Arystote
Confessionnal
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Une confession tardive
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Portalis
Arystote
Arystote ne s'était jamais vraiment confessé à dire vrai. Une fois il avait demandé la confession mais cela ne comptait pas vraiment. Il ne s'était jamais confessé car il n'avait eu que très peu confiance en les prélats de Provence. Aussi, l'arrivée de Portalis dans le Clergé local lui avait redonné quelques espoirs. Ainsi, il fit son entrée dans l'église de Cassis bien déterminé à tout avouer...
La veille, il était resté plusieurs heures dans son bureau afin de dresser une liste de ses torts et ce, depuis l'âge où il avait commencé à parler. La liste était longue et peut-être son ami et archevêque déciderait-il de faire une confession en plusieurs étapes.
Il écrasait les feuilles mortes de son pas lourd, car tout élancé qu'il fut, Arystote avait le pas lourd, tandis qu'il remontait la cour jusqu'au parvis de l'église. A l'intérieur de celle-ci quelques cierges étaient allumés et éclairaient faiblement les lieux. Le soleil était caché par quelques nuages épars et ses rayons peinaient à traverser les vitraux. Arystote leva les yeux vers son préféré, celui qui représentait Aristote humiliant Platon dans une joute verbale, devant une foule en délire. Il sourit et s'avança vers le confessionnal où Portalis l'attendait. Il supposa qu'en ces lieux, c'est surtout à l'archevêque qu'il s'adresserait plutôt qu'à l'ami. Aussi donnerait-il du "Monseigneur" le temps de la confession. Il lui offrirait un verre de vin après.
Bonjorn Monseigneur, je suis prêt, mais je ne sais pas trop comment il faut procéder.
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La veille, il était resté plusieurs heures dans son bureau afin de dresser une liste de ses torts et ce, depuis l'âge où il avait commencé à parler. La liste était longue et peut-être son ami et archevêque déciderait-il de faire une confession en plusieurs étapes.
Il écrasait les feuilles mortes de son pas lourd, car tout élancé qu'il fut, Arystote avait le pas lourd, tandis qu'il remontait la cour jusqu'au parvis de l'église. A l'intérieur de celle-ci quelques cierges étaient allumés et éclairaient faiblement les lieux. Le soleil était caché par quelques nuages épars et ses rayons peinaient à traverser les vitraux. Arystote leva les yeux vers son préféré, celui qui représentait Aristote humiliant Platon dans une joute verbale, devant une foule en délire. Il sourit et s'avança vers le confessionnal où Portalis l'attendait. Il supposa qu'en ces lieux, c'est surtout à l'archevêque qu'il s'adresserait plutôt qu'à l'ami. Aussi donnerait-il du "Monseigneur" le temps de la confession. Il lui offrirait un verre de vin après.
Bonjorn Monseigneur, je suis prêt, mais je ne sais pas trop comment il faut procéder.
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Portalis
Arystote
Et voilà en deux temps trois mouvements, le temps des explications, un mouvement pour saluer son ami, un autre pour entrer dans le confessionnal et un troisième pour s'y asseoir... le voilà qui devait se confesser. Il avait tout listé, tout organisé et pourtant, il avait la sale impression que ça allait trop vite. Était-il vraiment prêt ? Il se vit alors au large coulant au milieu des requins face au rire carnassier d'un pirate le surplombant et donc la silhouette floue disparaissait à mesure qu'il s'enfonçait dans l'eau. Mourir s'en s'être confessé n'était guère envisageable. Arystote inspira longuement et commença sa logorrhée.
Mon plus grand péché est la colère. Le nier serait idiot et c'est de notoriété publique. La première fois que j'ai été en colère c'était contre ma mère. Je lui en voulais de passer plus de temps à travailler pour le Marquisat qu'à être avec moi. Un jour elle est venue me voir pour me dire que c'était fini, qu'elle démissionnait et qu'elle allait s'occuper de moi. Elle est morte en me le disant. Alors j'ai été en colère contre le Très Haut. Je ne comprenais pas, je ne suis pas sûr de comprendre encore aujourd'hui. Elle venait de me dire que le soleil - nous regardions un lever de soleil - se levait avec les hommes et se couchaient avec eux. Pourquoi alors avait-elle du se coucher à jamais quand il se levait ? Aujourd'hui je pense que si le soleil se lève et se couche, cela n'a rien à voir avec les hommes, c'était des idioties... Sinon je ne vois aucune explication. Ensuite j'ai compris que le Très Haut n'avait rien fait de mal. Tout était de la faute d'Hersende. Elle avait fait tellement travailler ma mère à la Chancellerie qu'elle en était morte d'épuisement... Imaginez combien je serai inquiet de savoir Diane entre ses griffes en Chancellerie si je ne vous savais présent aussi...
Hersende est, et sera à jamais, la raison de plus de la moitié de mes colères. Je la détestais du plus profond de mon âme mais ma mère avait épousé le cousin d'Hersende qui m'avait adopté. Je me souviens de lui comme de quelqu'un de gentil mais maladroit dans l'expression de ses sentiments. Il a su me persuader que notre cousine n'était pas le mal incarné. Entre temps ma marraine Prunille que j'aimais comme une mère - rappelez-moi de vous parler d'Aliénor c'est un péché qu'il me faut confesser aussi- est décédée elle-aussi. Alors je me suis bêtement raccroché à la seule femme qui restait dans ma famile : Hersende. Au lieu de la haïr, je me suis mis à l'aimer.
