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[RP] Vers une mort certaine - Chapitre final

Tancrede_
Philibert était de retour sur ses terres d’adoption, la charrette contenant la gamine grinçait sur ses essieux, elle arrivait elle aussi à la fin du voyage… Son cheval, fourbu bavait et fumait de la croupe. Las, comme jamais, il s’assit un instant sur une souche. Il gratta la plaie de son cou, elle suppurait gravement, et se rouvrit sous les ongles sales du Cramoisi. Il grimaça, et versa sur la blessure le reste de sa gourde d’hypocras. Une nouvelle grimace déforma son visage. Il avait vieilli de dix ans depuis le début de son périple.

Ses pensées se tournèrent soudainement vers Shigella, sa « femme » Au final, c’était elle qui l’avait poussé sur les routes, en lui conseillant de faire le bouffon à Limoges. Mais il n’était pas fait pour ça, et elle, mieux que personne aurait dû s’en douter. Il avait essayé, sincèrement essayé, et il s’était même retenu pour ne pas tuer Andrea. Aujourd’hui bien sûr il le regrettait, au seuil de la mort, il aurait aimé emmener avec lui cet homme. Celui-ci, et tant d’autres…

Il soupira, et se releva, un faux mouvement le fit crier. Il s’était appuyé sur sa main droite. Il enleva son gant, et plissa le nez. Une odeur horrible lui avait attaqué les narines. Sa main était nécrosée, noire. Il essaya de faire jouer les articulations, mais elles semblaient rouillées, usées. Il se décida alors à changer son épée de côté, en se tortillant, il ôta le fourreau, et le bascula côté droit, pour dégainer avec la main gauche. Il perdait en dextérité, mais il n’avait pas le choix, nulle force n’était présente dans sa main dextre.

Il se tourna vers son acolyte, celui qui était censé l’avoir « soigné » et lui dit :


« Ben, tu m’as pas raté mon salaud. Si les autres ne se dépêchent pas de me tuer, c’est toi qui auras eu la primeur de me tuer… Avec ton onguent, ou je sais pas quoi. »

Il fit une nouvelle grimace, en remettant son gant, bien décidé à ne plus l’enlever. Puis il fit signe à l’homme de surveiller la gamine, il devait aller faire un tour en ville, dans la ville où il avait passé tant de temps, une ville qu’il avait même défendu contre des attaques de brigands.

Ventadour, se dressait devant lui, mais il souhaitait poursuivre sa route plus en avant. Ses blessures l’avaient obligé à ralentir, mais il devait se hâter… Il avait hâte d’en finir désormais.


_________________
Ennia
[A l'intérieur de la roulotte]

Je reste couchée, tellement j'ai mal partout. J'ai décidé de ne plus boire et de ne plus manger.. de toutes façons ma mâchoire me fait tellement mal que je ne pourrais même pas je pense. La fièvre me ronge, l'entaille au ventre pue et pisse un liquide verdâtre quand je bouge.
J'ai même plus la force de me lever pour quoique ce soit...


Il va falloir tenir quand même encore, essayer un jour ou deux ou trois... Mais je sais pas si je pourrais ça...

Il n'y a plus de pirate de son père... Y a pas de papa, de maman... Personne...

Et quand est ce que ça va s'arrêter tout ça?
Ennia
J'avais pourtant réussi à lui fausser compagnie hier soir... j'avais réussi à me réfugier dans un taverne de Ventadour...
Il y avait le comte, la maire et une dame brune du nom d'Helwena... Et d'autres personnes encore...

J'ai la mémoire qui est en bouillie comme mon museau actuel.
J'ai tellement honte qu'on croit que je suis un monstre que je le cache...
Ca doit être vraiment vilain parce que j'en arrive à faire peur à tout le monde.

Il m'a retrouvée... A menacé tout le monde de tout faire brûler et m'a récupérée encore une fois...

Cette fois, il n'a ni besoin de chaînes , ni de clés pour que je ne m'enfuie pas.
Je suis en bouillie après le traitement auquel j'ai eu droit.

Me reste plus qu'à attendre, la mort en espérant qu'elle soit rapide, ou un miracle... Mon père ou ma mère...
--Thibaut_de_kerouec


Thibault le borgne , grand père de Lexiane était arrivé la veille à Limoges. On le reconnaissait aisément à sa silhouette. Il était immense et très athlétique. Une balafre, souvenir d'une ancienne bataille, lui avait coûté son oeil droit et zébrait son visage. Teint mat, cheveux sombres sans aucun cheveux blancs, les mêmes yeux verts que Lexi. Il affichait la quarantaine triomphante. Il pouvait être manipulateur et très violent.

Rendez vous avait été pris avec le mercenaire Philibert Duchênes, l'homme étant mal en point, il ne pouvait plus se charger de transporter la gamine à bon port.
Son homme de main La_mano avait été abattu par le prétendu père de la gosse.

Il avait donc dû lui même faire le déplacement et il était pour le moins agacé. Il avait lâché une couche moelleuse et bien garnie de deux gueuses ramassée lors du trajet. Il pestait d'être obligé d'attendre comme le dernier des manants.

Pelisse en fourrure donc le col était rabattu sur son cou, il battait de la semelle depuis un bon moment. La seule chose lui important était de la récupérer et vite pour repartir aussi vite. Que cette affaire soit réglée, une fois pour toute
Tancrede_
Lexiane lui avait encore fait le même coup, chaque soir elle sortait de la charrette, et chaque soir, il courrait les tavernes pour la récupérer. Le cœur pur de la jeune fille se serrait dès que Philibert menaçait les gens autour d’elle. Elle ne voulait pas que d’autres souffrent pour elle. Aussi il en avait tiré son parti, et menaçait d’une mort horrible ceux qui osaient s’opposer à lui. Hier ce fut plus dur.

