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[RP] Les Messes Basses

Alphonse_tabouret
L’attente était une hôte terrible, coquette aux fièvres braconnières, prenant à ses filets les temps les plus ordinaires pour les étendre, volages alcyons épris des variations, et les alanguir d’insupportables longueurs. Les quelques heures passées à attendre que l’église ne lui rende Faust avaient paru suspendre leur décompte, affadissant le vin et les charmes d’habitude toujours célébrés des rondeurs décolletées qui remplissaient les verres. Mais le pire n’était pas l’ennui ; le pire était ce nœud d’impatience tramé à son équilibre, discret, mais têtu, anxieux tout autant qu’inspiré, et c’était lui, particulièrement, qui ne cessait d’égrener le temps, grippant l’orgueil d’une vexation fébrile.
L’ennemi était en lui.



Il ne demeure rien que la suie et la poudre, partagées aux courants en chimères moroses ; volatiles reliques, ne craignez-vous donc pas la pluie et ses changeantes harmonies ?
Sentez l’air qui vibre au son des percussions. Tout, à l’instant, a plus de gout qu’hier.



Choisi pour ses traits plus délicats que ceux de son frère, modelé dès l’enfance, rendu patient , intransigeant et aride à l‘inflexibilité des leçons, il avait fini par prendre le pli de ses obligations jusqu’à les confondre à sa nature, embrassant la rigueur sauvage des extrêmes pour se sentir humain, et s’y était jeté avec une emphase compulsive jusqu’à l’anesthésie. Avec l’âge et l’expérience des déceptions, chaque battement de cœur résonant au gouffre était devenu une fascinante douleur ; l’envie, qu’elle soit de vivre, de s’embraser ou de s’immerger, était une notion qui n’en finissait pas de le fragmenter.
Montfort avait été provoqué à l’arrière d’une voiture et sonné à la première caresse, distrayant l’ego sylvain d’une victoire facile, sans s’apercevoir, qu’à même le myocarde, l’hématome existait, frais d’un instant, et avait germé, silencieux, jusqu’au turion. L’émotion qui l’avait saisi au confessionnal était désormais un monstre d’ecchymoses dont il ne finissait pas de s’étonner des proportions, vexé de se trouver démuni malgré ses cicatrices, fasciné par l’ivresse qui venait avec chaque souvenir blanc.



Ses yeux. Son sourire. Ses mains. Sa voix. La raison a chuté, sans un cri, sans un bruit.
Les vêpres vont finir ; Vertige s’enhardit et se coiffe de bleu sous l’œil noir d’un Hybris souverain.
Geronimo!


Devant l’église Saint Front, la nuit était tombée, découpant aux nimbes clairsemés les toits de ses coupoles ; dix-sept heures s’achevaient au son cuivré des cloches, trouvant à son parvis un faune résolument froissé. Montfort aurait une mort lente ; chaque soupir exaspéré serait remboursé au prix d’une chasse sanglante, chat dont les plaisirs les plus salutaires résidaient dans la traque et dans le jeu jusqu’à la cruauté, animal offensé par la simplicité avec laquelle il s’était emparé de son attention.
Ombres échos aux coups marquant fin de journée, les fidèles vidaient le ventre sacré, n’emportant dans leur flot ni la silhouette, ni ses exigences ; ce soir, à l‘ombre de l’église, les ongles d’un courroux païen épousaient les pierres consacrées
.

Dix-huit heures. Au noir, le blanc s’enivre et perce, délicate corolle venant au halo discret d’une lune rongée.
Faust est là, devant lui ; le temps n’est plus à l’imparfait.



Le visage s’anime d’un sourire imprévu à la proximité quand, aux noirs ensorcelés, s’étiole l’acrimonie des faiblesses recensées, laissant les nerfs au trouble d’une violence longtemps égarée ; le désir, insaisissable muse, vient de se réveiller, conjurant le froid et ses nécessités pour ne laisser aux nerfs que la faim et la soif.
Il se loge dans le ventre, une insoluble morsure.


Il fait nuit, lui dit-il simplement, les parures caprines perçant aux tempes brunes, tributs des guerres modernes qui ne naissent qu’aux éthers des volontés secrètes ; l’élan des mains se contient, et le prix à payer, douloureusement délicieux.
_________________
L_aconit



[𝚀𝚞𝚊𝚗𝚍 𝚝𝚞 𝚎𝚜 𝚕𝚊̀,
𝙼𝚘𝚒 𝚓𝚎 𝚗𝚎 𝚌𝚛𝚊𝚒𝚗𝚜,
𝚁𝚒𝚎𝚗 𝚚𝚞𝚎 𝚝𝚘𝚒, 𝚛𝚒𝚎𝚗 𝚚𝚞𝚎 𝚖𝚘𝚒
𝙵𝚊𝚒𝚝𝚜 𝚍𝚎 𝚏𝚒𝚎̀𝚟𝚛𝚎𝚜 𝚎𝚝 𝚍'𝚎𝚗𝚟𝚒𝚎
𝙳𝚊𝚗𝚜 𝚕𝚊 𝚜𝚞𝚒𝚎 𝚘𝚗 𝚜𝚎 𝚗𝚘𝚒𝚎
𝙰𝚜𝚜𝚘𝚒𝚏𝚏𝚎́𝚜 𝚍'𝚒𝚗𝚝𝚎𝚛𝚍𝚒𝚝𝚜]


𝕯ans son dos qui s'appuie contre les portes de bois, le loquet de la grande église désertée est tiré. La main adamantine y reste un instant. La nuque blonde se colle à la lourde entrée de l'édifice, entre une gravure d'archange combattant la bête sans nom et un relief floral remarquable et sans âge. Faust Nicolas reste là, faisant face à Alphonse. Condamnant l'issue, l'échappatoire, et scellant le face à face au secret d'eux seuls. Son regard reste obstinément arrimé à son vis à vis ombrageux. L'impatience semble les avoir tendus jusque dans leurs poitrines, figées dans une expectative muette. Jusqu'à ce que l'un brise le silence éloquent de l'autre, jetant sur le fil lisse de l'eau le caillou espérant sans doute un ricochet qui désamorce .

L'histoire raconte toutes ces pauvres âmes, enfermée dans les églises pour s'y faire piéger, et périr par le feu. Pour être nées sur la mauvaise terre. Pour avoir crû en le mauvais Dieu. Nicolas est une pauvre âme ce soir qui s'enferme seul avec son enfer grégeois. Le corps qui se détache de l'épaisse paroi en s'arquant un peu par les reins connait sa sentence. Et s'y avance avec cette peur qui ne paralyse pas, mais exhorte à se présenter à son destin.
Celui qui sait qu'il va brûler coupable sur le gibet ou dans son église peut hurler, se débattre. Il se sait déjà emporté. Déjà mort. Sa peur de Lui le transcende. Lui donne des forces inespérées. La force de Nicolas gronde, sournoise. Dans ses veines, elle pulse doucement. Dans ses tempes, elle enrobe de coton. Dans son ventre, elle s'étire. Et son corps vient effleurer celui d'Alphonse pour se laisser embraser. Retrouver les sensations, qu'elles mordent ou qu'elles brûlent, il veut bien s'y laisser embrasser; entier. La mort sera petite. L'éclat lui sera grand.
Le contact est bref, déjà il se défait. Se délite, et se détourne. Prend sa main. Comme il l'a prise à Paris. Pleine de promesses qui ne se racontent pas. Faust Nicolas a au fond des yeux tout le vide qu'il faut combler. Toutes ces heures de solitude cristallisées. Au fond des yeux il a cent suppliciés qui se défendent de ne pas être vite achevés.


