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RP - Je vais t'emmener où personne ne va.

Fleur_des_pois
And I will make sure to keep my distance


Les rayons du soleil transperçaient les carreaux de la fenêtre de la chambre, comme autant d'épées immatérielles. La pièce ainsi éclaboussée d'or révélait une table couverte de plantes en vrac, de sachets en grosse toile, et de fioles colorées. Les braises de la cheminée achevaient de se consumer. Le chaudron suspendu au-dessus était empli à moitié d'eau claire. Aux pieds du lit, où s'achevait la course de l'astre du jour, deux chiens étaient étalés de tout leur long, semblant somnoler. Derrière quatre planches, une oie cancanait à intervalles réguliers.

A côté d'un Niallan profondément endormi, Gaia, les bras croisés sous sa poitrine, fixait furieusement le mur en face d'elle. Si elle partageait son lit avec son époux, elle lui avait cependant interdit formellement de la toucher. Cependant, lorsqu'elle s'était réveillée ce matin-là, la Fée avait été agacée de constater qu'elle avait durant la nuit posé un bras sur le torse de son époux. Le pire avait peut-être été de rester lovée contre lui quelques secondes, un sourire aux lèvres, avant de réaliser ce qu'il en était. La Fée s'était alors rejetée vivement en arrière, tant et si bien qu'elle était tombée du lit, les quatre fers en l'air. Pestant à voix basse, se maudissant de prendre encore la précaution de ne pas vouloir l'éveiller, le Lutin avait regagné la couche qui n'avait de matrimoniale que le nom.

Depuis, Fleur n'avait pas bougé. Elle réfléchissait. Que faire ? Le ciel semblait mitigé, affichant tout la fois un ciel bleu azur et d'épais nuages noirs. Le temps, tout comme l'Ortie, semblait hésiter à dispenser le calme ou la tempête.
Après la prise de Poligny, Gaia avait décidé de passer deux jours à Paris, entre époux. Et maintenant qu'ils étaient là, la Fée se demandait si elle avait eu raison. Si elle restait enfermée ici, dans la même pièce que Niallan, durant deux jours, il était plus que probable qu'elle fasse n'importe quoi. Et que lui-même ne se débatte pas trop à l'idée de consommer enfin ses noces.

Soupirant profondément, le Lutin quitta le lit, laissant retomber au milieu de ses cuisses la chemise blanche qui lui servait de sous-vêtement. Faisant quelques pas dans la pièce tout en passant une main dans son opulente chevelure brune, Gaia distribua une poignée de graines à Terrine l'Oie Blanche, et posa devant ses chiens les reliefs de leur diner de la veille. Puis une idée lui vint, aussi inattendue que bienvenue. S'approchant à petits pas de Niallan, Fleur lui secoua l'épaule, d'abord doucement, puis plus énergiquement.


Niallan ! Niallan ! Réveille-toi ! Allez, debout ! On va faire un tour. J'veux que tu me trouves un p'tit cheval en bois. Dépêche-toi !

Le secouant une dernière fois, Gaia s'éloigna à grandes enjambées. Elle se planta devant la fenêtre, tournant le dos au blond, inconsciente du fait que le soleil rendait presque transparent le tissu de sa chemise, et dévoilait les courbes féminines de son corps. Si elle avait pu se douter qu'en restant plantée là, Niallan pouvait aisément se repaître de sa silhouette, elle aurait probablement bondi en arrière. Mais prise au cœur de ses réflexions, Fleur était à cents lieux d'imaginer qu'elle était ainsi dévoilée aux yeux de son époux.

Fleur laissa ses pensées dériver. Les courses du jour n'allaient pas s'arrêter à une modeste figurine de cheval. Elle avait envie d'une nouvelle robe, et ses pantoufles commençaient à s'user. Et pourquoi pas d'autres gants ?
Les achats à venir s'éclipsèrent brutalement, cédant la place aux souvenirs. Cette soirée-là, à Poligny. Elle était ivre, tellement ivre qu'elle l'avait embrassé. Il était tombé, et elle s'était effondrée à sa suite lorsqu'il l'avait tiré à lui. Ne l'avait-elle pas embrassé jusqu'à ne plus pouvoir respirer ? N'en avait-il pas fait autant ? Ne s'était-elle pas blottie contre lui ? Ne l'avait-il pas serré dans ses bras ? A quel monde appartenait cette soirée-là ? La Fée s'était sentie à deux doigts de lui dire une sottise. On ne pouvait pas apprécier quelqu'un qui vous détestait comme il le faisait. L'alcool avait relâché les tensions, mais la raison l'avait forcé à reconstruire les murailles. Ne pas le supporter, le haïr même, était devenu absolument primordial. De quoi aurait-elle l'air, si elle s'abandonnait aux sentiments avec lui ? D'une idiote.

S'extirpant du flot spongieux de ses sentiments, Gaia s'écarta de la fenêtre pour venir prendre place à côté de lui. Se penchant pour récupérer sa robe de mariée à laquelle elle avait ôté de nombreux jupons pour la rendre quotidiennement portable, le Lutin tourna les yeux vers lui. Plongeant son regard brun dans celui, céruléen, de son époux, un léger sourire se peignit sur ses lèvres.


Faut t'lever maintenant. On va manger en ville, y'a un boulanger qui fait des pains fourrés aux raisins, un délice. Dépêche-toi. J'ai faim.

La Fée se releva pour passer sa robe, lissant le bustier brodé d'or, avant de rassoir.

Tu me laces, dans le dos ?



Titre RP : Bye bye - BB Brunes
Distance - Christina Perry
Et je ferais en sorte de garder mes distances
Edit pour correction
Niallan
[Je n'ai pas peur de la mort
Mais que tu m'évites encore*]


Je suis toujours blessé mais un peu moins mourant. Parfois la fièvre s’invite et je me mets à délirer. Mais je me soigne, c’est promis. Ou plutôt elle me soigne, elle c’est ma femme. Pas ma donzelle, pas ma gonzesse. Ma femme. Je ne suis pas amoureux, hein, c’est juré ! Cette pensée m’arrache un grognement dans mon sommeil. Manquerait plus que ça tiens, m’amouracher d’une femme que j’ai juré de détester jusqu’à ma mort, surtout que je suis totalement dingue de sa cousine qui me le rend bien. Si je l’embrasse c’est parce que j’aime embrasser. Je suis un coureur, un queutard fini, c’est bien connu. Ahah, alors pourquoi t’as pas couché avec elle quand elle était ivre et visiblement partante ? Nouveau grognement alors que je m’entortille un peu plus dans les draps. Laissez-moi pioncer tranquille, merde ! Si t’as pas couché avec elle c’est parce que t’avais pas envie qu’elle ait des remords, que tu la respectes… Oh putain, vivement que je me prenne un shoot de n’importe laquelle de mes substances.
Y’a du bordel à côté de moi, probablement ma femme qui s’occupe de ses clebs ou de son Oie. Ou de son âne. Une vraie ménagerie. Pas décidé à être réveillé aussi tôt, je court-circuite mon cerveau et repars dans les bras de Morphée. Et toc. Alors que je viens tout juste de gagner ma bataille contre le sommeil, je sens une secousse sur mon épaule. Grommelant des paroles inintelligibles, je me tourne de l’autre côté du lit. Ça secoue plus fort, je grogne et chope un oreiller pour me le foutre sur la tête. Seul problème : elle ne lâche pas le morceau et je n’ai que trop montré que j’étais éveillé. Fait chier. Soulevant le coussin, j’ouvre un œil. Un seul, faut pas abuser.

Hum ?

Un petit cheval en bois ?! Mais oui, j’y pensais justement ! Ouvrant le deuxième œil pour lui lancer un regard furieux, je ravale mes reproches en la voyant s’avancer devant la fenêtre. Oh la garce ! Pour sûr, elle l’a fait exprès. La vue d’une femme presque nue qui partage mon lit et se refuse à moi que j’aime embrasser et qui aime me provoquer, le matin qui aide bien… Apparition d’une douteuse protubérance que je m’empresse de cacher en posant l’oreille sur le drap à l’endroit stratégique. Elle revient vers moi et, l’air de rien, elle me demande de l’aider à l’habiller. Mais c’est pas possible d’être aussi vile, merde ! Allez souris, Niallan, souris.

Mais bien sûr, chérie.

Le « chérie » est prononcé d’une voix volontairement hypocrite et c’est avec plus de force que nécessaire que je serre le bustier. Petite vengeance puérile que j’assume totalement. Dégageant les cheveux bruns qui recouvrent son cou, je dépose un baiser sur la parcelle de peau ainsi découverte. Et me rapprochant d’elle de façon à ce que nos deux corps ne soient séparés plus que par les différents tissus, je me risque à balader ma main droite sur sa poitrine. Caresse très légère qui s’arrête en haut de la robe sur laquelle je tire d’un coup sec.

C’était mal ajusté.

Sourire goguenard aux lèvres, je me lève sans faire le moindre effort pour masquer ma nudité et me saisis d’une chemise blanche. Et puis, une paire de braies dans chaque main, je me tourne vers la Corleone. Tu veux jouer ? Eh bien on va jouer !

Noires ou marrons ? Allez, va pour les noires !

Retenant difficilement un éclat de rire, je passe les braies choisies par mes soins, enfile rapidement mes bottes et me fends d’une courbette exagérée juste devant la brune du sud.

Si madame veut bien se donner la peine…les pains aux raisins nous attendent !

Me relevant, je lui offre ma main, un sourire taquin en prime.

