Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] Un corps m'eut suffi

Alaynna
Confessions à mon Corps Perdu

Narbonnes.

Ils venaient d'y arriver et la brune, en ce début de soirée, s'en était pris la poudre d'escampette. Seule. Sans rien dire à personne, Apollo sur les talons en direction du seul endroit où elle se sentirait en communion avec Lui et les éléments.

Elle avait bien aperçu en passant la tête blonde Aimée dans une taverne et entendu les échos de voix mais elle ne s'était pas arrêtée. La Ritale n'était pas de celles qui colle son homme à tout bout de champs, et puis elle avait aperçu celle à la langue bien pendue et elle n'avait, pour l'heure, aucune envie de la voir. Parce que l'envie de lui faire ravaler sa perfidie et sa fourberie ne lui manquait pas, et dans un mouvement d'humeur, le poing Italien aurait tôt fait de venir se fracasser sur la moralisatrice de pacotille qui avait osé dénigrer Niallan durant des heures un après-midi auprès d'elle, et aller bavasser sur le fait qu'elle était enceinte à la mère des filles de celui-ci.
Depuis que Niallan l'avait informé de ce fait la veille au soir, la Ritale avait relégué Maryah au rang de celle à qui il ne faut point accorder la moindre confiance. D'ailleurs, elle lui avait dit connaitre son frère. Elle en aurait le coeur net, si Julian l'avait croisée, il saurait lui dire ce qu'il en était de cette histoire d'emplacement volé sur un marché. Quoique la chose ne l'étonnerait pas plus que cela, connaissant son frère.

Son frère. Son jumeau. Sa moitié de corps perdu.

Dans les méandres de ce chemin qui menait à la mer, l'Italienne jette un oeil sur ces pins maritimes mystérieux, aux formes mirobolantes. Montrez lui la mer à Alaynna, et la voilà transportée bien au-delà de ses maux, où elle s'imagine un autre monde, marchant d'un pas léger sur des monts de sable mouvants et majestueux.

Par cette soirée à l'air doux, l'Italienne s'achemine corps et âme, en quête de quelques fragments de mots, de pensées les plus intimes qu'elle ne lâche à personne d'autre que son jumeau. Le long du galet mouvant, les azurées perdues au large et les deux mains machinalement venues se déposer sur un petit bedon à peine naissant, l'Italienne se remémore mot pour mot, la missive de son frère qui lui est parvenu il y a une dizaine de jours.
Les yeux au large, elle rêve la belle Italienne. Des rires d'enfants se font entendre, deux petits rires cristallins. Deux chérubins aussi blonds l'un que l'autre. Dont la version féminine arbore des azurs étincelants et la même version au masculin, possède des yeux océans dont la couleur est le reflet exact des vagues qu'elle regarde. De doux cris joyeux, des mines ingénues, de beaux enfants, jambes nues, qui s'amusent à se mouiller les jambes à qui mieux mieux. Les légères mousselines des collines sablonneuses se déchirent à l'horizon et les grandes vagues aussi félines que ne peut l'être la Ritale, se cabrent, puis font des bonds.

Alaynna contemple l'abîme. Cette même abîme, qui, il y a plus d'un an maintenant, l'a tenté, et où, alors que Niallan lui avait écrit vouloir retourner vivre avec le souvenir de sa Morte, la Ritale avait manqué de se perdre, âme et corps, pour se mêler aux longs accords qui roulaient de cime en cime.

Ce soir. Mélancolie d'un passé fraternel qui refait surface. Torture et nostalgie de cet amour fraternel, trop fort, trop tendancieux selon certains, trop malsains selon d'autre, qui se rappelle à elle alors que Julian lui a adressé quelques lignes.
Telle une voyageuse des âmes, durant plus d'une année durant laquelle elle avait rejoint les Enfers, Alaynna avait gardé un visage lointain et impassible face à son frère. Elle s'était éloignée parmi les ombres et son sourire s'était dissipé dans les volutes mornes des drogues et des opiacées qui avaient alors rythmé ses journées et ses nuits, se mélangeant au souvenir de cet Homme qui avait préféré l'abandonner pour une Morte.

Assise à même le sable, Alaynna revoyait la silhouette enfantine de son frère et les larmes ruisselantes sur leurs joues lorsque leur père les avait séparés et que Julian avait rejoint la demeure de leurs nobles cousines alors qu'Alaynna avait du rester auprès d'un père qu'elle haïssait chaque jour un peu plus et de ses soeurs qu'elle détestait, au point de ne jamais leur adresser la parole et de les ignorer, et ce, à la plus grande ire de leur père.
La Ritale revoyait les mains entrelacées, leurs mots, ce temps qui s'arrêtait lorsque Julian lui souriait divinement. Mais le temps est semblable aux vagues déferlantes de cette mer qu'elle connait si bien, effaçant, et emportant avec elle, toute trace de sentimentalisme chez Alaynna. L'Italienne s'est renfermée durant des mois, durant plus d'une année, refusant obstinément l'aide que Julian aurait sans doute pu lui apporter alors qu'elle se punissait de la perte de la descendance Corleone et celle, plus terrible encore, de la perte du seul homme qu'elle aimait sans encore en avoir conscience.

Ce soir. Tout lui semble pourtant différent. Elle regarde au loin le coucher du soleil comme elle le faisait jadis en compagnie de Julian. L'eau de mer humidifiait le bout de ses petons telle une caresse. Caresse de la nature, caresse qui maintenant, lui rappelle celle des mains de Niallan lorsqu'elles viennent se poser sur son ventre.

Ce soir. La Ritale se souvient de ce jour Terrible où les deux enfants qu'ils étaient alors, assis l'un contre l'autre sur les marches de cet escalier, avaient vu leur mère pousser son dernier soupir alors qu'elle venait de mettre au monde deux petites jumelles. Les soeurs honnies. Alina qu'Alaynna hait aujourd'hui autant que leur père. Et Niassi qui petit à petit, a réussi, lors de leurs retrouvailles, à commencer à apprivoiser la soeur Aînée. Niassi dont elle n'a pas de nouvelles et dont elle se sent responsable de la disparition. Elle sait que celle-ci a disparu peu de temps après qu'elle même se soit coupé du monde. Jamais elle ne parle de cette soeur. Niassi est la seule qui comprenait alors à l'époque, les sentiments qu'Alaynna éprouvait pour Niallan. Niassi n'a jamais jugé, ni critiqué. Niassi ne connaissait pas Niallan, et pourtant, elle avait pris la défense du blond. C'est sans doute ce qui avait rapproché Alaynna de cette soeur qu'elle considérait comme un monstre, Tueuse de Mère. Niassi était différente d'Alina dans le caractère, parce que physiquement, les jumelles se ressemblaient. Les chats ne font pas des chiens et elle-même et Julian se ressemblent particulièrement. Dans le physique et dans certains traits de caractère. Mais Alaynna est celle qui ressemble le plus à leur mère alors que Julian lui, bien qu'il n'aime pas qu'elle le lui rappelle, a hérité de beaucoup des traits paternels.