Arystote fit une pause
De son côté, elle se montrait toujours aimable avec moi mais sans élan d'affection particulier. Je me sentais tellement seul que je me suis laissé croire que cette affection était là. Après tout n'étais-je pas son petit cousin ? Et puis j'ai grandi et vers mes quatorze ans je me suis présenté pour devenir Illustre. J'ai fait deux mandats. Durant mon deuxième mandat j'ai connu de nombreux désaccords politiques avec elle. Jusque là nous n'avions jamais vraiment été amené à débattre ensemble en dehors du cadre de l'Assemblée des Nobles où je siégeais depuis mes six ans. J'ai alors eu le sentiment de découvrir son vrai visage. Jamais elle n'est venue me voir en privé. Elle s'est contentée de se montrer condescendante, moqueuse et indifférente publiquement chaque fois que nous nous retrouvions dans la même pièce et cela me mettait dans des colères noires. Je m'en suis rendu ridicule tellement j'ai cédé à la colère et je la soupçonne de l'avoir fait exprès pour que le fond de mon propos soit, chaque fois, décrédibilisé par la forme... J'ai appris aussi pendant ce mandat qu'elle disait de moi lors de ses soirées en tavernes et dans ses MéSaNges que je me comportais comme un petit dictateur immature. Elle a tout fait pour nuire au maximum à mon image. Je connais la politique et je sais que c'est ce que l'on fait avec un ennemi politique. Tout le soucis était bien là à mes yeux, j'étais son cousin avant d'être son ennemi politique, d'ailleurs je n'étais pas son ennemi j'étais juste en désaccord sur certains points... Bref j'ai compris dans la douleur qu'elle ne m'aimait tout simplement pas. A ses yeux il y a les alliés et les autres. J'ai donc accepté un Vicomté en fin de mandat mais ai refusé à l'époque qu'il soit élevé en Comté puisque je n'avais su gérer ma colère durant le deuxième mandat. En quelque sorte j'ai fait pénitence sur le plan politique. Pourtant, je n'ai jamais décoléré depuis. J'ai fait retirer mon nom de son arbre généalogique, j'ai fait un testament dans lequel je lègue mes terres de Carpentras à la seule personne qu'elle craigne, Ingeburge afin qu'elle me préfère en vie que mort. Et nous n'avons jamais plus eu d'autres relations que celles d'un vassal et d'un suzerain, ou des collègues de travail parfois. Je crois que ce qui me met en colère c'est de détester ma suzeraine plus que quiconque. D'autant qu'elle ne me déteste pas puisqu'elle ne m'aime pas, je l'indiffère c'est tout.
Je crois que j'ai le droit de la détester mais ce qu'il faudrait c'est que je ne cède pas pour autant à la colère. Je ne fais que ça pourtant... J'ai dit d'Hersende des choses telles que :
- Elle n'a pas écarté les cuisses depuis longtemps, c'est ce qui fait son côté rabat-joie
- Qu'attendre pour la Provence d'une femme qui a été incapable de garder son époux auprès d'elle ou son fils en vie ?
- Elle n'aime personne d'autre qu'elle-même
- Je ne voudrais pas qu'elle meurt, ça en ferait une martyre mais si elle pouvait souffrir je n'en serai pas plus ému que ça
- C'est la pire suzeraine que l'on puisse avoir, elle préfère botter en touche que de défendre ses vassaux...
Non oublions le dernier, celui-là est vrai je ne m'en confesse pas. Par ailleurs, je crois que parfois, je manque d'objectivité à son sujet. Cependant pas tout le temps d'ailleurs ça a le don de me mettre en colère quand mes propos sont invalidés parce qu'il est de notoriété publique que je ne la supporte pas. J'admets qu'elle n'a pas que des défauts du moins en politique. Mais en tant que femme je n'ai que du dégoût pour elle aussi je confesse être dans l'incapacité de gérer ma colère quand il s'agit d'Hersende de Brotel.
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Mon plus grand péché est la colère. Le nier serait idiot et c'est de notoriété publique. La première fois que j'ai été en colère c'était contre ma mère. Je lui en voulais de passer plus de temps à travailler pour le Marquisat qu'à être avec moi. Un jour elle est venue me voir pour me dire que c'était fini, qu'elle démissionnait et qu'elle allait s'occuper de moi. Elle est morte en me le disant. Alors j'ai été en colère contre le Très Haut. Je ne comprenais pas, je ne suis pas sûr de comprendre encore aujourd'hui. Elle venait de me dire que le soleil - nous regardions un lever de soleil - se levait avec les hommes et se couchaient avec eux. Pourquoi alors avait-elle du se coucher à jamais quand il se levait ? Aujourd'hui je pense que si le soleil se lève et se couche, cela n'a rien à voir avec les hommes, c'était des idioties... Sinon je ne vois aucune explication. Ensuite j'ai compris que le Très Haut n'avait rien fait de mal. Tout était de la faute d'Hersende. Elle avait fait tellement travailler ma mère à la Chancellerie qu'elle en était morte d'épuisement... Imaginez combien je serai inquiet de savoir Diane entre ses griffes en Chancellerie si je ne vous savais présent aussi...
Hersende est, et sera à jamais, la raison de plus de la moitié de mes colères. Je la détestais du plus profond de mon âme mais ma mère avait épousé le cousin d'Hersende qui m'avait adopté. Je me souviens de lui comme de quelqu'un de gentil mais maladroit dans l'expression de ses sentiments. Il a su me persuader que notre cousine n'était pas le mal incarné. Entre temps ma marraine Prunille que j'aimais comme une mère - rappelez-moi de vous parler d'Aliénor c'est un péché qu'il me faut confesser aussi- est décédée elle-aussi. Alors je me suis bêtement raccroché à la seule femme qui restait dans ma famile : Hersende. Au lieu de la haïr, je me suis mis à l'aimer.
Arystote fit une pause
De son côté, elle se montrait toujours aimable avec moi mais sans élan d'affection particulier. Je me sentais tellement seul que je me suis laissé croire que cette affection était là. Après tout n'étais-je pas son petit cousin ? Et puis j'ai grandi et vers mes quatorze ans je me suis présenté pour devenir Illustre. J'ai fait deux mandats. Durant mon deuxième mandat j'ai connu de nombreux désaccords politiques avec elle. Jusque là nous n'avions jamais vraiment été amené à débattre ensemble en dehors du cadre de l'Assemblée des Nobles où je siégeais depuis mes six ans. J'ai alors eu le sentiment de découvrir son vrai visage. Jamais elle n'est venue me voir en privé. Elle s'est contentée de se montrer condescendante, moqueuse et indifférente publiquement chaque fois que nous nous retrouvions dans la même pièce et cela me mettait dans des colères noires. Je m'en suis rendu ridicule tellement j'ai cédé à la colère et je la soupçonne de l'avoir fait exprès pour que le fond de mon propos soit, chaque fois, décrédibilisé par la forme... J'ai appris aussi pendant ce mandat qu'elle disait de moi lors de ses soirées en tavernes et dans ses MéSaNges que je me comportais comme un petit dictateur immature. Elle a tout fait pour nuire au maximum à mon image. Je connais la politique et je sais que c'est ce que l'on fait avec un ennemi politique. Tout le soucis était bien là à mes yeux, j'étais son cousin avant d'être son ennemi politique, d'ailleurs je n'étais pas son ennemi j'étais juste en désaccord sur certains points... Bref j'ai compris dans la douleur qu'elle ne m'aimait tout simplement pas. A ses yeux il y a les alliés et les autres. J'ai donc accepté un Vicomté en fin de mandat mais ai refusé à l'époque qu'il soit élevé en Comté puisque je n'avais su gérer ma colère durant le deuxième mandat. En quelque sorte j'ai fait pénitence sur le plan politique. Pourtant, je n'ai jamais décoléré depuis. J'ai fait retirer mon nom de son arbre généalogique, j'ai fait un testament dans lequel je lègue mes terres de Carpentras à la seule personne qu'elle craigne, Ingeburge afin qu'elle me préfère en vie que mort. Et nous n'avons jamais plus eu d'autres relations que celles d'un vassal et d'un suzerain, ou des collègues de travail parfois. Je crois que ce qui me met en colère c'est de détester ma suzeraine plus que quiconque. D'autant qu'elle ne me déteste pas puisqu'elle ne m'aime pas, je l'indiffère c'est tout.
