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[RP] Dialogues avec ma fiancée. Morte.

--Alicina



      – Est-ce que tout cela est réel ? Ou bien ça se passe juste dans ma tête ?
      – Bien sûr que ça se passe dans ta tête, Niallan. Mais pourquoi faudrait-il en conclure que ce n'est pas réel ?
      Adaptation libre de « Harry Potter et les Reliques de la Mort »



    Une minute avant, j'étais Là-Haut, à m'occuper de mes petites affaires. A siéger à la droite du Seigneur, et tout le tremblement. La minute suivante, je me retrouvai là. Je ne savais même pas où j'étais, en plus.

    – Ah ça c'est trop fort !

    Poings sur les hanches, je pensai à la chute de la blague que je venais de louper. Un quart d'heure à écouter Jules en train de me conter une ânerie pas vraiment drôle jusque-là, mais qui promettait une bonne surprise finale. Je m'étais bien soigneusement préparée à rire, et voilà qu'on m'en empêchait.

    – Surtout que celle-là, elle avait vraiment l'air marrante.

    Depuis plusieurs mois que je vivais au Ciel, comme on dit sur Terre - parce qu'en vrai, entre nous, on l'appelle le Mont d'Or... Vague rapport à un fromage très apprécié ici - et je devais bien avouer que je m'y plaisais bien.
    A mon arrivée, Saint Pierre m'expédia sans cérémonie dans le Jardin Bleu. Allez savoir pourquoi « bleu », quand on pense que l'herbe est aussi verte qu'il est possible de l'être. Faut pas toujours chercher à comprendre. J'avais déjà compris ça, de mon vivant.
    Mais bref. Je m'égare. J'étais donc un peu perdue, là-bas, toute seule. Maman n'étant pas venue m'accueillir, je me retrouvais comme une idiote à ne pas savoir où aller. Heureusement, un type en tunique rouge et plastron doré, avec des feuilles autour du crâne, m'aborda sans tarder.

    – T'es nouvelle ? Moi c'est Jules. Jules César. Et toi ?
    – Alicina. Alicina la Canéda de Lantwyck, répondis-je, un peu surprise.
    – C'est quoi cette manie que vous avez, à votre époque, à vous rajouter des de, des la, des du et j'en passe ?
    – Je préfère qu'on m'appelle Al', personnellement.
    – A la bonne heure ! Bienvenue, Al'. Moi avant d'être ici, j'étais Imperator. Et non Empereur... C'est fou ce qu'on traduit mal le latin de nos jours.
    – Ouais, fis-je. Que des gougnafiers.
    – Allez, Al'. Viens donc que je te fasse visiter.

    Je le suivis à travers les Jardins Bleus. C'était calme, paisible. Quelques filles en chiton jouaient de la lyre, c'était sympathique. Je dodelinai de la tête en rythme. Des chiens et des chats étaient en pleines conversations. Il y avait des gens de toutes les couleurs de peau. Il y avait quelque chose de drôlement exotique, ici.
    J'avisai un homme, debout devant un bâton, qui griffonnait des choses sur un bout de parchemin.

    – C'est qui lui ? Il fait quoi ?
    – Oh non, va pas le voir. C'est Thalès. Il va encore nous gonfler avec son théorème. Paraitrait qu'il se serait trompé. Tu veux aller voir Charlemagne ?
    – Ouais ! m'enthousiasmai-je.

    On quitta le Jardin, et nous nous enfonçâmes dans une espèce de sous-bois. Un clapotis d'eau nous accompagnait tandis que nous marchions. C'était décidément très chouette. Enfin, après cinq minutes de marche, on déboucha dans une clairière. Un muret de pierres blanches faisait comme un entourage, comme les fondations d'une maison toute ronde. Un homme était assis au centre. Il était en simple tunique blanche, étrangement à la mode romaine, et choisissait soigneusement des fleurs parmi un bouquet énorme que lui tendait une jeune fille.

