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[RP] Travailler c'est trop dur & voler c'est pas beau

Magdelon
[Limoges]
Y'a des jours comme ça où tout ne va pas pour le mieux,
Y'a des jours où tout part en couille, tout coule... (1)


Tic Tac (2)
Je préfère de nager dans la mer,
de faire l'amour au bord de la rivière.
Je préfère de câliner sans fin
et de boire de la bière sans misère à noyer...
que d'aller travailler.
Plutôt plutôt jouir que d'aller travailler !


Alors que le jour décline, les derniers rayons de soleil se glissent à l'intérieur de la carrière où quelques pauvres âmes cognent à s'en bousiller les doigts les pierres granitiques qui les entourent. Le choc de l'outil contre la roche fait résonner son bruit métallique sur plusieurs lieues à la ronde, son arythmique berçant douloureusement les pauvres oreilles des ouvriers fatigués. Dans un coin, Magdelon roupille, sa frêle corpulence lui ayant permis de se faufiler au nez et à la barbe du contremaître qui aboie ses ordres comme une litanie. Il ne l'a pas vue s'installer dans ce petit recoin à l'abri du vent et de la pluie, et c'est en toute quiétude qu'un ronflement léger s'échappe de ses lèvres bleuies par le froid. Le sommeil est profond, à l'instar de ceux qui s'endorment le jour au lieu de roupiller la nuit, pris par des insomnies ou des maux plus puissants. Il est si épais et cotonneux que les pas du porion, pourtant lourds, ne suffisent pas à la tirer de sa rêverie, ou de ses cauchemars, et c'est seulement lorsque la gueule édentée se trouve à quelques millimètres de son visage juvénile que le souffle poisseux la rappelle au monde réel, loin des chimères.

Son cœur, alors, pris dans un rythme tout d'un coup effréné, se lance dans une danse asynchrone qui lui laisse le souffle haché. Brunette se revoit à la Cour des miracles plusieurs semaines auparavant, essayant d'échapper à la gueule bousillée qui l'avait prise pour cible. Elle veut reculer, se relevant quelque peu, mais, acculée, ne peut que se frotter violemment à la paroi qui se trouve derrière son dos. L'horreur recommence, encore, et c'est pétrifiée que pucelle voit l'homme s'avancer, près, plus près, jusqu'à frôler son visage de sa main crasseuse. Le cri qui essaie de passer ses lèvres n'en trouve pas la force, seul un filet de voix réussit à forcer le passage tandis qu'il l'observe, rictus aux lèvres et regard mauvais. Jeunette sait combien les hommes peuvent être féroces lorsque l'agneau est pris au piège. Ses forces la quittent, bientôt ses bras tremblants vont lâcher et faire s'affaler son corps contre le sol et il sera trop tard. Trop tard. Magdelon n'est pas violente, non. Il lui arrive même de perdre tous ses moyens face à l'Homme. Mais pas cette fois-ci. Un sursaut de survie vient la prendre, faisant grimper en elle l'adrénaline nécessaire pour rétorquer avant même que porion ne puisse la violer de ses mains, de ses lèvres, de...


Je préfère de gambader dans la bruyère,
de siffler sur la colline,
de dormir sur la plage.
Je préfère de retourner la terre,
de manier la truelle, le ciseau, le laser...
que d'aller travailler.
Plutôt plutôt jouer que d'aller travailler !


