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[RP] Les vrais mariages sont toujours insensés.*

Catalyna_
    HRP : *Citation de Paul Auster via JD Gabriel.
    Note aux joueurs participants, pour que ce RP puisse se boucler, il faudrait limiter à deux posts par personne outre l'officiant et les deux fiancés.





    ____________




    Jour J, ou la fin des haricots.



    Citation:
    Nous vous invitons à célébrer les épousailles de Catalyna Troubetskoï et de Gabriel en Provence, à Marseille, le 27 juin 1464.
    Venez quelques temps avant le crépuscule, sur la plage de la ville, bien vêtus de préférence.

    En espérant vous retrouver pour ce jour important.

    Catalyna et Gabriel.



    C'était maintenant, aujourd'hui, le jour où tout allait basculer. Bien évidemment, ça ne changerait rien, maintenant que nous étions ensemble rien ne pouvait nous séparer. Cependant, je sentais que j'étais à l'aube d'une nouvelle ère. Nous étions heureux, et ce ne serait que le début de quelque chose d'officiel, de réellement officiel. J'allais finir ma vie à ses côtés et il finirait les siens à mes côtés. Même si nos deux vies, désormais bientôt entrelacées, n'étaient pas destinées à durer bien longtemps.
    Quand mes yeux s'ouvrirent, ce matin-là, je ne me rendis pas bien compte de ce qui allait se passer dans la journée. La veille avait été des plus tumultueuses, et j'avais été au bord de la crise de nerfs lorsqu'on me contrariait. Je n'avais pas été déçue de trouver mon brun à mon réveil à mes côtés, comme il le serait pour toujours. Même si la veille j'avais manqué de le menacer de ne plus jamais dormir avec lui, je le regrettais pleinement à présent que je ne voulais que lui pour continuer à vivre, et de voir son visage chaque matin me donnait envie d'avancer encore et encore, de vaincre mes démons, et d'exploiter mes capacités à fond, comme cette soirée. Cette soirée chaude de fin de printemps où nous avions pu s'exercer à fond, il avait vu ce que j'étais sous toutes mes coutures, sous toutes mes tares et dysfonctionnements.


    Les invitations avaient été envoyées, et lorsque j'avais réussi à me résigner à quitter la chambre je m'étais emparée de ma robe de mariée pour rejoindre une autre chambre et m'y préparer. J'avais alors décidé d'envahir celle que j'avais louée pour la préparation, celle où Actyss me rejoindrait. En attendant, j'étais seule, face à mon stress croissant. L'appréhension était tellement grande qu'elle avait tendance à me paralyser. Je déposais avec soin la robe qui m'était destinée et que Gab par je ne sais quel miracle avait réussi à dénicher. Il me réservait d'ailleurs beaucoup de surprises, et moi à croire que je n'étais qu'une incapable, je ne savais comment m'y prendre à me préparer.
    Actyss n'étant pas encore là, je me décidais à aller faire un tour sur la plage, discrètement, pour voir. Mais arrivée en bordure, je changeais d'avis. Je décidais d'aller sur le port, retrouver notre officiant. Je le retrouvais, accoudé à une table, en train de jouer aux cartes. Je lui rappelais ainsi qu'il avait quelque chose de prévu ce soir, et que je tenais et exigeais qu'il ne soit pas trop imbibé. Il s'était aussi occupé de la barque, ce qui nous avait ôté une belle épine du pied. Je retournais à la chambre quand le soleil était au zénith et je grignotais un épi de maïs sur la place de la fontaine avant d'y rentrer pour prendre un bain.


    Longuement, je m'étais décrassée, puis je m'étais séchée, avant de rester nue devant la robe que je me devais d'enfiler. Elle était somptueuse, d'un vert émeraude qui irait parfaitement avec mes yeux, et une ceinture blanche remontant les couleurs de base que je désirais. J'étais ravie par l'effet que je donnerais. Magnifique, à coups sûrs une fois que je serais coiffée et parfaitement apprêtée. Je tenais à être la plus jolie alors je mettais tous les efforts que je pouvais, et je comptais aussi sur l'aide d'Actyss, qui devait me rapporter des fleurs blanches de façon à les tresser dans mes cheveux. Je l'enfilais, maintenant. Le tissu tombait parfaitement sur ma silhouette, la ceinture permettait de souligner ma taille et l'élargissement de mes hanches. Je n'avais plus l'habitude d'être vêtue aussi somptueusement, j'avais tendance à m'entraver dans le tissu. J'avais soigneusement décidé de ne porter aucun dessous. Je voulais m'offrir entière à l'Homme qui partagerait ma vie, sans aucune superficialité. Cependant j'avais tout de même voulu conserver quelques armes sur moi, parce que sans, je n'aurais pas pu survivre à une telle journée. Je tournais en rond, tantôt câlinant mon canard, tantôt regardant par la fenêtre. Quand on frappa enfin à la porte, en fin d'après-midi, je commençais intérieurement à ruminer. Ce n'est que lorsque je découvris Actyss de l'autre côté que je l'entraînais vivement à l'intérieur.


        - Mais où étais-tu? Il faut que je me coiffe! Tu as les fleurs, dis? Qu'est-ce qu'on va faire? C'est assez bien? La robe je veux dire, elle me met en valeur? Tu crois que ça ira comme ça?



    Oui, j'étais bel et bien nerveuse comme jamais.


    *Ne t'approche pas plus près ou je devrais partir,
    Certains endroits m'attirent comme la gravité,
    Si jamais quelqu'un pouvait me garder à la maison,
    Ce serait toi.

_________________






















    Actyss
    « L'amour est une fumée formée des vapeurs de soupirs :
    Purifié, c'est un feu dans les yeux des amants,
    Agité, une mer nourrie des larmes des amants ;
    Et quoi encore ? La folie la plus sage
    Le fiel qui nous étouffe, la douceur qui nous sauve. »



    Je me souviens très bien de mon propre mariage. Avec plus d'acuité que de coutume, puisque je m'apprête à assister à une cérémonie du même type. J'aurais ainsi l'occasion de voir les deux cousines rousses prendre époux. Alicina en mai, Catalyna en juin. Sauf que cette fois est différente de l'autre, puisque je fais partie des organisatrices, ou à peu près.
    Avant de rejoindre mon amie, j'achève de me préparer. Je fais soigneusement ma toilette, puis j'enfile une robe d'un rose poudré fort seyant. Une ceinture brune m'enserre la taille, redevenue fine à force d'exercice, après l'accouchement. Comme il fait chaud, les manches, courtes, me dégagent les épaules. Pour l'occasion, je consens même à porter des chaussures. Je tresse mes cheveux en plusieurs nattes que je remonte toutes en un chignon noué sur la nuque. J'y pique quelques grosses marguerites, et m'estimant enfin prête, je gagne la chambre voisine. Où Catalyna m'attend.