- Oui. Il fait nuit.

    Tu as attendu.


Et la main dans sa pression le remercie. Ils sont seuls dans la nef. L'orgue s'est tût. La nuit s'en est venue. Il sait qu'il va pécher. Pécher de toute sa vertu. Il le regarde, marchant à reculons. Il le désire. Il meurt de le désirer. Il suspend sa marche, les voilà seuls au milieu. Les enfants ont allumé les cierges, brûlants aux candélabres riches, il tremble un peu. Le visage du jeune homme brun s'est animé d'ombres méconnues. Il le trouve beau. C'est idiot.

L'envie, une habitude perdue. Un jeu oublié depuis des mois. Ses genoux semblent vouloir se dérober sous lui. Il est bien jeune, face à son bourreau. Il est bien démuni. Démuni face au désastre de son coeur noble et vaillant que l'église a évidé. Démuni face au carnage de ce corps qui pense avoir oublié les gestes. Les accords majeurs. Dont on a tût les expressions. Tué les sensations. On l'a drapé de blanc, l'a étouffé dans son essence. On lui a volé ses pulsions. Éteint sa lumière. Mais personne, non personne n'a su souffler les émotions. Elles l'assaillent en cascade, crainte, étonnement, fausse pudeur et vif tourment. Et face à son visiteur de nuit, partageant sa taille identique et la moiteur de sa main, Nicolas a les yeux célestes d'un déporté qu'on évade. La langueur d'un radeau sur la vague.

    Viens Alphonse. Viens. Je vais m'apprendre les messes basses. Tu m'apprendras à t'attendre au temps qui passe.




    [ 𝚁𝚒𝚎𝚗 𝚚𝚞𝚎 𝚝𝚘𝚒 𝚛𝚒𝚎𝚗 𝚚𝚞𝚎 𝚖𝚘𝚒
    𝙰𝚞 𝚜𝚎𝚒𝚗 𝚍𝚎 𝚕'𝚒𝚗𝚌𝚎𝚗𝚍𝚒𝚎
    𝙹𝚎 𝚝'𝚒𝚗𝚟𝚒𝚝𝚎 𝚊𝚞 𝚌𝚘𝚖𝚋𝚊𝚝 𝚎𝚝 𝚝𝚘𝚒,
    𝚃𝚞 𝚖𝚎 𝚍𝚒𝚜 𝚘𝚞𝚒,
    𝙰𝚕𝚕𝚎𝚣 𝚟𝚒𝚎𝚗𝚜... ]

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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
La nef est un désert ensemencé d’étoiles; éprise des courants d’air, la danse des cierges s’alterne au moindre bouleversement, faisant et défaisant l’ombre et la lumière à chaque battement. Tout semble résonner ici plus encore qu’au ventre, et dans l’épais silence qui s’enroule aux pierres, le sang, assourdissant pulse à ses veines comme un soleil naissant. Au milieu du vaisseau, ils se tiennent tous deux, liés par une main et un pacte païen, altérés à jamais au moment suspendu précédant la curée, forçant l’âme entichée par les grâces amantes à ces combats épiques propres aux premières fois ; l’air, ensorcelé, s’est raréfié. Il n’y a plus d’heures, plus de comptes à rendre ; la nuit toute entière offre ses bras malins en guise de jardin, nouant à chaque clair-obscur le voile des secrets quand les têtes exposées, coupables et consentantes, sous le marbre étiré d’un regard pontifié, présentent au Divin la pensée et la faute.
A la chevelure blanche de Faust, joue une couronne d’ombres alternée et d’ivoire et d’ébène, accusant les motifs d’une discrète autorité aux martèlements cardiaques, alors, les yeux miroirs en guise d’horizon, il avance d’un pas, noyant la distance et ses cohortes hurlantes.

A moi.

Sans mot dire, la dextre s’approprie la nuque, étoilant sa chaleur à la peau du jeune homme, et au pas rapproché, la bouche est cueillie d’une morsure grave ; le temps foudroie le silence et même le cœur se tait, l’espace d’un instant, pour garder l’équilibre.

A moi, tes messes basses.

Les doigts se démêlent pour accuser la hanche, froissant l’étoffe blanche d’une caresse pleine, remontant le dos et l’épaule pour se ficher au cou; le derme cadet frissonne sous ses doigts résolus, éprenant le faune d’une brûlure violente.
L’enfer est ouvert ; les images s’enlacent aux minutes qui s’étirent, faites de peaux, de bouches, de rivages et de sel, et toutes consacrent leurs lueurs vermeilles à Faust et ses lettres. Les souffles confondus, oraison rafraichie aux chants clairs des tambours, abolissent le vide et délayent leurs vertiges à d’autres ambitions, attardant le baiser dans la dissolution des heures éprouvées au long de la journée, jetant aux gouffres des mondes chavirés, une boucle diffuse qui asservit la chair à ses lignes primaires. Les lèvres se divisent, précipitant la saccade au lit de l’étreinte, et la tempe animale s’appuyant à la sienne, la voix d’Alphonse chuchote au lobe délicatement émaillé d’une morsure tendre, défiant, au surplomb de leur nid, Christos crucifié d’un regard dévoué :


A moi.



Présentations sont faites ; à l’église Saint Front, pour la première fois, Alphonse Tabouret embrasse Son garçon sous le regard du Père et de Ses Saints, abordant ce monde nouveau où devant l’auguste courroux, l’on se présente sans honte, tête nue, quand on a le cœur pur.
Le front brun s’appuie au blanc, s'attardant aux lèvres sans pourtant les fleurir, animal jaugeant la fièvre de l’appétit et ses faiblesses voraces à l’aune d'une gorge chahutée ; bientôt, à la coupe de cette bouche parfaite, Chronos s’endormira, effaçant à ses songes la prudence et ses réflexes, bientôt, il ne contrôlera plus ni l’espace, ni le temps.


Ta chambre, exige-t-il enfin, requête aux atomes arbitraires en guise de verdict.

Si Dieu doit être témoin, qu’il fasse au moins l’effort de regarder par-dessus son épaule.

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L_aconit

It was swift, it was just, another wave of a miracle
C'était rapide, c'était juste, une autre vague d'un miracle
But no one, nothing at all, will go for the kill
Mais personne, et rien du tout, n'irait pour tuer
If they called, on every soul, in the land, on the move
Si elles sont appelées, chaque âme, dans le pays, dans le mouvement
Only then, would they know, a blessing in disguise
Seulement alors, connaîtront-elles, une bénédiction déguisée.




Le contact le foudroie, lentement. D'avoir été retenu? à Paris? D'avoir été rêvé, au fond du confessionnal? Qu'importe. Le baiser le laisse là. Pantelant. Désarmé. Pourtant si tendu. Ébranlé. Bouleversant. Retrouver ces sensations, reconnecter les synapses... Un à un. Est bouleversant. La main sur sa nuque pourrait la briser. La main sur sa hanche pourrait l'éventrer. Les dimensions se chevauchent, s'embrouillent, se brouillent. La main répond, froissant le tissus bourgeois d'Alphonse, contraste à la bure si dure. La main pourfend, fébrile, n'hésitant que peu. Veut-elle retenir? Veut-elle s'en aller, voudra-t-elle revenir? Retrouver les gestes du vivant est aussi délirant que douloureux. Les retrouvailles le terrassent. C'est dur, de reprendre pied, en quittant terre. En effleurant la stratosphère. Le nez s'enfouit dans les genets des cheveux, presque pudique, gonflant les poumons d'un presque souvenir.