Je crois que j'ai le droit de la détester mais ce qu'il faudrait c'est que je ne cède pas pour autant à la colère. Je ne fais que ça pourtant... J'ai dit d'Hersende des choses telles que :
- Elle n'a pas écarté les cuisses depuis longtemps, c'est ce qui fait son côté rabat-joie
- Qu'attendre pour la Provence d'une femme qui a été incapable de garder son époux auprès d'elle ou son fils en vie ?
- Elle n'aime personne d'autre qu'elle-même
- Je ne voudrais pas qu'elle meurt, ça en ferait une martyre mais si elle pouvait souffrir je n'en serai pas plus ému que ça
- C'est la pire suzeraine que l'on puisse avoir, elle préfère botter en touche que de défendre ses vassaux...
Non oublions le dernier, celui-là est vrai je ne m'en confesse pas. Par ailleurs, je crois que parfois, je manque d'objectivité à son sujet. Cependant pas tout le temps d'ailleurs ça a le don de me mettre en colère quand mes propos sont invalidés parce qu'il est de notoriété publique que je ne la supporte pas. J'admets qu'elle n'a pas que des défauts du moins en politique. Mais en tant que femme je n'ai que du dégoût pour elle aussi je confesse être dans l'incapacité de gérer ma colère quand il s'agit d'Hersende de Brotel.
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Portalis
Arystote
Arystote écoutait avec attention les mots de son ami évêque qui, tout comme lui, ne pouvait visiblement nier que le péché le plus ancré chez le Comte était la colère. Au mot "infanticide", il acquiesça vivement oubliant que son langage corporel était invisible pour Portalis. C'était exactement ça, elle ne l'avait pas tué à proprement parlé, elle avait tué l'enfant serein et innocent qu'il avait été. Il ne survivait presque rien de cet enfant chez Arystote aujourd'hui. Il ne s'émerveillait en tout cas presque plus de l'humanité. Seuls les étoiles, les flocons de neige et le plaisir de faire des bêtises sans se faire prendre subsistait. Ce qui était parti était sa foi en l'autre à quelques exceptions près.
Les mots du prélat le laissaient perplexe quant à ses sentiments à l'égard d'Hersende. Souhaitait-il vraiment encore aujourd'hui qu'Hersende lui accorde de l'attention ? En quelque sorte oui mais pas tout à fait...
Hmmm... non je ne l'aime pas même pas encore un peu. Le problème c'est que si en tant que membre de sa famille elle ne saurait me sentir, en tant que son vassal, je me sens blessé dans mon orgueil - c'est mon autre grand péché ça ! C'est comme si son indifférence à mon égard invalidait tout ce que je suis : ma noblesse, mon allégeance, mon honneur, ma personne. Pour elle je ne suis rien d'autre qu'un petit garçon capricieux. Ni les années, ni l'expérience, ni mon travail n'ont jamais su changer ça. Elle ne se contente pas de le penser, elle en fait ma réputation quitte à devoir pour ça faire exprès de me faire perdre mon sang froid...
Arystote fronçait les sourcils tandis qu'il essayait de résumer son dilemme.
J'ai l'impression que lui pardonner reviendrait à me nier, à tuer une partie de moi qui est restée là malgré elle. J'ai le sentiment qu'en quelque sorte cette colère me sauve et en toute franchise, je le confesse mais si j'ai des regrets ce n'est pas parce qu'elle en souffre mais parce que cela me nuit.
Et le Comte de Cassis de penser qu'Hersende n'était qu'une ligne sur la longue liste qu'il avait rédigé. Auraient-il assez d'une journée pour laver sa conscience ?
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Les mots du prélat le laissaient perplexe quant à ses sentiments à l'égard d'Hersende. Souhaitait-il vraiment encore aujourd'hui qu'Hersende lui accorde de l'attention ? En quelque sorte oui mais pas tout à fait...
Hmmm... non je ne l'aime pas même pas encore un peu. Le problème c'est que si en tant que membre de sa famille elle ne saurait me sentir, en tant que son vassal, je me sens blessé dans mon orgueil - c'est mon autre grand péché ça ! C'est comme si son indifférence à mon égard invalidait tout ce que je suis : ma noblesse, mon allégeance, mon honneur, ma personne. Pour elle je ne suis rien d'autre qu'un petit garçon capricieux. Ni les années, ni l'expérience, ni mon travail n'ont jamais su changer ça. Elle ne se contente pas de le penser, elle en fait ma réputation quitte à devoir pour ça faire exprès de me faire perdre mon sang froid...
Arystote fronçait les sourcils tandis qu'il essayait de résumer son dilemme.
J'ai l'impression que lui pardonner reviendrait à me nier, à tuer une partie de moi qui est restée là malgré elle. J'ai le sentiment qu'en quelque sorte cette colère me sauve et en toute franchise, je le confesse mais si j'ai des regrets ce n'est pas parce qu'elle en souffre mais parce que cela me nuit.
Et le Comte de Cassis de penser qu'Hersende n'était qu'une ligne sur la longue liste qu'il avait rédigé. Auraient-il assez d'une journée pour laver sa conscience ?
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Portalis
Arystote
Arystote n'était pas convaincu. Enfin il l'était quant au bienfait du pardon, il entendait bien que s'il arrivait à lui pardonner, il irait mieux mais il n'était pas convaincu d'y parvenir.
J'essaierai... dit-il simplement laissant à Portalis un silence l'invitant à le briser lui-même, ce qu'il fit en évoquant d'autres péchés.