[J'aimerais bien t'emmener sur le port
Te refaire le coup du con qui t'adore
J'ai peur que tu joues les toréadors
Et que tu m'esquives encore*]



*Mickey 3d matador

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Fleur_des_pois
    On ira danser au Népal, on y fera le carnaval
    En pèlerinage à Rio, même si Bon Dieu est plus haut,
    On f’ra une rave au Vatican, on ira surfer au Liban,
    On f’ra du ski au Sénégal, pourvu qu’tu viennes ça m’est égal



La Fée, malgré elle, espérait qu’il refuserait de la lacer. Qu’il lui enlèverait sa robe et qu’il l’attirerait contre lui. Et qu'ils passeraient ces deux jours enlacés dans ce lit. Elle était même à deux doigts de lui suggérer l’idée. Mais la force déployée pour nouer son bustier lui ôta – à son grand soulagement – l’idée de l’esprit en même temps que l'air des poumons. L’espace de quelques secondes, l’Ortie avait oublié qu’il la détestait singulièrement. Agacée par sa propre faiblesse, se sentant plus stupide qu’un nourrisson le jour de sa naissance, elle retint sa respiration lorsque, par inadvertance sans doute, la main du blond s’égara sur son sein. Ses propres doigts claquèrent sur ceux de Niallan, en guise de réprimande. Hors de question qu’il se permette ce genre de familiarité alors qu’il la méprisait comme il le faisait.
Il quitta le lit, s’exhibant dans son plus simple appareil. Un léger sourire effleura les lèvres du Lutin, alors que son regard ne s’attardait pas plus que ne l’autorisait la bienséance à l’endroit qu’il désirait sans doute mettre en valeur. Les sourcils bruns se haussèrent, et son œil se fit critique alors qu’elle lâchait dans une moue de déception :


Eh bien ! J’imagine que tu dois avoir une méthode de séduction hors du commun pour que tant de femmes te tombent dans les bras. Et si tu escomptes un jour consommer tes noces, il faudra que tu mettes les bouchées doubles pour me plaire, parce qu’il en faudra plus que ce que j’ai vu pour me convaincre.

Eclatant d’un rire cristallin, la Fée bondit du lit, et se saisit de sa paire de bas, rayé blanc et vert, qui gisait sur le banc. Il voulait provoquer ? Il allait être servi. Remontant sa robe jusqu’à mi-cuisses, Gaia couvrit presque lascivement ses jambes nues de la laine fine, puis noua autour de sa cuisse une jarretière rouge. Rejetant sa chevelure en arrière, elle lui jeta un regard partagé entre le défi et l’amusement. Chaussant ses petits pieds de pantoufles de satin vert, Fleur observa quelques secondes son époux. Ils allaient faire les courses, façon Lutin. Dans ce cas, il leur fallait se munir de deux ou trois choses nécessaires. Ouvrant le bahut, elle en ôta un sac en grosse toile emplit d’un mélange de lentilles, de pois, et autres fèves.

Tiens, on aura besoin de ça. Tu comprendras pourquoi.

S’en munissant elle-même d’un autre, mais vide, la Fée se saisit de sa besace de cuir, pour l’occasion vidée de ses nombreuses fioles. Se tournant vers lui, elle lui adressa une esquisse de sourire. Il lui tendait la main. Le cœur battant, l’Ortie avança la sienne. Ses doigts tremblèrent imperceptiblement, et lentement, ses phalanges se refermèrent en poing. Elle ne pouvait pas le toucher. Elle ne devait pas le toucher. Elle se souvenait de leur première rencontre. Elle l’avait entrainé, main dans la main, à travers les rues. Il n’était alors rien pour elle, et ne comptait pas plus que la masse grouillante des parisiens. Mais aujourd’hui, c’était différent. Le mot « amoureuse » lui traversa l’esprit brièvement. Certainement pas, répondit-elle à cette pensée. Elle avait juré de le haïr à jamais, et elle était bien décidée à tenir sa promesse. Comme un défi qu’elle se lançait à elle-même, la Fée s’empara de cette main tendue, emmêlant ses doigts aux siens, sourde aux battements affreusement rapides de son cœur.

Sifflant ses chiens, l’Ortie ouvrit la porte à la volée, et descendit quatre à quatre les marches, traversant le vestibule sans accorder un regard à la Mère Lablanche qui soufflait comme un veau derrière son comptoir graisseux. La cour Jussienne était encore sombre, et la Fée hâta le pas, pressée de trouver la lumière. Le bout de la rue fut atteint, et ils furent aussitôt baignés des rayons du soleil. Un large sourire se dessina sur les lèvres de Gaia, qui tourna le nez vers Niallan.


J’espère que tu as le goût de l’aventure. Allez, viens !

D’un pas sautillant, elle s’engagea dans la venelle pleine de monde, Lutin bondissant et joyeux parmi cette foule de gens qui semblaient tous faire grise mine en comparaison du visage radieux de Fleur. Ici, tout le monde se mélangeait, et c’était cela plus que tout autre chose qui ravissait le cœur de la Fée. Pauvre, riche, malade, bien portant, intellectuel, benêt, honnête, escroc évoluaient dans la plus parfaite indifférence des uns et des autres.
Guidant Niallan à travers les rues et ruelles, sans jamais lui lâcher la main, elle se moquait finalement d’apprécier plus que permis ce contact. Aujourd'hui serait une journée particulière. Elle avait envie de légèreté. Ils étaient à Paris, et elle l'entrainait dans son univers. Il en apprendrait sur elle, sans doute à son insu, mais Gaia prenait le risque. Elle en avait assez, parfois, de se forcer à le haïr. Personne ne serait là pour les voir, il n'y avait donc aucun masque à arborer.
Fleur parvint au bout de quelques minutes d’une marche rapide, en plein cœur des Halles. Se faufilant entre les étals avec la souplesse et l’aisance conférée par l’habitude, les doigts de Gaia s’aventurèrent parmi les beignets aux pommes, les miches, et les pains aux fruits. Et profitant que le marchand était occupé avec une cliente, la jeune fille s’empara discrètement et en plusieurs exemplaires de ce que son estomac réclamait à grands cris. Les fourrant discrètement dans sa besace, elle s’éloigna sans se hâter, comme n’importe quel badaud. Se munissant de son petit couteau servant habituellement à trancher les plantes, elle coupa quelques bourses au passage. Derrière elle, Dandelion et Luzerne ramassaient de leurs crocs les escarcelles volées.
Quittant le tumulte des Halles et les cris de vendeurs, la Fée s’adossa à un mur de pierre, tendant son pain aux raisins à Niallan. Ramassant les aumônières dérobées, elle emplit la sienne de l'or des autres, avant de rompre un autre pain et de tendre la moitié à chacun de ses chiens. Mordant dans le sien, Fleur ferma les yeux, savourant le goût parfumé de son larcin.


Et après ça, le petit cheval de bois !


Niallan
[J'étais à deux doigts
De finir fou de toi*]


C’est un jeu dangereux, Gaia Corleone, le sais-tu ? C’est un jeu dangereux parce que j’aime gagner mais que gagner signifierait m’approcher de toi, assez pour faillir à ma promesse et t’aimer à en crever. Houla ! Mais qu’est-ce que je raconte ? Faut que j’arrête de me la jouer mystérieux torturé, c’est pas pour moi. Non, moi je suis le type qui ne se prend pas la tête, qui se marre tout le temps. Je ne tomberai pas amoureux d’elle, point barre. Surtout si elle me balance des réflexions peu flatteuses et sans aucun fondement sur mon anatomie. Je sais ce que je vaux eu pieu, tout simplement parce que j’ai appris. Je ne fais pas partie de ces types qui se la jouent parce qu’ils font les marteaux-piqueurs en ahanant comme des bœufs, non, moi j’ai appris. Réellement. Ça a commencé il y a six ou sept ans, dans un bordel parisien, l’Aphrodite. C’était une étrangère, j’étais un inconnu. Elle vendait son corps, je voulais découvrir les corps. Maryah, l’Epicée. Ses cours étaient plus pratiques que théoriques et je n’en manquais aucun, m’émerveillant chaque jour de ce qu’une simple caresse pouvait provoquer. Mais je n’en dirais rien à ma femme.

Bon, tu la prends ma main oui ou merde ?

Merde, apparemment. Je m’apprête à laisser tomber quand elle s’en saisit enfin. Sourire au coin des lèvres, sac jeté sur le dos, je me laisse entrainer par l’italienne à travers les rues parisiennes. Oui, j’ai le goût de l’aventure et je me demande bien ce qu’elle me réserve avec son sac empli de graines en tout genre (voyez la précision !). Je regarde les gens, les moches et les beaux. Je m’attarde sur certains visages plus marquants que d’autres, par leurs difformités ou leur beauté. Mais en vérité il n’y a qu’elle que je vois. Elle qui mène une danse en solo avec l’assurance des habitués. Les bourses tombent, les chiens les ramassent. Technique maîtrisée à la perfection. Aucune peur quand elle s’empare des pains, aucune hésitation sur la route à suivre. Moi, par contre, j’hésite. Est-ce que j’ai bien fait de venir ? Faut que je sois honnête, je ne suis pas à ma place.
M’emparant du pain aux raisins, je mords dedans avec avidité pour m’empêcher d’invoquer ma blessure pour rentrer plus tôt. C’est vrai que je ne me sens pas à ma place mais elle m’a entraîné dans son monde. Elle m’y a donné ma place et rien que pour ça j’ai envie d’y rester. Euh, pour lui pourrir la vie sur son territoire, bien sûr ! N’allez pas croire qu’elle pourrait me manquer si je décidais de rester dans un autre monde, quoique… Trêve de conneries. A moi de lui montrer ce que je sais faire. J’essuie les miettes subsistant sur ma bouche et affiche un sourire malicieux.

Je vais aller te le chercher ton cheval de bois, moi ! J’ai repéré une boutique où ils vendent des tas de trucs en bois, je suis sûr qu’on trouvera ton bonheur.

Cette fois c’est sans lui demander son avis que je me saisis de sa main, la ramenant sur nos pas pour bifurquer dans une ruelle un peu moins animée que la principale. C’était là, si je me souviens bien… Reste à voir si mes yeux ne m’ont pas joué un tour de con. C’est là. Affichant un sourire plus large encore que le précédent, je m’arrête pile en face de la vitrine et fais signe à Fleur de ne pas bouger.

A mon tour de te montrer ce que je sais faire !

Hop, un petit clin d’œil pour la rassurer sur mes talents inexistants et je pousse la porte de la boutique. Les seules fois où j’ai volé, c’était sur des étals pour me nourrir quand je crevais la dalle et à chaque fois, je me faisais choper. Ah, non, il y a bien eu cette fois où j’étais allé dans le jardin du curé du village, escaladant le mur pour rapporter les plus belles pommes à Kachina, là je ne m’étais pas fait épinglé. Et toutes ces fois j’y suis allé au culot, ne changeons pas les bonnes vieilles méthodes.

Bonjour !

Sourire avenant mais démarche claudicante. Je donne l’impression d’être un blessé qui flâne mais j’ai déjà vu ce que je cherchais, là, tout près du comptoir, un petit cheval de bois. C’est maintenant que je commence à jouer la comédie. Je désigne une canne accrochée derrière le type, déboutonnant ma chemise pour que le bandage soit visible.