Tout a changé.

Le naturel a été chassé, à grands coups de fouets. A grands coups de prières. A grand coups de vide, délétère. Aimer, laisser son corps le manifester... C'est interdit. Vibrer, laisser son corps se trahir, c'est interdit. Soulever la bure, contre-nature. Alphonse, contre courant. Alphonse. Ventre mourant. C'est donc ça, l'odeur du péché? C'est l'envie de mourir là, d'une caresse que l'on a désapprit ? Les mots se bousculent, la langue se déboussole... Le murmure est lâché, comme si les statues pouvaient entendre. Pouvaient juger, de leurs yeux figés. Austères.


-Viens... Par là.

Les mots ne sont que souffle, d'avoir osé se laisser prononcer. Et de recommencer.


- Viens...

Les lèvres reviennent se bousculer aux autres, les mains se puniront demain d'attirer les homologues sur ce corps érectile, frisson projectile. Les silhouettes se brisent sur le fil l'une de l'autre, s'attirent, se perdent dans la progression désordonnée. Quelle étrange marche nuptiale, dans la nef silencieuse. Quelle folie, que de s'aimer en dérangeant, un à un, les bancs de l'allée. L'un plaque l'autre à lui, l'autre accule l'un dans la pénombre du cloître. Non loin la chambre. D'ici là, rien ne se retient. Et Dieu et ses beaux yeux, à deux mains cachera les siens. Garçons se brisent de désir, de désordre. Est-ce canine appliquée à mordre? Et doigt dénudant l'épaule? Est-ce folie, saints des saints, de murmurer au dessein les pensées furibondes?


    Disloque-moi. Viens. Fais ma nuit, aime-moi. Alphonse, je meurs ici. Et toi... Toi, tu meurs un peu de moi?


Lui est là. Envoyé comme le messie, communiant interdit. Au salé de sa peau, comme un gout d'acédie. A la liesse de sa lippe, c'est sûr, la damnation infinie. Nicolas sanglote. Sanglote-t-il? Et la perle à sa paupière, traîtresse mortifère, viendrait-elle délivrer plus qu'il ne voudrait? La crue imprévue le condamne, ôtant d'un geste trop vif la chemise qui encombre, qui sépare, qui restreint. Faust, cet Aconit là ne veut plus se restreindre. Plus pour aujourd'hui. Les corps se heurtent au mur, dans une violence qui n'était pas prévue. Qu'était-il prévu? Rien. Tout. On ne sait plus.

Ils se désirent, au torse agité de blond. Aux mains déterminées de brun. C'est beau et c'est déroutant. Ces deux mâles qui se battent contre dieu sait quoi.


    Disloque-moi. Que je me souvienne. Viens. Aime-moi, que la vie revienne. Jaillisse encore aux creux des veines. Alphonse. Fais-moi mal, bien, fais-moi fort. Donne-moi la réponse. Donne-moi ta main...


La chambre est là. Comment y sont-ils arrivés sans se détacher l'un de l'autre, aimants aux polarités contrariées? Aimants, amants, peut-être, désormais. Dieu seul sait. Dans la communion secrète, dans la passion contre nature, et pour que chair exulte, Faust Nicolas tombe à genoux, aux pieds de l'Alphonse inespéré. Le front s'obstine à s'attarder aux mollets.
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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Depuis quand fait-il si chaud ?
Il a perdu le compte, quelque part à l’ombre d’une colonne élancée jusqu’aux cieux minéraux ; il a perdu le compte, un soir d’octobre, sous une pluie tempête où, confondantes déesses échevelant les cieux de la vapeur des traines, les prunelles de Faust ont capturé aux ténèbres, la lune et le soleil dans leurs cages miroirs.
A la chambre refermée, sa peau arde, son souffle brûle, ses mains s’irradient, son ventre s’embrase, sa chair se consume : Il n’est plus que flammes béates, et sa voix dédiée aux laves des péchés égrène aux lèvres embrassées des syllabes enfiévrées ; ordres, suppliques, voyelles échappées, tout à la faveur de l’amant nourrit les tempes bacchantes du feu de leur bûcher.

La peau accusant la froideur du mur, Alphonse pantèle, un instant délaissé des offrandes idolâtres et s’en trouve si seul , qu’il laisse exhaler une plainte voilée ; désorientés, les noirs embrumés cillent sur le lacis des ombres qui les réfugient pour trouver à ses pieds, sous son ventre tendu, la silhouette blanche, et sa nuque exposée.




Severin, Severin, speak so slightly
Severin, down on your bended knee
Taste the whip, in love not given lightly


Venus In Für, Velvet Underground




Vois, tu le fais encore…. Tu marches en ligne droite sans l’aumône d’un détour …
Vois, ce n’est pas la petite mort que je joue ce soir, c’est mon assassinat…

Faust…

Les doigts frôlent les mèches blanches à l’arrondi du crâne, amoureuse esquisse ramenant les bleus à engloutir les noirs, heurtant à leurs frontières les diables de leurs chairs.
Que m’as-tu donc fait pour que j’aie faim comme ça ?
Qu’ils sont beaux, les yeux de L’Aconit, si grands, si limpides, que l’on peut y lire jusqu’aux dernières espérances, embuant le cœur et ses difformités d’un entracte tachycarde.

Faust…, répète-t-il sans autre délectation que celle s’en approprier chaque lettre, vertueux maléfice aux mille ordonnances dont les fragrances vernales déciment les derniers reliquats de pensées.


Le pouce éprouve la tranche du cuir, quand le reste de la main soulève la boucle d’argent pour étirer la langue qui borde tout le ventre; le bruit clair de l’ardillon cliquette comme la foudre à l’intervalle ponctuée, roulant et crevant l’onde jusqu’ici matifiée. A l’aube sombre d’un souffle retenu, la silhouette se double, et la gorge fauve se tend aux abimes d’une chute choyée, tressant à ses nerfs abreuvés la dérive d’une adrénaline étourdie jusqu’à ce que la prunelle crisse d’une houle imminente ; senestre, impérieuse, s’empare du tissu baillant au cou amant, forçant le mouvement à rejoindre les hauteurs de sa bouche, lui passant, à l’esquisse d’une respiration, la robe par-dessus tête; le saint est échevelé, le garçon, déshabillé.

Te voilà…

Il se tient là, tendre, révolté, exalté, Prométhée moderne qui ramène aux landes mortes l’étincelle nécessaire à faire naitre la vie, et la vie est là.
Joute nouvelle, libérés des effets, les corps se rejoignent avec force ; partout sur la peau angélique, rougissent les caresses, épelant dans un langage d’hommes le prénom d’Alphonse en guise de cantique. L’entrelacs chute à la couche, étroite banquette promis à la thébaïde et accueillant pourtant le fatras dénudé d’une cohue sauvage. Les mèches brunes assaillent l’épaule pour éprouver les dents, le cou pour y poser sa bouche, et les lèvres encore, toujours, pour prendre l’oxygène, quand les mains, traitresses compagnes, calcinent les nerfs d’une berce extatique ; les carmines remontent jusqu’à trouver le lobe et expier la faute qui les réunit aux traits de leurs esquisses :


Tourne-toi… A moi tes reins et ses naufrages… Ton dos, ta nuque , l’ampleur de tes desseins… Tourne-toi, je te veux à moi . A moi.