Je n'ai plus rien à dire sur elle mais j'ai bien d'autres péchés à évoquer. dit-il tandis qu'il essayait de replacer ses idées qui lui semblaient moins précises qu'en arrivant.
Il est temps que je vous parle d'Aliénor. Avant même sa naissance je l'ai haïe. Prunille m'avait promis qu'avoir une fille ne changerait rien à son affection pour moi mais vu que son époux semblait me mépriser -les enfants sentent ces choses-là et j'en étais alors un- j'avais des doutes ! Mais Prunille est morte, elle est arrivée un matin au Château d'Aix, quelques semaines après la naissance d'Ali... Elle était souriante et portait une nouvelle robe qui lui allait très bien mais sans doute un peu longue. Elle s'est pris les pieds dedans et a dévalé les escaliers. A son arrivée l'angle de son corps n'était plus naturel et elle ne respirait plus... J'ai su dès que je l'ai vue qu'il n'y avait plus de vie en elle. J'avais déjà vu ça chez ma mère et chez Père Yueel. Père Yueel était le curé de Brignoles et le frère de Prunille. Je lui dois une partie de mon nom. J'ai vécu chez lui un temps quand ma mère a préféré loger dans les baraquements de l'armée. Et un matin, j'avais fini de nettoyer l'église comme il m'avait dit parce que j'avais fait une bêtise la veille (j'avais remplacé le vin de messe par du jus de poire). Je venais donc lui dire que j'avais fini mais il était mort dans son lit... Bref je savais à quoi ça ressemblait quand j'ai vu Prunille morte en bas des escaliers principaux du Château. Peu de temps après il y a eu l'ouverture de son testament. L'une de ses dernières volontés étaient qu'une fois adulte Aliénor et moi-même soyons mariés. J'aimais beaucoup ma marraine, autant que ma propre mère sans doute. Alors je n'ai pas pu dire non, je voulais tenir ma promesse envers elle.
C'est comme ça qu'à six ans, je me suis retrouvée fiancé à une petite fille encore au landau.
Ensuite, nous nous sommes éloignés. Son crétin de père a décidé de la confier à une nourrice en Anjou pendant qu'il parcourait le monde avec l'Ordre Teutonique dont il est membre. Je n'ai revu Aliénor que des années plus tard elle avait plus de quatorze ans et donc le mariage pouvait avoir lieu. Elle ressemblait beaucoup à sa mère mais elle se montrait aussi capricieuse, prétentieuse et superficielle. Je n'en avais pas du tout envie. Alors un soir en taverne, je le lui ai dit. Elle ne voulait pas m'épouser non plus mais elle l'a quand même mal pris. J'ai appris ensuite d'Eavan que j'avais manqué de tact en l'annonçant devant témoin...
Arystote fit une pause. Il éprouvait toujours une grande honte à avoir humilié ainsi une jeune femme respectable.
Enfin, tout ça ne me tourmenterait pas tant s'il n'y avait la suite. Hersende a abdiqué de son trône, Richelieu lui a succédé mais à cette époque des réformés s'étaient installés en Provence. Forcément cela a créé des tensions et comme le douze... je veux dire comme Max le Baron de Gardanne était Illustre à l'époque vous imaginez bien que tout est parti en vrille. Richelieu a donc perdu le vote de confiance et de nouvelles élections ont été organisées.
Je me suis présenté et Aliénor aussi. Elle l'a fait pour m'ennuyer bien qu'en réalité je me rendais bien compte que j'avais fait une bêtise en me portant candidat : ma mère est morte de fatigue après avoir pris la régence du Marquisat; le Marquisat a tué ma mère et j'envisageais d'en devenir le représentant... c'était idiot. Bref j'ai perdu les élections et j'en ai profité pour faire un long voyage.
A mon retour, Aliénor perdait le vote de confiance, elle était pâle et semblait fatiguée. Quelques jours plus tard, elle mettait fin à ses jours.
...
Je n'aurai pas du partir en voyage, à défaut de tenir ma promesse de l'épouser j'aurai dû être un frère, un ami, un soutien pour elle. J'aurai pu l'aider à gérer le Marquisat en prenant la charge d'une des institutions, en la conseillant... Au lieu de ça sa présence me rappelant le lourd engagement passé, être loin d'elle me donnait un faux sentiment de liberté...
Et comme elle a mis fin à ses jours, je n'ai aucune stèle sur laquelle me recueillir et où je pourrai lui présenter mes excuses. Je crois que c'est là mon plus grand péché !
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J'essaierai... dit-il simplement laissant à Portalis un silence l'invitant à le briser lui-même, ce qu'il fit en évoquant d'autres péchés.
Je n'ai plus rien à dire sur elle mais j'ai bien d'autres péchés à évoquer. dit-il tandis qu'il essayait de replacer ses idées qui lui semblaient moins précises qu'en arrivant.
Il est temps que je vous parle d'Aliénor. Avant même sa naissance je l'ai haïe. Prunille m'avait promis qu'avoir une fille ne changerait rien à son affection pour moi mais vu que son époux semblait me mépriser -les enfants sentent ces choses-là et j'en étais alors un- j'avais des doutes ! Mais Prunille est morte, elle est arrivée un matin au Château d'Aix, quelques semaines après la naissance d'Ali... Elle était souriante et portait une nouvelle robe qui lui allait très bien mais sans doute un peu longue. Elle s'est pris les pieds dedans et a dévalé les escaliers. A son arrivée l'angle de son corps n'était plus naturel et elle ne respirait plus... J'ai su dès que je l'ai vue qu'il n'y avait plus de vie en elle. J'avais déjà vu ça chez ma mère et chez Père Yueel. Père Yueel était le curé de Brignoles et le frère de Prunille. Je lui dois une partie de mon nom. J'ai vécu chez lui un temps quand ma mère a préféré loger dans les baraquements de l'armée. Et un matin, j'avais fini de nettoyer l'église comme il m'avait dit parce que j'avais fait une bêtise la veille (j'avais remplacé le vin de messe par du jus de poire). Je venais donc lui dire que j'avais fini mais il était mort dans son lit... Bref je savais à quoi ça ressemblait quand j'ai vu Prunille morte en bas des escaliers principaux du Château. Peu de temps après il y a eu l'ouverture de son testament. L'une de ses dernières volontés étaient qu'une fois adulte Aliénor et moi-même soyons mariés. J'aimais beaucoup ma marraine, autant que ma propre mère sans doute. Alors je n'ai pas pu dire non, je voulais tenir ma promesse envers elle.