Il se trouva face à face avec une de ses anciennes amies, une personne qui avait toute confiance en lui : Santreize. Il avait vu la haine, le dégout dans ses yeux. Comment pouvait-il en être autrement ? Lui-même éprouvait ces sentiments. Mais il ne pouvait pas résister ! Une voix en lui semblait lui hurler à l’oreille de ne pas être ce qu’on attendait de lui, de toujours décevoir quiconque croiserait sa route. D’ailleurs, le grand-père de la gamine lui-même serait sans doute déçu, il l’a rendait en bien mauvais état. Pas sûr qu’elle n’y passe pas elle aussi…

Pourtant, Philibert était soulagé, le grand père de la gamine devait bientôt arriver récupérer Lexiane. Il pourrait alors tenter de se soigner, et sans doute se ranger définitivement. Ce n’était plus pour lui ce genre de choses… Il pourrait revenir à Ventadour, et y vivre paisiblement. Bien sûr, hier il avait menacé Santreize, une de ses anciennes amies, maire du village. Il était parti en lançant un feu grégeois dans la taverne municipale.

Il aurait sans doute du mal à y revenir comme si de rien n’était… Mais le Limousin était plein de petits villages qui seraient une retraite idéale pour un homme tel que lui. Il était devenu mercenaire, par ennui sans doute, mais il était las et énervé contre lui-même… Pourquoi avait-il accepté cette mission qui lui ressemblait si peu ?
L’inaction n’était pas pour lui, il allait mourir à cause de l’ennui. Après tout, un roi sans divertissement est un homme plein de misères (*)…
Il avait repéré, l’homme qui prétendait être le grand père de la gamine, la quarantaine bien tapé, un œil en moins…. Lui non plus ne serait pas au mieux en cas d’affrontement. Il se rapprocha, tenant dans sa main la bride de son cheval tirant la carriole.
Il la tendit :

Voilà, vous prenez ça, et vous partez. J’en veux pas de vos pièces, faites en don à l’église de Limoges, elle en a bien besoin…

Il regardait le grand père de Lexiane, dans les yeux, le toisant un peu, prétentieux comme toujours. Il lui montrait qu’il ne faisait pas ça pour l’argent. Mais pourquoi le faisait-il en fait ? Décidemment, il n’aurait jamais dû quitter Shigella plus de six ans auparavant.

Sans attendre de réponse du grand père, il tourna les talons, et se rendit près de la cabane qu’il avait investie. Il n’avait pas voulu aller au repaire de Garde Contre. Il espérait secrètement – fol espoir s’il en est – que certains des membres de Garde Contre continuerait son travail après sa mort, qui devenait chaque minute plus sûre encore.

Arrivée dans la cabane, il repoussa du pied le tabouret et tomba dessus plus qu’il ne s’assit. Il prit ensuite son nécessaire à écrire dans sa besace et se mit à écrire :



Shigella,
Quand tu liras cette lettre, je serais sans doute mort. Tu me connais, tu es la seule qui me connaît vraiment, sache que j’ai essayé, j’ai vraiment essayé de changer. Mais je ne pouvais pas. Je ne suis pas un bouffon, ce soir, je ne suis plus rien.
Tu comprendras je le sais, et j’espère que tu me pardonneras.
La pire erreur de ma vie, je ne l’ai pas faite il y a quelques semaines, je l’ai faite il y a 6 ans, en t’abandonnant toi et notre enfant…
Je sais que tu es enceinte, je souhaite que tu sois heureuse avec Andrea. J’ai deux faveurs à de demander, n’oublie pas que tu ne me dois rien, et que je n’ai évidemment aucun droit sur ta vie.
Je souhaite que tu nommes le bébé Philibert si c’est un garçon, ou au moins en deuxième prénom. Ma deuxième requête concerne également le bébé. Je lui lègue mon épée. Elle me vient de mon père qui était, comme tu le sais un noble catalan. Tu trouveras cette épée près d’une cabane, non loin de la ville. Je m’en sépare ce soir.
Je ne trouve pas les mots pour dire ce que j’aurai dû. De toute façon, ce soir plus que jamais, il est trop tard.

Philibert, ton ami à jamais.

Après avoir écrit ces mots, il sortit de la cabane, triste personne n'aurait pu reconnaître l'homme qui avait autant de superbe quelque mois auparavant. Il ôta son péniblement son fourreau et dissimula l'épée noble dans un bosquet. Puis, il revint dans la cabane et se saisit d'une dague longue qu'il glissa à la place. Il allait mourir en combattant, mais il ne voulait pas que son épée soit volée. Elle devait revenir à celui, ou celle qui aurait dû être son enfant...

Jean Giono

_________________
--Thibaut_de_kerouec
Une roulotte arrivant à sa hauteur , il s'agaça contre ce qu'il prenait pour une bande de troubadours.

Puis il comprit qui et de quoi il était question.

Duchênes était en fort mauvais état.

D'un geste de la main, le borgne lui fit signe d'ouvrir la porte de la carriole.

Ce qu'il aperçut le mit en rage.

Il n'était pas question d'un cadavre à ramener, mais d'une gamine vivante.

Il en faisait quoi de ce cadavre en devenir qui allait lui claquer entre les doigts? Ca ne négociera pas ...