Pouvez-vous me montrer la canne se trouvant derrière vous ? Si vous estimez qu’elle est assez solide pour supporter une partie de mon poids, bien sûr…

Les artisans n’aiment pas qu’on remette la qualité de leur travail en doute c’est pourquoi l’homme s’empresse d’acquiescer et de se tourner. Pile ce que je voulais. Le canasson de bois est attrapé est glissé sous ma chemise. Lorsqu’il se retourne pour me faire face, je me mets à tousser, à fond dans mon rôle de moribond.

Vous convient-elle ?

Je prends un moment pour analyser la canne avant de secouer négativement la tête.

Elle est magnifique mais je crains que le pommeau ne soit pas adapté.
Oh mais j’en ai d’autres si vous voulez !
Non, merci. Je dois y aller, bonne journée à vous.

Et je plante là un gars déçu de ne pas avoir fait affaire pour rejoindre la beauté du Sud. Nouveau clin d’œil tandis que, passant mon bras autour de ses épaules, je l’embarque un peu plus loin. Et, arrivés dans un coin isolé, je dégaine mon larcin.

Tadam ! Alors, c’est quoi la prochaine étape ?

[200 Watts
En paire de bottes*]



*BB Brunes - Coups et Blessures

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Fleur_des_pois
Il nous laisse vide
Et plus mort que vivant
C'est lui qui décide
On ne fait que semblant
Lui, choisit ses tours
Et ses va et ses vient
Ainsi fait l'amour
Et l'on n'y peut rien



Entrainée à sa suite sans qu'elle songeât un instant à protester, la Fée se laissa guider, curieuse. Loin de songer à dégager sa main de la sienne, Fleur au contraire, resserra davantage l'emprise de ses doigts sur ceux de Niallan.
Parvenus devant la boutique, l'Ortie esquissa un sourire. Bras croisés sous la poitrine, elle l'observa attentivement. Incapable d'entendre ce qu'il disait à l'ébéniste, elle ne le quittait pas du regard. Elle éclata d'un rire léger lorsqu'elle le vit dérober le cheval. Puis essayer la canne, l'air de rien. Avant de repartir et de laisser l'artisan visiblement dépité.
Un sourire joyeux étirait les lèvres de Gaia. Une nouvelle fois, elle se laissa entrainer, ne prenant même pas la peine de s'offusquer du contact de son bras autour de ses épaules.
Lorsqu'il extirpa de sous sa chemise le cheval tant désiré, la jeune fille en poussa un véritable cri de joie. S'emparant du larcin, elle déposa un baiser sur la tête de la figurine. Puis, dans un pur élan de bonheur, sans réfléchir - et l'eut-elle fait, elle n'aurait probablement pas agi différemment - le Lutin se jeta sur lui, enroula bras et jambes autour du cou et de la taille du blond. Dans sa fougue, elle l'embrassa sur les lèvres, avant de le relâcher, les joues roses. Le cœur battant la chamade, elle ne regrettait qu'une chose. Ne pas avoir prolongé le baiser. Chassant cette pensée qui était par trop gênante, Fleur se concentra sur son cadeau.


Merci ! s'exclama-t-elle en examinant attentivement le cheval. Il est magnifique !

Les yeux brillants, elle rangea avec une précaution immense son nouvel objet favori. La nature de la prochaine étape, demandait-il. Peut-être était-il temps, songea-t-elle, de mettre à profit le sac à légumes secs. Un large sourire s'épanouit sur son visage, et sans hésitation cette fois, Fleur se saisit de sa main, emmêlant ses doigts aux siens.

Viens !

Sans lui laisser le temps d'éventuellement protester, Gaia l'entraina de nouveau à sa suite.
Là-haut, le ciel s'éclaircissait. Les nuages lourds de pluie fuyaient vers d'autres terres, laissant aux parisiens un bleu aussi éclatant que le céruléen des yeux de Niallan. Fendant la foule en bondissant, la Fée se tournait régulièrement vers lui, comme pour vérifier qu'il était toujours là.
S'arrêtant brusquement devant l'échoppe d'une modiste, elle laissa courir ses doigts sur un présentoir à rubans. Le rouge était charmant, le vert magnifique, le blanc adorable. Elle se mordit la lèvre, hésitante. Mais s'éloigna finalement sans rien prendre. La journée ne faisait que commencer, elle trouverait un moyen de le trainer de nouveau jusqu'ici.
S'excusant du regard, la Fée reprit sa course folle, la main toujours solidement ancrée à celle de son époux. Remontant le courant des badauds, elle se faufilait, concentrée sur son but. Jusqu'à ce qu'enfin devant eux se dresse l'échoppe qu'elle cherchait. La peinture, sur la vieille enseigne de bois, était en partie écaillée. On devinait l'ombre d'un nom, sans pouvoir le lire cependant.


Là. C'est chez le Père Grosjean. Il vend de tout. C'est un prêteur sur gage. Mais il vend aussi des plantes exotiques. Suis-moi, et ne dit rien.

Fleur le lâcha, se redressa de toute sa taille fort peu impressionnante, et poussa la porte, sourire aux lèvres. L'homme, derrière son comptoir, était visiblement occupé à quelque chose. Les étagères, derrière lui, débordait d'un bric à brac indescriptible. Le joyeux bazar qui régnait ici n'avait d'égal que celui de la chambre de Fleur.
Le commerçant releva le nez à leur approche. Visiblement réjoui de l'arrivée de la Fée, il détailla son compagnon avec une attention polie.


Fleur ! Quelle heureuse surprise ! Ca fait bien longtemps, dis-moi !
Trop, mon cher Martin. Comment va la famille ?
Bien, bien. Bertille vient de se marier. Mais que puis-je donc pour ton ami et toi ?
Mon am...

Gaia se retourna, surprise, semblant tout juste se souvenir de la présence de Niallan.

Oh, lui ? Non, c'est rien, c'est... Longue histoire ! fit-elle avant de se tourner de nouveau vers le Père Grosjean. As-tu l'une de ces racines asiatiques, s'il te plait ? Du gingembre.

Et tandis que le gros barbu hochait la tête et s'engouffrait dans son arrière boutique, Gaia fit volte face.

Ton sac ! articula-t-elle à voix basse.

Puis, sans plus de cérémonie, la Fée se hissa sur la pointe des pieds, se saisissant rapidement ici d'un bougeoir, là d'une coupe en argent. Un peigne en écaille, un petit vase ouvragé, un bracelet en ivoire, un collier de perle suivirent le même trajet. Elle les enfouissait tous délicatement dans les graines, rendant leur présence indétectable puisque le sac était déjà plein. Elle les enfonçait suffisamment pour qu'ils ne puissent pas s'entrechoquer et les protéger durant le voyage.
Les pas du marchand l'interrompit, et dans une attitude décontractée au possible, la Fée prit appui sur Niallan, affichant un air innocent, alors que Grosjean réapparaissait.


J'ai ce qu'il te faut. Et comme tu as soigné ma femme, je te fais un prix.

Réglant la note, remerciant chaleureusement le Père Grosjean, Gaia ne s'attarda pas plus longtemps. Sortant de la boutique à petits pas, elle glissa sitôt dehors sa main dans celle de Niallan. S'éloignant de sa démarche dansante de l'échoppe, elle s'autorisa un rire une fois qu'ils eurent regagnés une artère plus animée.
S'arrêtant au carrefour, indécise, l'Ortie leva le nez vers son mari, souriant largement. Elle le dévisageait, étonnée de le trouver si beau, regrettant soudain de ne pas avoir avoué au marchand qu'il était son mari. Le Lutin serra davantage la main du blond dans la sienne. Il n'était peut-être pas si insupportable, après tout.


Faudra aller revendre tout ça dans la journée, mais pour le moment, ça te dit un tour sur les quais ?




Et l'on n'y peut rien - Jean-Jacques Goldman
Niallan
[Embrasse-moi*]

Je veux qu’elle passe toute la journée à m’embrasser, peu importe le nombre de babioles que je devrai lui ramener pour ça. Lorsqu’elle se jette sur moi avec une spontanéité que je ne lui imaginais pas, je me mets à rire et puis je l’embrasse. Je me fous de la promesse consistant à la détester toute ma vie tout comme je me moque des plaintes que m’envoie ma blessure sur laquelle la Corleone appuie. Je la veux, elle, juste elle. Le cœur battant à tout rompre, je lui adresse un sourire radieux quand elle me complimente sur mon larcin. Ouais, je sais, je sais, j’ai du goût. Par contre, même ma prise ne me permet pas d’obtenir une réponse à ma question. La prochaine étape ? Venir. Ah, oui, bon bah je viens, hein. Où j’en sais rien mais j’y vais.

Laisse-moi deviner, il est père, gros et se nomme Jean ?

Elle n’a visiblement pas apprécié cette vanne puisque, non contente de me lâcher, elle m’abandonne sur le pas de la porte. Pestant contre la susceptibilité des femmes, je me décide à entrer pour tomber nez à nez avec le fameux Jean qui s’appelle Martin et qui n’est pas gros. Bon, j’imagine que Bertille est sa fille alors je n’ai pas faux sur toute la ligne mais c’est la réaction de ma femme qui me sèche sur place. Ma femme…ouais, tu parles. Je ne suis « rien ». Dents serrés, j’adresse un sourire crispé au commerçant. Putain, et moi qui croyais qu’il y avait quelque chose entre nous. N’importe quoi. Il n’y a jamais rien eu entre nous, il n’y a rien et il n’y aura jamais rien. Elle a son Adryan (un jour je ferai un puzzle avec pour seules pièces sa gueule et un mur) et moi j’ai Léan. Et puis Aphrodite porte mon enfant, pourquoi j’aurais besoin de m’attirer de nouvelles emmerdes en devenant quelque chose pour l’italienne ? Je ne suis rien pour elle, elle n’est rien pour moi. On est juste associés, ouais, voilà, associés. C’est pourquoi je lui tends le sac avec un sourire hypocrite.

Tiens, collègue.

Elle fait ce qu’elle a à faire, je récupère le sac. Elle paie pour son gingembre, je salue le pauvre arnaqué d’un hochement de la tête. Ensuite on sort, on se reprend la main mais cette fois ce contact m’agace plus qu’autre chose. Elle rit, pas moi. Je n’ai pas trouvé ça drôle. Mais alors pas du tout. Et non, je ne suis pas vexé ! C’est juste que le sac est lourd et que bien sûr, c’est moi qui dois me le coltiner.