* Severin, Severin, parle si doucement
Severin, à bas sur tes genoux fléchis
Goûte le fouet, dans un amour qui n'est pas donné légèrement

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L_aconit
    J'ai longtemps attendu que tu m'assommes, que tu m'emportes, que tu me crèves
    pour cesser de penser.
      Mais tu n'étais pas au rendez-vous.

    Combien de fois, les comptes-tu, je t'ai maudit de me laisser ainsi, sous ce crucifix,
    dans mon linceul de percale?
      Tu n'étais pas au rendez-vous.

    Si tu savais, mais tu le sais n'est-ce pas, combien de fois je me suis contorsionné pour te saisir,
    pour t'appeler, pour que tu m'achèves. Pour que tu m'assommes à ton éther.
      Et tu n'étais pas au rendez-vous.


    Sommeil, meurs ici, je ne t'attends plus. Ce soir je te conjure, je te le jure, je te désavoue. Je te chasse, je t'excommunie. Sommeil, tu ne m'auras plus. Il est trop tard.
    J'ai été saisi et mis à nu. C'est Alphonse. C'est Alphonse, je te dis.
    Il t'a vaincu comme je n'ai jamais su le faire, pour ne plus m'être abandonné à toi depuis des nues. Crève, tu m'as saigné à blanc de tes absences,
    maintenant vois-tu, il est impossible que je te préfères à Lui.
    Tu es parti. Tu m'as abandonné. Plus rien ne sera jamais comme avant, désormais.
    Tout, mais plus jamais ce vide plein.

____________ ✛ ___________


𝕷es mollets sont bénis d'une larme sèche. Et les Aconits, bleus cobalt, bleus et blancs des salins de Bretagne consacrent le règne annoncé de l'Alphonse à la délivrance du ceinturon. Nous y sommes. A l'infime frontière, poreuse, de l'irréversible.


    Qui es-tu démiurge, incapable de partager ton sommeil quand tu partages volontiers tes nuits?


Sujet, le corps se laisse adouber d'une main frayant avec l'épaule, et les cils déclinent dans leur blondeur infinie leurs fascinations post-adolescentes. Lorsqu'il se déploie pour revenir à Lui, y laissant la soutane et ses condamnations, Faust Nicolas enjoint le geste du rejet, passant jusqu'à décoiffer encore un peu les cheveux épars sa croix par dessus sa nuque, dans un geste vif et un élan démissionnaire. Elle qui à la poitrine glabre pendait comme un autre collier, pour un autre Maitre, n'avait soudain plus aucun poids. Aucune emprise. Pour un peu au regard d'un Christos décharné et malaisé sur son crucifix à assister contraint à l'union contre-nature, il s'en serait fallu de peu qu'elle n'ait été qu'une méprise. Une vaste blague. Un costume mal taillé pour le corps déchaîné d'un garçon qui n'a jamais su que se vêtir de chaines.

    Viens. Oui. D'accord. Foule-moi. Ne te retiens pas , délivre-moi du mâle.


C'est mal, ce mâle qui l'étreint. C'est mal est c'est bien, à la fois. De laisser pour une nuit une seule le sacerdoce de la Foi. De laisser choir la camisole, et de lui ouvrir ses bras. De s'agenouiller devant lui, de l'encenser, cet idolâtre. Demain les grandes questions. Demain les traîtres accords du suppôt qui danse sur eux, pour piétiner le remord. Ou jamais, ou peut-être. Qui sait encore y penser dans l'émulation si pure de deux êtres? Jamais lecteur, jamais n'a été aussi compliqué de décrire l'harmonie hostile, la mordante passion d'un dévot dont le diable se moque, aux mains d'un amant qui le défroque. S'y brûler, y jeter toutes ses pages d'évangiles.

    Fais moi du bien, ce bien qui fait mal. Vois, là, je m'abandonne à toi. Je t'offre à moi aussi.


La flamme de la pauvre bougie a vacillé dans la chute des chairs. Les doigts défont plus loin qu'au ceinturon, dans la rage vitale qui en laisserait la gravure des ongles. Si Alphonse aime l'envers plus que l'endroit, vaille, docile se ferait Nicolas. Lui qui n'a jamais trouvé le sens de l'Emoi, du fond ou de la forme, de ses amours interdites. L'envie se bascule, Nicolas baisse la fine paroi de lin, maintenant les bas du religieux, la fesse de céruse dénuée enfin de toute sa paramentique. Et le genou rejoint la ligne du coude, enfoncés dans l'épaisseur de la paillasse. Les reins plats découverts se cambrent un peu, tandis que le nez vient ployer dans la chute du minois à l'attente fébrile, succincte, de ces heures où l'on sait les vandales dans l'enceinte, et où l'on attend dans l'illusion d'une prière que volonté soit faite, avant de mourir pour sa cause dans sa chapelle.

    Prends tout, ne me laisse rien que je pourrais regretter demain.
    Fais de moi ce que tu voudras. Je te laisse tout, je ne veux plus rien, plus rien d'autre que Toi.
    Toi qui a ramené l'eau au sel de mes yeux, au sang de ma veine, à la crue de mon renouveau.




We're so fool. U're so cool

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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Sous le regard onyx, s’offre l’Agathe blanche, les reins présentés et la tête fléchie avant même de devoir la noyer pour étouffer l’acmé. Sur la peau, l’ombre d’une main étend ses prières jusqu’à frôler la nuque, emportant les nerfs d’une satisfaction maitresse, quand, aux rivages abscons, l’abandon se fond à la docilité. Faune, adoubé par la nuit, dessine avec une attentive lenteur le feu d’une paume pleine du cou à la cambrure, réjoui des frimas fascinés sur la peau et des muscles tressaillant d’une attente lascive.

Cru. Je te veux cru.

Aux angles s’appropriant les courbes, les souffles s’inspirent d’un silence fragile, fêlant les murs d’un nouveau paradigme excluant les mots et leurs rigueurs vocales. Concordances basses, polyphonie mâle aux accents entêtants, les voix privées de cadres raniment à l’union un langage oublié emprunté d’inflexions, de voyelles ouvragées et d’élans eurythmiques ; aux hanches qui cadencent, tantôt lentes , tantôt furieuses, c’est Pélops cabré à l’iode, Ganymède embrasé aux serres, c’est Faust, Fleur, Printemps et Pluie, qui s’offre et qui se prend, denier d’une nuit bleue en guise de richesse.
Le temps se tire et s’étire aux corps qui ploient et se plient, enchevêtrant les lignes, les sursis et les sens ; tout s’est mêlé en Un et empourpre les mains des raisins et du vin. Ce sont des amours fauves, qui se heurtent et s’absolvent sous l’ombre d’une corne et d’un Thyrse caprin; garçons aiment leurs corps, leurs plaisirs, leurs vices, et qu’importe le monde, ses dogmes et ses vertus, quand on jouit en écho sans plus se retenir.