Incapable!Vous avez rien de mieux pour vous faire respecter par une gamine?

Gardez votre cabane roulante, je me déplace pas avec ça


Retenant sa respiration, il sortit le petit corps bouillant de fièvre, amaigri, rempli de sang séché collé, de pue ,d'urine... Lorsqu'il vit le visage de la gosse il retint une grimace.

Il hurla à l'intention du mercenaire


J'en fais quoi moi de ça?Bien évidemment que ça ne vaut rien ce travail là. Tu ne comptais pas te faire payer en plus?

Il siffla un manant qui passait pour charger la mioche , pas question de la toucher lui même. Lorsqu'il fut à sa hauteur il lui envoya quelques écus à la tête

Va me chercher une carriole et des fourrures chaudes. Tu charges la mioche dedans. je suis à l'auberge, viens me chercher dès que tu as fini, je t'en donnerais le double


De fort mauvaise humeur, il tourna les talons sans un regard ni un mot pour Duchênes.

Il partit récupérer ses affaires, balançant une poignée d'écus à l'intention des formes lovées sous les pelisses dans la chambre. Fit de même à la tavernière.

Vous flanquez les catins à la porte dès que je suis parti.

Voyant la charrette arriver, toujours de très mauvaise humeur, il sortit.


Toi, tu conduis la charrette jusqu'à mes terres. Tu auras une bourse d'écus sonnants et trébuchants.

Montant sur sa monture, et n'attendant aucun refus il prit la direction de la sortie de Limoges.
Tancrede_
Citation:
Incapable!Vous avez rien de mieux pour vous faire respecter par une gamine?

Gardez votre cabane roulante, je me déplace pas avec ça
J'en fait quoi moi de ça?Bien évidemment que ça ne vaut rien ce travail là. Tu ne comptait pas te faire payer en plus?


Philibert avait souri en entendant ces paroles. L’homme le provoquait. Tant pis, il était trop las pour répondre aux provocations. Il soupira en se disant qu’il aurait bien du mal à la canaliser la gamine. Tant pis pour lui, ça ne le regardait plus désormais. Désormais, plus rien ne le regardait. En repassant par sa cabane, il s’aperçu que Shigella avait répondu :

Citation:
Phil,

Cesse donc tes idioties. Nous pouvons te soigner. Je peux te soigner, je le sais. Je refuse de te voir mourir ainsi. Alors fais quelque chose, ne lâche pas. Si tu ne le fais pas pour toi, fais le au moins pour moi.
Tu m'as abandonnée une première fois il y a six ans, je t'interdis de me laisser une seconde fois.
Je t'en prie, fais pas le con et reviens moi. Nous pourrons faire des projets ensembles, nous ouvrir à d'autres perspectives.
Saches que je ne t'ai jamais oublié, et même si nos chemins ont pris d'autres directions, tu gardes toujours une place toute particulière dans mon cœur. Cette place qui est réservée à celui d'un premier amour.
Car tu as été le premier que j'ai aimé et que pour cela, il me sera toujours impossible de t'oublier.
Alors ne me laisse pas, tu n'as pas le droit de me faire ça, pas encore.

Je t'embrasse,

Shig, ta "femme".



Il ne put se contrôler, les larmes se mirent à rouler sur ses joues sales… Il était passé à côté de sa vie, c’était elle sa vie, mais il ne s’en rendait compte que maintenant. Ou plutôt, il le savait depuis toujours, mais il avait eu peur de vivre cette vie. Maintenant, il allait mourir. Il le savait, personne ne pouvait le soigner. Elle lui avait parlé d’amputation. Mais de toute façon, le père de la gamine était à ses trousses, il ne savait pas combien d’autres le filaient aussi. C’était justement parce qu’il ne voulait pas mettre en danger Shigella et son enfant qu’il ne pouvait accepter son offre. Il ne pouvait pas accepter de la mettre en danger. Il grimaça, sa main droite le gênait affreusement, il gratta nerveusement la blessure. Elle se rouvrit et un sang noir coula brutalement, inondant le gant. Une odeur horrible provoqua chez Philibert un haut le cœur. Il mit rapidement sa main gauche devant la bouche et sortit prendre l’air.
Dehors, il vit sa roulote, celle-là même qui avait traîné la gamine jusque-là. En voyant les traces laissées dans le sol meuble, il eut un sourire noir. Il avait tracé une route depuis Montpensier. Ses poursuivants n’avaient probablement eu qu’à la suivre. Il s’étonna d’ailleurs qu’ils ne fussent pas déjà là. Brusquement un craquement le fit se retourner, en voulant machinalement dégainer de la main droite. Il hurla et se jeta au sol de douleur.
Le grand Duchêne était là. Roulé dans la boue, une main dans la bouche pour ne pas hurler. Celui qui avait enlevé le comte, sa femme… Il était là. Pris d’une honte soudaine, il se releva et serra une cordelette fermement autour du poignet droit. Il se reprit, il savait qu’il allait mourir, mais il voulait ne pas avoir à en rougir s’il se retrouvait face à Aristote.
Il ne savait pas que répondre à Shigella, il plia délicatement la lettre, et la glissa contre son cœur dans la chemise. Enfin, ragaillardi par ce contact, il prépara quelques pièges pour les attendre plus sereinement. Un peu plus loin, entre sa carriole et un arbre, il tendit une corde dissimulée dans les herbes. Cela pourrait les ralentir. Puis, il dissimula des feux grégeois un peu partout dans la clairière. Prêt à être déclencher sur simple jet d’une allumette. Enfin, il répartit des clochettes, celles qu’il avait arrachées de son costume de bouffon, un peu partout dans les herbes pour les entendre arriver.