    J'ai à peine le temps de poser mon panier par terre que je suis happée à l'intérieur en poussant une exclamation de surprise. J'étudie la mise de mon amie, réarrange un pli, et tente un sourire rassurant. Je me souviens que le matin de mes propres épousailles, j'avais tout simplement envie de rester au lit. Je ne voulais plus y aller. Et si ma mère ne m'avait pas forcé à m'habiller, je ne serais pas sortie de la chambre. L'angoisse... Quitter ce statut délicieux de jeune fille libre pour devenir une épouse... Cela m'avait fait peur. Et puis je me posais des questions, je m'interrogeais. Une fois devant l'autel, cependant, mes doutes avaient fondu et je m'étais traitée de folle. Folle d'avoir hésité, folle d'avoir voulu tout annuler. Maman se moque encore de moi aujourd'hui, chaque fois qu'elle y pense.

    « Tu es parfaite. Tu es magnifique, dans cette robe. S'il n'est pas déjà fou de toi, il le deviendra dès qu'il te verra. »

    Je prends les choses en main. Je joue le rôle de ma mère, ce qui me fait drôle. Je suis mère mais j'estime avoir le temps avant que ma fille ne se marie à son tour. Fermement, je conduis Catalyna jusqu'à une chaise et l'y fais asseoir.

    « Je vais te coiffer. Et j'ai les fleurs, évidemment. »

    Je désigne le panier du pouce, et me saisis d'un peigne. Je démêle soigneusement les derniers nœuds qui subsistent toujours au premier brossage, et entreprends d'organiser l'épaisse masse rousse en quelque chose qui ressemble à la jeune fille. Je commence par tresser deux petites nattes de chaque côté de sa tête, pour les réunir sur sa nuque, vers la gauche. De là, je sépare ses cheveux en deux portions et lui natte épis la tresse qui retombe sur son épaule, que je fais tenir par un lacet de cuir, recouvert d'un fin ruban vert. Je plante une fleur dans le nœud, pour faire plus joli.

    « Là, tu es définitivement parfaite. La plus belle mariée au monde. »

    J'ôte de mon panier le bouquet de fleurs que j'ai réalisé pour mon amie. Une superbe brassée de fleur d'oranger, qui dégage un merveilleux parfum, le tout garni de lierre. Ainsi, la fleur représente la pureté de la mariée, et les feuilles en cœur le lien indéfectible que vont nouer les fiancés. Je replace une mèche de cheveux, pour qu'elle retombe bien.

    « Moi aussi, je me suis mariée en vert. » fais-je, pour la distraire. Puis j'enchaîne. « On y va dès que tu es prête. Le crépuscule sera bientôt là. »


    Roméo & Juliette - Shakespeare
    --Larah_gabriel



    Je pourrais vous dire que c’était par un beau et paisible matin de juin. L’esprit tourné vers l’avenir, je n’avais pas quitté la couche, patientant que la vie s’éveille. Mes aciers contemplaient la slave ouvrant lentement les paupières, et je lui offris le plus beau de tous mes sourires tandis que les oiseaux gazouillaient comme pour en ajouter à ce décor idyllique.

    Belle image, n’est-ce pas ? Mais certaines réalités en cachent d’autres. Aussi, en y regardant de plus près, les choses étaient un tant soit peu différentes.

    Si le temps s’annonçait clément, la journée, elle, n’augurait rien de paisible. J’étais en ébullition, si nerveux qu’il fallait que je me fasse violence pour ne pas trop m’agiter. J’étais épuisé et coincé dans ce fichu lit, prenant sur moi pour que certaines puissent recouvrer quelques forces après une nuit mouvementée et emplie d’hostilités. J’essayais de me concentrer pour mettre un peu d’ordre dans ma tête et planifier le programme de ma journée bien trop chargée, mais ces foutues mouettes avaient décidé d’en ajouter à mes tourments et refusaient de fermer leur bec. Tant et si bien que je me disais qu’au soir, ce n’était peut-être pas un poulet que j’allais égorger, mais bel et bien l’un de ces fichus volatiles, par pure vengeance envers toute son espèce. Le sourire que j’avais offert à Catalyna était forgé de toutes pièces dans l’espoir de me faire pardonner mes petites fantaisies nocturnes. C’est qu’en fait, dans mon dos, il y avait une troisième personne que j’avais imposé à ma Rousse pour la nuit.

    Là, je pense qu’il faut que je m’explique afin que vous vous ôtiez immédiatement vos idées indécentes de la tête. J’avais condamné Larah à rester attachée à mon poignet comme cette tête de mule s’était mis dans l’idée de déclarer quelques incendies en cadeau de mariage, pensant sans doute me faire plaisir. Comme je n’avais pas trouvé le moyen de lui faire démordre de ses ambitions par la manière douce, la conserver prisonnière avait été la seule option que j’avais trouvé pour éviter qu’elle ne provoque des catastrophes. C’est ainsi que j’ai traîné la Pestouille avec moi toute la journée durant.


    Liste de mariage : “Couronnes de fleurs des champs, deux.”

    D’abord, il avait fallu attendre le départ de Cat’ pour pouvoir ouvrir le placard et décharger le matériel pour le charger dans la charrette et ainsi le mener jusqu’à la plage. Arnauld y avait installé les troncs d’arbres qu’il avait coupé afin d’en faire des assises pour les invités. Nous y rendant, nous fîmes un détour par les pâturages afin d’y cueillir des fleurs des champs et de les tresser en couronnes. Le charme de la nature bucolique dans son plus simple appareil : De hautes herbes grasses, clairsemées de leur floraison répandant son parfum, quelques animaux venus paître, la douce brise d’un début de matinée… et surtout, Larah et moi.

    Non, ça ce sont des chardons, ça ne va pas être possible.
    Mais si, c'est très beau !
    Je t'ai dit non. En plus, ce n'est... ni rose, ni violet, c'est juste très laid. Tu n'as vraiment aucun goût, c'est affligeant.
    Si ! Au-dessus des épines, c'est violet, d'abord ! C'est toi qui n'a pas de goût ! C'est bien mieux que les roses !
    Il n'y a pas plus belle fleur des champs que les roses, voyons !
    Mais Gabriel, y'a pas des roses dans les champs, t'y comprends rien ! Les roses c'est pour les nobliots 'façon ! R'garde, y'a des coquelicots !
    Mais ils sont rouges, je ne vais pas infliger du rouge à Catalyna tout de même !
    J'sais pas, moi ! On a qu'à prendre d'la lavande là ! Coquelicot et lavande ensemble, c'serait trop beau.
    J'ai dit pas de rouge, et la lavande, c'est une excellente idée si je veux que Cat' me tue. Elle déteste ça.
    Alors, les chardons c'est très bien !


