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[RP Ouvert]Etait-ce un rêve.....

Mariealice
..... Et soudain le temps s'accélère.

L'impatience, mêlée à une bonne dose d'angoisse, ne cessait de monter en Marie. Partant du creux de son estomac, elles avaient fini par atteindre la gorge qui se serrait régulièrement au fil des jours qui semblaient ne plus vouloir finir ni même passer. Les quatre murs de la chambre, les rues et ruelles de Langres, les visages croisés et devenus familiers, tout cela commençaient à l'étouffer lentement mais sûrement. Et si finalement ils ne venaient pas? Et si sa fille ne l'aimait pas? Et si Walan ne souhaitait qu'une chose, qu'elle reparte d'où elle venait? Et si.... Et si... Et si..... Infernale litanie qui tempêtait sous les cheveux bruns.

Une fois de plus, assise devant l'âtre dans sa chambre, les yeux perdus dans les flammes, elle attendait. Pourquoi mettaient-ils autant de temps? Parce que les routes étaient sans doute mauvaises, après tout on était en hiver et la pluie ne cessait de s'abattre depuis des jours, à part depuis quelques minutes mais, la tête ailleurs, elle ne l'avait même pas relevé.

Des pas, des voix sur le palier la tirèrent de sa contemplation et, sans qu'elle sut dire pourquoi, Marie se leva, tendue comme un arc. Etait-ce encore une fausse joie? Quelques coups à la porte et une brune figée qui n'arrivait pas à bouger, un étau enserrant sa poitrine tandis que son coeur se mettait à galoper comme un cheval emballé. Allons il fallait réagir, après tout n'avait-elle pas quitté les murs du monastère dans cet unique but?

Du courage bon sang!

Les pieds se mirent en branle, la main se posa sur la poignée, une profonde inspiration tandis que la porte s'ouvrait pour découvrir un Jehan quelque peu humide et crotté mais souriant jusqu'aux oreilles. Jehan.... Seul mais volubile comme jamais et faisant le tour de sa maitresse, lui donnant presque le tournis, elle qui n'était plus habituée à ce genre de manifestation. Pour un peu on aurait pu croire qu'il allait la prendre dans ses bras et la serrer comme une poupée de chiffons.

Bonjour Jehan.

Avalanche de questions que Marie tenta de garder en tête tandis qu'elle reculait de quelques pas pour laisser entrer le serviteur fidèle de Walan et souriait autant que possible.

Bien sûr que je me souviens de vous.

Non mais elle n'avait tout de même pas perdu la mémoire non plus.

Je vais....

Bien? C'était pour l'heure difficile à dire tant qu'elle n'en savait pas plus.

Oui, j'ai été bien traitée même si soumise au silence.

Et après tout c'était ce qu'elle avait cherché, le silence, l'oubli, la paix. Illusoires....

Nullement importunée.

Raconter l'histoire de Tobias? Sans doute pas une bonne idée et puis ce serait sans doute à Walan qu'il lui faudrait raconter cette mésaventure. Des fois qu'un mot échappe à l'aubergiste et que son époux, jaloux s'il l'était encore, ne se méprenne. Pas besoin de cela, les retrouvailles seraient certainement assez compliquées ainsi.

Mais entrez et installez-vous près du feu, vous avez l'air frigorifié. Je vais nous commander de quoi vous réchauffer.

Et prendre sans doute un instant du coup pour se calmer des nerfs à fleur de peau. Hélant une servante, du vin chaud et quelques victuailles furent mandées tandis que la porte restait ouverte et qu'elle restait plantée là et que Jehan ne semblait pas vouloir cesser son inspection alors que deux questions lui brûlaient les lèvres: où étaient époux et fille. De nouveaux pas, un bruissement de tissu et les yeux de Marie se détournèrent pour tomber sur Sancie et Aëlys.

Bonjour Sancy.

Le coeur de repartir de plus belle, la tête de s'incliner pour saluer celle qui devait avoir veillé sur la chair de leur chair puis les noisettes de dévorer la dite chair. Mon dieu qu'elle avait grandi, qu'elle avait changé et qu'elle semblait perdue.

A quoi t'attendais-tu? Qu'elle te fonce dans les bras après une si longue absence? Alors qu'elle aussi tu l'as abandonnée? Des fois je me demande pourquoi tu es devenue mère aussi souvent vu ta propension à ne pas être là quand il faut.

Et paf! Petite voix intérieure se moquant d'elle, retournant le couteau dans la plaie. Des fois que.... Alors, pour l'étouffer, la brune se concentra sur sa fille, sur ses traits, son allure. Elle était belle, forcément c'était la leur, de longs cheveux noirs, la forme de ses yeux, un peu pâle mais pourtant on devenait un teint mât et vêtue d'une robe simple et brune mais dont la coupe et le tissu révélaient qu'elle était fille de nobles.

Lentement, comme au ralentie, Marie s'avança avant que de s'agenouiller devant sa fille pour tenter de capter son regard et leva une main, qu'elle voulait assurée et qui ne l'était pas, pour dégager une mèche de cheveux du visage fin mais grave.

Bonjour Aëlys. Je suis heureuse de te voir.

Et désolée de t'avoir laissée si longtemps.....

Un regard à Sancie, un signe de tête, plus tard des mots pour la remercier mais pour l'heure, tout ce qui lui importait c'était de pouvoir prendre la petite brune devant elle dans ses bras et de la serrer très fort. Sauf qu'elle ne voulait pas la brusquer. Il allait falloir renouer les liens, réapprendre à se connaitre et, sans doute, laisser le temps à Aëlys de faire confiance à une mère absente bien trop longtemps.
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Retour d'une longue retraite, blason pas à jour etc.... Ca va viendre.

Mariealice


Aelys_meyrieux a écrit:
Jehan ne disait plus rien. C'était bien dommage. Aëlys s'était raccrochée au son familier de la grosse voix qui bourdonnait tout près d'elle. Pire : il avait bougé, ses grosses bottes crottées s'étaient écartées des autres bottes, celles dont la petit fixait les genouillères.
Il faisait bon dans la pièce. Par-delà l'odeur de Gertrude, on percevait celle du vin chaud, du pâté de lapin, d'une pâte cuite.

