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[RP] En février, garde bien tes secrets.

L_aconit





Fébrilité


Citation:
    De Alphonse_tabouret Le 30 Janvier 1466
    Objet: Pau

    Faust,

    Ce que tu portes à ma bouche, je me fais le devoir de le dévorer ; c’est ainsi que la nuit se construit, sans une miette, sans un reste, sans autre contraste que le blond de tes cheveux à ses plaines pour mieux s’épanouir.
    Le dessert fut plaisant, grâce te soit rendue, mais si le ventre a trouvé pitance, il a toujours faim ; ton souffle eut été plus consistant.

    Alphonse.


Trouble


Citation:
    De Ansoald Février 1466
    Objet L'ivoire s'altère au contact d'une pourpre sanglante

    Nicolas,

    T'écrire, ce fut comme tremper un doigt dans le lait; le sillage se creuse puis disparait. Les mots s'effaçaient sur la surface caillée.
    T'écrire, ce fut comme plonger le calame dans le vitriol; les vapeurs m'étourdissaient. Les phrases expiraient en grosses bulles iridescentes.
    T'écrire, ce fut comme appuyer un bâton de réglisse sur une peau juvénile; je barbouillais le vélin. Les sentiments fondaient sous la couche de sucre.

    Lucide, à présent? Je ne sais. Il fait assez clair pour t'écrire. Loué soit la lumière du cierge volé dans cette église. Je suis comme la flamme qui danse sur la mèche: en quête d'équilibre, je brûle ce socle de cire en sachant qu'il ne durera pas éternellement.
    Te donner de mes nouvelles est pénible. Les chapitres me semblent, à la relecture, plus sordides les uns que les autres. Je manque de courage pour t'en faire le résumé. Alors, je vais simplement achever là, ne m'en veux pas, cette missive très courte.

    Mais il y en aura d'autres,

    Ansoald


Melancolie

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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
L_aconit
- Trouvez-le, apportez lui de la galette et un petit pot de beurre, voir s'il arrive, lui, à manger...

Un mois. Un mois s'était écoulé sans qu'ils ne se voient. Sans qu'ils ne s'écrivent. Un mois en apnée pour peser de qui, de quoi, le poids du besoin et la véracité de l'envie. La vie avait reprit son cours, dans le décor changé. Dans l'oeuvre incomplète où la pièce manquante persistait à dénaturer.


Citation:

    Alphonse,

    Si le ventre a faim à Pau, je prie que Pau ne t'apporte pas substance à le rassasier. Je l'avoue, je préfère être cette repaissance. Et imaginer plus que de raison laisser quelques instants l'accueil de velours du prie-dieu pour m'agenouiller à tes pieds. Pour t'offrir, Ganymède, les plaisirs de la bouche et du ventre. Pour que rien d'autre n'y rentre que l'enfer des pensées que tu m'as légué. Créant l'offre et la demande, Alphonse, il est encore des nuits où je me consume de toi.

    Faust Nicolas.


Et l'ombre grandissante qui venait à planer d'un passé que Nicolas s'obstinait à croire scellé se profilait. Combien de mois, d'années(?) que le Voleur Poète n'avait plus croisé l'échange? Pourquoi Maintenant? Pourquoi , foutredieu, maintenant... Car inexorablement, les mots toujours secouaient. Les mots toujours suintaient. Ansoald savait comment provoquer chez Montfort Toxandrie la décharge d'adrénaline nécessaire à sa réaction.

Il s'était marié. Faust le savait. La bridée le lui avait dit. Le chien s'était marié. Quelle ridicule pantomime, ou comment enchaîner le sable et sa mouvance. Le deuil n'avait pas été correctement fait. Nicolas avait sauté à pieds joints quelques étapes. Il n'y avait pas eu d'adieu.


Citation:

    Tu t'es marié. Et je suis rentré dans les ordres. Je sais que tu sais, tu sais que je sais. Que ce n'est pas pour nous. Aucun de ces sacrements divin ne nous est réservé. Et malgré tout, nous en voilà encore à l'échange originel. Tu seras le plus grand Epoux du siècle, distribuant ton amour à celles qui, bouches ouvertes, le réclameront. Je serai le plus grand des Évêque, délivrant des messages que je n'appliquerai pas à ma perte, auxquels je ferai le dos rond. Sommes nous de si bons comédiens...

    Je t'en veux. Encore. Je t'en veux d'être parti, après que je sois parti, à l'intérieur de moi, sans un mot, sans une brève de rupture. Renard aux pattes de velours. Emportant ma virginité et ma dignité. Comme tu emportes partout, dans l'infinie liste dont j'ai fait partie. Puisque je n'ai pas eu le droit à une fin digne, je nous en écris aujourd'hui l'épitaphe. Ne m'en veux pas, c'est un mal nécessaire, j'espère, pour que l'on puisse avancer sans regarder de travers les chapitres que l'on ne veut pas se raconter. Tu les as toujours aimées, tes filles de joie et de peine. J'ai souffert de le savoir, j'ai souffert de te surprendre, parfois, dans les griffes de l'une d'entre elles. Mais j'ai compris qu'on ne dévie pas éternellement le lit de la rivière. L'eau revient toujours à sa cruche. Belle, libre et mouvante, rien ne la retient. Rien ne la surprend.

    Avais-je d'autre choix que de replier mes espoirs? Ravaler maniaquement cette certitude vaine de te donner ce dont tu avais besoin ne fut pas facile. Il fallut que je me brise quelques os pour pouvoir bien m'assouplir, sans trop me casser. Et pour mettre en boite un avenir, j'ai pris soin de modeler à ta fuite mes projections. Je me suis fait petit, soigneusement mis au pli...




Cette lettre telles celles au Duc, fut repliée avant d'être terminée. Non envoyée. Trop sale, trop offensive, trop désordonnée. Nicolas aimait les hommes mais manquait furieusement de couilles lorsqu'il s'agissait d'affronter son passé ... A sa place une triste pirouette. Ansoald l'avait fêlé. L'Eglise l'avait brisé. L'émissaire malgré elle qu'était Maryah avait sans le savoir piqué au sang le sensible curé. Et ces bêtes là, timides dans leurs carapaces blindées ne savaient à l'attaque inopinée que se recroqueviller. Cloportes à tout jamais. A quoi bon se battre quand l'on sait avoir perdu la bataille depuis longtemps? L'honneur? Il n'y a pas d'honneur en sentiments. Juste des sacrifices. Qui mieux que ce voleur qui l'avait connu étouffé de sa laisse, et l'avait aidé à la rompre? A se corrompre. Ansoald avait encore le gout douloureux de la liberté. La liberté furieuse, qui faisait et qui défaisait, qui battait et qui brûlait, qui le transperçait lui-même de mélancolie, éternellement. Quel être fascinant... A part.


Citation:


    De Faust Nicolas Février 1466
    Objet Le sang s'écaille, et coagule, puis tout guérit. Un jour.

    Ansoald,

    je te pardonne.

    Nicolas.



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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Ansoald
Il s'abrutissait avec appétit entre les murs étroits de la grande cité, tel un Cyclope se gavant de chair humaine jusqu'à épuisement. Le sommeil aux ailes noires fuyait à l'horizon, alors, par bravade, refusait-il le repos propice à la raison. La colère bouillonnait dans son sang et embrumait son esprit de vapeurs écarlates, aliénant ses forces et son intelligence. Il rampait dans les rues fangeuses, le front en avant.

Apparut Maryah armée de ses dents blanches coupantes comme des cimeterres. Elle lui infligea de terribles morsures, grâce au pouvoir étrange qu'elle avait sur lui, dont il ne savait se défaire. Dessoûlé, vidé de la substance éthylique qui le maintenait à terre, il fût forcé de s'asseoir, de prendre plume, de lutter. Il y réussit mal, tant la gangue qui entourait son coeur était épaisse et dure.