    – Il fait quoi ? m'étonnai-je.
    – Il fleurit sa barbe... Impossible de lui parler. Viens, on va voir ailleurs.

    Et nous revoilà partis. Alors qu'on gagnait le château, je ne pus m'empêcher de demander, tout en enroulant une mèche rousse autour de mon index.

    – Je suis pas censée rencontrer le Grand Patron ? Deos ?
    – Oh ! Pas si vite, Al', s'exclama César. Surtout qu'en ce moment, il est super occupé.
    – Ah bon ? Il se passe quoi ?
    – Tu connais Moïse, je suppose ? Le mec des dix commandements... Figure-toi qu'il a encore paumé les tables de la Loi... Il se fait passer un de ces savons à l'heure qu'il est ! Mieux vaut pas rencontrer le Tout Puissant en ce moment.
    – Ah, je connais, ça. Moi aussi, je perdais tout le temps des trucs, avant.
    – On a tous perdu quelque chose, ici, ma vieille. La vie ! ajouta-t-il devant mon air d'incompréhension.

    Là-dessus, il éclata de rire. J'en fis autant, même si je trouvais son sens de l'humour aussi développé que mon équilibre.
    Mais qu'importe. Je vivais - on dit encore « vivre » parce que sinon, dire à tout bout de champ qu'on est mort, c'est drôlement déprimant - tranquillement. Et le cadre était plutôt sympathique. A voir au moins une fois. Vraiment. D'abord, le château. Il n'est pas du tout perché dans les nuages. En fait, il est plus ou moins au sommet d'une très haute montagne, d'après ce que j'ai pu voir lors de mes explorations. Le palais n'est pas en marbre, mais en pierres d'un ocre assez pâle. Le Jardin Bleu est infini. J'ai essayé d'aller jusqu'au bout une fois. Impossible. Et je suis partie une semaine ! César était comme fou à mon retour. Il m'a balancé un truc comme « J'ai cru que t'étais vivante ! » Ça l'a fait mourir de rire pendant vingt bonnes minutes.

    Parfois, j'allais au Promontoire du Monde d'En-Bas. C'est de là qu'on peut voir les vivants qu'on a laissé derrière nous. Jules m'a déconseillé d'y aller trop souvent. Et il a plutôt raison. C'est vrai, que ça déprime, de les voir tous exister sans nous. Je demandais souvent à voir Héléna, Septembre, Patt'... Tous. J'allais voir Niallan tous les dimanches, pendant une heure. De onze heure à midi. Heure de la messe. Dire que j'avais cru, quand j'étais vivante, qu'il était mort ! Je me souvenais de la détresse dans laquelle j'avais pu vivre. Alors qu'il était simplement en train de voir d'autres filles... Ce que je voyais de lui me faisait mal. Alors un jour, j'ai cessé d'y aller. Je n'ai pas regardé mon ancien fiancé depuis un mois. C'est trop difficile, de le voir dans les bras des autres femmes. De savoir qu'il m'a menti. Qu'il allait voir ailleurs, même si c'était pour payer des dettes. J'aurais voulu le savoir. Même ça, je crois que j'aurais pu pardonner. Mais pas le mensonge. Mais j'avais toute la mort pour tenter de passer outre. Et puis, honnêtement, je n'avais pas la moindre envie de le voir retomber amoureux d'une autre. Le voir épouser une autre. Le voir avoir des enfants d'une autre. Même s'il y a tout à fait le droit. Je l'inciterais même à se reconstruire, mais je n'avais pas encore la force de le voir de mes propres yeux.