Ouais, si ça peut te faire plaisir.

Autrement dit : « rien à carrer, pourvu que cette journée se termine au plus vite ». Rien, rien…bah si je suis rien lâche-moi ! Mimant une envie de me gratter le nez, je lâche sa main. Et surtout, après m’être gratté, je ne récupère pas sa main. Même que j’avance sans lui accorder la moindre attention. A dire vrai, je me force à regarder TOUTES les donzelles qui passent, répondant aux sourires de quelques-uns par des œillades pleines de sous-entendus. Rien, rien ! Tout occupé par ma petite vengeance puérile et la blessure ouverte dans mon orgueil, je ne remarque qu’au dernier moment que nous sommes arrivés aux quais. J’esquisse un léger sourire, j’ai toujours aimé l’eau. Ça me rappelle mon enfance dans le Sud avec Kachina, quand j’étais encore un gosse maladroit et timide. C’est fini tout ça, maintenant je suis un homme, l’homme que je voulais devenir. Celui qui foire tout et qui ne s’embarrasse pas d’attaches ou de sentiments.
MYTHO. J’aime ma gamine, j’aime ma famille. Et puis Fleur…Fleur elle me gonfle. C’est donc sans lui adresser la parole que je la traine sur un ponton. L’eau est toute proche. Je délace mes bottes, remonte un peu mes braies et, fesses appuyées sur le ponton, je plonge mes pieds et mes mollets dans l’eau. La tension est palpable et j’avoue que si je dois passer deux jours comme ça, je vais avoir du mal. Poussant un soupir, je tapote la place à côté de moi.

Tu peux t’asseoir, si tu veux.

Mais si tu veux pas, ne compte pas sur moi pour te le demander puisque je ne suis rien.
Ça me gonfle d’avoir toujours envie de l’embrasser, c’est tout juste si je me retiens de sauter à la baille pour me rafraichir les idées.
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    Je suis un félon et un traître
    Pour que tu me prennes la main
    Je pourrais même peut-être
    Donner l'adresse de Jean Moulin


C'était étrange, lorsqu'on y songeait, à quelle vitesse on pouvait s'habituer à un détail. Une chose inconnue encore une heure auparavant devenait brusquement vitale. Quand Niallan ôta sa main de la sienne, Fleur ne put s'empêcher de frissonner. Elle eut froid, brusquement. Comme si on l'avait trempée dans un tonneau d'eau gelée. Ce n'était pourtant que cinq doigts liés aux siens. Une simple paume contre la sienne. Une paume dont elle aurait voulu connaître par cœur chacune des lignes. Ce n'était rien d'autre qu'une main. Sauf que c'était celle de Niallan. Et cela changeait tout.
La Fée lui jeta un regard. Celui de son époux, tout comme les traits de son visage, se faisait distant. Et le Lutin se maudit intérieurement. Il jouait, c'était l'évidence même. Elle se le représentait très bien, le lendemain soir, en train de rire et se moquer d'elle en compagnie de ses amis. « J'ai attrapé Gaia Corleone » annoncerait-il sans doute, triomphant. Mais non, cela ne se passerait pas comme ça. Elle ne se ferait plus prendre par l'incroyable bleu de ses iris.

Ils étaient parvenus devant le fleuve sans qu'elle n'ait le moindre souvenir du trajet. Le soleil se reflétant dans les flots ne la charma pas comme de coutume. Elle ne voyait que lui, en train de se déchausser. Les pieds dans l'eau, il l'invitait à le rejoindre. Lentement, et prenant le soin de laisser deux mètres de distance entre eux, l'Ortie s'assit en tailleur.
Quelle idiote faisait-elle ! Plongeant la main dans sa besace, Fleur en sortit le cheval. Les rayons solaires frappaient le bois verni. Les éclats dorés la captivaient. Et la traitrise venant de tous côtés, elle sentit ses yeux s'emplirent de larmes, qu'elle s'évertua à dissiper en battant des cils. Il ne manquerait plus qu'elle se mette à pleurer, et sa réputation était faite ! Gaia s'en voulut de faire preuve de tant de sensiblerie. Tout ceci était d'un ridicule consommé.
Elle jeta un regard à Niallan. Il n'avait visiblement pas envie d'être là. Et elle-même désirait qu'il s'en aille. Qu'il la laisse tranquille. Elle voulait lui offrir son univers sur un plateau d'argent, et lui envoyait tout voler. Il n'avait pas sa place auprès d'elle. Ni aujourd'hui ni jamais.

Lentement, Fleur se releva. Le soleil l'aveuglant à moitié, elle en avait le nez légèrement retroussé. Elle eut envie de le serrer dans ses bras, mais sa fierté la retenait plus sûrement que les chaines les plus solides.
Enfin, poussant un soupir résigné, elle se décida à lui parler.


On va arrêter les frais. T'as pas envie d'être là, alors rentre. Tu demanderas à la Mère Lablanche de te prêter un cheval. On se retrouvera demain à Poligny... peut-être.

Pourquoi, en prononçant ces mots, avait-elle l'impression qu'un trou béant lui perçait la poitrine ? Pourquoi avait-elle tellement envie qu'il reste malgré tout ? Mais non, il devait partir. Ce « peut-être » n'était pas anodin. La Fée venait de décider, en le regardant, d'éviter de revenir vers lui. Elle partirait à petits pas de fée, loin de lui. Et disparaitrait de son existence. Parce qu'elle ne supportait pas de vouloir le retenir alors qu'il avait tellement envie de partir.
L'Ortie se pencha en avant pour récupérer sa besace. Elle ne vit le gamin qu'à la dernière seconde. Trop tard pour l'éviter. Il la percuta de plein fouet, la faisant basculer en arrière. En heurtant les pavés, elle en lâcha le cheval de bois. Et dans un arc de cercle parfait, celui décrivit une courbe pour plonger avec un grand bruit d'éclaboussures dans les eaux de la Seine.


Ah non ! s'exclama Fleur en se relevant d'un bond.

Ne prenant que le temps d'ôter ses souliers de satin et ses bas de laine, elle inspira à plein poumons, se pinça le nez et ferma les yeux. Puis sauta dans le fleuve à pieds joints. L'eau froide lui arracha un cri de surprise, et en ouvrant la bouche, elle recracha l'air accumulé. Au-dessus de sa tête, la surface avait des teintes d'or. Battant des jambes, elle remonta à l'air libre, secouant la tête. Le cheval flottait, à demi englouti, à quelques mètres d'elle. Nageant maladroitement, la Fée parvint à s'en emparer du bout des doigts, avant de le saisir fermement par la tête.
Crachotant, les joues gonflées, Gaia regagna la rive. Essoufflée, rose et trempée, elle posa sa figurine sur la terre ferme avant de se hisser sur les pavés. Se laissant tomber sur le dos, les cheveux épars dégoulinant d'eau, Fleur ferma les yeux, sa main venant cueillir le petit cheval. La respiration saccadée, elle se mit à rire légèrement. Puis à gorge déployée, de plus en plus fort. Ouvrant les yeux, elle chercha Niallan du regard.


Je crois que je vais rester là un petit moment encore. Mais va, si tu veux. Je veux pas que tu restes si t'as pas envie.

Elle se remit à rire, secouée de frissons, sans lâcher la figurine. Incapable de contrôler ni son hilarité ni ses tremblements, Fleur roula sur le côté, adoptant une position fœtale. Cette journée, qu'elle la passe seule ou accompagnée, promettait encore de nombreuses péripéties.




Bénabar - Infréquentable
Niallan
[Elle dit toujours j'veux ça ça ça
Elle est fatigante*]


T’as raison, je vais rentrer. C’est mieux comme ça.

Mais mieux pour qui au juste ? Pour moi qui ai envie de me foutre une grosse claque en prononçant ces mots ? Ou pour elle qui fait tout pour me montrer que je ne suis rien alors qu’elle semble…touchée ? Non, je dois me gourer. Je me plante forcément, elle se fout de moi comme de l’an quarante. Et c’est réciproque. C’est d’ailleurs pour ça que je ne me donne même pas la peine de la regarder, fixant l’eau sans discontinuer. Je veux qu’elle parte avant que je ne la supplie de rester. Sur le chemin du retour, je retournerai voir ces femmes qui m’ont souri et je me les taperai les unes après les autres. Ce sera bien mieux que de servir de larbin à Gaia Corleone. J’aime pas faire les boutiques, j’aime pas porter des affaires, j’aime pas qu’on me prenne pour un con, j’aime pas…

Fleur !

…les gamins qui foncent sans regarder où ils vont. Mes lèvres s’étirent en un rictus mauvais alors que le chenapan poursuit sa course. Vers moi. Mauvais choix gamin. Sans la moindre hésitation, je me relève et allonge ma jambe devant le môme au dernier moment. Il se vautre, bien fait pour sa gueule. J’aime pas les gosses. Sauf la mienne. Le gamin se relève et me jette un regard haineux, les genoux écorchés. Il serre ses petits poings et moi je me contente de lui sourire, provocant.

Et tu comptes faire quoi, me frapper ?
Chiabrena d’fot-en-cul !

Mais oui, tout à fait, c’est ce que j’allais dire. Le regardant comme s’il était le dernier des attardés, j’ouvre la bouche pour lui annoncer que sa mère a dû le bercer trop près des murs mais un « plouf » sonore m’interrompt. Les yeux ronds, je fixe l’endroit où a disparu mon épouse. De nombreux qualificatifs me viennent alors en tête : Fatigante (forcément), Intéressante (c’est la première fois qu’on me fait ce coup-là), Attirante (no comment), Excitante (roh ça va hein !), Désespérante (vous confirmez ?). Et énervante, surtout énervante. Même si très importante. Tout à ma recherche de « compliments », j’oublie le chiard. Lui ne m’a pas oublié et me pousse violemment direction l’eau. Fait chier. Je n’essaye même pas de résister quand mes bras font des moulinets dans le vide et c’est en soupirant que je me laisse tomber. Fait chier.
Et, alors que moi je grogne, je l’entends rire. Un rire de débile.

Ta mère t’a bercé trop près des murs ! Petit con, va.