    Bien entendu, comme j’excellais indubitablement dès qu’il s’agissait de jouer de mon autorité paternelle, j’eus le dernier mot. Ainsi, nous repartîmes, comme je l’avais prévu dès le départ, avec de magnifiques roses blanches. Bon, d’accord, ce n’était pas des roses mais des fleurs d’églantier que Larah avait trouvé. Mais elles étaient tout de même blanches !
      Au moins, nous avons pris de vraies fleurs. Pas des roses blanches comme l’voulait Gabriel ! Et maintenant que nous les avions, il fallait en faire des couronnes. C’était plus difficile que de les ramasser, car je ne sais pas du tout comment on fait. Je les regarde puis zieute Gabriel, dubitative. Lui, c’est un grand ! Il sait sans doute !
    T’sais comment on fait toi ?
    Et bien, c’est à dire que… euh… je suppose qu’il faut que… Et si nous les tressions ?

      L’avait drôlement l’air de pas savoir, en fait. Je tortille la bouche.

    Comme les ch’veux ?!
    Oui, voilà, exactement ! Comme les cheveux. Sauf que là, en principe, il faut que ça tourne en rond… non ?
    J’sais pas, moi ! Faudrait pas un fil pour attacher les tiges ensemble ?
    Un fil pour les attacher ? Mais on parle d’une couronne, pas d’un bouquet… Oh, à moins que, j’ai bien des rubans, ceux que j’utilise pour coiffer, ça devrait convenir, je pense.
    T’te coiffes avec des rubans ?!
    Non, pas moi. Ai-je une tête à porter des rubans, franchement ? C’est pour ceux que je coiffe.
    S’tu l’dis !

      J’étais certaine qu’il portait des rubans dans ses cheveux en cachette mais l’avait tellement honte qu’il n’osait pas le dire. Un jour, peut-être que j’aurai la preuve de ça et j’pourrais le dire à tout l’monde ! J’en parlerai à Cat’ pour qu’elle l’surveille, tiens !
      Pendants des minutes et des minutes, on a essayé de faire des tresses mais finalement, on a réussi à faire des couronnes. Certes, elles n’étaient pas parfaites mais c’était quand même ça !

    Les témoins : “Actyss et Anzelme”


    Maintenant que nos sublimissimes couronnes parfaitement parfaites étaient achevées, et non sans avoir bien remis en place un pétale réfractaire du bout d’un doigt expert, il était temps que nous reprenions notre route dont le second détour consistait à effectuer la livraison de notre oeuvre.
    D’abord, Actyss. Sur le trajet, je me grignotai la lèvre, tout à ma réflexion. Si j’avais finalement su trouver le moyen de répondre à la majorité des exigences slaves pour notre mariage, contournant de temps à autre les difficultés avec une habileté certaine, ce dont elle avait tenu à me déchargé m’avait valu quelques peines. En l'occurrence, je songeais à Arnauld qui avait pris mon ego en otage en plein milieu d’une taverne en me disant que si je voulais le payer pour la préparation des troncs d’arbres commandés par Cat, je pouvais. Bien sur, il était hors de question que je passe pour un pingre ou un pauvre devant tout le monde. Certes, je n’étais pas riche, j’étais même complètement fauché, mais ce n’était pas une raison ! Une fois encore, j’avais trouvé un moyen de contourner le problème et avais récupéré les finances d’une manière plutôt efficace. Pourtant, je l’avais toujours en travers de la gorge. Je ramenai les aciers sur Larah.


    Tu crois que celle pour Actyss, on devrait plutôt la livrer à Arnauld et la lui faire payer ?
    ‘videmment ! C’est sa femme, nan ?
    C’est surtout qu’il a eu le culot de me faire payer pour quatre bout de bois. Non mais sincèrement, vingt écus ! C’est pas abusé ?
    J’dis, fais-le payer et après, on va lui voler des z’écus !
    Voler des écus…
    Je levai les yeux au ciel, dépité. La rapine est tout juste bonne pour les gagne-petit et les truands de bas étage.
    Oui mais tu récupérerai tes écus ! T’comprends rien, pff. Et Anzelme, l’aura aussi une couronne de fleur ?! ça lui irait trop bien !
    Je ne sais pas où et quand tu as vu que je lui donnais “mes” écus, mais ce qui est certain, c’est que je les récupérerai, et ça se fera à ma manière. Quant à Anzy, oui, mais là c’est une autre affaire. Il va falloir qu’il accepte de la porter et sans faire la tête. Autant dire que ce n’est pas gagné d’avance.
    On a qu’à l’assommer et lui clouer la couronne sur la tête !

    Je levai un sourcil en l’observant longuement comme je me demandais combien d’absurdités pouvaient bien être contenues dans une tête pourtant encore si petite et si jeune.

    Dis-moi, as-tu seulement conscience que d’une part, c’est de mon frère dont il s’agit, et que d’autre part, je doute que quiconque soit enclin à sourire après s’être fait assommer et clouer quelque chose sur le crâne ?
    Bin, on lui dira pas !
    Nop, bien sur. Il est évident que comme Catalyna a parlé des couronnes de fleurs et que justement nous nous marions aujourd’hui, il n’y a au-cune chance qu’il fasse le lien entre ces faits.


    Finalement, j’ai opté pour des décisions un tant soit peu plus sages. Ainsi, j’ai détaillé à Arnauld les moult péripéties qui furent notre dans la conception de l’oeuvre que nous lui portions, et qui valaient bien deux jours de travail, soit le double de ce qu’il m’avait pris pour ses quatre troncs d’arbre. Quant à Anzy, j’ai joué de mon charme fraternel en lui adressant des yeux de chaton mouillé et en lui expliquant à quel point ce jour était important pour moi et en lui rappelant à quel point j’étais fier d’être son frère, que je serais toujours là pour lui en cas de problème, ou pour donner un avis… le tout avec un sourire entendu, et la gamine toujours attachée à moi. J’avais déjà prévu ma réponse d’avance, si d’aventure la question venait à se poser : “Je tente de concrétiser métaphoriquement l’idée subtile de la terminologie et de l’étymologie des liens sacrés du mariage… c’est très compliqué, mais en résumé, je m’entraîne.”
    --Larah_gabriel
    Liste de mariage : “Nous irons alors en barque, à un mètre de la plage, pas plus. [...]
    Nous aurions des lampions partout dans l’eau, dans les arbres, pour éclairer quand la nuit tombera.”


      Après avoir livré les couronnes de fleurs, nous avons pris la direction de la plage, où la barque était proche de l’eau. Les troncs d’arbres étaient en place. J’observais la mer avec un intérêt certain, parce que j’ai trop envie de monter sur un bateau et de naviguer. La mer, c’était un autre monde ! Et si - à partir du moment où on l’éloigne de la plage et qu’on part dans le lointain, on entre dans un endroit où nous croisons personne mais que les âmes nous accompagnent, décidant si nous devons les rejoindre ou pas ! C’est peut-être même eux qui commandent les vagues ! Je secoue la tête pour reprendre mes esprits et regarde Gabriel.