I'm an alligator, I'm a mama-papa coming for you
Je suis un alligator, Je suis un père, une mère qui vient pour toi
I'm the space invader, I'll be a rock 'n' rollin' bitch for you
Je suis l'envahisseur venu de l'espace, Je serai une salope du rock'n'roll pour toi
Keep your mouth shut, you're squawking like a pink monkey bird
Garde ta bouche fermée, tu glousses comme un oiseau-singe rose
And I'm busting up my brains for the words
Et je m'engueule avec mon cerveau pour qu'il trouve les mots



La mélopée se fêle, chœur renversé d’euphonies verticales trouvant son point de chute aux floraisons des cimes, et jette au vertige chacun des suppliciés dont les reins et les hanches ne sont plus soulevés que par leurs souffles courts, exsangues et dénervés. Sur la toile du lit, la nacre s’est délayée ; le désir assouvi ressemble à un bouquet d’éternités.
Alors, l’horizon. Trouble. Éraflé encore des respirations luisantes. Dans le lointain du cloitre, résonne un pas pressé, emmenant une bure à ses précieux offices ; les perles du chapelet s’entrechoquent à la course et sur la croix qui bat la cuisse emportée, Christos, saintement étiré, semble sourire en coin. Le vent, en touches désinvoltes, impute jusqu’à eux des bribes d’évidences ; le monde existe toujours.
Au regard enivré d’Alphonse, se dessine la toile assourdissante de leurs danses bacchanales. Sur le dos blanc amant, bourreau désorienté, il compte les blessures ; les traces de ses mains apparaissent encore, la peau accaparée par des ongles têtus s’est brodée d’un rose égratigné, et sur l’épaule, à l’empreinte émaillée, le sang coagule en perles sous-cutanées.
Quand l’a-t-il mordu ?


Keep your 'lectric eye on me babe
Garde ton œil électrique sur moi bébé
Put your ray gun to my head
Pointe ton arme lumineuse sur ma tête
Press your space face close to mine, love
Appuie ta tête spatiale contre la mienne, mon amour
Freak out in a moonage daydream oh yeah !
Devenir fou pendant une rêverie lunaire


A vif, la peau s’éprend d’un frisson au moindre courant d’air quand la gorge, asséchée, s’astreint à trouver la salive, la parole et l’ordre des pensées encore échevelées ; la main droite embrasse la nuque embuée pour y fondre les doigts, et, Senestre glissant au torse amant, Faust est quitté et redressé, ramené contre lui.

Don't fake it baby, lay the real thing on me
Ne le simule pas bébé, confie-moi ce qui importe
The church of man, love, is such a holy place to be
L'église de l'homme, mon amour, est un endroit si sacré
Make me baby, make me know you really care
Fais-moi bébé, Fais-moi savoir que ça t'importe vraiment.
Make me jump into the air
Fais-moi sauter dans les airs

Moonage Daydream, (David Bowie) – Brazzaville


Ils sont là, agenouillés tous deux, idoles désorientées, vacillantes du vide qui vient avec l’extase et dont la seule amarre est à l’instant le dos pâle de l’un, au ventre brun de l’autre, cuillères aux souffles entravés, à l’équilibre précaire de leurs sens engourdis. La pulpe au corps immolé se laisse bercer au rythme déclinant des tambours ivoirins ; bel amant est repu, ses paupières battent d’une langoureuse lenteur.
Au fil d’un sourire égipan, l’épi blond des cheveux est appuyé au havre de l’épaule, penché jusqu’à offrir la ligne du cou pour y déposer le baume d’un baiser, en essaimant un autre au fil de la mâchoire, avant de clore aux lèvres, la fraicheur tendre des siennes, conquis.

Tu sens bon. Tu sens moi et toi. Moi en toi. Toi en émoi.
Je crois, Faust, je crois que ce soir, je t’aime un peu.

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L_aconit
There are so many things that I don't understand
Il y a tellement de choses que je n'arrive pas à comprendre
There's a world within me that I cannot explain
Il y a tout un monde en moi que je ne peux expliquer
Many rooms to explore but the doors look the same
Tellement de pièces à explorer mais toutes les portes semblent les mêmes
I am lost I can't leave even remember my name
Je suis perdu et je ne peux ni partir ni me souvenir de mon nom
Where are the thoughts to try to keep?
Où sont les pensées qui permettent de tenir ?




Le silence a posé son voile sur les cantiques du corps. Secoués des arrachements heureux et des attachements naissants aux danses intimes. Ancrages éternels, corps et esprits retombent comme la brume à l'issue du jour. Il y a à l'instant où Alphonse vient noyer sa tendresse à la dernière convulsion de Faust Nicolas, un échange céleste. Quelque chose a changé.

Le contact plan, étendu à l'ensemble de son dos se fait sérotonine. Vu d'ici, rien n'est bien limpide, mais les influx passent, fluides, pour éclore leurs boutons à la respiration qui revient au pas de l'amant comme de grandes fleurs sauvages. Les baisers, mouchetés au cou, au menton, au coin de la bouche, myriade tendre et presque surprenante à qui ne les attendait plus se font dopamine; les mots qui ne se disent pas endorphinent. Les battements de coeur qui se donnent la réplique semblent questionner leurs peurs. Il y a dans une étreinte qui meurt quelque chose d'indicible. Ni fin, ni début, ni déclin ni renouveau. Juste l'égrenage fragile des reconnexions terre à terre. La reprise d'une circulation. Ether en arrière saison. Substance primordiale et universelle, primitive, comblant le vide par son plein.

La nuque se redresse enfin, comme le dos l'a fait avant. Cherchant contact au visage arrimé. Langage des amants a des saveurs sibyllines . Mèches bilirubines se mêlent aux jais, le contraste est net. Les yeux se tournent, dans l'élan du corps entiers vers ce duelliste honorable. Et honoré. Aconit lui a fait grâce de son corps. Maintenant, désire le regarder. Encore. Il l'agrippe à la nuque pour l'emporter dans sa chute, délaissant les brûlures qui rendent fou et qui ont vaincu, pour l'heure des contemplations mutiques. Amants véritables connaissent bien cette musique. Laissant place au langage des yeux. Celle où les mains pianistes effleurent pour traduire la langueur et ses mélancolies infinies.


      Je sais que j'ai le droit d'avoir mon jardin secret.

            Je sais qu'il va en faire partie. Qu'il en fait dejà partie.

      Que je vais le garder dans ma tête sans que personne ne puisse m'en empêcher,

                et sans que moi même je ne puisse m'en empêcher.

            Alors je le laisse prendre sa place. Pousser dans ma tête et dans mon corps.

                  Et je l'arrose avec bienveillance. Et quand on me questionnera sur lui,
                  j'aurai ce sourire qui dit beaucoup, mais mon respect pour mon Dieu,

                        celui qui m'a offert ce bel amant, celui dont je ne pourrai pas me défaire ,

                  ne m'autorisa pas à ouvrir la porte du jardin à quiconque.

                Je me contenterai alors de dire qu'il est à part.

            Et que je l'apprécie beaucoup. Ainsi...

          Je ne mentirai pas en faisant cela.