La réponse de Nicolas le mit en rage. Comment cet hypocrite au menton aussi blanc que son cul était sale, comment cet inverti rangé dans les ordres de la vertu et de la bonne morale, osait-il lui pardonner? La réplique cingla, aussi violente que brève:




Va te faire foutre,

Ansoald

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Ansoald


Ansoald. Si ton égo est blessé, le mien est affable . Je n'ai rien contre toi. Je ne te porte aucune haine, et pourtant je compte les raisons que j'aurais d'en avoir. Ne prends pas mon silence pour du mépris, je ne sais juste pas quels mots te vouer, quand ils semblent tous si vains et si lointains. J'ai de la mélancolie. J'aurais aimé savoir te garder à moi. J'aurais aimé te contenter. Mais je me suis fait une raison. Je t'ai laissé ton intégrité, et un peu je l'espère, de l'épicé interdit qui t'a sans doute ouvert encore plus de possibles...

Crois moi, lorsque l'on est un homme qui n'aime qu'un homme, il est difficile de sortir des schémas douloureux. Aujourd'hui je pense avoir réussi, et ta missive me fait peur. Car tu m'as toujours filé entre les doigts. Le temps a passé, peut-on considérer se parler, sans détours, ou enterrer nos rancoeurs? L'un dans l'autre, ce serait conclure quelque chose sans trop se déchirer. Je suis rentré dans les ordres, tu t'es marié. De toi ou de moi, qui a la légitimé de rire de l'autre?

Je te pardonne Ansoald, de n'être pas fait pour moi, et que tu ne sois pas fait pour moi. Je te pardonne de m'avoir tant donné de raisons de t'aimer, et de me les avoir reprises, parce que j'en souffrais. Je te pardonne parce que tu fus le premier, et n'a jamais quitté ma vie sans l'égratigner d'une douce brutalité. Je te pardonne de m'avoir choisi, premier à fouler cette terre de désolation qu'est la toile de tes attachements, et de m'y faire chuter encore à la simple lecture de tes talents. Je te pardonne parce que je t'aime, au fond, et que tu me donneras d'une manière ou d'une autre cent raisons de l'oublier.

Faust Nicolas




Il reçoit cette lettre en plein visage. Quand l'amour a l'acidité de l'amertume et qu'il faut cent fois sur le jour remettre sa tâche, on se pare de la fierté sanglante des vaincus et on se dit que nul breuvage ne pourra désormais prétendre à l'ivresse d'un coeur déchu. Vaine prétention qu'un chapelet de débauches ne suffit pas à satisfaire. Il suffit d'une lettre pour déguster l'ichor de ces jours qui demeurent à tout jamais.

La première mouture, jugée trop sérieuse, empreinte d'un mysticisme obscur, est abandonnée. Le bonheur d'avoir vécu remplace peu à peu la nostalgie de ne plus vivre. Veni, vidi, vixi.* D'autant que les flûtes de l'espérance jouent agréablement à ses oreilles....




Nicolas,

Mes efforts demandaient une réponse à la hauteur. Passe encore que tu m'envoies cette mégère pour me soutirer des nouvelles, belle initiative que j'aurais dû applaudir sur ses deux joues, mais ces trois mots jetés du haut de ton piédestal ne pouvaient qu'exciter mon mépris.
Car toi seul, sans blague, posséde l'art suprême de tourmenter les sentiments de mon âme fière. Bien fols, et ils sont nombreux, ceux qui pensent réussir. Tout au plus, je leur en veux de ne pas essayer. Certains parviennent, doués, à faire trembler la surface. Toi, génie, tu remues en profondeur des émotions que je croyais gelées par le souffle du diable. Ainsi, je t'ai bafoué, trahi, empoisonné et ce n'était pas la haine qui me commandait. Te souviens-tu de cette femme que tu avais invité à dormir avec nous? Te voilà prêtre désormais! Et me voilà marié! Qui tire les dés pour nous?
Nous étions double as. Egaux. Je pensais avoir la mainmise sur toi. Tu m'as détrompé d'une manière extraordinaire. J'essayais de faire face, tu me prenais à revers. Que tu as été bon à ce jeu-là! J'essayais de piper, mais tu avais sur moi plusieurs coups d'avance. Fais attention, blondin: tu as du talent pour mener le jeu, mais davantage encore pour détruire celui de ton adversaire. Car j'étais devenu celui-là. L'ennemi à soustraire. Alors, plutôt que perdre, j'ai déclaré forfait. Nous, as, sommes devenus des astres...Pivotant chacun dans notre direction.
Marié, donc, tu le sais. De manière rocambolesque, tu te doutes. Hérétique au foyer, tu le crois. A toi, je t'avoue. Ce mariage n'est pas valable. Je n'ai pas fait mes classes. Peu importe, au fond. J'ai triché sur mon certificat comme tu réussiras avec brio ta licence...Licencié comme je suis licencieux. Là, tu me pardonnes?

Quand je pense à ta langue
Que le vin ensanglante
dans l'oubli des péchés...
Je suis ostie léchée!

Quand je pense à Dieu,
je te vois dans les cieux,
Quand je pense au Diable,
je te vois encore mieux!

Puissions-nous jamais nous pardonner,
Ansoald

P.S. Quel est le châtiment convenu si je convoite la femme enceinte de mon prochain?



*"Je suis venu, j'ai vu, j'ai vécu." Victor Hugo

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L_aconit
Citation:
    Ansoald,

    je me souviens. Je me souviens de tout, encore, de ce carreau que tu n'as pas su ficher dans la tête pendue, me forçant à t'aider un peu. De la cavale, lorsque j'évitais de me faire retrouver par le prince... Des leçons de haut vol, quand tu me donnais mon baptême dévergondé, rompant mon serment de fidélité à la Bretagne. Et de cette fille. Que je n'aurais su toucher. Et que je t'ai jetée dans les bras. En avais-tu besoin... Tu t'es toujours bien débrouillé sans moi. C'est peut-être là le secret des mariages qui durent. Il faudrait que tu aies eu l'opportunité d'en changer à ta guise... Tu es donc un époux aussi vertueux que je ne suis prêtre. Ne me parle plus de dés. J'ai été chercher les tiens jusqu'au fin fond d'Alençonnais au nom de je ne sais quelle affection du souvenir, et j'en suis revenu. Quant au châtiment, tu le tiens déjà entre tes mains. L'exil et la damnation éternelle. Capitules, tu ne changeras jamais. Mais par chance, je suis tenu au secret. Ah. J'ai percé le mystère de mon fosterage. Mon père est Grand Duc de Bretagne, ma mère est trépassée depuis longtemps. Finalement, le temps est un grand bavard.

    Ps: je n'ai rien demandé à la "Mégère", je peux te l'assurer. Je gage qu'elle sait juste encore bien te connaitre... Songes-tu encore à la mettre dans ton lit, elle aussi?

    Faust Nicolas




Bafoué, trahi, empoisonné, et pour tout châtiment Nicolas avait été Maitre dans le pire: le silence. N'était-ce pas son unique et criminelle arme? Celle qu'il maniait le mieux? Il fallait être armé, et plus que de raison face à un amant tel qu'Ansoald. Après lui, rien n'avait plus été pareil. Le voleur avait ce don de détruire de ses doigts l'oeuvre qu'il mettait tant de patience et de dextérité à créer... Et de laisser aux gens cette tendresse nostalgique malgré tout. Quel talent. Et à propos de tendresse...

Les doigts caressèrent les mots revenus, pensivement.



Citation:
    Faust,

    Où sont tes genoux fléchis, ta bouche soucieuse de ma cause et tes prières jointes à ma seule ferveur ?
    Ma chair réclame, Ganymède, et tu la condamnes à la seule compagnie de ma main? Au seul souvenir de ta voix respirant mon prénom, de ton dos se cambrant d’un chapelet de voyelles à mes joviennes attentions ?

