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[RP] - Un an et pas encore toutes ses dents.

Alaynna
[Souviens-toi...] Florent Pagny

Tu ouvres déjà grand tes ailes, dans le lointain.
Et moi, j'ai comme un goût de sel au creux des mains...
Souviens-toi,
qui tu es, d'où tu viens, où tu vas,
quelque soit le chemin sous tes pas...
Souviens toi,
de garder le soleil dans tes bras,
d'oublier tous les mauvais endroits,
de rêver toujours...tu grandis si vite...



Jamais je n'aurai imaginé il y a une année que pour les un an de notre petite pirate-princesse (ouai pirate d'abord et princesse ensuite !) j'en viendrai à devoir me retourner autant les méninges.
En fait. Il doit avoir quelque part raison mon frère, quand il me dit que je suis douée pour la diplomatie.
D'ailleurs il y a un an, jamais je ne me serai imaginé que j'en serais là aujourd'hui.
No.
L'année dernière, j'aurai voulu ne jamais redescendre de ce navire et j'en suis encore parfois à me dire que j'aurai mieux fait de ne pas débarquer. C'est moi qui aurait du crever à bord de ce navire là et pas la Corleone suicidaire. J'y pense encore. Souvent. En regardant le petit plumier à l'édelweiss que je n'ai jamais rendu à qui de droit et que j'ai gardé en ma possession. Juste parce que moi aussi je les aime. La vie est quand même une vraie garce.

L'année dernière, j'ai été à ça d'être fauchée par la Mort, mais faut croire qu'elle a pas voulu de moi, et Anna-Gabriella ne l'entendait pas de cette oreille non plus. D'ailleurs, quand mammà a voulu m'emmener avec elle, c'est bel et bien ma fille qui a joué si fort de ses petits poumons qu'elle m'en a sauvé la vie.

L'année dernière, je pensais qu'avec Niallan, nous fêterions tous les ans l'anniversaire de notre fille, ensemble, tel un couple heureux, telle cette famille que nous désirions tant, lui et moi. Du moins le croyais-je à cette époque là.

Aujourd'hui, c'est l'anniversaire d'Anna-Gabriella. Et je sais que mon rêve de perfection ne sera pas de mise aujourd'hui.
Il y a quelques jours, j'ai informé Niallan que Gabriel voulait organiser une fête pour fêter les un an de notre petite pirate-princesse. Et Niallan m'a demandé s'il y aurait des invités, je n'ai su lui répondre puisque c'est Gabriel qui s'occupe de la fête. Il m'a dit qu'il voulait être présent et qu'il viendrait avec Neijin et Diego.
J'ai toujours du mal avec Neijin. Beaucoup de mal. Pour moi, elle reste celle qui m'a volé mon mari, et le père de ma fille. Elle est celle qui a contribué à faire voler en éclat toute cette famille que nous avions commencé à construire, Niallan et moi.
Alors je pourrai être aussi dégueulasse avec elle, que ne le fut l'ex-fiancée de Niallan avec moi, et lui faire tout plein de chantage. Mais no. En fait, même quand Niallan m'a informé de ce qu'il était arrivé récemment à Neijin, et bien au fond de moi, je me suis dit qu'il y a une justice divine quelque part finalement. J'ai presque béni les responsables pour leur acte. Mais en fait, je n'arrive pas à être mauvaise avec Neijin. Mais je ne ressens pas d'empathie non plus la concernant. Ni de haine. Juste un profond mépris que je n'arrive pas à extérioriser. Je lui en veux toujours, je n'ai pardonné ni à l'un, ni à l'autre ce qu'ils m'ont fait subir.
Pourtant, j'essaie de faire des efforts. Mais dès que je sens que ça force ou que ça coince, je me replies sur moi-même et c'en est fini de mes bonnes résolutions. Je m'entendais mieux avec elle avant que Niallan ne nous abandonne, qu'après.

Et pourtant, j'ai dit à Niallan qu'il pourrait voir Anna-Gabriella avec Neijin et Diego. Mais c'était sans compter sur Gabriel à qui j'en ai fait part un peu plus tard. Si moi j'avais fait l'impasse sur les derniers évènements, mon mari lui, n'est pas du tout dans la même optique que moi. Il m'a rappellé qu'il avait tendu la main à Niallan en lui disant qu'il pouvait venir au manoir quand il le souhaitait, qu'il y avait même sa chambre de prête et qu'il pouvait voir Anna-Gabriella autant qu'il le voudrait. Niallan a refusé tout net. Et donc mon époux lui n'a pas oublié et m'a dit que Niallan pouvait toujours venir, mais qu'il était hors de question qu'il pénètre dans le manoir puisqu'il avait craché sur la main tendue.

J'ai le fessier entre deux chaises maintenant. Je me refuse absolument à ce que son père ne fasse pas partie de la vie d'Anna pour son anniversaire. Je me refuse tout autant à contredire Gabriel, car je le comprends, je sais ce qu'il a encaissé pour moi ces dernières semaines.

Alors ce matin, j'ai tranché dans le lard et j'ai décidé qu'il y aurait deux fêtes d'anniversaire pour Anna aujourd'hui. D'abord une fête au manoir. Et puis une autre dans ma taverne, dont les travaux d'agrandissement sont désormais terminés et que je compte aménager en petite auberge avec quelques chambrées à l'étage.
J'ai donc préparé Anna-Gabriella ce matin et je l'ai emmené avec moi pour décorer la taverne. On y a passé la matinée, mais l'ensemble est plutôt joli.

Et maintenant, nous sommes de retour au manoir. Gabriel a tout géré et je n'ai aucune idée de ce qu'il nous réserve.
Pour ma part, j'ai déjà déposé une partie des cadeaux à la taverne. Un autre attend sagement caché dans l'un des tiroirs de l'une des commodes de notre chambre au manoir.

Je ne veux pas de guerre aujourd'hui mais cette fois je n'en dis pas un mot. J'ai encore en mémoire les conséquences de ces malheureux mots prononcés la dernière fois.
Alors dans l'ombre, je veille à ce qu'aujourd'hui, personne ne souffre de la situation actuelle.
Anna-Gabriella va avoir deux fêtes d'anniversaire. Peut-être qu'un jour, elle n'en aura qu'une , avec tous les gens qu'elle aime réunis tous auprès d'elle, en paix .
Mais j'ai tendance à trop aimer rêver, et ce qui est certain, c'est que même si la paix sera relative ce jour, et j'y tiens, son premier anniversaire n'aura pas ce goût que j'aurai souhaité qu'il ait.
Un meilleur ami qui ne l'est plus et qui me manque mais je ne l'avouerai jamais. Mais il est l'un des parrains de notre fille alors s'il le désire, sa place est près d'elle ce jour. Une maitresse-compagne bientôt épouse et future belle-mère de notre fille qui n'a de cesse quand je la vois, de me rappeller ce qu'ils m'ont fait subir. Un mari et un ex-mari qui tout autant qu'amis qu'ils aient puisse être, ne peuvent aujourd'hui plus s'encadrer l'un, l'autre.
Finalement, j'en arrive à espérer que le second parrain sera présent lui aussi en la personne de mon frère. L'occasion pour Gabriel et lui de faire plus ample connaissance.

Je serre Anna-Gabriella dans le creux de mes bras, elle est adorable dans sa petite robe de mousseline d'un bleu assorti à ses océans, et ses petites boucles sont retenues par un ruban de la même couleur. Je l'embrasse longuement sur ses petites joues.


" - Buono compleanno la mia cara. Ti amo tanto, se sapevi siccome sono spiacente di non potere offrirti miglioramento a questo giorno. Un giorno, te lo prometto, saranno riuniti tutti intorno a te. Ma sai, due feste di compleanno, sono anche buono."

Rien n'est trop beau pour notre petite pirate-princesse. Et je marave le premier d'entre eux qui osera nous gâcher ce jour. Le lui gâcher à Elle. Parce que son bonheur passe avant tout le reste.

Aujourd'hui, c'est jour de fête.

Un an, et elle n'a pas encore toutes ses dents. Mais elle a toute la vie devant elle. Elle a un papà. Une mamà. Un beau-papà . Deux parrains. Une future belle-mère. Des demi-frères, un cousin et une cousine.
Que du beau monde pour veiller sur elle.

Finalement, ça n'est peut-être pas la famille que je lui voulais, mais c'est finalement la seule que son père et moi avons su lui offrir à ce jour. Et tant qu'elle a le goût du bonheur à ses yeux, c'est bien tout ce qui compte no ? ...


Bon anniversaire ma chérie. Je t'aime tant, si tu savais comme je suis désolée de ne pas pouvoir t'offrir mieux à ce jour. Un jour , je te le promets, ils seront tous réunis autour de toi. Mais tu sais, deux fêtes d'anniversaire, c'est bien aussi,

_________________
Niallan
[Out of time man
Un homme à court de temps*]

C'est ce que nous allons vous présenter ici en décrivant l'incertitude entourant la présence de ma personne dans un lieu X -sans sous-entendu cochon- à un moment M.

Le 25 octobre :

Les yeux toujours fermés, je tends la main dans l'optique de la poser sur le corps nu de ma fiancée. A la place, je tombe sur une pierre moussue et mouillée. Afin d'élucider le mystère autour de la présence de cet objet dans mon pieu, j'ouvre un œil. C'est pas mon lit. Je suis juste emmitouflé dans une couverture posée sur l'herbe. D'un coup tout me revient. Cette dernière nuit avec Fleur. Mes aveux à Neijin. Et le résultat : je dors dehors et tente de séduire un caillou. J'étouffe un grognement et me relève, ignorant les affres de la gueule de bois.

Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de ma merveille !

Personne ne m'écoute, si ce n'est cette magnifique créature, venue tout droit de la famille des félins. J'ai nommé Momo, le chat de gouttière qui vient de me voler mon petit déjeuner. Je grince des dents mais rien ne peut m'arrêter aujourd'hui. Tout est prêt, il ne manque plus que la gravure. Stressé comme pas deux, je porte ma lame à hauteur d'yeux. J'inspire un grand coup. Faut que je réfléchisse, c'est la phrase qu'elle verra le plus souvent. Ou pas, si elle aime pas. Quel suspens.

Je prends quelques minutes pour observer le fruit de mes efforts de ces derniers jours. Même plus le temps d'aller boire un coup en taverne, eh ouais. Menuisier à mes heures perdues, j'ai fabriqué un petit cheval à bascule en bois de chêne. Je l'ai peint, pour qu'il fasse plus vrai, y ai ajouté du crin de cheval et ai bricolé une petite selle dont l'assise est une chaude couverture. Et maintenant je dois écrire sur les rênes qu'elle tiendra dans ses petites mains. La pression en action.

Le cheval c'est génial...Rha putain, arrête les rimes un peu. Papa t'aime fort. Insuffisant ! Vers le bonheur et au-delà ? Très insuffisant !

Après plusieurs disputes avec moi-même sous l’œil intrigué de Momo, je me saisis de la lanière pour y graver quelques mots plussoyés par un mystérieux JJG quoique légèrement remixés. « Emmène-moi au bout de tes rêves. ». Je souris, flatte l'encolure du cheval et me relève. On va pas s'attarder sur mon passage à la rivière pour me savonner ni sur les soins apportés à mes cheveux, ça n'intéresserait que les voyeurs et coiffeurs. Pour ne pas se fâcher en plus avec les stylistes, je préciserai que je porte des braies et bottes noires ainsi qu'une chemise blanche, sans oublier mon foulard. Maintenant, on passe à la récupération du rital à moustaches.

Diegonounet... Il va flairer que j'ai un service à lui demander. Tu veux m'aider à rendre ta filleule heureuse ?

En tant que parrain de ma môme et meilleur ami de moi-même, il peut pas répondre non. Aussi, il se retrouve à m'aider à trimballer un cadeau plus encombrant que prévu à travers les rues chalonnaises. Nous passerons sous silence les divers incidents survenus au cours du trajet ayant conduit à une quinzaine de minutes de retard.

[I'm gonna be late again
Je vais encore être en retard
Driver wait for me please
Chauffeur attendez moi s'il vous plaît
I'm runnin' all in vain
Je cours en vain
Tryin' to catch this fuckin' train
Essayant d'attraper ce putain de train*]


C'est essoufflés et les cheveux en bataille qu'on pousse la porte de la taverne mais on a réussi. Je pose le canasson portatif au sol, le recouvre du drap prévu à cet effet et me retourne. Le sourire que j'affiche est si large qu'on en verrait presque plus mes yeux. Je pourrai pas lui chanter « emmène-moi au bout de mes rêves » tout simplement parce qu'il est déjà là mon rêve, juste devant moi. Dans une magnifique robe bleue, me regardant avec les yeux de ce même bleu. Trois enjambées et j'y suis. Je la soulève du sol, la fait tournoyer dans les airs, embrasse ses joues et la blottit contre moi pour lui murmurer un :

Joyeux anniversaire ma princesse-pirate.

Bien sûr, je me serais senti con si j'avais su que l'autre sociopathe du manoir lui en avait offert un vrai, de canasson.


Fin décembre :

Confortablement installé derrière le comptoir de notre repaire, je débats avec Diego de la durabilité de nos chopes au moment où un rouquin mal fagoté passe la porte. Sourcils froncés, je le regarde s'avancer vers nous avec un paquet que j'ai bizarrement l'impression d'avoir déjà vu quelque part.

M'sieur Niallan, j'ai pas pu l'livrer vot' paquet, elle était plus à G'nève vot' dame.