Les mains se joignent, ajustant les doigts entre les arcades. Prunelles lacustres cherchent à percer les nuances des encres voisines. Ancres, jetées dans ce néant, vont et viennent de l'une à l'autre sans jamais parvenir à en toucher le fond. C'est le moment précieux où l'on s'attarde sur ce que l'on a juste aperçu sans pouvoir le saisir, dans le fauve de l'étreinte. Ce que l'on a laissé pour plus tard, pour une aurore plus propice, lui préférant l'éclipse. Les remarquables défauts, et les bavardes échardes. Stigmates d'un Avant que l'on a conjuré, le temps d'un instant. Les mains adamantines viennent ceindre le poignet, sur les traces étonnantes des bracelets de force. Alphonse aussi, fut un esclave. De qui? De quoi? Comme lui peut-être que de lui-même? Les doigts tissent leurs questions aux silences. Ecoutant les réponses plus parlantes de sa respiration. Elle a réagit, là, troublée par quelque chose. Alors le jeune clerc se fait religieux. Rompu à l'exercice des confessions qui ne s'arrachent pas. Il ne souhaite pas brûler comme feu de paille aux secrets que son visiteur redoute à prononcer. Redoutant les sentences, il pose sa lippe sur la brûlante cicatrice, et sur ses questions. Il faut briser le fil. Ponctuer de quelques mots , pas forcément ceux que l'on attend. Et s'engagent les messes basses.


- Voilà longtemps que je t'attendais.


A défaut de faire parler les peurs, sonnons le cor de l’hallali.



I've been for, some time, looking for someone
J'étais, pendant un temps, à la recherche de quelqu'un
I need to know now, please tell me who I am, tell me who are You
J'ai besoin de savoir maintenant, s'il te plait dis moi qui je suis, dis moi qui Tu es
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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
« Tu es né de la dernière pluie, je t’ai regardé pousser, c’était joli. Je t’ai aussi appelé Alphonse Tabouret. Ça te va bien maintenant que tu sais parler. »
"Le trop grand vide d’Alphonse Tabouret", Sibylline, Capucine, Jérôme d’Aviau.







Alphonse apprivoise l’instant, curieux autant que fasciné par ce Présent à l’existence d’ordinaire si précaire qui s’étend à la peau en douceurs hypnotiques, aux doigts en élans insatiables, et aux yeux en perspectives multiples ; il ignore ce qu’il fait encore là.
Amant prompt à quitter la couche visitée une fois le plaisir conquis, pantin dont la mécanique s’est gravée depuis des mois à la satisfaction clinique du corps comme unique exutoire, il cherche, dans l’avalanche à laquelle il tombe, ce qui le retient à l’instant d’exaucer ses salutaires réflexes ; la chaleur jamais ne dure sans l’aide de la liqueur et du sommeil pour la délayer jusqu’au matin. Il manque les draps et leur glissante douceur, il manque la largeur du lit à laquelle s’étendre, le confort d’un poêle pour diffuser la chaleur, la lourdeur d’une couverture à rabattre sur les corps, le vin pour éclairer la gorge, raviver la houle… Un geste suffirait, un bras contredisant le mouvement, un aveu dans l’arrogance d’un sourire, un mot aux contours rugueux… mais rien ne vient ; il tombe, au poids de Faust dans un monde qu’il a oublié.
Dans la cellule froide, les yeux de L’Aconit s’attardent aux siens, étoilés de ponctuations en tempête sereine, dévorant à son tour l’ogre à leur gouffre clair, le noyant dans la narcose captivée d’une vérité improbable: aux corps allongés noués de jambes, en fait, il ne manque rien.
Alors, délaissant l’interrogation pour la suspension, il détache les noirs des bleus pour suivre le tracé de la pulpe, muselant la surprise à la faveur d’une attentive exaltation, retrouvant à la chair des sensations cloitrées à un lointain chapitre; Faust, en ligne droite, poursuit sa lecture, luciole légère, tissant à chaque frôlement une lueur supplémentaire aux gestes de l’amant.

Aux prunelles qui se compactent d’un frimas, les poignets sont épousés d’une main discrète, doucement studieuse, découvrant à sa délicate exploration les ravages grêlés de la peau, estampe permanente d’un instantané de souffrances qu’à cette nuit hiémale, déconcerté, il se rend compte avoir oublié. Le souffle s’embue d’une pression métallique, sans avoir le temps de s’amplifier de cuivres ; aux stigmates émissaires, ce ne sont pas les mots qui s’imposent aux lèvres, mais la tendresse fauve d’un baiser réservé.
Son ventre s’étourdit d’un parfum insolite et il faut la voix pour en briser la torpeur.


- Voilà longtemps que je t'attendais.

Les émotions jusqu’alors engourdies d’azur se bousculent dans un désordre fauché, confrontées à cet aven cristallisé d'automatismes méthodiques dont elles écoutent, fragiles, aux heures blanches de la nuit, les grincements de dents voraces. Combien de douceurs dispensées à l’oreiller, combien de tendresses égrenées dans le reliquat d’une étreinte, combien de toujours, de jamais, a-t-il accusé au fil d’un discret dédain, tous si purs de l’instant et déjà grêlés d’hyperboles à l’heure écoulée ?
Comment encore croire ce qui nait de l’instant ?
Enfanté de logique, façonné jusqu’à ce que le rationalisme le plus horizontal soit perçu comme seule mesure, Alphonse avait passé plusieurs vies à chercher la verticalité de l’émotion dont on l’avait privé, jusqu’à en perdre le goût à la faveur de l’échec. Le vide était depuis un compagnon appréciable, fiable, auprès duquel il contemplait le déroulé rassurant d’une inertie taciturne. Ce que son père n’avait pas soigneusement gommé, il avait fini par le faire lui-même, vexé, humilié, pétri d’une telle rage qu’il avait fallu un crime bien plus odieux encore pour que son tourment ne devienne plus qu’une anecdote au tableau de ses erreurs.
Douleur est devenue son seul vecteur vocable, et pourtant, à la coupe de ces Messes Basses, il se découvre à retenir son souffle, les lèvres brodées de mots.
Comment combattre ce qui nait de l’instant ?


I'll be your mirror
Je serai ton miroir
Reflect what you are, in case you don't know
Je refléterai ce que tu es, au cas ou tu ne le saurais pas
I'll be the wind, the rain and the sunset
Je serai le vent, la pluie et le coucher de soleil
The light on your door to show that you're home
La lumière à ta porte qui te montre que tu es chez toi
When you think the night has seen your mind
Quand tu penses que la nuit a vu ton esprit
That inside you're twisted and unkind
Qu'à l'intérieur tu es tordu et méchant
Let me stand to show that you are blind
Laisse moi te montrer que tu es aveugle
Please put down your hands
S'il te plait baisse tes mains
'Cause I see you
Parce que je te vois

I'll be your mirror, Velvet Underground & Nico



La main quitte le dictame des lèvres qui la tient captive pour venir chercher ses doigts, fragiles muses aux dispenses radieuses, et les constelle à son torse, là où vit la difformité, là où il subsiste l’handicap bradycardique, siège de l’anesthésie qui le berce depuis trois ans avant d’y faire écho, accusant à son tour le rythme binaire d’une aorte blanche en guise de célesta ; s’il pouvait serrer les doigts pour la sentir battre à même ses phalanges, il le ferait.



Les bouches du chœur s’arrondissent d’horreur, cors aux harmonies voyelles montant à leurs mains suppliantes: funambule fait d’écueils et de leçons a lâché le balancier et a fermé les yeux.
Au décompte captivé des secondes, vertige des bleus encrés aux tempes, il attend le déséquilibre jusqu’à la rupture et





chute.