    Soit. Affame-moi.
    A la délicatesse d’une fleur séchée, Pau n’aura de moi que ce que j’ai pris de toi, mais ne tarde pas. Mi-février me trouvera à Paris avant de reprendre la route vers la Gascogne.
    Rejoins-moi.
    Nourris moi, de ma main dans tes cheveux, ou du bleu de tes mots, mais nourris moi, ou je ne réponds de rien.

    Alphonse.


On ne jurerait pas de la vie intime si mouvementée d'un jeune curé de campagne...

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L_aconit






Citation:
Alphonse.


    Je ne viendrai pas à Paris.
    Comprends, je ne peux quitter la cure par caprice.
    Comprends, je ne peux enlever la bure à ma guise.
    Alphonse, j'écris ton nom déjà sur chaque page de mon livre des vertus,
    pour me rappeler un peu que j'en manque cruellement à me soustraire à mon serment.
    Février Alphonse n'est pas le Printemps.
    Et je t'attends pourtant fébrile, dans l'isoloir des confessions à chaque grincement.
    Comprends. Chacune de tes supplications, c'est moi qu'elle déshabille.
    Je me figure que tu m'es revenu, et puis ce n'est pas ta voix.
    J'ai soupesé chaque mot, chaque élan. Mais je ne peux m'en aller.
    Il y a le petit Salomon. Il a besoin de moi. Je ne voudrais pas le laisser seul ici.
    Pas comme cela. Pas comme j'ai été si seul, avant ton arrivée.
    Même Bretagne m'attend, où je crains de me soustraire au sacrement de mon père.
    Alphonse, laisse-moi le printemps, je viendrai fleurir ton jardin,
    ou ton pavé, ou tes mains... Ah, je ne sais plus bien.
    Mais je te reviendrai.

    Faust Nicolas

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(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret

La lettre avait fini par être posée à l’ombre du verre et de la bouteille, les doigts de la dextre en effleurant le bas quand le regard, impavide, contemplait les mots sans plus les lire ; au bureau d’une chambre paloise, Alphonse s’astreignait à la rigueur de l’immobilité.
Le moindre froissement de son costume avait toujours été le sujet d’une étude concernée, et le pli, lissé jusqu’à être corrigé. Le refus de Nicolas avait assourdi ses nerfs d’une sensation ancienne, d’une hérésie nouvelle, écorchant un orgueil qu’il n’avait pas soupçonné se situer là, si près du cœur, forçant la brûlure de la frustration naissante à l’impitoyable examen de sa précaire humanité. Ces hésitations embuées, ces promesses ingénues, ces exigences bouffies d’intensité étoffant le présent de sa bouche sans crainte du passé… Rien de tout cela ne lui ressemblait, et la perspective des motifs brodés à chacune d’elles le confrontait aux avertissements d’une mémoire rancunière.
Il poussait, l’Aconit, obstiné, lointain, infernal de candeur dans son cloître de pierres et de prières, et, enfonçant ses doigts fluets dans son âme jusqu’à en asphyxier sa vertueuse patience, trouvait encore le moyen d’occuper ses pensées plutôt que d’exacerber la blanche solitude qui lui perçait le ventre jusqu’à la noyade ; c’était aussi exaltant qu’insupportable .

Le verre de vin fut vidé et attardé dans une main pensive ; forcé à toutes les déformations, l’adaptation était devenu chez Alphonse un réflexe salutaire dont il n’avait même plus conscience, capable de dénaturer ses ambitions jusqu’à satisfaire ce besoin de contempler de haut le destin qu’on lui imposait. Il était un être de raison, de pragmatisme, de froide logique, il était l’ainé, faune ombrageux aux appétits noirs, chat qui n’aimait que les fenêtres ouvertes. ; Faust était le tendre poison, le garçon-averse, la pousse inattendue dont le visage était une page vierge assiégeant de ses émotions terribles, pleines, les prunelles qui tombaient aux siennes, et pour survivre à cette perspective qui plaçait un autre que lui au centre de ses préoccupations, il ne savait que faire. Le salut viendrait de la distance, de l’étouffement, de la brisure nette des élans romanesques qui couvaient à ses veines, mais à chaque ligne de prose qu’il imaginait détachée, les yeux de Nicolas, ses yeux aux miroirs bleus, ramenaient, implacables, le chat à ronronner ; qu’il était dur de préserver la raison et de combler le manque au fil d’un même périple.

Si Faust n’était pas là, c’était d’être retenu là-bas, au Prie-Dieu d’une solitude crucifiée, la vérité était ainsi faite, posant en argumentation la seule valeur qu’Alphonse ne pouvait pas contredire pour s’y être lui-même attaché jusqu’à la condamnation; les obligations, toujours, l’emportaient sur le reste.


Citation:

Faust,


Tu me fais double et m’en laisses démuni. Un, entier, indivisible, intransigeant peut-être, c’est ainsi que j’ai toujours été, et voilà que toi, tu me partages, désapprenant ce que j’ai payé si cher à l’apprentissage. Une part de moi maudit ton refus, l’autre le comprend ; je rage et je m’en moque, je t’en veux et je te pardonne, je tutoie les cendres avec un dédain de vivant et m’enthousiasme comme un mort, de marcher en territoire connu.
Quand m’as-tu fait bifron ?

Dieu me fâche, mais je sais depuis longtemps qu’il est vain de chercher à Lui soustraire le dernier mot, quelle que soit la ferveur de l’argumentation. Tu es Sien avant que d’être à Mes heures, et si je l’oublie parfois, ne m’en veux pas ; peut-être alors, déraisonnable, me manques-tu un peu.
Attendons le printemps qui oubliera l’hiver et ses errances; Mars est propice aux giboulées. Dieu, s’il tient à nos aspérités, y joindra nos emplois du temps.

Je pars demain pour Paris où tu ne seras pas. Tu es déjà précieux, ne te fais pas rare; donne-moi lecture de toi lors de mon arrivée.
Parle-moi de ce petit Salomon que je ne peux pas détester de t’astreindre à Saint Front, de cette Bretagne qui t’éloigne plus encore. Parle-moi de tes mains quand elles pensent à moi, de ta gorge quand elle entend mon prénom, des pensées qui parfois, surgissent aux murs de ta chambre quand, au fil d’une prière, Dieu s’estompe pour ne laisser que Toi.
Parle-moi à défaut d’être là.

Ni ne t’oublie, ni ne t’abandonne.
Alphonse.


_________________
L_aconit



Citation:


    Alphonse,

    Bifron, ne faut-il pas l'être pour Paraître le jour, et Etre la nuit? Je partage donc tout avec toi de cette dichotomie absurde, qui parfois me pose question. Sommes nous sages de jouer ainsi avec les deux faces d'un même sou? Etre sage est-il bien raisonnable, quand j'imagine tout de toi, le dedans, le dehors, le dessous... Tout en posant mes yeux sur un passant qui te ressemble? Tu es partout à saint Front. Sur un banc de messe, sur le parvis à attendre. Je me surprend parfois à personnifier les statues, je renomme les saints. Je crois que Dieu m'envoie mille Alphonse tentateurs pour éprouver mienne raison, aussi.

    De Salomon je pourrais te parler de son innocence. Je m'en fais le gardien en me refusant de le laisser aux griffes plus déviantes encore que les miennes de Monseigneur. L'Eglise n'est qu'un écran de fumée drapant Asmodée dans son opacité blanche ... J'en fus la première victime à mon arrivée. Petit oblat, il est mon neveu. Le fils de ma soeur, Dana. Il n'a pas encore neuf ans N'a pas encore souffert d'une liberté jamais connue.