Pourquoi j'ai pas faim ? ça sent bon, pourtant.

Arc-boutée sur ses talons, Aëlys s'appuyait des épaules à la hanche de Sancie, qui résistait fermement.
Les bottes se mirent en marche, tout doucement. Un genou se posa en terre, puis un autre. Aëlys sentit tout son corps se liquéfier. Soudain environnée d'un parfum de violette, elle fut submergée de sensations oubliées, vieilles, si vieilles !

Bonjour Aëlys. Je suis heureuse de te voir.

La voix aussi, elle se la rappelait. Mais c'était trop d'un coup. Elle ne comprit pas les mots murmurés. Elle était trop occupée à tourner dans sa tête les précédents. Heureuse... Heureuse? C'était un peu comme "contente". Cela, elle le savait. Mais pourquoi la dame était-elle contente? Et cette main qui jouait avec ses cheveux, d'une douceur bien différente de celle de Sancie... Aëlys interposa Gertrude entre la main et sa joue, pour ne plus sentir le parfum de violette, ni la douceur.
Elle était trop bien élevée pour faire demi-tour et courir dans les escaliers de toute la vitesse de ses longues jambes de faon. Et pourtant c'était de cela qu'elle avait le plus envie. Courir d'une traite, jusqu'à Vienne, jusqu'à Meyrieu, monter au grenier, se cacher dans la malle de cuir, et dormir. Et elle se réveillerait, et ce serait fini. Sancie la retrouverait, la gronderait un tout petit peu pour s'être endormie ailleurs que dans son lit, ferait tomber la poussière de ses vêtements de quelques claques judicieusement appliquées, et ce serait fini. Elle pourrait rêver à Maman quand elle en aurait envie. Une Maman toute violette, flottant au-dessus du sol, qui lui tiendrait chaud quand la bise de janvier tenterait de se glisser entre les courtines de son lit. Sa Maman à elle, celle qui vivait dans sa tête depuis si longtemps.

Elle était aussi trop grande pour jouer à "on dirait que". Enfin non, pas vraiment : elle jouait très souvent à "on dirait que" avec Gertrude. Mais elle savait bien que ce n'était pas pour de vrai. Avant, quand elle était petite, l'année dernière, elle croyait que c'était vrai, quand elle jouait à "on dirait que". Mais plus maintenant, et c'était bien dommage.

Elle parvint à tourner un peu la tête, pour cacher son visage dans les jupes de Sancie et, la lèvre tremblante, lança un définitif :

Je veux Papa!

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Mariealice
....Boum dans ta face!

Une poupée fut placée derechef entre sa main et la mèche de cheveux. Une poupée ce n'était rien et pourtant ce simple geste, ce refus de contact resserra un peu plus le carcan autour de la poitrine de la mère désemparée et qui, pourtant, s'y attendait un peu. Un peu oui. Mais cela n'empêchait pas la douleur aiguë au sein de sa poitrine, là juste sous la blessure presqu'au coeur.

La main retomba alors doucement alors qu'Aëlys se cachait dans les jupes de Sancie avant de laisser tomber trois mots qui achevèrent tout à fait la brune. Heureusement qu'elle était déjà à genoux sinon elle se serait effondrée pour de bon.

Je te l'avais bien dit....

TA GUEULE!

Petit dialogue intérieur vite interrompu tandis que les noisettes s'assombrissaient de tristesse, refusant de se laisser noyer. Non. Il n'était pas dit que le début de ses retrouvailles serait marqué par des larmes coulant sur ses joues. Lentement elle se redressa, tâchant de faire bonne figure et ne put empêcher un.... Moi aussi... De s'échapper de ses lèvres. A un point qu'il lui semblait que le trou béant de son coeur ne faisait que se creuser un peu plus à chaque seconde. Reprendre contenance, afficher un pâle sourire qui ne tromperait personne avant de reculer un peu.

Vous devez avoir faim après ce voyage.

Qu'ils ont dû faire à cause de toi hein.

TA GUEULE!

Autant dire que Marie ne put rien avaler, se mettant en retrait et laissant faire Sancie et Jehan pour l'heure. Inutile de brusquer les choses et de toute façon elle n'était nullement en état de faire quoi que ce soit de constructif. Plus tard, elle prendrait des renseignements auprès de la gouvernante afin de savoir ce qu'il en était, d'essayer de rattraper le temps perdu et de rassurer cette dernière sur le fait qu'il n'était nullement question de rendre des comptes.

.... Le temps s'étire, s'étiole, se faufile....

Tout le monde s'était installé dans l'auberge qu'elle avait louée pour l'occasion. Et chaque jour, Marie s'ingéniait à trouver des occupations pouvant plaire à sa fille afin de gagner petit à petit sa confiance et, peut-être, arriver à renouer un lien qu'elle devait bien reconnaitre décidément pour l'heure éteint.

Il y eu des promenades à cheval, des cours d'escrimes - et dieu sait que la brune avait besoin de se refaire la main là-dessus et que cela donna quelques situations comiques avec un chevalier plus souvent à terre et peinant à la base à tenir épée et écu correctement - et même, des recettes de cuisine. Tout cela n'avait guère eu l'effet escompté. Aëlys suivait, faisait mais restait loin de sa mère, l'ignorant aussi souvent que possible et n'esquissant même pas un début de sourire aux pitreries de sa mère. Marie désespérait lentement mais surement. Et le fait qu'aucun signe de vie de Walan en vue ne faisait qu'aggraver la situation.

[Voix intérieures de Marie en rouge et bleu]
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Mariealice


Walan a écrit:
[Langres, le temps d'un nouveau trajet, mais depuis Paris, plus tard]

Lorsqu'il avait reçu le message transmis par Jehan, Walan était à Paris. Et plus précisément au Louvre, en train de débattre avec les autres pairs et ... la Reine de France. Pourtant, malgré cette compagnie, sa réaction avait été des plus vives. D'abord, son visage habituellement si neutre, si calme, s'était brutalement transformé pour montrer une grande surprise, puis une joie intense. Puis il avait éclaté d'un rire bruyant, tout aussi inhabituel chez lui. Un peu confus, mais ne pouvant contenir son euphorie, le primus avait demandé congé à la reine puis s'était éclipsé dès qu'il l'avait pu.