Non, je n’ai jamais poussé de pauvres innocents à la baille quand j’étais gamin et que je vivais près de la mer. Je suis pas comme ça, moi. Pestant, râlant, grognant et maudissant l’espèce « enfant » (ouais, on me la fait pas à moi, c’est une espèce à part), je nage jusqu’à la rive pour y trouver une italienne trempée et pourtant hilare. Hilare ? Arquant un sourcil, je me demande si elle n’est pas frappée par un éclair de stupidité ou de folie. C’est quoi qui est drôle, là ? C’est en baissant les yeux que j’ai ma réponse et que je me mets moi aussi à rire. Un rire qui s’accorde avec le sien, un rire qui me fait du bien. Essorant comme je peux ma chemise et secouant la tête de bas en haut pour sécher approximativement mes cheveux, je viens m’asseoir auprès d’elle.
Je pourrai partir. Je pourrai. Et pourtant…

Alors, on va où maintenant ?

Avec précaution, j’écarte une mèche brune qui colle à son front et lui adresse un sourire à moitié doux à moitié féroce.

J’irai où tu voudras à condition que tu cesses de me présenter comme « rien ».

Le sourire se fait malicieux alors que je me baisse vers elle, mes lèvres frôlant les siennes avant d’embrasser le lobe de son oreille et de glisser à l’intérieur de celle-ci un murmure teinté d’ironie :

Je suis ton mari même si pour le moment je ressemble plus à un Truc trempé et inutilisable.

Cette gonzesse, ma femme, me fait tourner bourrique. Elle est en train de me rendre dingue.
[Oh elle est pour moi*]


*Louise Attaque - Fatigante

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    Ferme les yeux,
    Le temps s'en va,
    Et si tu veux,
    Rêve avec moi


Qu'il soit tombé à l'eau ne fit que décupler son hilarité. Et l'écho du rire de Niallan résonna à ses oreilles comme une mélodie délicieuse. Le genre de musique qu'elle aurait pu écouter nuit et jour sans se lasser.
Pourtant, lorsqu'il lui demanda où ils iraient ensuite, sa gaité s'évapora lentement. Le contact de ses doigts sur son front lui laissa comme une empreinte brûlante. L'Ortie s'apprêtait à lui rappeler qu'il désirait s'en aller, que c'était « mieux comme ça ». Mais il se pencha vers elle un peu trop près. Le frôlement de ses lèvres contre les siennes fit battre son cœur à tout rompre. Il s'emballait dans sa poitrine, si vite qu'elle eut peur qu'il explose.


Je ne t'ai pas... Enfin, c'était... Pardon.

Il jouait. Elle se força à s'en souvenir. Pourtant... Pourtant, elle eut tant désiré qu'il ne fasse pas semblant. Mais l'éclat de ses moqueries à venir tintait déjà dans sa tête. Il ne se priverait pas pour l'insulter, certain de trouver un public en les personnes de ses amis. Elle le voyait, en train de se pavaner, de la grimer. Il n'aurait aucune idée, ce faisant, qu'elle s'exilerait pour pleurer.
Respire, Fleur, respire.
Tournant son regard brun vers lui, Gaia cherchait dans les traits du visage de son époux les traces des horreurs que sa bouche professerait bientôt. Une bouche qu'elle avait envie d'embrasser pour le restant de ses jours. Elle se rétablit en position assise, détournant les yeux. Il fallait qu'elle reprenne ses esprits. S'il détectait la moindre faiblesse, la plus minuscule faille en elle, il s'y engouffrerait pour l'élargir. Et elle ne pourrait pas le supporter indéfiniment. Pas cette fois-ci.


Pour l'instant, lâcha-t-elle d'un ton chargé de regrets. Pour l'instant, tu es mon mari. Mais ne t'inquiète pas. Je te rendrai ta liberté bientôt. Tu n'auras bientôt plus à me supporter. Je t'offrirai la bouteille de bon vin qui va avec une si bonne nouvelle, et sa voix se brisa à ces mots.

Sans le regarder, Fleur se redressa tout à fait. Campée sur ses pieds, elle rangea la figurine de bois dans sa sacoche. Tordant ses cheveux pour en ôter le surplus d'eau, elle secoua la tête en tous sens comme un chien fou, faisant voler ses épaisses mèches sombres. Elle aurait voulu être assez maîtresse d'elle-même pour ne pas le regarder. Mais incapable de faire autrement, elle le contempla, les yeux brillants. Le léger hâle de sa peau. L'or de sa chevelure. Et l'océan de son regard. Gaia n'avait jamais vu la mer, mais elle était sûre que ce ne pouvait pas être aussi captivant que le céruléen des iris de son époux.
Jamais encore elle ne s'était autant sentie idiote qu'en ce moment. Elle avait l'impression d'avoir de nouveau douze ans, avec les traits grossiers, l'air misérable et maigre comme un clou. Chassant vaillamment cette sensation désagréable, la Fée lui adressa un sourire. Fragile et tremblant peut-être, mais sincère, au moins.


Je propose que l'on aille se chercher des vêtements secs. Viens !

Fleur esquissa le geste de lui tendre la main avant de se raviser. Non. Elle avait bien compris le message, la dernière fois. Aucun contact. Sans rien ajouter, elle fit volte face, serrant entre ses doigts le sac de toile qu'elle trainait toujours. Sifflant ses chiens qui se couraient joyeusement après, la Fée reprit sa marche. Sa robe trempée lui collait aux jambes. Elle frissonnait toujours de froid, mais tâchait de contrôler au mieux ses tremblements.

Retourner dans la cohue la soulagea inexplicablement. Ne pas se retrouver seule avec lui, lui était salutaire. Les badauds les dévisageaient, sourcils froncés et maugréant contre « ces jeunes gens sans gêne ». Mais Gaia n'en avait cure. Discrètement et sans cesser de se réprimander intérieurement, elle s'arrangea pour calquer son pas sur celui de Niallan. Quoi de plus normal que de marcher côte à côte ? Il s'agissait simplement de s'assurer de ne pas le perdre en route. Et cela lui permettait de lui jeter innocemment des regards en biais. Et de s'étonner qu'à chaque frôlement de coudes, elle avait l'impression de quitter la terre ferme pour marcher dans les nuages.
Alors qu'elle fendait la foule pour tourner dans une ruelle, à gauche, la Fée s'arrêta brusquement. Dans un élan de spontanéité, elle lui attrapa le poignet. Désignant de sa main libre une femme qui évoluait un peu plus loin, elle se rapprocha de lui sans en avoir réellement conscience. La passante portait une élégante robe verte, au décolleté brodé de feuilles de lierre. Elle était escortée d'un homme arborant une tenue des plus simple. Chemise et braies, rien d'extravagant.


C'est ça qu'il nous faut. Tu les vois, les deux, là ? On va leur piquer leurs vêtements.

Un large et joyeux sourire se peignit sur ses lèvres, et relevant le nez vers Niallan, elle lui adressa un regard brillant de malice, et teinté d'autre chose, qu'elle se refusait à nommer.



Indochine - Tallula
Niallan
[Je ne sais pas vraiment
Comment dire
Ce que je ressens*]



C’est vrai quoi, elle est soit attendrissante soit exaspérante. Parfois j’ai envie de l’embrasser, d’autres fois de l’envoyer promener. Des fois je me dis que l’épouser était la meilleure décision de toute ma vie, d’autres fois je me dis que c’était la pire erreur que je pouvais faire. C’est la première femme avec laquelle je ne sais pas sur quel pied danser. J’ai eu plein de conquêtes, d’amantes, de gonzesses (vous n’avez plus qu’à choisir votre terme préféré) et à chaque fois je savais comment je devais être avec elles. Protecteur avec certaines, distant avec d’autres. Doux pour quelques-uns, passionné pour les autres. Là c’est tout juste si j’arrive à me souvenir de mon prénom quand elle me regarde avec ses yeux bruns que je voudrai voir chaque matin en me réveillant. Ouais, je voudrai que ses yeux soient la première chose que je vois en commençant chaque nouvelle journée. Et juste après son sourire.
Sauf que ce n’est pas son intention. Comment ça, « pour l’instant » ?! C’est quoi encore ces conneries ? J’ai jamais voulu être marié, j’ai toujours regardé d’un sale œil toute forme d’engagement mais elle ne peut pas me quitter. Je ne veux pas, je ne le supporterai pas. Alors non, je ne veux plus de ma liberté. Enchaine-moi, attache-moi mais ne me laisse pas. Jamais. Je ne veux pas non plus qu’elle arrête de me pourrir la vie parce que si elle arrête ma vie n’aura plus la même saveur, je risque même de me faire sacrément chier. Et puis je ne veux pas de cette putain de bouteille de vin ! Je la veux elle, c’est si compliqué que ça à comprendre ?

Fleur…

Pas la peine, elle ne m’écoute pas. Elle prend tout juste le temps d’essorer ses cheveux avant de foutre le camp. Un sourire qui n’en est pas vraiment un, une main tendue qui ne se tend pas plus d’une seconde et un blond qui tire la gueule. Joli tableau, hein ? Moi ça me plait pas. Je vais mettre de nouveaux coups de pinceaux, histoire qu’il ne soit plus si terne avec seulement quelques tâches colorées. Je veux qu’on passe notre temps à se marrer, à tomber à l’eau. Et à s’…apprécier ! Oui, voilà, s’apprécier. Non, vous avez quand même pas cru que… ? Ahah. Changeons de sujet, revenons-en au concret. Les vêtements secs, une judicieuse idée. Sauf qu’avec Gaia Corleone, ce n’est jamais facile, elle a sa manière à elle d’obtenir ce qu’elle veut. Sourcils froncés, je lui jette un regard interrogateur.

Tu veux quand même pas qu’on aille gentiment leur demander de finir à poil pour nos beaux yeux ?

Incapable de résister à son sourire et à son regard, je pousse un profond soupir. Allez, un nouveau plongeon ! Mais cette fois dans de nouvelles emmerdes.

Bon, on va faire ça à ma manière, suis-moi…

Mon bras se glisse sous le sien tandis qu’un sourire trèèès avenant se peint sur mes lèvres.

Bonjour !

Ma main libre se tend vers l’homme pour une poignée de main des plus amicales alors que je me fends d’une micro révérence pour la nana. Et maintenant, voici venu le temps des rires et des chants.** Ah non, attendez. C’est pas tout à fait ça parce que dans notre île à nous c’est pas toujours le printemps. C’est un mélange d’été chaud et d’hiver glacial. Pour le moment on se la joue été chaud, genre nous sommes très amoureux et n’avons rien après vos habits.