Tout s'éclaire, j'ai déjà vu le paquet. Et le coursier. Mais pas le paquet du coursier si vous voulez tout savoir. Passons. Je fais le tour du comptoir pour me planter devant le type que j'entraîne à l'écart, laissant au ritagnol le soin de gérer les potentiels clients.

Tu sais où elle est, maintenant ?
En Alençon, m'sieur. Argentan on m'a dit.
Et c'est qui ce « on » bien renseigné ?
Ah ça, m'sieur, j'peux pas dire. C'sont les bruits. Mais si vous voulez que j'le livre là-bas, y va falloir qu'vous mettiez la main à la poche. Et pas qu'un peu, parce qu'les allers-r'tours pour rien, y'en a marre !
Donc tu veux que je te paie une fortune pour des bruits...?


Devant le tapotement de pied agacé du coursier, je me résigne et lui donne une bourse d'écus.

Par contre, avant que tu partes lui apporter tout ça, faut que je réécrive la lettre. Celle-ci n'est plus d'actualité.
Comme vous voulez m'sieur mais si vous voulez qu'j'attende, va m'falloir d'quoi m'désaltérer.
Entendu. Moustachouette, bois donc un coup avec le roux, c'est ma tournée !


Et pendant qu'ils picolent, j'écris, fixant par intermittences les deux cadeaux qui seront expédiés avec la missive. Pour Anna, un médaillon léger en or blanc avec une face transparente dévoilant une multitude de sables différents des quatre coins du monde. Pour Alaynna, une dizaine de flèches pour son arbalète, l'encoche gravée des initiales A.V et la pointe peinte en rouge.

[Time don't do it again
Le temps ne me refais plus ça
Now I'm stressed and strained
Maintenant je suis stressé et tendu
With anger and pain
De colère et de douleur*]


Citation:
Salut vous deux,

Vous devez penser que je vous ai oubliées ou abandonnées. Il n'en est rien. Il ne passe pas un jour sans que je pense à vous et je serai toujours là pour vous. Même si c'est clairement pas de la façon idéale.

J'aurais aimé que vous receviez ces présents pour noël mais il faut croire que je suis décidément doué pour tout foirer. Quoi qu'il en soit, j'ai pensé que tu apprécierais d'avoir de nouvelles aiguilles version géants à envoyer dans d'éventuels indésirables. Si tu n'aimes pas ou que tu sens que l'envie de les planter dans ma personne devient trop forte, brûle-les. Pour Anna, s'il ne te plaît pas ou que tu vois qu'elle fait sa petite moue boudeuse quand elle le porte, range-le dans un tiroir ou fais semblant de le perdre. Mais je me suis dit que ça lui irait bien. Elle sera une aventurière, comme ses parents. Qu'elle préfère le cheval comme maman ou la marche comme papa, elle en traversera des plages et elle en verra des sables.

J'espère que vous avez passé de belles fêtes et que l'invasion de rennes n'a pas effrayé Anna. Par dessus tout, j'espère que vous allez bien et que vous êtes heureuses.

Joyeux noël, je vous embrasse.
Vous me manquez.
Dis-lui que je l'aime.

Niallan.


[Now it's half past two
Maintenant il est deux heures trente
Long gone the rendez-vous
Le rendez-vous est passé depuis longtemps
Now it's half past three
Maintenant il est trois heures trente
Time made a fool out of me
Le temps s'est foutu de moi*]


Et ça m'a pas fait rire.


Paroles et traduction Mano negra – Out of time man

_________________

Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Diego_corellio
• Le 25 octobre 1465

Aujourd’hui, deux personnes sont visiblement très excitées et agitées par un certain évènement. J’ai senti que c’était le jour d’un truc particulier au timbre de voix de Niallan et au sobriquet qu’il emploie. Clairement, je tombe de l’arbre quand j’apprends (en bon parrain indigne) que c’est l’anniversaire de ma filleule. Le choc est grand et les souvenirs reviennent avec un éclair de lucidité qui frappe la caboche d’un « ah mais oui c’est ça l’truc auquel il fallait que je pense ! ».
Du coup, la panique à bord est lancée. Niallan a besoin d’aide pour trimballer le cadeau le plus encombrant du monde et moi, je dois me grouiller à aller récupérer le cadeau en question, qui m’attend depuis un temps infiniment long chez son fabriquant, qui avait d’ailleurs tordu la moustache (qu’il n’avait pas) au vue de ma commande. C’est loin d’être le cadeau du siècle, mais soyons honnêtes, je voulais laisser Niallan briller (l’excuse est nulle mais elle fait l’affaire).

Toujours est-il qu’après avoir bafouillé un truc pas net à Niallan pour m’esquiver, en promettant un « No mais t’inquiètes hein, j’en ai pour deux minutes » (minutes marseillaises, cela va de soi), j’ai filé vitesse grand V, vers le marchand très patient qui attend paiement et retrait, récupérer le présent pour gâter la gamine, en bon parrain gâteux. Le parrain gâteux étant aussi parrain gâteau, j’ai étiré les secondes pour qu’elles deviennent des minutes et j’ai tracé jusqu’à la boulangerie, achetant des biscuits trop mimi.

- Si, si emballez les p’tits gâteaux hein ! Pis marquez d’sus « Joyeux anniversaire Anna Gabriella » ! Ah no, en fait vous mettez « des merveilles pour la plus…. » … C’est à chier no ?

Après une réflexion, courte et pas intense le résultat est sans appel :

- Écrivez : « Buono compleanno piccola principessa ». Et puis sur ceux-là vous marquez son prénom. Vous avez cinq minutes !


Sauf que cette fois, dégainer le sourire qui tue ne suffit pas. La grosse boulangère me toise, hostile avant de répliquer d’un air peu amène :

- Ici on fait pas ça mon coco.
- Ouais ben ma cocotte va falloir se sortir les doigts parce que là j’suis pressé moi hein !
- Ben allez voir ailleurs ! Non mais j’vous jure …

Y a pas trente-six options, c’est donc avec application que je me suis mis en tête de coller au dicton qui dit «qu’on n'est jamais mieux servi que par soi-même ». C’est comme ça que la boulangère s’est vue écartée d’un savant coup de cul, saisissant les petits gâteaux brulants, et gravant à la pointe d’un couteau un « AG ♥ », avant de les enfourner dans une boite en bois sculptée de princesses et d’enrouler le tout d’un ruban rose brillant par un nœud mal fait signé « made in homme ». Le tout en jurant contre les pâtisseries brulantes.

-P’tain, vous servez vraiment à rien !


La phrase est balancée en même temps que quelques écus sans vraiment compter, trop en retard pour ça, courant avec mes paquets sous le bras pour rejoindre Niallan. Je l'ai trouvé, j’ai rien dit, balançant mon sac avec les cadeaux sur l’épaule, saisissant en silence un bout du paquet encombrant, reprenant lentement mon souffle en marchant vers le lieu de réception.
Mère est fille sont déjà là, sans que l’on puisse s’en étonner. Je laisse Niallan à ses effusions avec sa progéniture, déposant sur la table la boite avec les gâteaux ainsi que l’autre contenant la poupée, fredonnant à mi-voix pour la gamine la chanson d’anniversaire en italien.
La chanson achevée, Niallan calmé (juste un chouia), les mots sont prononcés en souriant à la fillette :

- Gioioso compleanno piccolo tesoro, possa guardarti molto tempo la spensieratezza dal tuo un anno...
Joyeux anniversaire petit trésor, puisses-tu garder longtemps l'insouciance de tes un an...


Pas de doutes, cette petite n’aura peut-être pas une famille soudée, mais si le reste de sa vie est à l’image de ses un an, il est certain qu’elle pourra nager dans l’amour et le bonheur.
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Ban : JD Calyce
Annagabriella
Moi c'est Anna-Gabriella et j'ai presque quinze mois. Mammà elle dit que c'est plus que un - garde la main fermée avec juste le pouce tendu, comme mammà a montré - mais que c'est pas encore deux. Puis je sais pas encore dire mon nom comme il faut. Dans ma bouche ça donne quelque chose comme " Annagaiela" mais comme depuis quelques temps mammà m'appelle juste Anna, je fais tout pareil parce que ma bouche elle est d'accord pour tout dire le nom comme il faut.
Mammà elle dit qu'on joue à cache-cache en ce moment et que c'est chouette parce qu'on a deux maisons où habiter. Y'a la petite maison du gentil monsieur ours mais Zeus il a pas le droit d'entrer dedans, Apollo non plus. Et puis y'a une autre maison, c'est la plus grande maison que j'ai jamais vu, même que c'est tellement grand que mammà elle me gronde dès que je veux monter les escaliers, parce qu'elle dit qu'il faut que je reste avec elle pour pas me perdre. Et là j'ai le droit d'avoir Zeus avec moi et Apollo aussi il peut rester avec mammà. Et puis y'a ma poupée Ada qui reste tout le temps avec moi. C'est moi qui lui ait donné le nom et mammà a dit que ça lui plaisait bien parce que c'est italien comme elle et comme Yeyo - Comprenez Diego - Et c'est Yeyo qui m'a offert ma poupée pour mon anniversaire. Alors avec Ada, on est toutes les deux en train de faire hue sur Dada. Lui, c'est le cheval que papà m'a offert pour mon anniversaire. Un cheval pour de faux mais il est chouette parce que je peux me balancer dessus et même que des fois je m'y endors. J'ai eu un vrai mini-cheval aussi pour mon anniversaire mais mammà a pas voulu l'emmener avec nous.
Mammà elle est bizarre depuis quelques temps et plus encore depuis quelques jours. Elle a fait la folle quand elle a reçu une grosse malle que ça venait de l'Italie, où dedans y'avait que des robes. Avant elle mettait jamais des robes et maintenant elle en met. Et j'aime quand elle en met parce qu'elle est encore plus belle avec. Mais ce qui est vraiment bizarre, c'est qu'en ce moment, elle pleure tous les jours, elle a le nez et les yeux tout rouges, et elle fait de drôles de bruit avec sa bouche. Et moi je trouvais ça rigolo au début mais maintenant ça me fait un peu peur, parce qu'elle rit pas du tout mammà, on dirait même que ça lui fait bobo quand elle fait ça. Et puis elle veut plus me faire de bisous. Elle fait des calins tout contre elle, elle me caresse la joue ou les cheveux mais les bisous c'est fini, y'en a plus. Elle dit qu'elle est malade et que tant qu'elle est pas guérie si elle me fait des bisous je risque d'être malade moi aussi et elle veut pas. Et puis elle fait tout plein de dodos alors que d'habitude, mammà elle aime pas ça faire dodo. Ou alors elle reste sur le lit et elle me regarde jouer ou alors elle écrit sur des livres. Elle dit qu'elle fait du travail pour le gentil monsieur ours. Elle se lève pour me faire à manger et s'occuper de moi mais quand elle fait ces bruits avec la bouche elle se met aussi à râler et dire des mots que je comprends pas en italien, comme si elle était pas contente, mais pas contente du tout.

Ce matin j'étais sage. J'avais pas encore fait une seule bêtise et mammà faisait encore ses drôles de bruit avec sa bouche mais ses yeux ne pleuraient plus. Alors elle a dit que je pouvais prendre Ada, et puis Apollo et Zeus aussi sont venus avec nous et on est allées dehors. On s'est arrêté dans une taverne. Pas celle du gentil monsieur ours où on va d'habitude mais une autre. On était bien toutes les deux, moi je jouais sur ma couverture avec Ada et Zeus et mammà regardait le feu dans la cheminée quand on a vu des gens entrer. Y'avait une madame et puis un monsieur et un garçon plus grand que moi et une petite fille un peu plus grande que moi aussi. Ils avaient tous de très beaux habits et la dame a commencé à parler à mammà. J'ai pas compris ce qu'elle racontait mais mammà avait sa tête pas commode et parlait du bout des lèvres. Et puis la petite fille elle avait peur de Zeus et Apollo et alors elle s'est mise à pleurer en courant dans les bras de son papà. Et le monsieur il a grondé mammà à cause d'Apollo et de son bébé. J'ai regardé le vilain monsieur et puis la petite fille puis j'ai jeté ma poupée au sol et j'ai tiré sur les poils de Zeus avant d'aller grimper sur les genoux de mammà et de me serrer fort, très fort tout contre elle. J'étais à la fois triste et en colère et je me suis mise à pleurer en appelant papà. Parce que mon papà, il aurait pas laissé le vilain monsieur parler mal à mammà et la petite fille je l'aime pas. J'ai entendu Apollo se mettre à gronder et puis mammà s'est levé en me gardant dans ses bras et pendant qu'elle ramassait ma couverture, la petite fille elle lui a demandé où il était mon papà. J'ai senti mammà me serrer plus fort encore contre elle, et elle a répondu à la petite fille, que si on lui pose la question, elle aura qu'à dire qu'elle n'en sait rien. Et puis on est partis sans dire au revoir, mammà m'avait remis Ada dans les bras, et elle a claqué la porte très fort derrière nous.

On est rentrées et c'est là qu'on a trouvé les paquets et la lettre. Et quand mammà m'a dit que tout ça, ça venait de papà, j'avais encore les joues toutes mouillées de larmes mais j'ai souri en faisant bravo avec mes petites mains. Même que Ada aussi elle a fait tout pareil.

Pour plus de compréhension la narration est faite dans un vocabulaire habituel, seul les dialogues évolueront avec l'âge du perso.