    T’veux qu’on fasse quoi ?
    Pour commencer, il faut que je mette la barque sur l’eau pour la fixer, que j’installe des flammes autour, et il en faudra aussi dans les arbres…
    Dans l’eau ?! J’sais même pas nager !
    Si je te détache, me promets-tu de bien te comporter ?

      Enfin ! J’esquisse un sourire qui se veut angélique même si je ne sais pas trop faire.

    ‘videmment que oui ! J’me comporte tout l’temps bien !
    Évidemment, ce qui justifie qu’il m’a fallu t’attacher pour que tu ne fasses pas de bêtises ! Alors, je te préviens jeune fille, au moindre écart, je te rase les cheveux et je t’attache par les pieds à une branche la tête en bas pour t’y faire sécher comme du poisson. Est-ce bien clair ?

      Je veux croiser mes bras mais je ne peux pas et je grogne, en le toisant

    Mais oui, c’est bien clair ! Pis hier soir, c’était même pas d’ma faute ! J’voulais tout brûler pour vot’ cadeau d’mariage mais t’es jamais content ! J’te ferai pu d’cadeau puisque c’est comme ça !
    Mais si tous tes cadeaux sont ainsi, je te conjure de ne surtout pas m’en faire, justement !

      Je marmonne dans ma barbe que je n’ai pas, mais il finit tout de même par me détacher. Je me frotte le poignet. La prochaine fois, je ne lui dirai rien du tout et j’irai quand même cramer une taverne ! Peut-être qu’il n’ose pas avouer que ça lui ferait plaisir à cause des villageois !

    En tout cas tu es prévenue. En attendant, tu peux tenter de trouver une solution pour éclairer les arbres. Il y a ce qu’il faut dans la charrette.
    Oui, t’peux compter sur moi !


      Je file sans demander mon reste jusqu’à… la charrette. J’pourrais me venger et le laisser planter là tout seul mais j’peux bien avoir pitié pour la journée de son mariage. J’prends les bougies et regarde les fameux arbres. Comment faire ? Et j’parie que j’ai même pas le droit d’foutre le feu aux arbres alors que ça arrangerait largement le problème ! Je m’occuperai après de placer les bougies dans l’arbre. D’abord, il fallait que j’assure ma montée dans l’arbre et ce n’était pas du tout un problème, parce que j’étais devenue la reine de l’évasion à l’orphelinat et j’ai dû grimper des arbres difficiles. J’attrape une corde, fait un nœud à un bout et teste sa solidité, avant de le lancer à la branche la plus haute que je puisse. C’est parfait !

      J’attrapais de petites ficelles et des bougies en les mettant dans un sac, avant d’attraper les deux parties de la corde et de placer un de mes pieds dans le noeud. Il fallait être rapide sinon j’allais tomber. Je grimpais à la corde et plaçais mon pieds contre le tronc en continuant ma progression et me hissais sur une branche assez solide. J’attachais une bougie à une petites ficelle, avant de prendre le tout et d’attacher la ficelle à une petite branche. Je regardais la bougie pendre dans les airs et me dit que ça devait être bon ! J’avais trouvé la solution. Je plaçais trois bougies à chaque branche et allait de plus en plus haut. Dès que j’avais terminé un arbre, j’allais à un autre pour faire la même chose. Dès que j’eus terminée, je descendis de l’arbre et me collait contre lui, les bras croisés en attendant que Gabriel termine.

    Je jetai un dernier regard vers elle en me demandant si elle avait bien retenu la leçon, cette fois. Décidément, cette petite aussi finirait par me rendre dingue. Mais pour le moment, j’avais encore beaucoup à faire. Après m’être déchaussé et avoir ramené mon matériel au bord de l’eau, je vérifiai que la gamine se trouva suffisamment loin et occupée pour pouvoir me permettre de me défaire de ma chemise comme je n’étais pas enclin a laisser quiconque percevoir l’état de mon corps, et encore moins une enfant. Je fixai alors deux cordes, de part et d’autre de la barque avant de la tirer vers l’eau. Au bout de celles-ci, j’allais fixer des pierres afin que les vagues ne puissent faire dériver l’embarcation. La principale difficulté était de les tendre suffisamment, mais qu’elles soient aussi suffisamment lâches pour que la barque ne prenne pas l’eau lorsque la marée monterait. Il me fallut un certain temps pour pouvoir déterminer également la distance nécessaire.

    Une fois fait, je perçais quelques trous sur la partie supérieure d’une vingtaine de coupelles en bois afin d’y glisser des ficelles, puis je les tressai avec l’idée de les maintenir à flot et leur permettre de lutter contre les courants de la même manière. Lorsque nous étions à Narbonne, j’avais pris plusieurs longues journées à me perdre en hypothèses et essais divers et variés avant de parvenir à un résultat concluant. Il faut dire que l’idée de marier l’eau et le feu était une première pour moi. Ils étaient les deux opposés, l’eau était la voie de mes Enfers, quand le feu était celle de la purification et du soulagement de mes souffrances passées, et souvent omniprésentes. Lorsque toutes les coupelles furent en place, j’y déversai un peu de sable ainsi qu’un fin galet sur lequel je fixai les bougies en quelques gouttes de cire avant de m’en retourner vers la plage, ruisselant, et de revêtir sitôt la chemise qui s’en vint se coller à mon derme. Tout en déchargeant l’épais rouleau d’étoffe avec une aisance atypique pour un homme de mon gabarit soulevant une telle charge, je ramenai les aciers sur Larah.


    Tout s’est bien passé, tu as su trouver une solution ?
    Oui. Trop fastoche ! Et quand on n’aura fini le mariage, j’pourrai mettre le feu aux arbres ?
    Non mais c’est tout de même incroyable ! Va-t-il falloir que je t’enferme ou que je te batte pour réussir à te faire entendre raison ?
    J’suis sûre qu’au fond d’toi, t’veux bien !
    Mais qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour que tu comprennes qu’ici c’est chez moi et qu’on ne met pas le feu chez soi !!! Raaaaaaaah. Tais-toi et aide-moi, plutôt, avant que je ne m’énerve !
    T’es vraiment jamais content, toi ! J’fais tout pour t’faire plaisir et tu m’engueules tout le temps ! C’est pas juste. Puisque c’est comme ça, je m’en vais et tu me reverras plus jamais !
    Oh, arrête un peu, s’il te plaît ! On croirait entendre ta mère, là !
    Quelle mère ?!


    Je me figeai soudain, crispé, et la joue en proie à de légers spasmes nerveux.