Sa main fouraille le sol à la recherche de l'arme idéale pour le mettre hors d'état de nuire. Assez pour que brunette puisse se barrer, se sauver, prendre la poudre d'escampette, bref, se faire la malle et garder cette innocence du corps dont elle est si fière. Enfin, ses doigts agrippent une pierre pleine, assez grande pour tenir dans la main, assez pointue pour asséner le coup qui le fera fuir. Alors pucelle lève son bras et frappe, l’atteignant à la tempe. Jamais Magdelon n'aurait cru qu'un crâne puisse faire un bruit pareil sous l'impact du granit, et surtout de son propre fait. Les yeux ronds, elle contemple, sidérée, le contremaître reculer, main portée au front avec une grimace de douleur. Et à ce moment là, son cerveau déconnecte. A nouveau, sa main s'abat, plus fort, plus hargneuse. En face d'elle ne se trouve pas l'inconnu venu lui prendre sa vertu mais son oncle, celui qui, jour après jour, portait la main sur la jeune Berrichonne pour la remettre sur le droit chemin lorsque sa gueule s'ouvrait un peu trop grande. Cette trogne qui lui fait face représente toutes les douleurs, toutes les humiliations subies depuis son plus jeune âge. Alors elle frappe. Une fois, deux fois, dix fois, jusqu'à ce que le visage ne soit plus que sang. Rouge. Poisseux. Jusqu'à ce que la folie s'apaise et la laisse pantelante, essoufflée. Jusqu'à ce que la décharge neuronale, bien trop forte pour être normale, la fasse retomber en une crise fulgurante, lançant son corps en une sarabande saccadée, convulsive et violente. Les minutes s'égrènent et soudain le calme reprend ses droits. Seul le croassement d'un corbeau vient briser le silence qui s'est installé. Il fait nuit.

Je refuse d'être tué à la tâche,
affamé au chômage pour cracher du profit.
Je préfère de suer sang et eau en choisissant pour qui pour quoi où et quand et comment...
que d'aller me détruire pour produire des nuisances qui détruisent à leur tour !
Pour découvrir la vie plutôt que la survie, pour ne plus travailler,
rien n'est à espérer, tout est à renverser,
et sur la table rase, nous pourrons nous aimer...


Un frisson la secoue, ses paupière s'ouvrent, sa bouche pâteuse essaie d'avaler le peu de salive qui lui reste alors que ses douleurs la réveillent pleinement. Jeunette ne se rappelle de rien, seule la nuit qui l’enveloppe lui fait prendre conscience que ce n'est pas normal de se trouver là, dans l'obscurité, allongée dans le froid de décembre. Comme après chaque crise, ses membres crient leur détresse, leur tourment, après s'être débattus férocement sous l'impulsion des neurones devenus fous. Doucement, Grenouille se relève, réussissant à s'asseoir sur le sol froid et irrégulier. Les ténèbres l'entourent, il lui faut un moment avant de discerner plus en détail la silhouette allongée non loin d'elle. Allongée et immobile. Plus vraiment sûre de ce qui s'est passé, Magdelon se met à quatre pattes pour s'approcher de l'ombre, pourtant bien réelle. Ses doigts le palpent, le corps est froid. Ses yeux, doucement, s'habituent à la noirceur de la nuit, car l'astre lunaire ne lui fait pas l'honneur de sa présence ce soir pour éclairer sa vision. Sa main rencontre un liquide visqueux à hauteur du visage et soudain l'horreur de la situation vient la prendre aux tripes. Elle l'a fait. Terriblement et honteusement fait. Prise d'un haut le cœur, brunette se relève, paume portée aux lèvres dessinant une voyelle muette. Les paupières écarquillées n'arrivent pas à se détacher du corps qui gît là, sans vie. Un pas, deux pas, Magdelon se détache peu à peu, à reculons, de cette scène affreuse qui s'est jouée avec et contre son grès.

Le corps se met en mouvement, les muscles sont grippés, comme rouillés par la peur et l'horreur de la situation. Mais l'instinct de survie est bien plus puissant que ses douleurs et l'extrême fatigue qui la prend après chaque crise. Brunette se met à courir, à en perdre haleine, sur des lieues, s'éloignant cheveux au vent et cœur battant, prenant un chemin s'enfonçant à travers la forêt sans plus réfléchir. Partir, vite. Courir. S'échapper. Ses mains sont rouges de sang, ses habits bien trop grands pour elle, flottant sur sa carcasse fluette, imbibés du liquide épais jusqu'au plus profond des fibres qui les composent. Magdelon court, encore, jusqu'à heurter de plein fouet un obstacle qui l'arrête net dans sa course.