Alors même que l'après-midi était bien entamé, il était retourné au plus vite dans son hôtel particulier, incapable de penser à autre chose qu'à l'idée que son épouse était bel et bien en vie, et qu'elle avait quitté le couvent où elle était depuis la guerre contre l'Empire. Il en avait toujours été convaincu, même quand d'autres disaient qu'elle était morte, même quand il lui avait fallu accepter la décision de succession anticipée, même quand tout laissait supposer que c'était le cas. Quelques instants à peine après être entré dans l'hôtel, il en ressortait, sacoches de selles sur une épaule, vers les écuries. Une vie de soldat lui avait appris à faire rapidement ses bagages lorsqu'il le fallait. Et ce jour là, il le fallait sacrément.

Deux heures ne s'étaient pas écoulées depuis qu'on lui avait apporté le message que le chevalier quittait Paris, avec derrière lui une poignée de gardes montés et de chevaux de bât. Depuis, il avait chevauché aussi vite qu'il le pouvait, ne s'accordant de pauses que pour épargner les montures, dormant à peine. Des années plus tôt, on l'avait surnommé Sans Repos par égard au temps qu'il passait au service de son Duché, mais sans doute n'avait-il jamais tant mérité cet épithète que durant ce voyage. Et toujours, son esprit restait empli de l'idée que celle qu'il aimait était de retour, que leur fille devait désormais être à ses côtés, qu'il y avait tant à raconter, tant à rattraper.

Puis un jour, alors que le soleil commençait à baisser dans le ciel et que la compagnie avait adopté un trot rapide, la ville se dévoila, dominant la vallée. Les dernières lieues furent affreuses par leur lenteur, tant la ville ne semblait pas s'approcher. Pourtant, la route se fit bientôt en pente, menant aux portes fortifiées gardant la cité. Et devant les portes, attendant côte à côte sa fille, toujours aussi jolie, l'air si sérieux, ayant encore changée depuis la dernière fois qu'il l'avait vue ... et son épouse. Amincie, plus pâle que dans son souvenir, mais autrement si semblable. Elle était là. C'était bien elle. Marie Alice, son épouse, sa compagne, sa confidente, la mère de son héritière.

Il s'approcha lentement, l'euphorie seule repoussant la fatigue de ce voyage acharné dont on ne pouvait manquer les marques sur son visage comme sur sa tenue. Les mots se bousculaient au point qu'il en était muet, si bien qu'après un échange de regard, le naturel et la force de l'habitude -une habitude prise des années de cela et laissée depuis en jachère- prirent le dessus.

Je m'attendais à vous revoir un peu plus tôt, madame mon aimée.

Et ponctuant cette déclaration, l'un de ces légers sourires en coin qui lui étaient familiers, remplacé bien vite par un sourire plus large.

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Mariealice


Aelys_meyrieux a écrit:
Son "je veux Papa" lâché comme un pavé dans la mare, Aëlys savait pertinemment qu'il ne servait à rien. Papa était loin, une fois de plus. Cette fois, d'après Sancie, c'était à Pairis. Paris, la Pairie, c'était du pareil au même, tout ça. C'était Pairis. Sancie lui répétait souvent que la reine avait besoin de son papa, qu'il faisait auprès d'elle un travail très important, qu'un jour, certainement, il l'emmènerait voir la reine. Moui... un jour... quand elle serait presque vieille, dans cinq ou six ans. Autant dire "jamais".

Au moins la dame en bottes n'avait-elle pas insisté. Mais l'oreille affûtée d'Aëlys avait nettement perçu une réponse à son "je veux Papa". La dame avait dit "moi aussi". Et, depuis, un sentiment de danger n'avait cessé d'angoisser la fillette. Pourquoi la dame voulait-elle son papa ? Le papa de maman, c'était qui ? Elle avait posé la question, Sancie lui avait dit qu'il était mort depuis très longtemps, parce qu'il était très très très vieux. Mais alors, si ce n'était pas son papa à elle qu'elle voulait, la dame en bottes, c'était celui d'Aëlys ? Mais pour quoi faire ? Aëlys en avait besoin pour elle, de son papa. Déjà que la reine et Pairis le lui piquaient tout le temps... Nouvelle question à Sancie, qui avait patiemment expliqué que Papa et Maman étaient mariés, que Papa était le mari de Maman, et que c'était normal, après tout ce temps, que Maman ait envie de voir Papa.

La gamine avait bien senti qu'elle n'en tirerait rien de plus.

Aëlys, sans être exceptionnellement en avance pour son âge, était plutôt futée. Elle avait souvent entendu les serviteurs se le dire entre eux. "Maman" s'était mise à l'entraîner dans de longues promenades à cheval. Elle tombait, parfois, mais Aëlys savait bien que c'était pour de rire. Sauf qu'elle n'avait pas du tout envie de rire. Les grands ont une idée très bizarre de ce qui est drôle et de ce qui ne l'est pas. Ça les fait rire quand quelqu'un tombe. Aëlys, ça ne l'amusait pas. Pas plus que la chute du bouclier de "Maman", quand il lui prenait l'idée de faire des armes avec la petite. Sa maman, la vraie, celle qui hantait ses rêves, celle dont le visage s'était peu à peu délité dans une aura violette, elle était chevalier. Elle était très forte, elle montait très bien à cheval, elle savait tenir son bouclier, et jamais une petite fille de presque sept ans n'aurait réussi à la désarmer.
Et puis en cuisine... Elle gaspillait la farine en en projetant sur la table quand elle battait trop fort les œufs dedans, elle oubliait de délayer le miel dans l'eau froide avant de le verser dans la pâte. Ses oublies n'étaient jamais aussi légères et croustillantes que celles de la cuisinière de Meyrieu, du coup.

Plus Marie-Alice tentait d'apprivoiser sa fille, plus celle-ci s'y refusait. Elle attendait son père comme on attend le Messie. Il arriverait bientôt. Il serait là, il la prendrait dans ses bras, ils retourneraient ensemble à Meyrieu et tout irait bien.
Bon : Sancie l'avait bien prévenue, "Maman" aussi viendrait à Meyrieu. Les époux doivent vivre ensemble, c'est comme ça, c'est dans le Livre des Vertus, on n'a pas le choix sinon le Très-haut n'est pas content et on risque l'Enfer lunaire. On ferait avec.