Je me présente, je m’appelle Henri.*** Et voici ma femme…Chieuza.

Petite vengeance personnelle. Je suis cependant loin de me douter que plus tard c’est une grenouille que j’appellerai Chieuza, une grenouille que je passerai une matinée à traquer et tout ça pour rendre une certaine brune heureuse. Ou du moins contente. Bref, reprenons.

Enchanté, Henri, Chieuza. Je suis Edouard et voici ma femme, Madeleine.
Enchanté de même. En réalité, en vous voyant, nous avons pensé vous offrir à boire ! Il est rare de rencontrer des couples aussi soudés, soudés par un amour sincère. Nous aimerions que vous nous donniez quelques conseils matrimoniaux pour que nous parvenions à la même félicité que vous.

Han, vous avez vu comment je fais trop bien mon cultivé ?

Mais bien sûr ! Avec plaisir ! Où allons-nous ?
Oh…j’ai repéré une taverne assez reculée mais, ma foi, très accueillante.
Très bien, nous vous suivons !

Adressant un sourire victorieux à mon épouse, j’embarque le couple dans des ruelles de plus en plus étroites et de moins en moins animées.

Ehm dites, vous êtes sûrs que c’est par là ?
Mais oui, mais oui ! Faites-moi confiance ! Ah…attendez, passez devant, il faut que je relace mes bottes.

Et ces crétins passent devant. Tsss… Je me saisis d’une vieille planche de bois appuyée contre un mur et décoche à la brune du sud un clin d’œil. Rattrapant le couple en une enjambée, j’assomme le type d’un bon coup de planche. Ah oui parce que moi le principe de ne jamais frapper par derrière, je m’en tape complètement. La femme braille et moi je retiens difficilement un rire, tourné vers la mienne de femme, attendant qu’elle fasse étalage de ses talents.


*Traduction Snow Patrol - Chasing cars
**Toutes mes excuses...
***Daniel Balavoine - Le chanteur

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    Mais il semblerait bien que je vous aime



Pour tes beaux yeux, je finirai à poil sans hésitation.

Un large sourire exhibant presque chacune de ses dents blanches s'étala sur le minois du Lutin. Soudant son bras à celui de son mari, Fleur le suivit, se laissant guider sans rechigner. La dernière fois qu'il lui avait demandé de le laisser faire, elle avait obtenu un ravissant petit cheval de bois. Elle sentait que cette fois-ci non plus, elle ne serait pas déçue.
Ouvrant une large bouche en O lorsqu'il la présenta sous le prénom le plus horrible qu'on lui eut jamais donné, la Fée ne pipa cependant pas mot. Elle se contenta de planter dans l'avant bras de Niallan ses ongles acérés. Le tout avec un ravissant sourire.

Le charmant couple un peu niais goba cette histoire qui sentait pourtant aussi bon qu'un poisson du mois dernier. Comment son époux parvenait à faire avaler une telle couleuvre ? Il possédait un don, c'était indéniable. Lorsqu'il abattit la planche sur le crâne du pauvre Edouard, elle se retint tout juste d'applaudir. Il fallait dire que Madeleine avait une voix qui portait, et qu'il devenait nécessaire de la faire taire. Impossible de lui faire avaler le moindre poison. Autant danser le menuet avec un homme tronc. Attrapant sans plus tarder la planche des mains du blond, elle la saisit fermement, la leva au-dessus de son épaule droite, et pivota, bras tendus, vers la tempe de la malheureuse.


Allez, cours à la maison *, lâcha-t-elle, agacée.

Puis, poussant une exclamation de joie, Gaia ôta prestement sa robe. Retirer celle de Madeleine s'avéra plus long et compliqué. Mais au bout d'un temps qui lui parut infiniment long, l'évanouie se retrouva en chemise, tandis que Fleur se pavanait dans une tenue un peu trop grande pour elle. Les épaules dénudées à cause d'une encolure trop large, elle retroussa ses manches et serra la ceinture autour de sa taille fine.

Alors ? On n'est pas mieux comme ça ?

Elle avait oublié ses bas et ses pantoufles de satin sur les quais. Mais elle s'en fichait, elle avait toujours aimé marcher pieds nus. Ne prenant que le temps d'attendre que Niallan soit lui-même vêtu de sec, l'Ortie lui saisit la main dans une danse improvisée. Se faisant elle-même tourner sous le bras qu'elle le força à lever, elle éclata d'un rire joyeux. Deux personnes étaient évanouies à quelques mètres d'eux, mais cela constituait le dernier soucis de la Fée.
Trébuchant à demi sur les pavés humides, elle se rattrapa à l'épaule de son mari. Le rire mourut lentement dans sa gorge dès lors que ses yeux accrochèrent ceux de Niallan. Son sourire trembla, puis s'évanouit à son tour. Ne résonnait plus dans ses oreilles que le martèlement terrifiant de son cœur qui s'emballait. Et ce ne fut que lorsqu'elle fit un pas en avant, lorsque son buste effleura celui de son époux qu'elle comprit ce qui pourtant crevait les yeux. Elle était loin de le détester. C'était même tout le contraire. Elle était totalement, absolument, complètement, inconditionnellement, et probablement pour toujours...


EH ! Vous là-bas !

Le cri la fit sursauter et elle se recula vivement, les joues cramoisies. Un homme, gourdin en main, s'approchait d'eux à grands pas.

Oh merde ! Le guet ! Viens !

S'emparant de la main du blond, elle se mit à courir à toutes jambes. Détalant à toute allure, tournant tantôt à droite, à gauche, revenant sur ses pas, pour finalement déboucher dans une rue animée, elle fendit la foule sans ralentir. Pourquoi ses actes avaient-ils toujours des conséquences ? **
Enfin, lorsqu'elle fut absolument certaine qu'ils avaient échappé à toute forme de menaces ressemblant de près ou de loin à un soldat, la Fée ralentit pour finalement s'arrêter. Ils se tenaient dans une ruelle commerçante. Essoufflée, épuisée, Fleur releva le nez vers Niallan, pour se mettre à rire à gorge déployée. Le peu de souffle qui lui revenait était aussitôt consommé dans cet éclat de joie pure.
Posant les mains à plat sur le torse de son mari, hilare, elle se blottit finalement contre lui. Ne sachant plus soudain si son cœur battait à tout rompre à cause de la course effrénée, ou parce qu'elle regardait Niallan dans les yeux. Et elle s'en moquait, réalisa-t-elle en se calmant lentement. Elle n'en pouvait plus de se forcer à le haïr alors qu'elle aspirait à rester contre lui jusqu'à la mort.


On se trouve un coin pour boire un coup ?

    Une information à mettre au conditionnel...


Au conditionnel - Matmatah
* Traduction très personnelle du "home run", en baseball, dont le geste de Fleur est inspiré.
** Réplique d'Homer - Les Simpson, épisode 7, saison 21
Niallan
[Je n'ai jamais connu une fille comme toi avant*]


Non, ça c’est clair que non. Vous allez me dire que vous en connaissez beaucoup, vous, des donzelles qui se jettent à l’eau pour un cheval de bois et assomment une bonne femme pour lui piquer ses fringues ? Et le plus beau c’est qu’après lui avoir fichu un joli coup de planche, elle pousse un cri de joie et enfile lesdites fringues. Amusé et surtout lasse de me forcer à lui en vouloir, je m’approche du type, le désape en grimaçant et change mes braies et ma chemise. A peine celle-ci passée que déjà une autre originalité de ma femme me fait sursauter. Son rire, ce rire que j’aime tant, surtout quand j’en suis à l’origine. Alors je souris, un beau sourire qui s’élargit lorsqu’elle se met à danser. Ah tu veux danser ? Eh bien dansons ! Tapant du pied sur les pavés pour donner le rythme, je m’apprête à la faire tourner une seconde fois sauf qu’elle trébuche.
Et c’est là que se produit quelque chose qui n’aurait jamais dû se produire. Quelque chose que je ne voulais même pas concevoir. Mais non, attendez ! Je m’en fiche pas mal que Gaia Corleone ait perdu l’équilibre, se soit rattrapée à moi et ait arrêté de rire. Ce dont je me fiche beaucoup moins c’est ce que je ressens quand elle plante ses yeux dans les miens. Je déglutis. Non, non, non ! Tout mais pas ça. Je veux bien subir je ne sais combien de tortures et me faire moine mais je ne veux pas de ça. Vous voyez ces gens qui hurlent à la mort ce « NOOOOOOOON » ? Bah c’est un truc comme ça dans ma tête. A la puissance dix. Et pourtant, j’ai beau brailler tout ce que je peux intérieurement, je soutiens son regard. Longtemps. Assez pour que mon cœur rate de peu l’implosion. Pour le coup, merci aux prévôts, soldats, miliciens ? Cherchez pas, j’ai jamais compris la différence. Tous des chieurs qui suivent comme des moutons les ordres qu’on leur balance. Pas des boulots pour moi, ça. Et c’est mon épouse qui vient combler mes lacunes avec son « Oh merde ! Le guet ! Viens ! » Ah, c’est quelle espèce ça ? Soldats, milici…

On peut essayer de négocier, non ?

Eh non ! Les négociations c’est pas son truc. Quoique c’est pas franchement le mien non plus, ça finit toujours plus mal que ça avait commencé. Nous reste le sprint. Donc, on sprinte. Main dans la main. Encore. J’ai beau être essoufflé, je trouve le temps de lui lancer des petits regards furtifs dans notre course folle. J’aime ce moment, plus encore que notre baignade improvisée parce que pour une fois, on ne fuit pas, on fuit les autres. Et ça, ça me fait sourire comme le dernier des benêts et courir plus vite que jamais. Ils ne nous choperont pas et même s’ils y arrivent, je suis gonflé à bloc. Je les dégommerai tous avec ou sans planche de bois. Pas de Henri, pas de Nini. Je suis Niallan. Père et mari.
Les meilleurs choses ont une fin (truc que je n’ai jamais compris) alors on s’arrête de courir. Elle rit, j’en fais de même. Et puis là elle fait encore un truc qu’elle ne devrait pas faire. Putain, Fleur ! Crispé comme pas permis, je lui tapote gentiment le dos.

Là, ça va aller.