Il était prêt, il les attendait.

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Niallan
[Je suis ce qui reste, je suis ce qui est juste
Je suis l'ennemi
Je suis la main qui te détruira
Et te fera tomber à genoux*]



J’aime pas qu’on se foute de moi. Mais alors vraiment pas. Je me suis pointé en taverne pour qu’on me dise où était allée s’enterrer l’autre raclure, pensant que les habitants de Limoges seraient ravis de faire leur BA et de me dire où débusquer une ordure finie. Je me suis bien planté. Entre l’amourachée qui me balance une destination au hasard et la chieuse qui me sort qu’il est mort, j’étais bien avancé. Et le pire, c’est qu’elles n’étaient même pas cohérentes dans leurs mensonges. Je sais qu’il n’est pas mort. Elles ne veulent pas m’aider à le trouver ? Très bien, je me démerderai tout seul. Ah, oui, d’ailleurs je les ai envoyées se faire foutre. Je sens le procès arriver. Tant pis, rien à carrer. C’est de ma môme qu’il s’agit et rien ne m’arrêtera.
En plus j’ai eu une très mauvaise journée hier alors j’ai besoin de me défouler et de préférence sur celui que j’ai juré de tuer. Hier j’ai fait plus de mal à ma femme que je n’en ai jamais fait à personne. Je ne l’ai pas trompée, non, ç’aurait été trop doux. Je l’ai juste brisée comme elle s’est évertuée à me le répéter. Elle avait encore trouvé le moyen de me foutre hors de moi, ajoutez ça à la disparition de ma gamine et vous obtenez des chopes qui s’empilent. Trop de chopes, trop d’alcool. J’avais beaucoup trop bu et je lui ai dit des choses que je n’aurais jamais dû dire. Je lui ai dit que la perte de son ancien bébé était de sa faute, que je me foutais d’elle, que je ne voulais plus jamais la voir, que je ne la supportais plus, je lui ai ordonné de dégager… Liste non-exhaustive, bien sûr. Ce matin j’étais parti sans un mot. Hors de questions que je l’embarque là-dedans.

Me voilà donc aux abords d’une clairière à me demander si c’est une bonne idée. Rha, bien sûr que c’est une bonne idée ! Il est forcément là, à se terrer comme tous les nuisibles de son espèce. Je fais encore un pas et c’est là que j’entends un drôle de bruit. Je me baisse pour découvrir une clochette. Oh le con, oh le con ! Rageur je m’empare de la chose bruyante et la balance sur le côté droit. S’il y a des clochettes, il y a forcément d’autres pièges… Les habitants de Ventadour m’avaient parlé de feux grégeois. Eh merde. Deux solutions : me taper un sprint droit devant ou prendre le chemin inverse. Dans le premier cas, je fonce droit sur lui alors qu’il sait pertinemment que j’arrive, dans le second cas, j’abandonne ma vengeance et ça c’est totalement exclu. Il me l’a enlevée, il l’a battue. Il l’a fait souffrir. J’ai juré de le tuer alors je le tuerai. Mais va peut-être pas falloir que je réfléchisse trop longtemps parce qu’il risque de tout faire sauter avec ses allumettes.
Dents serrées, poignard fermement ancré à ma main droite je fonce. Vers lui. Je ne mets pas longtemps à arriver jusqu’à lui. Une seconde pour le détailler. Une sale tronche, couvert de boue et de plaies en tout genre. Il a déjà un pied dans la tombe, je ne ferai qu’y plonger le deuxième, une bonne action en somme. Ne pas lui laisser le temps de sortir ses allumettes, foncer. Les mots d’Erilys me reviennent une nouvelle fois en mémoire... Le fonceur qui fonce dans un mur. Ouais, peut-être. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui c’est vers un futur macchabé que je fonce et c’est un presque cadavre qui reçoit un poing en pleine tronche.

Tu n’es qu’un rat ! Une raclure qui enlève des gamines et qui les bat. Tu n’es même pas un mercenaire, eux ont un code d’honneur. Si t’en avais eu un, tu n’aurais JAMAIS levé la main sur ma gosse. Même pas foutu de respecter un contrat, hein ? Enfoiré !

Et voilà, je viens de me jeter sur lui, poignard en main, prunelles plus sombres que jamais. Je pensais chacun de mes mots. J’en connais des mercenaires : la mère adoptive de ma fille, ma femme et sa famille, les Corleone. L’homme qui se tient en face de moi ou plutôt sous moi n’est qu’un pauvre fou qui voulait crever. La boue qui recouvre ses frusques m’arrache un sourire mauvais.

Je ne sais pas de quelle porcherie tu t’es échappé mais tu peux compter sur moi pour t’y renvoyer. En pièces détachées, bien sûr.

Le sourire s’étire, la main contenant le poignard remonte pour s’appuyer sous sa gorge déjà bien amochée.


*Traduction Foo Fighters - The Pretender

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Tancrede_
Citation:
Tu n’es qu’un rat ! Une raclure qui enlève des gamines et qui les bat. Tu n’es même pas un mercenaire, eux ont un code d’honneur. Si t’en avais eu un, tu n’aurais JAMAIS levé la main sur ma gosse. Même pas foutu de respecter un contrat, hein ? Enfoiré !
Je ne sais pas de quelle porcherie tu t’es échappé mais tu peux compter sur moi pour t’y renvoyer. En pièces détachées, bien sûr.