Alaynna
[Château de brume..] Saez


Il est un endroit perdu
il est un endroit tu sais
où je recueille en passant
mes deuils et mes tourments...
Il est de ces destins maudits
il est de ces mots qu’on se dit
il est un endroit de fantômes
il est des lignes au creux des paumes...
Si mon roi est parti toujours
pour d’autres cœurs d’autres amours
moi j’aime à retourner là-bas
juste à penser à toi et moi...
si l’amour parfois doit s’enfuir
tu sais c’est pour mieux revenir
dans mon château de brume
juste en-dessous la lune
je suis princesse parfois
mais dis-moi princesse de quoi...


Les quintes de toux viennent encore épuiser mon souffle, mais je vais mieux désormais. La fièvre est tombée depuis quelques jours et mes yeux ne pleurent plus et s'ils brillent toujours c'est de la vie qu'ils abritent et non de maladie.
Je retrouve peu à peu un train de vie normal. Je ne suis plus alitée mais par précaution, que ce soit envers Anna ou envers moi-même, afin d'éviter toute rechute, je continue de prendre, réglée comme une horloge, tous ces grogs et ces remèdes de grand-mère que je me coltine, de bien mauvaise foi mais par obligation, depuis plus de deux semaines.
De nouveau, je dors de moins en moins. D'ailleurs, la nuit dernière je n'ai pas fermé l'oeil après avoir lu et relu plusieurs fois la missive que le messager m'avait porté.

Il faut croire que Niallan est aussi doué que Gabriel pour me suivre à la trace. Et si cela m'étonne fortement de l'un, de la part de l'autre je n'en suis pas surprise.

Par contre, la missive qui repose sur mon secrétaire m'a fait hausser les sourcils à maintes reprises. Gabriel se révélait enfin au grand jour bien que j'avais tout à fait compris ce qu'il en était depuis un bon moment. Les reproches étaient clairement évoqués. Mais ce qui m'avait surtout interpellé, c'est ce début de missive dans laquelle il dit avoir été inconscient quelques temps mais apparemment être au courant que je ne l'ai pas cherché. Missive débute mal si c'est dans l'intention de me faire culpabiliser.
Le paragraphe au sujet de Loras et Niallan, n'aide pas davantage. Et mes mâchoires se crispent légèrement sous le coup de l'agacement.
Puis mes bleus se sont fixés sur les quelques mots où il me reproche d'avoir emmené mes tourments jusqu'à lui. Mais..je n'ai pourtant pas la mémoire qui déraille, et sur ce sujet là, ça ne risque pas, pourtant, c'est bien lui qui avait ordonné et organisé mon rapt.

Ce n'était pourtant pas faute de t'avoir prévenu Gabriel, que je ne te le pardonnerai jamais mon enlèvement. Jamais je n'oublierai ce que j'ai vécu durant mes jours de captivité durant le trajet de la Provence jusqu'en Bourgogne. Jamais je n'oublierai que tu m'as privé de ma fille pendant des jours, sans que cela ne te cause le moindre problème. Jamais je n'oublierai que tu m'as arraché à la tombe du Serbe. Je te l'avais dit qu'il n'y aurait pas de pardon. Je n'oublierai pas non plus que finalement, alors que tu avais pris la défense de la paternité de Niallan face au Danois à l'époque, tu n'as pas, toi non plus, hésité à me faire comprendre que ta vengeance envers Niallan s'appliquerait par le biais d'Anna en faisant en sorte de devenir son père et de t'arranger pour que Niallan se retrouve déchu de ses droits. Ce tout pour quoi je me suis battue pour Anna et lui.
Tout est facile pour toi. Commanditer l'incendie d'un cabinet notarial ne t'a pas gêné. M'enlever non plus. Me frapper non plus.
Par contre j'ai droit à tout un laïus parce que selon toi je ne t'ai pas cherché et que je ne te prête que peu d'intérêt.
Evidemment, tu ignores que j'ai fouillé tous les bordels de Bourgogne - qui sont moins nombreux qu'en Provence, certes - pour m'assurer que tu n'avais pas refait le même coup que lors de ta disparition à Marseille. Aller te planquer dans un bordel, pour en peindre l'une de leur pensionnaire. Toi même tu m'avais dit qu'Apollo ne t'aurait de toute façon pas trouvé car tu avais veillé à ce qu'il ne puisse flairer ton odeur. Alors m.ierda. Tu croyais peut-être que j'allais remettre ça, et remuer ciel et terre pour te retrouver..Effectivement, je l'ai fait pour Loras et je ne le referai pas pour un autre.

A part peut-être pour Niallan...Sûrement même. Mais Niallan est le papà d'Anna. Et ce foutu Salaud de ma vie, il le restera éternellement, que cela plaise ou pas, c'est comme ça et pas autrement. Ce qui ne m'empêche pas de garder mes distances. Niallan est bien moins dangereux lorsqu'il est loin de moi, mais ça, je suis la seule à le savoir et au vu de ma promesse, je ne risque pas de l'ébruiter.

Je ne suis nullement surprise par cet accablement de reproches. Je le savais déjà bien avant que Gabriel ne mette des mots dessus. Et je les lis, ces phrases où il se victimise, parlant de ma fuite, de l'abandon de ses domestiques. Inclue t'il Bloodwen également vu qu'elle a disparu le même jour que lui...Je ne veux même pas le savoir. Il s'est mis en route et a fait demi-tour. Il a perdu l'usage de ses jambes. Cela aussi, comme tout le reste, ça doit être en vue de me faire culpabiliser. Si je l'avais cherché, je l'aurai peut-être trouvé et ses jambes seraient toujours en état de fonctionner. Il ne s'explique même pas sur les conditions dans laquelle il a perdu l'usage de ses jambes et de sa conscience. Tout reste assez confus. Et ensuite il me parle de ces chaines dont il se libère. Ce qui a le don de me faire bouillir de nouveau. Les humiliations qu'il a subies pour moi. Sans doute parle t'il de sa bagarre avec Niallan, des coups de pieds d'Eliance et de l'indiscrétion de Calyce qui a clamé au grand jour ce que Niallan a dévoilé sur Gabriel. Certes, ce qu'a fait Niallan c'est moche. Très moche même. Mais là en fait, Gabriel ne fait rien d'autre que de me confirmer ce que j'ai toujours su qu'il pensait sans le dire. Que tout était bien de ma faute. Que c'est ma faute s'ils sont tous venus en Bourgogne, que je suis fautive de tout ce qu'il s'y est passé et...s'il ne m'avait pas enlevé, rien de tout cela ne se serait très certainement passé. Cette dernière conclusion elle émane de moi.
Le problème avec moi, c'est que je ne sais pas faire semblant. Et quand j'essaye je commets gaffe sur gaffe. Et surtout, surtout...le problème est que je ne suis pas une femme docile que l'on peut manipuler à volonté. Sous mes airs doux et frêles, je ne l'ai jamais été et je ne le serai jamais. Le joug de la peur et de la terreur a fait son effet un certain temps, mais s'est estompé lors de la disparition de Gabriel.

Depuis j'ai repris du poil de la bête. Depuis j'ai repris ma vie en main.

Le naturel a toujours été mon credo et le restera. Quoi que cela puisse m'en coûter. La mesnie Znieski, ces foutues cérémonies de baptême et de mariage dont je garde un souvenir confus, mais je suis certaine que le curé n'a pratiqué aucunes bénédictions.
Ce manoir d'où s'échappaient toutes ces plaintes et ces élocutions slaves, je ne l'ai pas rêvé. Et ces tisanes apportées chaque soir, s'assurant que je les boive jusqu'à la dernière goutte. Etrangement, depuis la disparition Gabriel, j'avais de nouveau perdu le sommeil et les quelques heures durant lesquelles je dors, à mon réveil j'ai l'esprit clair. A tel point que j'en suis arrivé à suspecter quelques substances étranges dans ces tisanes qu'il me préparait avec tant "d'amour".

Manipulation quand tu nous tiens. Après tout, je te sais capable de tout et même cette missive me laisse circonspecte. Et encore une fois, mon naturel me perdra je le sais, mais alors que je viens d'enlever cet anneau d'argent qu'il m'a passé au doigt le jour où il m'a dit qu'il voulait m'épouser, et que je manque de le jeter au feu, je suspends mon geste.
Parce que cette bague que j'ai brûlé il y a quelques mois, celle que Niallan m'avait glissé au doigt, j'avais mes raisons de le faire. Notamment parce que je savais comment Niallan avait obtenu cette bague. Et que finalement, elle avait malgré tout une valeur inestimable à mes yeux. Je ne l'ai pas faite cramer pour le plaisir de la faire cramer. Il y avait toute une symbolique derrière ce geste d'irraison, que j'aurai pu regretter la seconde qui a suivi s'il n'y avait pas eu Loras à l'époque. Il est certain que sans le Serbe, je n'aurai jamais mis fin à cette parodie de mariage. Consumer tous les mensonges et les humiliations Niallanesques étaient alors ce qui me paraissait le plus important. Sauf que le pardon n'est pas venu. Je ne leur ai toujours pas pardonné. Je sais, on le connait le laïus sur les femmes italiennes. Mais je ne suis pas une femme jalouse. Je suis par contre une femme passionnée et j'ai la rancune tenace quand on me fait du mal.

Mais je ne le réitérerai pas ce foutu geste. Tout comme je ne salirai pas Gabriel. Je n'ai même pas prononcé un seul mot à son sujet depuis que je vis en Alençon. Le silence. L'ignorance. C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour me délivrer de cette emprise infernale.

Je vais faire ce que je n'ai jamais fait encore. Quand Roman m'avait balancé son anneau de mariage au visage, j'ai longtemps gardé nos deux anneaux dans un petit coffret de bois, avant de les glisser dans le petit réceptacle qui abrite les cendres d'Andrea. Afin que petit Corleone sente la présence de son père et de sa mère pour l'Eternité.

Mais pour cet anneau-ci, je vais faire la seule chose qui me semble juste. Retour à l'envoyeur. Sans un mot. Juste ce petit anneau qui vaut toutes les paroles qui ne sortiront pas de mes lèvres muettes.
L'enveloppe est glissé à un messager avec ordre d'être remise en main propre à son destinataire. Pourquoi ai je fait cela et ai je rompu ce cocon d'indifférence dans lequel je m'abrite depuis que j'ai quitté la Bourgogne ? De toute façon il ne s'agit que d'un objet dans une enveloppe. Je n'ai rien écrit. Il en pensera ce qu'il veut, cela m'est égal. De toute façon il n'y a aucune réponse à faire à un adieu.
Sauf que je me méfies des adieu. Je suis bien placée pour savoir que certains adieu n'en sont jamais vraiment. Alors il a beau m'écrire que je n'ai plus besoin de fuir, que je suis libre, mon instinct primaire lui, me dit de continuer à me méfier. Parce que Gabriel, c'est le Diable. Dans toute sa Monstruosité. Il est capable du pire comme du meilleur. Si déjà il a très mal pris le fait que je reprenne ma vie en main, qu'en sera t'il quand il verra l'anneau. Après tout, chacun son tour Gabriel. Echange de bons procédés, tu vois, j'apprends vite. Broche et anneau ne sont que bijoux. A défaut de la broche qui dort au fond des eaux, tu récupères l'anneau.

Je m'installe ensuite devant mon secrétaire et regarde longuement le vélin vierge sur lequel danse la flamme de la chandelle déjà largement entamée.
Les souvenirs de ces dernières semaines virevoltent dans ma mémoire.

De ce premier sentiment de jalousie qu'Anna a pu éprouver lors de cet incident en taverne où l'évocation de son père l'a laissé en larmes entre mes bras. De ce chagrin vite oublié, tellement cette faculté est magique chez les tout petits que de passer des larmes au rire et vice-versa. De cette sensation d'impuissance et de révolte qui m'a étreint, cet horrible serrement de coeur devant le chagrin de ma petite pirate-princesse et de la détermination qui a suivi.

De ce changement qui s'opère en moi. Je n'ai jamais oublié ces paroles que Diego m'a dites un jour à Marseille. Et même s'il m'a fallu du temps pour les assimiler, parce qu'entre-temps, j'ai perdu l'homme de ma vie, aujourd'hui, je suis assez forte pour les mettre en pratique.
Alors bien sûr, l'ironie du sort veut qu'à l'époque, l'Italien souhaitait que je change ma garde-robe et mon comportement pour séduire à nouveau Niallan. C'était sans doute trop dur à faire après tout ce que j'avais subi tous ces derniers mois. Et pour diverses raisons, je m'étais interdit de le faire.
Mais aujourd'hui, Niallan est loin. Et même si je porte ces robes et ces tissus tous plus délicieux sur la peau les uns que les autres, je ne romps pas ma promesse faite sur le lit de mort de Loras. Car je compte toujours la tenir. Même si je revois encore Niallan sourire en coin en me disant qu'une promesse faite à un mort n'a aucune valeur.

Ce changement s'est opéré en moi alors que semaine après semaines, je prends mes marques dans mes nouveaux lieux de vie et que je réapprends ce que c'est que la confiance auprès de cet homme qui m'emploie comme intendante.