(1) NTM – La fièvre
(2) René Binamé
Judicael.
L'obstacle est donc là. Occupé à ramener du bois pour chauffer le petit groupe. Toute la soirée, préférant s'isoler, il avait fendu des bûches. Une tâche nécessaire à la survie du petit groupe qui avait entouré les renards au fil de leur voyage vers Genève. Les bruits s'étaient rapprochés sans l'affoler outre mesure. La nuit, les animaux sauvages reprenaient leurs droits. Un sanglier de passage, s'il ne se sent pas menacé ne se met pas à att...

Heurté dans le dos, il se retourne sous le choc, surpris, baissant les yeux sur Magdelon. La lanterne est brandie d'une main nerveuse, tandis que l'autre agrippe le bras maigrelet par réflexe, impulsif.

Dans le geste, les doigts rencontrent la poix de l'hémoglobine que la lueur faible vient mettre à jour sur l'ensemble de ses nippes. Surprise. L'odeur, la viscosité, et le pourpre brunit par les heures n'est pas étranger au voleur. Sentant l'agitation et le vertige reprendre la jeune femme, il délaisse la lampe au profit de l'autre bras de grive, la retenant ainsi fermement d'une nouvelle commotion.


- Hé, hé, hé...


Elle vacille, à bout de force. Il la saisit en poids et la maintient contre lui. L'incompréhension pointe. La brune d'un naturel solitaire n'a pas pour habitudes de tomber dans les bras du pudique Cael. Tournant le visage vers une autre lueur, lointaine, il siffle un coup. Puis, la main sur les crins de jais désordonnés, il l'exhorte à s'apaiser et à lâcher prise. Le tambourinement du coeur de Magdelon est perceptible, soutenu. Le souffle est saccadé, anarchique. Elle a couru longtemps. Gamine semble sortir droit des enfers.

- Calme-toi... Là. C'est moi.

Il scrute les environs, cherchant l'apparition de la silhouette fraternelle et guettant le danger qu'elle fuit. Pourvu que la vue de la gamine dans cet état de provoque pas une crise Samaelienne... D'où vient-elle? A qui est le sang? Brebis s'est roulée dans l'ichor, bousculant bien des questions. Pas qu'il ne lui porte une affection particulière, mais il lui a semblé au fil des jours qu'elle avait tissé un lien particulier avec l'autre roux. Fait assez rare pour être souligné... Et pour lui accorder la trêve de cette habituelle froideur accordée aux inconnus.

Les questions viendront bien assez vite, pour l'heure, il reste sur ses gardes, il s'agitde vérifier qu'elle ne soit pas ...


- Es-tu blessée?
_________________

Viens jouer...
Magdelon
Le choc est rude, inattendu, et la course s'arrête net lorsque l'obstacle est heurté de plein fouet, coupant son souffle déjà bien chamboulé par le marathon que l'oiselle vient de courir à en perdre haleine. Ses pupilles se rétractent lorsque la chandelle éclaire son visage, le regard est ébloui, rendant par là même les traits de Judicaël invisibles et non reconnaissables. Une main ferme vient lui saisir le bras, et le cœur de l'adolescente s'arrête de battre l'espace d'un instant. Une foultitude d'idées lui monte en tête, la première étant que la maréchaussée l'a déjà rattrapée, que son meurtre a déjà fait le tour de la province. Déjà, pucelle imagine la fin de ses jours en geôles, avant de se faire pendre haut et court pour avoir buté un porion. D'un geste sec, Magdelon tente de se dégager, mais la prise est trop forte, et la Berrichonne si faible, il lui est impossible de fuir les doigts qui s'agrippent. Jetant toutes ses forces dans la bataille, souffle coupé, regard attestant toute la peur et l'angoisse qui l'habitent depuis sa prise de conscience au sein de la carrière, son corps met tout en œuvre pour s'affranchir de la poigne qui vient de se saisir de son autre bras. Un cri passe alors ses lèvres tremblantes, aigu, reflétant toute l'épouvante du crime commis.
    - Lâchez-moooooi !