    Je… rien. Je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça. Tu finis par me faire perdre la tête. M’aideras-tu à placer ces fichus voilages, oui, ou non ?
    Quand j’te disais que t’es vieux ! C’est la preuve, t’perds la boule ! Oué, j’vais t’aider !
    Oui, et pendant ce temps, comme toi tu es jeune et intelligente, essaye de me trouver ce qui peut voler grâce au feu.
    On fiche une torche sous les fesses de Niallan ?!


    Tandis que je lui présentais une extrémité du tissu et commençai à dérouler, je relevai les yeux à sa réponse qui finit par me faire éclater de rire.

    Le pauvre a déjà suffisamment donné. Aurais-tu une idée peut-être un peu moins extrême ?
    Hm… On a qu’à kidnapper des insectes et leur mettre le feu ?
    Tu es d’une cruauté quand tu t’y mets ! Et puis, ça serait impossible, je ne peux pas être en train de me marier et incinérer des insectes dans le même temps. Non, je n’arrive pas à savoir de quoi Cat voulait parler, mais il faut trouver.
    Des tissus qui brûlent au vent ? Ou alors, on pend quelqu’un et on lui met l’feu !
    --Larah_gabriel
    Liste de mariage : “Ensuite, nous aurons un grand repas, avec de l’alcool. Chacun amènera à manger, et on fera un feu sur la plage.
    Nous pourrons rire ainsi entre amis.
    Ils amèneront des cadeaux aussi, et du bonheur.”


    Je fronçai les sourcils en continuant d’étendre l’étoffe sur les assises, la considérant du coin de l’oeil. Elle avait toujours fait preuve de rejet envers les Hommes et accumulait les bêtises, mais plus le temps passait, plus je lui découvrais une attirance indéniable pour la violence, sous toutes ses formes.

    Est-ce que tu aimes faire du mal aux autres ?
    Oui, c’est marrant, surtout quand ils ne sont pas contents !
    Mais il y a une sacré différence entre se montrer désagréable au possible et tuer quelqu’un par pur plaisir.
    J’ai jamais tué personne, moi !
    Et la personne que nous pendrons et brûlerons, qu’adviendra-t-il d’elle, dis-moi ?
    Elle va crier et puis, elle va puer ! Donc on n’ira la jeter dans l’eau quand l’mariage sera fini !
    Sauf que d’ici là, elle sera morte.
    C’est pas grave ! Elle ira r’joindre ceux qu’elle aime !


    Je redressai la tête, le visage masqué d’un sourire presque stoïque, et tirai la dague à ma cuisse pour trancher l’extrémité de l’étoffe.

    Oui, tu as raison, ça peut être amusant. Je propose que l’on me pende et que l’on me brûle, ainsi, tu t’amuseras bien et ça ne sera pas trop grave, j’irai retrouver des personnes que j’aime.
    Mais toi, ce n’est pas pareil !
    Ah ? Mais en quoi est-ce différent ?
    J’veux pas que tu brûles, parce que toi t’es un Vrai… C’serait trop triste !
    Mais sur quoi te bases-tu pour pouvoir prétendre que ma vie vaut plus ou mieux que celle d’un autre ?
    Les autres, je m’en fiche.
    Donc tu ne vaux pas mieux que ceux qui se fichaient de toi. Je vais installer les tables, il y a une robe pour toi dans la charrette. Va t’habiller.
    Une robe ?! J’porterai JAMAIS une robe ! T’peux toujours rêver !
    VA METTRE CETTE ROBE IMMEDIATEMENT !!! … ou va t’en.


      Je me fige en le regardant. Non mais quelle puce infestée l’a piqué ? Je croise les bras, bien décidée à ne pas mettre cette robe et vais m’asseoir à côté de la charrette, en fixant ce qu’il fait. En plus, il devait être complètement bourré pour s’être dit qu’il allait me faire porter une robe. Je lorgne vers le sol, ne comprenant pas ce que j’ai fait de mal. Il n’a peut-être pas aimé l’idée de cramer quelqu’un sur un arbre, parce que ça risque de mettre le feu aux feuilles de l’arbre, peut-être ! Je me tortille la bouche. J’aurais dû lui proposer d’le cramer sur un toit. Quoique non, ça risque de prendre un sacré feu aussi. Ho et puis, l’a qu’à trouver tout seul aussi !

      Il me fait la tête. J’ai aucune envie de mettre cette robe. Et il dit que si je ne mets pas cette robe, je dois m’en aller. C’est un problème ! Berdol. Je soupire. J’vais la mettre cette sale robe mais ce sera à ma manière ! J’attrape le vêtement pour le regarder. C’est vraiment trop la honte si j’porte ça ! Je sors d’une de mes poches du charbon et commence à dessiner ce qui devrait ressembler à un oiseau mais… ça ne marche pas vraiment ! Comment faire ? J’attrape des ciseaux et commence à couper n’importe comment le bas de la robe et lacère deux fois des deux côtés de la robe. C’est parfait !
      Sans même enlever mes braies et ma chemise, j’enfile ma robe et grimace. C’est moche mais c’est pour faire plaisir ! Si j’avais pas fait ce que j’ai fait, ça aurait été encore plus moche je suis certaine !


    Le son distinctif des ciseaux ne m’avait pas échappé, et je me redressai lentement après avoir fixé la dernière bougie sur l’un des plateaux reposant sur ses tréteaux. Je ne me sentais pas la force de me retourner, osais même à peine respirer. L’ongle du pouce jouant frénétiquement sur le bord du bois, je tentais de me convaincre que ce que j’avais entendu n’était pas ce que j’avais entendu, et qu’elle n’avait pas fait ce que je pensais qu’elle avait fait. Cela ne devait être en fait qu’une réminiscence survenue de façon impromptue à l’oreille du barbier que j’étais. En somme, j’étais mal, et lentement, le noeud que j’avais au tripe s’étendait pour m’enserrer la gorge. Non pas que je fus un jour matérialiste, loin de là, mais que j’avais pris tant de temps, mis tant de patience, rongé tant de mes heures de sommeil déjà si peu nombreuses pour parvenir à confectionner ma tenue, la robe de Catalyna, mais aussi celle de Larah. Les trois avaient été travaillés dans ces mêmes soies qu’Alaynna m’avait donné. Non, c’était impensable, juste le fruit de mon imagination, elle ne pouvait pas m’avoir fait ça. Jusqu’au bout, jusqu’au dernier instant je tentais de m’en persuader, mais entre l’esprit et les faits, la marge me sauta au visage quand, au terme d’une rotation fébrile sur moi-même, je découvrir toute l’horreur de son acte.

    J’crois qu’j’vais vomir.

    C’est tout ce que je parvins à dire d’une mi-voix enrouée, allant jusqu’à manger mes mots comme le dernier des charretiers. Peut-être était-ce là une adaptation inconsciente de mon langage qui tendait à s’accorder avec ce que je voyais.