Si j'ai décidé de suivre les conseils de celui qui, malgré tout, dans ma tête, reste mon meilleur ami, malgré le froid actuel entre nous, c'est...avant toute autre chose pour moi et pour moi seule.
Pour la première fois depuis très longtemps, je fais des choses pour moi et non pas pour d'autres.
Et je dois avouer que si j'ai toujours ces lourdes robes de brocard en horreur, les lignes souples et fluides de ces petites merveilles que je me suis faite coudre sur mesure par l'un des plus grands ateliers de couture italien, me comblent de ravissement. Ces longues étoffes légères et aériennes, que c'en serait presque indécent pour l'oeil si je n'avais exigé certains ouvrages des couturiers sur ces robes, leur faisant rajouter des rangées de perles et de pierres de Murano, des volants de dentelle délicatement ajourées. Quand je me regarde dans le miroir, j'ai presque du mal à me reconnaitre et pourtant c'est bien moi.
Et puis quelque part au fond de moi, c'est faire honneur à Loras, qui, tout comme Diego, m'avait demandé de changer mes tenues vestimentaires.
Et je ne le fais pas pour séduire quiconque, je le fais pour moi et c'est ça qui fait du bien. Mëme Anna aime, je le vois dans ses petits océans lorsqu'elle me regarde. Et du coup, elle aussi me réclame des robes pour elle et puis pour sa poupée également.

Et même si ma fuite est cause de noirceur pour certains, en ce qui me concerne, avoir accepté ce poste d'intendante est, je crois, la chose la plus intelligente que j'ai pu faire depuis des lustres.
Machinalement, mes doigts s'en viennent jouer avec le pendentif de lapis lazuli qui n'orne plus le cou d'Anna, mais le mien, après que j'ai redonné sa taille initiale à la chaine sur laquelle elle est monté.
Anna a eu le dernier mot quand elle a tiré dessus, sur son petit cou en posant sa main sur ma gorge et en me disant " le yé à toi mammà, moi n'a le yé de papà".
Comme si elle savait que le collier qu'elle portait était en fait, celui que Niallan m'avait offert. J'ai du le lui dire, mais je ne pensais pas alors que ma petite merveille comprendrait.
Alors aujourd'hui, Anna porte fièrement son petite médaillon de sable et moi, bien plus discrètement, celui de lapis lazuli.

Je finis par prendre plume afin de répondre à la missive de mon ex-mari, et nouveau messager est diligenté pour faire parvenir la missive au blond.

Et même dans la missive adressée à Niallan, les silences sont légions. Je sais pourtant qu'un jour ou l'autre, nous serons près l'un de l'autre, pour Anna. Je doute qu'elle reste indéfiniment sans voir son père. Ou alors c'est qu'il trahirait la promesse qu'il m'a faite lorsqu'il nous a abandonnées.
Mais pour l'heure, plus je reste loin de lui, et mieux c'est.

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Annagabriella
[La poupée...] Christophe Mae


Un pied dans le vide, elle a déménagé.
Elle perd son équilibre entre 2 larmes salées.
Y'a comme un goût acide entre ses baisers...
Elle dit qu'elle est lucide, non, plus jamais se caser
Sa belle gueule cassée comme une étoile livide à deux doigts de tomber
Elle tire sur une pipe cent fois rallumée...
Elle était si belle la poupée, elle que les anges avaient oubliée.
Si on avait un peu regardé
Peut-être que l'hiver ne l'aurait pas brisée
Peut-être que l'hiver a déjà trop duré !



Ada et moi c'est une longue histoire, nous sommes inséparables. Mamà dit qu'elle a certainement du coûter très cher à Yeyo. Mais j'aime pas quand mamà elle dit ça, parce qu'alors, elle a les yeux qui brillent fort, elle se racle la gorge et elle se met à renifler dans un mouchoir, et puis à la fin elle a les yeux tout rouges. Un peu comme moi quand j'ai un gros chagrin.
Mais par contre, j'aime quand mamà joue à la poupée. Parce qu'alors, j'ai le droit de coiffer ses longs cheveux qu'elle défait exprès pour moi, sinon elle les garde toujours attachés. Sauf quand elle fait dodo. Je le sais, parce que le matin quand je me glisse dans son lit pour faire les gros calinous et les chatouilles du matin, elle me laisse passer mes petites mains dans ses longs cheveux tout doux. Même qu'ils sentent toujours bon et quand je serai grande, je veux qu'ils sentent tout pareils comme elle !
Et alors, mamà elle dit qu'elle est comme une poupée vivante et elle s'amuse à faire des gestes de poupée et toutes les deux, on s'amuse et on rigole. J'aime quand mamà rit, elle est encore plus belle.

Et puis mamà, elle a tout plein de robes maintenant, même que moi aussi et elle a aussi acheté des robes à Ada, avec un petit lit et une petite commode pour que je puisse y ranger ses habits dedans. Et elle dit que plus tard, quand je serai plus grande, faudra que j'apprenne à ranger aussi mes habits et mes affaires.

Mais ce que j'aime par dessus tout, ce sont les histoires que mamà me raconte le soir, à propos d'Ada. Avant, elle me racontait les histoires que mon papà lui écrivait pour qu'elle me les lise, mais je crois qu'il a oublié depuis longtemps d'en écrire d'autres. Alors j'ai plus les histoires de papà, mais chaque soir, mamà, elle m'emmène dans des nouvelles aventures de pirate ou de poupée.
Et puis c'est vrai d'abord, je suis une pirate. J'ai pas de bateau mais j'en aurai un quand je serai grande, mamà a dit qu'elle allait m'en faire construire un vrai, rien que pour moi ! Et puis elle dit que je suis une vraie de vraie de pirate, parce que ce matin, je courrais après le lapin de monsieur Ours, dans le jardin de sa petite maison, parce qu'on était dans la petite maison, pas la grande. Mais la grande maison de monsieur Ours, on va y aller bientôt il a dit.
Et puis j'ai vu quelque chose qui brillait dans la terre et j'ai voulu l'attrapper. Et quand j'ai creusé, il y avait tout plein de petites choses brillantes comme ça dans la terre. Mamà est venu voir ce que je faisais et elle m'a regardé en faisant des yeux tout ronds puis elle a dit que j'étais une pirate parce que je savais trouver les trésors ! **

Et donc hier soir, mamà m'a raconté une nouvelle histoire qu'elle a inventé au sujet d'Ada. Elle me dit de bien écouter, et qu'elle me les racontera souvent à tour de rôle, parce que dans ses histoires à mamà, il y a toujours des choses qui me seront utiles quand je serais plus grande.
Pour l'instant, je comprends pas tout encore, mais je comprends des choses, puis surtout, pendant que j'écoute l'histoire, j'ai mes yeux rivés sur mamà, et je la dévore du regard, en me blottissant tout contre elle, et mon petit nez renifle son odeur et alors je sais que je ne voudrai pas être ailleurs qu'avec elle. Sauf avec mon papà, parce qu'il me manque, mais mamà s'arrange toujours pour me rendre le sourire quand elle me voit triste.
Et l'histoire cette fois, c'était sur une petite fille et son papà. Mamà elle dit qu'avant moi, Ada elle a eu plein d'autres petites maîtresses et elle me raconte des histoires à leur sujet. Je sais pas si en vrai, Yeyo il a payé cher la poupée ou s'il l'a acheté à une autre petite fille qui l'avait mais comme c'est mamà qui le dit, ça me va.

La petite fille elle allait voir son papà à la prison. Mais son papà, il avait été injustement condamné. Sa famille allait le voir, mais pas trop souvent, parce qu'elle avait peur qu'on la suspecte elle aussi avec tous ses membres. Alors, la petite fille qui avait cinq ans et qui s'appellait Eugénie, elle allait, chaque jour, matin et soir, voir son papà. Et toujours en étant enjouée, avec le sourire aux lèvres, malgré son gros chagrin de le savoir en prison. C'est vainement que les gardes lui résistaient, elle réussissait toujours à les fléchir, et quand certaines fois, ils refusaient de la laisser passer, elle trouvait toujours un moyen pour se faufiler sous le nez des gardes, et en courant du plus vite qu'elle pouvait de ses petites jambes, Eugénie arrivait toute essoufflée, auprès de son père, qu'elle couvait de caresses, de bisous et de rires.
Elle semblait avoir conçu toute l'injustice qui pesait sur son père et tous les jours, elle cherchait à lui faire oublier son chagrin, en lui racontant tout ce qu'elle pouvait trouver d'intéressant à lui dire.
Eugénie était même devenu la petite chouchoute de tous les prisonniers. En sortant, elle se chargeait de faire leurs petites commissions, et les laissait dans l'admiration d'une tendresse filiale, qui, pour être précoce, n'en réunissait pas moins tous les caractères qui rendent cette vertu aussi intéressante qu'honorable.

Et un jour, il y a une princesse qui s'est intéressé au prisonnier, et qui a fait envoyer à Eugénie, une belle et riche poupée qu'elle avait fait faire à son intention. Afin de la récompenser de son attachement pour son papà. Et c'est là que mamà m'a demandé comment je trouvais la petite fille qui avait été la première maîtresse d'Ada. Parce que la poupée de l'histoire, c'est Ada, qu'elle a dit mamà.
J'aurai bien voulu lui ressembler, parce qu'elle aime son papà et moi j'aime le mien de papà, très fort même si je le vois pas beaucoup.
Et alors mamà elle a dit que c'était justement ça la fin de l'histoire. Que les petites filles elles doivent aimer leur papà, même si elles ne le voient pas tous les jours !

Alors j'ai compris ce que mamà elle voulait dire. Elle essayait de m'apprendre que même si je suis triste, je dois penser que mon papà lui aussi il doit être triste de pas me voir. Et que donc, il faut pas que je sois triste. Et qu'à la place d'être triste, je dois faire une chose qui me fasse vraiment plaisir. Et tous les soirs, avant de m'endormir, j'envoies un bisou à papà. Je sais pas où il est , mais mamà elle dit que les bisous des petites filles, arrivent toujours à trouver les papas !

J'ai quand même pas tout compris, et surtout pas qu'en fait, les histoires de mamà n'ont pas que vocation à me faire rêver.

Car ce que je ne sais pas, mais que mamà sait, c'est qu'elle me raconte aussi ces histoires pour me protéger de l'absence de papà. Pour pas que plus tard, je sois malheureuse.
Mais ça, je le découvrirai en grandissant et pour le moment, alors que le soleil se couche, j'ai déjà le sourire aux lèvres, parce que tout à l'heure, avant le dodo, mamà me racontera une nouvelle histoire !

**21/01/1466 : Vous trouvez 51 piécettes d'un denier à demi enfouies dans le sol, ah vous pouvez féliciter votre œil d'aigle et votre regard fureteur !

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Alaynna
[La Mère et l'Enfant] Celine Dion


Je suis la mère, tu es l'enfant
Aucun lien n’est plus fort
Tu es ma terre, moi l'océan
Tu es mon seul rivage...
Tu es ma terre, moi l'océan
Tu es mon seul décor
Je sais devenir capricieuse
Je peux me mettre en sang
Et jouer la tempête furieuse
Qui te défend...



Ce soir, pas d'histoire de poupée narrée au coucher d'Anna. De fait, elle dormait déjà lorsque je suis arrivée.

Depuis quelques semaines j'ai établi un nouveau rituel. Depuis que le baron nous a emmené sur ses terres. Celles que j'ai en charge de l'aider à gérer, ainsi que tous ses gens. Eoghann avait tranché dans le vif en m'imposant de confier Anna à l'une de ses personnes de confiance à lui, estimant que j'aurai ainsi l'esprit plus libre de vaquer aux taches qui m'incombaient.
Sauf que, au vu de la situation qui était la mienne, et dont je n'avais toujours soufflé mot à quiconque, je ne me sentais pas rassurée de laisser quelqu'un que je ne connaissais pas prendre en charge ma fille durant mes absences.

Bien sûr, la baronnie n'était qu'à cinq lieues du manoir du baron à Argentan. Alors tous les soirs, une fois ma journée terminée, je montais Epo et je rejoignais la ville à train d'enfer, pour passer un moment avec ma fille.
Si j'avais été désemparée les premiers jours de devoir la laisser ainsi, je savais qu'Eoghann avait pris la bonne décision. Cela était bien et pour elle, et pour moi. Néanmoins, je m'étais mise en tête de confier ma fille à quelqu'un de confiance, et je n'en connaissais pas des tonnes sur qui je pouvais compter.

Mais, j'avais peut-être trouvé une solution. J'attendais la confirmation de la chose, mais déjà, je me sentais infiniment soulagée à l'idée de savoir, qui, éventuellement, allait se charger de s'occuper d'Anna pendant mes heures de labeur.

Ce soir j'étais arrivée plus tard que d'habitude, et la nourrice m'avait fait part de la journée qu'elle avait passé avec ma fille. J'étais un peu moins méfiante envers elle puisqu'elle avait la confiance du baron mais néanmoins, la pauvre femme, je l'avais abreuvé de précautions à prendre et Njörd, passait toutes ses nuits, couché au pied du lit d'Anna. Evidemment, ce n'était qu'un chiot, mais Apollo n'était jamais bien loin de ma fille. J'avais pris la décision de laisser mon Danois et ses petiots avec Anna. Du moins dans l'immédiat. Je préférai savoir Apollo dans son sillage plutôt que dans le mien. Je savais que si quelqu'un essayait d'approcher Anna, mon Danois serait là. Mais j'avais toujours la crainte que tout pouvait arriver. Evidemment que je savais qu'il y avait un risque mais depuis que j'avais été enlevée, j'avais dressé Apollo à n'accepter de la nourriture que de ma main. Si un inconnu lui présentait même le plus appétissant des os à ronger, Apollo le dédaignait. Je n'avais pas oublié no, ce que Gabriel avait osé faire, et les séquelles engendrées mettraient du temps à s'apaiser.