Aëlys ne savait plus depuis combien de jours ils étaient dans cette auberge, où l'on servait tout le temps le même pâté et le même pain pas aussi bien cuit qu'à Meyrieu.
Un jour, un peu avant le coucher du soleil, "Maman" décréta qu'une promenade leur ferait du bien à toutes les deux. Tous les jours, on allait devant les portes. Il s'agissait d'attendre Papa, alors que Papa n'arrivait toujours pas. Aëlys suivit, docile. C'est toujours plus facile d'être docile avec les grands. Comme ça, on peut faire ce qu'on veut dans sa tête.
Leurs pas les portèrent donc aux murailles, puis aux portes. On fermerait bientôt les lourds vantaux, on descendrait sous peu la herse. Il restait cependant une petite heure de jour, la mère et la fille en profitèrent pour muser dans cette zone quasi vide qui séparait la ville de son faubourg.

Et soudain, elle le vit. Il était sale, crotté, il avait les traits tirés par la fatigue du voyage, mais c'était bien lui, c'était son père, avec une petite compagnie d'hommes en armes.
Aëlys eut une petite hésitation. Devait-elle se précipiter vers lui, au risque de révéler sa présence à sa mère? Elle ne pouvait bien évidemment pas imaginer que Marie-Alice reconnaîtrait au premier coup d’œil celui qu'elle n'avait pas vu depuis trois ans - une éternité aux yeux de la gamine, la moitié de sa vie...

Je m'attendais à vous revoir un peu plus tôt, madame mon aimée.

Aëlys sentit ses genoux se dérober sous elle. Quoi?! Papa ne s'était pas adressé à elle en premier! "madame mon aimée"... Il l'aimait donc? C'est donc qu'il n'aimait plus Aëlys. Ce crime de lèse-petite fille la laissait sans voix, sans larmes, sans plus rien dans la poitrine qu'un grand trou vide et froid.
Sa main dans sa poche s'agrippa à Gertrude, et elle se mit à frotter sa chausse droite contre son mollet gauche, en équilibre sur un pied, perchée au bord du gouffre qui venait de s'ouvrir sous ses pas.

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Mariealice
.... Langres ou à l'aide je n'y arrive pas.

Rien à faire pour dérider Aëlys, Vraiment rien. Du moins de sa part bien que même les tentatives de Jehan et Sancie restaient lettre morte la majeur partie du temps. Le visage fermé de sa fille enfonçait chaque jour un peu plus le coeur de la brune dans le noir, comme si elle était toujours entre les murs du monastère. Sauf qu'eux avaient quelque chose d'apaisant, ce qui n'était nullement le cas de l'air libre qu'elle respirait depuis lors.

Marie ne savait plus par quel bout la prendre. Décidément peu douée en matière de maternité, elle en était persuadée. Les faire c'était sans souci. Accoucher on ne peut pas dire que cela l'avait mise en joie mais cela s'était toujours à peu près bien passé. Les garder en vie jusqu'à l'âge adulte, là cela s'était révélé beaucoup ardu. Les garder vivants et partir en premier, cela avait été tout bonnement impossible. Et si, avec les ainés, malgré des incompréhensions dues aux caractères et attentes bien différentes entre eux et elle, la brune avait réussi à avoir des rapports normaux, enfin de mère à enfant, avec Aëlys c'était très mal parti. La licorneuse comprenait fort bien que cela ne pouvait se passer tout seul mais avait espérer un début de dialogue, quelque chose sur quoi s'appuyer et s'acharner, avec des trésors d'imagination et le renfort des deux serviteurs de Walan, à obtenir l'ébauche de. Rien, nada, pas le début d'un frémissement de commencement de réchauffement. L'ère glaciaire dans toute sa splendeur.

Dans les tentatives, il y avait celle de fin d'après-midi qui les faisait se retrouver devant les portes de Langres, les yeux fixant l'horizon, dans un silence obstiné d'un côté et tendu de l'autre. Tendu parce que là encore l'espoir de Marie d'avoir des nouvelles de son époux s'amenuisait de jour en jour, voire se retrouver à l'état de peau de chagrin. Alors imaginer un instant le voir apparaitre, c'était surtout pour que les deux de Meyrieux féminines tentent un rapprochement.

L'heure de rentrer était presque là et Marie ne put retenir un long soupir. Elle allait le formuler à voix haute avec un il est temps Aëlys..... Quand un bruit de sabots lui fait tourner la tête et stoppa net son mouvement. Une petite troupe s'approchait. Tout d'abord trop loin pour distinguer quoi que ce soit indiquant qui cela pouvait être, petit à petit l'image se fit plus nette et le coeur de Marie se mit à battre au rythme du trot des chevaux, résonnant avec force à ses oreilles. De blanche elle devint livide quand enfin les traits tant attendus se précisèrent et que plus aucun doute ne fut permis. IL était là, devant elle, devant elles, s'approchant lentement.

Les noisettes s'accrochèrent à l'acier tandis qu'elle sentait ses jambes défaillir, ses mains trembler et qu'il lui fallut raffermir les unes et les autres pour ne se retrouver à terre les quatre fers en l'air. Et pour achever le tout, il ne disait rien. Ceci dit aucun son ne parvenait à se former dans sa gorge alors à sortir de sa bouche..... Mais ses yeux eux ne cessaient de parcourir cet être aimé bien plus qu'elle ne pouvait le dire. Celui qui n'avait pas été le premier mais qui resterait à jamais le dernier quelle que soit l'issue de cette rencontre.

Je m'attendais à vous revoir un peu plus tôt, madame mon aimée.

Coeur manquant plusieurs battements avant de s'affoler à nouveau en comprenant les mots entendus, mais pas saisis sur le moment, pour s'emballer tout à fait en reconnaissant ce petit sourire qu'elle avait gardé comme un trésor secret toutes ses années. Dieu qu'il était beau, dieu qu'il était lui. Dieu qu'elle l'aimait. Oui oui, elle bêtifiait comme toute personne amoureuse même si elle l'aurait farouchement nié devant quiconque aurait tenté de lui mettre le nez dedans. Plus rien n'existait autour si ce n'était Walan de Meyrieux et son sourire.