    T’as mangé quelque chose de pas frais ? L’est trop belle ma robe, merci !
    Effectivement, il y a certaines choses que je peine à digérer… Faisons une chose simple. Je finis d’installer, et toi, tu évites de me parler et de m’approcher.
    Mais Gabriel…
    Il n’y a pas de mais qui tienne. Ce n’est pas la peine d’insister, tu ne respecteras jamais rien.
    J’suis désolée… J’voulais pas t’faire de la peine…


    Je me contentai de hausser une épaule avant de me diriger vers la charrette en vue de commencer à installer les victuailles. Je ne lui adressais plus un regard, préférant éviter d’avoir à contempler le massacre auquel elle avait procédé, mais mon pied s’arrêta juste avant l’un des morceaux de soie qui gisait et mes aciers s’y attardèrent un instant.

    Je suppose qu’il n’est plus nécessaire que je cherche à te coiffer non plus, j’aurais au moins gagné un peu de temps pour aujourd’hui, cela compensera.
    Je ne recommencerai plus et j’veux bien que tu me… coiffes… Comme ça, j’serai plus belle à ton mariage ! T’vas quand même pas m’laisser avec mes cheveux, hein ? Puis si tu ne me coiffes pas, tu sais que les poux vont revenir !

    La lèvre était furieusement rongée tandis que je faisais mes aller-retours pour tout mettre en place et prenais le temps de me reprendre, quitte à me fondre en un long et lourd silence. Ce n’est qu’après avoir déposé les bouteilles et transporté les fûts que je finis par me résigner, par dépit.

    Remets tes braies par dessous, je vais voir si je peux rattraper quelque chose à ta bêtise !
    Heu bien...


    Pour lui laisser le temps de les enfiler -car bien sur, je n'avais pas relevé le sous-entendu derrière son "heu bien" qui avait la consonance d'un "non mais tu débloques, vieux, je les porte toujours, mes braies"- je grimpai dans la charrette pour aller fouiller mon baluchon et en sortir mon nécessaire de coiffure afin de le préparer sur le côté. Puis, je relevai finalement le bas de la robe pour en attaquer les coutures par le dessous, de la pointe de ma dague, à hauteur de ceinture.

    Ne bouge pas, surtout. Qu’est-ce qui a bien pu te passer par la tête ?
    Je ne voulais pas la porter car c’était trop la honte… mais j’voulais quand même te faire plaisir alors… j’voulais la rendre comme moi.
    Mais quelle honte y a-t-il a porter une jolie robe ? Tu n’es pas un garçon.
    Les robes, c’est pour les nobles et pour les paysannes ! J’suis aucune des deux. J’suis un Rat d’la Cour et les robes, c’est quand t’es pas obligée de courir. C’est quand t’es gentille et que tu obéis à tout ! Je ne suis pas ça.
    Tu n’es ni noble, ni paysanne, c’est vrai. Mais tu n’es pas non plus une vermine. Tu es une jeune fille, et pas n’importe laquelle. Il n’y a qu’une Larah, une seule Toi. Rien ne t’oblige à devoir tenir l’apparence d’une souillon pour te confondre avec d’autres souillons. Tu n’es plus la petite orpheline coincée entre quatre murs, c’est derrière toi, tout ça.
    Bin j’sais pas, moi… Toutes les grandes brigandes, elles n’avaient pas d’robes aussi !
    Alors tu ne dois pas en connaître beaucoup, ou en tout cas, pas les plus efficaces. S’il s’agit de se montrer en braies pour laisser croire qu’on est important, ce n’est jamais que de la représentation, et moi, ça ne m’impressionne pas du tout.


    Bientôt, le bas de la robe fut scindé du reste pour ne laisser que le bustier rattaché au corsage. Je coupais alors un morceau de chute que je repliai en trois sur toute sa longueur pour lui en faire une ceinture avant de l’observer avec un fin sourire, accroupi face à elle.

    Si tu es vraiment un Rat, en tout cas, tu es le plus joli petit rat que j’ai jamais vu avant.
    Heu oui. Peut-être… Dis, t’es sûr que t’es pas une fille, en fait ?
    Tu vois, c’est exactement ça. Personne ne peut savoir ce que je suis. Un noble ? Un gueux ? Un homme ? Une femme ? On me pense même gentil, bien souvent. C’est là qu’est ma force. Quand je dois passer à l’assaut, personne ne s’y attend.
    Oué… enfin, c’est que les filles qui font d’la couture normalement… De toute façon, t’es étrange.
    Je suis peut-être bizarre, mais entre toi et moi, si un jour au terme d’un combat ou d’une course l’on se retrouvait avec les braies déchirées, de nous deux ce n’est pas moi qui me baladerai les fesses à l’air et qui aurai la honte.
    Je suis certaine que tu me recoudrai avant toi, parce que tu n’auras pas envie qu’on voit mes fesses à l’air !
    Bien sur, Trésor...

    Je me redressai pour m’emparer de ma brosse afin de commencer à la coiffer.
    Mais tu t’en vas ce soir, et je ne serai pas là pour te recoudre le jour où ça arrivera. C’est pour ça qu’il est préférable d’apprendre à savoir tout faire, autant que possible.
    Aiiiiiie ! Mes cheveux… T’fais mal ! Laisse comme ça, c’est trèèès bien. J’suis jolie, t’as dit !
    Misère… Moi qui pensais que tu étais une Vraie. Même les petites nobliottes que je coiffais m’épargnaient de telles jérémiades.
    Parce qu’elles étaient coiffées avant ! Elles passent leur vie à ça en se goinfrant de macarons qui les rendent grooooosse.
    Encore une erreur. Tu es décidément pleine de préjugés. Si tu savais le nombre de jeunes nobles qui se privent de manger et souffrent de la faim simplement pour être maigres dans l’espoir d’échapper aux mariages qu’on leur impose.
    Si tu le dis ! J’vais pas les plaindre.
    Il n’empêche que Cat’ a raison lorsqu’elle dit que tu es une chochotte.
    Chochotte toi-même ! J’suis une dure mais là, c’est pas pareil. T’sais pas coiffer !


    Je me fendis d’un fin sourire en refermant le ruban vert émeraude qui maintenait ensemble les deux tresses enracinées sur le pourtour de sa tête, satisfait d’avoir su la distraire pendant que je m’étais attelé à la tâche.

    En attendant, tu es prête, et tu viens de passer de jolie, à magnifique.
    C’est pas des conneries quand les autres disent qu’il faut souffrir pour être belle !
    Réjouis-toi. C’est une chance que tu n’aies pas souffert pour rien comme c’est souvent le cas pour bon nombre.
    Quand ils sont vraiment moches, c’est sûr que c’est même pas la peine !