Et puis il y avait eu cette rencontre au haras. Et un beau Danois était réapparu dans ma vie. Et tout laissait à croire que cette fois, l'homme du nord n'allait pas s'envoler dans la nature de nouveau. Nous allions assister aux mêmes cours aux haras royaux et donc, forcément, passer du temps ensemble, dans un milieu qui était le nôtre.
Je n'en menais pas large avec lui, je restais sur mes gardes, car je commençais tout de même à bien le connaitre maintenant. Trois ans qu'il apparaissait dans ma vie pour mieux en disparaitre et j'avais donc toutes les raisons du monde pour garder mes distances.
Néanmoins, je lui avais pardonné sa dernière disparition. Parce que face à lui, lors de ses explications, j'avais soudainement pris conscience que c'était ma faute s'il était parti. Il s'était simplement senti de trop. Et quand j'y repense, c'est vrai qu'à l'époque, je prenais la défense de Niallan bec et ongle.

Or, ce n'était plus le cas aujourd'hui. J'avais pris conscience de ses mensonges, de ses promesses en l'air qu'il ne tenait pas et je voyais bien, de par son silence, qu'il se foutait pas mal en fait et de moi et de notre fille.
Lorsqu'il nous avait abandonné il m'avait promis de toujours assurer pour Anna. Mais plus le temps passait, et plus je m'apercevais que sa promesse ne valait pas un clou. De toute façon, quand un homme abandonne son propre enfant et sa mère pour s'en foutre le camp avec une femme et un enfant qui n'est pas le sien, tout est dit.
C'est juste moi qui ait voulu y croire à sa putain de promesse de m.ierda.
Mais depuis cet incident en taverne avec Anna et cette gamine de noble pourrie gâtée jusqu'à la moëlle, la vérité m'a brutalement cinglé le visage.
Et il est hors de question que je laisse Niallan faire souffrir notre fille. Il m'a détruite, mais il ne la détruira pas, Elle.
Alors comme nous sommes sans nouvelles, nous n'en donnons pas non plus. Et le cadre paternel qui trônait au-dessus du lit d'Anna, que j'avais emporté avec nous lorsque j'avais fui Gabriel, je l'ai retiré. Surtout que j'ai bien vu que la petite n'envoyait plus son bisou du soir ces derniers temps.

Les retrouvailles avec Osfrid m'ont remué. Bien plus que je ne veux l'admettre.

Après un énième regard enamouré porté sur Anna, qui dort paisiblement, et un tendre baiser sur sa joue et sur son front, je me dirige vers l'une des commodes de sa chambre, ouvrant silencieusement un tiroir.
Enroulé dans un tissu de velours bleu, l'objet est là. Le Danois l'avait offert à Anna. Ce marteau de Thor, qui est dans sa famille depuis des générations.
Quelle idiote alors ai-je été de ne pas comprendre. Un tel cadeau avait forcément une signification que je n'ai pas voulu voir à l'époque. J'ai voulu oublier que le Danois avait eu une femme et surtout un fils. J'ai voulu tout oublier de lui quand il a pris la poudre d'escampette.

Raté.

Mais néanmoins, même si aujourd'hui je ne veux plus d'homme dans ma vie, je n'en reste pas moins superstitieuse et je reste persuadée qu'avoir retrouvé Osfrid n'est pas un hasard. Quelque chose doit être écrit, quelque part.

Dans un bruissement feutré de bottes, je me dirige vers le petit lit d'Anna et j'enroule alors le lien du cuir autour de l'un des montants de bois, veillant à ce que le médaillon repose tout près de ma fille.
Le Danois m'a dit que dans son pays, c'est une protection très puissante envers les enfants.

C'est peut-être idiot de ma part, mais je me sens un peu plus sereine maintenant que le talisman veille sur le sommeil de ma fille.
Penchée sur elle, je lui souffle quelques mots, effleurant à peine sa joue, pour ne pas la réveiller.


" - Ti amo la mia piccola cara e non lascerò nessuno farti del male. Mai."*

Encore un petit peu de temps volé à rester auprès d'elle, une caresse à Njôrd qui a redressé la tête, couché au fond du lit, le chiot croisé Danois-Italien veille lui aussi et pousse un baillement avant de refourguer sa tête endormie entre ses pattes. Je replace Ada, sa poupée, correctement près de ma petite merveille, les bordant toutes les deux.

" - Mammà revient demain tesoro."


Le coeur serré, mais néanmoins soulagée pour la nuit, que tout soit tranquille, je rejoins Epo dans la cour du manoir, et prenant appui sur son dos de mes mains, je prends mon élan pour trouver mon assise et si nous sortons au pas du manoir, nous ne tardons pas à reprendre le galop pour rejoindre la baronnie.

Je t'aime ma petite fille, et je ne laisserai personne te faire du mal. Jamais.

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Alaynna
J'avais terminé ma journée assez tôt à la baronnie, pour ce soir, être en avance au manoir et je me faisais une joie sans bornes que de passer toute la soirée avec ma fille.
Sauf que voilà, à mon arrivée, la nourrice se tapait une tête d'enfer et du bout des lèvres, me dit qu'Anna avait été grognon toute la journée et que pour couronner le tout, elle n'avait pas voulu de sa soupe et avait renversé le bol au sol dans un accès de colère puis elle avait à peine touché à son dessert. Et affolée, la brave nourrice ne savait plus que faire, et était sacrément soulagée de me voir arriver.
Je lui donnais donc congé pour la soirée, en lui disant que je m'occuperai moi-même du coucher d'Anna-Gabriella ce soir.
Et quand je suis entré dans la chambre, je me suis statufiée sur le pas de la porte, l'observant durant un instant.
Anna était assise par terre, le portrait de son père sur les genoux, et Ada faisait les frais de la colère enfantine. La pauvre poupée se trouvait propulsée telle une catapulte depuis sans doute peu de temps avant que je n'arrive, sur le portrait paternel, et l'index levé en l'air, Anna, dans son langage bien à elle, semblait avoir des comptes à régler avec son paternel.
Et quand à Njörd, couché près de ma fille, il se cachait le museau sous ses pattes, rabattant ses petites oreilles, peu habitué aux petites ires Anna-esque.

Et moi je me retrouvais figée devant ma fille, sans savoir quoi faire ou quoi dire, sur l'instant même alors que j'avais l'impression, à la voir ainsi, que l'on était en train de m'arracher le coeur de la poitrine et que je sentais les larmes me monter aux yeux. Et bien sûr, je finis par ouvrir la bouche pour sortir la seule connerie qui me venait alors à l'esprit, là, tout de suite.


" Ton enfoiré de père est un Connard."


Sauf qu'au vu du coin-coin retentissant auquel j'ai eu droit avant de la voir se mettre debout et tricoter de ses petites jambes pour venir se jeter dans les miennes, j'ai vite compris qu'Anna - et heureusement- n'avait aucune notion de ce mot là mais qu'elle avait compris que mammà parlait de son père et de canard. Pour un peu qu'elle associe les deux ensemble, nous n'étions pas dans la mouise, mais je me souvenais qu'en fait, la faute en revenait à Gabriel.
En effet, suite à une missive Niallanesque adressé à Gabriel dans laquelle il semblait y avoir eu une sorte de règlement de compte au sujet d'un canard et de futurs enfants, je me souvenais avoir vu plusieurs fois Gabriel, affalé au sol au beau milieu du salon en train d'apprendre la coin-coin attitude à ma fille.
Et si je pensais que depuis que nous avions laissé de côté tout un pan de notre vie, les souvenirs eux aussi s'étaient effacés dans la mémoire d'Anna, j'en étais pour mes frais, parce qu'elle avait bien mémorisé le sujet.
Ce qui ne manqua d'ailleurs pas de me faire penser à Percy qui devait toujours avoir avec lui Miel et Laqué, et mon esprit vagabonda un peu plus, me rappellant que Maryah aurait du m'écrire une fois qu'elle aurait retrouvé son fils afin de me donner des nouvelles du grand demi-frère d'Anna-Gabriella.
Ce qui m'agaça un peu plus et pour moi-même je baragouinais quelques vérités bien senties, réaffirmant que Niallan était un connard et que Maryah ne valait pas mieux puisque la seule chose qui devait finalement l'intéresser en Bourgogne c'était de savoir si j'allais finalement suivre Niallan, et elle se foutait bien de m'écrire ainsi qu'elle me l'avait promis. Finalement, couper les ponts, ça avait du bon, au moins Anna ne souffrirait pas des masses de l'absence de son père et de ne pas voir Percy.

Ouai. Italienne jusqu'au bout des ongles quand la colère me gagne. Et ce soir, à voir ma fille dans l'état dans lequel je l'avais trouvé, je l'avais mauvaise. Vraiment mauvaise.

Putana d'enfoiré de Salopard de Connard. Alors lui. Lui ! Il ne perdait rien pour attendre. Mais pour sûr, valait mieux s'occuper d'un enfant qui n'est pas le sien plutôt que de sa propre fille.

Connard d'abruti.

Je soufflais un bon coup, alors que je câlinais doucement le petit corps qui s'était lové tout contre le mien, et le doigt dans la bouche, Anna me désignait de sa main libre, la pauvre Ada qui gisait au sol.


" - Bene. Tu sais quoi Tesoro ? Ce soir mamà va te raconter une autre histoire avec ta poupée. L'histoire de la deuxième petite fille a qui a appartenu Ada. Tu veux bien ?"

Devant le signe de tête d'assentiment d'Anna, j'ai eu alors tôt fait d'aller ramasser la poupée malmenée et de la caler dans les bras de ma fille.

" - Mais avant, tu vas demander pardon à Ada de lui avoir fait mal et tu lui fais un bisou. Et après je te raconte l'histoire."

Je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire en voyant le visage d'Anna s'éclaircir alors qu'elle faisait un énorme calin à sa poupée. Et c'est l'esprit légèrement plus serein, que je me glissais dans le fauteuil à bascule, Anna bien lovée tout contre moi qui elle-même serrait sa poupée contre son coeur à l'étouffer.
J'en profitais pour me pencher afin de faire grimper Njörd avec nous et le chiot d'emblée, prit ses aises sur les petits genoux d'Anna.

Et c'est ainsi, dans le calme revenu, que je débutais la narration de la suite des aventures d'Ada.


" - Alors la deuxième petite maîtresse d'Ada, s'appelait Coralie, et elle avait sept ans. Elle était fille d'un riche seigneur qui l'adulait elle, mais qui était méchant avec sa mère, qu'il avait enfermé dans une tour de son château. Et Coralie, qui aimait sa maman avec passion, osa un jour dire à son père que puisqu'il tourmentait sa mère, elle ne voulait plus être sa fille. Surpris et irrité de la déclaration franche et naïve de sa fille, ce père se fâcha avant d'essayer de reconquérir le coeur de sa fille par la douceur. Mais la petite fille ne cédait ni aux caresses, ni aux menaces et demandait à voir sa maman avec l'accent du désespoir. Elle fut deux jours sans vouloir accepter la moindre nourriture et finalement, ce père barbare, finit par céder. Il aimait sa fille, et de crainte de la perdre, il finit par la laisser aller auprès de sa mère. La vue de son enfant chérie ranima l'infortunée prisonnière et elle mêla ses larmes à celles de sa fille. Mais c'est en vain qu'elle essayait de faire comprendre à sa fille que quoi que fasse son père, elle ne devait pas le haïr. Même s'il avait des torts. Mais la vue de sa mère dans les larmes et dans la douleur, affectait tellement Coralie, que même la raison ne pouvait rien lui faire entendre. Les méchants ne sont jamais heureux parce que ce seigneur tourmentait sa femme injustement. Mais il était lui-même fort à plaindre, parce qu'à force de l'avoir maltraité, sa femme en était arriver à le haïr. Et l'éloignement de sa fille envers lui, le suppliciait chaque jour davantage.
Pour lui paraître moins odieux, il lui envoya alors Ada, ainsi que beaucoup d'autres joujoux. Mais Coralie n'avait d'yeux que pour sa mère et ne jeta pas un regard sur les cadeaux de son père.
Et vivant jour et nuit auprès de celle qu'elle chérissait, elle vit renaitre la gaieté naturelle de sa maman. Coralie sautait à chaque instant au cou de sa mammà, en la serrant avec de vives étreintes toute à sa joie et son ravissement d'être avec elle. Et les naïves caresses de sa fille, répandaient dans le coeur de cette mère, un baume vivifiant qui la rappelait à la vie. Résolue de prolonger sa pénible existence pour sauver, celle de sa fille bien aimée et surtout, lui apprendre à ne pas détester son père, elle imagina ce qu'elle put pour la distraire. Elle se mit alors en tête de lui apprendre à lire et à écrire et lorsque la fillette fut assez dégourdie pour se débrouiller, sa mère lui proposa d'écrire une lettre à son père dans laquelle elle pourrait lui dire tout ce qu'elle avait envie de lui dire. Peut-être qu'ainsi, il fléchirait et les ferait sortir toutes les deux du tombeau dans lequel il les avait enfermées.
L'espoir d'abréger les souffrances de sa mère, donnèrent à Coralie une activité surprenante et la jeune enfant mit tout son coeur dans l'écriture de la lettre à son papà. Mais celui-ci ne répondit pas. Il en fut de même de plusieurs autres lettres qu'elle lui envoya. Elles restèrent sans réponse. Une noire mélancolie s'empara alors du coeur de sa mère, et se propagea dans celui de la fillette.
Il y avait maintenant près de deux ans que Coralie était enfermé dans cette tour avec sa mère, quand elle écrivit une nouvelle lettre à son père. Jusqu'à cette époque, l'enfant avait conservé sa gaieté et sa force. Le bonheur d'être avec sa maman et la légèreté ordinaire à cet âge, avait soutenu sa santé, malgré le défaut d'air et la mauvaise nourriture. Mais quand la pauvre petite eut aperçut l'état de langueur de sa mère, quand elle la vit sans cesse dans les larmes et n'ayant plus un moment de repos, une tristesse profonde s'était emparée d'elle à son tour. Son appétit disparut, elle maigrit à vue d'oeil et perdit le sommeil. Et d'intérêt elle n'en avait que pour celle qui lui avait donné le jour et dont elle partageait le sort si courageusement.
Une nuit, Coralie, plus accablée qu'à l'ordinaire, eut un songe qui enflamma son sang ; elle crut voir entrer des bourreaux dans la tour, qui venaient ôter la vie à sa mère. Elle se réveilla en sursaut, et des larmes amères inondaient ses joues, alors qu'une fièvre brûlante s'était emparée d'elle. La petite fille avoua alors à sa mère qu'elle voulait mourir, parce qu'elle n'en pouvait plus de voir sa maman si malheureuse, ce à quoi sa mère répondit, en larmes, qu'elles n'avaient qu'à mourir toutes les deux.
A ces paroles, la pauvre petite fille rendit en effet son dernier soupir. Après l'avoir baignée de ses larmes, et couverte de ses derniers baisers, cette malheureuse mère déchira un pan de sa robe, et elle ensevelit le corps de sa chère enfant. Ainsi finit à l'âge de neuf ans, la plus intéressante petite fille que le ciel eût jamais formée."