    De la Bretagne, je pourrais te raconter mon enfance. Mais c'est un gouffre aussi gai que douloureux. Je l'ai quittée il y a de cela quelques années, et voilà qu'elle me rappelle. J'étais jusqu'à lors au service d'un Prince. Confié à lui , nourrisson, par feu son père alors à l'époque grand Duc de Bretagne. Le vieil homme a trépassé et a emporté avec lui quelques secrets dont celui de ma naissance. Le Prince m'a élevé, dans la pure tradition du fosterage, comme le monarque le lui avait demandé. C'est ainsi que l'on me prénomma Faust. Aujourd'hui, j'ai percé la plus grande partie de cette histoire, bien que quelques parts d'ombre subsistent. Je suis appelé en Bretagne, et j'irai. Je pars demain.

    Quid de mes mains, vides de ta substance...
    De ma gorge, condamnée à t'attendre...
    De mes pensées, brouillées de Toi.
    Si seulement tu savais.

    Mon bel inconnu. Tu me manques de façon plus douloureuse que je ne te manque ; je ne pourrais te languir davantage, te désirer davantage, tu ne pourrais me manquer davantage. Peut-être le sais-tu. Que je ne crains et ne redoute que de manquer de ta personne. De hurler intérieurement des mots que je ne donnerai à personne d'autre et n'écrirai, ad libitum, plus qu'à toi. Je te souffre et je t'endure, mais je refuse de me passer de la moindre de tes attentions. Alphonse. J'ai fait de toi ma consécration, sans rien connaitre de ton passé. De tes amis. De ce qui t'a amené, seul à Paris, à t'attarder sous la pluie...

      Faust Nicolas

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Alphonse_tabouret
Vaincu.
Il avait senti le cœur battre jusque dans ses difformités, l’avait deviné plier en décachetant sans l’ombre d’une hésitation, à la négligence de ses propres principes, la lettre qui l’attendait pour s’en nourrir. Faust était devenu Substance, tiraillant l’orgueil saturne d’un animal qui avait toujours condamné la duplicité du cœur pour célébrer celle de la chair, et se trouvait, au serment d’une lettre hiémale, à se dénaturer sans en feuler de rage ; L’ hubris était écorché sans autre réaction qu’un sourire étiré au prénom de Montfort.
S’il savait aimer, c’était à la bouche de ses frères Titans, bêtes aux mœurs despotiques, fasciné par ceux dont les extrêmes étaient capables de diluer le néant façonné, de faire émerger les sensations premières ; qu’importait les douleurs qui l’y avaient cueilli et d’y être condamné pour survivre à ses violentes tocades, Alphonse se sentait si vide depuis sa claustration aux caves de Paris, qu’il avait appris à s’enthousiasmer de toute plaie l’arrachant à son apathie programmée. Pourtant, depuis peu, il y avait, discernable à chaque percussion, le reflet d’un parfum bleu qui avait cessé de le narguer pour s’imposer d’une tendre gravité, cabale nouvelle dont les pas emportés terrifiaient les ombres emmêlées. A cette lueur inédite, elles s’écartaient prudemment, à l’étude craintive de la hardiesse, abandonnant au centre du néant, fêlée mais éveillée, la Foi palpitant à l’aorte ; se livrer, dire, faire écho à un qui vous espère sans le vertige des hauteurs de Notre Dame ou la brulure des cris, était une procession nouvelle aux harmoniques abîmes.




Citation:


Faust,

Le jour où tu m’as trouvé, je saluais la fin de ma condamnation.
A l’arche devant nous, il y avait un hôtel, peut-être t’en souviens-tu, même si, sous l’épaisseur de l’eau, Poucet aux deniers en cascade, tu ne lui as pas accordé un regard. Dedans se tenait mon Maître, un homme ni bon, ni mauvais, simplement coupable de l’autorité innée de ses armoiries, gâté d’un sang savamment entretenu par l’un de ces arbres généalogiques dont on s’enorgueillit pour parler de lignage, de ces futaies qui te donnent tous les droits sans jamais les avoir demandés.
Aimer son tortionnaire est un vaste chantier auquel, à ses côtés pendant deux ans, j’ai échoué.
Le soir où tu m’as trouvé, Paris m’avait déjà rattrapé, acculé à mes nombreuses fautes et serré à ma gorge un collet d’émotions.
Tu les as survolées, main blanche au mur inondé, et m’a lancé en guise de défi, ton surnom et ses bleus, rendant ce soir-là sans le savoir, le chat à la ville qui l’avait élevé, éveillant à ma curiosité un intérêt si longtemps engourdi que je le croyais perdu ; au bras d’une nuit noire, d’une pluie trouble, tu étais le premier visage nouveau qui, sous ta houppe blanche, m’apparaissait en couleurs. Dieu… Rincé, éclaboussé, ta caissette si farouchement serrée entre tes doigts sales et résolus, tu ne ressemblais à rien de ce que je connaissais; tu étais déjà beau à en crever. Si je ne t’avais pas suivi, si tu étais passé sans me parler, aurais-je fini par rentrer ? Aurais-je été Homme plutôt qu’Animal?
Cette nuit d’octobre, Faust, tu m’as rendu les armes que j’avais délaissées en guise de châtiment ; de ça je me souviens, de ça je me souviendrai toujours.



Je suis arrivé à Paris ce soir. Croiras-tu que j’ai souri, imbécile, harassé et qu’avant même de défaire mes affaires, j’ai allumé au plus vite la bougie pour te lire ? Tu me rends idiot, Faust. Pire, tu me rends aveugle ; au défi de te résister pour me convaincre que je le peux, fier et vexé avant que d’être aimant, c’est ta gorge que je vois, c’est ton épaule que je devine, c’est de ta peau dont ma bouche s’affame.
Je suis une plume étourdie dans un ciel troyen.

Bretagne, il y a longtemps, m’a accueilli à ses embruns pour me soigner du deuil. J’ignorais qu’elle t’avait fait naitre et t’avait élevé, qu’avant les pierres du cloitre, c’était aux dolmens que tes yeux s’enchantaient. Raconte me les, eux et tes retrouvés, sans les juger au regard de Dieu lorsque tu les reverras ; ce sont eux avant Lui, qui t’ont fait tel qu’aujourd’hui tu m’es.
Vois. Je t’approprie encore.
As-tu souri ?

Ainsi me voilà double. Sage et déraisonnable. Sobre et ivre. Contenté et frustré. Banni et roi en mon domaine. A la lumière, je ne vois qu’un monstre à l’allure crispée de ses méfaits, un fauve que l’orgueil tiraille, que la réalité rattrape inexorablement ; aux gouffres de tes yeux, tout se dissout et je ne vois plus que toi et tes racines étirées sans plus avoir la force d’en arracher les pampres. Je t’entends vivre, ténu, persistante vivace aux chorales sérieuses dans un tapage vide; je t’en ignorais capable.

Aujourd’hui à ta lecture, je capitule, Ganymède, je remets la lutte à plus tard. Déborde, Envahi, Ablue ; tes mots de février sont plus précieux que ma distante suffisance.

Ni ne t’oublie, ni ne t’abandonne,
Alphonse.


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L_aconit



𝕵𝖊 𝖘𝖊𝖓𝖘 𝖒𝖆 𝖛𝖎𝖊 𝖖𝖚𝖎 𝖇𝖆𝖘𝖈𝖚𝖑𝖊
𝖁𝖊𝖗𝖘 𝖚𝖓𝖊 𝖙𝖊𝖗𝖗𝖊 𝖎𝖓𝖈𝖔𝖓𝖓𝖚𝖊
𝕵𝖊 𝖛𝖔𝖎𝖘 𝖑𝖆 𝖋𝖔𝖚𝖑𝖊 𝖖𝖚𝖎 𝖗𝖊𝖈𝖚𝖑𝖊
𝕼𝖚𝖆𝖓𝖉 𝖏𝖊 𝖒𝖆𝖗𝖈𝖍𝖊 𝖉𝖆𝖓𝖘 𝖑𝖆 𝖗𝖚𝖊.
𝕵𝖊 𝖘𝖚𝖎𝖘 𝖚𝖓 𝖍𝖔𝖒𝖒𝖊 𝖒𝖎𝖘 𝖆̀ 𝖓𝖚.