Quelques pas, hésitants d'abord avant de finir en course jusqu'à parvenir aux pieds du cheval sur lequel était juché le brun. SON brun. Et pour la première fois depuis longtemps, un sourire, un vrai, étira les lèvres de Marie alors que sa main droite se levait et était tendue vers son époux. Qu'il décida de l'attirer sur sa monture ou de s'en aider pour en descendre, à lui de voir pourvu qu'il la toucha.

Je suis désolée d'avoir été si longue, monsieur mon époux.

Et tout bas mais assez pour que lui seul entendit.

Mais je suis là. Je t'aime plus encore.... Et elle ne m'aime pas....
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Mariealice


Walan a écrit:
La première semonce avait tonné lorsque, dans le coin de son regard pourtant fixé sur son épouse, Walan avait cru distinguer ... quelque chose dans l'attitude d'Aëlys. Mais sur le moment, tout absorbé par la redécouverte de celle qu'il aimait en train de venir vers lui, il n'y prêta pas suffisamment attention. Puis elle fut à ses côtés. Sa présence, son odeur, sa manière de lui tendre de la main et la chaleur de sa peau filtrant à travers le gant lorsqu'il la saisit ... tant de souvenirs et d'émotions rejaillissaient. Et vint la deuxième semonce : "Et elle ne m'aime pas".

Un peu d'inquiétude vint teinter la joie. Mais cela n'avait guère d'étonnant, à vrai dire. Si Sans Repos avait tenté de décrire et de parler de sa mère à Aëlys, il avait conscience -au moins partiellement-, qu'il en contait une version idéale, que sa fille devait idéaliser encore davantage. La réalité, brutale et sévère, était tout simplement qu'elles ne se connaissaient ni l'une ni l'autre, et qu'il faudrait du temps pour qu'elles cessent d'être des étrangères. Instinctivement, sommairement, le brun saisit la problématique, ou s'imagina le faire.

Alors qu'il descendait de sa monture, il perçut également la brève surprise de Marie Alice lorsqu'elle constata la forme particulière de son gant, et l'absence de certains doigts. Mais il la serra d'abord dans ses bras, retrouvant là aussi des gestes et des sensations qu'il croyait avoir perdus. Ce faisant, il répondit doucement à son tour.

Je t'aime tout autant.
Nous avons beaucoup à nous dire ... mais commençons par le plus important.

Relâchant l'étreinte trop courte -bien trop courte- mais pas la main de son épouse, confiant les rênes de sa monture à l'un des gardes, le chevalier s'avança vers son héritière. Il était toujours heureux de la revoir, elle qu'il laissait si souvent à la garde de sa maisonnée, et il lui sourit tandis qu'il s'approchait d'un pas rapide -prenant bien soin de garder Marie Alice à ses côtés. Arrivé devant la jeune fille, il s'accroupit, l'observa brièvement en silence avant de lui demander, avec un bref sourire en coin.

Bonjour ma jeune princesse. As-tu tellement grandi pendant mon absence que tu ne veuilles plus venir me saluer ?

Lâchant seulement la main de son épouse, le brun tendit les bras vers sa fille. Il lui faudrait faire le pont entre les deux, et la tâche s'annonçait ... ardue.

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Mariealice


Aelys_meyrieux a écrit:
C'était un cauchemar. Pire qu'un cauchemar, même.

Parfois, il arrivait à Aëlys de s'éveiller, la nuit, et de s'asseoir toute droite dans son lit, le coeur battant la chamade, incapable de se rappeler les images de son cauchemar. Elle n'avait pas le souvenir d'avoir crié, mais Sancie se matérialisait à ses côtés, retrouvait Gertrude égarée parmi les draps, la lui fourrait dans les mains et l'aidait à la bercer. Elle se laissait border, hochait vaguement la tête au "c'est fini, c'est fini, dors, maintenant" de sa gouvernante. Elle évoquait la belle fée violette et se rendormait.

Depuis qu'elle était à Langres, elle avait tenté à maintes reprises de retrouver la belle fée violette. Encore en ce moment, debout sur un pied à se râper le mollet à coups d’œillets de bottines, elle essayait. Mais la fée violette avait disparu quand "Maman" était entrée dans le paysage. Sa présence réconfortante manquait tellement à Aëlys! Si encore elle avait été là, peut-être se serait-elle contentée d'indifférence face à "Maman". Si seulement...

Paralysée par sa crainte d'alerter Marie-Alice, Aëlys n'avait pas saisi sa chance. La mort dans l'âme, elle vie l'épouse courir vers l'époux, lui parler, avec sur le visage un tel air d'adoration que même une fillette de presque sept ans ne pouvait s'y tromper. Exactement comme la Suzette de la cuisine quand Estève, le garçon d'écurie, lui pinçait la hanche et que Landry, le palefrenier, lui chantait "hou l'amoureuseuh! hou l'amoureuseuh!"
L'horreur.

Je suis désolée d'avoir été si longue, monsieur mon époux.

Oui ben il n'y avait pas de quoi être désolée. Elle aurait pu être encore plus longue. Cela n'aurait pas du tout dérangé Aëlys. Au moins la fée violette serait-elle encore là.
Ou alors, beaucoup, beaucoup moins longue. Genre une toute petite retraite, quelques jours. Ou un tout petit peu plus. Mais pas assez pour que son visage soit avalé par les ombres mauves.

Et Papa qui lui répondait! C'en était trop, vraiment. Aëlys ferma très fort les yeux, pour ne plus voir l'odieux spectacle qu'on lui infligeait.
Mais elle les rouvrit bien vite. Qui sait ce qu'ils n'allaient pas inventer, ces deux-là, s'ils ne se sentaient plus observés? A l'incompréhension succédait la colère. Une rage froide animait Aëlys. C'était trop injuste, tout ça! Ce n'était pas sa faute si Maman était partie au couvent. Pas sa faute si Papa n'était pas allé tout de suite la chercher pour la ramener à Meyrieu. Pas sa faute. Sancie le lui avait dit et redit. Alors pourquoi Papa était-il si méchant avec elle?