Du coin de l'oeil, j'observais Anna. Je n'étais pas certaine qu'elle avait tout compris. Alors je rajoutais pour essayer de lui faire comprendre la morale de l'histoire, quelques phrases.


" - Tu vois Anna, même si papà il n'est pas là, même s'il fait plein de bêtises ailleurs, il ne faut pas que tu le détestes. Une petite fille ne doit jamais détester son papà. Jamais ! Et mammà ne laissera pas papà te faire le moindre mal. Alors la prochaine fois que tu veux cogner sur le portrait de papà avec Ada, il ne faut pas. Je crois que ce que tu peux faire, si tu es en colère après lui, parce que tu as le droit d'être fâchée après papà, c'est de prendre le portrait et de le mettre dans le tiroir de la petite table près de ton lit. Et quand tu ne sera plus fâchée après lui, tu pourras sortir le portrait du tiroir et le poser sur la table.
Et donc tu vois la deuxième petite maîtresse d'Ada, elle a été très triste parce qu'elle haïssait son papa. Mais ça veut pas dire non plus que tu vas mourir si tu es fâché après lui. Tu sais mammà elle est fâchée après son papà à elle, ton grand-père, depuis très très longtemps. Mais c'est pas bien. Il ne faut pas faire ça et je ne veux pas qu'un jour, tu fasses comme mammà, avec papà.

Alors pour ce soir, si tu veux, on va mettre papà dans le tiroir, et demain, quand ça ira mieux, on le remettra sur la table.
Et puis demain, on ira faire une promenade avec Hidalgo. Et ce soir, mammà elle dort avec toi."


Un brin inquiète, j'observais les réactions de ma fille, parce que l'air de rien, je n'en menais pas large lorsque l'une de ces petites crises au sujet de papà survenaient. Heureusement que c'était peu fréquent, mais il valait mieux comme on dit, prévenir, que guérir.
Et je comptais bien faire en sorte que ma fille n'ait plus de crises de ce genre. C'était tout aussi éprouvant pour elle que pour moi.

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Niallan
[Mon silence est bien trop long
Et les mots n'ont jamais pu soigner c'que j'ai au fond
Ce que j'ai toujours eu
Une fois les pieds à terre est-ce que la vie vaut vraiment
J'ai beau regarder la mer j'peux replonger pour longtemps*]


Des semaines que je ne leur donne pas de nouvelles. Des semaines que je lis et relis la dernière missive italienne sans trouver le courage d'y répondre. Comment je peux lui dire que je les ai abandonnées pour une femme qui n'en vaut pas la peine, encore moins la mienne ? Comment leur écrire que j'ai failli en mourir ? Plus les jours passent et plus la rédaction m'apparaît difficile. Tous mes essais se sont avérés aussi ratés que mes divers mariages, c'est vous dire.

Dans un soupir exténué, j'envoie plus que je ne pose le dernier sac dans la charrette. Je rejette les mèches blondes qui me tombent devant les yeux, m'essuie le front et envoie une tape amicale dans le dos du ritagnol à deux doigts du suicide.

Ça va aller, c'est juste un mauvais moment à passer. Nouvelle tape encourageante dans un sourire qui se veut confiant. Ça va être chouette Moustachouette. Je lui décoche un clin d’œil et effectue un demi-tour, suivi d'un autre. Retour à la position initiale, je le zyeute, danse d'un pied sur l'autre. Attendez-moi ici, j'en ai pour une petite heure. Dis-leur que je suis parti chasser.

Je suis loin d'être un chasseur sachant chasser mais j'irai acheter des lapins au marché avant de rentrer, histoire de rendre mon mensonge plus crédible. Je contourne notre convoi exceptionnel avec un faux sourire plaqué sur la trogne, marche à un rythme normal pour ne pas éveiller les soupçons et m'enfonce dans la forêt. Quand je suis certain d'être trop loin pour qu'ils me voient, je me mets à courir. J'ai plus l'air d'être la proie que le chasseur, en proie -justement- à une irrésistible envie de fuir. J'ai peur de ne pas faire le bon choix, j'ai peur de me planter encore une fois. J'aimerai qu'elles soient là, j'aimerai les revoir. J'aimerai qu'elles m'aiment encore, juste un peu, j'aimerai leur manquer, j'aimerai...Je me laisse tomber essoufflé au sommet d'un colline, mets de côté mes réflexions pour entamer ma rédaction. Inspiration, expiration. Révélations.

Citation:
Alaynna,

Oui, c'est bien moi. Ton enfoiré d'ex-mari, le salaud qui a partagé ta vie avant de la gâcher. Le type qui répond à tes lettres à la vitesse d'un escargot asthmatique et encore, quand il le fait. Le gars très imparfait dans le passé, dans le présent et sûrement dans le futur. Je te ferai bien une tartine d'excuses pour te demander de me pardonner mais je sais que tu préfères celles recouvertes de confiture ou de fromage. Tout comme j'ai conscience de ne pas mériter ton pardon, encore moins celui de notre merveille. Je vais me contenter de t'expliquer pourquoi je vous ai infligé tout ça

Tu me demandais comment j'allais, ce que je faisais et quand je revenais. Pendant un long moment, j'aurais répondu « mal, je meurs, jamais », à peu de choses près. Je trouvais pas les mots pour enjoliver la réalité laide à pleurer et en faire un euphémisme supportable. Je trouvais pas le courage de faire comme si, et c'est comme ça que je me suis laissé happer dans ce silence épistolaire. J'avais honte de te dire qu'elle m'a trompé, qu'on a divorcé et qu'elle a tué notre enfant. Honte de t'avouer que je me suis laissé sombrer jusqu'à manquer d'en crever.

J'ai voulu mourir. Pendant des semaines, je suis resté enfermé dans ma piaule à regretter tout ce que j'avais perdu, me demandant ce que j'avais foutu pour que tout soit foutu. Je suis arrivé assez rapidement à la conclusion que le dénominateur commun à toutes mes galères et échecs n'était autre que mon incapacité à faire les bons choix couplée à ma capacité à merder. Je me suis dit que la meilleure façon d'y remédier c'était de tout arrêter. J'avais plus la force d'essayer de changer, je pensais de plus en plus à rejoindre Lexi. Je me suis mis à penser que là-haut, je serai auprès d'elle pour la protéger, et que je vous verrai d'en bas être cent fois plus heureuses sans moi.

Ne va pas imaginer que c'est parce que je ne vous aime pas assez que je voulais en finir. Vous m'avez maintenu en vie plus longtemps, vous m'avez fait douter. C'est son chausson que je serrais contre mon cœur la nuit que je pensais être la dernière, c'est ses yeux bleus que je voyais quand les miens s'embuaient de larmes. Mais j'en pouvais plus, je pouvais plus. J'ai fini par comprendre pourquoi toi aussi t'as voulu te donner la mort, que même avoir donné la vie c'était pas suffisant. J'ai fait comme toi, j'ai acheté un poison et m'apprêtais à le prendre. Je ne vous aurais rien dit pour vous préserver. Je préférais que vous me pensiez père démissionnaire plutôt que suicidaire. Je voulais vous donner la possibilité de me détester plutôt que de vous infliger un deuil à durée indéterminée. Ça fait peut-être partie de mes mauvais choix, c'est même très probable. Je te demande pardon pour ça, j'ai essayé de faire au mieux en commettant le pire.

Aujourd'hui c'est Diego que l'amour est en train de tuer. Aussi improbable que ça puisse paraître, Eliance s'est amourachée d'un blond qui porte un nom de porte. Elle est responsable de la mort de leurs enfants -bon, d'accord, c'était des canards mais ça compte quand même !-. Alors on part, c'est à mon tour de prendre soin de lui et de lui redonner envie de la vie. On a entendu parler d'une expédition en bateau qui part des côtes bretonnes alors on remonte tout doucement vers le nord. Si toi et Anna pouvez me voir autrement qu'en peinture et que le bateau ne part pas trop tôt, le groupe passera par l'Alençon. J'ai même le fol espoir que ta baronnie te laisse assez de temps pour une escapade ou que tu fasses ne serait-ce qu'envisager de laisser Anna partir avec nous. Notre périple durera un mois au cours duquel je vous écrirai en contemplant la mer. Je raconterai à Anna ce qu'est la vie de pirate, je lui parlerai de ces créatures qu'on aperçoit dans l'eau et de ces embruns marins qui ôtent le vague à l'âme.

Quoiqu'il en soit, prenez soin de vous, malgré tout, malgré moi. Vous me manquez, à un point si énorme que ça en fait un rond. Et je vous aime, à ma manière pas très carrée mais linéairement vraie.

Je vous embrasse,

Niallan.

P.S : Tu trouveras joint à ce courrier une rose blanche, il paraît que c'est synonyme d'éternité. Je te fais la promesse d'être de retour avant qu'elle soit fanée.


Après avoir enroulé le parchemin autour d'une rose dévolue à ces périodes de Saint Valentin, j'expédie mon piaf dans les airs en lui recommandant de ne pas se perdre sous peine de finir carbonisé. J'esquisse un sourire en le voyant s'envoler et pars moi aussi dans une envolée, lyrique, tout en prenant le chemin du retour :

Emmenez-moi en mer là où l'amour est merveilleux
Emmenez-moi en mer là où je brûle de mille feux
Emmenez-moi en mer là où je m'en crèverais les yeux
A l'abri de l'Enfer, à l'abri du bon dieu*



*Luke – La terre ferme

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Bannière réalisée par les grands soins de JD Calyce.
Annagabriella
Mamà elle raconte de belles histoires. Toujours. Elle sait comment me consoler quand je suis triste et comment me calmer quand je suis en colère. Elle sait aussi me soigner quand je suis malade. Et puis elle sait faire tout plein d'autres choses pour moi.

Mais ce que mamà elle ne sait pas, c'est que je ressens très fort toutes ses émotions à elle. C'est pour ça que quand je suis née, j'avais crié très très très fort pour pas qu'elle s'en aille et qu'elle était revenue. Mais elle m'avait fait peur.

Et aujourd'hui, alors qu'elle est en train de lire la lettre de papà, elle m'a fait peur de nouveau. Elle me tenait tout contre elle en lisant et d'un coup, je l'ai senti qui se mettait à trembler, et j'ai vu comme de l'eau qui coulait de son front. Mais elle pleurait pas. Je sais pas ce que c'était, mais mamà elle a fouillé dans le tiroir et elle a pris une de ces choses qu'elle prend quand elle a bobo comme ça. Parce que je crois qu'elle a bobo et que ce qu'elle avale, ça lui fait partir le bobo.

Après elle a posé la lettre sur la table, et elle est longtemps resté à me bercer tout contre elle. Elle m'a dit que papà il avait écrit et moi j'ai fait bravo très fort avec mes petites mains en riant et en répétant des "papà, papà" tout joyeux, dans un éclat de rire. Et puis mamà elle a continué de me câliner et après elle a dit que papà il était comme les canards et que peut-être il allait venir nous voir avant de monter sur un bateau.

Mamà me regardait d'un air triste et me faisait tout plein de bisous. Elle ne souriait pas. Elle ne pleurait pas. Elle avait juste l'air d'être dans son monde à elle. Et puis elle m'a demandé si je voulais voir papà et j'ai fait oui de la tête.

Alors elle a dit qu'elle lui écrirait demain.

Elle a rangé la lettre dans un tiroir et puis ensuite on est partis s'occuper d'Hidalgo et c'est pas moi qui lui ait redonné le sourire, mais c'est lui quand il a mis ses naseaux contre son épaule et qu'il a soufflé très fort.

