’être normaux, faire semblant d’avoir oublié. Comme si ce matin, c’était une autre Gysèle, un autre LM, comme si tout cela avait été relégué dans une zone souterraine de vos cerveaux respectifs. C’est faux, il n’y a rien de plus faux, et toi tu ne penses qu’à ça. Un instant, tu te demandes si les femmes présentes ressentent ton désarroi, voient la lueur paniquée dans tes yeux qui, parcourant les murs du bâtiment religieux, tentent de retrouver des pensées appropriées à un tel lieu. Pense donc au mariage plutôt qu’à la mariée qui se tient là, tout près, et que tu aimes trop pour te résoudre à la regarder. Comment fait-elle, elle, pour parvenir à faire semblant ?

Ta paume moite passe sur ta cuisse. Tu vas te marier, et peut-être que tu ne réalises pas. Tu vas te marier, et peut-être qu’en vérité, tu réalises un peu trop. Car au fond de toi, derrière les images obscènes, il y a quelque chose d’autre, un sentiment étranger à ton insouciance adolescente, une nouveauté qui ressemble bien à de l’inquiétude et à de l’incertitude. Est-ce que c’est ce que vous voulez tous les deux ? Est-ce que c’est vraiment la bonne décision ? Est-ce que, par un simple oui, vous vous condamnez à brûler pour l’éternité ? Inquiet et incertain, tu l’es, c’est évident. Et qui ne le serait pas, le jour de ses noces ?



*Bruno Mars.
Traduction :
C’est une belle soirée
Nous cherchons quelque chose d’idiot à faire
Hé chérie
Je crois que je veux t’épouser.
Gysele
Tu n'as jamais été aussi nerveuse de ta vie, Gysèle. C'est comme si tu étais pétrifiée là, devant l'autel, un nœud dans le bide et tout con corps qui tremble.Tu n'es pas quelqu'un d'angoissé d'ordinaire, mais tout ici te stresse et te met une boule au ventre. A commencer par le lieu qui t'étouffe, Véra qui malgré sa gentillesse et sa joie de vivre, t'oppresse par tout son réconfort - tu aurais presque préféré qu'elle te dise que ça allait mal se passer, histoire de mieux gérer tes émotions- et puis cet engagement que vous prenez toi et Louis-Marie, ça te fout les jetons. Tu te serais bien contentée d'une vie tranquille sans union, sans sacrement, juste vous, l'amour et l'eau fraîche. Ca, c'était ton plan, avant qu'il ne te fasse chanter. Un instant, tu songes à le planter là, car après tout tu as eu ce que tu voulais et tu ne doutes plus de pouvoir le convaincre à nouveau, mais tu observes ton frère et tu sais que sous son angoisse visible se cache un besoin viscéral de faire les choses proprement au nom de Dieu. Pourquoi, dans cette famille, est-il le seul à porter un grand intérêt aux valeurs théologiques ? Tu n'en as aucune idée. Mais dès lors que ça tient à coeur à celui que tu aimes, tu ne te vois pas déserter les lieux en saluant d'un "Bon j'me tire, on baisera plus tard !". Non car il s'agit bien là d'autre chose que "baiser", mais bien de se lier spirituellement et plus étroitement encore. Si Elise s'en moque et est loin d'avoir envie d'assister à ça, toi, tu t'efforces de faire bonne figure alors que ton futur époux semble encore plus paniqué que toi.