A bout de souffle, à bout de force, enfin, brunette aperçoit la chevelure rousse, trop reconnaissable entre toutes pour passer inaperçue. Les mots de Judicaël trouvent leur place et la main fichée sur sa chevelure calme doucement les sursauts de son corps essayant de s'échapper. Peu encline habituellement à tout contact, voire même totalement réfractaire à cette simple idée, brunette n'a plus une once d'énergie pour s'éloigner du jumeau qui tente de l'apaiser. Mais les images se sont incrustées dans sa caboche, il est impossible de s'en défaire. Le sang poisseux et pourpre danse devant ses prunelles et le regard vide du contremaître la hante. Il est mort. Définitivement mort, et de sa main. Les larmes, pourtant, ne jaillissent pas, Magdelon, depuis peu, ne sait plus pleurer. Les limbes l'engouffrent, piquantes, hiémales, sa peau se pare de frissons glacials et ses lèvres se mettent à trembler de manière anarchique. Judicaël l'invite à se calmer, rien ne semble pourtant atténuer le tsunami qui la dévore en cet instant.

A sa question, pucelle secoue la tête, prunelles dilatées et regard abasourdi.

    - N... non

Ou plutôt si, blessée en son âme, en son cœur, la froideur s'est emparée de son être tout entier.
    - Mort, mort, il est mort. La pierre. Le sang. Il est mort.

Les mots sortent, désordonnés, rendant l'acte encore plus réel. Il n'y a bien qu'aux jumeaux que ce genre d'aveu peut être fait. Brunette les connaît peu, pas, mais elle le sait, elle le sent, scellant son destin en cet instant. Il n'y avait pas de retour en arrière possible, tout était joué.
_________________
~~*~~ ReVolte ~~*~~
Judicael.
La pierre, le sang. La mort.

Le schéma se dessine, les possibilités s'imbriquent. La main poisseuse est saisit, Magdelon tirée par le bras.
Chemin est rebroussé à l'envers, signe est fait au jumeau de suivre le mouvement.


- Amène-moi à lui.

Même si Judicael l'attire, il faudra qu'elle finisse par le guider. Il faudra qu'il voit de ses yeux la mort, telle que Magdelon la décrit.
Il faudra comprendre comment une si frêle jeune fille sait danser avec elle. Et pourquoi. Et comment.

Contre toute attente, retour en arrière est fait. Sans lui laisser le choix. Il veut voir. Il veut savoir.
Le sang ne lui a jamais fait peur. Il a baigné dedans étant petit. Les hommes cependant, eux, lui ont laissé un gout d'amer. Et la méfiance vissée au corps.

- Montre-moi, Magdelon. Montre nous.

Il la pousse dans ses retranchements, la bouscule sans la toucher. La mort, lorsqu'on se retrouve face à elle, il faut savoir la regarder dans les yeux.
Magdelon fait partie du groupe. Magdelon doit comme le groupe, accepter de se heurter à la mort...
Si Owenra a pris la brune en maternage, et si son frère en pince pour elle, Cael lui n'a rien d'un paternel. Tout au plus un ami, qui la regarde en coin sans rien dire creuser son trou dans leur tanière.
La vie des chiens, des renards, d'une meute est pavée de règles de retenue.
De secrets et de liens de confiance. Si la gamine avait des ennuis, elle mènerait les ennuis à eux. Et il avait compris à force d'observation qu'elle ne voulait ça pour rien au monde.