Le sang avait giclé de son arcade sourcilière droite, ou gauche… Il ne savait plus, il l’avait pourtant entendu arriver, il avait craqué l’allumette, même pas eu le temps de la jeter et il se retrouvait le cul par terre le visage en sang, une fois de plus.

Il déglutit, sentant la froide morsure de la lame sous son cou, semblant jouer avec la plaie encore purulente, jetant un sang noir et des caillots infâmes qui glissaient le long de la lame, tournaient un instant sur la garde et ruisselaient sur les doigts de l’homme qui se tenait au-dessus de lui.

Alors, c’était lui qui allait le tuer… Un homme à peine sorti de l’enfance, blond aux yeux bleus. D’un bleu… Magnifique. Un instant Philibert se perdit dans les yeux de cet homme. Une éternité ou une seconde ? Aucune importance. Il le savait, cet homme ne reculerait pas. Tant pis, ou tant mieux. Philibert mourait en emportant dans sa tombe le linceul de celui qu’il aurait aimé être. Détournant enfin son regard de l’homme, il le tourna vers un portrait peint. Il représentait une brune pétillante, une femme « Délicieuse ». Sa Femme. Il l’avait fait faire il y a six ans, jamais il ne l’avait quitté, elle ne le savait pas bien sûr, il avait été trop fier, trop con aussi. Hier pourtant, elle lui avait promis, elle lui avait dit qu’elle allait le guérir. Au fond, elle devait le savoir. Elle avait vu les plaies. Il sentait la mort. Mais l’homme couché au-dessus de lui, le toisant le savait. Philibert était déjà mort.

La douleur se fit plus intense et il détourna le regard du tableau, pour le replonger dans les yeux d’azur du père. Un sourire, ou ce qui s’en rapprochait se dessina sur les lèvres de Philibert. Il n’aurait pas voulu mourir comme ça. Il aurait aimé un procès public, pour le meurtre du comte, ou du roi, pouvoir fanfaronner à la barre, et mourir pendu, nourrissant les mandragores de son liquide vital.

Mais il était là, mourant dans la boue d’une cabane miteuse. Enfin, en un éclair il fit jouer sa main gauche et sorti une dague affutée, d’un geste ample, élégant, il fit une passe devant le visage de l’homme qui se colora d’un trait très fin et rouge. Une fine balafre, sous l’œil droit laissa brusquement échapper un sang rouge vif, sain. Les gouttes de sang chaud qui tombaient sur Philibert lui donnèrent assez de forces pour repousser brutalement le père à l’aide de ses genoux repliés qu’il détendit brutalement. Il accompagna ce geste d’un hurlement sonore. La vivacité de son action avait accentué l’ouverture de la blessure de son cou. Une rivière de sang lui coula sur la chemise, et il faillit s’évanouir sous la douleur. Pourtant, il se ressaisit, péniblement et parvint même à parler :


Je ne suis pas mercenaire, je suis un homme plein d’ennui. Maintenant si tu veux me tuer, va falloir te dépêcher, j’ai peur que le boulot soit bien avancé.

Crânement. Voilà, c’était ça qu’il voulait qu’on garde lui. L’image d’un fat prétentieux, fanfaron et inutilement verbeux. Il se paya le luxe de faire une révérence et se mit en garde avec sa dague. Son épée, il le savait irait à l’enfant à naître. L’enfant qui n’est pas le sien, celui qu’il aurait aimé…
En d’autres temps, en d’autres circonstances, il se serrait battu côte à côte avec cet homme, il aurait partagé son pain, bu son vin…

Mais ils se faisaient face, et il allait mourir. Qui pouvait parier l’inverse ? Pourtant, il se battrait. Il résisterait du mieux qu’il le pouvait. Toujours en garde, il sentit le sang couler sur sa joue et lui brouiller la vue. Bigre, il ne l’avait pas raté, joli coup de poing. Il avait marqué l’homme à vie, c’était un début, jamais il ne l’oublierait.

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Niallan


Le sang qui gicle et qui me dégueulasse les mains ne me fait pas sourire. Un jour il faudra m’expliquer pourquoi la moitié des gus de ce Royaume adorent voir le sang couler, allant même jusqu’à sourire ou pire, à rire. Ça ne me rend ni heureux ni malheureux de voir son sang gicler, je fais juste ce que j’ai à faire. Par contre, ce qui me fait sérieusement tiquer c’est le regard qu’il me lance. Euh, ouais, il attend quoi, là ? Pourquoi il me zyeute comme ça ? Il ne s’attend quand même pas à ce que je me mette à le galocher pour lui jouer une de ces scènes passionnées qu’on voit dans les livres ?! Non parce qu’on a beau dire qu’entre l’amour et la haine il n’y a qu’un pas, y’a des situations où ce pas n’existe même pas.
Lorsqu’il tourne la tête, je la tourne aussi. Pour tomber sur le portrait d’une femme que j’ai déjà vu et pas plus tard qu’aujourd’hui. La donzelle qui m’a juré qu’il était parti avant d’affirmer qu’il était mort. Elle m’avait dit qu’elle n’avait aucun intérêt à le couvrir car ce n’était qu’un enfoiré, et blablabla et blablabla. Je n’y ai pas cru une seule seconde. Me mêler des histoires de fesses des autres c’est pas mon truc mais je sais reconnaitre certains signes. J’adresse un sourire narquois à la femme du tableau, l’air de dire « eh ouais, ta petite comédie n’a pas marché avec moi ». Et c’est là que l’autre se réveille. Pas de patins, finalement, non, on reste dans la haine. Retenant difficilement un cri de douleur, je me retrouve le cul dans l’herbe, main plaquée sous mon œil droit pour stopper le sang. C’est fou à quel point ça saigne à cet endroit-là !