L'instant pourrait être une farce si il n'était pas si réel. De la musique, à l'officiante excentrique, à vous trois qui, sans baptêmes, sans rien d'autre que vos tenues modestes, espérez être unis discrètement et rapidement. C'était sans compter sur la Bretzel qui comptait bien faire durer l'instant et vous donner l'occasion de "savourer" ce moment unique dans leur vie. Ah si seulement elle savait combien vous étes impatients d'en finir. L'église de Saint-Michel-des-Lions est plutôt jolie, quoique tu n'as jamais été très adepte de ces lieux, persuadée jusqu'à il n'y a pas longtemps, que tu serais foudroyée en en passant la porte. Bref, puisqu'il faut commencer, Véra vous lance dans le bain. Vous répétez bêtement ou maladroitement les phrases de confession qu'elle propose, clamant des noms tels que Titus ou Paulo qui ne te disent absolument rien. Ton regard inquiet n'a de cesse d'aller de la curette à Louis-Marie et à Elise dont la posture indique clairement l'ennui qu'elle ressent à se trouver ici. Il faut vraiment qu'elle vous aime pour supporter ce moment et au fond de toi tu lui en es extrêmement reconnaissante.
Dissipée, tu n'as de cesse d'interrompre l'officiante dans son chant par des "Il n'a pas trop chaud près du soleil ?" ou autres questions existentielles qui pourraient bien te venir à la caboche. Si seulement tu pouvais prendre ce mariage un peu plus au sérieux.. Peut-être que si tu l'avais fait, tu aurais préparé tes vœux et tout ce qu'il fallait en bonne épouse.


    - Le mariage suppose que les deux époux s'engagent l'un vers l'autre librement et sans contrainte, qu'ils se promettent amour mutuel et respect pour toute la vie, qu'ils accueillent les enfants que Dieu leur donne, et les éduquent selon les écrits d'Aristote et la pensée de Christos.

Voilà une phrase de la Bretzel qui a eu le pouvoir de vous faire réagir tous deux. Tu sais que Louis-Marie déteste les enfants et toi, pauvre fille, tu ne t'imagines absolument pas mère. Tu as fait passer déjà deux possibilités par crainte de reproduire le schéma familial, ce n'est donc pas en épousant ton frère que tu te lanceras dans la création d'une famille. Mais en dehors du léger blêmissement de tes joues et d'une infime réaction de ton époux en devenir, vous parvenez plutôt bien à digérer cette possibilité que vous vous empresserez d'enterrer avec tous les menus détails dérangeants qu'amènent une telle union. Et si l'instant du " Si quelqu'un a quelque raison que ce soit de s'opposer à ce mariage, qu'il parle maintenant, ou se taise à jamais " t'incite à lancer un regard appuyé sur ta nièce, tu restes néanmoins attentive à l'état de la curette qui dit avoir quelques vertiges. Ce mariage est décidément une vraie aventure et tu t'empresses enfin de tendre les alliances pour les faire bénir pensant un peu naïvement que la fin arrive. La fin ? Oui, la fin de ta passivité dans cette célébration oui ! Arrive le moment que ni toi ni LM n'avez préparé : celui des vœux échangés. Et c'est là que la vraie panique démarre.
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Louis_marie
    [We were born sick, you heard them say it
    My church offers no absolution
    She tells me worship in the bedroom
    The only heaven I'll be sent to
    Is when I'm alone with you
    I was born sick, but I love it
    Command me to be well.*]


Ça tambourine, là, dans ta poitrine. Ta respiration n'a jamais été aussi rapide, tu blêmis ou tu rougis, on ne sait plus vraiment. Sans que personne ne puisse s'en apercevoir, tu vis une authentique crise de panique. Tu vas t'effondrer. Sur le sol gelé de l'église de Limoges, tu vas t'effondrer, et personne ne pourra plus te relever. À la une et en lettres d'or, demain, on lira dans les journaux : "Un homme s'effondre le jour de son mariage." Et tu ne t'en remettras pas. Alors on lira, dans les journaux, après-demain : "Un homme s'effondre le jour de son mariage. Il est mort." Il mèneront l'enquête, l'inévitable enquête, ils voudront comprendre, et alors on lira, dans les journaux, dans une semaine : "Un homme s'effondre le jour de son mariage. Il est mort. Il allait épouser sa sœur." L'engagement est-il acté quand bien même l'un de ses protagonistes s'effondre avant la fin de la cérémonie ? Voilà une question que l'on ne se pose pas assez souvent et qui, pourtant, déciderait du statut de veuve ou de non-veuve de Gysèle. Car Gysèle survivra, Gysèle survit toujours. Elle témoignera, et on lira, dans les journaux, dans un mois : "Un homme s'effondre le jour de son mariage. Il est mort. Il allait épouser sa sœur. La veuve témoigne, précisant que son défunt mari n'était que son demi-frère et que demi-frère, ça ne compte pas vraiment."