C'est comme ça qu'à six ans, je me suis retrouvée fiancé à une petite fille encore au landau.
Ensuite, nous nous sommes éloignés. Son crétin de père a décidé de la confier à une nourrice en Anjou pendant qu'il parcourait le monde avec l'Ordre Teutonique dont il est membre. Je n'ai revu Aliénor que des années plus tard elle avait plus de quatorze ans et donc le mariage pouvait avoir lieu. Elle ressemblait beaucoup à sa mère mais elle se montrait aussi capricieuse, prétentieuse et superficielle. Je n'en avais pas du tout envie. Alors un soir en taverne, je le lui ai dit. Elle ne voulait pas m'épouser non plus mais elle l'a quand même mal pris. J'ai appris ensuite d'Eavan que j'avais manqué de tact en l'annonçant devant témoin...
Arystote fit une pause. Il éprouvait toujours une grande honte à avoir humilié ainsi une jeune femme respectable.
Enfin, tout ça ne me tourmenterait pas tant s'il n'y avait la suite. Hersende a abdiqué de son trône, Richelieu lui a succédé mais à cette époque des réformés s'étaient installés en Provence. Forcément cela a créé des tensions et comme le douze... je veux dire comme Max le Baron de Gardanne était Illustre à l'époque vous imaginez bien que tout est parti en vrille. Richelieu a donc perdu le vote de confiance et de nouvelles élections ont été organisées.
Je me suis présenté et Aliénor aussi. Elle l'a fait pour m'ennuyer bien qu'en réalité je me rendais bien compte que j'avais fait une bêtise en me portant candidat : ma mère est morte de fatigue après avoir pris la régence du Marquisat; le Marquisat a tué ma mère et j'envisageais d'en devenir le représentant... c'était idiot. Bref j'ai perdu les élections et j'en ai profité pour faire un long voyage.
A mon retour, Aliénor perdait le vote de confiance, elle était pâle et semblait fatiguée. Quelques jours plus tard, elle mettait fin à ses jours.
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Je n'aurai pas du partir en voyage, à défaut de tenir ma promesse de l'épouser j'aurai dû être un frère, un ami, un soutien pour elle. J'aurai pu l'aider à gérer le Marquisat en prenant la charge d'une des institutions, en la conseillant... Au lieu de ça sa présence me rappelant le lourd engagement passé, être loin d'elle me donnait un faux sentiment de liberté...
Et comme elle a mis fin à ses jours, je n'ai aucune stèle sur laquelle me recueillir et où je pourrai lui présenter mes excuses. Je crois que c'est là mon plus grand péché !
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Portalis
Arystote
Ce qu'Arystote éprouvait à l'écoute des mots du confesseur était ambigu. Il était soulagé certes que l'homme de foi ne voit aucune culpabilité à avoir dans le décès d'Aliénor et il devait admettre qu'il adhérait aisément à l'idée de voir le Marquisat responsable de cette mort. Lui-même n'était-il pas arrivé à la même conclusion concernant sa mère ?
En revanche, il était mal à l'aise vis-à-vis de l'affirmation de son ami, puisque c'est en tant qu'ami qu'il le lui disait, selon laquelle il serait "quelqu'un de bien". Il déglutit en pensant qu'il n'était pas certain que Portalis pense encore cela de lui lorsqu'il aurait confessé ses autres péchés, des péchés bien moins motivés par les sentiments que prémédités.
- Vous avez raison il faut que j'apprenne à pardonner les autres et moi-même. Je sais que les exigences que je m'impose me rendent exigeant pour les autres et globalement intolérant lorsqu'ils fautent. Et pourtant je suis moi-même devant vous à me confesser. Il n'y a pas que le péché de colère qu'il me faut travailler mais aussi l'orgueil je le crains.
Il inspira longuement pour passer à la suite. Il y avait deux péchés qu'il n'allait pas juste confesser mais avouer et il s'apprêtait à en livrer l'un deux.
- Ma mère était une fervente aristotélicienne, enfin c'était aussi une pécheresse sinon je serai né légitime ce qui ne fut le cas, son époux m'a adopté sans quoi je ne serai qu'un bâtard parmi les autres. Mais après ma naissance elle a passé son séminaire pour devenir diaconesse.
En toute logique donc, elle a souhaité que je sois baptisé, je vous ai d'ailleurs parlé de ma marraine. J'ai été baptisé par le Père Drak devenu plus tard archevêque d'Arles. Sur mon certificat de baptême il était précisé qu'une fois adulte je devais confirmer mon baptême.
Ma mère étant morte, ainsi que son époux et ma marraine, seul Monseigneur Drak était en pouvoir de se souvenir de ça mais quand lui aussi est mort, je suis entré en douce dans l'archevêché, j'ai volé les clefs des registres à SE Ludovi de Sabran qui s'était endormi à son bureau et je suis allé falsifier mon certificat de baptême. Aujourd'hui sur le certificat il est écrit "Cet enfant du Très Haut nommé Arystote a été baptisé le 27 novembre de l'an de grâce 1459 par Monseigneur Drak en l'église Saint Nicolas de Cassis en présence de sa marraine Prunille". Il n'y a plus rien concernant la confirmation.
Si j'ai fait ça c'est simplement par flemme de confirmer mon baptême. Je n'avais aucune autre raison.
Était-il vraiment ce "quelqu'un de bien" que Portalis imaginait avoir devant lui ?
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En revanche, il était mal à l'aise vis-à-vis de l'affirmation de son ami, puisque c'est en tant qu'ami qu'il le lui disait, selon laquelle il serait "quelqu'un de bien". Il déglutit en pensant qu'il n'était pas certain que Portalis pense encore cela de lui lorsqu'il aurait confessé ses autres péchés, des péchés bien moins motivés par les sentiments que prémédités.
- Vous avez raison il faut que j'apprenne à pardonner les autres et moi-même. Je sais que les exigences que je m'impose me rendent exigeant pour les autres et globalement intolérant lorsqu'ils fautent. Et pourtant je suis moi-même devant vous à me confesser. Il n'y a pas que le péché de colère qu'il me faut travailler mais aussi l'orgueil je le crains.
Il inspira longuement pour passer à la suite. Il y avait deux péchés qu'il n'allait pas juste confesser mais avouer et il s'apprêtait à en livrer l'un deux.