- 𝕱𝖗𝖔𝖑𝖑𝖔, 𝕹𝖔𝖙𝖗𝖊 𝕯𝖆𝖒𝖊 𝖉𝖊
𝕻𝖆𝖗𝖎𝖘 -


Pudeur parfois reprenait le dessus de ces échanges écrits qui, très visiblement, étaient plus aisés à faire pousser qu'au frisson du verbe et de la voix. Les émotions bousculaient la frêle sensibilité Aconitienne, touchée en plein cœur par les aveux à peine dissimulés. Pourtant, il s'interdisait encore de trop donner aux vélins, de ces trop vérités qui, trop vite cédées, perdent leur faste et l'essence même de ce qui fait leurs intérêts. L'Aconit temporisait malgré lui, la lutte. Mettait en culture.

Il ne fallait pas.

Il ne fallait pas.

Il ne fallait pas encore.

Les doigts triturent nerveusement le ruban rouge, devenu avec les mois cramoisi de n'être jamais levé, même aux ablutions. Le ruban blasphématoire et parfois encore un peu, échappatoire. Jeune homme de serment, il l'était profondément. Il l'était jusque dans le sang, jusqu'au lit des veines. Jusque dans la déveine.

Un an et un jour. L'été. Prochaine étape après Printemps.

On ne profane pas une tombe encore habitée, quand on est homme de Dieu.



Citation:

Alphonse,

Je n'ai vu ni l'hôtel, ni les liens invisibles qui te retenaient. Tout au plus ton air figé là, hésitant ou pas, embourbé dans des pensées bien insondables. Alors toi aussi, tu eus un Maitre? T'a-t-il si mal traité, que tu en gardes l'adjectif fâcheux des chat redoutant le coup de bâton?
Chat te va bien. Tu es de ces félins que l'on peut prendre dans les bras sans espérer les garder bien longtemps, élastiques, un peu fuyards malgré eux d'un contact qu'ils n'ont pas décidé d'eux-même... Tu es parti cette nuit là à Saint Front. Tu es parti, mais je ne t'en veux pas. J'aurais du savoir rester éveillé pour te retenir. Je t'aurais retenu Alphonse.

Mon Maitre aimait les femmes. Beaucoup. Les femmes et les soldats. Oh, pas comme je pourrais les aimer, ni les unes ni les autres assurément. Les femmes me choyaient entre leurs seins lourds et nourriciers, j'étais le chaperon de ce harem de Maîtresses qui n'en avaient pas que le nom. Les soldats eux ne pensaient qu'à me traiter de fille. Tous pensaient que je ,n'étais qu'un jouet pour lui, une petite putain déflorée. Alors que je n'étais que sa petite main. Ses yeux. Son Ecuyer, son sbire, son seul ami.

J'aimais mon Maitre. Je l'aimais avec beaucoup de respect. Jamais il ne m'a touché. Mais il avait pour moi des desseins dépareillés, une destinée qu'il pensait sur mesure et que j'ai préféré fuir... Je crois que j'ai profité, pour mon évasion, d'une migration d'oiseaux sauvages.

Ce soir j'ai souri. Comme lorsque je décachette chacun de tes plis. Sais tu depuis combien de temps je n'avais plus souri? Depuis Paris. Après elle, tout a changé. Je me suis arraché à mon ancienne vie. J'ai fait le choix de la raison et renoncé au coeur. Je suis profondément raisonnable, je crois. M'apprécierais tu moins pour cela? Toi qui ébranle un peu cet horizon?


Je suis parti. J'ai quitté mon village. Je suis à Saintes, en Poitou. La ville me semble déserte, je le crains, déserte de toi.

Ne déserte pas.
J'abreuverai de mon eau ton sable,
pour qu'il y pousse encore.

    Faust Nicolas



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Les mains en coupe plongèrent à la bassine d’eau pour inonder le visage, chassant d’une énergique friction les reliquats d’odeurs appartenant à d’autres, rinçant la bouche de ses vapeurs avinées, délivrant au miroir le visage cerné d’une nuit abimée. Paris, à potron-minet, étirait les premières éclaircies de la journée, dispensant à l’horizon les pales tentacules d’un soleil d’hiver sur ses toits enneigés; Alphonse était prêt à partir.
A minuit, chat s’était retrouvé sans maitre contracté, caressant l’illusion de la liberté au travers d’une partition de nouveau virginale, choisissant le confortable refuge de l’aliénation à celui plus précaire, de l’innovation. Paris retrouvée avait été bravée, défiant les regrets, narguant les remords, et n’avait concédé aux battements du cœur que le dédain du blond aux heures de venaison ; le brun des cheveux longs avait suffi à étancher l’orgueil et ses artères nerveuses, diluant la famine d’un mirage bienvenu. Enfin éveillé à la fatalité de février et de ses rendez-vous ratés, l’ego et ses vides s’étaient mêlés à la curée latente, exhortant l’animal à retrouver les siens; l’appétit venait en mangeant.

En quittant sa chambre rue Sainte Opportune, il en claqua la porte d’un geste pressé, troublant dans un mouvement d’air, le drapé d’un tissu qui glissa de quelques centimètres, dévoilant à l’ombre matinale l’angle ornementé d’une attention ouvragée.




Citation:

Paris, Mi-février 1466


Faust,


Je n’ai jamais été qu’esclave.
A la main de mon père, j’ai été un outil, trophée chargé d’être vitrine, diversion amenée aux débats de chaque contrat pour attendrir la clientèle, parfum chez un parfumeur qui n’avait pas de fragrance propre mais uniquement celle dont on avait alors besoin. Né puiné des mâles, nulle autre ambition n’a été faite pour moi que celles de la boutique familiale et de ses chiffres voraces. J’ai été modelé pour servir et je l’ai fait; tu en trouveras trace parfois, dans la façon que j’ai d’écouter plutôt que de parler, de servir le vin sans jamais entacher la bouteille et la nappe, ou encore dans la constance du pli millimétré au sourire que j’offre à mes locuteurs.
Du cœur, j’ai hérité d’un bordel et de ses putains. Aliéné à mon bureau, j’en ai fait l’une des Lanternes Rouge les plus connues de Paris. L’Aphrodite, autant que mes chaines, était mon amoureuse utopie, et par affection, parce que les défunts toujours pèsent au-dessus des rêves que l’on a portés avec eux, je me suis noyé avec application à chacun de ses gouffres jusqu’à m’y dissoudre. J’en ai gardé le gout des belles choses et des nuits blanches sans pourtant me toquer de leurs grandiloquences ; le spectacle n’est jamais le même lorsqu’il est vu des coulisses.
Par principe, parce que ma parole est la seule chose que j’ai jamais possédé, je n’ai pas su la reprendre au Hasard quand sur un mauvais coup de dés, j’ai misé et perdu deux années de ma vie. Comprendras-tu que l’esclave affranchi, l’espace d’une seconde aux ineffables laideurs, puisse s’enticher de la tendre plénitude de ne plus avoir à penser, choisir, lutter et s’en trouve si hideux, si coupable, qu’il préfère le bannissement aux regards innocents des siens le lendemain matin ? J’en ai regretté chaque jour sans jamais esquisser le moindre mouvement de fuite, ramenant de mon exil, le mépris, l’opprobre et l’apathie; à mes ravages, c’est la cadette que tu délayes.

Voilà le chat que je suis. Voilà le chat qui devrait te juger pour avoir fait tes choix quand son chemin n’est pavé que de ceux qu’il a gravé.
Et si tu ne les avais pas faits, si tu avais bravé la raison pour l’aorte, si tu avais préféré l’emportement à la renonciation, où serions-nous tous les deux, à l’instant ?