Elle a le souvenir de leurs deux jeunes corps tremblants d'une peur indomptable. Julian avait ouvert la bouche et elle l'avait refermé d'un doigt, étouffant le chuchotement dans le silence qui s'était alors fait brutal. Cette peur, cette horreur, qui venait de se passer sous nos yeux et qui s'étaient emparées de nous, de nos corps et nos esprits à jamais meurtris par la perte de cette Mère Sainte qu'ils idolâtraient autant l'un que l'autre. D'ailleurs c'est d'elle qu'Alaynna tenait le surnom de Madone. La Madone qu'elle est, n'est autre que le portrait vivant de leur mère. Et elle l'a payé cher Alaynna. Parce que leur père avait une façon bien à lui de le lui reprocher. Comme si elle y pouvait quelque chose si la nature l'avait dotée d'une ressemblance sans équivoque avec cette mère qu'elle avait adulée durant huit années et qui lui manquait plus que jamais aujourd'hui, alors qu'à son tour, se profilait pour elle ces futurs moments où elle devrait enfanter. Et Alaynna était paniquée. Atrocement. Au souvenir de cette mère morte sous ses yeux en accouchant et celui de la perte de cette descendance Corleone. Et pour couronner le tout, ce matin, Gabriel lui avait dit que le médecin de sa connaissance qui exerçait sur Narbonnes était parti en voyage pour la Bretagne.
La brune le cachait bien à son monde. Mais plus les jours passaient, et plus la terreur montait au fond d'elle. Et si elle merdait encore ? Et si elle aussi elle mourrait en enfantant, tout comme sa mère, en laissant à Niallan la charge d'un ou plusieurs enfants ? Ces semaines où le blond avait été occupé, l'Italienne s'était plusieurs fois retrouvé assise, au beau milieu de la nuit, dans leur couche, réveillée par une angoisse indescriptible qu'elle n'arrivait pas à nommer. Elle n'en disait rien. Quand on lui demandait si elle allait bien elle répondait que oui. C'était devenu un automatisme chez elle. Ne pas montrer sa faiblesse et sa peur, pour ne pas rompre la carapace dont elle s'était affublée depuis la perte de sa première grossesse qui lui était totalement passé inaperçue.
Les images nettes des souvenirs, ne restent jamais longtemps. Elles s'évaporent, se dissipent, tandis que ce sont des ombres qui hantent peu à peu les âmes. Mais celle de sa mère sur son lit de douleur, son lit de mort, avec tout ce sang, restait à jamais ancré dans la tête italienne. Ce dernier regard qu'elle avait eu pour Eux, alors que dans un effort surhumain leur mère avait tourné la tête vers Eux, planqués dans les escaliers, comme si elle avait senti leur présence, avant de rendre son dernier soupir. Alaynna avait étouffé le cri de son frère, sans avoir conscience du hurlement qui s'était échappé de sa gorge. C'est ainsi que leur père les avait découverts et leur avait fait, plus tard, payés chèrement, autant à l'un qu'à l'autre en les séparant, sous prétexte qu'ils étaient trop proches l'un de l'autre. De cela, elle n'en démordait pas et jamais, jamais, elle ne pourrait le lui pardonner.

C'est à même le sable, sous la lueur des étoiles qui commencent à scintiller dans le ciel, dans le clair obscur, que les mots de la soeur se couchent, que l'âme de la jumelle se confie à sa moitié gémellaire masculine, que la souffrance qu'il ignore qu'elle a vécu se fait entendre à travers un écho qui s'est adouci depuis qu'elle a retrouvé le Salaud de sa vie.




Citation:
A Toi, mon Corps Perdu,

Tu n'es plus là Julian. Tu es au loin sur cet océan. Et pourtant. Je sens ton regard anodin et désemparé se poser sur moi. Je sens aussi ce regard accusateur qui me scrute et qui s'empare de mon esprit tout entier. Je sais que tu m'en veux, mais as-tu seulement la moindre idée, t'es-tu seulement demandé une seule fois, pourquoi je m'éloignais ainsi de toi.
Tu n'es pas là mais tu me suis à chacun de mes pas. Je sens ta silhouette partout. S'il y a bien une chose que tu m'as apprise, c'est que l'on ne peut se débarrasser de nos fantômes. Ce sont des fragments de nous-même et de notre passé qui se sont égarés dans nos coeurs et que nous avons choisis d'accepter.

Je me suis éloignée parce qu'à cette époque là, tu n'aurai pas su me déchiffrer Julian. Tu n'aurais pas compris ma folie, ni ma mélancolie. Tu détestais le Corleone, comment aurais tu pu me réconforter de la perte de sa chair et de son sang que je portais sans même m'en être aperçue ? Tu n'aimais pas plus Niallan, tu lui en voulais d'avoir disparu de ma vie une première fois, tout comme Alina lui en voulait de nous avoir retardé plus d'une fois. Et m'en voulait de l'avoir couvert et défendu.
J'ai été désespérée. Rongée par le remords et les regrets de cette descendance perdue. Anéantie par la perte du seul homme qui avait pris racine en mon coeur. Niallan. J'étais torturée. Comme un artiste face à une page blanche, s'inspirant naïvement de l'enfant qu'elle a connu en son frère.

Je te connais mieux que quiconque Julian. Mais plus je creusais, et plus je me perdais dans les sillons, dans les vagues tumultueuses de tes intentions, et de la perte de celui qui fait aujourd'hui partie intégrante de ma vie.

Oui Julian. J'avais raison. De passer par l'Enfer. Et si c'était à refaire, je le referai puisque je l'ai ensuite retrouvé. J'ai eu raison de ne pas vous écouter alors qu'on me râbachait que je ne le reverrai jamais, qu'il se foutait bien de moi..

Alors je ne voulais pas que tu voies dans quel enfer j'étais tombée. Je me suis droguée à ne plus savoir qui j'étais, où j'étais, ne plus me rappeller quel jour on était. Je me suis retrouvée en prison à Pau, tout à côté de toi et pourtant tu n'en a rien su. Alors que Niallan a par quel miracle je ne le sais toujours pas, réussi à venir m'y retrouver. Mon coeur était devenu aussi désobéissant que les eaux les plus obscures dans lesquelles je m'enfonçais. Et plus je m'enfonçais, plus je me noyais, ne sachant comment revenir à la surface sans Lui.

Niallan est avec moi aujourd'hui. Et je porte son ou ses enfants. Je sais que tu vas être furieux quand tu vas me lire. Je sais que cela ne va pas te plaire. Je sais aussi que tu lui avais écrit mais je ne connais pas la teneur de ta lettre.

Mais malgré tout, tu es mon Corps Perdu, tu es ma Moitié et même si tu es possessif et fou avec moi, je t'ai toujours connu ainsi et c'est comme ça que je t'aime. Mais je ne t'aime pas du même amour que j'aime Niallan. Il va falloir que tu te rentres ça dans le crâne Julian.
Parce que Niallan, je le suivrai au fond des enfers s'il le faut. Je donnerai ma vie pour toi tu le sais. Mais aujourd'hui, je la donnerai sans hésiter pour Niallan aussi.

J'ai appris que tu connaissais l'une des mères des enfants de Niallan. Il parait que tu aurais chipé une place de marché à Maryah ? Te souviens-tu de ça ?

Alors tu as envie de me voir, moi aussi parce qu'on sait toi et moi qu'on ne sera jamais pleinement heureux l'un sans l'autre. Il y a un port à Marseille, c'est là-bas que tu me trouveras si tu veux me rejoindre. Tu comprendras que je limite les longs trajets désormais et puis je n'ai pas envie de revenir à Pau pour le moment. J'y ai laissé de trop mauvais souvenirs.

Viens Julian. Je t'attendrai aussi longtemps qu'il le faudra. Mais assimile bien que maintenant Niallan fait partie de ma vie et que rien de ce que tu pourras dire ou faire n'y changera quoi que ce soit.
Je ne veux pas que tu lui fasses subir ce que tu as fait subir au Corleone. Si c'est dans tes intentions d'agir ainsi, alors...ce n'est même pas la peine de venir.

Parle moi de toi. De Niassi que j'aimerai retrouver.

Tu me manques Julian. Moi aussi j'aimerai que l'on retrouve notre complicité d'antan, même si elle sera différente parce qu'aujourd'hui, encore une fois je me répète mais je veux que tu en prennes pleinement conscience, Niallan fait aussi partie de ma vie.

Sans Lui, je ne suis plus Moi. Sans toi, je ne suis plus Moi non plus. Alors à moins d'arriver à vous entendre tous les deux et que tu supportes dans quelques mois la vue de ton neveu, ou ta nièce, voire les deux vu que chez nous gémellité est chose courante, il va falloir trouver une solution.
Et je te préviens. Je ne veux pas avoir à choisir entre Toi et Lui.

Où es tu sur cet Océan ? Quand comptes-tu débarquer ?

Ti Amo fratello del mio cuore.

Alaynna.


.je t'aime mon frère de mon coeur
_________________
Gyllaume
~~ Pau - Demeure des Valassi ~~

-----------------------
I want to go home
-----------------------


    L’italien avait enfin posé pied à terre et s’était empressé de retrouver la maison que la familia s’était fait construire sur Pau les années précédentes.


    Les souvenirs étaient vite revenus, d’abord les bons, les petits déjeuners en famille, les heures passés à attendre que Niassi finisse sa toilette, les repas qui finissent à pas d’heure et les nuits passées près d’elle sa moitié.
    Mais après quelques heures la demeure lui apparut bien vide, presque démesurée. Un sentiment de nostalgie l’envahit et un frisson parcouru son corps.
    Seul le bruit des cailloux qu’Alina trifouillaient dans sa chambre venait troubler le silence et sortir le brun de sa torpeur.