    Jules me faisait rencontrer du monde. J'écoutais, bouche bée, les poètes mes déclamer des vers. Je rencontrais Cléopâtre, qui me conseilla d'aller me recoiffer. Autant dire que celle-là, je ne l'aimais pas beaucoup. César m'a même fait rencontrer des Rois, des Reines, des Empereurs et tout ça. J'ai d'ailleurs eu une violente dispute avec Néron.
    Et puis le Mont d'Or, c'était chouette. J'avais autant de livres que j'en voulais, autant de peinture et de papier que je pouvais en désirer, et ma chambre donnait sur les Jardins. Le Palais en lui-même évoluait sans cesse. Il s'agrandissait au fur et à mesure que les morts débarquaient. Quand je demandais à Jules comment on ferait quand il n'y aurait plus la place de s'agrandir, il me regarda avec des yeux ronds en me répondant :

    – Où tu vois une limite à l'infini, toi ?

    Evidement, vu comme ça...
    Je portais ma robe préférée. La rose, à bretelles larges, que je laçai sur une chemise blanche aux manches s'arrêtant aux coudes. L'ourlet de la robe ne tombait pas plus bas que mes mollets, mais tout le monde s'en fichait. Je n'avais besoin ni de bas, ni de bottines, alors je n'en mettais tout simplement pas. On pouvait aller se baigner à la Cascade des Senteurs. C'était bien, l'eau elle-même sentait la violette. Je ne sais pas trop comment c'est possible, mais comme le dirait César : dans un endroit où tu peux avaler un fût de vin en entier sans être ivre, faut pas s'étonner que l'eau sente la fleur. J'aimais bien la philosophie de l'Imperator.
    Je pouvais manger tout ce que je voulais. Je n'avais qu'à le demander en cuisines. Un brasier géant brûlait derrière les fourneaux. La quantité de saucisses que ça pouvait faire griller !

    – Mais qui alimente ce feu ? demandai-je à César.
    – On suppose qu'il y a un dragon là-dessous... Mais on n'a pas encore pu le prouver.

    Et voilà, à peu près, la vie que je menais depuis que j'étais morte.
    Jusqu'à ce jour. Ou ce soir ? On n'a plus très bien la notion du temps, au Mont d'Or. Jules était en train de me raconter une de ses fameuses blagues, lorsque j'entendis comme un soupir. On prononçait mon prénom. Alicina. J'étais si peu habituée à l'entendre - ici, tout le monde m'appelle Al' - que j'en restai coite. Le chuchotement s'était répété... et je me retrouvai transportée ici. Je n'arrivai pas à visualiser exactement le genre d'endroit où j'étais. Les bords étaient un peu flous. Néanmoins, je reconnus sans peine l'homme avachi au bout de la table. Il avait l'air franchement en piteux état.

    Je restai plantée là, sans trop savoir quoi faire. Un gros homme passa si près de moi qu'il m'aurait bousculé, s'il ne s'était pas contenté de me traverser. Je fronçai les sourcils, songeuse. Evidemment, je n'avais pas pu revenir à la vie. C'eut été trop beau. Alors qu'est-ce que je faisais là ? Et comment je pouvais seulement m'y trouver ? Je reportai mon attention sur l'homme blond. De toute façon ici, je ne connaissais que lui. J'avais déjà un but. Aller le voir.
    Je m'avançai droit vers lui. Je trébuchai légèrement ce faisant, marchant sur mon propre orteil. Mon cœur se mit à battre à toute vitesse, et je me pris en pleine figure tout l'amour que j'avais laissé derrière moi. Je n'avais pas cessé de l'aimer, Là-Haut. Mais les sentiments qu'on éprouvent étaient perçus avec moins de force. On sentait, oui. Mais comme à travers un voile qui nous protégeait sans doute du désespoir le plus profond. Et maintenant que j'étais là... Je ressentais à nouveau comme avant. Comme de mon vivant.
    Je pris place à côté de lui. Comment aborder quelqu'un quand on est mort ? Ça, même Platon ne pourrait pas répondre. Faudrait que je lui en touche deux mots, en rentrant. Si je rentrai...