Alors moi j'étais contente, parce que mamà avait retrouvé le sourire. Et quand elle m'a mise au dodo, j'ai eu le droit de jouer avec le beau joujou qui est accroché à mon lit et puis je me suis endormie en regardant le portrait de papà posé sur ma petite table.

Je sais pas s'il va venir me voir, mais je suis contente parce qu'il a écrit et qu'il a dit qu'il me faisait des bisous et que bientôt, il allait m'écrire des histoires sur la mer.

C'est mamà qui me l'a dit, alors si elle le dit, c'est que papà il raconte pas de mensonges cette fois, sinon mamà, je la connais, elle m'aurait rien dit du tout. Peut-être que elle aussi elle veut y croire qu'il va m'écrire des histoires, mais quand même elle a pas l'air aussi contente que moi de savoir que peut-être, il va venir nous voir.
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Alaynna
[Entre les lignes...] Florent Pagny

Si tu lis entre mes lignes
Tu apercevras ma peine
Tu y verras peut être aussi un signe
Qui te rappellera la tienne
J'ai plus autant de courage et d'envie
Que ma vie semble lointaine
Alors j'attends cet instant de folie
Pour que mon désir revienne
Qu'il m’entraîne...


Si tu lis entre mes lignes
Tu apercevras des plaies
Tu y verras peut être aussi des îles
A l'abris des nuits mondaines
J'y resterai à t'attendre sans bruit
Pour qu'à jamais tu reviennes
Et si les jours ont raison de ma vie
Sache que j'attendrai quand même
Que tu viennes...

Si tu reviens on refera la vie
En oubliant les erreurs
Je t'apprendrai que le bonheur aussi
Peut te défoncer le coeur
Sans douleur

Et alors si je veux rester là dehors
A trainer quelques heures encore
Sous la cendre et t'attendre....


J'ai attendu d'être revenu à la baronnie pour répondre à la missive de Niallan. Je ne devais pas trop tarder à le faire, si je voulais que mon plan fonctionne à la perfection et qu'il ne se doute de rien.

Je me suis installée devant la fenêtre de la chambrée où je logeais, et je l'avais ouverte afin de laisser pénétrer les rayons de lune. Et c'est sous la lumière de leurs rayons que j'ai débuté ma missive.

Mais je m'arrêtais fréquemment. Je repensais à ces moments, quelques jours auparavant, ou Anna nichée contre moi pour me donner un peu plus de courage, je m'étais enfin décidé à lire la missive Niallanesque.
Le Con. Il a fait remonter d'un coup à la surface des souvenirs qui m'ont flanqué un coup de pression terrible et j'ai du attrapper l'une des fioles de Genève, afin de calmer mon organe vital qui s'était soudain mis en mode tambour et étau de guerre, m'arrachant quelques suées froides et des frissons dans tout le corps. Heureusement, la potion avait rapidement fait son effet et m'avait calmé les douleurs, qui s'étaient estompées aussi vite qu'elles n'étaient apparues.
Le médecin genevois m'avait prévenu combien elles peuvent être foudroyantes pour s'estomper tout aussi rapidement.
Cela faisait un petit moment que je n'en avais plus eu. Mais les nouvelles que Niallan m'apportaient avait réveillé ce que j'enfouissais depuis des mois au plus loin de ma mémoire, dans les tréfonds les plus profonds.

Fais chier. Connard. Tu me fais chier. Tu m'emmerdes à venir foutre le bordel dans ma vie toujours au moment où je m'y attends le moins.

Avec ta putain de rose blanche ! Je vais t'en foutre de l'Eternité moi, tu vas voir !

En mode panique l'Italienne. Parce qu'un Niallan qui se pointe cela veut dire que les embrouilles ne sont pas loin et surtout, c'est un danger potentiellement non négligeable pour ma promesse. Et un Niallan qui reste loin, très loin de moi, c'est plus facile à gérer que lorsqu'il se trouve à seulement quelques mètres, ou même dans la même pièce que moi.

Donc, il faut que je trouve une solution. Je n'ai pas le choix. En plus, vu que Maryah m'a écrit, je sais qu'il ne me dit pas tout le fumier. Finalement, la missive de Maryah, même si ça m'a agacée qu'elle me parle de Niallan et de Roman, elle a bien fait de me l'envoyer.



Citation:
'Sera Niallan.

Tout ça pour ça.

Vous avez détruit nos vies à Anna et moi avec Neijin, pour ça ! Putana ! Vous m'emmerdez, vous me faites gravement chier.

Tu sais..No, tu ne sais pas. Je ne me souviens plus très bien si nous étions en Bretagne ou à Limoges, mais un soir, nous avions passé toute une soirée en tête à tête Neijin et moi. Et on avait décidé de garder ça secret. Rien qu'entre elle et moi.
Au départ elle était venu me demander de l'opium, elle était dans une de ses périodes où elle cherchait par tous les moyens à foutre en l'air sa grossesse. Je ne voulais pas lui en donner et puis finalement je l'ai fait. Ouai. Et puis finalement on est resté toutes les deux à parler. De toi essentiellement. Quand elle a su que je ne supporterai pas que tu sois près d'elle quand elle allait accoucher d'un enfant qui n'était pas le tien ; alors que tu avais merdé avec moi au point de me faire fuir à quelques heure de mon accouchement où tu aurais du être, elle m'a dit qu'elle allait te dire qu'elle ne voulait plus que tu sois là. Et j'ai refusé. Et puis je lui ai fait me promettre que je morflerai pas pour rien. Je voulais qu'elle te rende heureux. Elle m'avait promis qu'elle ne te ferait jamais de mal. Voilà. Aujourd'hui, j'ai le sentiment de ne pas m'être battue à l'époque, pour rien finalement. J'ai morflé pour que tu sois heureux et au final voilà le résultat.

Je suis en colère alors je ne vais pas te dire que je suis désolée pour toi. Parce qu'en fait, je ne le suis pas. Et je ne t'ai toujours pas pardonné. Que ce soit bien clair dans ta tête de piaf. Alors pas la peine de me demander pardon parce que je ne suis toujours pas en mesure de le faire.

Tu as voulu te tuer, mais personne ne m'a mise au courant. C'est bien. Il est fortiche ton Diego, putana, mais quel super pote que tu as là ! Ah mais c'est vrai qu'il me fait la gueule alors il ne risquait pas de me prévenir. Quel fameux parrain Anna a t'elle... Et ce couillon qui est au bord du suicide maintenant. Et toi par contre tu vois, tu es un bon poto pour lui parce que toi au moins, tu m'en parles. Bref. Passons.

Quel est ce bateau dont tu me parles ? Et qui est le capitaine ? No parce que de toute manière je ne peux pas venir et Anna ne mettra pas un pied dans un navire sans moi à ses côtés.
J'attends une personne qui doit arriver sous peu pour me seconder avec notre fille. Si. Parce que le baron pense que c'est mieux comme ça je peux me consacrer à mon travail plus aisément. Mais pour l'instant je fais les allers-retours chaque soir pour être avec Anna. Et puis j'ai mes cours aux haras royaux, et puis je dois aller faire un petit truc dans le Périgord avec un prêtre, enfin pas un truc, mais quelque chose d'important, et aller à une vente aux enchères organisée pour le couronnement de la nouvelle reyne. Donc je n'ai pas du tout le temps d'aller faire une escapade sur un bateau. Où vas tu d'ailleurs ?

Et puis si tu es si pressé que ça pour prendre ton navire, peut-être que le mieux c'est que tu viennes nous voir quand tu reviens. No parce que tu sais, Anna elle va être perturbée si tu viens la voir en coup de vent. Tu n'es plus à un mois près de toute façon no ?
Alors, tu vas faire ta virée maritime, et avant que ta rose ne se fâne, tu seras revenu tu me l'as promis. Donc voilà, tu auras ensuite tout le temps de venir nous voir et de profiter de notre fille.

Sinon tu viens pas du tout. C'est aussi une option.

Alors Anna t'embrasse très fort, et on te souhaite une bonne virée en mer, en espérant que ton navire ne fasse pas naufrage. C'est quel genre de navire d'ailleurs ? Une caraque ? Tu nous écriras, Anna sera très heureuse que je lui raconte tes histoires. Elles lui manquent beaucoup. Toi aussi d'ailleurs mais quand cela se produit, ne t'inquiète pas, Anna et moi on gère.

Surtout fais attention à toi. Et...[Ne viens pas.] Roch Voisine

PS : Merci pour la rose blanche, c'est vraiment parce qu'elle est symbole d'éternité que tu me l'as offerte ?

Alaynna.


Ne viens pas réveiller ma mémoire, dire que tout se répare.
Qu'il faut savoir pardonner.
Ne viens pas faire basculer ma vie, toi qui l'a affaibli, sans coeur et sans merci.
Ne viens pas, ou tu vas me tuer.


C'est plutôt satisfaite de ma prestation que j'ai cacheté le pli, et l'ait confié à un coursier afin qu'il la fasse parvenir à son destinataire. Ainsi je n'avais pas à m'inquiéter, j'avais un bon mois, voire plus pour me préparer à la venue du père de ma fille.

D'ici là, il se serait peut-être produit un miracle dans ma vie.

Et c'était bien la première fois, alors que je partais m'occuper d'Hidalgo aux écuries, que je regrettais que le Danois soit si loin. Et que j'en prenais conscience surtout.

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Alaynna
[Le présent d'abord..] - Florent Pagny -

Hier était hier déjà au passé dépassé
Hier n'est plus à refaire ou à ressasser
Alors rien ne sert de s'encombrer


Laissons nous vivre le présent d'abord
Laissons nous vivre un instant plus fort
Laissons nous suivre nos envies d'encore
Laissons nous vivre aujourd'hui d'abord



L'Italien a répondu. Je ne pensais pas qu'il le ferait. Et quand je découvre et comprends les nouvelles que Diego m'apporte sous mots couverts, j'aurais, je crois, tout donné, pour ne pas avoir su..
Parce que là où je pensais que Niallan ne pourrait plus jamais me blesser, je viens de comprendre que je me suis trompée. Les blessures causées par l'italien ne sont rien comparées à celles du blond. Parce que dire que l'on ne m'a pas retiré son amitié mais qu'on l'a mise de côté, c'est débile. Je n'ai rien lu d'aussi complètement nul. C'est un nouveau concept issu de la caboche tordue de Diego. Oh no bien sûr que no je ne t'ai pas retiré mon amitié, je l'ai juste mise de côté ! Mais bien sûr. En plus il me prend pour la dernière des connes. Aussi enfoirés l'un que l'autre. Ce sont les mêmes. Exactement les mêmes. Hormis le physique qui change mais au final, ils sont fait dans le même moule Niallan et lui. Deux putains d'Enfoirés. Salaud pour le blond, Connard pour le brun moustachu.

J'ai lu. Et les mots se sont enchainés les uns aux autres, trouvant tous leur place. Il y a des vérités. Il y a des injustices. Il y a du faux. Il y a de l'incompréhension. Il y a du désespoir. Il y a de la connerie. Il y a ces mots qui font mal.

Alors le coeur dans la poitrine se retrouve enserré dans cette douleur qui percute comme un étau sans fin, pressant, broyant. Il y a ce souffle qui peu à peu, s'étiole et les sueurs froides qui m'envahissent, se dispersant dans tout le corps. C'est normalement à ce moment là, que je devrai me précipiter sur mes fioles afin que leur contenu dissipe le mal. Mais je ne le fais pas. Je laisse la douleur prendre le dessus en me tournant vers les étoiles, par la fenêtre ouverte. Je leur parle. A ces milliards de lumière qui ne nous répondent jamais, mais qui, dans le silence, nous écoutent toutes. Je continues de frissonner, et j'attends que les heures passent. Par dizaine. Par centaine. Par milliers. C'est ce que je faisais depuis que Niallan nous avait abandonnées avant que je ne rencontre le Serbe. C'est ce que je fais depuis la mort de Loras.

J'attends que minuit sonne pour me noyer dans un nuage de fumée. Pipe Serbe plantée entre mes lippes. Parce qu'aujourd'hui, par le biais de Diego, mon ex-mari et sa connerie me tape sur les nerfs et je regarde ce ciel qui devient alors cette immense étendue noire de promesses non tenues.

Je te promets d'être là, pour vous deux. De tout te dire, jamais te mentir.>>

Menteur !


>

Saloperie d'Enfoiré de Menteur !


>

Salopard. Tu viens de me prouver tout le contraire.

A toi, cette personne pour qui j'ai tout donné, le monde est grand. A toi, cette personne que j'ai tant aimé, nous ne sommes rien. L'amour nous a fait chuter du ciel, avoir le courage de crier à l'univers de t'affronter, c'est se jeter dans le vide sans hésitation. Avoir ce sentiment de haine envers le monde, vouloir vaincre le pire pour avoir le meilleur. S'être battue si fort pour en arriver...Là.

Alors je ne dirai rien. Je ne dirai pas que je sais, que j'ai compris ce que tu nous cache à Anna et moi. Je resterai aussi muette que ces étoiles là-haut que je regarde encore. Je resterai aussi sage que ce ciel même pendant l'orage. Que la galaxie s'abatte sur nos corps, que le monde me haïsse. Que la lune surpasse le soleil.

Je m'en fous.

Un jour peut-être, tu prendras mon corps dans tes bras en laissant s'écouler ces larmes dans ma nuque. Tu déposeras ces derniers baisers puis tu regarderas tes mains. Couvertes de sang. Ce jour là je me serais sans doute égarée et perdu dans ton monde à toi avant de m'envoler.