Demi-frère, ça ne compte pas vraiment. C'est ce qu'elle dirait. Elle entend toujours ce que tu tais, et, si vous étiez seuls, elle te sourirait, de ces sourires qui n'appartiennent qu'à elle, ceux qui rassurent et donnent l'illusion d'être le seul à les mériter, ceux qui aident à respirer et qui t'excitent diablement, ceux qui interrompent toute connexion neuronale dans ta caboche, et c'est ce qu'elle te répondrait : demi-frère, ça ne compte pas vraiment. Tu te raccroches donc à ça pour t'arracher à tes pensées et y enlever l'idée que vous n'êtes rien d'autre qu'un sordide fait divers. Et ça fonctionne, ça fonctionne même très bien, jusqu'à l'évocation des enfants. S'il t'a fallu des mois pour accepter cet amour, que tu n'acceptes même pas encore tout à fait, tu n'es absolument pas prêt à en accueillir les éventuelles conséquences. Mais ne crains rien, elles n'existeront pas. Tu peux bien promettre d'élever tous les enfants que le Très-Haut vous offrira, puisqu'il n'y en aura aucun. Votre union est et restera nécessairement, fatalement, stérile. Qu'il est beau, le voile posé sur ta réalité.

Tu ne fais pas un bruit, mais l'émotion monte et l'angoisse ne te laisse plus le moindre répit. Et si elles arrivent, les conséquences ? Et si elles posent des questions ? Elles sauront que votre amour était un péché, vos épousailles un mensonge, et leur existence un crime. Comment leur expliquerez-vous, alors ? Tout ira bien. Maman sourira. Et Papa leur dira qu'il aime Maman. Il ne sait dire que ça.

Voici d'ailleurs le moment de le prouver, LM. Les vœux. Tu te réveilles, reviens au monde présent, et c'est violent. Vous avez pensé à tout et tout préparé : les tenues, les alliances, le témoin, le curé, l'église. Et vous avez oublié vos vœux. Félicitations, vous êtes officiellement les pires mariés de l'année. Véra annonce : les hommes d'abord. Une lueur paniquée, une pensée pour le matin de ces noces, un coup d'œil vers la porte de l'église qui semble beaucoup trop éloignée pour que la fuite en toute discrétion soit une option, un regard à la mariée, qui sourit, une inspiration, et tu te lances.


    - Moi, Louis-Marie Ponthieu. Bien. Bon début. On continue. Je veux m'unir à toi, Gysèle. Ça, c'est dit. Mais quand ? Où ? Comment ? À la vie et à la mort, dans la santé et dans la maladie, dans la richesse et dans la pauvreté, sur terre et en mer... Pause. Yeux arrimés à ceux de ta rousse, répéter les mots dictés par votre jeune marieuse, avec un peu moins d'assurance et beaucoup plus d'hésitations, est bien la seule chose dont tu te sentes capable. Et, somme toute, tu faisais ça très bien, jusqu'à buter sur ce dernier mot. En mer ? Ça n'a aucun sens. Mais tu poursuis, vite. En mer. Ailleurs et ici, devant Dieu et les autres.

Silence, encore. C'est pesant tous ces silences, LM. Ça rend les choses bien plus solennelles que tu ne les aurais voulues. Tu vas t'arrêter là. Après tout, les mots ont été dits, dans le bon ordre, et tu ne tiens pas à t'éterniser. D'une, parce que plus tu la regardes, plus tu as le sentiment que ta promise va s'évanouir d'un instant à l'autre, et que c'est toi qui finiras veuf avant d'avoir été époux. De deux, parce que tu es surtout intéressé par les siens, de vœux. De trois, parce qu'il pleut dehors, et ça te donne furieusement envie de pisser.

    - Et je jure de faire dépendre mon bonheur du tien. Voilà.

À ton tour, Madame Ponthieu.


*Hozier.
Traduction :
Nous sommes nés malades, tu les as entendu le dire
Mon église n'offre pas d'absolution
Elle me dit de prier dans la chambre
Le seul paradis où je serai envoyé
Ce sera quand je serai seul avec toi
Je suis né malade, mais j'aime ça
Ordonne-moi d'aller bien.
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