Ils s'approchaient d'elle. Aëlys ne pouvait détacher son regard des deux mains unies. Même quand il s'accroupit pour se mettre à sa hauteur, Papa garda dans la sienne la main de "Maman". C'était toujours Papa, pourtant. Il la regardait sans rien dire, comme d'habitude. Il lui souriait à demi, comme d'habitude. Aëlys, à son corps défendant, sentit toute colère la quitter. Mais qu'il la lâche, bon sang!

Bonjour ma jeune princesse. As-tu tellement grandi pendant mon absence que tu ne veuilles plus venir me saluer ?

Il lâcha la main de "Maman", et Aëlys se jeta dans ses bras, oubliant au passage Gertrude dans la poussière. Elle se mit à renifler dans le cou de son père, mouillant de larmes - et de Très-haut sait quoi d'autre - le col de sa chemise.

Oh! Papa! Papa, si vous saviez... si vous saviez! Elle a disparu. Et... et... et... je veux pas! Je veux pas!

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Mariealice
.... Bon ben on est pas sorti du sable.

Main saisie. Chaleur irradiant de ce contact, passant à travers tout son corps, réminiscence ce de qui avait toujours été entre eux. Surprise aussi en découvrant que dans le gant il manquait quelque chose. Inquiétude, rétrospective, puisqu'il était là c'est que tout allait bien. Plus tard les questions, pour l'instant rien ne comptait sur l'instant que cette bulle fine autour d'eux.

Il descendit, choisissant de la rejoindre à terre et la prit dans ses bras pour la serrer contre lui. Etreinte rendue aussitôt alors qu'elle retrouvait sa place au creux des bras aimés, serrant à son tour, sourire naissant à nouveau à l'écoute des quelques mots murmurés à son oreille ponctué d'un hochement de tête.

Oui.... Tellement.

Les bras retombèrent mais les mains ne se délièrent pas, entremêlées, signe d'un manque évident de l'un et l'autre et du temps qui n'avait rien changé entre les époux. Marie suivit Walan, docilement pour une fois, et ne put s'empêcher d'observer leur fille tandis qu'ils s'approchaient de cette dernière qui gardait un visage fermé, encore plus, s'il était possible, que depuis qu'elles s'étaient retrouvées.

Les mains se lâchèrent tandis qu'Aëlys, en pleurs, se jetait dans les bras de son père et que le coeur de la brune se serrait à nouveau. Garder le silence ou parler? Se mêler à l'étreinte ou rester à l'écart? Pourquoi était-il aussi difficile d'être mère alors qu'elle n'avait jamais eu aucun souci dans ses diverses fonctions, tenant tête à des hommes et des femmes, prenant des décisions.... Les mots tournaient en boucle dans la tête tandis qu'elle cherchait à leur donner un sens. De qui parlait-elle donc? Les yeux tombèrent sur la poupée qui ne quittait jamais les mains de la fillette et la main vint la récupérer pour la tendre après l'avoir épousseter du mieux qu'elle pouvait. Pour un peu elle se serait dandinée d'un pied sur l'autre comme la godiche qu'elle se sentait être à cet instant.

Marie choisit de ne pas se mêler aux retrouvailles, tentant toujours la poupée à bout de bras, les noisettes alternant du visage d'Aëlys à celui de Walan, incapable tout bonnement de savoir quoi faire.
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Walan a écrit:
Que faire, face à une si terrible réaction ? C'était un genre de séisme émotionnel, une fracture, que d'être si heureux de voir celle qu'il aimait de retour, juste là, à côté de lui, et si attristé de voir sa propre fille fondre en larme dans ses bras sous le regard peiné de sa mère. Que faire donc ? Que dire ?
"Juste et ferme en son dessein". Comme tant de fois, les mots qu'il avait érigés en devise de sa famille lui inspirèrent la conduite à tenir. Alors que le monde de sa fille se trouvait ébranlé, alors que son épouse les regardait démunie, il lui fallait garder son objectif en tête -ici, l'unité et le bien-être de sa famille- et rester ferme face aux éléments qui pourraient l'en détourner. Un roc dans la tempête, auquel s'accrocher d'abord, puis sur lequel s'appuyer pour construire ensuite.

Ses bras se refermèrent autour d'Aëlys, en gestes apaisants, cherchant à la consoler. La serrant un peu plus contre lui pour pouvoir la soulever, il se releva, ignorant la douleur dans sa hanche que la fatigue accentuait. Par dessus l'épaule de la jeune princesse, il eut un regard vers son épouse. Le comprendrait-elle après ces années de séparation autant qu'elle le faisait à l'époque ? Il ne le savait guère, mais il chercha, sans un mot, à lui exprimer sa compréhension de ce qu'elle devait ressentir, mais aussi à l'encourager à la patience.
D'un petit signe de la main, il lui indiqua aussi de garder la poupée avec elle pour le moment. Comme à peu près tout le monde à Meyrieu, le brun "connaissait" Gertrude, et il se doutait que sa fille la réclamerait bientôt. Mais pour l'instant, mieux valait qu'elle se confie à quelqu'un d'autre qu'à un assemblage de tissus rapiécés et de crin de cheval. Et puis qui sait, peut-être que la "restitution" de Gertrude par Marie, un peu plus tard, pourrait être une première étape ?

En attendant, Sans Repos répondit à mi-voix, tandis qu'il se mettait en marche vers les portes, comptant inconsciemment -et si automatiquement, alors même qu'ils venaient à peine de se retrouver- sur la brune pour les guider vers l'auberge où ils pourraient s'installer.

Tout ira bien, Aëlys. Tout ira bien.
Tu vas me raconter, d'accord ? M'expliquer ce qui se passe, qui a disparu. Comme ça je saurai. Et ensuite nous trouverons une solution ensemble.

Ensemble. Le mot était ambigu, ici. Car si Walan voyait un ensemble de trois personnes, quelque chose lui souffla que sa fille risquait de n'en compter que deux ...

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Aelys_meyrieux a écrit:
Tout ira bien, Aëlys. Tout ira bien.