Faust, Notre Dame sonne minuit, et quinzaine prend une ride. Tu as tenu tes engagements en ne venant pas, j’ai tenu les miens en préférant ta lointaine présence à mes nocturnes errances; nous voilà hommes d’honneur.
Ce soir, bride desserrée de nos contrats, c’est la nostalgie qui me vient en premier, alors pour la tromper, je t’imagine là, dans cette chambre où la flamme des bougies ne vacillent pas de notre chute, où le vaste lit a de quoi accueillir et l’élan et l’envol sans pourtant bruire de leurs hypnotiques litanies.
A mes tempes, je pose ma main à ta nuque. Ma bouche à ta bouche. Mon ventre à ton ventre. Ma main à ton dos. Ma main à tes reins. Mes dents à ton cou. Mes dents à ton oreille. Mon souffle à ton souffle. Mes doigts à tes cheveux. Tes cheveux à ma bouche. Ma voix à ton oreille. Mes mots à tes veines. Ma main à ta hanche. Ma bouche à ta bouche. Mes mains à ma ceinture. Ma ceinture à tes mains. Ta voix à mon oreille. Ma main à tes apparences. Ma peau à ta peau. Ma bouche à ta peau. Ta bouche à ma bouche. Ma bouche à ton ventre. Ta main dans mes cheveux. Ma concupiscence à ta lancinance. Ton vertige à mon ambition. Ton souffle à son entrave. Ma main à ton épaule. Ma bouche à ta bouche. Ton flanc à mon lit. Mes hanches à tes reins. Ma cadence à ton appétence. Ton appétence à ma cadence. Ma patience à nos impatiences. Ma violence à tes exigences. Tes reins à mes hanches. Ma main à ta gorge. Ta voix à ma folie. Ma folie à ton service. Ton tapage à mes envies. Nos éclats à nos déraisonnables sagesses.


Aux premières heures du matin, je quitterai Paris en guettant Mars pour y revenir. Tu me trouveras jusque-là en Gascogne à y parler affaires.
A ton absence, l’ennui.


Ne me négliges, ni ne m’affames.
Alphonse.


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L_aconit


    Au sortir du Poitou.
    Niort, Mi-février 1466



Il y avait eu le calme plat. Il y avait eu les vastes plaines. Puis il y avait eu l'effervescence du Poitou. Nicolas ne voyageait pas si seul qu'il le dépeignait en ses lettres, bien que le sentiment dominant était là: partout où n'était pas Alphonse, solitude régnait. Le petit oblat occupait joyeusement l'espace et le temps, qui tendait à s'étirer de façon infinie lorsque le silence entre l'émissaire bretonne et lui se faisait trop lourd... Autant dire, souvent. De prime abord, la découverte du contenu de la grosse malle par Marwenn avait été décisive sur le fait qu'ils ne devaient plus voyager sans escorte. Peut-être était-ce cela qu'il exécrait chez les femmes. Leur capacité à déloger la poussière que l'on s'évertuait à refouler sous le tapis... Puis, il y avait eu des rencontres. De belles, et de vieilles rencontres. De celles qui lui firent se rappeler qui il était... Avant.

Les mots reçus d'Alphonse firent battre lamentablement son coeur, de cette langueur évidente qui dit tout sans rien solutionner. Les mains, traîtresses aux tremblements significatifs avaient replié avec précaution le pli, et l'avaient rangé parmi tous les autres qu'il gardait dans un petit reliquaire, partout avec lui dans la gibecière. Des lettres de Voleur, de Duc, de Prince, et des dizaines de missives enrubannées aux contenus sacrés et sacrilèges, qui si découvertes par de mauvais yeux, le conduiraient tout droit au bûcher.

Les échanges épistolaires entre le clerc et le Parisien n'impliquaient pas deux semblables. Les autres correspondants privilégiés de Nicolas étant toujours des congénères proches avant même de prétendre à être intimes, car appartenant à un "monde commun". En écrivant aux religieux et à sa sphère familiale très restreinte, Nicolas et les autres manifestaient une différence au sein d'une parenté choisie. L'échange Alphonse- Faust rescucitait au contraire , non la rencontre d'un autre qui était le même, comme l'étaient les lettres à Isaure par exemple, mais la rencontre d'un autre tout court. Les faits en ce domaine n'expliquaient pas tout. On aurait pu penser immédiatement à la différence de nationalité, Faust Nicolas Breton né et Alphonse, parisien enraciné. Le statut banal "d'étranger" et les stéréotypes des gens de Paris... Mais il ne s'agissait pas de cela. de Ceux-là.

L'irruption imprévisible dans son univers de ce chat aux allures léchées, cette sorte d'extra-terrestre obligeait Nicolas à quelques mises au point nécessaires, des éclaircissements sur ce qui allait d'habitude sans dire: les évidences, les acquis, les réalités du "monde commun" qu'il partageait avec ses autres interlocuteurs. A eux aurait-il songé comme s'ils tombaient de la lune à raconter Bretagne, vie cléricale et rencontres innopinées? A se présenter lui-même en situant ex-nihilo les modalités de son histoire propre, de son passé, de sa vie. Impensable. Superflu. A eux il était inutile de raconter les cavales sauvages avec Ansoald, les ires du Prince et ses sbires à ses trousses, l'horreur de l'abandon, le sourire de Lestat et leurs manigances de couches. Le Decameron. L'union clandestine et contre nature qu'il n'a pourtant donné qu'à la nature. Inutile de raconter le parcours étonnant d'un enfant sans attaches familiales devenu clerc, réfugié aux confins du silence ecclésiaste dans les solitudes blanches de son arrivée dans les ordres. A Alphonse Tabouret de Paris, il faut tout apprendre, tout expliquer, il faut l'initier, cet habitant d'une autre planète...

Plus de non-dit sur lequel s'appuyer. Plus d'a priori identiques, plus de tacite, plus d'implicite. Ils marchaient l'un vers l'autre à partir d'années lumières d'éloignement, tels Marina et Ulay* , mais pour ne pas se quitter. Tels De Beauvoir et Algren, dans leurs amours transatlantiques.

Oh bien sûr... Il n'était pas question de minimiser ce qui les rapprochait. Leur condition partagée d'hommes aimant les hommes avant tout, créait entre eux au delà d'une fraternité, un lien pratique et fort, puissant et vital comme le devoir dont ni l'un ni l'autre ne pouvaient se passer. Les disparités n'en criaient que plus fort: dans leurs consciences, leurs vécus, leurs espoirs respectifs d'hommes vivants ils se ressemblaient autant qu'ils se contrastaient l'un à l'autre.

Quand rien ne va plus de soi, une fois escamotée la rassurante familiarité du monde, ne demeure plus que la nudité de la pure présence. L'un face à l'autre, un homme et un autre s'aiment d'amour et ne se connaissent pas.


Citation:

    Alphonse,


    Viens dans mes bras. Entre eux, jamais tu ne seras esclave, sinon celui de tes envies. Jamais tu ne seras outil, sinon celui de notre plaisir. Jamais tu ne seras trophée, vitrine, diversion, mais tu seras parfum à mon nez[ ... ] fureteur, le parfum qui rassure de se trouver là, imprégné dans la literie comme il l'a été à Saint Front à l'aube de ton départ.

    Vois, je trouve à tes déveines des concordances aux miennes, et si notre vie de devoir nous rassemble même un
    [... ] peu, j'ose croire qu'elle n'en sera que le préface. Parle-moi plus que ne m'écoute, tend ton godet plus que n'abreuve le mien. Je l'emplirai d'un vin doux et chaud que l'on fait en Bretagne, dans lequel les sucs de miel se mêlent aux venins des guêpes gourmandes, prises à leur propre imprudence. Mon sourire pour toi sera [ ... ] sans calcul, mes gestes sans sous entendus. Alphonse, qui que tu aies été, le passé est écrit, l'encre est sèche.