- Ma mère était une fervente aristotélicienne, enfin c'était aussi une pécheresse sinon je serai né légitime ce qui ne fut le cas, son époux m'a adopté sans quoi je ne serai qu'un bâtard parmi les autres. Mais après ma naissance elle a passé son séminaire pour devenir diaconesse.
En toute logique donc, elle a souhaité que je sois baptisé, je vous ai d'ailleurs parlé de ma marraine. J'ai été baptisé par le Père Drak devenu plus tard archevêque d'Arles. Sur mon certificat de baptême il était précisé qu'une fois adulte je devais confirmer mon baptême.
Ma mère étant morte, ainsi que son époux et ma marraine, seul Monseigneur Drak était en pouvoir de se souvenir de ça mais quand lui aussi est mort, je suis entré en douce dans l'archevêché, j'ai volé les clefs des registres à SE Ludovi de Sabran qui s'était endormi à son bureau et je suis allé falsifier mon certificat de baptême. Aujourd'hui sur le certificat il est écrit "Cet enfant du Très Haut nommé Arystote a été baptisé le 27 novembre de l'an de grâce 1459 par Monseigneur Drak en l'église Saint Nicolas de Cassis en présence de sa marraine Prunille". Il n'y a plus rien concernant la confirmation.
Si j'ai fait ça c'est simplement par flemme de confirmer mon baptême. Je n'avais aucune autre raison.
Était-il vraiment ce "quelqu'un de bien" que Portalis imaginait avoir devant lui ?
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Portalis
Arystote
Quelque part il s'y attendait mais il ne put s'empêcher de se mordre la lèvre en pensant aux péchés qu'il lui restait à confesser. Aux yeux du Comte de Cassis, celui-ci était loin d'être le pire. Il s'y attendait pourtant, il n'aimait pas voir son confesseur - et surtout son ami - en colère contre lui.
Il ne répondit pas de suite aux question du Vandimion, se contentant d'acquiescer comme s'il pouvait être vu. Oui, il avait bien confessé son péché sur le ton de la conversation. Oui, il avait fait un faux en écriture, et comme il l'avait plutôt bien réussi du haut de ses neuf à dix ans, il en avait même originellement était assez fier. Et non, Ludovi de Sabran ne s'était aperçu de rien, sinon Arystote s'imaginait très bien la réaction qu'aurait eu le Cardinal. Le Comte avait encore en mémoire la réaction du Cardinal lorsqu'il lui avait dit combien à ses yeux ce dernier n'était qu'un prélat de pacotille incapable d'assurer sa charge auprès de ses ouailles, qu'il n'était également que le brave chien obéissant de la Marquise... Ah oui, il s'en souvenait. Mais il savait aussi que cela aurait été sans effet.
Rien à voir avec ce qu'il ressentait quand Portalis se fâchait. La colère du Cardinal l'aurait laissé de marbre, il aurait même pu s'en réjouir mais celle de Portalis le faisait se sentir tout petit. Encore une fois, il péchait d'orgueil en plaçant l'un dans le groupe des personnes respectables et l'autre pas. Et il devrait faire pénitence pour cela car s'il avait accordé ne serait-ce qu'une once de crédibilité voire de respect au Sabran, il n'aurait pas falsifié son certificat de baptême. Il avait éprouvé une joie indicible à être plus malin que son ainé ce qui avait conforté son mépris.
- Oui, je me doute qu'il y aura pénitence, dit-il, avant de laisser place au silence, avec la petite voix de celui qui finalement s'en veut.
Silence qui semblait s'installer ce qui expliquait le sursaut du Champlecy en entendant le ricanement de l'évêque de transformer en rire. Et s'il avait rendu son ami fou et ne se rassura que légèrement lorsque celui-ci se remit à parler.
- Ce qu'on va faire de moi... C'est ce que je me demande chaque jour., dit-il en se demandant s'il aurait le courage de continuer à confesser ses péchés. Il le faudrait bien, il pourrait mourir en mer...
- Dois-je poursuivre ? demanda Arystote ne sachant trop s'il devait d'abord attendre l'énoncé de sa première pénitence ou si Portalis attendait d'avoir tout entendu pour faire un tir groupé. Si c'était le cas, il aurait une sacrée pénitence à exécuter.
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Il ne répondit pas de suite aux question du Vandimion, se contentant d'acquiescer comme s'il pouvait être vu. Oui, il avait bien confessé son péché sur le ton de la conversation. Oui, il avait fait un faux en écriture, et comme il l'avait plutôt bien réussi du haut de ses neuf à dix ans, il en avait même originellement était assez fier. Et non, Ludovi de Sabran ne s'était aperçu de rien, sinon Arystote s'imaginait très bien la réaction qu'aurait eu le Cardinal. Le Comte avait encore en mémoire la réaction du Cardinal lorsqu'il lui avait dit combien à ses yeux ce dernier n'était qu'un prélat de pacotille incapable d'assurer sa charge auprès de ses ouailles, qu'il n'était également que le brave chien obéissant de la Marquise... Ah oui, il s'en souvenait. Mais il savait aussi que cela aurait été sans effet.
Rien à voir avec ce qu'il ressentait quand Portalis se fâchait. La colère du Cardinal l'aurait laissé de marbre, il aurait même pu s'en réjouir mais celle de Portalis le faisait se sentir tout petit. Encore une fois, il péchait d'orgueil en plaçant l'un dans le groupe des personnes respectables et l'autre pas. Et il devrait faire pénitence pour cela car s'il avait accordé ne serait-ce qu'une once de crédibilité voire de respect au Sabran, il n'aurait pas falsifié son certificat de baptême. Il avait éprouvé une joie indicible à être plus malin que son ainé ce qui avait conforté son mépris.
- Oui, je me doute qu'il y aura pénitence, dit-il, avant de laisser place au silence, avec la petite voix de celui qui finalement s'en veut.
Silence qui semblait s'installer ce qui expliquait le sursaut du Champlecy en entendant le ricanement de l'évêque de transformer en rire. Et s'il avait rendu son ami fou et ne se rassura que légèrement lorsque celui-ci se remit à parler.
- Ce qu'on va faire de moi... C'est ce que je me demande chaque jour., dit-il en se demandant s'il aurait le courage de continuer à confesser ses péchés. Il le faudrait bien, il pourrait mourir en mer...