    Ainsi la journée allait bientôt décliner. Je m’apprêtai à mon tour et repoussai la charrette pour la laisser gésir près des arbres. Il ne nous restait plus qu’à patienter les arrivées et je n’en finissais plus de bavasser pour tromper l’angoisse pernicieuse qui n’avait de cesse de croître.
    Alaynna
    Un mariage.

    Je n'ai pas l'habitude d'aller à ce genre de cérémonies. Je n'ai encore jamais assisté à un mariage. Sauf le mien. Qui fut tout ce qu'on veut sauf un mariage traditionnel. Et d'une parce que le marié est arrivé portant un curé sur l'épaule complètement défait. Et puis surtout, parce que ce jour là, je recevais une lettre de Niallan. Et qu'à peine le oui prononcé, - quoique je dois avouer que je n'ai aucun souvenir de l'avoir dit ce foutu oui solennel tellement j'étais dans tous mes états après la lecture de cette missive - ; je fonçais dare dare sur Pau, entraînant avec moi le Corleone, parce que j'avais une affaire à régler avec le blond.
    Même lorsque mon frère s'était marié, je n'étais pas là. Sans doute pour ça que son mariage n'a pas tenu la route par la suite. Moi si un jour je me maries, mais que je me maries vraiment je veux dire, je voudrais et j'exigerais que mon frère soit présent. Parce que nul autre que lui ne pourrait me mener à l'autel. Ou plutôt près d'un gouvernail, sur un navire parce que je ferai aussi un caprice, et taperait du pied comme une petite fille, pour me marier sur un beau bateau. No. Ce n'est pas vrai. En fait ça, c'est Niassi, ma petite soeur, qui se comporterait de telle manière.

    Bref. Aujourd'hui c'est jour de mariage de mon presque frère et je réalise combien mon propre frère et ma jeune soeur me manquent alors que je n'en laisse jamais échapper le moindre soupçon dans mon attitude ou dans mes paroles.
    C'est la première fois que je vais assister à un mariage. Et alors, vivre cette première fois aux côtés du Salaud de ma vie a une saveur quelque peu particulière.

    Dans l'immédiat, j'ai une toilette à revêtir. Et je me suis donné un mal de chien pour qu'elle me parvienne à temps et tout ça dans le plus grand secret. J'ai fait jouer quelques unes de mes relations commerciales, - y'a pas à dire, rien de tel qu'avoir une compagnie commerciale pour se faire ouvrir certaines portes - et la beauté m'a été livré la veille au soir. En provenance directe d'Italie. La soie brocardée a été traitée par l'un des meilleurs artisans Venitien et cousue par un maitre-couturier des plus réputé pour son savoir-faire. Certes, j'ai refusé de porter une robe qui outrepasse mon rang mais aujourd'hui, s'ils me voyaient, nul doute que mon frère et même mon ordure de père seraient fiers de moi. Pour une fois, mon paternel n'aurait pas honte de ce que je suis devenue.
    Parce que même si je détestais ça, à contrario de ma soeur Niassi qui se comporte comme une véritable princesse, notre père avait la sale manie à mes yeux de nous attiffer comme des poupées de salon et l'on servait de faire-valoir pour ses amis, invités et clients à chaque fois qu'il organisait une réception. Et c'était souvent que j'y avais droit. Et j'étais punie ensuite à la fin de chacune d'elles parce que je finissais toujours par saccager les jolies robes que mon père tenait à ce que je porte.
    Et plus tard, quelques temps après mes retrouvailles avec mon frère, Julian avait décidé de me faire quitter mes frusques et pour ce faire, m'avait offert toute une garde robe digne des plus grandes nobles de ce royaume, parce qu'il estimait qu'il était temps que je mettes mes atours en valeur.
    Sauf que ces robes là, je ne les mettais que lorsque j'oeuvrais à la charge d'Ambassadrice, et que je devais avoir belle apparence dans les salons diplomatiques. Je n'y peux rien, c'est ainsi, je me sens bien mieux dans mes frusques marines que dans une robe aussi luxueuse soit-elle. Je laisse ce plaisir là à ma soeur et avec grand plaisir encore. Je serai bien capable d'offrir à Niassi toutes les robes qu'elle veut pour ne pas avoir à les porter moi.

    C'est donc avec une petite pointe d'appréhension que je me mets à nu, devant le grand miroir et que je m'observe sous toutes les coutures. Parce que mettre une robe en temps normal, cela me rebute déjà mais alors en mettre une alors que je suis enceinte m'horripile au plus haut point, autant que de ne pas pouvoir monter à cheval, c'est pour dire. Je me fais tout juste aux jupons que j'ai enfin concédé à me faire confectionner parce que mon ventre et mes seins ont pris quelques rondeurs qui de toute manière, ne peuvent plus être cachées alors que je suis pratiquement au sixième mois de grossesse.

    La teinte de la robe est assortie à mes yeux. Un dégradé de bleu qui retombe de manière légère à mes pieds, laissant mes épaules et mes bras nus. J'ai choisi une robe qui ne m'engonce pas mais qui reste tout de même d'une coupe évasée sobre et discrète. Avec un décolleté qui se fait certes plus marqué et avantageux encore que d'ordinaire au vu de mon état de grossesse avancée. Décolleté qui se voit orné et mis en valeur sous la caresse de ce pendentif de lapis lazuri, serti sur une chaine d'or, que je chéris déjà de manière particulière. Le tout premier bijou offert par Niallan ne peut que faire parti de ma parure en ce jour de liesse. Des rubans légèrement perlés de bleu retombent gracieusement sur mon ventre et ma taille et je prends même soin de ramener ma masse de cheveux sombres et aussi sauvages que la Ritale que je suis, en un chignon bas indiscipliné, laissant s'échapper quelques longues mèches sur ma nuque et sur mes tempes. Je plantes quelques épingles emperlées dans le chignon histoire de lui donner un petit air Italien bien à moi, et je finis par m'asperger légèrement d'une eau parfumée aux fragrances épicées de quelques essences hors de prix que j'ai su me procurer habilement.

    C'est en laissant autour de moi un sillage délicatement parfumé d'un mélange d'iris, de vanille cannellisée et de fleur d'oranger que je regarde alors Apollo, mon molosse Danois, assis bien sagement au garde à vous avec un petit noeud bleu autour de son cou et le panier garni d'un coussin confortable, dans lequel se pavane Canard, non moins fier avec lui aussi un petit noeud bleu autour de son gracile cou.

    Je suis maintenant fin prête et mes azurées se portent sur celui avec qui je vais partager pour la première fois, une telle journée. Un peu une répétition pour le mariage à venir dans quelques jours de Ziv et Yam. C'est la saison des mariages à n'en point douter.