Oh et puis merde ! Je fais ce que je veux, j’ai toujours fait ce que je voulais. J’ai juré de toujours la haïr, de me payer sa tronche en continu et de sauter toutes les gonzesses qui passeraient mais aujourd’hui je vais encore bafouer une promesse. Tant pis. Je l’écarte délicatement de mon torse, lui adresse un sourire goguenard. Il n’est plus question d’une once d’hésitation quand mes mains viennent encadrer son visage et mes lèvres se plaquer contre les siennes. Mes yeux se ferment, ma bouche se fait plus demandeuse et mon corps se presse contre le sien. Ouais, ouais, je suis en train d’embrasser ma femme. Même que je la plaque contre un mur pour l’embrasser avec plus d’ardeur. J’ai envie d’elle, je la veux. Maintenant. Je sens quelque chose qui me tapote l’épaule. Je grogne mais n’interrompt pas notre baiser. Ça tapote plus fort, j’embrasse encore. Sauf que le truc qui me tapait gentiment sur l’épaule finit par m’écarter complètement. Furibond, je me tourne vers l’intrus avec la ferme intention de lui refaire la dentition.

C’est quoi ton problème à toi ?!
Ce genre de choses ne se fait pas en pleine rue, messire, enfin !
Bah quoi, t’es jaloux ?

Sourire insolent du petit con que je suis.

Non mais je vous ai vus courir. Vous fuyez le guet, n’est-ce pas ? Il serait dommage que je les fasse venir.

Le sourire s’efface immédiatement. Etouffant un grognement rageur, j’acquiesce en signe d’assentiment en m’empare de la main de l’italienne.

Allez, on se casse. On va le trouver ton coin et c’est moi qui paie.

Avec quel argent, ça, j’en sais rien. Mais je me tais, avançant vers la taverne la plus proche avec un vicieux coup d’épaule pour l’autre puritain au passage. Je pousse la porte de la première taverne que je croise, jette un coup d’œil à l’intérieur et hoche la tête, satisfait. Quelques personnes seulement, on l’a son coin tranquille. Puis, pris d’une soudaine impulsion, j’embrasse à nouveau la brune du sud avec toute la fougue qui me caractérise. Au tour du tavernier, maintenant ! Non pas d’être embrassé mais d’être interpelé.

Bonjour ! Si vous ne faites pas un drame à chaque fois que j’embrasse ma femme, nous, ma femme et moi, prendrons bien un petit verre dans votre établissement. Mais attention, ma femme ne boit pas n’importe quoi !

Il me regarde comme si j’étais le dernier des attardés mais moi je souris. J’ai dit trois fois « ma femme » et j’en suis fier. Et puis comme ça les autres mecs n’essayeront pas de s’approcher de MA femme.


*Traduction Edwyn Collins - A girl like you

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Fleur_des_pois
    Oh je ne peux plus le supporter
    Mon cœur s'emballe
    Mes émotions vont dans tout les sens


Une seconde avant qu'il ne l'embrasse, Fleur comprit ce qu'il allait faire. Elle aurait pu détourner la tête au dernier moment. Le repousser. Se dégager. Hurler. Pourtant, l'Ortie n'en fit rien. Et à son plus grand agacement, au lieu de songer aux innombrables tortures qu'elle pourrait lui infliger pour un tel affront, la Fée se surprit à avoir hâte. Elle l'attendait. Impatiemment.
Aussi, lorsqu'enfin, les lèvres de Niallan entrèrent en contact avec les siennes, le Lutin avait déjà les yeux clos. Et dès que leurs bouches furent jointes, elle perdit tout contrôle. Comme s'il la désinhibait brutalement. Qu'il lui arrachait à mains nues et en un battement de cœur, une armure qu'elle avait mis seize ans à se forger.
Passant les bras autour de son cou, Fleur plongea les doigts dans la chevelure d'or. Se pressant contre lui quand il la pressait contre elle. Comme s'ils avaient déjà répété des milliers de fois. En accord parfait. Et elle l'embrassait, à pleine bouche, s'oubliant totalement dans cette étreinte aussi soudaine qu'espérée. Elle disparaissait, s'évanouissait, se confondait en lui. Comme s'il était la seule chose qui puisse la rattacher au sol. Comme s'il était devenu son seul moyen d'exister.
Affolée à cette idée, une partie d'elle-même la suppliait de le repousser. Mais la voix de la sagesse n'étant jamais assez puissante, la Fée ne pouvait se détacher de lui.

Aussi ne comprit-elle pas, ne toléra-t-elle pas, qu'il s'écarte ainsi. Les jambes tremblantes, le souffle plus court que si elle avait couru sur des milliers de lieues, Fleur voyait sans entendre l'échange de Niallan avec un quidam. Que se passait-il ? Elle ne le savait pas. La nature de leur conversation ? Elle lui venait comme à travers un épais rideau. Pouvait-on survivre à un tel baiser ? Sans doute pas.
Il l'entraina par la main, la menant Dieu sait où. Alors qu'elle évoluait à sa suite, ses esprits lui revinrent peu à peu. Quelle idiote elle était. Se fondre ainsi, s'offrir à lui de cette façon, alors qu'il s'amusait avec elle. Tous les purgatifs du monde cependant ne pourraient venir à bout de son trouble. Et elle se haïssait, l'Ortie, de réagir ainsi. De donner de l'importance à ce qui n'en avait pas. Car ce n'était pas important, n'est-ce pas ? Cela ne comptait pas. Une erreur de parcours. Oui, voilà. Une erreur de parcours.

Ils se retrouvèrent dans une taverne sans qu'elle puisse se souvenir de la façon dont ils y étaient parvenus. Il l'embrassa de nouveau et encore une fois, son monde s'écroula.
Derrière les murailles qui l'emprisonnaient se trouvaient de charmants paysages. C'était comme si on venait d'ouvrir les volets, après avoir passé des années dans le noir. Il faisait grand jour, il faisait beau. Il faisait chaud. Le soleil brillait avec plus d'acuité qu'auparavant. La mélodie de la vie n'émettait plus de sons discordants. Tout était harmonie. Tout était parfait. Et cela ne semblait pas fragile. Aucune ombre noire ne s'étalait au-dessus des vallons verdoyants. Il n'y avait que l'astre du jour étincelant plus fort que jamais.
Niallan pérorait, l'appelait « ma femme » devant un tenancier ébaubi de tant de... Mais de quoi ? Ridicule ? Non. Ce n'était pas le bon mot. Le bon mot commençait pas la première lettre. Et pourtant, cet « alpha » signait sa fin, à elle. Son « oméga » personnel. Il brisait tout ce sur quoi elle s'était appuyée sa vie durant. Tout ceci frisait le n'importe quoi. Il y avait de quoi finir bête.


Je prendrais...

Que pouvait-elle bien prendre ? Une bière ? Non, cela n'allait pas, on ne buvait pas de la bière dans ces circonstances-là. Du vin ? Non. Là encore, c'était par trop commun. Le whisky n'allait pas non plus, c'était trop fort. Trop rude.

Nous prendrons une bouteille de votre meilleur hydromel.

La boisson au goût de miel. Voilà qui était adapté. Un alcool sucré. La dualité, reflet parfait de leur relation, à eux.
Prenant place sur une chaise proche d'une fenêtre, la Fée affichait un large sourire joyeux. Les yeux pétillants, elle se pencha pour observer les allées et venues des passants, derrière la vitre. Quelle était leur vie ? Souvent, le Lutin se posait la question. A quoi donc ces gens pouvaient-ils s'occuper ?
L'hydromel fit son apparition, en même temps que deux godets. Ils furent remplis sans attendre par la main secourable du tavernier. Le haut de la bouteille était encore couvert de poussière, et Fleur s'amusa à y dessiner des formes du bout de son index.


Il sera bientôt midi. Veux-tu manger ici ? Après, il faudra aller vendre toute notre marchandise. Et ensuite, que veux-tu faire ?

Gaia trempa les lèvres dans l'alcool, savourant la chaleur délicate qui envahissait sa bouche. Tournant la première fois les yeux vers Niallan depuis qu'il l'avait embrassé, elle planta dans le céruléen de son regard, le brun du sien, son sourire « lutinien » toujours accroché aux lèvres.

    J'ai l'impression que mon enveloppe de peau est la seule chose qui m'empêche de m'éparpiller.


Colbie Caillat - Fallin' for you
Réplique du film « A tout jamais »
Niallan
[Je ne peux l'enlever de mon esprit (quoi?)
Je pense à cette fille tout le temps (bien, bien)*]


J’avais toujours eu une définition bien à moi du bonheur. Pour moi le bonheur c’était la liberté, le fait d’être sans attaches. Des soirées de beuverie, des femmes et mon meilleur pote pour parfaire le tableau. Et puis j’avais rencontré Lexi, ma gamine. J’étais content, peut-être même heureux. Mais il manquait quelque chose et ce quelque chose se trouve en face de moi. Je suis heureux, vous comprenez ça ? Il suffit juste que je sois avec elle, là, dans cette taverne. Ou ailleurs, peu importe tant qu’elle est là. Il y a un truc qui vient de changer, peut-être quand elle est tombée à l’eau. Ou alors quand elle est tombée dans mes bras. Et ce truc, ce machin, ce bidule c’est carrément flippant. Parce que je ne suis absolument pas prêt pour ça.
Je vais merder, tout foutre en l’air, la perdre… Mais avant je compte bien être le type le plus heureux du monde, quand on voudra définir le bonheur, on dira « Niallan ». Pour ça, il faut juste que j’arrête de me forcer à la détester. Que j’arrête de la repousser. Que je ne couche plus avec Aphrodite, Erilys, Léan… Houla, doucement. On va y aller piano. Surtout qu’elle se tape toujours l’autre abruti, l’efféminé aux cheveux longs (je suis sûr qu’il a les mêmes penchants que Vector celui-là !). Notez que cette pensée me fait grogner, un regard extérieur pourrait d’ailleurs se demander pourquoi je passe du regard énamouré à celui de l’assassin. Là, chut, calme-toi. Je me force à sourire et, avec l’air de pas y toucher, je pose la question qui me taraude.

Au fait, tu couches toujours avec Adryan ? Pure curiosité, hein.

Je ne sais pas si on emploiera mon prénom pour définir le bonheur mais après cette question on risque très fortement de l’employer pour désigner l’art de mettre les pieds dans le plat. Tout se passait bien et il a fallu que je pose CETTE question. J’aurais pu lui demander n’importe quoi la concernant, parler de son enfance, de son métier ou, plus simplement, répondre à sa propre question mais noooon, il a fallu que je sorte ça. Après avoir toussoté très bruyamment, je me saisis de mon godet et le descends cul sec sans profiter de la saveur de l’hydromel. Il faut que je change de sujet pour éviter que la bouteille qu’elle caresse m’arrive en pleine tronche. Ça va la mettre en colère, forcément.