Sancie le disait souvent, ça. Quand c'était elle qui le disait, Aëlys avait tendance à traduire par "Je veux que tu fasses très vite comme si tout allait bien". Et Aëlys obtempérait, parce que c'était beaucoup moins fatigant que de se rebeller. Les grands sont tellement crispés sur leurs prérogatives liées à l'âge!
Là, c'était son père qui le lui murmurait à l'oreille, tout en la soulevant de terre et en l'emportant vers la ville, de son pas mesuré qui la berçait. Et l'effet était totalement différent. Sans un regard pour sa mère, Aëlys renifla encore deux ou trois fois, puis se calma. Elle était bien, protégée du vent du soir. Une part inconsciente de son petit être triomphait : c'est elle que Papa tenait au chaud dans ses bras. Pas "Maman". C'est elle qui avait le plus d'importance aux yeux de Papa, et c'était normal, parce que elle, elle n'était jamais partie. Elle avait toujours été là. Le "toujours" en question n'était vieux que d'une poignée d'années, mais cette poignée d'années représentait toute la vie d'Aëlys.

Tu vas me raconter, d'accord ? M'expliquer ce qui se passe, qui a disparu. Comme ça je saurai. Et ensuite nous trouverons une solution ensemble.

Vi...

Il ne fallait pas qu'elle le regarde. Elle avait bien remarqué que les histoires de fées n'intéressaient pas vraiment les grandes personnes. Quand elle leur en parlait, ils s'arrangeaient toujours pour changer de conversation, ou au mieux pour sourire d'un air indulgent.

C'est la fée violette, Papa. Elle a disparu. C'était Maman, la fée violette, vous savez.

Son discours était entrecoupé de reniflements. Et puis elle était si fatiguée, tout d'un coup! C'était comme si toute la fatigue du monde venait de lui tomber en une seule masse sur les épaules. Le bercement de la marche la menait tout doucement vers le sommeil.

Et maintenant elle n'est plus là. C'est elle qui l'empêche de venir. Je sais bien que c'est elle. Elle veut pas. J'ai plus du tout...

Aëlys luttait pour essayer de tout raconter avant de s'endormir, mais c'était de plus en plus difficile. On approchait de l'auberge, elle reconnaissait l'odeur de pain mal cuit et de pâté de chevreuil.

J'ai plus du tout de maman. Et vous êtes jamais là. Et je veux ma maman en vrai. Celle qui est toute violette. Et...

On était à la porte de l'auberge. Aëlys, soudain bien éveillée, se mit à se tortiller dans les bras de son père, en proie à une indicible angoisse.

Gertrude! Où est Gertrude! J'ai perdu Gertrude! Gertrude!

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Mariealice
.... Allo papa tango charly*

Démunie? Perdue? En chute libre? Version avion en flamme? Tout à fait. Un bon gros mix de tout cela. Sauf que ce qui aurait pu donner une explosion grandeur nature, genre spectacle de pyrotechnie visible à des lieues à la ronde (si si si elle en était capable bien en colère) tourna court. Au lien d'un vieux boum retentissant cela fit un beau psssschtttt. A l'intérieur.

La brune regarda son époux soulever Aëlys, croisa le regard de Walan et hocha doucement la tête au signe de la main de ce dernier. Une longue expiration, entre ses dents tandis qu'elle gardait Gertrude à la main et, d'abord, emboitait le pas aux Meyrieux père et fille. Les murmures vinrent frapper son oreille lorsqu'elle se mit à leur hauteur pour indiquer le chemin de l'auberge en conduisant la petite troupe au chaud. Elle ne comprit, bien évidemment, pas tout mais manqua de se tromper de chemin lorsque le coup de la fée violette vint la percuter de plein fouet.

Retour à la case avion en flamme après pilonnage de la grosse Bertha. Bam dans ta face mère indigne. Fin pas que dans la face, touchée en plein coeur. Adroite la gamine visiblement. Pas forcément dans le sens souhaitée par sa mère mais sacrément bien visé!

Marie manqua cette fois de heurter la porte la tête la première, marchant au radar dans un brouillard épais. Et elle l'aurait fait allégrement si les cris d'Aëlys ne l'avaient ramenée au monde instantanément. Se mordre la lèvre, réagir et ce d'une voix calme et douce contrairement à la tempête intérieure qui l'agitait.

Non regarde elle est là. Je l'ai ramassée quand tu l'as faite tomber.

Main tenant Gertrude de se tendre à nouveau vers sa fille. Clairement ça n'allait pas passer crème cette histoire.

[*Pardon, tout ça mais j'ai pas pu m'en empêcher. ]
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Aelys_meyrieux a écrit:
Contre-jour

Plus de fée violette, plus de Gertrude. Aëlys se révoltait de tout son être contre cette éventualité. Ses petites jambes battaient le vide, dans une tentative désespérée pour courir vers les portes, là où Gertrude devait gésir dans la poussière.

Elle avait la berlue. Ce n'était pas possible autrement. Aëlys, toujours dans les bras de son père, se figea. Elles étaient là toutes les deux. Maman-Fée violette et Gertrude.

Non regarde elle est là. Je l'ai ramassée quand tu l'as faite tomber.

Elles étaient revenues. La fée violette lui parlait, de cette voix toute tranquille, toute belle, qui avaient bercé Aëlys tous les soirs, depuis toutes ces années. Et elle lui tendait sa Gertrude, sauvée.
Les cheveux de crin de la poupée, à contre-jour dans le soleil couchant, masquaient le visage de Marie-Alice ; son vêtement, par contraste avec les ors et les pourpres, avait pris des teintes de brume. Aëlys, par-dessus l'épaule de son père, ne pouvait apercevoir les bottes de sa mère...

L'illusion était parfaite. La petite tendit la main, tout doucement, et se saisit de Gertrude. C'était la première fois qu'elle pouvait toucher la fée violette en vrai, et elle ne s'en priva pas. C'était doux, tiède juste un peu, lisse. Une réminiscence venue de temps si lointains qu'elle les avait oubliés la bouleversa. A travers le gant de sa mère, et par-delà l'odeur - assez infecte, il faut bien l'avouer - de Gertrude, Aëlys retrouvait quelque chose de sa prime enfance, un sentiment de sécurité, un bercement, une caresse sur sa joue. Elle ne savait plus que Marie-Alice, avant son entrée au couvent, refusait de se séparer de sa fille, et l'emmenait partout avec elle, à cheval bien souvent. Mais son corps savait.
Sa main resta quelques secondes accrochée à celle de sa mère. Puis, lentement, elle écarta la poupée, la ramena devant le visage à contre-jour, l'en éloigna encore.
Elle se rendit à l'évidence : la fée violette et "Maman" ne faisaient qu'une seule et même personne.
Mais alors...
Un gros sanglot la secoua, comme un spasme. Elle était furieuse. Contre elle-même, contre son père, contre Sancie, contre Jehan, contre le monde entier. Mais, surtout, contre Marie-Alice.
Passant Gertrude dans sa main gauche, elle se mit à marteler du poing droit l'épaule de sa mère, sans souci de l'algarade que son geste ne manquerait pas de provoquer.