    Histoire de vérifier quelque chose, je me mis brusquement à hurler. Il n'y eut pas un mouvement. J'avais donc la confirmation de ce que je craignais. J'étais un genre de fantôme. Ou une illusion. Au Mont d'Or, j'existais pour de bon, parce que c'était ma place. Mais ici, ça ne l'était plus. Je poussai un soupir à fendre l'âme. Même ma mort était compliquée.
    Pourquoi étais-je ici ? Je m'interrogeai une nouvelle fois sur ce fait étrange.. Doucement, je posai un doigt sur l'avant bras de Niallan. Lui, je pouvais le sentir sous ma peau. C'était d'autant plus étrange que je traversais les autres. Mais pas lui. Et puis, je compris. Ou supposai comprendre. C'était lui qui m'avait appelé. Son désir qui m'avait mise là. Et ce désir était si puissant qu'il me permettait de le toucher sans passer au travers.

    – Mon Niallan, soupirai-je tristement, persuadée qu'il ne pourrait de toute façon pas m'entendre. Mais qu'est-ce que tu es en train de faire de ta vie, mon amour ?

    Une larme roula sur ma joue. J'en fus un peu surprise. Je n'avais pas pleuré depuis ma mort. Mais le voir, là... Si près de moi sans possibilité de lui parler...
    Je reniflai. Après tout... Tout ceci n'était peut-être qu'une illusion.

Niallan
[Il vit très bien sans elle
La ville n'a pas changé *]


Faux, douloureusement faux. Sans elle, il ne vit pas, il survit. Quoique la plupart du temps il fait moins que ça. Combien de fois a-t-il failli crever parce qu'il le voulait bien ? Combien de brutes espèces provoquées en espérant une mort dans les règles de la sauvagerie ? Combien de routes prises dans l'espoir de croiser des brigands sanguinaires ou une armée pas trop regardante sur ses victimes ? Trop pour qu'il ne les compte. Visiblement par assez pour réussir son coup et la rejoindre. Pour ce qui est de la ville, elle change presque tous les jours sans que ça lui fasse quoi que ce soit, il marche ou il rampe, c'est selon mais toujours sans but. Cette dernière caractéristique a été quelque peu bouleversée par une italienne à qui il a piqué ses lippes qu'il a dû ramener à Pau, il y a stagné. Mais toujours aussi foutrement mal. Et pourtant, la mort de l'Aimée remonte à septembre. Six longs mois d'errance qui l'ont vu sombrer toujours un peu plus.
Ce « il » c'est moi. Et j'en bave, je vous jure. Comme jamais encore je n'en ai bavé.

[Un morceau de métal
Dans sa gorge est planté
Mais il semble vivant
Peut-être a-t-il rêvé*]


Des fois, je rêve que je meurs. Je suis parfois tellement atone, tellement déchiré à toutes les substances possibles qu'en voyant un combat (qu'il soit fictif ou réel) j'ai l'impression que les lames filent vers ma gorge. Et je souris, ravi qu'elles arrivent enfin. En général c'est à ce moment-là que je vomis tripes et boyaux avant de m'effondrer dans un caniveau comme le dernier des clodos. Voyez, j'ai toujours le sens de la rime. C'est peut-être la seule chose qu'elle m'a laissé en partant, ça et mes tendances autodestructrices. Non, en fait je suis de mauvaise foi. Elle m'a laissé un tas de trucs qui me bousillent chaque jour un peu plus : elle a laissé son image dans ma tête, son odeur partout où mon esprit dérangé veut bien la trouver et puis surtout un gigantesque vide dans mon cœur. Imaginez une nana, la votre, celle que vous avez eu l'impression d'attendre toute votre vie... Imaginez cette nana qui débarque dans votre vie et qui, à grand renfort de patience et de tendresse la rend merveilleuse, la retaille pour en faire quelque chose de parfait pour deux ou même trois. Ou cinq. On en voulait beaucoup, des enfants. Et puis d'un coup, vous apprenez que cette magnifique femme que vous comptiez faire votre est morte. A cause de vous, parce que vous avez été con, bien trop con pour vous rendre compte de la connerie que vous faisiez. Imaginez le vide que ça laisse. Parce que votre vie, elle était taillée pour plus que vous tout seul. Et ce vide, ce putain de vide qui vous ronge littéralement est impossible à combler.
Parce qu'elle était tout. Parce que sans elle, vous n'êtes rien.