    Ressasser le passé ne servait à rien. Aussi Julian s’avança vers la fenêtre depuis laquelle il pouvait admirer le jardin qui constituait aussi leur cours privée. Fleurs du sud de la France, des alpes et aussi des Pyrénées se succédaient neuf mois durant.
    Une relique de tout leur voyage et de leurs aventures dont personne ne pouvait soupçonner l’existence. Et pour cause, peu étaient ceux hors de la famille à pénétrer en ces lieux.


    Ce silence et cette quiétude préservée pesait néanmoins à l’italien sans que personne ne puisse en déceler de signes extérieurs. Après tout il ne manquait à première vue de rien et s’efforçait naturellement à faire bonne figure en public.

    In capable lui-même de briser ce marbre, vestige de sa longue carrière politique et militaire. Deos l’aidera-t-il un jour ? C’est encore la question qu’il se posait en cet instant. Lui qui illuminait chaque jours le chemin de l’italien par les pensées et par les songes ne pouvait-il pas influer sur la vrai nature des hommes ?

    Mieux valait ne pas s’aventurer davantage dans la pénombre que Deos lui avait déconseillé d’emprunter le chemin dans un de ses songes « Le sage suivra toujours ma lumière ».
    La tentation restait pourtant là, celle de voir ce qui se cache de l’autre côté …
    L’Italie trouva le chemin long et sinueux en cet instant, et ce bien que ses idées fussent plus claires que jadis.


    Reculant d’un pas après avoir retrouvé ses esprits il se retourna vers une armoire pour se saisir d’une bouteille de vin Catalan et d’un verre. Le tout est déposé sur la table sur laquelle l’italien amène bientôt de l’encre, une plume et un parchemin.
    Il lui faut donner une réponse à sa sœur, mais sans laisser deviner les doutes qui le travaillent intérieurement.
    Tout un exercice dans lequel l’italien cachera les choses mais sans jamais mentir à son autre.


    Citation:
    Fait à Pau le 31 Juillet de l'an 65

    De Gyllaume Valassi
    A Alaynna Valassi



      Mia Metta,


      Contrairement à ce que tu peux penser je suis ravie de ton bonheur retrouvé, et même que ce bonheur soit avec Niallan.

      J’ai pensé à juste titre qu’il t’avait abandonné, mais s’il est revenu pour toi je ne peux que reconnaitre qu’il tient à ta personne. Tu m’as toujours dis que Niallan n’était pas comme le Corleonne. Je n’aurai donc aucune raison de mal me comporter avec lui.

      Je ne veux plus te voir plonger dans les enfers comme je t’ai vu la dernière fois avant ton départ. Je sais que les sentiments peuvent être particulièrement douloureux, mais ce n’est pas une raison pour se détruire ma chair.
      Tu es ravissante et tu ne dois pas douter de la lumière qui éclaire ta route même si elle se dissipe dans la nuit, elle reviendra le matin et à ce moment tu pourras compter sur ma présence comme depuis notre enfance.

      J’ai connu les même choses que toi il y a quelques années et je sais qu’on peut aimer deux personnes à la fois, différemment il va de soi. Je parle peu de ce passage de ma vie mais je comprends ce qui se passe dans la tienne Alaynna et je tiens à te le dire.

      Bien évidemment je viendrai te voir bientôt, j’ai juste encore besoin de quelques semaines avant de prendre la route vers toi … Si le bébé veut bien attendre !

      J’avais effectivement rencontrée une turque dénommée Maryah. Elle occupait sans gêne la place que je prenais habituellement sur le marché.
      Je te parle pas de commerce, elle avait plutôt un de ces stands suspicieux dans lesquels on troque et on vend des objets volés, de la mauvaise herbe, … ! Elle donne pourtant l’air d’une femme honnête et charmante.


      De mon côté j’ai enfin posé pied à terre. Je me pose quelques jours en Béarn avant la prochaine mission. La maison me parait bien vide sans toi et Niassi. Elle nous a quitté en cours de voyage aux alentours du Lyonnais Dauphiné.
      Elle voulait voyager seule et montrer qu’elle pouvait très bien gagner sa vie. Tu connais sa petite fierté !
      Je vais lui écrire prochainement … J’ai toujours peur qu’elle se perde en route ou se mette dans le pétrin, voir même qu’elle n’ait plus de sous !

      Je viendrais sans doute à cheval c’est plus rapide pour moi. Que fais-tu à Marseille sinon ? La ville et les habitants te plaisent plus que Pau ?
      Tu comptes ouvrir un commerce làbas ?

      Que Deos veille sur toi..

      Je t’embrasse,

    Ton gémellaire.

_________________
Alaynna
[ Ce sera Toi et Moi Idem...]

Adossée contre le tronc d'un arbre, Anna-Gabriella dans mes bras, j'avais étalée la dernière lettre de mon frère qui datait maintenant de sept mois et je la relisais encore et encore. Si au tout début, j'avais la colère après lui car je lui en voulais de ne pas nous avoir rejoint sur Marseille comme il me l'avait promis, je ne pouvais m'empêcher de m'inquiéter pour mon jumeau.
Je n'avais pourtant rien ressenti d'alarmant en moi le concernant. Alors que lorsque nous étions enfants, nous avions beau être séparés, un puissant lien invisible nous maintenait connectés en permanence l'un et l'autre. Au point de ressentir le mal-être de l'autre.
Mais depuis plusieurs mois, je n'avais plus rien ressenti de tel. Sur le moment je m'étais dit que c'était parce qu'il était loin sur l'océan, peut-être que ce lien qui nous unit ne pouvait traverser la mer jusqu'au Portugal. Mais pourtant, quelque part en moi, mon frère est là, et a toujours été là. Et il sera toujours là.
Peut-être est-ce parce que j'ai développé une affection fraternelle envers Gabriel aussi, que je n'arrive pas à ressentir ce lien qui nous unit si fort Julian et moi. Et pourtant, il est toujours là, j'en suis sûre.

Il faut dire qu'entre Julian et moi, cela n'a vraiment jamais été simple. Outre la séparation que notre père nous a infligé après la mort de notre mère, il y avait cette fusion entre nous avec laquelle nous nous étions mis à jouer lorsque nous nous sommes retrouvés. Je me souviens encore de certaines soirées en taverne sur Pau, où, dès qu'une femme semblait s'intéresser d'un peu trop près à lui, et que j'avais la bonne idée de me pointer, c'est sur les genoux de mon frère que je finissais, ses lèvres collées à mon cou, mes bras autour de ses épaules ou dans ses cheveux, et qui ne connaissaient pas notre lien fraternel gémellaire, pouvait aisément se méprendre et nous prendre pour un couple. Combien de fois avions-nous joué à ce petit jeu. Nous avions cessé d'y jouer quand le Corleone était rentré dans ma vie. Là, il y avait plutôt eu comme une guérilla entre nous. Car non content de détester le Corleone et de le lui faire sentir dans chacune de ses paroles et attitudes, mon frère avait tout fait pour nous séparer, mais je savais qu'il n'y avait pas que sa haine envers Roman qui avait été en cause. Mon frère était jaloux, il voulait me garder pour lui tout seul. Sans que je m'en rende vraiment compte, parce que moi à l'époque, je trouvais çà tellement normal entre lui et moi, nous avions développés des liens à la limite de l'incestueux.
C'est le Corleone qui s'est d'abord rendu compte de la chose, puis plus tard, quand j'avais parlé de mes liens fraternels avec Gabriel et Niallan, tous les deux m'avaient aussi dit la même chose.
Néanmoins, il restait toujours cette petite partie de moi qui réclamait mon frère, parce que même si je n'en parlais pas, j'étais en manque de lui. Mon gémellaire. Mon corps perdu. Et aujourd'hui qu'Anna-Gabriella était née, j'avais ce besoin de le chercher, de vouloir renouer avec lui, casser ce silence que j'avais plus ou moins volontairement instauré en ne répondant pas à sa dernière missive. Et quelque chose en moi, dans ce plus profond de moi que j'ai bouclé à double tour mais qui renferme cet amour fraternel que je porte à mon aîné de quelques secondes semble s'agiter depuis la naissance de notre petite merveille à Niallan et moi.