Oui, on peut manger ici. Et après on vendra notre marchandise et encore après…on ira se baigner. Ça te dirait d’aller te baigner ? Enfin, pas le même genre de baignade que tout à l’heure… Ou alors juste avoir les pieds dans l’eau.

Après les pieds dans le plat, voilà les pieds dans l’eau. Ce qui est étrange c’est qu’elle ne répond toujours pas, elle est peut-être tellement fâchée qu’elle élabore mentalement la façon la plus rapide d’accéder au veuvage. Triturant nerveusement un pan de ma chemise, je me saisis de la bouteille avant qu’elle ne décide de ne me l’envoyer dessus et me resserre. Je fais celui qui s’y connait : petite gorgée, je tourne le truc longtemps dans ma bouche, tête penchée sur le côté en signe de réflexion… Et on oublie surtout pas le petit claquement de langue appréciateur et le petit commentaire final.

Très bon. On sent bien le miel mais pas trop. Tu…t’en penses quoi ?

Et si elle ne me répond toujours pas, je prévoie de me mettre à danser la gigue sur la table pour être sûr qu’elle me remarque.


*Traduction paroles Ed Sheeran & Passenger - No Diggity VS Thriftshop

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Fleur_des_pois
    Je suis à vous. Oui ! Je suis à vous. De toute mon âme, je suis à vous. C’est une jolie perspective, non ?


Gaia restait silencieuse. Silencieuse et parfaitement immobile. Elle se contentait de le regarder, un sourire si léger étirant ses lèvres qu'il en était imperceptible.
Pourquoi cette question, avait-elle envie de demander. Mais elle ne disait rien. Elle le dévisageait. Fallait-il dire la vérité ? Ne serait-ce pas aveu de faiblesse ? Lui fréquentait bien ses putains au rabais. Pourquoi n'aurait-elle pas la possibilité de s'amuser également ? Escomptait-il qu'elle devienne une bonne épouse ? Tandis que lui ne se sentirait pas concerné par les liens sacrés du mariage ?

Lentement, la Fée pencha la tête de côté. Son sourire s'élargit. Son regard restait froid. Elle l'écoutait énoncer un programme pour le reste de la journée. Commenter le goût de l'hydromel. Cet homme devait lui appartenir, corps et biens, songea-t-elle. Elle devait le mâter, et mieux que cela. Fleur ressentit le besoin immédiat, et presque violent, de le soumettre à sa seule autorité. Elle voulait le gouverner. Elle voulait qu'il l'aime, qu'il l'aime à en mourir. Qu'il ne vive que par son intermédiaire. Et pour ce faire, elle devait le tenter. Lui faire tourner la tête, les sens, l'esprit. Il fallait qu'il l'aime, parce qu'elle l'aimait déjà. Et elle ne pourrait pas supporter qu'il la rejette.


Non, répondit-elle enfin, d'une voix calme, posée, cet éternel sourire accroché aux lèvres. Ce n'est plus Adryan que je vois.

Ce n'est plus Adryan que je vois. Cela incluait donc qu'elle fréquentait quelqu'un d'autre. C'était à moitié vrai. Il y avait bien ce bougre de Henri, qu'elle aimait bien retrouver de temps à autre. Il était amoureux d'elle, supposait-elle. Elle l'appréciait. Il savait la faire rire, la considérait comme une déesse envoyée sur Terre pour le combler, et cette idée n'était pas pour lui déplaire. Mais Niallan n'avait pas besoin de le savoir. Si ? Fleur avait envie de lui faire endurer ce qu'il lui faisait subir lui-même. Fleur lui connaissait trois maîtresses. L'idée qu'il puisse les toucher, les embrasser, les désirer, était suffisante pour lui donner la nausée. A son tour, alors, d'évoquer ses conquêtes. A son tour, de le torturer un peu.

J'ai sympathisé avec un client. Il n'avait pas de quoi payer non plus. Un peu comme toi. Sauf que lui, ajouta-t-elle sans cacher son amusement, il paie en nature et il en semble satisfait.

Gaia se mit à rire, avalant d'un trait le reste de son hydromel. Elle leva la main, hélant le tavernier.

Tu as raison, ce breuvage est délicieux. Et nous prendrons deux ragouts de poulet, s'il vous plait, fit-elle à l'adresse de l'homme venu s'enquérir de leur désir.

La Fée regrettait un peu d'avoir mentionné son amant sporadique. Mais elle voulait voir l'étincelle de la souffrance briller dans les si beaux yeux bleus de son mari. Elle voulait qu'il ait envie de la conquérir, pour de bon. Elle voulait qu'il élimine ses rivaux. Elle voulait être l'aboutissement d'une quête. La récompense offerte pour acte de bravoure. Elle voulait être son monde, parce qu'elle sentait qu'il devenait le sien. Et curieusement, elle n'avait pas peur de l'aimer. C'était limpide, clair. Il était son évidence. Mes aïeux, songea-t-elle, à moitié effarée. Me voilà sentimentale.

Les assiettes firent leur apparition. La Fée commença à manger, l'esprit ailleurs. Elle ne voulait pas que son jeu soit trop clair. Elle voulait qu'il ait réellement l'impression de partir à la conquête de son cœur, quand bien même il le possédait déjà.
En trois cuillérées, elle acheva son repas. Elle lui jeta un regard. Était-ce un effet de son imagination, ou semblait-il vraiment touché par sa réflexion au sujet de son amant passager ?
Gaia eut envie de revenir en arrière. D'effacer ses propos. De répondre simplement « Non, je ne vois plus Adryan. » Mais c'était trop tard. Elle l'avait dit. Elle ne supportait pas d'avoir instillé de la peine dans le céruléen de ses yeux. Fleur le regardait, espérant qu'il comprendrait ce qu'elle ne disait pas. Qu'elle se foutait royalement de l'autre. Que c'était lui qu'elle voulait. Lui, seulement lui. Comment le lui faire entendre ?

Lentement, Fleur se leva. Elle resta immobile une poignée de secondes. Le temps de fermer les yeux, de réfléchir. De peser le pour, le contre, le peut-être, le certain. Et puis quoi ? A quoi bon s'absorber dans des questionnements sans fin ?
Elle repoussa sa chaise, et s'avança à pas lents. Elle était toujours pieds nus. Sous sa peau, le sol était frais. Sous ses doigts, le bois de la table était lisse. Mais elle ne sentait rien. N'entendait plus rien non plus. Elle se contentait de voir. De le voir.
Fleur ne prit pas d'inspiration pour se donner du courage. Elle n'en avait pas besoin. D'un index impérieux, l'Ortie releva le menton de Niallan. Elle fondit ses yeux sans les siens. Se pencha en avant. Effleura ses lèvres des siennes. Elle s'était dit qu'elle ferait durer ce moment. Mais elle balaya sa résolution d'un mouvement impatient. Et l'embrassa.

C'était elle, cette fois, qui prenait les devants. C'était elle qui agissait. Elle qui maîtrisait. Ou bien acceptait de ne plus rien maîtriser, comment savoir ? Fleur se contentait de l'embrasser. A pleine bouche, comme s'ils ne devaient plus jamais se revoir. Comme si sa vie en dépendait. Comme si... Comme si... Les images lui manquaient, les métaphores aussi. Elle l'embrassait, tout simplement.

Et puis, aussi brusquement qu'elle avait commencé, elle cessa. Elle se recula vivement, troublée, essoufflée, mais vivante. Vivante. Plus vivante que la seconde d'avant. Gaia s'empara de sa sacoche, siffla ses chiens, paya le tavernier, et se dirigea vers la porte. Parvenue devant le battant, elle l'ouvrit, et se tourna vers Niallan. Dehors, le soleil brillait toujours. Les rayons de l'astre du jour nimbèrent sa lourde chevelure brune de mille éclats étincelants. Son visage lui-même était encore embelli - si la chose était possible - par l'or tombant du ciel. Peut-être qu'avant, elle se contentait d'être seulement belle. En cet instant pourtant, elle était magnifique. Le soleil n'y était pas pour rien, mais n'était pas seul responsable. Gaia le regardait, lui, Niallan, et cela transformait tout son être. On lui avait dit, des années plutôt, que même la plus vilaine des filles pouvaient se transformer en beauté dès qu'elle aimait. Et quand on était belle ? Dans ces cas-là, on resplendissait. On étincelait. Tel un vulgaire caillou translucide se métamorphosant en diamant, on captivait. Était-ce vrai ? Lui seul pouvait le dire. Elle-même ne s'en rendait pas compte.


On y va ? C'est à côté.

Fleur sortit sans plus attendre, suivie de ses chiens. Elle attendit qu'il la rejoigne, pour s'élancer dans les rues. La boutique marchande n'était effectivement qu'à deux venelles de la taverne. Gaia avait plusieurs points de chute, et, impatiente de se débarrasser du fardeau, avait opté pour le plus proche de leur actuelle localisation.
L'affaire fut vite conclue. L'homme était d'humeur joyeuse, semblait-il. Tous les bibelots furent vendus, la somme tirée était plus que convenable. Prise d'impulsion, Gaia poussa Niallan dehors tandis qu'elle s'attardait dans l'échoppe. Elle ressortit un instant plus tard, un large sourire étirant ses lèvres pleines. Se haussant sur la pointe des pieds, la Fée passa autour du cou de son époux un lien de cuir où était suspendu une babiole de cuivre. Un entrelacs à la forme vague, évoquant un genre de nœud.


Le marchand m'a dit qu'il lui vient d'un Ecossais, ou d'un Irlandais qui n'avait plus d'argent. Un symbole de chez lui, croit-il. C'est joli, non ? Tu voulais te baigner les pieds ? Encore la Seine ? Tu veux faire de la barque ?

Naturellement, Fleur passa son bras autour de celui de Niallan. Ne voyait-il pas, se demanda-t-elle pleine d'espoir, que peut importait l'endroit, pourvu que ce fut avec lui ?



    Quelles vertus la vie pourrait-elle avoir si nous ne la vivons pas ensemble ?


Répliques du film « Jane »
(Tom Lefroy à Jane Austen)
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