Je ne te cherchais plus, s’excuse-t-il aux percussions fourmillant d’un son grave et sourd à la paume de Nicolas. Les mots sont un art où il n’a jamais excellé ; trop susceptibles et si facilement consommables, ils s’interprètent tant et si bien qu’ils ne vivent jamais des mêmes espérances selon la bouche ou l’oreille, et pour la première fois depuis longtemps, Alphonse le regrette, rajoutant, dans l’étirement d’un sourire qui jure sans rien dire : Cela n’arrivera plus.
Cela a le parfum d'une défaite victorieuse, celle où la nuque se tend faute de pouvoir encore se redresser, celle où l’on se surprend à guetter la caresse plutôt que le fil de la lame.
Tu as le gout d’un oxymore, murmure-t-il pensivement quand il ne pense pourtant qu’à Lui, à l’esquisse d’un sourire qu’il a oublié de modeler, effaçant les grèves jonchées d’ailleurs pour ne consumer que l’espace réduit à leurs seules amours, effleurant de l'index, le rouge d'un ruban ceint au poignet blanc en cousant ses yeux aux siens . A la cloche de Saint Front, sonne une heure qu’il ne prend pas la peine de compter ; à l’instant, le monde se résume encore à une poignée d’étincelles narguant les cendres anciennes.


Le présent se désagrège, le futur s’envisage. Aconit en son sein palpite en étirant ses feuilles.


Quand viendras-tu à Paris ?

Le manque, déjà.
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L_aconit
Il inspire doucement. La question ramène en ressac nébuleux les inconnues. Les emcombres, flottées, tournées et retournées en tout sens. Le ballottement des questionnements aurait pu rester à plus tard. Mais Alphonse ne semble pas homme à se vouer au plus tard. Aux suppositions abscondes. Serait-il impatient? Oh, serait-il impatient, à en faire éclater le pauvre vaisseau qui fend le flot myocarde de Nicolas? C'est inespéré.

Ce matin, j'étais aveugle mais heureux. A midi, tu es venu me piquer, et pondre dans mon corps le parasite de l'émoi ravivé. Et ce soir, éclos le tourment de Demain. Aurions nous seulement été capables de nous éviter les déceptions joyeuses de l'Oxymore?

Le nez vient se cacher dans le cou marbré de jais. Cloître interdit. Le murmure souffre quand même d'une hésitation. Une hésitation à deux inconnues.



- Au printemps.

𝙰𝚞 𝚙𝚛𝚒𝚗𝚝𝚎𝚖𝚙𝚜, 𝚝𝚞 𝚟𝚎𝚛𝚛𝚊𝚜, 𝚓𝚎 𝚜𝚎𝚛𝚊𝚒 𝚍𝚎 𝚛𝚎𝚝𝚘𝚞𝚛
𝙻𝚎 𝚙𝚛𝚒𝚗𝚝𝚎𝚖𝚙𝚜, 𝚌'𝚎𝚜𝚝 𝚓𝚘𝚕𝚒 𝚙𝚘𝚞𝚛 𝚜𝚎 𝚙𝚊𝚛𝚕𝚎𝚛 𝚍'𝚊𝚖𝚘𝚞𝚛
𝙽𝚘𝚞𝚜 𝚒𝚛𝚘𝚗𝚜 𝚟𝚘𝚒𝚛 𝚎𝚗𝚜𝚎𝚖𝚋𝚕𝚎 𝚕𝚎𝚜 𝚓𝚊𝚛𝚍𝚒𝚗𝚜 𝚛𝚎𝚏𝚕𝚎𝚞𝚛𝚒𝚜
𝙴𝚝 𝚍𝚎́𝚊𝚖𝚋𝚞𝚕𝚎𝚛𝚘𝚗𝚜 𝚍𝚊𝚗𝚜 𝚕𝚎𝚜 𝚛𝚞𝚎𝚜 𝚍𝚎 𝙿𝚊𝚛𝚒𝚜 *


Les mains reprennent possession des cuisses, pour s'y loger. S'attardent sur la cicatrice de l'aine, moins bavarde que les stigmates des poignets.


- Si l'église me le permet.
    Ma condamnation est là. Dans ma génuflexion. Il n'y a pas d'histoire sans déception. J'aurai la médaille de l'amant... De l'âme en peine.


Les doigts enserrent la hampe éteinte. Comme l'on cherche un point d'ancrage, quelque chose pour dériver au sommeil. Sécurisant. Si la couche est dure, Faust s'en remettra à ce dernier pour l'oublier. Oublier... Oublier. Quel affreux mot lorsqu'on a conscience de ses enjeux. A-t-il oublié celui qui est resté dehors, hors des murs de l'église? Et celui qui l'a fait Homme? Non. Nicolas n'a rien oublié. Oublier, c'est mourir un peu.

- Ne m'oublies pas Alphonse...
    Ne m'oublies pas. Je suis déjà mort une fois.


"L'Apres" a le goût d'une chandelle soufflée. Le fumet, âpre, n'a plus rien en commun avec l'inodore des heures éclairées. Si cela se consomme, c'est du désir. Si cela se consume... Ne serait-ce pas de l'amour? Comprenez... Dix huit ans, plein d'émotions et de vie, c'est en soi déjà un aveu lorsqu'on le brise, le détruit avec application, jusqu'à tenter l'amnésie... Le traumatisme est trop profond pour prendre tout cela à la légère. Alors Faust Nicolas se recroqueville. Et les mots viennent se tarir.

Le vide que Lestat avait laissé en se laissant condamner aux décisions Aconitiennes était un gouffre. Les visites nocturnes de l'Evêque pour assouvir ses laides pulsions au prie-dieu de Nicolas étaient une ruine. La solitude immense dans laquelle on l'avait plongé depuis des mois et des mois, un champ de mine, où chaque visite, chaque courrier, devenait un obstacle au sommet trouble. Semblant infranchissable. Une sommité de questionnements à escalader.

Irait-il à Paris? Rien n'était moins sûr. Le jeune prêtre choisirait peut-être les facilités de la dormance, et de la mort anesthésiante, sourde oreille à ce que son corps réclamerait à grands cris comme il l'avait fait depuis la fin de l'été. Pousser des portes était devenu asphyxiant, anxiogène. A force de se confronter à un mur immaculé et blanc, toute gerbe de couleur devenait une agression. Parfois, la violence d'une torture est plus réconfortante qu'un nouvel abandon.

Aimes-t-il les femmes, lui aussi? Comme Le premier, comme le second... Est-il entier, lorsqu'il aime, ou bousculé par cette dualité qui brûle depuis toujours le garçon qui en est dénué?

Les questions deviennent trop tranchées et tranchantes, sans qu'il ne puisse s'empêcher de les dresser à ce qui vient de se passer, ni à ce qui se passera. Les yeux se ferment. Et l'aube n'éclairera que des suppositions.


    * Barbara

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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Au printemps. Si l'église me le permet.

