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[RP] A Trocyle, je suis plus que nubile !

Niallan
[On irait faire un tour à Londres
Ou juste faire le tour du monde,
C'est qu'tes yeux me rendent un peu bête
T'as emménagé dans ma tête.
On pourrait partir n'importe où ...

Pourvu que tu viennes*]


Et t’es venue. D’accord, on est pas à Londres et on a pas fait le tour du monde. Mais t’es venue alors le reste, je m’en tape le coquillard. Oui, toi, t’es venue. Toi, Alicina La Canéda de Lantwyck (j’ai passé dix bonnes minutes à apprendre le nom par cœur pour le prononcer correctement au moment fatidique). Avec moi, Niallan Ozéra (oui, c’est plus court). A Trocyle. Et là, vous vous dites mais c’est quoi ce bled ? Je me suis dit la même chose la première fois. C’est sûr que ça n’a pas la renommée de Londres ni la classe d’un tour du monde mais c’est ici que j’ai décidé de me jeter à l’eau. Hier soir, je lui avais dit que je voulais lui donner une preuve de mon amour et je vais le faire. Il faut juste qu’on fasse un petit détour…

Ali, arrête-toi.

Je retiens difficilement un éclat de rire devant la tronche qu’elle fait. Toujours cet air à la fois émerveillé et paumé. Je suis prêt à parier que si je n’avais pas mis mon bras devant pour l’arrêter, elle aurait trouvé l’unique caillou du chemin pour trébucher dessus. Je n’aime pas sa maladresse. En fait, d’un point de vue strictement réfléchi, Ali est tout ce que je n’aime pas. Elle est rousse et depuis toujours j’exècre les porteurs de cette couleur de tifs. Elle est maigre et j’aime les femmes qui ont des formes. Elle est naïve et les gens naïfs m’agacent. Elle n’a pas confiance en elle et j’aime les femmes qui sont sûres d’elles. Elle et a un instinct de survie proche de celui de l’agneau qui tape la causette au loup dans les fables de ce cher Jean et ça…ça m’insupporte. C’est fatiguant. Par conséquent, d’un point de vue strictement réfléchi, je ne devrai même pas poser les yeux sur elle ou alors l’espace d’un instant seulement. Sauf que j’ai jamais été du genre réfléchi. Sans y prendre garde, j’ai commencé à trouver que ses cheveux roux s’accordaient parfaitement à ses grands yeux bleus, que son corps presque frêle était en accord parfait avec le mien, que sa naïveté m’émerveillait plus que le coucher de soleil sur l’océan, que j’aimais être celui qui l’aidait à avoir confiance en elle et que j’adorais mon rôle de Protecteur. Et puis surtout, je me suis rendu compte que je l’aimais d’une force qui dépasse tout entendement. Et aujourd’hui, j’allais le lui prouver.

Ecoute-moi bien, terreur des chemins, j’ai juste un truc à aller chercher alors tu m’attends là. Quelques minutes sans risquer ta vie, ça te semble envisageable ?

Sourire au coin des lèvres, je l’embrasse avec une tendresse qu’elle seule peut faire apparaître. Et puis je m’écarte pour rejoindre la petite boutique. Je sais exactement ce que je veux, aussi c’est d’un pas décidé que je me dirige vers le fond de la petite boutique. Cette fois, je vais faire les choses bien. J’attrape la bague aux reflets bleutés et l’apporte au ventru qui me regarde d’un air suspicieux.

Z’avez assez pour la payer ? La maison fait pas d’prêt…
Oui, j’ai assez.

Et pour une fois, c’est vrai. J’ai trimé pour pouvoir l’acheter cette bague, tellement trimé qu’il m’arrive de ne plus réussir à regarder la femme que j’aime en face parce que mon boulot c’est pas joli-joli. Courtisan. Un vulgaire prostitué avec le terme légèrement enjolivé qui va bien. Si j’avais pu, j’aurais évité ça. Je me serais contenté de la mine ou des champs mais ça payait pas assez pour ce que Maryah me demandait. Un cheval pour mon fils, rien que ça. Et c’était juste le premier point d’une longue, très longue liste. Alors j’ai mis ma fierté de côté et j’ai vendu mon corps pour éviter qu’il ne soit percé par l’épée d’un mercenaire envoyé par une Maryah vengeresse. Ne me regardez pas comme ça, il faut faire des choix et j’ai fait le mien. Un choix qui me permet en ce jour de juillet de demander la main de la femme que j’aime dans les règles.
Ma bourse alourdie d’écus change de main et le boutiquier rassuré se permet un sourire et une tape amicale sur l’épaule.