Et puis il se met à parler, à fanfaronner. Sa révérence m’arrache une grimace dédaigneuse. Je sais ce que c’est que de se foutre de la gueule des autres mais je sais surtout répondre quand on se paie ma tronche. Je me saisis du tableau et me relève sans me soucier du sang qui s’écoule le long de ma trombine.

Me dépêcher ? Alors qu’on pourrait parler famille ?

Je secoue la tête, dissimulant très mal la lueur amusée dans mon regard. Un amusement malsain.

Dis-moi, Phil… Je peux t’appeler Phil, hein ? Après tout j’ai passé deux semaines à te courir après donc on peut se permettre ce genre de familiarités. Je reprends. Dis-moi, c’est qui la femme du portrait ? La tienne ? Ou alors elle l’était. Et maintenant elle est à un autre. Et vu qu’elle ne portera jamais ton gamin, tu te venges sur ceux des autres…

J’affiche un rictus sardonique, le regardant droit dans les yeux. Je sais que j’ai raison, que cette femme a compté pour lui. Peut-être même qu’il l’aime encore. Aussi c’est avec une extrême lenteur que j’approche la tête du portrait pour finalement cracher dessus avec tout le mépris du monde. Et, très rapidement cette fois-ci, je cours vers lui et lui explose l’œuvre sur la caboche. La toile se déchire, je souris.

Sauf que la gamine sur qui c’est tombé c’est la mienne. Et que je ne permettrai jamais à personne de lever la main sur elle.

Mes yeux toujours ancrés aux siens, j’approche mon poignard. Et je le plante, là, juste entre les côtes. Sauf que c’est pas assez. Il s’effondre mais il n’est pas mort, il ne peut pas mourir avant que lui ai donné un petit cadeau de la part de mon épouse. Fouillant dans les replis de ma chemise, je sors du petite fiole et m’agenouille à sa hauteur.

Là, ouvre la bouche.

Il ne m’obéit pas assez rapidement, c’est donc moi qui me charge de la lui faire ouvrir et d’y faire passer le goulot de la fiole débouchée. Je renverse sa tête en arrière tout en maintenant sa bouche bien fermée, une main sous son menton, l’autre au-dessus de sa tête.

Allez, bois, après avoir parlé famille on a toujours besoin d’un petit verre.

Je resserre l’emprise autour de sa tête alors que je glisse quelques mots à son oreille :

De l’Aconit napel, tu vas sérieusement morfler.
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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Fleur_des_pois
J'étais perdu, j'étais perdu
J'ai franchi des lignes que je n'aurais pas dû franchir


La nuit et la matinée s'étaient écoulées, et elle n'avait fait que réfléchir. Fleur n'avait pas détaché son regard de Niallan de toute la route. Fallait-il seulement continuer ? Cette pensée l'obsédait. Après ce qu'il lui avait dit hier, cela valait-il seulement la peine de poursuivre leur route ensemble ? Il ne s'agissait pas du trajet jusqu'à Lexiane. Il s'agissait de leur avenir ensemble. Elle s'amusait souvent à le provoquer, fée facétieuse qui pensait à tort que ses farces ne blessaient pas. Mais cela justifiait-il seulement la moitié des horreurs qu'il lui avait débité ? Elle l'entendait encore et encore. « Dégage ! » avait-il dit, à maintes reprises. Il se foutait d'elle, il lui avait dit, cela aussi. Et le bébé...

Mais elle l'avait vu. Elle sortait de la boutique du maître boulanger, et il était passé non loin d'elle sans la voir. Et elle su à cet instant qu'elle ne pourrait se séparer de lui. Qu'importait ce qu'il avait dit. Le temps effaçait toutes les blessures, disait-on. Mais le temps aurait beau la bousculer en tous sens, il ne pourrait effacer l'amour qu'elle ressentait pour lui. Ni faire ralentir les battements de son cœur lorsqu'elle croiserait son regard.
Était-il seulement possible que deux personnes puissent s'aimer autant ? Était-il permis qu'un homme et une femme soient si dépendants l'un de l'autre ? Ce n'était pas une histoire, songea-t-elle, c'est leur histoire.

L'après-midi s'était écoulé au rythme de leur entrevue. Il avait la connaissance de Jehan, l'homme à qui Fleur avait proposé de l'accompagner jusqu'à Saint-Aignan. Ils avaient parlé, et ri, et s'étaient embrassés, et jusqu'à l'idée d'exister sans lui avait disparu totalement de l'esprit de la Fée. Une existence sans sa raison d'être serait fatalement très courte. Il n'était pas que son mari, il était son monde.

Et puis, il était parti. Il l'avait déposé un peu plus loin et s'était éloigné. Gaia avait tout d'abord songé qu'il se rendait à la mine casser les pierres contre maigre salaire. Mais le chemin qu'il empruntait menait vers la forêt. Mue par la curiosité, Fleur le suivit à bonne distance. Elle le perdit de vue sitôt qu'il fut entré dans les bois.
Pestant, l'Ortie se mit à courir à sa recherche. Ce furent des bruits de lutte qui le guidèrent jusqu'à lui. Il se déroulait dans l'herbe en compagnie d'un autre homme, qu'il insultait copieusement. Le ravisseur de Lexiane ?
Fleur semblait avoir perdu la faculté de mouvements. Elle restait plantée là, bouche ouverte et yeux écarquillés, à regarder son mari menacer l'homme qui avait fait souffrir sa fille. Elle comprit soudainement : il n'était pas parti casser des cailloux, il était venu casser une trogne. Lorsque l'autre le blessa, elle ne put retenir un cri apeuré, mais Niallan n'était pas homme à se laisser faire. Elle le vit, sortir la fiole qu'elle lui avait donné un moment plus tôt, et en faire boire son contenu au ravisseur.