[Qu'importe le flacon
Pourvu qu'il ait l'ivresse*]


Ça je l'avais parfaitement assimilé. Je passais mes journées, mes soirées et mes matinées à boire. Boire pour oublier. Oublier cette saloperie de vide et cette vie qui ne vaut plus rien. Je me droguais, aussi. Et je baisais. Beaucoup. En priant toujours pour entendre ses cris à elle. Que ce soit ses cheveux roux qui flottent sur l'oreiller au matin, ses yeux dans lesquels je me noie. Mais j'avais beau prier approximativement tous les dieux dont je connaissais l'existence, jamais mes prières n'étaient exaucées. Aussi, quand dans cette taverne j'ai entendu un cri que j'ai cru reconnaître comme le sien, j'ai serré les dents et les poings. Poings que j'ai abattu sur la table. Je savais que c'était encore l'alcool qui me donnait l'illusion de sa présence. Dans le meilleur des cas, en tournant la tête je pourrai fantasmer quelques-uns de ses traits avant qu'ils ne s'effacent. Dans le pire des cas, je poserai les yeux sur une autre femme que je détesterai immédiatement.
Un doigt se pose sur moi. Je l'ignore. Foutez-moi la paix. Foutez-moi TOUS la paix. Pour signifier mon indifférence, je porte la bouteille à mes lèvres dans un grognement peu engageant. Et c'est là que l'impossible se produit, que pour la première fois depuis des mois ma vie reprend un sens.

Ali ? Ali...

La première fois que je prononce son prénom, c'est sous forme d'interrogation. Parce que je doute encore de ce que voient mes yeux et de ce qu'entend ma bouche. Mon amour... Une larme roule sur ma joue. Elle vient de m'appeler mon amour. Comme avant, comme quand elle était là. Alors, la deuxième fois que je prononce son prénom, je n'interroge plus. Je sais. Elle est là, c'est elle. Je ne cherche ni à savoir quel dieu a enfin exaucé ma prière ni même si c'est possible. Je m'en tape comme de l'an 40. Elle est là, avec moi.
Je lâche la bouteille et tombe à genoux, à ses pieds. Et je pleure comme un gosse, m'accrochant à ses jambes que la robe ne couvre pas entièrement. J'embrasse ses pieds, y laissant des traînées de larmes. Enfin, je la regarde et je gémis.

Mon amour, pardonne-moi... Pardonne-moi. Reste, je t'en supplie.

C'est ce moment que le choisit le tavernier pour venir se mêler de ce qui ne le regarde pas. Le problème, c'est que je ne l'écoute pas. Je n'entends que des brides, à savoir « fou », « trop bu », « dégage », ce qui ne m'intéresse absolument pas. Ce qui me fout hors de moi, en revanche, c'est quand il passe sa main sur Ali. Sans aucune considération. Sur ses fesses. Ses fesses ! Je bondis, sans réfléchir et lui colle un poing peu assuré mais néanmoins bien efficace en pleine tronche. A la suite de quoi, j'emprisonne la main de la rousse dans la mienne et l'entraîne aussi loin que possible de ce monde de tarés.
C'est quand nous atteignons les abords d'un lac que je m'arrête enfin de courir pour l'étreindre avec une force dont je ne me croyais plus capable. Je pleure, encore, alors que je niche mon nez dans son cou, doigts crispés dans ses cheveux.

Si tu savais comme je regrette mon amour, si tu savais comme tu me manques... Si tu savais, oh mon Dieu.

Je m'écarte, reniflant d'une façon fort peu gracieuse et m'essuyant les yeux comme je peux sans jamais que ceux-ci ne quittent celle que je ne pensais plus jamais revoir. Tremblant, j'effleure sa joue elle aussi mouillée de larmes du bout des doigts et cale une main dans le creux de ses reins.