    Il m'est étrange de t'imaginer bordelier, je te découvre à la lueur de ma chandelle,
    [ ... ] autrement, sans doute mieux qu'à celle de quelques instants volés et cachés... Si les lettres sont insubstantielles, elles auront au moins le mérite de me donner plus de toi que je n'aurais sans doute jamais autrement. J'ai appris à me contenter de peu, bien que je ne l'ai pas fait à me passer de tout.

    Qu'importe le félin, fauve, que tu es. Je t'accorde en mes bras l'asile que tu voudras. Et de choix, n'en feras que ceux que tu souhaiteras. J'ose penser que lorsque tout n'ira pas, c'est entre eux que tu voudras te retrouver. Vois, je t'accepte tout entier
    [ ... ] Sans souhaiter plus que ce que tu voudras bien en échange, donner. Rien mieux que la litanie de tes gestes à mes gestes ne pourra me combler plus à lire, à imaginer, à désirer... Et à assouvir.

    De mon périple vers la Bretagne, je dois d'abord te conter l'incommensurable plaisir de retrouver la liberté. Chaque caillou sur la route, me fait heurter l'assise avec un plaisir insensé. Chaque arbre que je vois défiler, chaque heure qui s'écoule dans ma progression de fourmi est un émerveillement absurde et ridicule. C'est un peu comme si le soleil des routes savait me réchauffer, là où celui qui se posait sur mes épaules entre Saint Front et le Palais épiscopal m'alourdissait les sens
    [ ... ] J'étais libre, avant. Je suis ivre de retrouver ces instants. Marwenn, l'émissaire de mon père a dit que l'on était toujours libre. Mais quelle erreur. Que sait-elle, elle, de la vie d'un curé... Un qui a été comme elle, avant de s'enfermer? Les femmes m'exaspèrent un peu je dois te l'avouer. Celle-ci a mon âge, j'évite d'autant plus de lui faire la conversation. Je n'aime pas les charmes des jeunes filles, ni des vieilles. J’abhorre même leurs parfums, bien que j'en ai tout de même quelques unes en affection.

    Il y a Isaure, pour exemple. Isaure est une jeune dame, très grande amie de ma soeur, qui hésite à prendre le voile. Elle eut je le crois un passé difficile, eut été mariée à un homme sans cœur et qui a trépassé. Je l'affectionne pour son authenticité. Elle ne s'encombre pas de fragrances séductrices, d'apparats trop coquets. Je l'ai croisée par le plus grand des hasards en Poitou, où elle cherchait deux jeunes gens fugueurs, des enfants de marquis qui ne devaient pas s'aimer. Je n'ai pas tout compris, la conversation des femmes tend à m'ennuyer un peu, malgré moi. Et toi... Toi, es tu sensible à leurs charmes?

    Dame Isaure m'a gentiment accordé de me prêter son escorte. Pierre. Un grand muet barbu. Je ne sais pas si c'est un tire-laine ou un malfrat de mauvais quartier, mais avec lui la route fut tranquille. Je l'ai en échange de ses services grassement payé. Etre religieux a cela d’accommodant que l'on me refuse rarement quoi que ce soit...

    J'ai aussi revu dame Calyce. Une jeune duchesse angevine pour qui malgré ses quelques dettes envers moi, j'ai de l'affection. Alphonse, le duché est fourmillant de vie, mais l'ennui me saisit bien vite lorsque je pense à toi. Il y aurait tant à te raconter du Poitou, mais voilà que ma chandelle va mourir, et mon encre se tarir. Je te raconterai une autre fois ma rencontre avec la naine Eliette, et cet Octave aussi ...

      Faust Nicolas


La lettre partit pour la Gascogne.
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[ ... ] Endroits illisibles une fois la lettre arrivée à bon port qu'Alphonse n'aura pu lire ,
mouillée par les intempéries de février, mais que le lecteur avisé sans doute,
trouvera le moyen de dévoiler...

*Marina Abramović et Ulay, artistes performeurs,
et leur marche sur la Grande Muraille de Chine.

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Écoutez !
Puisqu'on allume les étoiles,
c'est qu'elles sont à quelqu'un nécessaires ?
c'est qu'il est indispensable,
que tous les soirs
au-dessus des toits
se mette à luire seule au moins
une étoile?

"Écoutez !" Vladimir Maïakovski







Citation:




Faust,



Une coïncidence. Une Eglise. Une chambre. Une nuit. Tu as drapé d’unicité chacune de nos rencontres, as empoigné l’âme et y as brodé ton sourire en guise d’oriflammes.

Il me plait, sais-tu ?
Tes yeux aussi. Tes mains également. Ta voix. Et ta peau comme une nue aux cieux que l’on peut mordre et embrasser jusqu’à l’ivresse des sangs ; ta peau, Faust, je la veux comme manteau pour les soirs où il fera trop froid.

Tu me plais et je voudrais que cela s’arrête là ; il y a quelque chose en moi à l’écho de tes mots que tu assassines, je le sens, je le sais ; je l’entends au silence, s’exaspérer de toi, de tes terres fertiles et de tes attentions. Viennent alors le vin et la figuration aux draps où tu n’es pas, le sommeil pour étouffer les étoiles, et mes obligations, mes chères obligations que j’avale comme autant de placebos au vide qui me suit.
Je ne connais pas le goût de ce langage qui cloue chacun de mes pêchés à leur vindictes consacrées ; j’ai l’impression qu’en te lisant, ils n’osent plus bouger. J’aimerais m’en moquer, d’eux, de toi, avec cette arrogance qui sied aux échaudés, mais j’en suis incapable, désossé jusque dans la mémoire par le désintérêt de vos sincérités, car tu les penses, cela aussi je le sais, je le sens, et si le refuge n’a jamais été le lit de mes amours, l’ombre de tes doigts égrène en bouquet de bleus chacun de tes mots à mes cheveux; moi qui déteste tant que l’on y enfouisse la main, je me surprends à fermer les yeux au baume promis des tiens.

S’il est vrai qu’au-delà de nos abimes, tes bras sont mon jardin, tes envies mon panier, alors Faust, alors à ma main égoïste, à mon caractère fauve, à mes flancs vaniteux, je prends ce que tu me donnes.
Tes bras sont Refuge, ce sont à eux que je viendrais chercher la chaleur qui me manque, à leur force que mes écueils iront s’échouer, à leur muette indulgence, qu’engourdi, j’accorderai la trêve à mes propres chimères. Moi, je t’offre Memento ; à mes bras, tu te rappelleras être fait des vents salins de Bretagne et d’une pluie parisienne, tu seras en vie, célébré homme, dévoré comme tel selon Dieu et ses lois auxquelles tu te partages. Viens dans mes bras Faust. Sans question aucune j’y conjurerai l’oubli et le doute de ses solitudes ; tu vivras, voilà ce que moi, je peux te promettre.

Ta lettre est semée d’eau, on m’y a volé des mots sans pourtant agacer le pli de mon sourire. La pluie, si elle m’affame de quelques syllabes, est une fée qui nous suit pas à pas.
Bretagne est-elle encore loin, ou foules-tu enfin ses premiers prés salés ? As-tu marché pieds nus dans l’herbe déjà ? Gouté sur le bout de ta langue la verve d’un embrun ? Laissé le sable enfouir tes orteils jusqu’à être branche plantée à la plage ? Et la pluie, comment est-elle? Vaut-elle, entourée de ces femmes que tu n’aimes pas beaucoup et qui jalonnent pourtant ta route, celle de ton enfance ?
Ici, elle ne vaut rien. Tout au plus finit-elle d’effacer les ornières laissées par les armées.