Mais pourquoi tu étais partie? Pourquoi tu nous as laissés? Pourquoi tu étais partie? Pourquoi tu étais pas là? Pourquoi? Pourquoi?

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Walan a écrit:
Tandis qu'ils marchaient vers l'auberge, Walan avait écouté en silence les chuchotements de sa fille, profitant qu'elle avait la tête contre lui pour échanger parfois de brefs regards vers Marie. Il voyait bien qu'elle souffrait de la situation, mais ne pouvait rien faire pour l'aider dans l'immédiat. Les explications d'Aëlys, bien qu'un peu ... étranges, commençaient à éclairer un peu le brun sur ce qu'elle pouvait ressentir. Non sans lui rappeler ses propres manquements, dont il avait pourtant déjà cruellement conscience. Et alors qu'ils allaient franchir la porte de l'auberge et qu'il réfléchissait à la manière de faire comprendre à sa fille que la fée violette et Marie étaient la même personne, le drame prévu éclata.

Prévu, mais pas à un tel niveau. Tâchant de garder sa fille dans ses bras malgré ses gesticulations et ses cris, le chevalier observa la restitution de Gertrude en espérant que son intuition initiale serait juste. Sauf qu'elle ne l'était pas, évidemment, ainsi qu'il put le constater avec l'avalanche de questions -et de coups- que la fillette tâchait de porter sur l'épaule de sa mère. Ces questions, le brun lui-même se les était posées bien longtemps, à vrai dire, et il ne pouvait guère reprocher à sa fille de faire de même. Mais il savait bien qu'elle n'obtiendrait jamais de réponse qui puisse la satisfaire, et se doutait que sa propre épouse ne savait pas y répondre en elle-même.

Instinctivement, il fit un premier pas de côté pour tâcher de mettre Marie hors de portée des coups. "L'opération Gertrude" avait tout de même permis de progresser un peu, puisque Aëlys semblait admettre maintenant qu'elle était bien sa mère. Mais alors qu'il allait faire un autre pas, le brun changea brutalement d'avis et, à la place, s'approcha pour transférer son précieux fardeau à son épouse. Il n'interrogea ni l'une, ni l'autre, pas plus qu'il ne sembla leur laisser de choix. "Juste et ferme en son dessein". Et ce faisant, il continua de parler à sa fille, de son même ton apaisant -du moins l'espérait-il.

Elle est là, maintenant. Et vous avez beaucoup de choses à vous dire.
Est-ce que tu lui as raconté la fois où tu as failli tomber dans l'étang du Préry et que c'est moi qui suis allé à l'eau ?

La mésaventure avait eu lieu quelques années auparavant, lors de l'un des -trop rares- moments que père et fille avaient partagés tous les deux, et avait fait beaucoup rire la petite. Un peu moins Walan, sur le coup, mais il rappelait régulièrement l'anecdote et elle était presque plus drôle à chaque itération. Peut-être qu'elle permettrait, ici, de briser un peu plus la glace.

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Mariealice
.....Tout mais pas l'indifférence...

Voir Aëlys se débattre ainsi lui fendait le coeur. Voir sa fille souffrir lui était tout bonnement insupportable. D'autant plus qu'elle savait parfaitement être l'une des causes principales de cette réaction. Comment avait-elle pu s'enfermer ainsi.....

Et soudain, Aëlys se calma, tendant la main vers Gertrude, vers la main de la brune qui n'avait lâché la poupée, morceau de sa fille. O temps suspends ton vol..... Instant fugace où les deux mains se touchèrent enfin, où le contact fut admis, où la brune eut même l'impression que, pour la première fois depuis des années, il était recherché. Marie ne bougea pas d'un pouce, craignant par là de détruire ce moment, ne sachant quoi faire d'autre que d'être tout simplement plantée là, aux côtés de sa fille et de son époux, place qu'elle n'aurait jamais dû quitter, les noisettes ne quittant pas le visage de la petite, tâchant d'y lire ce qu'il pouvait bien se passer dans sa tête.

De nouveaux pleurs suivis d'une pluie de coups sur son épaule, qu'elle n'évita pas sciemment, et enfin les questions.... Comment y répondre quand elle-même ne savait pas vraiment expliquer.

Walan bougea pour éloigner Aëlys puis sembla changer d'idée, se rapprochant à nouveau de son épouse pour lui tendre leur fille. Instinctivement, sans réfléchir, les bras se tendirent, vinrent enserrer le précieux trésor pour le tenir enfin contre elle, pour le serrer tout contre elle. Corps à corps tant attendu. L'odeur retrouvée, sans l'avoir jamais oubliée, aimée, inspirée à plein poumons.

Je suis désolée mon amour.....

Tellement désolée. A un point qu'elle était incapable de décrire. Comment poser des mots sur ce qui l'avait décidée à s'éloigner d'eux, de tout ce qui avait fait sa vie jusque là. Ses yeux se plongèrent dans ceux de la fillette tandis qu'elle essayait de ne pas pleurer, vainement. Larmes de joie, de tristesse, de regret.

Je ne pouvais faire autrement mais j'ai été égoïste. Je n'ai jamais cessé de penser à toi, à vous. Jamais cessé de vous aimer.

Regard empli d'amour allant de l'un à l'autre, des yeux sombres de sa fille à ceux si clairs de son époux.

Pardonnez-moi....

Et des larmes silencieuses de couler tandis qu'elle serrait un peu plus fort Aëlys contre elle, posant un baiser sur sa tête, secouée par des sanglots tout autant silencieux que l'eau sur ses joues alors qu'elle entendait le murmure de Walan sans tout comprendre.

Pardonnez-moi....

Parce que moi je ne peux pas....
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