- Dois-je poursuivre ? demanda Arystote ne sachant trop s'il devait d'abord attendre l'énoncé de sa première pénitence ou si Portalis attendait d'avoir tout entendu pour faire un tir groupé. Si c'était le cas, il aurait une sacrée pénitence à exécuter.
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Portalis
Arystote
Et Arystote de continuer, hésitant à poursuivre sa version chronologique des faits ou à tout de suite balancer le pire pour que le reste de ses péchés paraissent anodins. Il opta finalement pour ne mettre en place aucune stratégie et rester transparent au regard de l'Eglise pour la première fois de son existence.
- Je vous ai parlé de mon péché de colère mais je crois que je dois développer celui de l'orgueil.
J'ai pour habitude de classer les personnes que je côtoie en deux groupes : les respectables et les autres. Les premiers je les aide s'ils en ont besoin, je pense à eux, je ne cherche pas à leur nuire bref, j'agis dans l'amitié aristotélicienne avec eux. Quant aux autres, je les méprise aussi purement et simplement que s'il s'était s'agit d'un nuisible tel le rat qui vient attaquer les greniers à grains. La plupart du temps je les ignore mais lorsqu'il leur prend l'idée de se sentir dignes des préceptes de l'autre Aristote en s'investissant dans la vie de la cité, je pars du principe qu'ils s'exposent forcément à ce qu'on leur donne notre avis sur leur gestion des affaires publiques.
Dans ces instants-là, je ne leur laisse rien passer et parfois je choisis mes thèmes d'attaque en fonction de faiblesse qu'il me semble avoir perçu chez eux. Ainsi lorsqu'une personne se revendique douée dans les affaires économiques, je vérifie chacun des comptes publiques qu'elle a à sa charge. Si, comme pour Adrian par exemple, elle semble se revendiquer douée en matière de Justice, je vais redoubler d'attention sur les questions judiciaires. D'autant plus qu'il a échoué à l'examen du Barreau de Provence... Notre ancienne marquise avait, je crois, besoin de montrer son attachement à la Provence, de prouver qu'elle était digne de régner sur ces terres car elle en était native. Bien entendu l'attaquais sur sa proximité avec ces consanguins de bourguignons. Il s'agit souvent d'êtres nourris d'un fort égo sans que cela m'apparaisse justifié en terme de compétence.
Bien entendu je me suis déjà fait la réflexion qu'on pouvait en dire autant de moi qui ai aussi un orgueil bien prononcé. D'ailleurs qui suis-je pour décider de qui est respectable et qui ne l'est pas ?
Et puis parfois j'ai des cas de conscience, une sorte d'entre deux qui me pose soucis. Par exemple pendant très longtemps j'ai été en désaccord avec Hersende tout en lui vouant un immense respect et une grande admiration. Aujourd'hui on se rapproche bien plus de ce mépris car je l'ai découverte moins droite que du temps de sa superbe. Vieillir ne fait pas toujours du bien.
A l'inverse vis-à-vis de Mielle je suis très ennuyé car je la sais dénuée de méchanceté mais d'une grande naïveté. Elle commet de nombreuses erreurs mais chaque fois que je les lui fait remarquer, c'est interprété comme une attaque ce qui lui empêche très souvent de tendre vers la moindre remise en question. Voilà ce sont envers ces deux femmes que j'ai regretté certains propos blessants.
En revanche pour tous les autres je n'ai aucun regret. Je vous en parle car je sais raisonner et je vois bien qu'en toute logique je devrai m'en vouloir. Ce n'est pourtant pas le cas. Au mieux je regrette d'avoir tort dans la forme ce qui peut amener mes interlocuteurs à en nier le fond qui lui m'apparait aisément juste.
Le soucis c'est que je ne vois pour quelle raison je changerai ça. Je vous explique.
S'arrête un instant pour reprendre sa respiration
La plupart du temps, lorsque j'incendie quelqu'un avec une certaine violence dans les mots que j'emploie, voici ce qu'on peut me reprocher :
- A quelqu'un à qui je souligne des erreurs dans son travail "Oui ben j'ai fait de mon mieux"
- A quelqu'un qui s'arrange avec les lois des hommes comme celles de l'Eglise "Vous êtes trop pointilleux"
- A quelqu'un qui ne comprends rien aux reproches que je lui fais (je reviendrai sur ce point) "Vous êtes méchant"
- A peu près dans tous les cas "Mais vous vous rendez compte de l'image que cela renvoie de vous"
Je pense qu'on ne fait pas juste "de son mieux" quand on travaille pour les provençaux. Je pense que les lois des hommes comme celles de l'Eglise ont une raison d'être et qu'être pointilleux est une qualité et non un défaut.
Mais alors surtout, surtout... je ne compte plus les fois ou Sa Majesté m'a dit cette phrase...
Prend une voix de fausset cette fois
"Vous rendez-vous compte de l'image que ça donne de vous Arystote. Et gnia gnia gnia... "
Que c'était usant ! Non mais vraiment ai-je l'air de quelqu'un qui se préoccupe de l'image qu'il renvoie ? Ai-je l'air d'attendre que les gens m'aiment ? Vous vous en doutez ça m'est complètement égal. Je suis un être humain et non une image, je préfère que les gens mes détestent mais qu'ils sachent qui je suis plutôt que de leur offrir une image à aimer qui n'aurait rien de vraie.
Bref comme vous pouvez le voir, je n'ai pas trouvé d'argument et donc de raison pour m'en vouloir. Pourtant au fond de moi j'ai conscience que c'est un péché d'orgueil mais il n'est pas doublé d'ignorance et ça le rend légitime à mes yeux.
L'ignorance... Je vous ai dit que j'allais revenir sur la méchanceté dont on m'accuse et justement ce sont les "ignorants" qui y adhèrent le plus. Ceux que j'appelle ainsi sont ceux dotés de la double ignorance, la plus dangereuse de toute. Ignorer quelque chose n'est pas un mal en soi et c'est pour cela d'ailleurs que j'aime à former les autres que ce soit à la maréchaussée, au barreau de Provence en organisant des examens qui poussent à la réflexion, etc. Le soucis c'est quand quelqu'un ignore qu'il ignore... Quand se mêle l'orgueil à l'ignorance.
Et si ça se trouve nous sommes dans une mise en abîme extraordinaire qui fait que mon propre orgueil me rend ainsi bien que je sois persuadé du contraire. En tout cas c'est ce qui m'amène, le plus souvent, à n'avoir aucun regret et à parfois même à prendre du plaisir à tourmenter certaines de ces personnes que je ne place pas dans le groupe des "respectables".