Le sel dissout le cœur et cela serait presque agréable si l’on savait avec certitude que ce n’est pas d’y avoir brodé la couleur d’un souhait qui rend les mots si denses et si acides; on en oublierait, à la parenthèse sylvaine, l’amertume distincte des évidences quand elles sont encore embrumées de saveurs et de sons. Sous ses airs alanguis, à l’opium des mains blanches sur sa peau chavirée d’embruns, la réalité se fait double, versatile, espoir dans l’instant qui passe, truisme dans celui qui s’annonce ; le printemps est loin, Faust, ici.
L’inconciliable se noue en une nouvelle boucle et s’abreuve du froid qui se suggère aux veines, étirant les pensées vers un horizon courbe. Il fallait être sot pour avoir cru à une trêve ; jamais les élans du cœur ne sont raisonnables, qu’ils en passent par le partage, le mépris ou le cloisonnement. Ardentes plumes chues du ramage sanglant, ils sont désespérément inconsidérés, et verts de leur vertige.
Aux peaux confondues, les mains d’Alphonse déploient leurs arabesques, impriment leurs tracés, s’approprient pour les derniers instants d’une nuit blanche le corps dont il a fait pâture, de la clavicule délicate à la hanche amarre, de la pomme d’Adam , aux reins enlacés à pleines paumes. Il faut se souvenir de tout, de chaque rondeur, de chaque ligne, dévoyer chaque caresse à un langage des signes qui égrène les émois que la gorge retient ; le temps, implacable, cherchera à corrompre les traces qu’ils ont laissées aux nues de leur bestiaire, et si attarder l’étreinte retarde l’imprécision, alors qu’elle s’attarde, même amère, même aphone, même aux perspectives d’une nouvelle journée sans l’ombre d’une corne ; tout est bon, à l’aube du manque, pour emporter un peu de lui au travers de ses songes.


- Ne m'oublies pas Alphonse...


Il le faudrait pourtant ; tu pousses trop fort.
Ce matin encore, tu n’étais qu’une graine, omise et têtue. Ce soir, à nos anomalies majeures, tu t’es fait lierre, liane, encre.
Si je te laisse faire, Faust, que seras-tu demain ?



Les lèvres sont ensevelies d’une pluie de baisers, pléiade aérienne débordant çà et là d'éclaboussures envolées sur les joues, le menton, et le nez avant qu’au souffle pâle se murmure la réponse empruntée aux serments manifestes:

Non. Bien sûr que non.


Je ne t’oublierai pas, et tu fleuriras.
Parfois, je ne t‘arroserai pas, pour retarder ta pousse. Je te laisserai dehors toute une nuit durant, un soir de lune où tu prieras, fervent, un autre Dieu que moi ; il se peut qu’un jour, je torde ta tige, tes branches et tes pétales, juste par cruauté, au fil d’une heure noire parce que je serai seul, parce que tu seras loin. Pourtant, aux premiers frimas, tu seras préservé, aux premières chaleurs, je t’offrirai de l’ombre et quand tu auras soif, je distillerai l’eau, goutte à goutte, à ta gueule mauve, pour t’écouter sourire.

Tu as poussé dans mon dos, profitant d’un peu d’inattention, d’un peu de pluie, d’un peu de place abandonnée là, par l’élan inattendu d’un battement de cœur.
J’aurais dû me méfier, maintenant, je le sais.



Le silence est venu, berceuse nouvelle à laquelle se brode la respiration lente de l’amant endormi ; sur le muscle brachial, la tête est reposée, offrant aux noirs le spectacle de paupières closes sur leurs amours repues. Faust a sombré au sommeil, Alphonse, aux sentiments ; la défaite est cuisante.
Partout, la vie reprend ses droits, fourmillant de bruits jusqu’ici inaudibles, recadrant le monde qu’ils partagent à d’autres, ramenant aux écueils le flot des ombres quotidiennes ; ce presque matin de janvier ressemble à une première neige, glacial et exaltant, immaculée l’espace d’un secret.






Chat silencieux et précis, animal incapable de partager la sincérité du sommeil, Alphonse s’est rhabillé dans le vacarme étouffé du cloitre populeux, aux échos des prières chuchotées , d’une robe qu’on passe pour aller sonner l’heure, ou d’un livre qui tombe des mains d’une âme engourdie de sursis ; dextre sur la poignée de porte, il attarde un instant à la silhouette mâle couronnée de blanc, la couve d’un regard trouble et ravale, orgueilleux au regret, l’envie de déposer à la tempe la faveur d’une dernière tendresse ; rien n’est plus diffamatoire au Parthénon de la conscience, qu’un geste d’affection dont on est seul témoin.




Au fond de la poche du manteau, Senestre s’affectionne ; à la pulpe des doigts, denier d’une pluie d’octobre, est embrassé.






You got a cotton crown
Tu as une couronne de coton
I'm gonna keep it underground
Je vais la garder clandestinement
You're gonna take control of the chemistry
Tu vas prendre le contrôle de la chimie
And you're gonna manifest the mystery
Et tu vas manifester le mystère
You got a magic wheel in your memory
Tu as une roue magique dans ta mémoire
I'm wasted in time and I'm looking everywhere
Je perds mon temps et je regarde partout
I don't care where
Je me fous où

Kotton crown , Sonic youth
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L_aconit


Lorsque ses yeux s'ouvrirent, avant même que l'aube ne pointe ses premières lueurs, Faust Nicolas se redressa dans un mouvement brusque, poitrine soufflet, haletant. Les doigts crispés à l'étoffe de la soutane désordonnée. Les yeux cherchèrent avidement le vis à vis chimérique qu'ils ne rencontrèrent pas. Alphonse était parti. Alphonse... N'était plus là. Les mains grattèrent la paillasse d'une injonction nerveuse, et le nez se plongea, furieux, dans le souvenir de leur ébat. Le corps pâle et tendrement dessiné se contorsionna, face contre couche, étouffant l'émoi de retrouver l'odeur témoin si particulière. Irréfutable, à charge, elle dénonçait tout, et rassurait autant. Alphonse était venu.

Peut-être venait-il d'ailleurs juste de partir. Juste le temps de lui fausser compagnie, fauché par le sommeil il n'avait rien vu. Et au lieu de l'amertume des réveils esseulés, Nicolas émit un feulement muet dans le souvenir, précis, de chaque geste. De chaque mot. De son visiteur reparti.

Alors il s'agenouilla devant la croix, genou froid au carreau de terre. Il la regarda avec une grande humilité.

Avant cette nuit, il désespérait de ressentir ce que tous, fervents, paysans, Francoys, lui trouvaient. Avant cette nuit, il était encore un peu enfant des druides, perdu au pays des fanatiques. Avant cette nuit, Nicolas persistait à penser aux runes qu'il avait cédé à Dana, à leur divination. A la puissance de la réincarnation. Aconit poussé entre les Dolmens, le petit enfant laissé en fosterage était devenu homme. Et avait rencontré quelques personnes qui avaient pavé sa route d'extraordinaires découvertes. Puis il avait prié. Prié pour que dieu apaise sa peine, panse sa solitude. Prié par nécessité, pour attraper la foi, pour obtenir un peu de l'attention de ce dieu que tous vénéraient. Pour cesser de penser au passé.

Et dieu lui avait amené Alphonse.

Les mains jointes serrèrent avec fermeté le Chat à neuf queue. D'une verge à l'autre, Nicolas se fit Flagellant, ne lâchant pas des yeux cette croix salvatrice, qui devint au petit matin, sa bienfaitrice et son châtiment. Il murmura, avant d'asséner à son dos le premier coup cuisant qui marbrerait bien vite l'albâtre d'un beau et profond rouge cardinal:

- J'aimerai me réincarner en un pont de pierres et subir durant cinq cent ans les assauts du temps ...

    ✧Shhhhhlack✧


- Qu'importe si le soleil me brûle ou si la pluie me fouette.

    ✧Shhhhhlack✧


- Pourvu qu'un jour Il revienne me fouler de ses pieds.

    ✧Shhhhhlack✧


Dieu était grand. Et à tout bonheur, avait donné un revers. Celui d'être vivant.

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