J’aime les femmes comme j’aime le vin, et si je lui préfère l’ambre du malt, je conviens volontiers d’une robe colorée pour étancher ma soif ; j’apprécie leurs douceurs, leur attendrissante culpabilité d’aimer la chair au-delà de ce qu’autorise la bienséance. Parfois même, puis-je sourire à leurs travers, m’enticher de leur singularité, mais à aucune je n’ai confié le cœur et ses verrous ; mes cannibales ivresses vont à mes semblables et je sais, comme l’on sait sans avoir besoin de preuves qu’aucune, malgré leurs efforts, ne comblera et la chair et l’éther que tu as parfumé.
Il en est pourtant une que j’aime comme une sœur, comme un pas de danse comme une ancre, qui sait tout de mes déviances et de leurs engeances. Elle m’a donné un fils, un bâtard aux yeux noirs en guise de trésors, aux cheveux faits de boucles en guise de couronne ; Antoine a six ans, et sa bouche sage possède toutes les clefs de mon âme.

Gascogne est une ombre.
La guerre a laissé ses traces, sillonné les villes et a percé les flancs d’une vie citadine que je devine plus que je ne vois. La journée m’accapare à mes taches, la nuit à mon professionnalisme. Petites mains d’un Prince, je ne t’apprends pas que c’est à l’heure où l’alcool coule fort que les affaires sont les plus propices.
Les soirées finissent tard, ce qui ne me déplait pas. Exténué, et saoul, c’est comme cela que je préfère me coucher ; l’attente du sommeil m’a toujours été un calvaire. A ton souvenir, elle est plus longue encore.


A l’encre sèche, j’attends tes mots. La fin du mois me trouvera Rue Sainte Opportune ; printemps est encore loin, je ne m’y attarderai pas, Guyenne en ligne de mire.


Ni ne t’oublie, ni ne t’abandonne
Alphonse.

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L_aconit
Fatras. Patatras.




J'aime les gens qui doutent
Les gens qui trop écoutent
Leur cœur se balancer
J'aime les gens qui disent
Et qui se contredisent
Et sans se dénoncer


Il a un fils.


Ceux qui, avec leurs chaînes
Pour pas que ça nous gêne
Font un bruit de grelot
Ceux qui n'auront pas honte
De n'être au bout du compte
Que des ratés du cœur
Pour n'avoir pas su dire :
"Délivrez-nous du pire
Et gardez le meilleur"

Il aime les femmes.


J'aime les gens qui n'osent
S'approprier les choses
Encore moins les gens
Ceux qui veulent bien n'être
Qu'une simple fenêtre
Pour les yeux des enfants

Alphonse serait-il un autre Ansoald, un autre rouquin,
un autre qui viendra tôt ou tard condamner
la boucle éternelle des blessures Aconitiennes?


Ceux qui sans oriflamme
Et daltoniens de l'âme
Ignorent les couleurs
Ceux qui sont assez poires
Pour que jamais l'histoire
Leur rende les honneurs

L'abandonner. Malgré les mots qui se veulent rassurants.
S'apprendre père d'un soir de solitude,
se laisser surprendre aux bras d'une fausse prude.


J'aime les gens qui doutent
Mais voudraient qu'on leur foute
La paix de temps en temps
Et qu'on ne les malmène
Jamais quand ils promènent
Leurs automnes au printemps

Un jour, il partirait pour une autre. Il partirait pour son fils.
Il partirait pour sa différence.


Qu'on leur dise que l'âme
Fait de plus belles flammes
Que tous ces tristes culs
Et qu'on les remercie
Qu'on leur dise, on leur crie :
"Merci d'avoir vécu"


Las de trop y réfléchir, il laissa lettre morte.
La Bretagne était là.
Qu'il le veuille ou pas, elle serait toujours là.
Là ne pourrait mentir, le doute était mauvaise escorte.
Le reste comptait-il vraiment?

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Alphonse_tabouret
Encore une nuit sans sommeil, sans raison, juste
Une flopée de choses un peu floues tout autour
Alors on sent très bien le bout du lit et les murs
Se resserrer, se refermer sur on ne sait trop quoi
Alors on sent très bien nos mains se crisper et se tendre
Se diriger, se refermer sur on ne sait trop qui

Tout est calme, Yann Tiersen





Au fur et à mesure, le silence de Faust avait fait naitre celui d’Alphonse.
Les journées avaient passé, monotones heures dont il s’était cru au-dessus des lois, et qui au mutisme du jeune clerc, avaient fini par rappeler à ses tempes leur fastidieux décompte ; au septième jour, la fracture béante l’avait démangé jusqu’à l’irritation.


La réponse ne venant pas avait assiégé la patience dont il s’enorgueillissait. Faust, en quelques semaines, l’avait habitué à la conversation, faisant germer à chaque lettre d’inédites syllabes qui n’avaient encore jamais trouvé chez Alphonse le chemin du verbe, ni à la gorge, ni à la plume ; révélé Lotophage, il avait appris à en aimer le vertige malgré l’opacité et se trouvait désormais seul, égaré, face au vide du sevrage. L’excitation qui avait d’abord engourdi les nerfs jusqu’à la reddition annoncée s’était mise à crisser d’exaspération, inexorablement, enrayant la mécanique du sourire nouveau qui agréait les lèvres, engluant d’un agacement neuf chaque heure s’écoulant à cette aphasie nouvelle et inattendue.


Alors, lentement, parce que la logique expliquait tout, recadrait chaque débordement, qu’il n’existait qu’elle pour décrédibiliser la douleur ridicule qui s’était fichée si étroitement à l’âme, chaque impulsion avait été livrée en pâture à la raison et son impitoyable gueule. A l’ivresse mauvaise d’une colère éprise, Alphonse avait compté les ravages faits par le garçon avec une impartialité qui ne valait qu’à la nécessité de dénombrer les évidences pour mieux les vaincre ; il avait rigoureusement colmaté les brèches aphones que ses innocents aveux avaient gercées.
Il était seul coupable.
S’il devait être juste, les promesses échangées ne valaient qu’aux plaies énoncées ; jamais nulle part la constance du quotidien n’avait été gréée de serments. Faust et lui n’étaient que deux inconnus aux fulgurants échos dont les promesses ne concernaient que les hématomes faits par d’autres.
Une semaine n’était rien ; Etienne lui avait imposé des mois de silence quand ils respiraient pourtant à la même bouche, alors que pouvait-il reprocher à l’amant lointain, ses dix-huit ans, ses envols, et ses manquements? N’était-on pas fait pour vivre à cet âge-là, plus fort encore qu’à n’importe quel autre âge, pour bruler de diversité et de nouveautés, capturer les étoiles et les emporter au caveau de sa nuit pour étoffer ses propres astérismes ?
N’était-ce pas ce qu’il lui avait promis, après tout, la vie, quand il se sentait mort, l’assurance qu’à la carence des autres, lui n’oublierait rien ?
Si Faust se sentait en vie ailleurs, n’était-ce pas, finalement, tout ce qu’il pouvait lui souhaiter ?




Mensonges.
Mensonges.
Qu’ils sont beaux, les premiers mensonges d’Alphonse Tabouret, quand, à la vérité, tout ce qu’il souhaite, c’est que cet Octave dont on doit lui parler soit aussi sot que laid.

Il y a dans la gorge brune, un monstre au sourire en demi-lune.





Citation:

Paris, Février 1466



Faust,

Bretagne doit être belle et les charges nombreuses pour t’astreindre au silence.
Les miennes m’ont ramené à Paris plus tôt que je ne le pensais. J’ai trouvé un travail, quelque chose qui me plait malgré mes écueils et leurs protestations ; élevé au milieu des parfums, j’en retrouve le chemin sous peu. Le projet est neuf, nécessitera sans nul doute quelques déplacements pour trouver les matières premières dont Denée aura besoin, mais pour l’heure, c’est la capitale que je sillonne, réveillant de vieux contacts perdus de vue et sollicitant au travers de la Méditerranée ceux que je me suis fait à Florence.
Mes journées ont encore raccourci et je ne m’en plains pas ; les teintes neutres de mes rigoureuses occupations ont un quelque chose d’anesthésiant, salutaire, qui, à ton absence, ne me déplait pas.


Hiver en bandoulière, je guette le printemps,
Ni ne t’oublie, ni ne t’abandonne,

Alphonse.

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