Z’inquiétez pas, ça va bien s’passer ! Moi avec ma Mad’leine c’était pas gagné et puis finalement…

Je n’ai pas entendu la suite, j’étais bien trop occupé à lisser les plis de la chemise blanche achetée pour l’occasion, à mettre de l’ordre dans ma tignasse et à regarder plus ou moins discrètement que je n’avais rien de coincé entre les dents.

…alors, v’là, aujourd’hui on a…

Et je n’ai pas entendu la fin non plus puisque je me suis rendu compte que ma peut-être future fiancée ne m’attendait plus devant. J’ai pesté, maugréé et je suis sorti en trombe.

Ali !

Pas de réponse. Evidemment, ce serait trop simple. Je soupire, range la bague dans ma poche et me lance à la recherche d’indices.


*Ycare - Pourvu que tu viennes

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Alicina


    Trocyle. Niallan avait voulu m'y emmener, rien qu'une journée lui et moi. Pour nous remettre sans doute de toutes nos aventures malheureuses. Et j'avais accepté, évidemment. J'avais mis ma belle robe et j'avais soigneusement peigné mes cheveux. J'étais au sommet de ma beauté, pour lui. Pour lui plaire, toujours. Il fallait que je sois moins souillon.
    Ça n'avait pas été si simple, entre lui et moi. Il m'avait sauvé la vie, et nous nous étions revus plus tard à la Rochelle. C'était là que j'avais compris. Il était mon évidente évidence. C'était lui que j'avais attendu depuis que j'étais en âge d'attendre quelqu'un. Il n'avait rien du prince charmant, ne sauvait pas le monde sur le dos d'un cheval blanc, mais je m'en fichais. C'était lui, il n'y avait pas besoin d'autre explication. Il mit un peu plus de temps à comprendre que je n'étais peut-être pas pour lui que « la rouquine qu'il avait sauvé ». Mais c'était chose faite. Et j'étais bien décidée à le forcer à couler des jours heureux avec moi, maintenant.

    Le nez en l'air, je regardai les pierres écrues des remparts se découper sur fond de ciel bleu. Le même bleu que les yeux de Niallan. Il n'y avait pas plus belle couleur au monde. Je soupirai, rêveuse, en lui jetant un regard émerveillé.
    Il me força à m'arrêter, me demandant - m'ordonnant même - de ne pas bouger. J'acquiesçai vivement. Je pouvais rester cinq minutes tout à fait immobile. Bien sûr que je le pouvais. Et j'avais fort à faire, à regarder partout autour de moi. Les échoppes me tendaient les bras, mais je résistai. Tisserands, menuisier, boulanger, lainier, herboriste, sculpteur... Sculpteur ? Je jetai un regard du côté de Niallan. J'en avais pour cinq minutes... Il ne s'en rendrait pas compte... Je reviendrai avant qu'il ne sorte... Ce serait vite fait, bien fait. Décidée à faire le plus vite possible, je franchis la dizaine de mètres qui me séparait du stand du sculpteur au pas de course. Et je me félicitai d'être venue ! Un petit renard en bois ! Et un écureuil ! Et un lièvre ! J'achetai le tout, tout en tournant autour de la table à tréteaux alourdie de produits divers. Tant et si bien que lorsqu'il fallut que je reparte, après avoir payé, je ne savais plus si j'étais venue de la droite ou de la gauche. Et l'artisan était occupé avec un client, je ne pouvais donc prendre mes renseignements ici.