Je crois que c'est ce qu'on appelle les liens du sang.

Même si Niallan n'avait pas encore vu notre fille, il savait désormais qu'elle était née. Et rien ne m'empêchait désormais de prendre mon courage à deux mains pour prévenir mon frère de la naissance de sa nièce.
Car il allait m'en falloir du courage pour lui annoncer que non seulement j'avais accouchée, que je m'étais enfuie loin de Niallan persuadée que j'allais mourir mais le pire, c'est que je ne savais pas comment lui annoncer que nous n'étions toujours pas mariés. Et que c'était de ma faute si je portais le déshonneur sur la famiglia. Pour une fois, Niallan n'avait pas déconné, du moins pas concernant notre fille, et c'est moi qui recevait la palme de la connerie cette fois.

Je me balançais de droite à gauche, à la fois pour bercer Anna et pour me bercer moi-même, et c'est ma joue contre la joue de ma fille que je tentais de puiser la force d'annoncer toutes ces nouvelles à mon frère. Il n'y a pas que Niallan qui allait m'engueuler, je le savais. Mon frère risquait même d'être plus dur que lui encore quand il saurait la vérité. Déjà, j'avais écourté mon séjour en Italie, car je n'aimais pas ces regards masculins réprobateurs que j'avais pu croiser de manière fugace, parce que je baissais vivement la tête et hâtait le pas à chaque fois pour y échapper. On ne rigole pas avec certaines règles dans le Sud, et encore moins dans les familles Ritales.

Je sentais cette boule dans ma gorge monter, et glissant une main le long de ma gorge, je secouais la tête. Ce n'est pas aujourd'hui que j'écrirai à mon frère. J'allais attendre d'abord d'être auprès de Niallan et ensuite, j'aviserai mon gémellaire.

Je ne savais pas encore que d'ici peu, le destin allait me jouer un sacré tour à sa manière.*



_________________
Alaynna
[Sois tranquille] - Emmanuel Moire -


Quelque part dans le Sud. Entre Nîmes et Marseille. Je chevauche au milieu des autres dans la nuit, et je suis du regard le trajet des étoiles, et la lueur lunaire, là-haut dans le ciel, alors qu'Anna dort sereinement, nichée tout contre ma poitrine et bien abritée de la frâîcheur de la nuit.
Depuis deux jours, je suis silencieuse lors de nos trajets. De temps en temps, je sens le regard de Gabriel qui se pose sur moi. Scrutateur. Et je sais qu'il sait. Le Frère de coeur.
Mais il y a des mots que je ne peux qu'adresser à mon frère de sang. Mon Gémellaire.
Ma moitié. Mon corps perdu.

Le destin. C'est quoi le destin ? Il change bien plus vite que l'on ne pourrait le croire. Il est la clé pour obtenir le rêve d'une vie ou le pire des cauchemars. Espérer que le savoir du monde ne puisse pas être exprimé avec des mots.

Où es tu Julian ? Toi non plus tu ne tiens pas tes promesses. Souviens toi de ce jour où tu m'avais dit que tu serais toujours là pour moi. Toi. Mon corps perdu. Ma moitié. Mon jumeau. Tout comme dans notre prime enfance. Tout comme lorsque nous nous étions retrouvés à Pau.
Je sais qu'en dehors de moi, pour toi, ton humanité n'est dictée que par des contrats, et se définit par l'argent uniquement.

Pourquoi n'arrives-tu pas à vivre sans moi Julian ? Pourquoi es tu porté disparu, sans que je ne sache où te trouver ? Personne ne t'a vu à Pau, je me suis renseignée auprès des rares personnes avec lesquelles j'ai pu garder lien.

Pardon.

Je suis désolée.

Je ne voulais pas ça.

Je ne veux pas que tu disparaisses à cause de moi. Je ne veux pas que tu en veuilles à Anna-Gabriella, elle n'y est pour rien. Et elle aussi elle est de ta chair, puisqu'elle est de la mienne. Tu devais être son parrain toi aussi tu sais. Mais tu n'es pas là. Tu es introuvable. Et je n'ose même pas vouloir m'imaginer que mammà soit venue te chercher. Mais peut-être l'a t'elle fait quand elle a compris que je ne viendrais pas avec elle et que je suis retournée auprès d'Anna-Gabriella.

Tu ne l'aurais pas laissé faire ça Julian ? Dis ? Tu ne l'aurais pas, à son tour, laissé nous séparer ? Tu ne serais pas parti avec elle ?

Dis moi Julian. Fais moi un signe. Est-ce que je dois te chercher ? Est-ce que je dois continuer d'espérer qu'un beau matin, je vais voir ta belle gueule apparaitre devant moi et tes yeux se refléter dans les miens ?

Souviens toi Julian. Notre naissance a été le meilleur à tous les deux. Tu as été le premier homme à qui j'ai donné ma confiance, sans penser, sans hésiter, puisque tu étais mon premier amour. Mon frère, mon jumeau. Avec toi, j'ai vécu, j'ai vu, j'ai senti.
Avec toi j'ai voulu continuer mon chemin. Et dans tes bras que j'ai voulu toujours rester rien que pour sentir la sécurité et l'amour absolu. Celui d'un frère envers sa soeur. Celui d'un même corps. Celui d'un même sang gémellaire.
C'est avec toi que j'ai appris à aimer de tout mon coeur quand nous étions enfant. Et à me sacrifier quand notre père nous a séparés. Je me suis sacrifiée pour toi. Afin de toujours t'avoir à mes côtés le temps venu. Mais tu n'es pas là Julian. Tu étais le responsable de ma joie qui dessinait mon sourire.

Est-ce que je vais retrouver ce frère, cette moitié de moi, ce corps que j'ai de nouveau perdu ?

Julian si tu m'entends. Fais moi un signe là haut dans les étoiles.
Où que tu sois, je veille sur toi mon frère, mon corps perdu.

Ti amo Julian.

_________________
Gyllaume

___________________________________________________



    Après de long mois d’absence, Julian s’était enfin décidé à donner signe de vie.
    A ses deux petites sœurs tout d’abord en prenant de leurs nouvelles par courrier. Puis ce sera au tour de sa moitié à laquelle il rendra une brève visite.

    Quelques semaines plutôt il avait reçu un courrier alors qu’il avait commencé à installer son commerce sur Bordeaux.
    Alaynna allait se marier avec un certain Gabriel, et on sollicitait sa présence.
    Il n’en fallu pas d’avantage pour décider l’italien à fermer boutique et remettre à plus tard les projets et les arnaques en cours. Toutes ces choses matérielles restaient bien superflues à côté.

    Peu importe ce qu’il s’était passé ces derniers mois, les choix de sa moitié qu’il ne soutenait pas et le conflit larvé qu’ils n’avaient jamais réglé.
    Depuis, ils avaient repris chacun leurs chemins, l’italien avait mis ses reproches et ses remords de côté ; et il ne restait qu’à poser les bases d’une relation plus saine entre eux et aux regards des autres. Un lien sans doute différent. Surement moins fusionnel, avec plus de concessions … et de distance.

    Le plus dur restait d’admettre qu’il n’était pas le seul à pouvoir la conseiller, la consoler. Il s’était senti rejeté les mois précédent son départ de Pau. Il n’était pas question pour lui de ressentir à nouveau la même chose. Si l’un ou l’autre s’approchait trop près des flammes alors il lui faudra fuir.
    Il avait d’ailleurs décidé de ne passer que quelques jours sur place, et de faire bonne impression cette fois … enfin il essayera.


      De reconstruire quelques choses.
      De se réjouir de son bonheur.
      De ne pas la toucher.
      De ne pas la ressentir.
      De ne pas effleurer sa peau
      De se mentir
      Sans jamais l’embrasser.


    Il tiendra la distance, même s’il l’adore. Il souffrira en silence. Encore.

    Mais il restait convaincu que la souffrance qu’ils avaient connue continuera. Car jamais ils n’avaient prévus que leurs chemins pourraient se séparer à nouveau.
    Ne pas donner signe de vie, et ne pas répondre aux missives restait la meilleur option pour se cacher à l’un comme à l’autre la vérité.

    Seul la présence de ses deux enfants, aussi agaçants soient-ils pouvait calmer son esprit et l’affranchir des sentiments qui parcouraient son corps.