Une brise légère fit rouler l'allumette en flammes. Près, beaucoup trop près du feu liquide déposé par Philibert.
Stupéfaite, Fleur fit un pas en avant. S'approchant sans le savoir du feu grégeois. Pas assez pour que cela ne lui soit fatal, mais tout de même suffisamment pour en sentir les effets. Feu qui s'embrasa brusquement. Un énorme fracas déchira l'air, une épaisse fumée se répandit aux alentours, et Gaia poussa un hurlement suraigu. Avant de chuter en arrière, la joue et le bras gauche la brûlant comme jamais. Elle frappa du plat de sa main le tissu de sa robe qui avait pris feu. Suffocante, tremblante, terrorisée, elle leva une main tremblante à hauteur d'yeux. Le dos de sa main et de son bras étaient affreusement rouges. Et à en juger par la douleur qu'elle ressentait au visage, sa joue devait être dans le même état. Ce serait superficiel, comprit-elle, mais non moins douloureux. Et, comme si tout cela était définitivement trop pour ses nerfs, elle s'effondra au sol, inconsciente.




Coldplay - In my place
Tancrede_
Citation:
De l’Aconit napel, tu vas sérieusement morfler.


*Putain, oui j’allais morfler, il m’avait pas raté, j’ai connu une empoisonneuse…*

Les pensées de Philibert se stoppèrent net… Il se mit à sur saliver, il était à deux doigts de se noyer dans sa salive, inconsciemment peut-être, il avait lancé une nouvelle allumette. Ses yeux la suivirent, oiseau de feu elle s’élança dans les airs, tournoyant, le temps s’était arrêté, puis elle redescendit, en douceur et se posa dans le feu grégeois. En un sifflement, la prairie s’enflamma. Il entendit un cri de femme, les yeux d’azur se détournèrent légèrement, il voulut se relever, se redresser et mourir debout, mais non. L’aconit l’emprisonnait dans sa toile, il sentait son corps se figer, et soudainement sa vessie se relâcha.

*Merde, je vais crever dans mes urines…*

Il essaya de s’évader, de ne pas vivre cette douleur mais son esprit était sans cesse replonger dans cette douleur, son corps n’était plus qu’une crevasse horrible. Paradoxalement, il ne s’était jamais senti aussi vivant. Les cris de la femme avaient cessés, elle avait dû mourir, ou s’évanouir. Il ne voyait plus le blond, où était-il passé ? Non, il ne voyait plus rien en fait. Un voile laiteux s’était déposé sur ses yeux.
Sa cage thoracique ne se levait plus, il ne parvenait plus à respirer, il aurait voulu s’arracher les poumons, les sortir à l’air libre, mais son corps ne répondait plus, même son esprit commençait à se perdre…
Son souffle se fit de plus en plus saccadé, en un effort, il parvint à se tordre vers le portrait. Son esprit au moins pourrait quitter le monde en regardant celle qu’il avait aimé…
Puis, tout à coup. Plus rien.
C’était ça la mort alors. Il n’y avait plus rien. Philibert Duchêne était passé de vie à trépas, dans son urine, prostré dans une cabane, couvert de sang et de croûte de sang demi coagulé. Son corps était tendu, la mort ne l’avait pas apaisé, il avait été contracté par le poison.

Tant de fois, tant de fois il avait prétendu être mort, mais cette fois-ci, il était mort. Mort pour de bon. Plus rien ne comptait pour lui.

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Niallan
[Le vent l'emportera
Tout disparaîtra
Le vent nous portera*]


Oui, le vent l’emporte, il emporte cette sal0perie d’allumette qui vient allumer ce putain de feu grégeois. Et, au-delà du bruit de l’explosion, c’est le cri d’une femme que porte le vent. Non, pas d’une femme. De ma femme. Philibert n’a plus aucune importance, pas plus que le sang qui coule le long de mon visage. Il n’y a que les flammes et elle qui s’effondre. Je cris, je cours. Mais j’arrive trop tard, elle est au sol. Paniqué, je m’agenouille à ses côtés. Il faudrait que je la réveille sauf que la priorité est de se tirer d’ici avant de se transformer en torches humaines. Ni une ni deux, je glisse mes mains sous elle et la soulève du sol. Je ne prends même pas la peine de jeter un regard derrière moi : qu’ils crament lui et sa carriole. Mes pas sont rapides, ma respiration saccadée. Faut qu’on se barre d’ici. J’imagine que si les limogeais ont mis autant d’ardeur à protéger l’autre ordure, ils en mettront tout autant à me faire payer sa mort.
Evitant les chemins trop visibles, je rejoins la charrette et la ménagerie. Tous sont présents, reste plus qu’à prier pour que Fleur se réveille. Parce que de toute façon, il est impossible qu’elle soit morte, sinon je le serais aussi. Elle et ma fille sont tout ce que j’ai, mes deux piliers. Imaginez un château de cartes, trois cartes, je suis celle du haut. On enlève n’importe quelle carte et tout s’effondre.