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Viens jouer...
Magdelon
- Quel est votre pronostic pour ce combat ?
- Pronostic…
- Oui, votre pronostic ?
- Une boucherie.


Judicaël referme la main sur son poignet menu, complétant son geste d'une phrase qui la pétrifie totalement. Non, il est hors de question de retourner là-bas. Hors de question de revoir ce corps, ces yeux, ce sang répandu sur la peau, la pierre. Ses talons se fichent au sol avec le vain espoir de retenir le mouvement amorcé par le rouquin, son regard, même, va chercher celui de l'autre jumeau, affolé. Mais que peut l'oiselle aussi légère qu'une plume face à la détermination d'un Judicaël ? Rien, sans doute. Sans pouvoir arrêter par la force la course qui s'engage dans l'autre sens, les rapprochant de plus en plus du spectacle morbide qui les attend, Magdelon tente par les mots de lui montrer qu'il lui est impossible de s'y rendre à nouveau.
    - Je veux pas. Je veux pas le revoir. Y retourner. Je veux pas.

Il l'accule, la met à l'épreuve, la pousse à regarder en face ce qu'il serait si facile d'oublier et de classer dans une partie sombre de son esprit. Rouquin sait bien, lui, que la prise de conscience passera par là. Voir, imprimer, s'imprégner, réaliser et enfin accepter, si tant est que cela soit possible. Ses jambes sont cotonneuses, brunette jette ses dernières forces dans la bataille pour réaliser le chemin en sens inverse, comprenant qu'il est bien trop tard pour revenir en arrière et que, quoi qu'il arrive, Judicaël la forcera à leur montrer l'ampleur des dégâts. Résignée, ses bottes butent contre les pierres du chemin, manquant de s'étaler au sol de manière régulière, et les prunelles en disent long sur l'effroi qui grimpe en elle au fur et à mesure de leur avancée. Pucelle est épuisée, mais sait toutefois que le pire est à venir, que ses forces l'abandonneront définitivement une fois l'épreuve terminée, et que son corps choira tout autant que son esprit à ce moment là. Puisant l'énergie nécessaire, les quelques lieues sont avalées à la faveur de la nuit, la lune guettant à loisir le trio s'engouffrant dans la forêt limousine.

Le froid a réussi à se saisir de tous ses membres, à plonger en elle et frigorifier la moindre parcelle de sa peau lorsque la carrière se révèle à eux. Il y règne un silence de mort, le lieu est désert, depuis plusieurs heures maintenant les ouvriers ont délaissé l'endroit pour aller se reposer du sommeil du juste. Magdelon sait bien, de son côté, que ce dernier mettra longtemps, très longtemps à revenir. L'oiselle ose un dernier regard à Judicaël, comme une supplique, mais ce qui peut se lire dans le sien la pousse à continuer. Il est hors de question de rebrousser chemin, c'est ainsi. Un monticule est grimpé, puis les trois silhouettes redescendent dans le ventre de la carrière, avant de bifurquer sur un petit chemin empli de cailloux, Magdelon en tête. Le fait d'être là, Judicaël et Samaël sur ses talons, en route pour aller contempler un cadavre avec le crâne en bouilli, son œuvre, lui paraît complètement irréel. Comment a-t-elle pu en arriver là ? Qu'est-ce qui a bien pu la pousser à réaliser un tel acte ? Pourquoi son esprit s'acharne-t-il autant à jouer les électrons libres ? Une ribambelle de questions la secoue alors qu'enfin ils atteignent leur but.