Si je pouvais revenir en arrière, je le ferai. Oh oui... En te laissant partir rejoindre ce Septembre, je pensais que tu serais heureuse. Qu'il t'apporterait la stabilité et le bonheur que moi, pauvre petit minable j'étais incapable de te donner. Tu n'aurais plus dû supporter Maryah et tout le mal qu'elle nous a fait. Tu aurais eu un gentil mari qui t'aurait fait de beaux enfants, tu aurais passé tes journées à lire au soleil et à les chérir. Ils auraient eu tes yeux... Oh Ali, je me suis tellement planté. Et je t'aime, tellement. Tellement...

Sur ces entrefaites, ma bouche se plaque avec force contre la sienne. Et je l'embrasse comme un perdu et perdu je le suis sans elle.

[Peut-être a-t-il rêvé*]



*Raphael - Peut-être a-t-il rêvé

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
--Alicina


      [Personne ne saura te dire comme moi
      Je t'aime.
      Mon refuge, mon refuge...
      Mon refuge, c'est toi.]

      Richard Cocciante - Il mio refugio


    Lorsqu'il grogna en portant la bouteille à ses lèvres, je ne réagis pas. Ce n'était qu'un bête hasard, comme il y en avait tant. Mais ensuite, quand il me regarda, et prononça le surnom que lui seul me donnait... La sensation de mon cœur cognant dans ma poitrine m'arracha une légère grimace de douleur. Six mois qu'il ne battait plus. Ça faisait mal, de sentir repartir la machine. Et surtout, c'était très bizarre. J'étais morte, bon sang ! Je n'étais pas censée avoir mal !
    Et puis, tout ceci était incroyable. Je venais de comprendre, de réaliser. Il me regardait parce qu'il me voyait. Il me voyait, alors que j'étais invisible aux yeux des autres. Par quel miracle... ?

    Mais je n'eus pas le temps de m'interroger, ni de sonder mon âme plus en profondeur pour essayer de trouver un sens à ce grand plan cosmique qui m'était étranger. Il venait de se jeter à mes pieds. Je sentais son visage contre la peau de mes jambes nues. Je sentais chacune de ses larmes qui mouillaient mes mollets. Et sa détresse me bouleversa. Je serai morte sur le champ si ce n'était pas déjà fait. Je serai morte d'amour, ce qui aurait été vraiment stupide, soit dit en passant. Pouvez-vous imaginer tant d'amour ? C'était comme les vagues s'écrasant contre les falaises. C'était violent, c'était spectaculaire. C'était magnifique. Si j'avais eu tous mes moyens, j'aurais cherché à comprendre comment c'était possible. Mais à dire vrai, je n'avais pas envie de me poser autant de questions. C'était, et ça me suffisait.

    Quand il me demanda de lui pardonner, j'eus envie de lui demander à quel sujet. Mais la mémoire me revint, et tous ces jours de désespoir passés à le croire mort me laissèrent comme un goût amer en bouche. Si j'avais su qu'il était vivant, je ne me serais pas aventurer dans cette forêt ce jour-là. J'aurais fait plus attention à ce que je faisais. Et il était possible que je sois toujours de ce monde. Mais je ne pouvais pas lui en vouloir. Comment aurais-je pu... Je glissai une main dans sa chevelure blonde, comme j'aimais à le faire autrefois. Ce simple contact m'arracha une nouvelle larme, et je répondis doucement, pour ne pas briser cet instant au-delà du possible.

    – Je suis là, je ne vais nulle part.