_________________
Alaynna
Confessions à mon Corps Perdu

Narbonnes.

Ils venaient d'y arriver et la brune, en ce début de soirée, s'en était pris la poudre d'escampette. Seule. Sans rien dire à personne, Apollo sur les talons en direction du seul endroit où elle se sentirait en communion avec Lui et les éléments.

Elle avait bien aperçu en passant la tête blonde Aimée dans une taverne et entendu les échos de voix mais elle ne s'était pas arrêtée. La Ritale n'était pas de celles qui colle son homme à tout bout de champs, et puis elle avait aperçu celle à la langue bien pendue et elle n'avait, pour l'heure, aucune envie de la voir. Parce que l'envie de lui faire ravaler sa perfidie et sa fourberie ne lui manquait pas, et dans un mouvement d'humeur, le poing Italien aurait tôt fait de venir se fracasser sur la moralisatrice de pacotille qui avait osé dénigrer Niallan durant des heures un après-midi auprès d'elle, et aller bavasser sur le fait qu'elle était enceinte à la mère des filles de celui-ci.
Depuis que Niallan l'avait informé de ce fait la veille au soir, la Ritale avait relégué Maryah au rang de celle à qui il ne faut point accorder la moindre confiance. D'ailleurs, elle lui avait dit connaitre son frère. Elle en aurait le coeur net, si Julian l'avait croisée, il saurait lui dire ce qu'il en était de cette histoire d'emplacement volé sur un marché. Quoique la chose ne l'étonnerait pas plus que cela, connaissant son frère.

Son frère. Son jumeau. Sa moitié de corps perdu.

Dans les méandres de ce chemin qui menait à la mer, l'Italienne jette un oeil sur ces pins maritimes mystérieux, aux formes mirobolantes. Montrez lui la mer à Alaynna, et la voilà transportée bien au-delà de ses maux, où elle s'imagine un autre monde, marchant d'un pas léger sur des monts de sable mouvants et majestueux.

Par cette soirée à l'air doux, l'Italienne s'achemine corps et âme, en quête de quelques fragments de mots, de pensées les plus intimes qu'elle ne lâche à personne d'autre que son jumeau. Le long du galet mouvant, les azurées perdues au large et les deux mains machinalement venues se déposer sur un petit bedon à peine naissant, l'Italienne se remémore mot pour mot, la missive de son frère qui lui est parvenu il y a une dizaine de jours.
Les yeux au large, elle rêve la belle Italienne. Des rires d'enfants se font entendre, deux petits rires cristallins. Deux chérubins aussi blonds l'un que l'autre. Dont la version féminine arbore des azurs étincelants et la même version au masculin, possède des yeux océans dont la couleur est le reflet exact des vagues qu'elle regarde. De doux cris joyeux, des mines ingénues, de beaux enfants, jambes nues, qui s'amusent à se mouiller les jambes à qui mieux mieux. Les légères mousselines des collines sablonneuses se déchirent à l'horizon et les grandes vagues aussi félines que ne peut l'être la Ritale, se cabrent, puis font des bonds.

Alaynna contemple l'abîme. Cette même abîme, qui, il y a plus d'un an maintenant, l'a tenté, et où, alors que Niallan lui avait écrit vouloir retourner vivre avec le souvenir de sa Morte, la Ritale avait manqué de se perdre, âme et corps, pour se mêler aux longs accords qui roulaient de cime en cime.

Ce soir. Mélancolie d'un passé fraternel qui refait surface. Torture et nostalgie de cet amour fraternel, trop fort, trop tendancieux selon certains, trop malsains selon d'autre, qui se rappelle à elle alors que Julian lui a adressé quelques lignes.
Telle une voyageuse des âmes, durant plus d'une année durant laquelle elle avait rejoint les Enfers, Alaynna avait gardé un visage lointain et impassible face à son frère. Elle s'était éloignée parmi les ombres et son sourire s'était dissipé dans les volutes mornes des drogues et des opiacées qui avaient alors rythmé ses journées et ses nuits, se mélangeant au souvenir de cet Homme qui avait préféré l'abandonner pour une Morte.

Assise à même le sable, Alaynna revoyait la silhouette enfantine de son frère et les larmes ruisselantes sur leurs joues lorsque leur père les avait séparés et que Julian avait rejoint la demeure de leurs nobles cousines alors qu'Alaynna avait du rester auprès d'un père qu'elle haïssait chaque jour un peu plus et de ses soeurs qu'elle détestait, au point de ne jamais leur adresser la parole et de les ignorer, et ce, à la plus grande ire de leur père.
La Ritale revoyait les mains entrelacées, leurs mots, ce temps qui s'arrêtait lorsque Julian lui souriait divinement. Mais le temps est semblable aux vagues déferlantes de cette mer qu'elle connait si bien, effaçant, et emportant avec elle, toute trace de sentimentalisme chez Alaynna. L'Italienne s'est renfermée durant des mois, durant plus d'une année, refusant obstinément l'aide que Julian aurait sans doute pu lui apporter alors qu'elle se punissait de la perte de la descendance Corleone et celle, plus terrible encore, de la perte du seul homme qu'elle aimait sans encore en avoir conscience.

Ce soir. Tout lui semble pourtant différent. Elle regarde au loin le coucher du soleil comme elle le faisait jadis en compagnie de Julian. L'eau de mer humidifiait le bout de ses petons telle une caresse. Caresse de la nature, caresse qui maintenant, lui rappelle celle des mains de Niallan lorsqu'elles viennent se poser sur son ventre.

Ce soir. La Ritale se souvient de ce jour Terrible où les deux enfants qu'ils étaient alors, assis l'un contre l'autre sur les marches de cet escalier, avaient vu leur mère pousser son dernier soupir alors qu'elle venait de mettre au monde deux petites jumelles. Les soeurs honnies. Alina qu'Alaynna hait aujourd'hui autant que leur père. Et Niassi qui petit à petit, a réussi, lors de leurs retrouvailles, à commencer à apprivoiser la soeur Aînée. Niassi dont elle n'a pas de nouvelles et dont elle se sent responsable de la disparition. Elle sait que celle-ci a disparu peu de temps après qu'elle même se soit coupé du monde. Jamais elle ne parle de cette soeur. Niassi est la seule qui comprenait alors à l'époque, les sentiments qu'Alaynna éprouvait pour Niallan. Niassi n'a jamais jugé, ni critiqué. Niassi ne connaissait pas Niallan, et pourtant, elle avait pris la défense du blond. C'est sans doute ce qui avait rapproché Alaynna de cette soeur qu'elle considérait comme un monstre, Tueuse de Mère. Niassi était différente d'Alina dans le caractère, parce que physiquement, les jumelles se ressemblaient. Les chats ne font pas des chiens et elle-même et Julian se ressemblent particulièrement. Dans le physique et dans certains traits de caractère. Mais Alaynna est celle qui ressemble le plus à leur mère alors que Julian lui, bien qu'il n'aime pas qu'elle le lui rappelle, a hérité de beaucoup des traits paternels.