Fleur, réveille-toi…

Mes doigts parcourent sa joue avec une douceur que je réserve aux miens. Ses yeux restent obstinément fermés. Tant pis. Sautant d’un bond dans la charrette, je fabrique un matelas improvisé à l’aide de nos fringues et l’allonge dessus, un sac sous sa tête. Les chevaux sont toujours avec nous mais on ne fera pas plus de vingt lieues ce soir, Colchique n’ayant pas la même fougue que les deux canassons. Je m’agenouille momentanément à ses côtés et dépose un doux baiser au creux de ses lèvres, le filet de sang s’échappant de ma blessure tâche sa joue et je grimace. Le carmin est essuyé du pouce droit alors que je lui souris. Si elle voyait la tête que j’ai en ce moment, elle me prendrait pour le dernier des crétins. L’amour rend idiot il parait. Ouais, mais il rend aussi plus fort. La preuve : j’ai dégommé deux types en moins d’une semaine.

Quand t’auras fini de jouer à la Belle-au-Bois-Dormant, tu me sonneras.

Nouveau sourire alors que j’entraine la charrette et toute la ménagerie vers les portes de Limoges. La traque n’est pas encore achevée, elle ne le sera que lorsque ma fille sera dans mes bras. Je ne lâcherai rien.


*Noir Désir - Le vent nous portera

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Fleur_des_pois
    Je suis hors de vue, j'ai perdu l'esprit
    Je ferais tout pour toi à temps
    Et de toutes ces choses que j'ai faites, je pense que je t'aime encore plus maintenant


Ne joue pas avec le feu, Fleur-des-Pois.

Comme c'était étrange, songea la Fée en observant les alentours. Par quel miracle était-elle arrivée ici ? La vieille nonne l'observait, sourcils froncés. Plus personne ne se donnait la peine de lui donner son prénom complet. Son « autre prénom ». Les gens se contentaient d'un simple « Fleur ». Pourtant, elle n'était pas n'importe quelle fleur. Elle était un pois-de-senteur. Fleur pouvait tout aussi bien désigner une rose, un lys, une marguerite. Pourquoi personne ne l'appelait par son prénom complet ?
Les larmes lui montèrent aux yeux et elle relâcha le morceau de bois enflammé.


Il t'arrivera des malheur, fillette. Tu mérites le bâton pour cela. Mais je n'ai pas le temps, va plutôt puiser de l'eau au puits. Et ne traine pas en route.

Fleur s'éloigna, tête basse. Pourquoi laissait-elle cette religieuse lui donner des ordres sans protester ? Plus personne aujourd'hui ne pouvait lui dicter sa conduite, de quelque façon que ce fut. Alors quoi ? Eprouvait-elle du respect pour elle ? De la crainte ? Mais de qui Gaia Corleone pouvait bien avoir peur, hormis d'elle-même ?
Parvenue au puits, elle hissa le seau gorgé d'eau jusqu'à elle, et transvasa son contenu dans un autre. Ce fut alors qu'elle croisa son reflet. La tignasse ébouriffée, les traits grossiers, le corps maigre. Ce n'était pas elle. Pourtant ces yeux qui la dévisageaient avec surprise étaient bien siens. Et elle comprit. Le seau fut lâché, l'eau se répandit partout, ses sabots furent trempés. Et elle se mit à hurler.

Ce fut le cri qui la tira de sa rêverie. Car il s'échappait bien de sa bouche. De la bouche de la Gaia d'aujourd'hui. Le souffle court, elle couina de douleur lorsqu'elle cogna sa main gauche contre le bois dur de la charrette. Le bras était rouge et terriblement douloureux. La joue du même côté était dans le même état. Où était-elle ? Qui était-elle ? Faisant fi de la souffrance, elle dessina sous ses doigts les traits de son visage, et les lignes de son corps. Un simple cauchemar, un réminiscence de ce qu'elle fuyait et qui finissait toujours par la rattraper. Ce qu'elle avait été, ce qu'elle ne voulait plus être. Pourtant, parfois, quand elle contemplait son reflet, c'était l'enfant d'autrefois qu'elle voyait. Combien de vitres et de miroirs avaient ainsi été brisés ? L'Ortie avait cessé de compter depuis bien longtemps.


Niallan !

Il était là. Le serait-il toujours ? Il finirait par partir, elle le sentait au plus profond d'elle-même. Il finirait par fuir. Niallan voulait tout, et Gaia ne pouvait lui offrir que la moitié d'elle-même. Elle attendait, malade d'inquiétude, le jour où il lui annoncerait pour de bon qu'il ne voulait plus d'elle. Mais pour l'heure, il était là.
Fleur quitta prestement sa couche de fortune pour grimper à côté de lui et se glisser sous son bras. Ainsi blottie, tremblante et au bord de la nausée, Gaia ferma les yeux. Donner le change pour éviter les questions. Un art dont elle était passée maître.


J'ai eu peur, tout à l'heure, à te voir te battre comme ça. Mais tu l'as eu. C'est presque fini, alors. Demain... tout à l'heure ? ... Tu retrouveras Lexiane, et...

Et je cesserai d'être celle que tu regardes, les yeux débordants d'amour. Et tout recommencera comme avant. Et tu finiras par partir, et on ne se reverra plus parce que tu te rendras compte que tu ne m'aimes pas vraiment. Et je n'aurais plus qu'à disparaitre, dans tous les sens du terme. Et tu m'oublieras complètement d'ici trois jours. Et je n'aurais plus qu'à retrouver ces aïeux dont je parle tant.



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