Dans un petit recoin, l'emplacement qui a accueilli la scène est là, sous leurs yeux. Tout le long du chemin, brunette a espéré que tout cela ne soit qu'un mauvais rêve et que le corps aurait disparu à leur arrivée, mais il n'en est rien. Il gît encore, là, dans la même position, figé. Son cœur se serre et sa respiration se coupe, l'obligeant à stopper sa marche quelques instants. Tout cela s'imprègne en elle, son cerveau enregistre tous les détails, la corpulence du porion, la manière dont le corps est disposé, et malgré la nuit sombre, la tâche de sang, épaisse, qui entoure son visage. Son corps, in fine, se remet en mouvement, l'approchant doucement de sa victime. Magdelon s'arrête à la hauteur de sa tête, ses bottes frôlant le liquide pourpre s'étant coagulé avec le temps. Arrimant son regard à son visage, elle en imprime chaque trait, chaque détail, afin que jamais il ne puisse être oublié.

Alors, seulement une fois cette tâche réalisée, laissant le froid envahir pleinement ses veines et son propre cœur, ses prunelles vont se ficher dans celles de Judicaël, une lueur indescriptible y dansant.

    - Je l'ai tué.

Veni, vidi, vici.
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~~*~~ ReVolte ~~*~~
Judicael.
C'est dans un silence qui ne souffre que du bruits de leurs bottes dans les herbes humides des sentiers et sur le roulis des graviers de la carrière qu'ils avance en procession, lanterne en main. La route est longue, bien plus longue qu'il ne l'aurait imaginé. Ainsi, elle a parcouru tout ce territoire dans la nuit pour revenir vers le groupe? Judicael observe les ombres mouvantes des blocs de pierre et des talus aux pointes cassées. L'endroit a un aspect de cimetière la nuit, piqué de tant de granit. Il ne lâche pas d'une coudée la jeune femme qui semble être devenue aussi muette qu'elle n'était agitée une heure plus tôt, convulsant d'anxiété et d'effroi. Lorsqu'après bonne route ils découvrent le corps sans vie qui a fait trembler la gamine, ils restent bien silencieux face au spectacle que met en évidence la lueur de la lampe...

Cael s'accroupit près du cadavre, surpris qu'aucun charognard ne soit encore venu en faire son festin. La senestre arracha un bout de la chemise, à l'endroit le plus sec et le plus propre. Au seul endroit qui n'avait pas souffert de l'hémoglobine. Murmure.



- Tu l'as plus que tué. Tu l'as... Littéralement réduit en purée.


Il la regarde, incrédule. Elle? C'est elle qui a fait cela à un homme de cette corpulence? Ho, sûr, aux miracles il avait déjà assisté à des rixes aux issues inattendues, et à Brissel il fallait se méfier du plus petit, pour autant... Magdelon était une grive, et son cadavre, celui qu'elle traînerait toute sa vie au dessus de sa trogne comme le nuage de Jod le Polchi, était un ogre... Il passa ses dents assorties de sa langue sur sa lippe, sourcils froncés, réfléchissant au déroulé de l'inégal combat.

Plus tard... Les questions. Plus tard les réponses. La grosse pierre poisseuse aux cotés du porion en racontait dejà bien assez. Il redressa sa carrure sèche et observa gravement Magdelon. L'heure avançait, le jour arrivait bientôt. D'ici quelques heures les premiers gars feraient leur apparition dans la carrière, et découvriraient le tout. Le mieux était qu'ils ne découvrent rien.


- Bon. Voilà ce que nous allons faire. Va chercher du bois sec. En quantité. Samael et moi allons préparer le terrain. Si tu fais tout ce que je te dis, demain il n'y aura plus de cadavre. Et qui dit plus de cadavre dit... Plus de crime. Va.


Du moins, matériellement. Comme eux tous, elle ferai avec pour s'accommoder de sa première exaction. De son premier éclat de mauvaise vie. La poussant un peu pour lui faire presser la manoeuvre, Judicael fit signe de sa main libre à son frère de l'aider à faire rouler quelques pierres de part et d'autre du macchabée. La nuit était loin d'être terminée...

Quelques coups de hache retentirent dans l'écho infini qu'offrait la carrière. La nuit était encore d'encre. Et bientôt jaillirait dans son écrin un feu de bois, immense. Un feu d'oubli.