Elle a le souvenir de leurs deux jeunes corps tremblants d'une peur indomptable. Julian avait ouvert la bouche et elle l'avait refermé d'un doigt, étouffant le chuchotement dans le silence qui s'était alors fait brutal. Cette peur, cette horreur, qui venait de se passer sous nos yeux et qui s'étaient emparées de nous, de nos corps et nos esprits à jamais meurtris par la perte de cette Mère Sainte qu'ils idolâtraient autant l'un que l'autre. D'ailleurs c'est d'elle qu'Alaynna tenait le surnom de Madone. La Madone qu'elle est, n'est autre que le portrait vivant de leur mère. Et elle l'a payé cher Alaynna. Parce que leur père avait une façon bien à lui de le lui reprocher. Comme si elle y pouvait quelque chose si la nature l'avait dotée d'une ressemblance sans équivoque avec cette mère qu'elle avait adulée durant huit années et qui lui manquait plus que jamais aujourd'hui, alors qu'à son tour, se profilait pour elle ces futurs moments où elle devrait enfanter. Et Alaynna était paniquée. Atrocement. Au souvenir de cette mère morte sous ses yeux en accouchant et celui de la perte de cette descendance Corleone. Et pour couronner le tout, ce matin, Gabriel lui avait dit que le médecin de sa connaissance qui exerçait sur Narbonnes était parti en voyage pour la Bretagne.
La brune le cachait bien à son monde. Mais plus les jours passaient, et plus la terreur montait au fond d'elle. Et si elle merdait encore ? Et si elle aussi elle mourrait en enfantant, tout comme sa mère, en laissant à Niallan la charge d'un ou plusieurs enfants ? Ces semaines où le blond avait été occupé, l'Italienne s'était plusieurs fois retrouvé assise, au beau milieu de la nuit, dans leur couche, réveillée par une angoisse indescriptible qu'elle n'arrivait pas à nommer. Elle n'en disait rien. Quand on lui demandait si elle allait bien elle répondait que oui. C'était devenu un automatisme chez elle. Ne pas montrer sa faiblesse et sa peur, pour ne pas rompre la carapace dont elle s'était affublée depuis la perte de sa première grossesse qui lui était totalement passé inaperçue.
Les images nettes des souvenirs, ne restent jamais longtemps. Elles s'évaporent, se dissipent, tandis que ce sont des ombres qui hantent peu à peu les âmes. Mais celle de sa mère sur son lit de douleur, son lit de mort, avec tout ce sang, restait à jamais ancré dans la tête italienne. Ce dernier regard qu'elle avait eu pour Eux, alors que dans un effort surhumain leur mère avait tourné la tête vers Eux, planqués dans les escaliers, comme si elle avait senti leur présence, avant de rendre son dernier soupir. Alaynna avait étouffé le cri de son frère, sans avoir conscience du hurlement qui s'était échappé de sa gorge. C'est ainsi que leur père les avait découverts et leur avait fait, plus tard, payés chèrement, autant à l'un qu'à l'autre en les séparant, sous prétexte qu'ils étaient trop proches l'un de l'autre. De cela, elle n'en démordait pas et jamais, jamais, elle ne pourrait le lui pardonner.

C'est à même le sable, sous la lueur des étoiles qui commencent à scintiller dans le ciel, dans le clair obscur, que les mots de la soeur se couchent, que l'âme de la jumelle se confie à sa moitié gémellaire masculine, que la souffrance qu'il ignore qu'elle a vécu se fait entendre à travers un écho qui s'est adouci depuis qu'elle a retrouvé le Salaud de sa vie.




Citation:
A Toi, mon Corps Perdu,

Tu n'es plus là Julian. Tu es au loin sur cet océan. Et pourtant. Je sens ton regard anodin et désemparé se poser sur moi. Je sens aussi ce regard accusateur qui me scrute et qui s'empare de mon esprit tout entier. Je sais que tu m'en veux, mais as-tu seulement la moindre idée, t'es-tu seulement demandé une seule fois, pourquoi je m'éloignais ainsi de toi.
Tu n'es pas là mais tu me suis à chacun de mes pas. Je sens ta silhouette partout. S'il y a bien une chose que tu m'as apprise, c'est que l'on ne peut se débarrasser de nos fantômes. Ce sont des fragments de nous-même et de notre passé qui se sont égarés dans nos coeurs et que nous avons choisis d'accepter.

Je me suis éloignée parce qu'à cette époque là, tu n'aurai pas su me déchiffrer Julian. Tu n'aurais pas compris ma folie, ni ma mélancolie. Tu détestais le Corleone, comment aurais tu pu me réconforter de la perte de sa chair et de son sang que je portais sans même m'en être aperçue ? Tu n'aimais pas plus Niallan, tu lui en voulais d'avoir disparu de ma vie une première fois, tout comme Alina lui en voulait de nous avoir retardé plus d'une fois. Et m'en voulait de l'avoir couvert et défendu.
J'ai été désespérée. Rongée par le remords et les regrets de cette descendance perdue. Anéantie par la perte du seul homme qui avait pris racine en mon coeur. Niallan. J'étais torturée. Comme un artiste face à une page blanche, s'inspirant naïvement de l'enfant qu'elle a connu en son frère.

Je te connais mieux que quiconque Julian. Mais plus je creusais, et plus je me perdais dans les sillons, dans les vagues tumultueuses de tes intentions, et de la perte de celui qui fait aujourd'hui partie intégrante de ma vie.

Oui Julian. J'avais raison. De passer par l'Enfer. Et si c'était à refaire, je le referai puisque je l'ai ensuite retrouvé. J'ai eu raison de ne pas vous écouter alors qu'on me râbachait que je ne le reverrai jamais, qu'il se foutait bien de moi..

Alors je ne voulais pas que tu voies dans quel enfer j'étais tombée. Je me suis droguée à ne plus savoir qui j'étais, où j'étais, ne plus me rappeller quel jour on était. Je me suis retrouvée en prison à Pau, tout à côté de toi et pourtant tu n'en a rien su. Alors que Niallan a par quel miracle je ne le sais toujours pas, réussi à venir m'y retrouver. Mon coeur était devenu aussi désobéissant que les eaux les plus obscures dans lesquelles je m'enfonçais. Et plus je m'enfonçais, plus je me noyais, ne sachant comment revenir à la surface sans Lui.

Niallan est avec moi aujourd'hui. Et je porte son ou ses enfants. Je sais que tu vas être furieux quand tu vas me lire. Je sais que cela ne va pas te plaire. Je sais aussi que tu lui avais écrit mais je ne connais pas la teneur de ta lettre.

Mais malgré tout, tu es mon Corps Perdu, tu es ma Moitié et même si tu es possessif et fou avec moi, je t'ai toujours connu ainsi et c'est comme ça que je t'aime. Mais je ne t'aime pas du même amour que j'aime Niallan. Il va falloir que tu te rentres ça dans le crâne Julian.
Parce que Niallan, je le suivrai au fond des enfers s'il le faut. Je donnerai ma vie pour toi tu le sais. Mais aujourd'hui, je la donnerai sans hésiter pour Niallan aussi.

J'ai appris que tu connaissais l'une des mères des enfants de Niallan. Il parait que tu aurais chipé une place de marché à Maryah ? Te souviens-tu de ça ?

Alors tu as envie de me voir, moi aussi parce qu'on sait toi et moi qu'on ne sera jamais pleinement heureux l'un sans l'autre. Il y a un port à Marseille, c'est là-bas que tu me trouveras si tu veux me rejoindre. Tu comprendras que je limite les longs trajets désormais et puis je n'ai pas envie de revenir à Pau pour le moment. J'y ai laissé de trop mauvais souvenirs.

Viens Julian. Je t'attendrai aussi longtemps qu'il le faudra. Mais assimile bien que maintenant Niallan fait partie de ma vie et que rien de ce que tu pourras dire ou faire n'y changera quoi que ce soit.
Je ne veux pas que tu lui fasses subir ce que tu as fait subir au Corleone. Si c'est dans tes intentions d'agir ainsi, alors...ce n'est même pas la peine de venir.

Parle moi de toi. De Niassi que j'aimerai retrouver.

Tu me manques Julian. Moi aussi j'aimerai que l'on retrouve notre complicité d'antan, même si elle sera différente parce qu'aujourd'hui, encore une fois je me répète mais je veux que tu en prennes pleinement conscience, Niallan fait aussi partie de ma vie.

Sans Lui, je ne suis plus Moi. Sans toi, je ne suis plus Moi non plus. Alors à moins d'arriver à vous entendre tous les deux et que tu supportes dans quelques mois la vue de ton neveu, ou ta nièce, voire les deux vu que chez nous gémellité est chose courante, il va falloir trouver une solution.
Et je te préviens. Je ne veux pas avoir à choisir entre Toi et Lui.

Où es tu sur cet Océan ? Quand comptes-tu débarquer ?

Ti Amo fratello del mio cuore.

Alaynna.


.je t'aime mon frère de mon coeur
_________________
Gyllaume
~~ Pau - Demeure des Valassi ~~

-----------------------
I want to go home
-----------------------


    L’italien avait enfin posé pied à terre et s’était empressé de retrouver la maison que la familia s’était fait construire sur Pau les années précédentes.


    Les souvenirs étaient vite revenus, d’abord les bons, les petits déjeuners en famille, les heures passés à attendre que Niassi finisse sa toilette, les repas qui finissent à pas d’heure et les nuits passées près d’elle sa moitié.
    Mais après quelques heures la demeure lui apparut bien vide, presque démesurée. Un sentiment de nostalgie l’envahit et un frisson parcouru son corps.
    Seul le bruit des cailloux qu’Alina trifouillaient dans sa chambre venait troubler le silence et sortir le brun de sa torpeur.