    Mais c'est surtout le mariage de mon presque frère et de ma seule future amie pour la vie. Mais ça, elle ne le sait pas encore, c'est une surprise que je lui réserve. Elle voulait un beau cadeau, j'ai eu beau me creuser la tête, je n'en ai pas trouvé de plus beau que celui-là parce que je commence à bien la connaitre la Slave. Quant à Gabriel, il ne s'attend sûrement pas à la tradition familiale que je lui réserve. Il ignore encore tout de ce pendentif que je lui avais offert et qui appartenait à ma mère. Je ne m'en séparais jamais et pourtant, j'en ai fait don à celui qui est aujourd'hui bien plus que mon presque-frère, puisque je le considère non pas comme un frère de substitution parce que Julian est en mer, mais tout simplement, il est devenu pour moi un second frère.

    Je regarde Niallan avec une lueur inquiète dans le regard. De toute façon je n'ai pas le choix maintenant. Soit il va éclater de rire en me voyant en robe, soit il va m'envoyer me changer en quatrième vitesse. L'idée qu'il puisse me trouver séduisante dans un tel apparât ne m'effleure pas l'esprit, étant donné que je sais qu'il me préfère avec mes vieilles frusques de pirate que dans une robe.

    _________________
    Niallan
    [On vous souhaite tout le bonheur du monde
    Et que quelqu'un vous tende la main
    Que votre chemin évite les bombes
    Qu'il mène vers de calmes jardins
    On vous souhaite tout le bonheur du monde
    Pour aujourd'hui comme pour demain
    Que votre soleil éclaircisse l'ombre
    Qu'il brille d'amour au quotidien*]


    Eh, « on » est gentils quand même. Surtout moi. Parce que vous voyez, les gars, moi, niveau mariage je suis pas plus avancé que ma ritale. Le seul auquel j'ai assisté c'est le mien. Et encore. Je me dois de rappeler que je suis arrivé complètement beurré au bras d'une autre femme que je venais tout juste de culbuter. Ma future n'était pas bien mieux remarquez, elle était avec son amant et prévoyait mentalement ma mort. Tout ça pour vous dire que je suis pas tout à fait au point sur les coutumes. Alors quand ma petite chouette autiste m'avait refourgué une « liste de mariage » longue comme le bras, j'avais ouvert de grands yeux. Et ensuite j'avais trouvé une centaine d'adjectifs bien sentis pour qualifier la future mariée. Pas devant lui, quand même. J'avais attendu d'être en train de m'occuper de la fameuse liste.

    Les alliances en argent -tressées, parce que mon Poto aussi avait eu envie de me faire tourner chèvre-, j'avais mis quelques jours. Une fois mon bonheur trouvé, je les avais bien évidemment chapardées. Et aujourd'hui, elles étaient tranquillement dans ma poche en attendant d'aller à leurs futurs propriétaires. Pour ce qui est de la tenue, j'avais grogné. Comme si j'avais une tronche à styliser les invités. Pour en revenir à mon premier mariage, la Corleone avait menacé de me buter si je ne mettais pas la tenue qu'elle m'avait choisi. C'était tellement plus simple ! Là, il fallait que je cogite. Pour au final rester classique. Mes bottes -que je comptais enlever sitôt sur la plage- et braies noires étaient au programme. Je portais ma nouvelle chemise blanche gracieusement et non volontairement offerte par une garce italienne. En sus, je portais une veste en cuir noir et l’œuvre perlée de ma ritale autour du cou.
    Vous allez me dire, ça va, je me suis pas foulé. Mais attendez. Parce que vous savez ce qu'il y a en plus des préparatifs ? Des cadeaux !

    J'avais cogité dessus des jours durant, maudissant les coutumes qui m'interdisaient d'offrir aux futurs mariés une nuit de beuverie ultime dans d'autres bras. Vector, je lui aurais offert ça, il aurait été trop content. Là, j'allais juste réussir à récolter des beignes. Alors pour une fois, je m'étais investi à fond. Pour la rousse, j'avais battu la campagne à la recherche d'un canasson jaune. Sauf qu'après quelques recherches, j'avais fini par comprendre que les chevaux jaunes ne se trouvent pas au sud. No problemo. Après en avoir capturé un plutôt beau gosse, je l'avais peinturluré en jaune. Et je m'étais appliqué. J'avais passé toute la matinée dessus. Pour mon Gabychou, j'étais retourné à Paris. Et de cette escapade résultait un coffret de bois sombre à l'intérieur duquel on trouvait une dizaine de fioles colorées en verre. Des poisons, de toutes sortes. Avec leurs antidotes. J'avais une préférence pour le Veninum Lupinum qui se composait d'un mélange de d'aconit, de taxus baccata, d’oxyde de calcium, d’arsenic, d’amandes amères et de poudre de verre mélangés avec du miel, il paraît que c'était le dada des Borgia. Non, je savais pas tout ça avant d'épouser une empoisonneuse et de retourner sur Paris. Mais maintenant, je le sais. Et tout ce qu'il y a dans ce coffret servira à garder mon pote en vie. Même que je lui ai laissé un petit mot à l'intérieur « Toi et Rouquie, vous êtes louches. Tue avant qu'on vous tue. Sauf moi. La bise ».

    C'est donc cadeaux en main -pour le canasson, c'est juste la bride que je tiens- que j'attends que l'italienne ait fini de se préparer. C'est qu'elle en met du temps. Quand je l'entends arriver, je me prépare à lui dire qu'un escargot aurait remporté la course haut la main. Sauf qu'en me retournant, j'oublie jusqu'à mon prénom. Si si je vous jure, c'est possible. Elle est tellement belle que je ne dois qu'à mon instinct de survie très développé de ne pas exploser le coffret à mes pieds et de le poser sur une chaise. Mais je suis toujours pas en mesure de parler, ah ça non. Faut pas croire, je la préfère en pirate. Parce qu'en pirate, elle est totalement elle. Mais là, oh mama, c'est plus fort que de la tequila. J'oublie canasson et mariage pour la plaquer contre moi.

    Putain c'que t'es belle. Tu pourrais détourner le Pape en personne. Alors moi, tu devais te douter que ça m'achèverait.

    Tellement que j'en ai écorché mes mots.
    Nous sommes arrivés vaguement décoiffés, ma chemise un peu plus ouverte qu'elle ne l'était. Et un large sourire au visage.
    Peut-être qu'il y a eu beaucoup de vent. Peut-être qu'on a fait golo-golo. N'empêche qu'on est à l'heure.

    A l'heure pour affirmer qu'ils ont fait du bon boulot. A l'heure pour calculer la distance qui nous sépare de la mer si jamais le feu venait à se déclarer dans les arbres -ou qu'une gamine décide de me mettre une torche sous le derche-. A l'heure pour fixer la petite embarcation, les mains entrelacées. Et à l'heure pour leur souhaiter tout le bonheur du monde.


    *Sinsémilia – Tout le bonheur du monde

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