Arystote s'arrêta là en se disant que son confesseur resterait sans doute son confesseur mais il commençait à douter que l'on veuille rester l'ami de quelqu'un qui vous explique calmement tout ceci.
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- Je vous ai parlé de mon péché de colère mais je crois que je dois développer celui de l'orgueil.
J'ai pour habitude de classer les personnes que je côtoie en deux groupes : les respectables et les autres. Les premiers je les aide s'ils en ont besoin, je pense à eux, je ne cherche pas à leur nuire bref, j'agis dans l'amitié aristotélicienne avec eux. Quant aux autres, je les méprise aussi purement et simplement que s'il s'était s'agit d'un nuisible tel le rat qui vient attaquer les greniers à grains. La plupart du temps je les ignore mais lorsqu'il leur prend l'idée de se sentir dignes des préceptes de l'autre Aristote en s'investissant dans la vie de la cité, je pars du principe qu'ils s'exposent forcément à ce qu'on leur donne notre avis sur leur gestion des affaires publiques.
Dans ces instants-là, je ne leur laisse rien passer et parfois je choisis mes thèmes d'attaque en fonction de faiblesse qu'il me semble avoir perçu chez eux. Ainsi lorsqu'une personne se revendique douée dans les affaires économiques, je vérifie chacun des comptes publiques qu'elle a à sa charge. Si, comme pour Adrian par exemple, elle semble se revendiquer douée en matière de Justice, je vais redoubler d'attention sur les questions judiciaires. D'autant plus qu'il a échoué à l'examen du Barreau de Provence... Notre ancienne marquise avait, je crois, besoin de montrer son attachement à la Provence, de prouver qu'elle était digne de régner sur ces terres car elle en était native. Bien entendu l'attaquais sur sa proximité avec ces consanguins de bourguignons. Il s'agit souvent d'êtres nourris d'un fort égo sans que cela m'apparaisse justifié en terme de compétence.
Bien entendu je me suis déjà fait la réflexion qu'on pouvait en dire autant de moi qui ai aussi un orgueil bien prononcé. D'ailleurs qui suis-je pour décider de qui est respectable et qui ne l'est pas ?
Et puis parfois j'ai des cas de conscience, une sorte d'entre deux qui me pose soucis. Par exemple pendant très longtemps j'ai été en désaccord avec Hersende tout en lui vouant un immense respect et une grande admiration. Aujourd'hui on se rapproche bien plus de ce mépris car je l'ai découverte moins droite que du temps de sa superbe. Vieillir ne fait pas toujours du bien.
A l'inverse vis-à-vis de Mielle je suis très ennuyé car je la sais dénuée de méchanceté mais d'une grande naïveté. Elle commet de nombreuses erreurs mais chaque fois que je les lui fait remarquer, c'est interprété comme une attaque ce qui lui empêche très souvent de tendre vers la moindre remise en question. Voilà ce sont envers ces deux femmes que j'ai regretté certains propos blessants.
En revanche pour tous les autres je n'ai aucun regret. Je vous en parle car je sais raisonner et je vois bien qu'en toute logique je devrai m'en vouloir. Ce n'est pourtant pas le cas. Au mieux je regrette d'avoir tort dans la forme ce qui peut amener mes interlocuteurs à en nier le fond qui lui m'apparait aisément juste.
Le soucis c'est que je ne vois pour quelle raison je changerai ça. Je vous explique.
S'arrête un instant pour reprendre sa respiration
La plupart du temps, lorsque j'incendie quelqu'un avec une certaine violence dans les mots que j'emploie, voici ce qu'on peut me reprocher :
- A quelqu'un à qui je souligne des erreurs dans son travail "Oui ben j'ai fait de mon mieux"
- A quelqu'un qui s'arrange avec les lois des hommes comme celles de l'Eglise "Vous êtes trop pointilleux"
- A quelqu'un qui ne comprends rien aux reproches que je lui fais (je reviendrai sur ce point) "Vous êtes méchant"
- A peu près dans tous les cas "Mais vous vous rendez compte de l'image que cela renvoie de vous"
Je pense qu'on ne fait pas juste "de son mieux" quand on travaille pour les provençaux. Je pense que les lois des hommes comme celles de l'Eglise ont une raison d'être et qu'être pointilleux est une qualité et non un défaut.
Mais alors surtout, surtout... je ne compte plus les fois ou Sa Majesté m'a dit cette phrase...
Prend une voix de fausset cette fois
"Vous rendez-vous compte de l'image que ça donne de vous Arystote. Et gnia gnia gnia... "
Que c'était usant ! Non mais vraiment ai-je l'air de quelqu'un qui se préoccupe de l'image qu'il renvoie ? Ai-je l'air d'attendre que les gens m'aiment ? Vous vous en doutez ça m'est complètement égal. Je suis un être humain et non une image, je préfère que les gens mes détestent mais qu'ils sachent qui je suis plutôt que de leur offrir une image à aimer qui n'aurait rien de vraie.
Bref comme vous pouvez le voir, je n'ai pas trouvé d'argument et donc de raison pour m'en vouloir. Pourtant au fond de moi j'ai conscience que c'est un péché d'orgueil mais il n'est pas doublé d'ignorance et ça le rend légitime à mes yeux.
L'ignorance... Je vous ai dit que j'allais revenir sur la méchanceté dont on m'accuse et justement ce sont les "ignorants" qui y adhèrent le plus. Ceux que j'appelle ainsi sont ceux dotés de la double ignorance, la plus dangereuse de toute. Ignorer quelque chose n'est pas un mal en soi et c'est pour cela d'ailleurs que j'aime à former les autres que ce soit à la maréchaussée, au barreau de Provence en organisant des examens qui poussent à la réflexion, etc. Le soucis c'est quand quelqu'un ignore qu'il ignore... Quand se mêle l'orgueil à l'ignorance.
Et si ça se trouve nous sommes dans une mise en abîme extraordinaire qui fait que mon propre orgueil me rend ainsi bien que je sois persuadé du contraire. En tout cas c'est ce qui m'amène, le plus souvent, à n'avoir aucun regret et à parfois même à prendre du plaisir à tourmenter certaines de ces personnes que je ne place pas dans le groupe des "respectables".
Arystote s'arrêta là en se disant que son confesseur resterait sans doute son confesseur mais il commençait à douter que l'on veuille rester l'ami de quelqu'un qui vous explique calmement tout ceci.
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