    Ressasser le passé ne servait à rien. Aussi Julian s’avança vers la fenêtre depuis laquelle il pouvait admirer le jardin qui constituait aussi leur cours privée. Fleurs du sud de la France, des alpes et aussi des Pyrénées se succédaient neuf mois durant.
    Une relique de tout leur voyage et de leurs aventures dont personne ne pouvait soupçonner l’existence. Et pour cause, peu étaient ceux hors de la famille à pénétrer en ces lieux.


    Ce silence et cette quiétude préservée pesait néanmoins à l’italien sans que personne ne puisse en déceler de signes extérieurs. Après tout il ne manquait à première vue de rien et s’efforçait naturellement à faire bonne figure en public.

    In capable lui-même de briser ce marbre, vestige de sa longue carrière politique et militaire. Deos l’aidera-t-il un jour ? C’est encore la question qu’il se posait en cet instant. Lui qui illuminait chaque jours le chemin de l’italien par les pensées et par les songes ne pouvait-il pas influer sur la vrai nature des hommes ?

    Mieux valait ne pas s’aventurer davantage dans la pénombre que Deos lui avait déconseillé d’emprunter le chemin dans un de ses songes « Le sage suivra toujours ma lumière ».
    La tentation restait pourtant là, celle de voir ce qui se cache de l’autre côté …
    L’Italie trouva le chemin long et sinueux en cet instant, et ce bien que ses idées fussent plus claires que jadis.


    Reculant d’un pas après avoir retrouvé ses esprits il se retourna vers une armoire pour se saisir d’une bouteille de vin Catalan et d’un verre. Le tout est déposé sur la table sur laquelle l’italien amène bientôt de l’encre, une plume et un parchemin.
    Il lui faut donner une réponse à sa sœur, mais sans laisser deviner les doutes qui le travaillent intérieurement.
    Tout un exercice dans lequel l’italien cachera les choses mais sans jamais mentir à son autre.


    Citation:
    Fait à Pau le 31 Juillet de l'an 65

    De Gyllaume Valassi
    A Alaynna Valassi



      Mia Metta,


      Contrairement à ce que tu peux penser je suis ravie de ton bonheur retrouvé, et même que ce bonheur soit avec Niallan.

      J’ai pensé à juste titre qu’il t’avait abandonné, mais s’il est revenu pour toi je ne peux que reconnaitre qu’il tient à ta personne. Tu m’as toujours dis que Niallan n’était pas comme le Corleonne. Je n’aurai donc aucune raison de mal me comporter avec lui.

      Je ne veux plus te voir plonger dans les enfers comme je t’ai vu la dernière fois avant ton départ. Je sais que les sentiments peuvent être particulièrement douloureux, mais ce n’est pas une raison pour se détruire ma chair.
      Tu es ravissante et tu ne dois pas douter de la lumière qui éclaire ta route même si elle se dissipe dans la nuit, elle reviendra le matin et à ce moment tu pourras compter sur ma présence comme depuis notre enfance.

      J’ai connu les même choses que toi il y a quelques années et je sais qu’on peut aimer deux personnes à la fois, différemment il va de soi. Je parle peu de ce passage de ma vie mais je comprends ce qui se passe dans la tienne Alaynna et je tiens à te le dire.

      Bien évidemment je viendrai te voir bientôt, j’ai juste encore besoin de quelques semaines avant de prendre la route vers toi … Si le bébé veut bien attendre !

      J’avais effectivement rencontrée une turque dénommée Maryah. Elle occupait sans gêne la place que je prenais habituellement sur le marché.
      Je te parle pas de commerce, elle avait plutôt un de ces stands suspicieux dans lesquels on troque et on vend des objets volés, de la mauvaise herbe, … ! Elle donne pourtant l’air d’une femme honnête et charmante.


      De mon côté j’ai enfin posé pied à terre. Je me pose quelques jours en Béarn avant la prochaine mission. La maison me parait bien vide sans toi et Niassi. Elle nous a quitté en cours de voyage aux alentours du Lyonnais Dauphiné.
      Elle voulait voyager seule et montrer qu’elle pouvait très bien gagner sa vie. Tu connais sa petite fierté !
      Je vais lui écrire prochainement … J’ai toujours peur qu’elle se perde en route ou se mette dans le pétrin, voir même qu’elle n’ait plus de sous !

      Je viendrais sans doute à cheval c’est plus rapide pour moi. Que fais-tu à Marseille sinon ? La ville et les habitants te plaisent plus que Pau ?
      Tu comptes ouvrir un commerce làbas ?

      Que Deos veille sur toi..

      Je t’embrasse,

    Ton gémellaire.

_________________
Alaynna
[ Ce sera Toi et Moi Idem...]

Adossée contre le tronc d'un arbre, Anna-Gabriella dans mes bras, j'avais étalée la dernière lettre de mon frère qui datait maintenant de sept mois et je la relisais encore et encore. Si au tout début, j'avais la colère après lui car je lui en voulais de ne pas nous avoir rejoint sur Marseille comme il me l'avait promis, je ne pouvais m'empêcher de m'inquiéter pour mon jumeau.
Je n'avais pourtant rien ressenti d'alarmant en moi le concernant. Alors que lorsque nous étions enfants, nous avions beau être séparés, un puissant lien invisible nous maintenait connectés en permanence l'un et l'autre. Au point de ressentir le mal-être de l'autre.
Mais depuis plusieurs mois, je n'avais plus rien ressenti de tel. Sur le moment je m'étais dit que c'était parce qu'il était loin sur l'océan, peut-être que ce lien qui nous unit ne pouvait traverser la mer jusqu'au Portugal. Mais pourtant, quelque part en moi, mon frère est là, et a toujours été là. Et il sera toujours là.
Peut-être est-ce parce que j'ai développé une affection fraternelle envers Gabriel aussi, que je n'arrive pas à ressentir ce lien qui nous unit si fort Julian et moi. Et pourtant, il est toujours là, j'en suis sûre.

Il faut dire qu'entre Julian et moi, cela n'a vraiment jamais été simple. Outre la séparation que notre père nous a infligé après la mort de notre mère, il y avait cette fusion entre nous avec laquelle nous nous étions mis à jouer lorsque nous nous sommes retrouvés. Je me souviens encore de certaines soirées en taverne sur Pau, où, dès qu'une femme semblait s'intéresser d'un peu trop près à lui, et que j'avais la bonne idée de me pointer, c'est sur les genoux de mon frère que je finissais, ses lèvres collées à mon cou, mes bras autour de ses épaules ou dans ses cheveux, et qui ne connaissaient pas notre lien fraternel gémellaire, pouvait aisément se méprendre et nous prendre pour un couple. Combien de fois avions-nous joué à ce petit jeu. Nous avions cessé d'y jouer quand le Corleone était rentré dans ma vie. Là, il y avait plutôt eu comme une guérilla entre nous. Car non content de détester le Corleone et de le lui faire sentir dans chacune de ses paroles et attitudes, mon frère avait tout fait pour nous séparer, mais je savais qu'il n'y avait pas que sa haine envers Roman qui avait été en cause. Mon frère était jaloux, il voulait me garder pour lui tout seul. Sans que je m'en rende vraiment compte, parce que moi à l'époque, je trouvais çà tellement normal entre lui et moi, nous avions développés des liens à la limite de l'incestueux.
C'est le Corleone qui s'est d'abord rendu compte de la chose, puis plus tard, quand j'avais parlé de mes liens fraternels avec Gabriel et Niallan, tous les deux m'avaient aussi dit la même chose.
Néanmoins, il restait toujours cette petite partie de moi qui réclamait mon frère, parce que même si je n'en parlais pas, j'étais en manque de lui. Mon gémellaire. Mon corps perdu. Et aujourd'hui qu'Anna-Gabriella était née, j'avais ce besoin de le chercher, de vouloir renouer avec lui, casser ce silence que j'avais plus ou moins volontairement instauré en ne répondant pas à sa dernière missive. Et quelque chose en moi, dans ce plus profond de moi que j'ai bouclé à double tour mais qui renferme cet amour fraternel que je porte à mon aîné de quelques secondes semble s'agiter depuis la naissance de notre petite merveille à Niallan et moi.