Etrangement, à cet instant, je pense à cette femme que je n'ai pas connu personnellement mais que je connais tant par Niallan et surtout par Diego. Diego qui un jour à Marseille, m'a dit de prendre exemple sur elle. Prendre exemple sur Aphrodite, prendre exemple sur une Morte. Sur une Déesse.

J'ai suivi ces conseils pour mes tenues vestimentaires. Je n'avais pas envisagé qu'un jour, je pourrai prendre exemple sur elle pour d'autres faits.

Et pourtant ce soir, c'est tellement évident pour moi de comprendre soudain le geste désespéré qu'elle a pu avoir.

Printemps arrive et avec lui, mon rendez-vous approche avec Loras. Retourner sur la tombe du Serbe que j'ai moi-même creusé. Y emmener Anna avec moi. Loras ne voulait ni femme ni enfant. Pourtant il m'avait choisie et il savait que j'avais ma fille.
Et au vu de ce que Diego venait de m'apprendre, dans les méandres de mon esprit torturé, je me disais que Loras aurait certainement été un bien meilleur père pour Anna que ne l'est Niallan.

De toute façon, dans quelques mois, quand l'Autre, sera né, Niallan oubliera totalement Anna.

Alors je vais la protéger de ça. Je vais laisser le Monde nous effacer. Elle et moi.

Printemps s'approche et nous irons rejoindre Loras. Point.

Ce soir, de Père, Niallan est devenu Géniteur. Horreur qui me réfère à mon propre paternel.

La rose d'Eternité est ôtée des mèches brunes. Cela fera un mois dans six jours. A cette heure-ci, il doit être sur son navire. A cette heure-ci, il n'a écrit absolument aucunes des histoires promises à Anna. A cette heure-ci il nous a oubliées.
Rose s'en va rejoindre avec d'infinie précaution dans leur boîte de bois et de verre ouvragés Edelweiss et Immortelle.

Le coeur lui, se broie davantage encore alors que le souffle se coupe un peu plus précipitamment. La missive italienne est repliée et glissée, avec des doigts tremblants, dans le tiroir du secrétaire.
L'étau se resserre et de fines larmes de sueur froide glissent sur mes tempes.

Jusqu'à ce que j'entende soudain les hurlements d'Anna. C'est en voyant la nourrice surgir avec ma fille dégoulinante et hurlante entre ses bras que, pâle comme la mort, je leur fais face alors que dextre s'en cherche enfin, à cueillir la fiole de vie salvatrice et lippes bleuies s'en abreuvent, retrouvant ainsi petit à petit leur vermeil.


Madaaa-aaaame ! C'est terrible ! Je vous promets que je ne l'ai quitté du regard que quelques secondes quand je battais les draps ! Et la petite a glissé dans le lavoir. Elle a voulu elle aussi laver la robe de sa poupée et ma bonne Mère, heureusement que je l'ai vu plonger à ce moment là ! Je l'ai repêchée tout de suite mais Madaaa-aaaame je vous en conjure, cette enfant est plus vive que l'éclair ! J'ai regardé elle n'est pas blessée, mais elle a eu très peur et elle ne cesse de hurler et vous réclamer depuis ! C'est arrivé si vite Madaaa-aaaam, pardon ! pardon !

A ce moment, j'ai prié pour que la Danoise arrive enfin. Parce que ça ne pouvait pas continuer de la sorte. J'avais besoin d'un [Miracle]


Demain sera, demain dis toi bien
Que rien d'avance n'est décidé
Aucun destin n'est gravé dans ses mains
Tout peut changer, tout peut arriver..

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Niallan
[Je rêvais d'un autre monde 
Où la Terre serait ronde 
Où la lune serait blonde 
Et la vie serait féconde

Je dormais à poings fermés 
Je ne voyais plus en pied 
Je rêvais réalité 
Ma réalité*]


La terre n'est pas ronde, tout le monde le sait, sinon on tomberait. Si la lune était blonde, t'aurais toujours un brun jaloux sur quatre pour dire que les blonds sont laids et demeurés. La vie n'est pas féconde, la fée des connes à la limite puisque les meilleurs partent en premier. Autant vous dire que mon rêve se rapprochait déjà beaucoup trop d'une utopie. Ajoutez à ça des pluies d'écus, des rivières de bibine et des gazons en opium et vous aurez une définition de l'improbable impossible. Pour parfaire le tableau, j'avais ajouté divers protagonistes dans ce décor idyllique. Les trois femmes de ma vie, mes enfants, Diego et les siens, Aphrodite, Eliance, Cat', Kachi et les autres amis. Il y avait même Maryah et Marion, les casse-burnes de service à la retraite pour la paix des ménages et méninges.

Un observateur extérieur vous aurait parlé de mon sourire béat et du filet de bave reliant mes babines à l'oreiller. L'observateur intérieur que je suis aurait affirmé que je dormais du sommeil du juste et que j'ai trouvé le réveil injuste à juste titre. Ma réalité rêvée s'est envolée pour laisser place à un quotidien bien plus chien. Je vais pas vous dire que c'est un cauchemar parce que je suis quand même pas mal loti. La première femme de ma vie est enceinte -de moi-, notre fils est auprès de nous et m'appelle enfin papa -version italienne-, je vis une grande aventure maritime en compagnie d'une partie des essentiels cités ci-avant. Sauf que les deux autres femmes qui ont fait l'erreur de m'épouser ne vont pas bien.
Du tout.

Las, je me redresse, rajustant au passage les draps sur le corps nu de l'italienne. Je passe une main dans mes tifs emmêlés par nos nuits enfiévrées et finis par me lever. Braies et chemise sont passées tandis que je reste pieds nus pour rejoindre la poupe du bateau. Mains appuyés sur la rambarde, je regarde derrière moi sans apercevoir autre chose que de l'eau à perte de vue. Je pense à ce que j'ai perdu de vue, ceux que je laisse derrière moi. Elles. Neijin vit recluse avec Hlodo en Normandie, seule et amoureuse. De moi. Je le suis aussi mais c'est fini les conneries. Et puis il y a Alaynna que j'ai déçu, trahi et pourtant éperdument aimé. Que je vais peut-être finir par tuer. Dents serrées, je ressasse les mots qu'elle a écrit à Diego. J'ai envie de hurler. De gerber. De sauter et de la rejoindre à la nage. Au lieu de ça, je sors plume, vélin et encrier pour lui écrire.

Citation:
Alaynna,

Oui, tout ça pour ça. Tout ce gâchis pour des conneries. Je ne te demande pas de me pardonner, à vrai dire je m'attendais plutôt à un « tu l'as bien mérité » ou un « bien fait pour ta gueule » qui auraient été tout à fait exacts. Je vous ai fait souffrir, toi et notre merveille, pour une femme qui aime vraisemblablement autant l'idée d'être mère que j'aime celle d'avoir à bouffer du maïs. Tu ne t'es pas battue pour rien, tu es la femme qui a fait le plus de sacrifices pour moi et mon égoïsme à toute épreuve. Je n'oublierai jamais ça, même quand je deviendrai sénile.

Mais aujourd'hui ce n'est pas pour moi que tu dois te battre. C'est pour toi, c'est pour Anna. Le ritagnol m'a montré ta lettre parce que oui, quoi que tu en penses, c'est un ami en or. Il a tout fait pour me sauver et ne me cache strictement rien. De même qu'il continue à tenir à toi. Passons, ses qualités ne constituent pas le sujet. Je sais que la question qui va suivre peut s'apparenter à du foutage de gueule venant d'un type qui t'écrivait dans sa dernière lettre qu'il a voulu se suicider. Je m'en carre l'oignon avec un navet, il est de notoriété publique que je n'ai aucune limite.

Comment peux-tu penser à vouloir rejoindre Loras ? AVEC NOTRE FILLE. Non mais tu te paies ma tronche ? T'es encore droguée, c'est ça ? Tu t'es fait rouler dessus par une charrette et ça a mis le bordel dans ta tête ? Putain de merde Alaynna, tu peux pas faire ça. T'as pas le droit de mourir et encore moins de tuer notre fille. C'était pour ça le prêtre ? Pour obtenir l'absolution avant d'aller te suicider ? Et la personne devant te seconder c'était au cas où, finalement, tu décides de mourir tout seule et de laisser notre fille en dehors de tes délires morbides ?

Je sais que je t'ai fait énormément de mal et que j'ai détruit tes rêves en brisant tes espoirs. Je me doute bien que j'ai pas fini de te décevoir et de te mettre en rogne. Alors pourquoi c'est pas à moi que tu t'en prends, hein ? Insulte-moi, frappe-moi, monte le royaume entier contre moi en racontant partout comme je t'ai traitée. Mais ne meurs pas.
Je sais que Loras te manque, je sais que tu l'as aimé de toute tes forces et que lui ne t'aurait sûrement jamais trahie. Mais merde, tu l'as connu deux mois ! Comment tu peux ne serait-ce qu'envisager de sacrifier cinquante années de vie auprès de notre fille pour deux mois qui se sont finis sur une mort ? Comment tu peux faire une croix sur toute perspective de bonheur pour un seul malheur ? C'est pas possible. Je te laisserai pas faire.

En application de tes recommandations, je ne suis pas venu en Alençon. On aurait pu rester seulement une journée et je ne voulais pas vous perturber. Mais je peux t'assurer que dès qu'on sera rentrés, on viendra en Alençon. Je sais que tu n'as plus confiance en moi mais c'est une promesse que je te fais là, que je vous fais. Je ne vous laisserai pas tomber. Si la baronnie t'ennuie, tu pourras repartir avec nous. Je n'ai toujours pas de stabilité à te proposer mais une vie d'aventures. Ce ne sera pas la famille dont tu rêvais pour Anna mais ça en sera une. Après l'Alençon, on envisage d'aller à Alexandrie. Imagine, toi qui as toujours rêvé d'y aller. Tu pourrais acquérir cette fameuse tenue dont tu rêvais, notre fille s'émerveillerait devant les marchés.

On pourrait être heureux, tous ensemble. Tu t'entendrais bien avec Fleur, deux italiennes réunies ce serait du joli même si je comprendrais potentiellement que dalle à vos conversations. Et pense à Anna, elle pourrait rencontrer son grand frère et jouer avec celui à naître. Il y a ma sœur que j'apprends à moins détester, elle te noierait sous les macarons et les projets stupides. Diego et Maryah seraient là, je sais que tu les aimes tous les deux et que sous la rancœur de l'un et les airs glacés de l'autre se cache une réciprocité. Il y aurait Chiara que je n'ai jamais touchée -si ce n'est ce maudit baiser, il y a longtemps-, tu finirais par l'apprécier. Ses enfants ont presque le même âge qu'Anna et celui à naître ferait aussi un bon compagnon de jeu. Il y a le compagnon de Chiara, le gentil quoique un peu stupide Oli. Il y aurait la duchesse Johanara, la nana qui la suit partout et une blonde un peu folle mais apparemment sympathique rapportée par Diego.
Penses-y, s'il te plaît. Cette éternité montrée par une rose, je peux te l'offrir.

Et surtout OUBLIE tes idées suicidaires. Ne va pas le rejoindre ou seulement pour lui porter des fleurs. N'emporte pas notre fille avec toi, elle a toute la vie devant elle et t'es pas une meurtrière. N'y pense même pas.

Fais pas la conne.

Niallan.


[Dansent les ombres du monde*]

Après un craquage d'articulations post-rédaction, je dégaine un autre vélin destiné cette fois-ci à mon angelot blond.

Citation:
Coucou mon ange, c'est papa.

Je t'écris depuis le pont du bateau. Je suis à l'arrière, c'est ce qu'on appelle la poupe alors que le devant, c'est la proue. Le bateau sur lequel on est se nomme l'Amman, c'est une cogue. J'ai aucune idée de ce que ça peut vouloir signifier mais maman t'expliquera ça en long, en large et en travers le moment venu. Je regarde au loin et je ne vois que de l'eau, partout. C'est magnifique cette immensité bleue mais pas autant que tes yeux.

On rejoint le royaume d'Angleterre. C'est un pays où on parlais l'anglois, j'y comprends pas grand chose mais j'ai appris à dire je t'aime pour te l'écrire : I love you. Il paraît qu'on y mange très mal et qu'il pleut les trois quarts du temps. Je ne sais pas pourquoi ils ont choisi une destination comme ça, ça fait bien moins envie que l'Espagne ou l'Italie. Toujours est-il que je pourrai ramasser de nouveaux sables à ajouter à ton pendentif.

Vu qu'on a pas grand chose à faire, je passe mes journées à pêcher. Si tu voyais le nombre de poissons différents que je remonte, tu serais surprise ma puce ! On en mange tous les soirs cuits à la broche en écoutant les histoires de l'équipage et du capitaine. La nuit, on se retrouve bercés par les vagues. Nous n'avons pas vu de baleines mais nous avons croisé un banc de dauphins, ces animaux sont apparemment très intelligents et crois-moi, ils étaient magnifiques. Regarde par toi-même :



Nous n'avons essuyé aucune tempête, tout notre voyage se déroule sans encombres. Nous serons bientôt de retour en Bretagne et ensuite, je te promets que je viendrai vous voir avec maman.

Tu me manques très fort et je t'aime encore plus fort,

Je t'embrasse,

Papa.



*Téléphone – Un autre monde

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