    Je misais sur la gauche, je croyais reconnaître au loin l'enseigne de l'orfèvre qui se balançait au vent. Mes animaux de bois bien cachés dans mon panier, je remontai la rue à grandes enjambées. J'avais l'étrange impression de parcourir plus de distance pour revenir que pour aller, mais je préférai ne pas y penser. C'était sûrement un effet de mon imagination fertile.
    Je m'arrêtai brusquement devant la boutique que j'avais cru reconnaître. Le passant qui me suivait de près me rentra dedans et me dépassa en brandissant le poing. J'allais lui dire qu'il faudrait qu'il fasse plus attention à l'avenir lorsque mes yeux tombèrent sur l'enseigne de la boutique. Il ne s'y vendait pas des bijoux, mais des armes en tout genre. Pas vraiment la même chose... Mais juste en face, se trouvait une taverne. « Le Chat à Points ». Pensant que cela ferait plaisir à Pantoufle lorsque je lui dirais que j'étais rentrée là-dedans, je poussais la porte de l'auberge. C'était un endroit charmant, propre, aéré, clair, et calme. Le patron était occupé à servir un groupe de pèlerins, aussi je m'approchai d'un grand homme doté d'une impressionnante barbe noire, en train de boire une chope tout seul à une table.

    – Excusez-moi, Monsieur. Je ne suis pas d'ici et je me suis perdue. Je cherche un orfèvre, pas loin, près d'un sculpteur.

    Il m'adressa un bon sourire et reposa son bock.

    – Vous parlez sans doute de l'échoppe du Père Tapdur ? C'est facile, vous sortez, vous prenez à droite et dans une centaine de mètres, vous y serez.

    Je le remerciai d'un sourire et me détournai déjà pour partir lorsque l'homme le plus laid que j'ai jamais vu entra dans l'auberge. Il était énorme, sale, et ses cheveux avaient la couleur et l'aspect de la paille de l'an passé. Il émanait de lui une odeur de chou rance et d'alcool bon marché. Vraiment pas le genre de type à faire rêver les femmes. Dieu merci, en matière de rêve, j'avais ce qu'il fallait, quelque part dans cette ville, dans une boutique. Il passa devant nous et s'affaissa sur le comptoir.

    – Regardez-moi ça, me souffla mon barbu. Le gros Jean est un véritable poivrot. Il est marié à la plus belle femme de la ville, qui le fait cocu à tour de bras... enfin, de bras... Et je peux vous assurez que la Josiane, elle vaut le détour. Et cet imbécile ne voit rien du tout.

    Le dénommé Jean tourna ses petits yeux porcins vers nous, la main crispée sur une chope en étain. Un affreux sourire étira ses lèvres molles, découvrant une double rangée de chicots. J'allais tourner de l'œil.

    – Qu'es' tu dis, Bernard ?
    – Rien, rien.

    Stop. Arrêt sur image. J'avais la bouche grande ouverte de la jeune femme qui allait parler et pourtant, j'aurais vraiment, vraiment mieux fait de la fermer. Si j'avais su où tout cela conduirait, je n'aurais rien dit. Mais je l'ignorai. Et bien entendu, je l'ouvris. Mais pourquoi ? Pourquoi ?

    – Il disait que vous êtes un ivrogne, et que votre femme vous fait cocu. Avec lui, entre autres. Ah, et aussi que vous êtes complètement stupide.

    S'en suivit le silence le plus assourdissant que j'ai jamais entendu. La dizaine de clients de l'auberge était comme figée sur place, sauf Bernard qui venait de se frapper le front du plat de la main.
    Puis ce fut comme si tout s'animait en même temps. Jean lança sa chope droit vers Bernard, et je me jetai à terre pour l'éviter. Le cocu et l'amant s'empoignèrent par le col en se secouant pendant que je me glissai sous une table. Le tavernier essaya de calmer le jeu et sauver la situation - et ses meubles - mais en vain. Il se retrouva à terre, projeté par l'un ou l'autre des cogneurs. L'aubergiste se mêla alors à l'agitation, et bientôt, tout le monde se frappait joyeusement. La moitié des bagarreurs ignorait pourquoi ils se tabassaient, mais ça ne semblait pas les gêner.
    Je passai le nez par-dessus la table, les doigts accrochés au plateau de bois, mes grands yeux bleus tâchant de trouver une sortie. La porte qui pendait désormais sur ses gonds était la seule issue. Accrochant mon panier au creux de mon coude, je détalai à toute allure, courbée en deux. Au moment où je me retrouvai à l'air libre, une chaise vola à travers la fenêtre, la brisant en mille éclats et me faisant faire un bond de surprise. Pendant que les badauds se regroupaient devant « le Chat à Points », attirés par la violence de l'affrontement, je m'éloignai sur la pointe des pieds, affichant un air aussi innocent que possible.