Je crois que c'est ce qu'on appelle les liens du sang.

Même si Niallan n'avait pas encore vu notre fille, il savait désormais qu'elle était née. Et rien ne m'empêchait désormais de prendre mon courage à deux mains pour prévenir mon frère de la naissance de sa nièce.
Car il allait m'en falloir du courage pour lui annoncer que non seulement j'avais accouchée, que je m'étais enfuie loin de Niallan persuadée que j'allais mourir mais le pire, c'est que je ne savais pas comment lui annoncer que nous n'étions toujours pas mariés. Et que c'était de ma faute si je portais le déshonneur sur la famiglia. Pour une fois, Niallan n'avait pas déconné, du moins pas concernant notre fille, et c'est moi qui recevait la palme de la connerie cette fois.

Je me balançais de droite à gauche, à la fois pour bercer Anna et pour me bercer moi-même, et c'est ma joue contre la joue de ma fille que je tentais de puiser la force d'annoncer toutes ces nouvelles à mon frère. Il n'y a pas que Niallan qui allait m'engueuler, je le savais. Mon frère risquait même d'être plus dur que lui encore quand il saurait la vérité. Déjà, j'avais écourté mon séjour en Italie, car je n'aimais pas ces regards masculins réprobateurs que j'avais pu croiser de manière fugace, parce que je baissais vivement la tête et hâtait le pas à chaque fois pour y échapper. On ne rigole pas avec certaines règles dans le Sud, et encore moins dans les familles Ritales.

Je sentais cette boule dans ma gorge monter, et glissant une main le long de ma gorge, je secouais la tête. Ce n'est pas aujourd'hui que j'écrirai à mon frère. J'allais attendre d'abord d'être auprès de Niallan et ensuite, j'aviserai mon gémellaire.

Je ne savais pas encore que d'ici peu, le destin allait me jouer un sacré tour à sa manière.*



_________________
Alaynna
[Sois tranquille] - Emmanuel Moire -


Quelque part dans le Sud. Entre Nîmes et Marseille. Je chevauche au milieu des autres dans la nuit, et je suis du regard le trajet des étoiles, et la lueur lunaire, là-haut dans le ciel, alors qu'Anna dort sereinement, nichée tout contre ma poitrine et bien abritée de la frâîcheur de la nuit.
Depuis deux jours, je suis silencieuse lors de nos trajets. De temps en temps, je sens le regard de Gabriel qui se pose sur moi. Scrutateur. Et je sais qu'il sait. Le Frère de coeur.
Mais il y a des mots que je ne peux qu'adresser à mon frère de sang. Mon Gémellaire.
Ma moitié. Mon corps perdu.

Le destin. C'est quoi le destin ? Il change bien plus vite que l'on ne pourrait le croire. Il est la clé pour obtenir le rêve d'une vie ou le pire des cauchemars. Espérer que le savoir du monde ne puisse pas être exprimé avec des mots.

Où es tu Julian ? Toi non plus tu ne tiens pas tes promesses. Souviens toi de ce jour où tu m'avais dit que tu serais toujours là pour moi. Toi. Mon corps perdu. Ma moitié. Mon jumeau. Tout comme dans notre prime enfance. Tout comme lorsque nous nous étions retrouvés à Pau.
Je sais qu'en dehors de moi, pour toi, ton humanité n'est dictée que par des contrats, et se définit par l'argent uniquement.

Pourquoi n'arrives-tu pas à vivre sans moi Julian ? Pourquoi es tu porté disparu, sans que je ne sache où te trouver ? Personne ne t'a vu à Pau, je me suis renseignée auprès des rares personnes avec lesquelles j'ai pu garder lien.

Pardon.

Je suis désolée.

Je ne voulais pas ça.

Je ne veux pas que tu disparaisses à cause de moi. Je ne veux pas que tu en veuilles à Anna-Gabriella, elle n'y est pour rien. Et elle aussi elle est de ta chair, puisqu'elle est de la mienne. Tu devais être son parrain toi aussi tu sais. Mais tu n'es pas là. Tu es introuvable. Et je n'ose même pas vouloir m'imaginer que mammà soit venue te chercher. Mais peut-être l'a t'elle fait quand elle a compris que je ne viendrais pas avec elle et que je suis retournée auprès d'Anna-Gabriella.

Tu ne l'aurais pas laissé faire ça Julian ? Dis ? Tu ne l'aurais pas, à son tour, laissé nous séparer ? Tu ne serais pas parti avec elle ?

Dis moi Julian. Fais moi un signe. Est-ce que je dois te chercher ? Est-ce que je dois continuer d'espérer qu'un beau matin, je vais voir ta belle gueule apparaitre devant moi et tes yeux se refléter dans les miens ?

Souviens toi Julian. Notre naissance a été le meilleur à tous les deux. Tu as été le premier homme à qui j'ai donné ma confiance, sans penser, sans hésiter, puisque tu étais mon premier amour. Mon frère, mon jumeau. Avec toi, j'ai vécu, j'ai vu, j'ai senti.
Avec toi j'ai voulu continuer mon chemin. Et dans tes bras que j'ai voulu toujours rester rien que pour sentir la sécurité et l'amour absolu. Celui d'un frère envers sa soeur. Celui d'un même corps. Celui d'un même sang gémellaire.
C'est avec toi que j'ai appris à aimer de tout mon coeur quand nous étions enfant. Et à me sacrifier quand notre père nous a séparés. Je me suis sacrifiée pour toi. Afin de toujours t'avoir à mes côtés le temps venu. Mais tu n'es pas là Julian. Tu étais le responsable de ma joie qui dessinait mon sourire.

Est-ce que je vais retrouver ce frère, cette moitié de moi, ce corps que j'ai de nouveau perdu ?

Julian si tu m'entends. Fais moi un signe là haut dans les étoiles.
Où que tu sois, je veille sur toi mon frère, mon corps perdu.

Ti amo Julian.

_________________
Gyllaume

___________________________________________________



    Après de long mois d’absence, Julian s’était enfin décidé à donner signe de vie.
    A ses deux petites sœurs tout d’abord en prenant de leurs nouvelles par courrier. Puis ce sera au tour de sa moitié à laquelle il rendra une brève visite.

    Quelques semaines plutôt il avait reçu un courrier alors qu’il avait commencé à installer son commerce sur Bordeaux.
    Alaynna allait se marier avec un certain Gabriel, et on sollicitait sa présence.
    Il n’en fallu pas d’avantage pour décider l’italien à fermer boutique et remettre à plus tard les projets et les arnaques en cours. Toutes ces choses matérielles restaient bien superflues à côté.

    Peu importe ce qu’il s’était passé ces derniers mois, les choix de sa moitié qu’il ne soutenait pas et le conflit larvé qu’ils n’avaient jamais réglé.
    Depuis, ils avaient repris chacun leurs chemins, l’italien avait mis ses reproches et ses remords de côté ; et il ne restait qu’à poser les bases d’une relation plus saine entre eux et aux regards des autres. Un lien sans doute différent. Surement moins fusionnel, avec plus de concessions … et de distance.

    Le plus dur restait d’admettre qu’il n’était pas le seul à pouvoir la conseiller, la consoler. Il s’était senti rejeté les mois précédent son départ de Pau. Il n’était pas question pour lui de ressentir à nouveau la même chose. Si l’un ou l’autre s’approchait trop près des flammes alors il lui faudra fuir.
    Il avait d’ailleurs décidé de ne passer que quelques jours sur place, et de faire bonne impression cette fois … enfin il essayera.


      De reconstruire quelques choses.
      De se réjouir de son bonheur.
      De ne pas la toucher.
      De ne pas la ressentir.
      De ne pas effleurer sa peau
      De se mentir
      Sans jamais l’embrasser.


    Il tiendra la distance, même s’il l’adore. Il souffrira en silence. Encore.

    Mais il restait convaincu que la souffrance qu’ils avaient connue continuera. Car jamais ils n’avaient prévus que leurs chemins pourraient se séparer à nouveau.
    Ne pas donner signe de vie, et ne pas répondre aux missives restait la meilleur option pour se cacher à l’un comme à l’autre la vérité.

    Seul la présence de ses deux enfants, aussi agaçants soient-ils pouvait calmer son esprit et l’affranchir des sentiments qui parcouraient son corps.



_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)