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Viens jouer...
Magdelon


Il énonce le fait comme une évidence. Alors que son esprit a relégué l'acte comme un meurtre froid, Judicael le transforme en carnage. Ses prunelles s'abaissent à nouveau pour observer le porion gisant au sol. Fou ce qu'une pierre peut produire comme résultat, lorsque la conscience se détache du corps. Une pierre et un bras, une main, un corps, de l'énergie. Et tout ça, c'est elle qui l'a réalisé. Sur son visage pèse le regard de Judicael, fait d'incompréhension et d'interrogation. L'oiselle ne sait pas, n'a pas de réponse à apporter, à part un instinct de survie plus que développé, un ras le bol de servir de victime aux plus forts.
    - Oui...

Que rajouter aux mots emprunts de réalité ? Rien. Détachant encore une fois ses prunelles du cadavre gisant au sol, dans son sang, la grande silhouette du roux est détaillée. Le temps est suspendu à ses paroles, à sa décision. Il mène la danse, Magdelon sera la ballerine qui suivra sa chorégraphie, consciente que goupil saura s'appuyer sur son expérience pour régler la situation. Elle le sait, elle le sent. Sinon pourquoi être revenue jusqu'à eux plutôt qu'en direction de Gysèle et LM ? Par protection mais aussi par pure logique, les deux roux portant en eux toute la filouterie inhérente aux escrocs et meurtriers de ce siècle.

Les instructions données doublées du geste du roux la mettent en mouvement, corps rouillé d'être resté planté là de longues minutes, le froid traçant son chemin insidieux dans une carcasse déjà bien trop gelée. Un regard est lancé à Samael qui n'a pas décroché un mot depuis leur arrivée, la laissant dans l'expectative. Il va suivre les consignes de son double, à n'en pas douter, mais quelles sont les pensées qui font bouillonner son esprit à ce moment là ? Restant avec cette interrogation, ses pas l'éloignent des jumeaux pour se mettre en quête du bois demandé, serrant les dents, épuisée. Pucelle plonge dans ses maigres ressources pour continuer le combat et faire de cet acte un cuisant souvenir, pesant, lourd, qui serait sûrement traîné comme une chaîne longtemps.

En plusieurs aller-retour, accompagnée par la lune, Magdelon remplit un tas de bois choisi le plus sec possible, essayant d'occulter la suite. Le feu, bientôt, jaillirait dans le cœur de cette carrière et au milieu de la nuit noire. Son ouvrage réalisé, c'est auprès des jumeaux que son frêle gabarit se positionne, impressionnée par leur prestance, leur carrure, ce qu'ils dégagent. En un quart de seconde, sa vie a basculé, son chemin dorénavant lié aux deux hommes, quoi qu'il arrive.

    - Et maintenant ?

Pure rhétorique, à vrai dire, car la suite des événements paraît claire comme de l'eau de roche. Son visage se relève vers Judicaël, et dans un souffle, ses paroles viennent fendre l'air.
    - C'est à moi d'allumer le feu.

Après tout, l'oiselle est responsable du merdier devant lequel ils sont. Assumer est un moindre mal, avant de s'effondrer totalement.
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~~*~~ ReVolte ~~*~~
Judicael.
Le briquet fut battu, mettant le feu à l'étoupe et au berceau mortuaire du porion. Judicael observa les flammes timides faire leur route jusqu'aux frusques, léchant la lourde carcasse du mort.
Il ne tourna plus les yeux vers la jeune fille, attentif aux prises du brasero et à sa trajectoire. Les verts restèrent obstinément rivés sur le spectacle, qui demain n'offrirait qu'un vague souvenir de feu de camps improvisé à l'oeil profane du mineur harassé.
Bientôt ils s'en retourneraient tous, dans un silence épais et dans la brume qui voilerait la campagne .

Il fallait bien faire ses armes... Magdelon commençait à peine.

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Viens jouer...
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