    Par où devais-je aller ? A droite ? Non, à gauche. Oui, c'était à gauche. Si je faisais vite, Niallan ne s'apercevrait pas que j'avais disparue. J'y croyais dur comme fer.
Niallan
[Elle me rend fou
Comme personne d'autre ne le fait
Elle me rend fou
Et je n'y peux rien*]


Vous faites quoi quand vous perdez la femme que vous escomptez demander en mariage dans une ville qui n’est mentionnée sur aucune carte ? Si vous êtes avec une donzelle normalement constituée mentalement, vous marchez un peu en criant son nom et vous la retrouvez au bout de cinq minutes en train de vous attendre sagement parce qu’elle aura compris son erreur d’orientation. Mais si comme moi vous êtes avec une femme qui n’a ni instinct de survie ni sens de l’orientation et qui a un cerveau aussi complexe que celui d’un croisement entre Einstein et Frankenstein, vous êtes sacrément dans la merde. Avec ce genre de bestiole, il n’y aucun plan type à mettre en œuvre, il faut toujours improviser. C’est pourquoi, à peine sorti de l’orfèvrerie, j’ai regardé ce qu’il y avait autour de moi. J’ai cherché des empreintes d’animaux qu’elle aurait pu suivre, j’ai tendu l’oreille pour voir si personne ne criait au secours. Et puis je l’ai vue. Non, pas elle. L’enseigne d’un sculpteur. Et ça a fait tilt dans ma tête. Ses petits animaux en bois que je trouve absolument ridicules et que je compte bien brûler un jour.
Je peste un bon coup et pousse la porte sans plus attendre. L’artisan est occupé avec un client. Ah. Je pousse le client et me plante devant l’artisan. Parce que, de toute façon, en plus de n’avoir aucune idée de ce que veut dire le verbe « patienter », je suis un petit con impoli.

Non mais ‘tendez votre tour, vous !
Ça va, j’en ai pas pour longtemps. Changement d’interlocuteur. Mon cher monsieur, vous n’auriez pas vu une sublime rouquine qui a toujours l’air de planer complètement ? Sans avoir rien pris. Ah, elle vous aura surement acheté des bestioles en bois !
Ah, si, si ! Elle est passée ! Elle m’a pris un renard, un écureuil et un liè…
Elle est partie par où ?
Ah ça mon bon monsieur, je ne saurai vous le di…
Eh, il se passe quoi là-bas ? V’nez voir !

Trois trombines qui se plaquent contre la vitre, deux types qui ont l’air surpris et un autre qui affiche une moue blasée. L’autre c’est moi et l’autre sort de la boutique en grommelant et claque la porte. Il y a environ huit chances sur dix que ma rousse soit à l’origine du rassemblement du bout de la rue. Quand j’arrive, je m’aperçois qu’il y a une bagarre et de huit les chances passent à neuf. Vous pensez que je suis un gars pessimiste mais je suis juste réaliste, même un peu optimiste parce qu’en réalité il n’y a aucune chance qu’Ali ne soit pas à l’origine de cette baston d’ivrognes. Lors de notre première rencontre, elle m’avait entrainé dans un sprint à travers champs pour fuir des pecnots trop avinés qui avaient voulu la tripoter. Aujourd’hui je me demande bien ce que c’est…

Bonjour, pardon, bonj…
Fumier !

J’évite de peu une droite portée par un gros lard dégueulasse et manque de me viander sur deux maigrichons fermement empoignés au sol. Bordel, Ali, qu’est-ce que t’as foutu ?!

T’as baisé ma femme, j’vais t’buter !
Ah non, non, vous faites erreur sur la personne là. Moi j’ai déjà une fe…
De toute façon, Jean, y’a que toi qui ne couches pas avec ta femme !
Moi non pl…

Je n’ai même pas le temps de m’expliquer que déjà le mâle blessé dans son orgueil s’est agrippé à ma chemise. Ma nouvelle, propre et ravissante chemise. Ma chemise blanche…et déchirée. Alors, là, , cette espèce de gros c0n a dépassé les bornes. Avec un sourire mauvais, je lui décoche un monumental crochet qui a au moins le mérite de lui faire lâcher prise. J’essaye de rajuster mes frusques mais la déchirure qui s’étend sur presque toute la longueur de la chemise attise ma fureur. Je serre les dents et empoigne le cocu par le col.