    Et puis le tavernier s'en mêla et tout vola en éclats. Je n'avais pas vraiment fait attention à lui. Je grimaçai quand sa main me traversa. Niallan devait avoir vu autre chose, parce qu'il s'énerva, quelque chose de bien. Le voilà qui envoyait valdinguer le pauvre homme dans le décor, avec ses remerciements en prime.
    Puis, sans me laisser le temps de dire quoi que ce soit, il me traina hors de la taverne. J'avais parfaitement conscience de sa main m'emprisonnant les doigts. Je ressentais ce contact, exactement comme quand j'étais vivante. Ça n'avait pas de sens ! J'étais morte ! Il aurait du passer à travers moi ! A quoi il jouait, le Bon Dieu ? Pour résumé le fond de ma pensée en une phrase, tout ceci me faisait l'effet d'être un joyeux bordel.

    On s'arrêta devant un lac, et je pris le temps d'observer, curieuse, les environs. C'était plutôt joli. Exactement le genre d'endroit où j'aurais pu me baigner, en été. Mais Niallan n'était pas là pour me parler paysage. Il avait des choses à dire, et je l'écoutai sans l'interrompre. Il me serra tout d'abord contre lui, et c'est là que je fus contente d'être morte. Je n'avais pas besoin de respirer, et c'était tant mieux, parce qu'il m'étouffait complètement dans cette étreinte. Il me relâcha, à mon plus grand regret, et je pus reprendre mon souffle. Je sais, je viens de dire que je n'ai pas besoin de respirer. Mais quand bien même, ne pas le faire, ça me semble tout bizarre, alors je continue, même si ça sert à rien. Et puis, en plus, ça fait plus vrai, plus vivant.
    Enfin, il se tut, et je pus prendre la parole à mon tour. Du moins, juste après qu'il m'eut embrassé. Mon Dieu. Que ses lèvres m'avaient manqué ! Que son corps tout entier m'avait manqué ! Comme je me sentais enfin moi, enfin complète, quand il m'embrassait comme ça ! Mais cela ne m'empêchait pas de parler. Il fallait que je parle. Je posai sur lui un regard tendre, débordant d'amour.

    – Niallan... Niallan. Septembre a été celui que j'ai aimé le premier dans ma vie. Il m'a sauvé un jour où je m'étais perdue, et mon cœur de jeune fille de quatorze ans s'est lié au sien, sans que jamais je ne l'avoue. Il m'a fait aimer l'Automne, moi qui ne connaissais rien au monde. Mais toi... Niallan, toi, tu étais... tu es... l'Eté de mon existence. Tu es tout solaire, tout brillant, tout éclatant, et moi, je ne vivais que pour toi. Tu n'as jamais voulu comprendre ça. A mes yeux, tu n'as jamais été minable, mon amour. Tu étais ma vie, c'était pour toi que j'existais. Et je t'ai cru mort. Alors quelle raison avais-je de vivre sans toi ?

    Je m'interrompis, la gorge nouée, et levai le nez au ciel, inspirant profondément. Il fallait que je poursuive. Il fallait que je lui dise.

    – Tu étais mon souffle, tu étais mon cœur, tu étais mon âme. Tu étais le soleil qui se lève et la lune qui se couche. Tu étais le but de ma vie. C'était toi qui me faisais vivre. Je voulais nos enfants, les nôtres. Je voulais un endroit à nous. Mais qu'importait, si, au final, nous passions notre vie sur les routes ! Je me fichais de l'endroit du moment que j'y étais avec toi. Tu n'es pas un minable, Niallan. Tu es l'homme de ma vie.

    Et visiblement celui de ma mort aussi, mais je ne voulais pas prononcé ce sinistre mot de « mort » devant lui.

    – Et rien n'a changé. Je t'aime comme au premier jour. Plus encore. Je t'aime, tu sais, et c'est la meilleure chose que j'ai fait de ma vie.

    Je ne trouvai plus rien à dire. Je lui offrais toujours ce regard emplit d'amour, qui s'accompagnait désormais d'un sourire. Et puis je m'avançai, franchissant la distance qui séparait nos deux corps. Et doucement, je posai la tête contre son torse, et je fermai les yeux. Là, j'étais bien. Là, j'étais chez moi.
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