Ecoute-moi bien, toi. Je te casserai bien la gueule pour essayer d’arranger un minimum ton côté porc qui s’est pris un arbre à pleine vitesse mais en plus de me prendre du temps, ça tâcherait ma chemise. Et tu vois, cette chemise, j’avais besoin qu’elle soit impeccable parce qu’aujourd’hui je vais demander la main de la femme que j’aime. Alors avant de t’énerver, t’aurais dû m’écouter parce que ta donzelle à toi, j’en ai rien à secouer. Et si tu veux un conseil, au lieu de taper sur le premier venu pour la garder, tu devrais t’arranger un peu. Va courir, arrête de bouffer et lave-toi plus souvent qu’une fois par an.

Sur ces conseils extrêmement avisés, je relâche le gus qui, ébahi me fixe avec de grands yeux. Les autres clients de la taverne qui avaient momentanément arrêter de se taper dessus pour entendre mon petit discours s’y remettent dès que je passe la porte mais je m’en fous. Moi, j’ai une demande en mariage à faire.
Je décide de prendre à gauche, en quête d’autres indices et puis, parce qu’elle a quand même des oreilles :

ALIIIIIIIIIII !


*Traduction paroles Fine Young Cannibals - She Drives Me Crazy

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Alicina
      [Salut, je t'emmène en voyage]


    Après être sortie de l'auberge - littéralement et métaphoriquement - j'avais poursuivi ma route. Le nez en l'air, le regard pétillant, je tournais à droite, à gauche, regardais de-ci, de-là, oubliant complètement que j'étais censée trouver quelqu'un. Ou plutôt, un endroit. J'étais partie depuis quoi... deux minutes ? Oui, pas plus. Peut-être que si j'avais été moins occupée à admirer la devanture d'une tisserande, j'aurais réalisé que le temps que je fasse tout ça m'avait pris au moins vingt minutes. Mais j'avais trop de choses à voir pour me soucier d'une chose aussi ridiculement dérisoire que le temps. Qui s'en souciait vraiment, après tout. Et puis, Niallan était occupé, non ? Il avait son achat à effectuer. Ce qu'il allait faire chez un orfèvre, je n'en avais pas la moindre idée. Mais je me promis de le lui demander dès que je le retrouverai.

    Ah, cet endroit me disait quelque chose. Nous étions passés par là tout à l'heure. Je reconnaissais l'enseigne qui grinçait, agitée par un souffle de vent. L'herboristerie « Chez Curah Tyve » ne m'était pas inconnue. J'étais donc sur le bon chemin. Sauf que je commençais sérieusement à avoir faim, moi. Après cette longue route, j'avais l'estomac dans les talons. Ne manquerait plus que je fasse un malaise et ce serait le bouquet. Fort heureusement pour ma survie, une boulangerie faisait face à l'herboristerie. Je poussais aussitôt la porte de « la Pomme de pain » et l'odeur délicieuse d'une miche sortant du four emplit mes narines, faisant gronder mon estomac.
    Je m'approchai du comptoir. Un grand jeune homme brun, aux cheveux bouclés plein de farine, me fit face, ses beaux yeux noirs pétillants de malice. Il était très beau, et je fus aussitôt mal à l'aise.

    – Que puis-je pour vous ? s'enquit-il d'une voix grave, chaude, qui semblait m'envelopper tout entière.
    – Eh bien je... heu... Je voudrais un... Un petit pain aux noisettes s'il vous plait.

    Il me décocha un sourire divin. Le bout de son nez en trompette était parsemé de taches de son qui s'étalaient jusque sur ses pommettes. Comme moi. Oh mon Dieu. J'avais un point commun avec ce beau garçon.
    Il me tendit ma commande et je le payai en souriant. Je sortis à moitié à reculons, me cognant dans un sac de farine et manquant basculer en arrière. Il se mit à rire, et je quittai l'échoppe avec un peu plus de hâte. Je ne voulais surtout pas qu'on puisse voir à quel point je savais être ridicule. A peine eus-je faire dix mètres que je me retournai, et avisai non sans surprise que le jeune boulanger se tenait désormais sur le pas de sa porte et qu'il me regardait m'en aller. Rouge au possible, je me forçai à regagner la terre ferme. N'étais-je pas aimée de l'homme que j'aimais ? Si. Alors qu'importait les autres, fussent-ils bruns et boulangers. Non mais vraiment !

    Je venais d'avaler la dernière bouchée de mon petit pain aux noisettes lorsque je me figeai brusquement. Je tenais le haut du pavé pour éviter à la fois les villageois qui vidaient leurs pots par la fenêtre, et les charrettes qui circulaient, prenant tout le milieu de la voie. Une carriole de grains stationnait depuis un moment, créant un petit embouteillage, ce qui bouchait un peu la vue, à ma droite. Sauf que... Je venais d'apercevoir un homme vêtu d'une blanche chemise, et doté d'une chevelure aussi blonde qu'un champ de blé. Il me tournait le dos et semblait absorbé par la contemplation d'une épée - et si j'avais réfléchi, j'aurais tout de suite compris que ce ne pouvait pas être Niallan, pour la bonne raison qu'il n'était pas adepte de l'épée - et par conséquent, ne pouvait pas me voir.

    – Niallan ! Niallan !

    Mais il ne se retournait toujours pas. Plissant nez et paupières, je traversai à grandes enjambées, sans regarder autour de moi.
    A ma gauche, un cri suivit un hennissement paniqué. Un cheval venait de se cabrer devant moi, le chevalier monté dessus tentant de calmer sa monture. A mon tour, je lâchai un hoquet de surprise, ce qui eut pour effet d'affoler davantage l'équidé. Le chevalier tomba en arrière, s'étala de tout son long dans les sacs de grains de la charrette en arrêt depuis un moment. Sous le choc, les essieux cédèrent. L'épée du cavalier transperça l'un des sacs, qui répandit son contenu sur les pavés.

    – Non mais ça va pas ?!

    Le conducteur de charrette venait de surgir du néant, s'échauffant rapidement, agitant ses bras en tous sens comme s'il voulait brasser l'air pour en faire de la bière.
    Quant à moi, parvenue de l'autre côté saine et sauve, je me rendis compte avec horreur que le blond que j'avais pris pour Niallan lui ressemblait autant qu'un cerf à un lièvre. Il venait de tourner le regard vers moi, distraitement, et avait aussitôt reporté son attention sur l'épée qu'il avait entre les mains.
    L'altercation derrière moi n'était pas finie pour autant.

    – Mais vous pouvez pas faire attention ? Quand on sait pas manier un canasson, on achète une mule, eh, crétin !
    – Ce n'est pas de ma faute, c'est cette fille, là, qui a traversé n'importe comment !
    – Une fille ? Une fille ? Vous vous foutez de moi en plus ? Comment une fille aurait pu faire une telle chose ! Ne rejetez pas la faute sur les autres, morbleu !

    Je crus plus prudent de m'éloigner quelque peu, alors que l'homme en armure vociférait de plus en plus fort, imité par le charretier. Tout ceci ne sentait pas très bon pour moi. Mieux valait m'éclipser. A petits pas, en sifflotant, l'air de rien, je tournai au coin et détalai à toutes jambes. Je m'étalai en beauté sur les pavés glissants, me relevai promptement, les mains écorchées, et repris mon chemin d'un pas plus tranquille, tous les sens en alerte. Mais où était cette fichue boutique ?
Niallan
[Mais ce que je veux vraiment savoir c'est
Iras-tu dans mon sens ?*]


Evidemment que non, ce serait tellement simple. Après avoir poussé mon cri absolument flippant, j’ai réfléchi à ce que je ferai si j’étais Alicina. Déjà, je regretterais d’être une femme et d’avoir les cheveux roux, ensuite…Je ferais tous les trucs illogiques. Donc, après être partie dans un sens, je repartirais dans l’autre parce que sinon, ce serait trop simple. Fier de cette conviction, je tourne les talons et trotte jusqu’à arriver en face d’une boulangerie. J’hésite, tergiverse. C’est que, j’ai ma peut-être future fiancée à retrouver mais en même temps si je m’évanouis parce que j’ai pas assez mangé, j’arriverais encore moins vite. Je souris, c’est la décision la plus raisonnable. La porte poussée, j’inspire à plein poumons cette délicieuse odeur de pain cuit et m’avance tranquillement vers le brun qui tient le comptoir. Je pose mes mains sur ce dernier, sourit encore. Attends un peu. Attends encore. Toussote.

Ehm, bonjour.

J’attends encore un peu, m’impatiente carrément et tapote sur le comptoir avec insistance.

BONJOUR !

Le gars sort de ses pensées pour soupirer d’une façon niaise qui me fait soupirer à mon tour mais pas niaisement, ah ça non ! Ce fut un soupir d’exaspération profonde liée à un estomac qui se demande pourquoi on ne le remplit pas. Il pourra d’ailleurs se le demander encore longtemps étant donné que ce qui va suivre n’aidera pas à le combler. Je commençais à sortir quelques écus de ma bourse lorsque le gars s’est lancé dans un monologue un tantinet perturbant.

Aaah, mon bon monsieur, si vous saviez… Aujourd’hui j’ai laissé filer l’Amour avec un grand A. Plus grand que Dieu lui-même, sans vouloir blasphémer. C’était une rousse, elle m’a acheté un petit pain aux noisettes. Elle me l’a demandé avec ses beaux yeux bl…
…bleus, oui, je sais. Je le sais même très bien puisque c’est ma donzelle. Et vu que tu l’as reluquée au possible et que t’en es même à regretter de pas être allé plus loin, tu vas me faire cadeau de…ceci.

Je me saisis d’un pain aux amandes, décoche un large sourire au pauvre homme et tourne les talons sans demander mon reste. J’aurais surement entendu ses protestations tardives et marmonnements à retardement mais l’agitation de la rue a retenu toute mon audition. Un soldat en plein débat avec un marchand. Drôle de spectacle. Mordant à belles dents dans mon pain, je m’avance vers les deux protagonistes et tape chaleureusement leurs épaules.

Eh bien, messieurs ! Ne trouvez-vous pas que c’est une trop belle journée pour se quereller ?

Ils m’ignorent. Avec superbe.

Mais puisque je vous dis qu’il y avait une femme !
M’enfin, arrêtez de me prendre pour un âne, aucune femme ne peut être à l’origine d’un tel carnage.
En fait…

Ils m’ignorent toujours, dommage pour eux. S’ils m’avaient laissé finir ma phrase j’aurais pu dire que, si, la peut-être future mienne (de femme, suivez un peu !) avait largement les capacités d’être à l’origine de ce genre de sinistre. Mais ils ont continué sur leur lancée et ça m’a bien fait marrer. Le gus en armure agitait dangereusement son épée alors que le paysan montrait avec insistance la direction empruntée par la rousse la plus maladroite de ma connaissance. Mon rire s’est néanmoins arrêté brusquement sous une ruade de la bourrique capricieuse. Non, pas Alicina. Quand même. Là je vous parle du canasson qui, visiblement apeuré par les mouvements de l’épée s’est vengé sur le mauvais blond (MOI !) qu’il a envoyé au sol, bien évidemment dans une flaque à l’allure suspecte qui a parsemé ma chemise et mes braies de tâches maronnasses. Il faut aussi noter la perte de l’œuvre du niais boulanger.

Putain ! Vous pouvez pas vous occuper de votre abruti de cheval au lieu d’agiter vous vos mains et vous votre cure-dents grande taille ?!

En chœur, ils me lancèrent un « chuuuut » qui acheva de me mettre en rogne. Tellement bien qu’en me redressant, je me suis arrangé pour que mon pied dérape accidentellement et envoie l’étrange bouillasse se déposer sur les fringues des deux types hélas trop occupés pour s’en soucier.
Pour résumer, c’est donc l’estomac dans les talons, les frusques déchirées et dégueulassées que je me remets en quête de la perle rare. Ma nana.

Aliciiiiinaaaaaa !


*Are You Gonna Go My Way - Lenny Kravitz

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